De nombreuses découvertes

Les squelettes du puits "H"

L’étude, en 1963, par le chercheur André HÖGSTRÖM, du puits « H », à proximité du decumanus dit « de l’École des Mines » a permis la découverte de deux squelettes humains (un sujet masculin, âgé d’environ 45 à 50 ans, et un sujet féminin de 17 ans environ, entravé), témoignant vraisemblablement d’une immolation rituelle. Ces squelettes, datés entre 100 et 150 avant notre ère, pourraient constituer dans cette hypothèse les deux plus anciens squelettes retrouvés à Paris et apporter une preuve des sacrifices humains pratiqués à l’époque proto-historique.

D’une profondeur de 2,70 m, le puits était pavé ; son fond était recouvert de cendres grises, qui recouvraient également les corps. Une couche de pierres avait enfin été disposée par-dessus les squelettes. Cette découverte peut être rapprochée de la mise au jour, relatée en 1862, dans un autre puits à proximité, de deux squelettes, une femme et un enfant, non datés, dans du sablon vierge : ces restes humains n’ont semble-t-il pas été conservés.

Dans le puits H, le sujet masculin était couché en position fœtale ; le sujet féminin, couché sur le côté, tête bèche par rapport au sujet masculin et lui tournant le dos, avait les mains attachées dans le dos. Ce dernier élément laisse supposer que l’adolescente aurait été immolée auprès du sujet masculin.

Enfin la chercheuse E. GENET-VARCIN a relevé la stature importante des deux sujets (le squelette masculin mesurait 1,80 m) ; leur étude anthropologique mettrait ainsi en évidence le « type cro-magnien nordique » des deux squelettes, corroborant la thèse de la présence, à l’âge du fer, d’une population germaine, d’origine belge, sur le site.

En mai 1963, le contenu de la sépulture a participé à une exposition organisée par le Touring club de France sur les puits funéraires parisiens et la céramique sigillée gabale.

En juillet 1963, le Conseil de Questure du Sénat décida la construction d’un édifice vitré, à l’emplacement même de la découverte, permettant la conservation du puits et l’exposition sur site des squelettes et du contenu de la sépulture, afin de rendre publiques, pour l’ensemble des visiteurs du Jardin du Luxembourg, les trouvailles du puits H. Les crédits nécessaires seraient pour partie apportés par le Sénat, et pour partie par la Commission municipale du Vieux Paris.

Les événements qui se sont ensuivis ont empêché l’aboutissement de ce projet :

  • En août 1965, le chef de brigade COLLIN rapporta au Directeur général de la Questure du Sénat que le crâne du sujet masculin avait été volé et celui du sujet féminin, réduit en miettes, sur le lieu de la fouille, malgré une palissade de deux mètres.
  • En 1966, un changement de direction à la tête de la Commission municipale du Vieux Paris priva définitivement le projet de financement. 
  • Le 28 octobre de la même année, le chercheur André HÖGSTRÖM informa le Sénat qu’il avait de lui-même emporté les squelettes, vraisemblablement nuitamment, et sans aucune autorisation du Sénat.

À l’occasion d’un inventaire récent, les squelettes ont été retrouvés dans le fond conservé par le DHAAP et sont répertoriés sur la notice du 2W rue de Médicis dans la carte interactive. Ils reposent ensemble dans le carton 345/48/377.
 

Les squelettes du puits "H"
Plan du projet de l'édifice pour mettre en avant les trouvailles
Conservation des ossements © DHAAP

Le "Gaulois du Sénat"

Boucle de ceinturon du Gaulois

La fouille d’un puits, conduite en 1973-1974 sous la direction de Michel FLEURY à l’occasion d’un chantier sous le Palais du Luxembourg, a permis la découverte d’un squelette humain, longtemps daté comme d’époque augustéenne, mais qui, suite à l’étude qui lui a été consacrée par l’archéologue Matthieu POUX, s’avère remonter entre 60 et 30 avant Jésus-Christ – donc potentiellement contemporain de la Guerre des Gaules.

Ce squelette était équipé de vêtements et d’éléments de panoplie guerrière mais il était désarmé , et entouré de plus de quatre-vingt kilos de tessons d’amphores à vin, représentant un volume de plusieurs hectolitres. Cet ensemble particulièrement original fait l’objet d’une notoriété importante dans les milieux archéologiques. En effet, l’individu portait à la fois des éléments vestimentaires typiquement gaulois (fourreau d’épée, fibule…), mais également une boucle de ceinturon, identifiée comme caractéristique des officiers de l’armée romaine, ainsi que des caligae (sandales) typiquement militaires, comme l’atteste le petit clou retrouvé à proximité du corps.


Ces éléments ont conduit l’archéologue Matthieu POUX à émettre l’hypothèse que le « Gaulois du Sénat » faisait partie des galates (auxiliaires gaulois employés au service de l’armée romaine, avec un statut quasi mercenaire) décrits par Jules CÉSAR, et qu’il s’agissait vraisemblablement d’un « membre de l’aristocratie gauloise, une caste de guerriers en tous cas aisés », comme l’atteste son armement caractéristique des cavaliers.

Autres pièces remarquables

Mosaïque bicolore

Mosaïque bicolore

Une remarquable mosaïque bicolore fut découverte en 1985 au sein de l’ensemble balnéaire d’une luxueuse villa, lors des travaux d’extension du parc de stationnement souterrain, à proximité du grand bassin du Jardin du Luxembourg.

La mosaïque représente une bordure d’arcades noires sur fond blanc. Un motif semblable a été répertorié sur quelques sites en Gaule, en Italie et au Maroc.

Cependant, à Lutèce, les décors en mosaïque sont exceptionnels et ce fragment est ainsi une pièce d’une particulière rareté.
Le montage de l’exposition permanente du Sénat a été l’occasion de la restaurer.

Intaille

Une intaille est un petit chaton de bague gravé en creux.

Cette intaille (IIème-Ier siècle avant notre ère), trouvée en 1985 au cours de travaux dans le périmètre du Palais, représente un épisode de la guerre de Troie (qui opposa les Grecs aux Troyens après l’enlèvement par PÂRIS, prince troyen, d’HÉLÈNE, la femme du roi de Sparte, MÉNÉLAS). Elle témoigne de l’imprégnation de la mythologie gréco-romaine dans la Lutèce gallo-romaine.

D’après l’Illiade, après qu’elle eut tué accidentellement PALLAS, sa compagne de jeu, ATHÉNA façonna cette statuette, le Palladium, qu’elle plaça aux côtés de ZEUS. Un jour, dans un mouvement de colère, ZEUS jeta l’effigie du haut du ciel ; ILOS, fondateur de Troie (Ilion), la trouva et la rapporta à Troie : le Palladium, dès lors, conféra l’inexpugnabilité à la cité jusqu’à ce qu’il soit dérobé aux Troyens par DIOMÈDE et ULYSSE.

La ville de Troie était protégée par une petite statuette en bois, le palladium, à l’effigie d’ATHÉNA. DIOMÈDE, roi d’Argos, aidé d’ULYSSE, roi d’Ithaque, entreprit de voler cette statuette. Sur l’intaille on voit DIOMÈDE qui s’élance, tenant à bout de bras la statuette dont on reconnaît le casque, la lance et le bouclier.

L’agate provient d’Inde ou d’Europe centrale, la fabrication pourrait être italique.

Intaille
Restitution de l'intaille, dessin de Florence André © CHTS

Manche de couteau pliant en ivoire

Manche de couteau en ivoire

IIème-IIIème siècle. Ce très beau manche de couteau a été découvert dans un puits de la Cour d’Honneur du Palais du Luxembourg en 1973. On reconnaît, au dos, la fente permettant d’accueillir la lame lors de son repli. Taillé dans de l’ivoire d’éléphant, il a sans doute été importé de l’un des grands centres de production qu’étaient Alexandrie et Rome.

Le motif, particulièrement complexe, est d’inspiration orientale. Son originalité réside dans la double représentation animalière sculptée sur toute la hauteur du manche.


La première montre un éléphant. On reconnait la tête bombée, les yeux, la trompe et ses nombreux plis, ainsi que les défenses du pachyderme dont les extrémités rejoignent celle de sa trompe recourbée : Cet artifice permettait d’assurer une meilleure solidité aux défenses.


Le second animal représenté possède une tête arrondie et un museau court. Il a la gueule ouverte. Ses oreilles sont dressées vers l’arrière. Il porte sur les joues des touffes de poils hérissés, plus marqués sur son côté droit que sur le gauche. Il en est de même pour les oreilles, plus pointues d’un côté que de l’autre. Son corps ventru correspond à la tête de l’éléphant, ses pattes sont matérialisées par la trompe, et ses pieds, par l’extrémité de cette dernière. Cette sculpture pourrait être un animal fantastique, un griffon, ou encore une lionne.

Buste de "Risus"

Buste de "Risus"

IIe siècle. Découvert en 1962 près de l'École des Mines. Témoignage de l’omniprésence de la religion dans la vie quotidienne, ces petites statuettes sont placées dans des autels au sein des habitations. Elles font l’objet de dévotions quotidiennes et reçoivent des offrandes et prières pour la sauvegarde des habitants et de leurs biens.

Pichet d'époque moderne

Pichet à décor avec inscriptions

Fin du XVIe - début du XVIIe siècle. Les fouilles conduites dans le Jardin ont également permis d’exhumer d’intéressants vestiges d’époque moderne.

Ce très beau pichet utilise la technique du sgraffito : On peut y lire la formule « sans (ou sang) i pencer », soit en français d’aujourd’hui « sans y penser ». Une incitation à boire sans tenir compte des conséquences ? Ou une allusion à la métaphore qui fait du vin le sang de la terre ? Produit dans le Beauvaisis, ce vase a peut-être appartenu à Marie de MÉDICIS, la reine ayant occupé brièvement son palais entre 1625 et 1631.

Le sgraffito est très une technique, très en vogue à la Renaissance, consistant à graver la surface de motifs, laissant ainsi apparaître la couleur sous-jacente.

Médaillons d'application érotiques

Les scènes représentées ici rappellent celles figurant sur les spintriaie (jetons de lupanar romains).
D’autres représentations sont volontiers zoophiles (mettant en scène un équidé, ce qui n’est pas sans évoquer un épisode de l’Ane d’Or d’APULÉE).

À l’origine, les médaillons d’applique, spécialité de la Vallée du Rhône, étaient des décors moulés, en terre ou en bronze, appliqués sur la paroi de vases. Ils ont ensuite été soigneusement découpés et collectionnés.

Les spintriae présentaient au recto une scène érotique et au verso un nombre de I à XVI, et étaient vraisemblablement utilisées pour le paiement des prestations sexuelles. Le nombre pouvait représenter soit le prix, soit un numéro de chambre.

Lot de lampes à huile

Côtoyant de la vaisselle domestique somme toute assez ordinaire, cet étonnant lot a été mis au jour : il s’agit très vraisemblablement d’un même modèle de lampes, circulaires et sans anse, dont la production s’est étendue des années 40 de notre ère jusqu’au début du IIe siècle.

Plus que les lampes elles-mêmes, c’est la quantité de spécimens retrouvés sur le site du Jardin du Luxembourg qui est étonnante, alors que cet objet était considéré comme très rare sur les sites parisiens : jusqu’alors, moins d’une dizaine d’exemplaires avaient été répertoriés à Paris.

À gauche, on reconnaît quatre fragments de lampes à huile gallo-romaines trouvés pendant la campagne de surveillance de 2018. À droite, un exemplaire complet de lampe à huile gallo-romaine identique au modèle retrouvé au Jardin du Luxembourg.

Lampe à huile © INRAP/MALHAC

Des trésors de monnaies

Le Jardin du Luxembourg a recélé un nombre important de monnaies gauloises et romaines. Elles attestent des échanges entre cités. Les monnaies gauloises ont continué à circuler après la conquête de CESAR et jusqu’au Ie siècle de notre ère.

Ainsi, dans une notice de Claude-Madeleine GRIVAUD de la VINCELLE concernant des travaux réalisés en 1807 au sein du Jardin du Luxembourg, il est fait état d’un « bloc considérable » de monnaies agglomérées par l’oxydation dont 12 quinaires en argent de Togirix.

Trois planches de l’ouvrage de C.-M. GRIVAUD de la VINCELLE répertorient des découvertes monétaires réalisées à la même époque :

Extraits de l’ouvrage Antiquités gauloises et romaines recueillies dans les jardins du palais du Sénat, Claude-Madeleine GRIVAUD de la VINCELLE, 1807, Source : Gallica.BnF.fr/Bibliothèque nationale de France

En 1838 a été découverte par Alphonse de GISORS, lors de la construction de l’Orangerie du Sénat, une cachette, recouverte d’une feuille d’argent, contenant 700 monnaies de bronze ainsi que 200 deniers et antoniniens d’argent. La trace de ce trésor a cependant été perdue.

En 1860 c’est un trésor de 1 600 pièces d’or, pour la plupart à l’effigie de NERON, qui est mis au jour à l’angle du boulevard Saint-Michel et de la rue de Médicis. L’essentiel, raconte Théodore VACQUER, fut partagé entre ouvriers et charretiers, le reste fut vendu à des antiquaires ou fondu.

En 1867, Théodore VACQUER mit au jour, à l’occasion de travaux de nivellement de la terrasse contigüe au boulevard Saint-Michel, en même temps que la figurine de MERCURE actuellement conservée au Musée Carnavalet, un autre trésor monétaire composé de 66 monnaies de bronze.

Photos © Archives du Sénat (1M 501, 1M 909 et 1M 527)

  • Les quatre premières monnaies figurent sur les planches de l’ouvrage de Claude-Madeleine GRIVAUD de la VINCELLE.
  • Le bronze découvert en 2002 lors d'un chantier conduit par le Sénat, monnaie en bronze de Claude Ier, Ier siècle de notre ère. Photo © Pascal SAUSSEREAU, DHAAP
  • Les vitrines exposent également deux monnaies gauloises, moins reconnaissables (dernière image) :  Potin émis par le peuple des Parisii (chef-lieu : Lutèce), bronze frappé émis par le peuple des Meldes (chef-lieu : Meaux). Photo © Sénat

L'art de la table

Le domaine de la vie quotidienne le mieux documenté par les fouilles archéologiques est celui du repas. Ustensiles de cuisine, vaisselle de présentation et restes alimentaires sont retrouvés en grand nombre et présentent une variété de matières, de formes et de provenances remarquable. Ils renseignent sur les pratiques culinaires et les manières de table, mélanges de traditions celtiques et de culture romaine. On y faisait (déjà) bonne chère !

La batterie de cuisine, principalement en céramique, est variée et parfaitement adaptée pour préparer les mets, les faire bouillir, frire ou encore rôtir.

Sous l’influence romaine, la table est colorée et raffinée .Les potiers apposaient volontiers leur marque pour « signer » leurs ouvrages.

La vaisselle rouge sert à présenter les aliments solides ou les sauces. L’ouvrage de Claude-Madeleine GRIVAUD de la VINCELLE recense un nombre important de pièces de vaisselle rouge très travaillées. Elles sont décorées de scènes mythologiques, de chasse, ou encore de motifs végétaux ou géométriques…

Cruches, pots et jattes

Cruches, pots et jattes

Cruches

Bol tripode

Cruche céramique

Modèles en terre

L’ouvrage de Claude-Madeleine GRIVAUD de la VINCELLE atteste la présence de plusieurs autres modèles en terre commune sur le site. En revanche, la vaisselle en métal n’est pas attestée. La verrerie est quant à elle rare.

Ce fragment de verre (Ie siècle de notre ère) appartenait à un gobelet soufflé dans un moule. Il représente une course de chars dont on distingue deux quadriges séparés par un monument qui ornait la scène de l’amphithéâtre. Au-dessus est inscrit le nom des athlètes. Ce type de gobelets, assez rare, reflète le goût grandissant de Rome et des provinces de l’Empire pour les spectacles.

Fragment de verre et sa restitution
(JPG - 283 Ko)
Cuillères en os
Dessins de cuillères © BNF

L’usage de la fourchette n’est pas connu, mais on utilise parfois des cuillères (souvent en os) et très occasionnellement des couteaux. Les cuillères (IIe siècle de notre ère) étaient utilisées pour les œufs, les escargots et les coquillages. Elles ont été creusées dans l’os jusqu’à en devenir translucides. L’ouvrage de Claude-Madeleine GRIVAUD de la VINCELLE fait état d’autres couverts, en divers matériaux (ivoire, bronze argenté, argent doré…).
 

Retrouvés le plus souvent en tant que déchets au fond des puits, les restes alimentaires témoignent d’une nourriture variée et de qualité, produite sur place ou importée. Ainsi, les habitants de ce quartier consommaient :

  • de la viande d’animaux domestiques (porc, mouton, bœuf) ;
  • d’animaux de basse-cour (coq, oie, canard, pigeon, sarcelle) ;
  • ou d’animaux sauvages (lièvre, cerf) ;
  • des poissons (brochet, perche dentaire) ;
  • des coquillages (huîtres, moules) ;
  • des légumineuses (pois, lentilles, féveroles) ;
  • des légumes (melon ou concombre gourde calebasse) ;
  • des fruits (figue, mûre, raisin, prune, pomme, cerise) ;
  • du miel ;
  • du vin d’Italie ou du sud de la Gaule ;
  • et de l’huile d’olive d’Espagne.

Les huîtres plates, de type belon, retrouvées en grand nombre, provenaient des côtes normandes. Elles étaient transportées par voie fluviale ou terrestre. Récoltées en hiver et bien conditionnées, elles arrivaient fraîches à Lutèce et pouvaient être consommées crues ou cuites, parfois accompagnées de sauce.

Restes alimentaires