Allocution de M. le Président du Sénat

M. le président. - Nous voici arrivés dans la dernière ligne droite de la soixante-huitième session extraordinaire, la première de cette treizième législature. Au terme de cette période riche et enlevée, nous pouvons être légitimement fiers de la manière dont notre Assemblée a réagi aux événements avec les vertus qu'elle puise dans sa continuité et dans son travail (Très bien ! à droite). Qu'on en juge : pour la troisième fois depuis 1958, le Premier ministre est issu de nos rangs. Trois de nos collègues ont également été appelés à siéger au banc du gouvernement, M. Karoutchi, (Vifs applaudissements sur les bancs de l'UMP) Mme Létard (nouveaux applaudissements à droite et au centre) et M. Bockel...

M. Éric Doligé. - La gauche n'applaudit pas ? (M. de Broissia le confirme)

M. le président. - Je ne résiste pas au plaisir de rappeler que le Gouvernement compte également parmi ses secrétaires d'Etat une de nos jeunes administratrices, Mme Rama Yade, que nous avions eu raison de choisir en son temps ! (Applaudissements à droite et au centre) Deux anciens sénateurs, MM. Darcos et Barnier siègent aussi au gouvernement..

Malgré les consultations électorales du printemps, le Sénat a pleinement joué son rôle particulier au sein du Parlement : entre la fin de nos travaux en séance publique en février et le 19 juin, dernier jour de la précédente législature, tous les projets de loi, soit au total trente-sept textes, ont été déposés chez nous.

Dès l'élection de la nouvelle Assemblée nationale, j'ai rappelé au président Accoyer que trente-trois propositions de loi adoptées par le Sénat restaient à examiner par les députés.

Voix à droite - Au boulot ! (Sourires)

M. le président. - En se réunissant dès le premier jour de la nouvelle législature, la Conférence des Présidents nous a permis de siéger pendant que l'Assemblée nationale élisait son bureau et constituait ses commissions. Et le tout premier projet de loi de cette treizième législature, déposé au Sénat et examiné le 27 juin, visait précisément à accroître les pouvoirs du Parlement en créant une délégation parlementaire au renseignement.

Nous nous sommes prononcés, en vertu de l'article 49 alinéa 4 de la Constitution, pour la quinzième fois depuis le début de la Ve République, sur une déclaration de politique générale du Gouvernement spécifique au Sénat suivie d'un vote. Puis nous avons eu deux débats déterminants pour le suivi de l'action du Gouvernement : le 4 juillet sur les résultats du Conseil européen des 21 et 22 juin, et le 24 juillet dernier, le débat d'orientation budgétaire.

Sur les sept projets de loi hors conventions internationales inscrits à l'ordre du jour de nos travaux pour cette session extraordinaire, cinq ont d'abord été déposés sur le bureau du Sénat.

M. Jacques Valade. - Très bien !

M. le président. - Mais cette session extraordinaire n'aura pas seulement été consacrée à la traduction législative des réformes annoncées par le chef de l'Etat : notre programme de travail porte la marque de notre action tenace, patiente et continue en matière de contrôle.

L'interruption de la session, de février à juin, nous avait rappelé que les commissions, délégations et offices sont le lieu naturel de cet aspect essentiel du travail parlementaire, où s'exprime dans toute sa plénitude le nécessaire dialogue entre majorité et opposition qui constitue en quelque sorte la spécificité de notre Assemblée. Le contrôle de l'action du gouvernement est bien la seconde nature de notre Sénat.

Nos commissions, délégations et offices ont alors tenu quelque soixante dix-sept réunions, pour une durée globale d'environ 180 heures, et elles ont procédé à plus de cent auditions. Qui dit mieux ?

Sur plusieurs bancs - Personne !

M. le président. - Ces travaux alimentent aussi nos discussions législatives. Les récents débats européens confirment la nécessaire complémentarité entre la séance plénière et les travaux des commissions.

Le 6 mars et le 20 juin, la Délégation pour l'Union européenne a organisé deux réunions qui, dans l'esprit de la séance publique, ont permis que se tiennent deux débats préalables aux Conseils européens de mars et de juin. Sans cette initiative, aucun débat de ce type n'aurait eu lieu pendant la présidence allemande. Le Sénat a pu ainsi marquer sa présence dans le concert européen, avant le débat qui s'est tenu, en séance publique, le 4 juillet, pour tirer les conséquences du Conseil européen.

Autre illustration, elle aussi très éclairante, de cette complémentarité entre le « petit hémicycle » des salles Clemenceau ou Médicis et cette salle des séances publiques : l'examen du projet de loi de règlement a donné lieu à neuf auditions ministérielles organisées par la commission des finances élargie, et deux débats organisés en séance publique.

Fort de ces précédents réussis, il nous appartient de trouver, de manière pragmatique, le meilleur équilibre possible entre la spontanéité des travaux en commission et la solennité de la séance publique.

En cette fin de session extraordinaire, je crois que nous avons tous exercé la plénitude de notre mandat dans un esprit de compréhension mutuelle face à un Gouvernement qui nous a imposé des délais sans doute trop brefs. Mais, dans les circonstances politiques d'un début de législature, pouvait-il en être autrement ?

M. Bernard Frimat. - Oui !

M. le président. - Se retrouver en première ligne de l'élaboration de réformes qui engagent l'avenir de la France impose aussi au Sénat des devoirs supplémentaires. Etre saisis en premiers de réformes essentielles nous place au coeur de l'actualité, sous les feux des médias.

M. Charles Pasqua. - Absolument !

M. le président. - Raison de plus de veiller à une présence soutenue dans l'hémicycle (Mouvements divers) car, si les heures que nous y passons représentent qu'une petite partie de notre travail collectif, elles en sont la partie la plus visible et comme la vitrine. N'oublions pas que chacun d'entre nous est comptable de l'image que nous donnons de notre institution. (Applaudissement sur les bancs de l'UMP)

A l'heure où s'engage une nouvelle réflexion sur la modernisation de la vie publique, nous avons démontré le rôle essentiel du Sénat dans l'équilibre de nos institutions, pour peu que nous restions fidèles à cette identité sénatoriale qui est le meilleur gage de la qualité de nos travaux. Le Sénat est là pour veiller à ce que la loi soit bien faite, comme le recommandait Jules Ferry...

M. Henri de Raincourt. - Il était des Vosges. (Sourires)

M. le président. - Le bicamérisme à la française a fait ses preuves. C'est dans la rénovation du travail parlementaire et dans l'amélioration du fonctionnement interne des assemblées que nous trouverons les meilleures bases du rééquilibrage souhaité de nos institutions.

Assemblée parlementaire à part entière...

Voix à droite- Jusques à quand ?

M. le président. - Le Sénat a déjà démontré sa capacité à s'auto-réformer - une qualité qui n'est pas si fréquente...

La réduction de la durée du mandat des sénateurs ou la large place faite au de scrutin proportionnel ont déjà illustré notre souci permanent d'adaptation aux préoccupations de nos concitoyens. Nous avons aussi, je crois, été les premiers à réfléchir sur la modernisation du travail parlementaire. Notre Conférence des Présidents s'est ainsi régulièrement réunie à mon initiative, depuis le début de l'année 2006, pour faire évoluer les conditions du travail sénatorial, dans le dialogue et le respect des sensibilités de chacun. Ainsi, une nouvelle fois, nous serons prêts.

En attendant, une session extraordinaire peut en cacher une autre ! Il semble que nous soyons appelés à nous retrouver dès la mi-septembre, pour aborder l'examen de nouvelles réformes. Pour l'heure, je vous invite à prendre, ainsi que nos personnels -auxquels je tiens à rendre hommage pour leurs compétences et leur disponibilité (applaudissements)- un repos bien mérité, après tant d'évènements politiques et une session extraordinaire bien remplie. Mes chers collègues, bon mois d'août ! (Applaudissements à droite, au centre et sur de nombreux bancs à gauche).

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement. - Au nom du gouvernement, je veux remercier le Sénat pour la qualité du travail accompli depuis un peu plus d'un mois. Ici, dans un débat démocratique, un grand nombre de textes ont été adoptés. Il est vrai que -session extraordinaire oblige- les délais ont parfois été un peu courts et je remercie les présidents de commission et les rapporteurs de les avoir acceptés. Quel travail considérable accompli en cinq semaines ! Délégation au renseignement, débat sur l'Europe, loi de règlement, débat d'orientation budgétaire, textes sur la récidive, sur les universités, sur le service minimum, sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat ....

M. Jean-Pierre Sueur. - Et sur l'injustice sociale !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. - ...texte, enfin, sur le Contrôleur général des prisons. Sur tous ces sujets, nous avons eu des débats de fond où majorité et opposition ont pu s'exprimer, dans le respect des uns et des autres, avant que le vote ne tranche. C'est la démocratie et c'est très bien ainsi.

Nous allons effectivement avoir une autre session extraordinaire à partir du 18 septembre : textes relatifs à l'immigration, à la contrefaçon, à la Convention de Londres sur les brevets, retour du projet de loi sur la Délégation aux renseignements et, peut-être, deuxième lecture du texte sur le Contrôleur général des prisons.

Le gouvernement remercie le Sénat dans toutes ses composantes pour la qualité et l'ampleur du travail qu'il a accompli et qui donne une très bonne image du Parlement. (Applaudissements à droite et au centre, ainsi que sur plusieurs bancs socialistes).

M. le président. - Merci de ces compliments auxquels nous sommes très sensibles.