UNE FIN DE DISCUSSION MOUVEMENTÉE
M. le président. Ce que vous venez de dire, Monsieur de Gavardie, n’est pas tolérable. Je vous rappelle à l’ordre et je vous invite à respecter les convenances, sinon vous me contraindrez à invoquer les sévérités du règlement. (Le bruit continue.)
M. Pelletan. On insulte à la tribune du Sénat tantôt la Chambre des députés, tantôt le Parlement tout entier. Il n’y a donc plus de règlement ?
M. le président. Messieurs, encore une fois, je vous en prie, n’interrompez pas ! Ce sont vos interruptions qui servent de texte à l’orateur.
C’est moi seul qui suis ici chargé de maintenir le respect de l’ordre et le respect du règlement, et je saurai bien le faire.
J’ai déjà rappelé l’orateur une fois aux convenances ; je l’ai rappelé formellement à l’ordre. Mais, encore une fois, vous ne devez point l’interrompre.
M. de Gavardie. Messieurs, il n’est donc plus permis de parler ? Je demande ce que devient la liberté de la tribune ?
M. le colonel Meinadier. Et l’ensemble de la loi ?
M. le président. Monsieur de Gavardie, parlez sur l’ensemble de la loi.
M. de Gavardie. Monsieur le président, c’est ce que je vais faire ; c’est ce que je fais !
N’est-il donc pas permis de dire qu’on a plus de confiance dans le Gouvernement que dans le Parlement ? Qu’est-ce qu’il y a d’injurieux à cela !
M. le colonel Meinadier. Oh ! cela nous est bien égal.
M. de Gavardie. Et c’est tellement vrai, que j’ai voulu lire le recueil des voeux des conseils généraux... (A la question ! à gauche et au centre.) Mais je suis dans la question !
M. le président. Je demande le silence, messieurs ; c’est le seul moyen d’engager l’orateur à se maintenir dans la question. S’il s’en écarte, je saurai l’y rappeler. J’en suis le juge, et le seul juge.
Parlez, Monsieur de Gavardie, sur l’ensemble de la loi.
M. de Gavardie. J’ai consulté, sur l’ensemble de la loi, les voeux des conseils généraux, et je n’ai pas trouvé - je défie personne ici d’apporter la preuve du contraire - je n’ai pas trouvé une seule délibération demandant des modifications à la loi municipale actuelle.
N’est-ce donc rien, cela ? Mais cela détruit immédiatement tous les fondements de votre loi ! Et pourquoi le Gouvernement n’en a-t-il pas pris l’initiative ? Parce qu’il connaissait le véritable état de l’opinion publique et qu’il savait se placer au-dessus de ces coteries dont je parlais, ou de ces sentiments particuliers auxquels je faisais allusion. Il savait que la véritable opinion publique ne réclamait nullement ces modifications.
Mais messieurs, quand des lois ont passé dans les moeurs, quand elles ont passé dans les habitudes administratives, quand toutes les administrations se sont pénétrées de ces lois anciennes, qu’elles fonctionnent admirablement, ne voyez-vous donc pas le trouble profond que des innovations téméraires, inutiles ou dangereuses peuvent porter dans l’administration générale du pays ? Tenez, un homme... (A la question ! - Aux voix !)...un homme qui est des vôtres, qui a une expérience administrative, un ancien préfet, - je puis bien le nommer sans indiscrétion, il ne m’a pas demandé le secret...
M. Bérenger. Non, ne le nommez pas !
M. de Gavardie. ...car chacun peut bien émettre des opinions de cette nature, l’honorable M. Tenaille-Saligny disait à qui voulait l’entendre que cette loi allait jeter la perturbation dans le fonctionnement des affaires administratives de la France.
Vous voyez donc bien, messieurs, que votre loi ne repose pas sur les fondements que doit avoir toute loi, je veux dire les voeux de la véritable opinion publique.
Maintenant, il faut bien que j’examine les dispositions étranges que vous avez votées...
Vous comprenez, messieurs, que vous m’imposez un terrible fardeau. (exclamations à gauche.)
M. Emile Lenoël. C’est bien réciproque.