Régimes sociaux et de retraite

Compte spécial : pensions

M. le président. - Nous allons examiner les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions ».

Orateurs inscrits

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Je vous présente les crédits de la mission « Régimes sociaux et de retraite » et du compte d'affectation spéciale « Pensions » dans le contexte particulier de la réforme des régimes spéciaux et de la perspective du rendez-vous 2008 de la réforme des retraites prévue par la loi du 21 août 2003.

C'est en mon nom et en celui de M. Thierry Foucaud, co-rapporteur spécial, aujourd'hui empêché, que je vous présenterai les principales observations que la commission des finances a porté sur ces crédits.

Les crédits de paiement de cette mission se montent à 5,12 milliards, soit une augmentation de 2,81 %, marquant ainsi une pause dans la progression, alors que les crédits pour 2007 augmentaient de 10,9 %.

L'essentiel de cette hausse est consacrée aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP qui constituent 97,3 % des dépenses du programme « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres », soit 3,4 milliards. La subvention d'équilibre au régime de retraite de la SNCF est ainsi de 2,9 milliards et celle destinée à la RATP est de 390 millions. Pour l'essentiel, les autres participations de l'État au titre de la solidarité de la Nation à l'égard des régimes dont le déclin démographique justifie le versement d'une subvention d'équilibre permettent de financer le congé de fin d'activité des conducteurs routiers, les régimes de retraite et de sécurité sociale des marins et divers régimes en déclin démographique, comme celui des mines, voire en extinction, tels que celui de la Seita, de l'Imprimerie nationale ou de l'ORTF : au total 928 millions, mais seulement 13 000 cotisants pour 373 000 pensionnés.

Le chaînage mis en place par la Lolf permet dorénavant d'examiner le projet de loi de finances à la lumière de l'exécution des exercices antérieurs, et d'en retirer des enseignements concrets. Ainsi, la subvention d'équilibre de la caisse de retraite de la RATP fait l'objet d'une sous-budgétisation évaluée à 25 millions. Elle résulte de l'augmentation de 30 % des départs en retraite en 2007, pris par anticipation sur la réforme des régimes spéciaux, et de l'arrêt des négociations par la caisse nationale d'allocation vieillesse sur les conditions d'adossement de la caisse au régime général. En outre, l'opération d'adossement du régime de la RATP aux régimes de droit commun devrait être réalisée en 2008 via le versement financé par l'État d'une soulte d'un montant compris entre 500 et 700 millions à la Cnav, suivant un échelonnement qui reste à déterminer. Nous rencontrions un problème si cette soulte devait être versée en 2008 car elle n'est pas budgétée.

A l'inverse, pour la troisième année consécutive, la subvention d'équilibre versée à l'Établissement national des invalides de la marine (Enim) fait l'objet d'une sur-budgétisation d'environ 25 millions. Chaque année, celle-ci est réduite dans le cadre de décrets d'annulation de crédits. La commission des finances vous proposera donc un amendement tendant à affecter 25 millions issus du programme « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » au profit de la subvention d'équilibre au régime de retraite de la RATP.

La mesure de la performance serait plus lisible en distinguant deux actions différentes pour la SNCF et la RATP, dont les pensions sont subventionnées de 3,3 milliards. Les documents budgétaires sont cependant mieux informés, conformément à notre souhait : l'âge moyen de départ à la retraite à la SNCF est de 54,5 ans, et de 53,7 ans à la RATP.

C'est donc au titre de la solidarité de l'État envers les régimes dont le déclin démographique justifie le versement d'une subvention d'équilibre et eu égard aux réformes en cours que la commission des finances vous recommande d'adopter les crédits de cette mission.

Le compte d'affectation spéciale « pensions », créé en 2006, regroupe l'ensemble des recettes et dépenses afférentes aux pensions civiles et militaires, auparavant disséminées dans le budget de l'État, soit 47,99 milliards, pour le paiement de quelque 2,1 millions de pensions civiles et militaire. Toutefois, ce compte n'intègre pas les frais de gestion, il convient d'y ajouter 68,1 millions au titre de l'action « gestion des pensions ». Ce montant est cependant loin de recouvrir l'intégralité des moyens humains dévolus aux pensions, car il ne tient pas compte des personnels consacrés à la préparation des dossiers de pension dans les différents ministères employeurs qui sont évalué à 1 800 emplois.

Les principales dépenses de ce compte portent sur le versement des pensions civiles et militaires de retraite, pour 43,4 milliards ; des pensions des ouvriers des établissements industriels de l'État, pour 1,75 milliard ; des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre ainsi que des traitements versés au titre de la reconnaissance de la Nation, pour 2,8 milliards.

Les recettes afférentes sont constituées principalement par la contribution de l'État au titre des taux de la cotisation employeur, les cotisations salariales et les contributions des autres employeurs que l'État.

La contribution employeur de l'État constitue désormais la variable d'ajustement pour équilibrer les recettes et les dépenses relatives aux retraites des fonctionnaires civils et militaires. Ces taux passent, pour les personnels civils, de 50,74 % en 2007 à 55,71 % en 2008 ; et, au titre des personnels militaires, de 101,05 % en 2007 à 103,5 % en 2008.

Cette différence de niveau s'explique par la démographie : on compte pour les fonctionnaires civils, 1,6 actif pour 1 pensionné, et pour les militaires, seulement 0,8 actif pour 1 pensionné.

Ces rapports démographiques devraient passer respectivement, en 2010, à 1,3 fonctionnaire civil actif et 0,7 militaire actif par pensionné. Ainsi, les taux de contribution employeur continueront inexorablement à augmenter. Le taux de cotisation employeur pour les organismes publics et semi-publics passera de 39,5 % en 2007 à 50 % en 2008.

En revanche, malgré nos observations réitérées, le « taux employeur », qui s'applique aux ouvriers des établissements industriels de l'État, est reconduit pour 2008 à 24 %.

Enfin, à la demande de votre commission des finances, un nouvel indicateur a été créé pour mesurer la part des agents civils concernés par la décote ou par la surcote, donc leurs effets sur les départs à la retraite.

La gestion des pensions doit être réformée l'an prochain dans le cadre de la révision générale des politiques publiques, dont nous espérons une rationalisation des systèmes d'information et une amélioration de la productivité comme de la qualité du service. Il conviendrait de trouver d'autres moyens que de très petites pensions -6 euros par an en moyenne- pour exprimer la reconnaissance de la Nation à l'égard des médaillés militaires et légionnaires, car leur coût de gestion est disproportionné.

Enfin, votre commission vous présente également un amendement tendant à modifier les règles d'attribution de l'indemnité temporaire de résidence attribuée aux fonctionnaires retraités de l'État dans certaines collectivités d'outre-mer.

Votre commission des finances vous recommande l'adoption de ces crédits. (Applaudissements)

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Longtemps taboue, la question des régimes de retraite spéciaux est aujourd'hui au centre du débat politique et social, grâce à la décision du Président de la République de mettre fin au statu quo sur ce sujet ultrasensible.

Nous avons organisé un débat le 2 octobre, mais je saisis l'occasion de ce budget pour y pour revenir. Pour la troisième année consécutive, notre commission renouvelle ses demandes pour que la présentation générale et les indicateurs de cette mission soient entièrement reconsidérés.

Le bleu budgétaire a été légèrement modifié : deux pages d'explications sur la SNCF et la RATP ont été ajoutées, avec l'âge moyen du départ à la retraite, le rapport entre la durée moyenne de cotisation et celle de la retraite des assurés sociaux, ainsi que le niveau des engagements de retraite.

Mais les indicateurs de performance demeurent inchangés et exclusivement consacrés aux dépenses de gestion, qui représentent entre 1 % et 3 % des dépenses : il reste encore beaucoup à faire pour l'information du Parlement !

Il serait utile de connaître la proportion de départs en retraite des personnes en service actif et la répartition de ces départs par tranches d'âge ; de même pour la durée moyenne de perception, le montant moyen des pensions, ainsi que l'espérance de vie à 60 ans de ces assurés sociaux. On pourrait alors établir des comparaisons objectives avec les assurés sociaux des autres régimes, privés ou publics.

Il serait utile également de connaître le niveau des engagements à long terme des sept principaux systèmes de retraite spéciaux, la décomposition entre les droits de base qui correspondent à ceux du secteur privé et les avantages spécifiques de ces régimes. Je suis d'autant plus attaché à ces propositions que les informations sur les retraites des grandes entreprises publiques sont rarement publiées, ou très difficilement accessibles, y compris pour les commissions parlementaires.

La commission des affaires sociales, vous le savez, attendait depuis longtemps la réforme des régimes spéciaux ; elle la soutient avec détermination.

Pour faire de réelles économies, il faut mettre rapidement en oeuvre la décote, relever l'âge de cessation d'activité et réduire les bonifications très importantes dont bénéficient leurs ressortissants.

Ensuite, nous plaidons aussi pour que l'on « arrime » solidement les grands régimes spéciaux à la réglementation de la fonction publique en matière de retraite, sans oublier que les règles du code des pensions civiles et militaires sont elles-mêmes fort coûteuses et nécessiteraient d'être remises à plat rapidement.

Enfin, s'il ne fait aucun doute que le processus de négociation en cours est indispensable, cette démarche comporte des risques. Nous sommes préoccupés par les contreparties qui pourraient être accordées par les directions des grandes entreprises nationales et qui videraient la future réforme d'une partie de sa substance, par exemple en matière de cessation précoce d'activité ou du fait d'une définition extensive de la notion de pénibilité. Il faire preuve d'une grande prudence.

M. Bernard Piras. - Et la démocratie ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur pour avis.  - Depuis 1995, les mentalités de nos concitoyens ont beaucoup évolué. Notre pays est prêt : il attend une réforme de grande ampleur des régimes spéciaux.

Dans cette attente, notre commission a approuvé les crédits de cette mission. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.  - Ce gouvernement engageait la réforme des régimes spéciaux quand la mobilisation des salariés a relancé les négociations.

Les crédits de cette mission visent à honorer le respect des engagements de l'État en matière de prestations sociales et de pensions de retraite à l'égard d'ayants droits.

Près de 80 % des 5,12 milliards vont financer les subventions d'équilibre versées aux régimes de retraite de la SNCF et de la RATP, de l'Établissement national des invalides de la marine et de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines. Les crédits ne progressent que de 2 %, après 11 % en 2007.

Mais l'essentiel est ailleurs, dans la réforme des régimes spéciaux de retraite qui vient d'être engagée par le Gouvernement. La réforme du 21 août 2003 a certes renvoyé la question des régimes spéciaux à un rendez-vous fixé en 2008, mais bien des évolutions ont eu lieu entre-temps : réforme des régimes des industries électriques et gazières en 2004 ; adossement de l'Établissement national des invalides de la marine au régime général en 2006 ; application à la SNCF et à la RATP, depuis le 1er janvier 2007, des normes comptables IFRS les obligeant à provisionner les engagements de retraite à leur charge.

Si la Caisse autonome de retraites du personnel de la RATP, créée en 2006, est en cours d'adossement au régime général, la question n'est toujours pas réglée pour la caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF, mise en place en 2007. Cette réforme interviendra vraisemblablement l'an prochain ; or ce budget ne prend pas en compte les participations de l'État à sa mise en oeuvre.

La réflexion sur l'avenir des régimes spéciaux ne doit pas se traduire par une réforme brutale qui remettrait en cause les droits des pensionnés et des salariés. Les avantages dont bénéficient ces personnels sont partie intégrante de leur statut, et viennent en juste contrepartie de contraintes. Du point de vue de l'équité, chère au gouvernement, les changements envisagés ne devraient concerner que les nouveaux entrants. Des solutions équitables doivent être proposées, notamment sur la question de la pénibilité du travail. Il faut favoriser la convergence dans le respect des spécificités, et assurer un partage équilibré des charges entre la solidarité nationale et les différents secteurs. Comme l'indique le rapport du Conseil d'orientation des retraites (COR), l'allongement de la durée de cotisations ne peut être la seule variable, le taux d'emploi des salariés de 50 à 60 ans demeurant faible. Il y a bien d'autres paramètres à prendre en compte.

Contrairement à ma recommandation, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption de ces crédits.

M. Jean-Pierre Demerliat.  - Cette mission s'inscrit dans un contexte particulier, le Président de la République et son gouvernement ayant choisi de déconnecter la réforme des régimes spéciaux du rendez vous global de 2008 sur les retraites.

Pourquoi organiser dans la précipitation une consultation largement factice, alors que le rendez-vous de 2008 approche, et que personne n'envisageait de laisser ces régimes de coté ? N'est-ce pas supercherie de prétendre que cette réforme apportera une solution au financement des régimes par répartition ? La stigmatisation de ces salariés tend à faire oublier que d'autres régimes de retraite « spéciaux » sont déficitaires, comme ceux des exploitants agricoles, des commerçants et artisans et de certaines professions indépendantes. (M. Fischer approuve)

Au moment où le Gouvernement multiplie les transferts fiscaux vers les plus favorisés, nous demandons une réforme globale, revenant sur la loi de 2003, s'inspirant de notre modèle social plutôt que de la fracture sociale, qui tienne compte de la pénibilité, prépare l'avenir, préserve la retraite par répartition et donne espoir aux générations futures. Ces sujets complexes imposent des échanges préalables approfondis, une confiance mutuelle. La question est trop importante pour la traiter par un simulacre de négociation ! Le groupe socialiste ne votera pas ces crédits.

M. Christian Cambon.  - Courage, fuyons.

M. Guy Fischer.  - Le récent mouvement social -qui n'est que suspendu- vous a contraint à une négociation que vous refusiez, le Premier ministre allant jusqu'à dire que la réforme était déjà toute prête. Les crédits alloués à cette mission sont stables par rapport à 2007. Il aurait mieux valu les augmenter pour éviter d'avoir à autoriser, dans le PLFSS, la SNCF à emprunter pour financer la retraite de ses agents... Comme les 36 milliards de plafond d'avance pour le régime général, comme les 8,4 milliards pour le régime agricole -du jamais vu !

Mon attention se porte donc sur le sort qui sera réservé aux régimes des agents de la SNCF, de la RATP, des salariés de la Banque de France ou des gaziers. Si les régimes spéciaux sont sous perfusion, monsieur Leclerc, d'autres, comme ceux des artisans et commerçants ou des agriculteurs sont sous assistance respiratoire ! Vous ignorez que la compensation du régime général est minime et que certains régimes bénéficient de la surcompensation de la CNRACL sans que les retraites des agents soient améliorées. Vous n'en parlez pas, sinon il vous faudrait reconnaître la nécessité d'une réforme structurelle de grande ampleur du financement de toutes les retraites et pas seulement des régimes spéciaux.

Ce n'est pas une question d'argent, car les économies réalisées seront minimes, mais une question idéologique. Les régimes spéciaux ne sont pas un tabou mais plutôt une obsession de la droite et du Medef. Vous vous attaquez d'abord aux régimes de retraites pour vous en prendre ensuite aux droits spécifiques, pourtant financés par les agents eux-mêmes, notamment dans les industries électriques et gazières. A la SNCF, la cotisation des cheminots a augmenté. Si l'État participe pour 54 % au financement de ce régime, c'est qu'un règlement européen de 1969 sur la démographie l'y contraint !

Les pensions de ces salariés sont bien plus faibles que dans d'autres secteurs. Nous attendons les résultats des négociations en cours dans les entreprises sur ce sujet. Notre groupe ne peut voter ces crédits. (Applaudissements à gauche)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. - Cette mission résulte de la volonté du Parlement de centraliser au sein d'un nouveau compte d'affectation spéciale les dépenses de pension de l'État. La dynamique des pensions -2 milliards en 2008- est perceptible via l'évolution des taux de cotisation employeurs pour le personnel civil et militaire, dont l'importance traduit le déséquilibre du régime de retraite de l'État, et fait peser des contraintes structurelles sur la soutenabilité des dépenses de l'État. Ce déséquilibre est lié à des raisons démographiques mais aussi à des départs précoces à la retraite.

Le rendez-vous de 2008 donnera l'occasion, pour le régime des fonctionnaires et pour les autres assurés sociaux, d'une évolution des règles, selon les principes d'équité et de progressivité. La poursuite de l'harmonisation est impérative.

Les contributions de la Haute assemblée comme le rapport Leclerc et Domeizel font référence. Le Gouvernement a entendu votre souhait d'un alignement des taux de cotisation des employeurs ministériels et des établissements publics.

Plusieurs indicateurs pourraient être ajoutés ou améliorés, comme la proportion des agents concernés par la surcote ou la décote. L'important est de modifier les comportements.

Vous avez, monsieur le président de la commission, auditionné M. Santini : nous sommes conscients que la gestion actuelle n'est pas optimale, un service de qualité pourrait être rendu avec moins de fonctionnaires...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Oui ! Il y a là un gisement d'emplois à transférer !

M. Éric Woerth, ministre. - L'imputation des frais de gestion sur le CAS n'est pas possible en mode Lolf ; mais je conviens qu'il serait logique de pouvoir disposer d'une vision globale des charges.

Les programmes, pour les régimes sociaux et de retraite, consistent essentiellement en subventions destinées à assurer l'équilibre : marins, mineurs, entreprises de transport, routiers en fin d'activité...Sur les 5 milliards d'euros, les deux tiers vont au régime des transports terrestres, RATP notamment.

Le Président de la République a pris des engagements, la réforme des régimes spéciaux est lancée. Les négociations débutent dans les entreprises afin de faire évoluer les règles : les incidences économiques ne sont donc pas encore connues, beaucoup dépendra des changements de comportement, autrement dit de l'âge auquel les salariés décideront de prendre leur retraite. Mais les conséquences financières seront progressives.

Les régimes ne sont pas demeurés immobiles, ces dernières années : des réformes du financement, à la RATP en 2005, à la SNCF en 2007, ont été menées, rendues nécessaires notamment par l'évolution des règles comptables et la décentralisation. (Applaudissements à droite)

Examen des crédits

Article 33

M. le président. - Amendement n°II-104, présenté par le Gouvernement.

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes (en euros) :

Régime de retraite des mines, de la Seita et divers

AP Majorer de 145.500.000

CP Majorer de 145.500.000

M. Éric Woerth, ministre. - il s'agit d'inscrire une contribution exceptionnelle de 145,5 millions sur le programme « régimes des mines, de la SEITA et divers ». Le jeu de crédits est destiné à compenser le transfert des agents TOS et ceux des DDE, qui diminue les recettes du compte d'affectation « pensions » de 179,4 millions d'euros de contributions au titre de ces agents ; à l'inverse, 33,9 millions d'euros seront versés par les collectivités employeurs au titre des agents ayant opté pour le détachement de longue durée. Il est donc proposé de compenser les pertes de recettes par une contribution exceptionnelle versée par le budget général.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Favorable. Mais lorsque le Gouvernement présente un amendement qui affecte plusieurs missions, une récapitulation en annexe est nécessaire. En l'occurrence, pour tirer les conséquences du transfert aux collectivités locales réalisé en première partie, le gouvernement va nous présenter plusieurs amendements complémentaires. Qu'il nous fournisse une récapitulation.

M. Éric Woerth, ministre.  - Le transfert de recettes vers les collectivités locales est de 630 millions d'euros ; la réduction des dépenses de l'Etat, de 675 millions ; l'amendement d'abondement au CAS porte sur 145 millions ; et le solde de 110 millions a été pris en compte dans l'article d'équilibre.

M. le président. - Et les collectivités locales reçoivent bien une compensation à l'euro près ? (M. le ministre le confirme).

M. Guy Fischer. - J'espère qu'il en sera bien ainsi.

L'amendement n°II-104 est adopté, les groupes socialiste et CRC s'abstenant.

M. le président. - Amendement n°II-10, présenté par MM. Foucaud et Auban, au nom de la commission des finances.

Modifier comme suit les crédits des programmes(en euros) :

Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres

AP Majorer de 25.000.000

CP Majorer de 25.000.000

Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins

AP Réduire de 25.000.000

CP Réduire de 25.000.000

M. Bertrand Auban, rapporteur spécial.  - Cet amendement tend à transférer 25 millions du programme « Régimes de retraite et de sécurité sociale des marins » vers le programme « Régimes sociaux et de retraite des transports terrestres ». L'analyse du régime de retraite de la RATP fait apparaître une sous-budgétisation récurrente de la subvention d'équilibre versée par l'État. Corrélativement, la subvention d'équilibre à l'établissement national des invalides de la marine fait l'objet d'annulations de crédits -il y a surbudgétisation récurrente. Cet amendement équilibre la répartition des crédits.

M. Éric Woerth, ministre. - L'établissement national des invalides de la marine a besoin de cet argent : il n'y a pas de « gras » à prélever là ! Quant au régime de la RATP, il sera adossé en 2008 au régime général. L'amendement n'a donc pas lieu d'être.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Il me semblait pourtant que le fonds de roulement de l'établissement national des invalides de la marine faisait l'objet d'une compression en loi de finances rectificative pour 2007... (M. le ministre le confirme)

M. Bernard Piras. - Exact !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - C'est donc que notre amendement est parfaitement justifié, mais peut-être prématuré... De combien est cette ponction ?

M. Éric Woerth, ministre.  - 30 millions. Je rends hommage à la commission des finances ; j'avais situé mon propos dans l'après-collectif...

L'amendement n°II-10 est retiré.

Les crédits, modifiés, de la mission sont adoptés.

Article additionnel après l'article 47 bis

M. le président. - Amendement n°II-11, présenté par M. Arthuis, au nom de la commission des finances.

I. Après l'article 47 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 57 du code général des pensions civiles et militaires de retraite, il est inséré un article L. 57-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 57-1 - Le régime d'indemnité temporaire accordé aux personnes retraitées tributaires du présent code est réservé aux seuls bénéficiaires de cet avantage à la date du 1er janvier 2008 qui remplissent la condition de résidence effective à La Réunion, à Saint-Pierre-et-Miquelon, à Mayotte, en Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et en Nouvelle-Calédonie.

« L'indemnité servie aux intéressés est plafonnée au montant versé à cette date.

« Elle est en outre ramenée à 35 % du montant en principal de la pension, à partir du 1er janvier 2008, pour les personnes qui ne sont pas nées dans ces territoires ou qui n'y ont pas été en poste pendant les cinq années précédant la liquidation de leur pension.

« Les agents cessant de résider dans ces territoires, ou s'absentant de ceux-ci plus de quatre-vingt jours par an, perdent définitivement le bénéfice de l'indemnité temporaire ».

II. En conséquence, faire précéder cet article de la mention :

Régimes sociaux et de retraite

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Une observation d'abord que nous devons à MM. Auban et Foucaud : 1 200 des 3 000 fonctionnaires du service des pensions pourraient, sans préjudice, être transférés dans d'autres services. Nous espérons que vous passerez à l'acte avant même la révision générale des politiques publiques...

J'en viens à l'amendement.

M. Guy Fischer. - (Brandissant plusieurs documents) C'est de la propagande !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - La commission des finances présente cet amendement depuis quatre ans ; sa rédaction a évolué, et pour cette année il doit beaucoup à M. Leclerc et aux quelques cent signataires d'une proposition de loi dont nous avons fidèlement transcrit l'économie.

Il s'agit de limiter le montant et d'arrêter le flux des bénéficiaires de l'indemnité temporaire applicable aux retraités de la fonction publique de l'État qui choisissent de s'installer dans certains territoires d'outre-mer. Cette indemnité, qui date du début des années 1950, serait supprimée pour les nouveaux entrants et plafonnée pour ses bénéficiaires actuels. Elle serait ramenée à 35 % du montant de la pension, sauf pour les personnes nées dans un territoire d'outre-mer ou qui y ont été en poste dans les cinq ans précédant la liquidation de leur pension.

La majoration peut aujourd'hui aller de 35 % à 75 % à la Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon, Mayotte, en Nouvelle Calédonie, en Polynésie française et à Wallis-et-Futuna. Elle a concerné en 2005 30 600 retraités, pour un coût de 250 millions d'euros ; elle coûtera en 2008 près de 330 millions, contre 158 millions en 2001.

Présenté à de nombreuses reprises, cet amendement a eu de plus en plus de succès au fil des années. Quatre raisons le motivent : le contrôle est quasi impossible, ce qui peut encourager la fraude ; le montant de l'indemnité est exorbitant ; la majoration est contraire au principe d'égalité ; son efficacité économique n'a jamais été confirmée, le rapport de la mission d'audit rendu en novembre 2006 estimant que « les justifications économiques ne sont pas probantes ». M. Copé, rendant compte de ce rapport, confirmait cette appréciation. Nous avons pris cette initiative sur le fondement du rapport de la Cour des comptes, fort explicite sur le sujet : il faut mettre un terme à une pratique contraire à l'idée que nous nous faisons de l'égalité républicaine.

M. Éric Woerth, ministre.  - Il est vrai que ce dispositif hors norme bénéficie à plus de 30 000 fonctionnaires et a coûté, en 2006, 250 millions ; il progresse chaque année d'environ 20 à 25 millions. Entre 1995 et 2005, le nombre de ses bénéficiaires a progressé de 87 %. Sa justification est sans doute moins évidente que lorsqu'elle a été décidée...

Le Gouvernement souhaite engager une réforme progressive afin de prendre en compte les anticipations des bénéficiaires de l'indemnité, et le fera lors du rendez-vous de 2008 sur les retraites. Agir ainsi laissera le temps de la concertation avec les représentants desdits bénéficiaires dans chaque territoire ainsi qu'avec les élus locaux. Nous envisageons d'affecter les économies réalisées par l'État à des projets économiques ou à des actions en faveur du pouvoir d'achat dans les territoires concernés. Le dispositif va ainsi puissamment évoluer vers sa disparition. Sous réserve de ces commentaires, je souhaite le retrait de l'amendement.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je le maintiens pour permettre à mes collègues de s'exprimer...

M. Bernard Piras.  - Sans préjuger le fond du problème, je relève qu'une proposition de loi a été déposée. Un débat plus approfondi est d'évidence nécessaire.

Mme Isabelle Debré.  - Je suis une des signataires de la proposition de loi ; mais je ne peux ce soir voter l'amendement. Le sujet mérite d'être examiné dans un cadre plus global et à une heure plus appropriée.

M. Jean-Pierre Demerliat.  - Il faut en effet étudier cette question plutôt polémique, parfois de façon exagérée, au grand jour, dans le cadre d'un texte approprié, pour en appréhender tous les aspects. Nous ne voterons pas un amendement comme celui-ci, noyé au milieu d'une loi de finances.

Le débat budgétaire ne permet pas de prendre en compte la complexité des situations locales, préalable à toute réforme. Le groupe socialiste s'abstiendra sur cet amendement.

M. Denis Detcheverry. - Cela fait quatre ans que nous abordons le sujet des retraites de la fonction publique d'outre-mer. C'est un sujet d'importance car les abus qui découlent de ce système sont inacceptables, et je regrette que rien n'ait été fait plus tôt. J'avais rédigé un amendement l'an passé, mais j'avais suivi les consignes du ministre de l'époque, qui préférait ignorer le problème plutôt que de l'affronter courageusement comme vous le faites aujourd'hui. Il faut rapidement régler ce problème qui coûte beaucoup d'argent à l'État français. Toutefois, ce n'est pas un dossier à traiter par simple voie d'amendement, au milieu d'un projet de loi de finances.

M. Leclerc et les signataires de la proposition de loi recherchent des solutions depuis plusieurs années. Ils sont favorables à la constitution d'un groupe de travail sur ce sujet. Cette initiative donnerait lieu à une réelle réflexion et un vrai débat. Son rapporteur pourrait auditionner les différents intéressés, notamment les parlementaires d'outre-mer, ce que n'a pas fait le rapport Bolliet-Bougrier-Tenneroni, qui étudiait exclusivement l'indemnité temporaire de retraite et dont les auteurs n'ont rencontré que des interlocuteurs dans les ministères parisiens.

Je préfère que l'on résolve cet épineux problème dans le cadre d'une proposition, ou d'un projet de loi si le Gouvernement le souhaite. Les solutions trouvées en commun n'en seront que meilleures pour tous. Il n'est pas souhaitable de fermer l'accès à ce dispositif du jour au lendemain. Les dérives du système ne sont pas venues de l'outre-mer, les rapports et la presse le confirment, et pourtant ce sont les ultramarins que l'on montre du doigt. Les fonctionnaires ayant travaillé une bonne partie de leur carrière en outre-mer y ont droit, surtout s'ils cotisent sur la base de leur salaire indexé. II s'agit de mettre fin au parachutage qui creuse le déficit de l'État français et donne une mauvaise image de l'outre-mer. L'outre-mer a de nombreux atouts et possibilités de développement, et j'espère que les salaires de la fonction publique ne sont pas notre unique espoir de survie. Il n'est pas souhaitable de faire tomber ce soir le couperet d'un amendement : nous avons droit à un débat sur ce sujet.

M. Guy Fischer. - Nous partageons l'opinion de nos collègues. Mme Beaufils et moi-même souhaitons que le président Arthuis ait la sagesse de retirer son amendement, proposé pour la première fois en 2004. Des groupes de pressions ont tenté d'agir, et nous avons reçu notamment un exemplaire du Point de l'année dernière stigmatisant les régimes spéciaux dans leur ensemble et demandant d'en finir avec les privilèges insensés des fonctionnaires ultramarins. Je ne souhaite pas polémiquer, mais je pourrais parler des retraites « chapeau » des patrons du CAC 40. J'ai ici la liste de vingt-trois retraites scandaleuses.

Comme l'a proposé le ministre, il vaut mieux reprendre ce débat en 2008 dans le cadre de la remise à plat des régimes de retraite. Il y a matière à discussion pour étudier le moyen de stopper la progression des surpensions.

Mme Anne-Marie Payet. - Cet amendement de la commission des finances n'est pas nouveau. Beaucoup de retraités vivent en métropole et ne subissent pas de coûts excessifs ; ils ne devraient donc pas bénéficier de l'indemnité temporaire de retraite. Plusieurs rapports ont signalé la difficulté d'effectuer des contrôles de qualité.

L'observatoire des prix, prévu dans la loi d'orientation pour l'outre-mer de 2000, vient seulement d'être créé à la Réunion. Il doit faire la lumière sur les différences de prix entre la métropole et l'outre-mer, et sur les mécanismes obscurs de fixation des prix, car l'octroi de mer n'explique pas tout.

L'outre-mer n'est pas hostile à toute réforme, mais il est opportun d'attendre le projet de loi sur les retraites. Ce dossier est explosif, il faut trouver une solution moins brutale et plus appropriée.

M. Dominique Leclerc. - Je voudrais rassurer M. Fischer qui n'est l'objet d'aucune manipulation au sujet des surpensions en outre-mer.

Tout a été dit depuis quatre ans. Nous en sommes tous convaincus : ce dispositif très contestable doit être réformé à brève échéance pour mettre fin aux dérives. Malgré ce constat, rien n'a été fait durant la dernière législature. C'est pourquoi, au sein de la commission des affaires sociales, Mme Procaccia, M. Lardeux et moi-même avons pris l'initiative d'une propositions de loi qui a déjà recueilli cent cinq signatures, l'équivalent du tiers des sénateurs et de plus de la moitié de la majorité, venant de toutes les commissions et dépassant les rangs de notre groupe politique. Il faut fermer le robinet des surpensions en exerçant des contrôles plus stricts et en limitant le nombre des bénéficiaires.

Dans ce contexte, la commission des finances a choisi de proposer un amendement. Nous divergeons sur la méthode, mais nous nous rejoignons sur le fond. Je remercie M. Arthuis de nous avoir donné l'occasion de nous exprimer. La balle est dans le camp du Gouvernement. Nous ne pouvons tolérer que ce sujet se transforme en serpent de mer parlementaire. Nous voulons une concertation avec tous les acteurs et que soient pris en compte tous les aspects de cette question qui influe sur la vie des territoires concernés.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Nous sommes tous d'accord sur le fond. Des atermoiements successifs pourraient faire peser sur nous un soupçon de complicité. Nous sommes dans une sorte de schizophrénie : nous dénonçons une pratique, mais quand il faut passer à l'acte, nous demandons au Gouvernement de le faire. On parle de réhabiliter le Parlement, encore faut-il que celui-ci ait l'ambition d'affirmer ses prérogatives. Cela fait quatre ans que nous débattons de ce sujet. Chaque année, M. Marini et moi-même engageons la discussion, qui a été enrichie d'un audit sollicité par le Gouvernement. Mais une année de plus est passée sans que rien ne bouge.

M. Fischer accepte une remise à plat des systèmes de retraite. Dans ce cadre, nous pourrons réviser le régime de l'indemnité temporaire de retraite : cela me laisse entrevoir une issue positive... (Sourires) M. Brard a conduit une mission dans les territoires concernés, mais il ne s'agit pas de tout l'outre-mer. Les Antilles y échappent.

Nous devons passer à l'acte, et j'ai bien entendu l'engagement solennel du ministre pour l'année prochaine. L'an dernier, nous avons eu une grande satisfaction après notre débat : nous avons doublé les votes en faveur de la réforme et sommes passés de neuf à dix-huit voix. Je ne suis pas sûr que ce soir nous fassions mieux...

Sur la foi de l'engagement du Gouvernement, et sans avoir pu consulter M. Marini, je retire cet amendement au nom de la commission des finances.

L'amendement n°II-11 est retiré.