Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement. L'auteur de la question comme le ministre qui lui répond disposent de deux minutes trente. Je veillerai à faire respecter rigoureusement les temps de parole afin que toutes les interventions bénéficient d'une retransmission télévisée, c'est une question de courtoisie.

Soutien aux PME

M. Georges Mouly .  - L'attention portée aux petites et moyennes entreprises par ce gouvernement est très forte. Le Premier ministre déclarait il y a quelques mois vouloir apporter de nouvelles aides aux PME, revoir les délais de paiement et geler les conséquences financières des franchissements de seuil. Le 7 décembre dernier, le Président de la République s'adressait directement aux PME, et à travers elles aux trois millions d'entreprises de notre pays, pour leur dire sa volonté de réduire les charges qu'elles supportent, de leur donner priorité dans les marchés publics et d'instaurer en leur faveur des mesures de discrimination positive. « Je ne vois pas pourquoi ce qui est autorisé pour les PME américaines devrait être refusé aux PME européennes », a-t-il ajouté avant d'annoncer qu'il tirerait des conclusions du rapport que lui a remis M. Stoleru. Celui-ci s'articule autour de trois axes : cesser un combat perdu d'avance contre le Small Business Act américain, préparer un SBA européen pour le second semestre 2008 et mettre en place un SBA français, ce qui suppose une réforme en profondeur de notre système.

Madame la ministre, quelle suite comptez-vous donner à ce rapport qui pourrait contribuer à une politique structurée en faveur des PME ? (Applaudissements au centre)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi .  - Je souhaite associer à cette réponse M. Novelli, dont une grande partie de l'activité est consacrée au projet ambitieux qu'a le Gouvernement de soutenir les PME. Cette politique prend, évidemment, exemple sur celles menées à l'étranger. Pour prendre une image, elle est en forme de fusée à trois étages : national, européen et international. Au niveau international, l'Europe doit s'employer à convaincre les États-Unis et le Japon, qui ont déjà intégré dans leur législation un SBA, que l'Union a le droit de se doter, elle aussi, d'un SBA à l'européenne. Je me réjouis d'ailleurs que le président de la Commission, M. Barroso, encourage désormais ce projet. Dans les prochaines semaines, M. Novelli lui transmettra des propositions qui, je l'espère, contribueront à alimenter la réflexion. Enfin, au niveau national, certaines des recommandations du rapport de M. Stoleru seront adoptées dans la mesure de ce que nous autorise la législation européenne : 15 % des marchés publics seront réservés aux PME innovantes, tous les ministères devront indiquer la part qu'ils réservent aux PME dans leurs marchés publics, les délais de paiement seront réduits à trente jours et un intérêt moratoire sur les jours de retard de paiement sera instauré. C'est avec toutes ces mesures que nous comptons encourager les PME de France ! (Applaudissements à droite et au centre)

RTT dans les hôpitaux (I)

M. Adrien Gouteyron .  - Ma question s'adresse à Mme Bachelot-Narquin. On dit souvent que la France dispose d'un des meilleurs systèmes de santé au monde, et c'est vrai ! Pourtant l'hôpital est en crise, notamment parce qu'en 2000, la durée du travail en France a été réduite de 39 à 35 heures (exclamations à gauche) sans aucune préparation alors que l'hôpital travaille 365 jours sur 365 et 24 heures sur 24.

Le résultat, chacun le connaît : 23 millions d'heures supplémentaires impayées, 4 millions de jours de RTT stockés sur des comptes épargne-temps. (Vives exclamations à gauche)

M. Jacques Mahéas. - C'était il y a six ans !

M. Adrien Gouteyron. - Le Gouvernement a entamé une large concertation sur ces sujets longtemps ignorés. Je rends hommage à M. Gérard Larcher, dont le travail sur l'hôpital est tout à fait remarquable. (Applaudissements à droite)

M. Paul Raoult. - Le prochain président !

M. Adrien Gouteyron. - Ma question est simple : comment le Gouvernement va-t-il payer ces heures supplémentaires et dédommager les personnels pour les jours stockés sur les comptes épargne-temps, dont, je le rappelle, la durée de vie est limitée à dix ans ? (Applaudissements à droite)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports .  - A la demande du Président de la République et du Premier ministre, j'ai en effet ouvert une large concertation avec les organisations représentatives des praticiens hospitaliers et des personnels de la fonction publique hospitalière, afin de régler la question des heures supplémentaires et des jours de RTT non pris. Comme vous l'avez souligné, cette dérive est due en grande partie à l'instauration des 35 heures à l'hôpital, alors que le service hospitalier travaille 24 heures sur 24 et 365 jours par an.

Cette dette accumulée, nous la devons aux salariés de l'hôpital. J'ai à ma disposition, pour la régler, 348,5 millions d'euros pris sur le Fonds pour l'emploi hospitalier ainsi que les sommes, sanctuarisées dans les comptes des hôpitaux, représentatives des comptes épargne-temps. Ces crédits permettront de payer les heures supplémentaires et une partie des jours de RTT non pris, étant entendu que certains personnels ne souhaiteront pas monétariser ceux-ci et préféreront, soit les conserver, soit acquérir des droits à pension nouveaux.

Le sujet doit être traité sur le long terme. Une réflexion de fond devra être menée sur le fondement des travaux de M. Gérard Larcher, qui débouchera sur un texte visant à améliorer l'organisation des soins ; ce projet de loi vous sera soumis au milieu de cette année. (Applaudissements à droite)

Laïcité

Mme Bariza Khiari . - Rupture et fin des tabous ne sont pas en soi synonymes de modernité. Au Latran, le Président de la République a franchi une ligne rouge, estimant que, dans l'apprentissage des valeurs, jamais l'instituteur ne remplacera le pasteur ou le curé. Cette vision est pour nous la marque d'une régression (applaudissements à gauche), et une atteinte sans précédent à la laïcité (vives dénégations à droite) dont l'école républicaine est le lieu d'expression historique. Disant cela, le Président de la République laisse entendre que l'école laïque, qui m'a permis, comme à beaucoup, d'enrichir et de dépasser une identité dont j'ai hérité, aurait formé pendant des générations des individus sans vertu, incapables de distinguer le bien du mal. (Mouvements divers à droite) La morale laïque est pourtant essentielle dans la construction d'un citoyen éclairé et autonome.

Auriez-vous le projet, monsieur le Premier ministre, de substituer à notre République laïque une « politique de civilisation » faite de lois liberticides, de statistiques ethniques, de fichage génétique et de précarisation sociale ? A tous ceux qui désespèrent de la baisse de leur pouvoir d'achat, du chômage, de l'absence de logement et qui ne demandent qu'à pouvoir vivre, vous proposez, refusant de vous confronter au réel, un discours sur la transcendance et l'espérance. Mais notre plus grande espérance, c'est la République, ici et maintenant.

M. Alain Gournac. - La question !

Mme Bariza Khiari. - Après avoir essayé, pour la contourner, d'ethniciser la question sociale, vous tentez aujourd'hui de la confessionnaliser. Lors des émeutes de 2005, le ministre de l'intérieur d'alors avait tenté de s'en remettre aux imams ; il y a bien là une constante. Cette attaque idéologique annonce-t-elle des modifications législatives ou règlementaires ? A l'Assemblée nationale, la réponse de Mme Alliot-Marie à une question de M. Bataille nous inquiète.

M. le président. - Votre question !

Mme Bariza Khiari. - Sans modifier la loi de 1905, il est déjà possible d'intégrer dans les cimetières des carrés musulmans. Cela se fait dans beaucoup de communes. Chacun sait qu'en l'espèce, le problème est plus politique que juridique. Sachez que les musulmans de France ont surtout besoin d'être considérés comme des citoyens à part entière, et non comme des citoyens à part.

Notre conception de la laïcité n'est pas intolérante, elle est libératrice ; elle est le meilleur garant de la diversité, de la mixité, et de l'émancipation des femmes.

Voici ma question (« ah ! » à droite) : allez-vous, par la voie réglementaire, réformer le statut des associations cultuelles ou modifier l'article 2 de la loi de 1905 ? (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement .  - Je vous prie d'abord d'excuser M. le Premier ministre. Nombreux sont les membres de ce Gouvernement qui sont issus de l'école publique et laïque...

M. Yannick Bodin. - Ne touchez pas aux instituteurs !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Certains sont même inspecteurs généraux de l'éducation nationale.

M. Paul Raoult. - Il ne faut pas casser l'école publique !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - J'invite donc chacun à faire preuve de mesure.

La loi de 1905 a été amendée à une douzaine de reprises, sous des gouvernements de droite comme de gauche. Le Président de la République l'a dit clairement et l'a redit hier, cette loi, dans ses principes, ses fondements, son équilibre, ne sera pas modifiée, même si des aménagements techniques sont possibles.

Mme la ministre de l'intérieur a mis en place un groupe de travail sur les carrés confessionnels ; le domaine est certes de la compétence des communes, mais toutes ne font pas preuve de la même bonne volonté. Il faut sans doute que les mêmes règles s'appliquent sur tout le territoire.

Personne ne souhaite remettre en cause la laïcité, qui est le fondement de notre République. Certains -je ne parle pas pour vous, madame Khiari- prônent, sous couvert de défendre la laïcité, une vision parfois intolérante de celle-ci. Ceux qui croient, comme ceux qui ne croient pas, ont droit au respect. (Applaudissements à droite. Mouvements divers à gauche) C'est cela, la tolérance !

Un peu d'ouverture d'esprit ne saurait nuire ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Prêts bonifiés aux jeunes agriculteurs

M. Philippe Nogrix .  - Ma question s'adresse à M. Barnier mais il ne pouvait être présent.

M. Paul Raoult.  - Il va être mal noté ! (Rires)

M. Philippe Nogrix.  - L'installation des jeunes agriculteurs est un enjeu essentiel pour la vitalité de nos territoires. Ils sont de plus en plus nombreux à choisir ce métier, c'est un signe de l'attrait de notre agriculture. Mon département d'Ille-et-Vilaine détient, j'en suis fier, le premier rang national des installations aidées en 2005 et 2006. Il est impératif d'accompagner financièrement les jeunes qui le souhaitent et les prêts bonifiés sont un outil précieux : il est donc primordial de les maintenir.

M. Jean-Claude Frécon.  - Bien !

M. Philippe Nogrix.  - Quelles sont les intentions du Gouvernement ? Les rumeurs de suppression s'intensifient, les listes d'attente s'allongent, les inscriptions budgétaires s'amenuisent. Le ministre doit présenter en février prochain, au conseil national de l'installation, une réforme du dispositif d'accompagnement. Les prêts bonifiés à taux fixes seront-ils maintenus ?

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi .  - Les autorisations d'engagement, pour la politique d'installation des jeunes, représentent 226 millions d'euros et visent tant le soutien à la production agricole que l'aménagement équilibré de l'espace rural. Il s'agit de veiller à la mise en valeur des territoires, de préserver l'emploi et de favoriser les successions.

En 2007, le renchérissement du loyer de l'argent a augmenté le coût des bonifications : 131 millions d'euros contre 95 l'année précédente. Les taux des prêts bonifiés ont été maintenus à 1 % pour les secteurs défavorisés et à 2,5 % pour les zones de plaine.

Cette année, 52 millions d'euros sont prévus pour les dotations en capital aux jeunes agriculteurs, la fameuse DJA, et 63 millions pour le financement des prêts bonifiés à l'installation, à quoi s'ajoutent les prêts européens. Ce sont ainsi plus de 6 000 installations qui seront aidées. Nous avons des contacts réguliers avec les jeunes agriculteurs afin de régler la question des files d'attente. Des négociations sont en cours ; en février, il y aura des annonces intéressantes. (Applaudissements sur les bancs UMP)

RTT dans les hôpitaux (II)

Mme Annie David .  - (Applaudissements sur les bancs CRC) La dégradation de l'accès aux soins et la crise de l'hôpital nourrissent de graves inquiétudes alors que le système de santé français constitue encore un exemple dans le monde. C'est que le critère de rentabilité, la concurrence, la privatisation ont ravagé la médecine de certains pays, notamment le plus riche, les États-Unis. Cette survivance du principe de solidarité, fierté de notre pays mais dont M. Sarkozy cherche à faire une tare, c'est le personnel hospitalier qui, par son dévouement et son courage, la porte. Et vous prétendez lui voler son légitime droit au repos en supprimant les 35 heures ! (Rires sur les bancs UMP) M. Sarkozy a une fois encore forcé le trait lors de sa conférence de presse en déclarant : « l'hôpital est en déshérence et les 35 heures lui ont porté le coup de grâce. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est une honte.

Mme Annie David.  - Pour vous, il faut avancer à marche forcée vers la privatisation. Pour nous, il s'agit de garantir un égal accès aux soins. L'État prendra-t-il ses responsabilités pour sauver le système de solidarité, ou choisira-t-il la fuite en avant libérale ? Un mouvement se développe à l'hôpital pour qu'enfin les salariés, tous les praticiens et toutes les catégories de personnel reçoivent leur dû. Aujourd'hui, 23 millions d'heures supplémentaires ne sont pas payées et les comptes épargne temps se montent à 4 millions de journées. Votre réponse à M. Gouteyron ne nous satisfait pas. Allez-vous engager de véritables négociations en acceptant de recevoir les organisations syndicales, y compris les représentants des médecins urgentistes ? Payerez-vous les heures supplémentaires ? Maintiendrez-vous les 35 heures ? Quelle est la durée légale d'une demi-journée de travail à l'hôpital ? Allez-vous assurer l'avenir des RTT et embaucher le personnel nécessaire ? (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports .  - Oui, les 35 heures ont profondément désorganisé le fonctionnement de l'hôpital... (On renchérit à droite)

M. Alain Gournac.  - Eh oui !

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - ...et ce plus particulièrement dans les services qui travaillent en continu, comme les urgences.

M. Jacques Mahéas.  - Qu'avez-vous fait depuis six ans ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre.  - Oui, il faut régler le problème des heures supplémentaires accumulées et des comptes épargne temps, et le régler vite. Les négociations ont commencé ; nous avons reçu les quatre syndicats de praticiens hospitaliers, qui regroupent toutes les catégories. Le syndicat auquel vous faites allusion, dirigé par une personnalité qui sait médiatiser son action (rires sur tous les bancs à gauche), participe à ces négociations, qui se poursuivent en ce moment-même avenue Duquesne. Ce matin, les huit syndicats de la fonction publique hospitalière ont été reçus afin de discuter de la question des 23 millions d'heures supplémentaires accumulées et pour réfléchir à la façon de monétiser -c'est une grande avancée- les comptes épargne temps. Une piste est la transformation, pour ceux qui le souhaitent, en points retraite ; une autre, puisque j'ai obtenu un arbitrage du Premier ministre en ce sens, la transmission aux ayants droit.

Nous devrons aussi, la question du stock une fois réglée, nous projeter dans la durée et réfléchir à l'organisation de l'hôpital. Bien entendu, la représentation nationale sera associée à cette réflexion. Bref, 2008 sera une grande année pour la réorganisation de l'hôpital et la pérennisation de notre système de soins. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Service minimum

SommaireM. Raymond Couderc . - Des millions de Français l'attendaient avec impatience, le candidat Nicolas Sarkozy s'y était engagé, notre Assemblée l'avait voté cet été : le service minimum. Très nombreux sont ceux qui avaient le sentiment justifié d'être pris en otage lors des conflits sociaux dans les transports dont les premières victimes sont ceux qui ne peuvent pas faire autrement, les plus modestes. (Exclamations à gauche) Le service minimum devait, grâce au dialogue social, être garanti à partir du 1er janvier. Quels sont les résultats des négociations, des accords sont-ils intervenus, les dessertes prioritaires ont-elles été définies ou le représentant de l'État est-il intervenu ? Où en est-on, notamment dans les transports ferroviaires régionaux, dix jours après l'entrée en vigueur de la loi ? (Applaudissements à droite et sur certains bancs au centre)

M. Yannick Bodin. - C'est mal parti !

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité .  - Ce texte, qui avait été déposé d'abord sur le bureau du Sénat, est aujourd'hui applicable à 90 % des transports quotidiens. Il est applicable à la RATP, à la SNCF et dans les transports urbains, où l'on nous disait pourtant que ce serait impossible. Les négociations n'ont pas abouti pour les transports interrégionaux, aussi M. Bussereau et moi avons-nous pris nos responsabilités et présenté un projet de décret.

La moitié des régions ont accepté de jouer le jeu jusqu'au bout et de définir des dessertes prioritaires. Dans l'autre moitié, les préfets, comme la loi l'avait prévu, ont commencé à les établir : tout sera terminé courant janvier. Les grévistes étant désormais connus 48 heures à l'avance, on pourra affecter les autres salariés sur les dessertes prioritaires que l'on connaîtra à l'avance ; on saura comment les enfants pourront aller dans leur établissement scolaire et en revenir. Enfin, parce que celui qui est en grève ne travaille pas, le texte réaffirme qu'il n'est pas payé, ce qui évitera tous les phantasmes. (Protestations à gauche) Nous avons tenu les engagements pris et revalorisé la valeur travail. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

Pouvoir d'achat

Mme Annie Jarraud-Vergnolle . - Je vais vous épargner les chiffres au profit d'un seul qui aura la valeur symbolique que vous voudrez bien lui donner. Le candidat Sarkozy voulait être le président de tous les Français -il voulait sans doute dire des 2 000 familles qui ont un fort pouvoir d'achat. Car les cadeaux fiscaux, une conjoncture difficile et une forte inflation ont eu raison de ses bonnes intentions.

Pour une élue de terrain comme moi, qui pendant trente ans, me confrontant à la pauvreté ordinaire, ai créé et animé des structures d'insertion, ce renoncement est écoeurant de mépris envers ceux dont les amis ne possèdent ni jet, ni yacht privé pour les aider à partir en vacances. Retraités, étudiants, jeunes diplômés, smicards se reconnaîtront dans cette définition. Pour ceux-là, le « travailler plus pour gagner » plus s'est révélé inefficace -c'est d'ailleurs de l'aveu du Président, un luxe dont ils devront se passer dans cette nouvelle civilisation où l'argent ne fait pas le bonheur... Le pouvoir d'achat ne serait-il plus le moyen d'améliorer sa vie en accédant à des biens ou services, au bonheur auquel on a droit ?

Je ne vous demande donc qu'un seul chiffre : quelle est l'unité-plancher de revenu à partir de laquelle on dégage du pouvoir d'achat et l'on cesse de survivre pour vivre et de subsister pour exister ? Ne confondez pas un revenu décent et le seuil du bonheur mais donnez-nous un seul chiffre, au moins un objectif de performance pour votre ministère. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi .  - Un chiffre ? Permettez-moi de vous en donner plusieurs qui m'obsèdent. Le premier est ce point de croissance supplémentaire qui nous manque car nous devons au moins rejoindre la moyenne européenne. Les autres sont au coeur de l'action pour le pouvoir d'achat. La meilleure façon d'en avoir est de travailler, d'avoir un emploi. Aussi je vous donne ces deux chiffres : moins de 5 % de chômeurs en 2012 et un taux d'emploi de 70 %. C'est encore pour améliorer le marché de l'emploi que nous discutons en ce moment, ici même, de la fusion de l'ANPE et de l'Unedic. Ces chiffres sont importants pour notre économie qui va bien, qui créé des emplois : 312 000, et des entreprises : 300 000. Nous travaillons aussi pour le pouvoir d'achat lorsque nous autorisons les distributeurs à répercuter les marges que leur consentent les producteurs.

Et la meilleure façon d'améliorer le pouvoir d'achat de nos concitoyens consiste à...

M. Yannick Bodin.  - Augmenter les salaires !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - ...favoriser le travail, donc réduire le chômage et développer les heures supplémentaires. À cela s'ajoute notre pression en faveur de la concurrence par les prix. (Applaudissements à droite)

Garde des enfants en cas de grève scolaire

M. Paul Girod .  - Monsieur le ministre de l'Éducation nationale, lorsque vous avez présenté, en décembre, votre programme pour le premier trimestre 2008, vous avez fait allusion à la garde des enfants en cas de grève scolaire. Les élus locaux savent qu'en de telles circonstances, les familles les plus modestes sont les plus pénalisées, car elles doivent souvent renoncer à une journée de travail ou de repos. De nombreux maires ont donc accueilli votre suggestion avec intérêt. Certains versent aujourd'hui des larmes de crocodile sur ces familles modestes, mais les oublient parce qu'ils ne pensent qu'au droit de grève -que nous défendons au demeurant puisqu'il est constitutionnel.

Je me demande toutefois comment les mairies pourront financer la garde d'enfants, qui relève de l'État.

En pratique, on nous annonce une grève dès le 24 janvier. Quelles mesures envisagez-vous de prendre dans un délai aussi bref, spécialement en faveur des familles modestes ? (Applaudissements à droite)

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale .  - Nous voulons aider les familles, notamment modestes, dont les enfants ne sont pas acceptés à l'école, car la grève ne doit pas faire peser une fatalité supplémentaire sur les enfants. Le droit de grève n'est pas en cause (exclamations à gauche) puisque les enseignants sont libres de ne pas transmettre leur savoir mais il ne faut pas que cela nuise aux enfants.

J'ai été extrêmement surpris d'entendre le maire de Paris déclarer « que les familles se débrouillent ». Non ! Les maires sont responsables de ce qui se passe dans les locaux municipaux et nous allons les aider.

En pratique, les communes agiront comme elles l'entendent et seront remboursées par l'État à hauteur de 90 euros par groupe de 10 à 15 élèves pris en charge pendant une journée. Cette disposition saine est très favorablement accueillie par les maires, même lorsqu'ils ne soutiennent pas l'actuelle majorité.

Si ce dispositif fragile ne suffit pas, nous irons plus loin car la grève ne doit pas conduire à abandonner les enfants dans la rue. (Applaudissements à droite)

Fracture numérique à Wallis-et-Futuna

M. Robert Laufoaulu .  - Monsieur le secrétaire d'État à l'outre-mer, vous êtes venu porter haut et fort la voix de la France en octobre dernier, lorsque le 38ème forum des îles du Pacifique s'est tenu à Nuku Alofa, aux îles Tonga. Depuis de nombreuses années, notre pays n'était plus représenté au niveau ministériel à ce forum ; votre venue n'en a été que plus appréciée. J'étais fier de la France, dont la présence est fortement désirée.

Lors de ce forum, les chefs d'État et de gouvernement ont évoqué le projet de câble sous-marin transpacifique allant de l'Australie à Papeete, en passant par la Nouvelle-Calédonie. Il permettrait de relier les trois territoires français du Pacifique et de desservir neuf pays insulaires, offrant le haut débit indispensable à tout développement.

Vous avez alors utilisé des mots très forts pour exprimer votre indignation face à l'injuste fracture numérique subie par les habitants du Pacifique et pour souhaiter que notre pays s'implique dans les télécommunications dans la région. Vous avez affirmé que la France « est d'ores et déjà prête à s'engager aux côtés de ses propres territoires, prête à participer à ce projet si les autres bailleurs de fonds partagent cette analyse et peuvent apporter leur concours ».

Où en est l'avancement de ce projet ? La France sera-t-elle en première ligne pour convaincre d'autres bailleurs de fonds comme l'Australie ou l'Union européenne ? Pouvez-vous confirmer qu'elle financera le raccordement de Wallis-et-Futuna ? Notre territoire ne serait pas en mesure de l'assumer. (Applaudissements à droite)

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État chargé de l'outre-mer .  - Je vous remercie d'avoir mentionné ma présence au forum organisé aux îles Tonga, mais surtout pour l'accueil que vous m'avez réservé lorsque je me suis rendu à Futuna avant de rejoindre Wallis. À 23 000 kilomètres de Paris, on se sent modeste : on mesure que la France à deux vitesses existe encore.

M. Jacques Mahéas.  - Allez simplement en banlieue !

M. Christian Estrosi, secrétaire d'État.  - Avec le Premier ministre et le Gouvernement, nous voulons mettre fin à la fracture numérique dont l'outre-mer est victime. C'est pourquoi, accédant à votre demande et à celle formulée par le nouveau président de la collectivité de Wallis-et-Futuna, nous voulons raccorder vos îles au câble numérique provenant de Nouvelle-Calédonie. Quelque 200 millions d'euros seront dépensés à cette fin d'ici 2010 pour l'ensemble du Pacifique, mais aussi pour Saint-Pierre-et-Miquelon, la Guyane et la Réunion. La loi de programme en cours de finalisation comportera des mesures de défiscalisation très importante à cette fin.

En avril, je retournerai à Wallis-et-Futuna précisément en vue du raccordement numérique et pour que vous disposiez de la téléphonie mobile via France Télécom.

La loi de programmation comportera un volet spécifique pour généraliser la couverture numérique, avec la téléphonie mobile de troisième génération, la TNT et le très haut débit, avec des services et de tarifs équivalents à ceux pratiqués en métropole. Tout ceci prouve que le Président de la République et le Gouvernement travaillent en faveur de nos compatriotes de l'outre-mer.

Conditions d'accueil des étrangers en France

M. Jean Desessard . - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Alerté par le syndicat CGT de l'aéroport Roissy Charles-de-Gaulle et par l'association Réseau d'éducation sans frontières, de la transformation de la salle B33 en zone d'attente, j'ai usé, le 4 janvier, de mon droit de visite parlementaire afin d'y constater par moi-même les conditions d'accueil.

Ce jour-là, 68 hommes et femmes, de toutes nationalités, notamment des Tchétchènes et des Somaliens, y attendaient le traitement de leur dossier de demande d'asile, certains depuis plus de quatre jours. Les conditions d'accueil de cette salle sont épouvantables et ne permettent pas un séjour prolongé : pas de lit, pas de douche, pas de table, pas de téléphone pour les contacts extérieurs et le suivi des dossiers, peu de place pour circuler. Bref, une promiscuité scandaleuse pour des personnes qui séjournent en moyenne trois ou quatre jours dans ce hall d'embarquement.

Quelques instants plus tard, alerté par les associations de soutien aux demandeurs d'asile, j'ai visité deux salles au poste de police de la zone A et j'ai été scandalisé par le manque d'hygiène de ces locaux qui accueillent des familles avec enfants. Les toilettes et la douche étaient dans un état de saleté indescriptible. Je vous conseille cette visite, monsieur le ministre, si possible à l'improviste.

S'agit-il de l'illustration de cette nouvelle politique de civilisation défendue par le Président de la République que d'accueillir des étrangers en demande d'asile politique dans de telles conditions ?

Vos déclarations montrent votre souci permanent de la comptabilité des sorties du territoire, monsieur le ministre. Peut-on espérer que vous anticipiez aussi les entrées, en prévoyant des conditions d'accueil dignes pour les entrants, qui n'ont d'autre tort que d'espérer une vie décente ou d'échapper à la torture ou à la mort dans leur pays ? (Vifs applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement .  - La zone d'attente de Roissy permet d'accueillir les ressortissants étrangers qui n'ont pas de visas ou qui ne remplissent pas les conditions pour séjourner légalement en France. Ils peuvent demeurer au maximum vingt jours dans notre pays, mais sous le contrôle du juge et en fonction d'une procédure définie par la loi. Au terme de la procédure, l'étranger est admis ou refoulé.

Vous avez raison de dire que la situation est particulière : depuis la mi-décembre, le nombre de ressortissants étrangers arrivant en France a effectivement augmenté, provenant majoritairement de Tchétchénie après avoir transité par l'Ukraine grâce à une agence de voyage qui organise ces déplacements, soit de Somalie. Ce matin même, il y avait 267 hommes et femmes dans cette zone d'accueil dont la capacité normale est de 164 personnes. Cette situation n'est pas satisfaisante. En 2000, vous vous étiez sans doute également rendu sur place pour constater la présence de 400 à 500 personnes, ce qui était encore moins acceptable. Il n'en reste pas moins qu'il y a aujourd'hui une centaine de personnes en trop par rapport à la capacité d'accueil.

Face à cette situation, nous ne sommes pas restés les bras ballants : nous avons essayé d'agir le plus efficacement possible, ce qui n'est pas simple. J'ai réquisitionné des locaux appartenant à Aéroport de Paris et, avec le concours de la sécurité civile et de la Croix rouge, des lits ont été amenés et des lignes téléphoniques branchées.

Sur le plan juridique, cette situation relève de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra). Comme il s'est retrouvé engorgé, j'ai renforcé ses moyens pour que les dossiers soient examinés le plus rapidement possible. Il n'en reste pas moins que l'Office travaille en toute indépendance et que je n'ai pas d'influence sur lui. (On en doute à gauche)

Nous sommes bien confrontés à une situation particulière mais nous faisons le maximum pour la résoudre afin que les droits et les libertés des individus soient respectés mais aussi les règles de notre État de droit. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à 16 heures.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 16 h 15.