Sécurité des manèges

M. le Président. - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi relative à la sécurité des manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction.

Discussion générale

M. Pierre Hérisson, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - (Applaudissements à droite) Cette proposition de loi est un texte attendu depuis longtemps. Enfin ! Enfin, nous allons nous intéresser à un domaine longtemps ignoré par le législateur : les manèges des fêtes foraines et des parcs de loisirs. Ces activités ont pris une place grandissante dans notre société, jusqu'à devenir une industrie. En témoigne le succès des parcs thématiques et des fêtes foraines traditionnelles organisées dans nos communes. Chaque année, près de cent millions de personnes montent dans un manège. Ces manèges ont considérablement changé ces dernières années : toujours plus haut, toujours plus vite, pour des clients amateurs de sensations toujours plus fortes. Cela crée des accidents toujours plus graves, dont le dernier en date à la fête des Loges où un père et son fils ont trouvé la mort dans un booster.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, aucune réglementation spécifique n'encadre la fabrication et l'exploitation des attractions foraines ! Et cela parce que, historiquement, la fête foraine a été un espace de liberté. Les forains ont ainsi développé une grande autonomie dans l'organisation de leur activité. Les pouvoirs publics ont certes réinvesti cet espace, en matière d'ordre public ou de contrôle sanitaire, mais la sécurité des machines elles-mêmes a été négligée. La réglementation française est minimale. Un protocole a bien été signé en 1983 par les syndicats de forains et certains bureaux de contrôle technique à l'initiative du ministère de l'intérieur, mais il est désormais obsolète. L'article L221-1 du code de la consommation impose certes une obligation générale de sécurité des produits, mais la DGCCRF n'a pas les moyens techniques de contrôler des manèges. Le code général des collectivités territoriales donne au maire des pouvoirs de police en matière de grands rassemblements, de foires ou de jeux, mais les élus des petites communes n'ont pas les moyens de contrôler la sécurité des attractions et se limitent à un simple contrôle documentaire. La réglementation européenne, encore embryonnaire, repose sur une norme de 2004 que la France a mis trois ans à intégrer. Au final, le système actuel de contrôle de la sécurité des attractions repose sur les forains eux-mêmes.

Bien avant le drame de la fête des Loges, l'Association des maires de France réfléchissait à des dispositions législatives et réglementaires. Son groupe « fête foraine », que j'ai l'honneur de présider, a mené une importante concertation avec les forains, qui a abouti à la signature, le 17 août dernier, d'une convention signée par les professionnels, les organismes de contrôle, les maires et les ministres concernés. C'était une avancée considérable : les exploitants ont accepté le principe d'un contrôle technique périodique selon le type d'attraction et son niveau de sensation. Mais ces engagements ne valent que ceux qui y consentent ; il fallait donc une loi qui définisse des obligations pour l'ensemble de la profession. C'est l'objet de cette proposition, qui donnera une assise législative à la convention du 17 août 2007.

Ce texte novateur crée une obligation générale de sécurité pour l'ensemble des attractions en France. Manèges, machines, installations pour fêtes foraines ou pour parcs d'attraction, devront être conçus, construits, installés et exploités sans porter atteinte à la santé des personnes. Dans la mesure où certains manèges sont aujourd'hui exploités hors des fêtes foraines et des parcs de loisirs, j'ai proposé à la commission des affaires économiques d'élargir le champ d'application de ma proposition initiale afin qu'elle englobe ces machines, installées le plus souvent sur les parkings des centres commerciaux ou sur les places de village.

Ce texte crée ensuite une obligation de contrôle technique initial et périodique. Il s'agit là d'une avancée considérable. Ce n'est pas la seule puisque ces contrôles, à la charge des exploitants, devront être effectués par des organismes agréés par l'État, indépendants économiquement et juridiquement des exploitants.

Voilà le cadre général fixé par la proposition que vous soumet la commission des affaires économiques. Ce cadre sera complété par un décret en Conseil d'État et deux arrêtés. La commission des affaires économiques souhaite que ce nouveau dispositif entre en vigueur dès janvier 2008. Je conclurai en indiquant que la commission des affaires économiques s'est prononcée à l'unanimité en faveur de cette proposition de loi. J'espère vous avoir convaincus de l'importance de ce texte : nous faisons un grand pas dans l'organisation de l'espace des fêtes foraines et des parcs d'attractions, dans l'intérêt de tous : les utilisateurs avant tout, mais aussi les exploitants eux-mêmes et, bien sûr, les élus locaux. (Applaudissements au centre et à droite)

La norme Afnor est à votre disposition. (On s'en félicite)

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.  - Je tiens à remercier le sénateur Hérisson pour la pertinence de sa proposition de loi, qui concrétise un remarquable travail de concertation avec les professionnels et l'Association des maires de France.

Je souhaite tout d'abord saluer la mémoire de Claudine Ségelle, fonctionnaire de grand talent qui a disparu accidentellement le 31 août dernier. Sous-directrice à la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, elle avait pris en main le dossier sur la sécurité des manèges. Elle n'avait pas compté son temps, apportant son dynamisme, sa clarté de vue et son efficacité pour assurer le suivi de ce dossier et contribuer à la préparation du texte qui vous est soumis aujourd'hui, en pleine collaboration avec les services du ministère de l'intérieur, l'Association des maires de France et les exploitants forains. J'ai travaillé avec elle et, comme M. Hérisson, j'ai pu apprécier son engagement au service de l'État et de la sécurité. C'est une fonctionnaire de très grande qualité que nous avons perdue et je souhaitais honorer sa mémoire.

La sécurité des personnes est une préoccupation majeure du Gouvernement, et le dramatique accident survenu le 4 août 2007 à la fête des Loges, qui venait après divers accidents de manège ayant entraîné des blessures, a remis sur la scène publique un vide juridique qu'il est nécessaire de combler.

Depuis plusieurs mois, les forains, les maires et l'administration travaillaient de concert à l'élaboration de textes précisant les modalités et la périodicité du contrôle technique des manèges forains, en tenant compte de l'évolution du matériel et de la nécessaire indépendance des organismes chargés du contrôle technique. Les réflexions étaient déjà très engagées quand l'accident du 4 août 2007 a amené l'ensemble des acteurs à marquer rapidement une évolution pour améliorer la sécurité des manèges, sous la forme de la convention du 17 août 2007, qui préfigure l'architecture de l'encadrement législatif et réglementaire que nous souhaitons mettre en place.

Il convient de définir les responsabilités et les obligations. Or il faut procéder par la voie législative puisqu'un contrôle technique est créé, dont le non-respect entraînerait une interdiction d'installation, ce qui constitue une restriction à la liberté du commerce et de l'industrie.

La proposition a été élaborée en concertation avec les professionnels, les maires, l'administration et le Gouvernement. Il s'agit d'assurer la sécurité des personnes. L'article 1er transpose aux biens itinérants l'article L0221.1 du code de la consommation qui vise la sécurité des produits et services. L'article 2 impose pour tout matériel un contrôle technique initial puis renouvelé régulièrement par un organisme agréé. L'article 3 renvoie à un décret en Conseil d'Etat. Le dispositif s'inspire du contrôle technique sur les véhicules. J'ajoute que les mesures législatives seront complétées par un décret et des arrêtés d'application sur lesquels l'administration travaille déjà.

Ce texte va dans le sens de l'action menée par le Gouvernement pour améliorer la sécurité des consommateurs ; désormais l'activité dans les fêtes foraines et parcs d'attraction s'exercera dans de meilleures conditions. (Applaudissements à droite et au centre).

M. Jean-Marc Pastor. - Fête foraine de Lille, parc de loisirs Nigloland dans l'Aube, fête foraine de Creil, fête du parc Saint-Paul, parc Astérix, fête des Loges... Combien de lieux de fête et de loisir ont connu des accidents parfois dramatiques comme celui du 4 août dernier !

Cette actualité motive la présente proposition de loi et je salue le travail de notre collègue pour donner une base légale à la réglementation sur la sécurité des manèges. Il n'existait jusqu'à l'été dernier qu'un protocole d'accord, datant de 1984. Le dispositif encadrant l'activité d'exploitant de manège ne reposait ni sur une réglementation ni sur une norme. Une exception en Europe !

La Commission de sécurité des consommateurs, à la fin de l'année 2006, soulignait l'absence d'information exhaustive sur les accidents survenus dans des fêtes foraines ou des parcs de loisirs. Seules des données ponctuelles sont disponibles, émanant des parcs de loisirs, des hôpitaux, de l'Institut national de veille sanitaire. On a ainsi recensé une centaine d'accidents par an depuis 1992, chiffre en hausse -mais qui diminue relativement au nombre de visiteurs. Les pouvoirs publics ne pourraien-ils créer une surveillance statistique spécifique, en prescrivant des déclarations ? Je conçois la difficulté méthodologique mais une telle collecte est indispensable pour apprécier la nature et la gravité des accidents, leurs causes -défaillances techniques dramatiques en raison de la vitesse ou de la hauteur accrues des structures, comportement des clients... Les données actuelles recensent l'erreur humaine, le plus souvent un défaut de prudence des passagers, et la défaillance technique -les matériels sont fortement sollicités, d'autant que les jeunes gens sont de plus en plus friands de sensations fortes.

Il n'existe pas de réglementation européenne relative à la sécurité des manèges. Le principe de subsidiarité s'applique : les tentatives de directives et les propositions de la Commission européenne depuis quinze ans n'ont pas abouti ; les matériels d'attraction sur les matériels de fêtes foraines et de parcs de loisirs n'ont pas été intégrés à la directive du 17 mai 2006 sur les machines. Les particularismes nationaux de la profession paraissent empêcher toute harmonisation. En France, priorité est donnée aux mesures volontaires initiées par les entreprises en coordination avec les pouvoirs publics. Les mesures réglementaires n'interviennent qu'en cas d'insuffisance et sont fort rares.

On nous propose aujourd'hui un dispositif législatif. La loi « parle » au peuple ; sans loi, point de crédibilité. Elle a d'ailleurs tendance à devenir un instrument au service de la communication plutôt qu'au service du droit. Souvenons-nous des observations de Pierre Mazeaud, alors président du Conseil constitutionnel, comme de celles du Conseil d'Etat sur la qualité des lois.

Les pouvoirs publics effectuent des contrôles des produits et des services, ils élaborent des textes réglementaires et veillent à la qualité de l'information fournie au consommateur. La direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression de fraudes (DGCCRF) veille au respect de l'obligation générale de sécurité définie à l'article L 221-1 du code de la consommation.

La normalisation constitue une des voies fréquemment préconisées par la Commission de la sécurité des consommateurs (CSC). La CSC sollicite souvent les pouvoirs publics afin qu'ils interviennent auprès des autorités de normalisation. Au cas présent, la CSC a recommandé d'homologuer la norme européenne EN 13.814 « machines et structures pour fêtes foraines ». C'est chose faite depuis le 17 septembre. Faut-il voir une coïncidence entre d'une part l'homologation prononcée par l'AFNOR le 17 août 2007, la signature le même jour d'une convention liant le Gouvernement, l'Association des maires de France, les représentants des forains et les bureaux de contrôle ; et d'autre part l'accident de la fête des Loges le 4 août ? Le Gouvernement a réagi très vite -sans doute une volonté élyséenne. Ce texte est le dernier étage de l'édifice.

Je me souviens, en 2002, du premier projet de loi présenté par le gouvernement Raffarin. Il portait sur la sécurité dans les piscines privées et rendait obligatoire à compter du 1er janvier 2004 l'installation de matériel normalisé visant à prévenir le risque de noyade. La CSC avait, comme pour les manèges, préconisé un système contraignant. Hélas, l'application de la loi se heurta à l'impossibilité pratique, pour les propriétaires de piscine, de se procurer un matériel conforme à des normes AFNOR...qui n'étaient pas encore fixées ! Le Gouvernement a dû autoriser des systèmes de sécurité non normalisés...

La loi de 2002 prévoyait l'application de normes qui n'existent pas encore. A l'inverse, ce texte ne prévoit pas l'application d'une norme qui pourtant existe, (M. Daniel Raoul renchérit) homologuée certes très récemment en France mais depuis plusieurs années dans l'Union européenne. La proposition de loi n'y fait aucune référence. Pourquoi vous être arrêté en chemin ? Vous n'allez pas au bout de la logique et ne rendez pas obligatoire le respect de la norme dont vous avez demandé l'homologation il y a deux mois et demi. La proposition de loi se prive ainsi d'une grande part de son efficacité. A quoi sert alors de mobiliser le Parlement ?

Pour l'heure, la DGCCRF, faute de compétence technique, n'exerce aucune surveillance préventive des matériels d'attraction. Les interventions après accidents ne sont pas même systématiques. Quant aux bureaux de contrôle, ils considèrent comme obsolète le protocole d'accord de 1984, certains, les plus grands, refusant simplement de l'appliquer. Ce protocole prévoit que les bureaux de contrôle n'interviennent qu'à la demande de l'exploitant.

Pourtant, il sert toujours de base à la délivrance de certificats de conformité sur lesquels s'appuient les maires pour autoriser l'exploitation des manèges sur le territoire de leur commune. Ils n'ont pas les moyens de vérifier si les manèges sont en état ni si les réserves émises par les bureaux de contrôles ont été levées. Il faut donc uniformiser tout cela et le meilleur vecteur pour cela est la norme NF.

Le contrôle des règles du code du travail en matière de santé et sécurité des salariés n'est pas non plus à négliger. Les inspecteurs du travail semblent ne plus être associés aux commissions de sécurité depuis quelques années. Nous confirmez-vous cette évolution néfaste ?

Il faut aussi mettre l'accent sur la formation des professionnels, permanents ou saisonniers, intervenant sur les manèges forains et qui, souvent, s'occupent aussi de l'entretien, des contrôles, de la manutention et de la maintenance courante. Ils doivent pouvoir suivre des modules de formation débouchant sur une qualification. Que prévoyez-vous pour cela ?

Les prestataires doivent aussi être tenus d'informer les utilisateurs des risques encourus ou des contre-indications. Prévoyez-vous une disposition réglementaire en la matière ?

L'activité foraine est indispensable à l'animation économique et culturelle locale et celle des parcs de loisirs à la création d'emplois fixes ou saisonniers. La concertation doit aboutir maintenant à un dispositif actualisé, cohérent et acceptable par tous. Tous doivent se rejoindre sur l'objectif final : garder aux manèges leur vocation de divertissement public dans les meilleures conditions possibles de sécurité, ce qui pourrait faciliter la reconnaissance officielle d'un art forain comme partie intégrante du patrimoine historique et culturel de la France, comme cela a été le cas pour l'art du cirque. J'espère que les petites améliorations que nous proposons seront acceptées, car il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs socialistes et sur certains bancs du RDSE).

Mme Françoise Henneron. - Après l'accident du 4 août dernier à Saint-Germain-en-Laye, la ministre de l'intérieur, a réagi rapidement en signant une convention, le 17 août, avec les représentants des forains, les organismes de contrôle, l'Association des maires de France et les ministres de la consommation et des entreprises. Ce texte dresse la liste des différents matériels en place et les exigences de contrôle selon leur dangerosité. Un manège pour enfants devra être contrôlé tous les trois ans, tandis que les manèges à sensations fortes devront l'être au moins chaque année. Aussi surprenant que cela paraisse, les manèges et attractions ne sont soumis, en France, à aucun texte spécifique, ce qui tient, pour partie, à des raisons historiques qui ont fait de la fête foraine un espace de liberté. La réglementation en vigueur date de 1983 et, près de vingt-cinq ans après, il fallait prendre de strictes dispositions de sécurité pour de nouveaux manèges qui sont sans comparaison avec ceux de 1983. La sécurité des manèges et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction relevant encore simplement de l'obligation générale de sécurité inscrite dans le code de la consommation, une réglementation spécifique est aujourd'hui la bienvenue.

On peut aussi s'interroger sur l'extrême sophistication technique de ces attractions, qui n'a pour but que de répondre à une demande croissante de sensations fortes. Il ne faut peut-être pas aller trop loin. Les manèges des fêtes foraines et des parcs d'attraction attirent entre quatre-vingt-dix et cent millions de personnes par an. Ils vont de plus en plus haut, de plus en plus vite, avec des accélérations parfois considérables et sans doute faudrait-il examiner de plus près leurs conséquences sur la santé des utilisateurs. Certains nouveaux manèges sont beaucoup trop violents pour un grand nombre de personnes, qui l'ignorent sans doute avant d'y monter et qui consultent fréquemment pour des troubles différés, sans qu'il y ait eu nécessairement accident. Elles se plaignent de maux de tête, de bourdonnements d'oreille, de douleurs cervicales ou dorsales, de vertiges ou de nausées. Les manèges multidirectionnels à brusques accélérations positives et négatives, entraînant une désorientation spatiale chez les usagers, seraient les plus néfastes. Il ne faut pas non plus négliger les accidents cardio-vasculaires. La CSC relève une plus forte proportion d'accidents chez les enfants que chez les adultes.

La plupart des accidents recensés relèvent d'un défaut de comportement ou de surveillance des utilisateurs et le système de retenue des passagers de certains manèges ne convient peut-être pas toujours aux usagers de petite taille. Certains manèges devraient être réservés aux plus de 16 ans par exemple et les consignes de sécurité devraient être bien expliquées avant l'embarquement.

Le groupe UMP se félicite de l'inscription à l'ordre du jour de cette proposition de loi et il en remercie Mme le ministre de l'intérieur. Le protocole du 17 août dernier est conforté aujourd'hui par ce texte, que nous approuvons sans réserve, et qui devrait être suivi d'un décret et de deux arrêtés. Je ne peux terminer mon propos sans rendre hommage au rapporteur et initiateur de ce texte. (Applaudissements à droite).

Mme Odette Terrade. - Suite à l'accident du 4 août 2007, cette proposition de loi a été présentée comme l'expression de la volonté du Gouvernement et du Président de la République d'assurer rapidement une meilleure sécurité des manèges et attractions foraines. Si la manière laisse à penser que la réaction a été rapide, nous considérons au contraire qu'elle a été étonnamment longue et que bien des accidents auraient pu être évités si la question de la sécurité des installations foraines n'était pas tombée dans l'oubli depuis plusieurs années. En 1995, suite à l'avis de la Commission de sécurité des consommateurs, la DGCCRF et la Direction de la défense et de la sécurité civile avaient rédigé un projet de décret sur la sécurité des matériels d'attraction. Or, en raison de l'opposition d'une partie des exploitants, le Gouvernement n'y avait pas donné suite, ce qui est d'autant plus regrettable que la voie réglementaire choisie à l'époque est la plus adaptée. A l'heure où nous est asséné l'objectif de simplification du droit, on peut s'étonner que la majorité propose de légiférer en ce domaine.

Nous sommes évidemment d'accord sur l'obsolescence du protocole de 1984, et nous saluons le travail des professionnels et des collectivités locales dans la rédaction de la nouvelle convention du 17 août. Celle-ci n'engageant que ses signataires, une réglementation nationale unique doit s'imposer à tous. Le règlement, comme en témoigne le contenu de la proposition de loi qui y renvoie pour la plupart des dispositions nouvelles, aurait été suffisant pour régler la question. Les manèges relèvent de l'obligation de sécurité prévue à l'article L221-1 du code de la consommation, article qui impose aux professionnels d'assurer la sécurité de leurs équipements. En cas d'accident ou de danger grave et immédiat, ce code prévoit la suspension de l'activité du manège par la DGCCRF ou des mises en garde pour demander la mise en conformité. De plus, les maires ou à défaut les préfets sont compétents pour imposer les mesures nécessaires au maintien de l'ordre public.

Le ministère de l'intérieur a élaboré plusieurs circulaires et la question peut sembler réglementaire mais, puisque le Parlement est saisi, nous attendons une information claire sur les décrets dont on nous a dit ce matin qu'ils étaient presque prêts. Leurs exigences ne sauraient être en-deçà de la convention et nous souhaitons des précisions sur la procédure d'agrément. (Marques d'approbations sur les bancs socialistes)

On peut s'interroger sur l'utilité de l'article premier qui reprend l'article 221-1 du code de la consommation. L'article 2 crée une obligation de contrôle technique par des organismes agréés. L'article 3 prévoit un décret en Conseil d'État. Quelles seront les exigences en matière de sécurité ? La Commission européenne a élaboré une norme dont les professionnels ont retardé la publication en France. L'amendement du groupe socialiste prévoyant la référence à la norme EN 13814 peut constituer un garde-fou si le texte ne constitue pas une normalisation par le bas en n'exigeant de contrôle que tous les cinq ans alors qu'il faudrait renforcer la sécurité. (M. Pastor en convient) La fréquence des contrôles est en effet essentielle ; la Commission de sécurité des consommateurs a suggéré un carnet de vie pour chaque attraction -il ne serait pas inutile d'effectuer un contrôle à chaque cession car celles-ci concernent 70 % du parc de matériel.

Les maires n'ont pas la compétence technique, ils ne peuvent, dit le rapport, procéder qu'à des contrôles documentaires. Quant à la DGCCRF, elle manque de personnel. Les contrôles sont donc confiés à des bureaux de vérification coûteux ou à d'anciens forains. Pourquoi ne pas renforcer la DGCCRF ?

Il convient enfin de réfléchir à la nature des accidents et de renforcer l'information du public. Il faut déterminer une réglementation nationale qui serait appliquée par du personnel qualifié.

Nous voterons ce texte mais serons attentifs à la nouvelle réglementation comme à la position du Gouvernement pendant le budget si nous proposons d'augmenter les moyens de la DGCCRF. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC)

La discussion générale est close.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - M. Pastor a justifié la nécessité d'une nouvelle législation en rappelant le nombre des accidents et en soulignant que le protocole existant est insuffisant. Je veux le rassurer sur l'harmonisation européenne : le décret fera référence à la norme communautaire. Vous avez souligné l'importance de la loi sur la sécurité des piscines. J'ai alerté Mme Boutin car nous devons encore l'améliorer.

Mme Henneron a excellemment présenté l'évolution technologique, qui propose toujours plus de sensations. Il convient de souligner que, si les consignes de sécurité sont élaborées par les fabricants de manèges, la DGCCRF les contrôle et je lui ai demandé d'être vigilante. En ce qui concerne l'information des consommateurs, j'ai pu vérifier qu'elle s'est déjà améliorée.

Mme Terrade a posé des questions importantes. A l'heure actuelle les contrôles périodiques s'effectuent chez les forains volontaires dans le cadre de la convention du 17 août dernier. Avec la proposition de loi, les organismes seront agréés en fonction de leur compétence par une commission où siègeront des organisations de consommateurs, des élus, des représentants de l'État et des personnalités qualifiées.

Vous m'interrogez enfin sur l'articulation entre la convention du 17 août et le futur dispositif : celui-ci se substituera à celle-là.

Discussion des articles

Article premier

Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation, doivent, dans des conditions normales d'utilisation ou dans d'autres conditions raisonnablement prévisibles par le professionnel, être conçus, construits, installés, exploités et entretenus de façon à assurer la sécurité à laquelle on peut légitimement s'attendre et ne pas porter atteinte à la santé des personnes.

M. le président. - Amendement n°3, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les machines de levage ou portage de personnes doivent être conçues, construites ou équipées de façon que les accélérations et décélérations de l'habitacle ne créent pas de risques pour les personnes.

M. Jean-Marc Pastor. - Des accidents atypiques surviennent sur les attractions extrêmes, les loopings, les chutes de 150 mètres avec des accélérations de 6 G. Des médecins se sont interrogés : faut-il interdire ces accélérations trop brutales, les États-Unis interdisant les manèges à 4 G ? Une récente étude souligne en effet les risques pour les personnes souffrant de troubles vasculaires ou neurologiques. Sans être docteur, je pense que le législateur doit être très vigilant sur les manèges multidirectionnels.

Mon amendement n'invente rien, qui reprend les termes de la directive européenne du 17 mai 2006 : il faut poser des limites à la recherche permanente du sensationnel.

Notre amendement vise spécialement les attractions de quatrième catégorie, qui sont les plus dangereuses.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Ce qui est vrai pour l'ensemble des manèges l'est évidemment pour ceux que vous visez. L'amendement, qui ne fait que rappeler une obligation générale de sécurité, me semble satisfait. Retrait ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Même avis, l'amendement n'apporte pas d'élément nouveau. Les phénomènes d'accélération et de décélération sont implicitement visés par l'article premier et ne méritent pas une mention particulière. Retrait sinon rejet.

M. Jean-Marc Pastor. - Je suis à demi convaincu. Une formule 1 ne se conduit pas comme n'importe quel véhicule. Les manèges de quatrième catégorie méritent d'être soumis à des obligations supplémentaires de sécurité. Lors de l'accident d'août dernier, des personnes sont restées sept heures à soixante-dix mètres de hauteur ; le département ne disposait d'aucune échelle pour les secourir.

M. Daniel Raoul. - Des accélérations de 6G ou plus ont des conséquences sur la santé ; il faut une réglementation spécifique. Notre amendement se justifie pleinement.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°1 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

 

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Tout nouveau manège, machine et installation pour fêtes foraines ou pour parcs d'attraction mis en service en France doit être conforme à la norme NF EN 13814 à compter de la publication de la présente loi. 

M. Michel Teston. - C'est la vie de nos concitoyens qui est en jeu. Nous proposons d'aller plus loin que le rapporteur, qui n'entend faire de la norme NF EN 13814 qu'une simple référence technique. Comme nous admettons que la profession peut avoir du mal à s'adapter, nous ne visons que les matériels nouvellement installés ; nous aurons d'autres amendements pour les matériels existants.

J'ajoute que le décret du 26 janvier 1984 permet déjà au ministre en charge de l'industrie de rendre obligatoire par arrêté une norme française homologuée ou une norme étrangère reconnue équivalente. Mais le Gouvernement choisit la voie législative, comme il le fait souvent ces temps-ci pour répondre au moindre fait divers dramatique ...

M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Tout cela est de nature règlementaire. Les auteurs de l'amendement auront satisfaction avec le décret d'application prévu à l'article 2. Retrait, sinon rejet.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Même avis. Ce décret fera référence à la norme visée par l'amendement. Et un décret est plus facile à modifier qu'une loi.

M. Michel Teston. - Devant cet engagement, dont le groupe socialiste a pris bonne note, je retire l'amendement.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°5, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les mesures prises doivent avoir pour objectif de supprimer tout risque durant la durée d'existence prévisible du manège ou de la machine, y compris les phases de transport, de montage, de démontage, de mises hors service et de mise au rebut.

M. Michel Teston. - Nous rappelons l'objectif de sécurité mentionné dans la directive du 17 mai 2006 en l'adaptant aux spécificités des manèges qui sont démontés et remontés.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Cette rédaction est trop vague et moins exigeante que le texte, qui prescrit une obligation de sécurité. La prise en compte des spécificités des manèges forains est en outre du domaine règlementaire. Retrait, sinon rejet.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Même avis.

M. Michel Teston. - Je maintiens l'amendement, qui fait référence à la directive.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

Article 2

Les manèges, machines et installations pour fêtes foraines ou parcs d'attraction ou tout autre lieu d'installation ou d'exploitation sont soumis à un contrôle technique initial et périodique portant sur leur état de fonctionnement et sur leur aptitude à assurer la sécurité des personnes. Ce contrôle technique, effectué par des organismes agréés par l'Etat, est à la charge des exploitants.

M. le président. Amendement n°4, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par les mots :

qui tiendront à jour un carnet de vie du manège ou des machines conformément à un contenu défini par décret.

M. Daniel Raoul. - Je souhaite que M. le ministre donne son avis à propos des machines dont les usagers subissent des accélérations ou des décélérations supérieures à 6 G, ce qui peut être dangereux pour des personnes atteintes de maladies cardio-vasculaires ou neurologiques. Ces cas sont avérés.

Les manèges relèvent du régime général de sécurité institué par le code de la consommation dont la DGCCRF doit assurer le respect. En l'absence de risques, les professionnels doivent être en mesure de démontrer par tous moyens qu'ils respectent l'article L. 221-1 du code de la consommation. Après un accident ou face à un danger grave et immédiat, les articles L. 221-6 et L. 224-5 du code de la consommation permettent de fermer les manèges, dont la mise en conformité peut en outre être exigée. Toutefois, par manque de compétence technique, la DGCCRF n'effectue aucune surveillance a priori ; ses interventions après un accident restent rares.

En cas de cession, on applique le protocole de 1984, qui est obsolète puisqu'il n'impose pas au propriétaire de tenir à jour un carnet de vie, pourtant indispensable pour apprécier la réalisation des travaux de sécurité. Je rappelle qu'il est particulièrement difficile à un organisme certificateur de contrôler deux fois le même manège au cours des inspections triennales, puisque ces équipements sont éminemment mobiles.

Il importe que les exploitants tiennent à jour un carnet relatant les incidents, sur le modèle du celui imposé aux communes pour chaque équipement municipal.

M. Pierre Hérisson, rapporteur - L'article 6 du projet de décret devrait prévoir un dossier technique pour chaque matériel, mais la commission a souhaité connaître l'avis du Gouvernement.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Cette disposition est légitime sur le fond, mais elle figure dans le projet de décret d'application, car elle est de nature réglementaire. J'en sollicite le retrait.

M. Daniel Raoul. - Je prends acte de cette avancée. Lorsque nous avons rédigé les amendements, nous ne connaissions pas les projets de décret. Bravo pour la préparation des textes d'application, mais j'attends toujours une réponse au sujet des accélérations dépassant 6 G.

L'amendement n°4 est retiré.

L'article 2 est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°2 rectifié, présenté par M. Pastor et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

 

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout exploitant de manèges, machines et installation pour fêtes foraines ou parcs d'attraction est tenu de faire connaître au public, par voie d'affichage, le nom de l'organisme certificateur et la date de la dernière visite de contrôle de l'équipement.

M. Jean-Marc Pastor. - Il convient d'informer clairement les consommateurs, qui exigent la transparence, surtout lorsque l'enjeu est vital.

La norme NF 13 814 ne peut être purement et simplement généralisée, mais l'affichage permettra, pour un coût marginal, de faire connaître les contrôles effectués par l'exploitant.

M. Pierre Hérisson, rapporteur. - Cette disposition améliorant l'information du public est pertinente. Avis favorable. (Exclamations à droite.)

M. Jean-Marc Pastor. - L'argumentation a convaincu !

M. Luc Chatel, secrétaire d'État. - Cette disposition ne figurait ni dans le texte initial ni dans le projet de décret, mais le Gouvernement est sensible aux arguments. Elle peut figurer dans la loi ou le décret. Sagesse.

Monsieur Daniel Raoul, les dispositifs induisant des accélérations ou des décélérations supérieures à 6 G ne font pas l'objet d'une réglementation spécifique, mais les professionnels informent les utilisateurs avec des pictogrammes ou des messages d'alerte.

L'amendement n°2 rectifié est adopté et devient article additionnel. L'article 3 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Marc Pastor. - Ce texte n'est pas dénué d'importance, puisque nous légiférons pour la première fois sur ce sujet. Chaque fois qu'il accueille un tel équipement sur sa commune, le maire engage sa responsabilité. Il est bon de clarifier la situation.

Lors de la discussion générale, je n'ai pas indiqué comment notre groupe allait voter. Parmi les cinq amendements que nous avons présentés, deux seront satisfaits par un décret, le Sénat vient d'en adopter un autre. Je n'avais jamais obtenu un tel résultat comme parlementaire de l'opposition ! La vie de la société française serait bien meilleure si cela se produisait plus souvent. À titre d'encouragement, nous voterons la proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et à droite.)

Les conclusions de la commission sont adoptées.