Installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation (Deuxième lecture - Suite)

M. Roger Madec.  - Lors de son examen en première lecture, le groupe socialiste avait voté contre ce texte, considérant qu'il trahissait une approche simpliste et segmentée du problème. L'installation de détecteurs de fumée dans tous les lieux d'habitation n'est qu'un outil technique de prévention. En aucun cas, il ne peut constituer une réponse globale. Même si nous sommes tous conscients, au sein de cet hémicycle, de l'impérieuse nécessité de prévenir les incendies domestiques, nous divergeons néanmoins sur les moyens d'y parvenir.

Je constate néanmoins que l'examen de ce texte par notre assemblée aura permis une amélioration substantielle de sa version initiale. Je me félicite que les arguments développés par le groupe socialiste en faveur d'une information large et massive du public sur la prévention des risques incendies et sur la conduite à tenir en cas de sinistre aient été entendus, puisque l'accent a été mis sur le retard de la France en la matière, l'installation de détecteurs de fumée devant être précédée et accompagnée d'une campagne d'information nationale.

A l'issue de la première lecture, seuls deux articles sur cinq ont été votés en termes identiques. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont maintenu leur position sur la définition des détecteurs de fumée et la mise à la charge des occupants des logements de leur installation et de leur maintenance. Ils ont également choisi d'imposer une catégorie unique de détecteurs fumée, le détecteur autonome avertisseur de fumée (Daaf), soit un appareil fonctionnant sur pile avec alarme intégrée. L'argument avancé, celui de la sécurité, ne nous semble pourtant pas fondé et je rejoins la position de notre rapporteur sur ce point. Car du même coup, les détecteurs alimentés sur secteur ou dépourvus d'avertisseur sonore intégré n'entrent pas dans le champ d'application du texte. Les ménages détenteurs d'un tel dispositif devront-ils le supprimer ? II nous semble plus pertinent de laisser au Conseil d'État le soin de déterminer les normes techniques du dispositif qui peuvent être différentes, ce qui permettra de pouvoir les modifier par voie réglementaire.

Le texte voté par l'Assemblée nationale fait supporter les obligations d'installation et de maintenance aux occupants. J'ai déjà eu l'occasion de m'élever contre cette mesure qui alourdirait encore la part consacrée au logement dans le budget des ménages. La solution préconisée par notre rapporteur me paraît plus équilibrée. La responsabilité de l'installation doit être laissée au propriétaire, tandis que la maintenance doit revenir au locataire, afin de le responsabiliser en le rendant acteur de sa propre sécurité. Un exemple : entre 2001 et 2004, deux organismes HLM ont décidé d'installer des détecteurs sur un ensemble de plus de 2 000 logements. Que s'est-il passé ? La moitié des avertisseurs ne fonctionnaient bientôt plus, parce qu'on les avait bricolés ou que les piles n'avaient pas été remplacées. C'est ainsi que la commission de la sécurité des consommateurs, considérant que la sécurité des logements suppose l'implication de tous, a préconisé cette solution à laquelle nous nous rallions.

On peut regretter que les parties communes des lieux d'habitation n'aient pas été prises en compte. Il est indispensable, ensuite, d'apprendre à nos concitoyens les gestes qui sauvent une fois le feu déclaré. Nous souhaitons, enfin, que l'obligation d'installation et d'entretien que nous instituons ne soit pas l'occasion, pour les compagnies d'assurances, de dégager leur responsabilité une fois le sinistre survenu. Nous interviendrons donc dans un esprit constructif et serons sensibles à la prise en compte de nos arguments par la majorité dans le seul souci de la sécurité de nos concitoyens.

Je ne puis terminer sans exprimer toute ma reconnaissance aux soldats du feu, homme et femmes, civils ou militaires pour le travail accompli jour après jour au service de nos concitoyens parfois au péril de leur vie. Je salue leur courage et leur abnégation.

M. Christian Cambon.  - Le rapporteur a parfaitement rappelé la genèse de ce texte et les événements dramatiques qui ont conduit nos collègues députés MM. Morange et Meslot à prendre l'initiative de cette proposition de loi.

Je souscris en tout point à ses arguments et suis convaincu que, sur un sujet de cette importance, nous parviendrons à progresser vers une position commune des deux assemblées.

Nous avons tous reçu des témoignages de familles de victimes et de personnes meurtries, blessées ou traumatisées à la suite d'un incendie survenu dans leurs lieux d'habitation. Nous ne pouvons pas être insensibles à ces drames et il est de notre devoir de trouver les moyens de réduire les risques auxquels nos concitoyens sont susceptibles d'être exposés. C'est l'honneur du Sénat d'avoir su s'engager résolument dans cette voie en votant, notamment, les mesures sur le diagnostic électricité.

Mais je voudrais surtout insister sur la nécessité d'informer et de former nos concitoyens pour qu'ils adoptent les comportements adéquats afin de prévenir la survenance d'un incendie ou de lutter efficacement contre un tel sinistre.

Je me dois d'aborder ici un autre risque encouru dans les lieux d'habitation et qui lui aussi provoque chaque année en France quelque 6 000 intoxications et plus de 300 décès : le monoxyde de carbone. Les familles socialement et économiquement fragiles sont les plus exposées aux effets particulièrement toxiques de ce gaz incolore, inodore et cependant mortel.

Dans ma commune de Saint-Maurice, j'ai malheureusement eu à connaître, le soir des élections municipales, un tel drame : deux enfants, de 5 et 7 ans, morts intoxiqués dans leur bain par le conduit d'évacuation des fumées de la cuisine. Je ne souhaite à personne de se trouver ainsi face aux corps de deux êtres innocents, fauchés par un accident absurde.

Le champ de ce texte aurait pu être étendu à l'obligation d'installer des détecteurs de monoxydes de carbone dans les logements équipés d'un système à combustion. Mais puisqu'il n'a pas, à l'issue de la première lecture, été modifié en ce sens, j'ai pris l'initiative de déposer une proposition de loi visant à rendre obligatoire l'installation de ces détecteurs de monoxydes de carbone dans tous les lieux d'habitation, cosignée par quarante-et-un de mes collègues, dont j'espère vivement qu'elle sera prochainement inscrite à notre ordre du jour.

Au-delà des questions techniques liées à la difficulté à identifier les appareils adaptés -mais les pompiers en ont bien l'expérience- des campagnes de communication et d'information de grande envergure doivent être menées. En première lecture, nous avons tous insisté sur cet impératif de prévention, pour faire changer les comportements et entraîner une prise de conscience des risques.

Aucune loi ne pourra remplacer la prévention. Tous les signataires de ma proposition souhaitent par dessus tout éviter de nouveaux drames. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Claude Danglot.  - Le 11 avril 2005, vingt-cinq personnes dont onze enfants mouraient dans l'incendie de l'hôtel Paris Opéra. Trois ans plus tard, rien n'a changé et la crise du logement s'est aggravée sous l'effet des difficultés économiques des familles. Hier encore, un drame a plongé toute une famille dans le deuil ; deux enfants ont péri et deux sont entre la vie et la mort. Agés de 2 à 9 ans, ils partageaient une chambre de 20 m2. Malgré les demandes répétées, les parents n'avaient pas obtenu un logement plus grand que celui qui appartenait aux ex-houillères. Ce n'est qu'un exemple de précarité, car des milliers de familles restent hébergées dans des hôtels peu sûrs et surpeuplés, à la merci d'un incendie. Il est urgent d'agir contre le logement indigne !

S'il est de la responsabilité du législateur d'arrêter les mesures les plus pertinentes pour assurer la sécurité de nos concitoyens, il appartient au Gouvernement de prendre ses responsabilités et de mettre en oeuvre une politique volontariste.

Le texte ne nous satisfaisait pas, et il nous convient encore moins après son passage à l'Assemblée nationale. L'obstination des députés à ne retenir que les détecteurs avertisseurs autonomes nous échappe complètement. En revanche, les raisons de ne pas y céder sont de bon sens : ces équipements ne sont pas fiables ; ils ont une durée de vie moins longue ; ils demandent plus d'entretien et les personnes qui installeraient des détecteurs plus fiables ne seraient pas en règle.

A qui incombera la charge de l'installation et de l'entretien? La question n'est pas anodine en ces temps de stagnation du pouvoir d'achat. Le rapporteur à l'Assemblée nationale se veut rassurant ; ce serait, assure-t-il, l'affaire de deux vis puis de deux piles à changer tous les deux ans, chaque appareil coûtant 15 à 20 euros. C'est loin d'être dérisoire pour tout le monde quand il faut en installer un par pièce. La facture totale pour les HLM sera de 280 millions. Faudra-t-il la répercuter sur les locataires ? De plus, l'entretien ne se limite pas au remplacement des piles, car il faut veiller à la sensibilité des appareils et au bon fonctionnement de la détection optique. Comment feront les personnes âgées ou handicapées et qui sera responsable en cas d'incendie non détecté ? Mme Boutin veut protéger les personnes avant les biens, mais les assureurs essaieront d'éviter de verser des primes. Les velléités des députés d'instaurer une franchise pour défaut de détecteur donne un avant-goût de ce qui se profile.

La rédaction de l'article 2 manque de clarté. Nous demeurons opposés à la proposition de loi en raison de l'absence de campagne d'information : dans le rapport demandé par M. Borloo, MM. Doutreligne et Pelletier avaient estimé vain, voire imprudent, d'instaurer l'obligation d'installer des détecteurs avant une telle campagne. Lors d'un incendie à la Courneuve, vous avez, madame, lancé un appel aux Français confrontés à un incendie pour qu'ils ne quittent pas leur logement car les personnes décédées étaient celles qui étaient sorties de chez elles. Tout le monde s'accorde à déplorer les carences de l'information. Où est la grande campagne qu'on nous annonce depuis des mois ? On ne saurait pourtant reprocher au Gouvernement de ne pas maîtriser les outils de communication : on ne peut que saluer sa campagne expliquant aux Français qu'ils on raison d'être impatients que leur pouvoir d'achat ne s'améliore pas mais voilà 4 millions d'euros qui auraient pu être employés à sauver des vies puisqu'aussi bien, le détecteur n'est qu'un outil dont l'efficacité dépend de l'usage.

Nous avons pris acte des avancées réalisées au Sénat et, pour aider M. Beaumont dans les négociations, nous nous abstiendrons.

La discussion générale est close.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Sans attendre la discussion des amendements, je veux assurer M. Cambon que nous voulons, comme lui, éviter ces drames qui coûtent la vie à 300 personnes chaque année. La première réglementation contre le monoxyde de carbone a été prévue par la loi du 1er juillet 2003. Le décret et l'arrêté prévus sont sur le point de paraître, ils mettent l'accent sur les bonnes pratiques car les détecteurs, comme vous l'avez reconnu, ne sont pas parfaitement au point.

Nous avons tous le même objectif, monsieur Danglot : sauver des vies. Les débats à l'Assemblée nationale comme ici ont bien montré que cet équipement suscite des interrogations et que nous apportons des réponses différentes. Je n'entrerai pas dans une vaine polémique car ce qui importe, c'est d'éviter l'inacceptable et cela passe par la campagne d'information. Le rapporteur a fait allusion à ce qui se passe à l'étranger mais en Grande-Bretagne, on compte 70 % des propriétaires et les 30 % restants sont des personnes fragiles, très assistées et accompagnées. Ailleurs, l'information a précédé l'installation : ces exemples ne correspondent pas à notre pratique. Il y a donc un objectif et deux postures. (Applaudissements à droite)

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

Article 2

Le chapitre IX du titre II du livre Ier du code de la construction et de l'habitation est complété par une section 2 ainsi rédigée :

« Section 2

« Détecteurs avertisseurs autonomes de fumée

« Art. L. 129-8. - L'occupant ou, le cas échéant, le propriétaire d'un logement doit installer dans celui-ci au moins un détecteur avertisseur autonome de fumée. Il doit veiller à l'entretien et au fonctionnement de ce dispositif.

« Il notifie cette installation à l'assureur avec lequel il a conclu un contrat garantissant les dommages d'incendie.

« Art. L. 129-9. - Les modalités d'application de l'article L. 129-8, notamment les cas dans lesquels les obligations qu'il définit pèsent sur le propriétaire du logement, les caractéristiques du détecteur avertisseur autonome de fumée et les conditions d'installation, d'entretien et de fonctionnement, sont définies par décret en Conseil d'État. »

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par M. Beaumont, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour la section 2 du chapitre IX du titre II du livre Ier du code de la construction et de l'habitation :

« Section 2

« Installation de détecteurs de fumée dans les locaux à usage principal d'habitation.

« Art. L. 129-8.- I. - Tout propriétaire de locaux à usage principal d'habitation est tenu d'installer dans ces locaux au moins un détecteur de fumée normalisé.

« Il notifie cette installation à l'assureur avec lequel il a conclu un contrat garantissant les dommages d'incendie.

« II. - Tout occupant de locaux à usage principal d'habitation est tenu de veiller à l'entretien et au bon fonctionnement des détecteurs de fumée installés dans ces locaux en application du I. Toutefois, cette obligation incombe au propriétaire dans les cas définis au second alinéa de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Art. L. 129-9.- Un décret en Conseil d'État définit les caractéristiques et les conditions de la normalisation des détecteurs de fumée mentionnés à l'article L. 129-8 ainsi que les conditions de leur installation, de leur remplacement et celles de leur entretien.

« Ce décret précise également les modalités d'information des occupants de locaux à usage principal d'habitation sur les caractéristiques, le fonctionnement et l'entretien des détecteurs de fumée installés dans ces locaux. »

M. René Beaumont, rapporteur.  - Notre souci commun est l'intérêt public : nous voulons éviter de nouveaux drames comme celui qui vient de coûter la vie à deux enfants. Chacun y mettant toute sa bonne volonté, nous arriverons à un consensus efficace.

J'ai expliqué dans la discussion générale l'économie de cet amendement. Comme en première lecture, nous demandons seulement que les détecteurs soient normalisés, leur installation incombant au propriétaire et la responsabilité de leur bon fonctionnement à l'occupant. Nous réservons quelques cas particuliers tels que meublés ou logements de fonction ou loués à des saisonniers, par référence à la loi Méhaignerie, de manière à couvrir toutes les hypothèses. L'information de l'occupant se fera par la remise de la notice d'utilisation des appareils. Pour le reste, nous revenons à la rédaction de première lecture.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°3 à l'amendement n°1 de M. Beaumont, au nom de la commission, présenté par M. Madec et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le premier alinéa du I du texte proposé par l'amendement n°1 pour l'article L. 129-8 du code de la construction et de l'habitation par une phrase ainsi rédigée :

Le propriétaire d'un immeuble collectif à usage principal d'habitation est tenu d'installer, dans les parties communes de l'immeuble, au moins un détecteur de fumées par pallier.

M. Roger Madec.  - Cet amendement vise à généraliser les installations de détecteurs dans les parties communes des immeubles. On ne peut se contenter de détecteurs dans les seuls logements : ainsi, à l'Haye-les-Roses, l'incendie s'est déclaré dans les parties communes. Peut-être faudrait-il aussi préciser qu'un décret en Conseil d'État déterminera le calendrier de la mise en place de cette mesure.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°2 à l'amendement n°1 de M. Beaumont, au nom de la commission, présenté par M. Madec et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le texte proposé par l'amendement n°1 pour l'article L. 129-8 du code de la construction et de l'habitation par un III ainsi rédigé :

« III. - Quand l'entretien du dispositif installé demande des compétences spécifiques, celui-ci est réalisé aux frais du propriétaire.

M. Roger Madec.  - Il faut que le propriétaire assure les frais d'entretien du détecteur.

M. René Beaumont, rapporteur.  - Le sous-amendement n°3 dépasse largement le cadre de ce texte et ne me semble pas réaliste. Vous êtes, monsieur Madec, élu d'une grande ville et j'ai été président d'un office HLM d'une certaine importance : nous savons bien ce qu'il adviendrait des détecteurs installés dans les halls, les couloirs et les coursives. Les dégradations seraient immédiates et permanentes. Et dans les caves, s'ils n'étaient pas détruits, ils se déclencheraient en permanence compte tenu de ce qui s'y fume... (M. Dominique Braye le confirme) Je demande donc le retrait de ce sous-amendement.

Vous demandez, avec le sous-amendement n°2, que l'entretien des détecteurs soit à la charge des propriétaires. Concernant les détecteurs autonomes, l'entretien se borne au changement de la pile tous les ans, ce qui, vous l'avouerez aisément, n'est pas ruineux. Concernant les détecteurs filaires, le coût de l'entretien est encore plus léger puisqu'il suffit d'enlever la poussière de temps à autres pour que la cellule fonctionne correctement. Je demande donc le retrait de ce sous-amendement.

Mme Christine Boutin, ministre.  - La mise en place des détecteurs dans les logements permet aux occupants de pouvoir évacuer les lieux en cas d'incendie. Si des détecteurs étaient installés dans les parties communes, l'ensemble des occupants sortiraient de chez eux en cas de déclenchement, alors que les escaliers seraient déjà envahis par la fumée. Nous savons tous qu'en cas d'incendie dans les parties communes, il est beaucoup plus sûr de se calfeutrer chez soi en attendant les secours. D'ailleurs, la plupart des décès sont dus aux personnes qui ont essayé de fuir. Je suis donc défavorable au sous-amendement n°3.

Même avis pour le sous-amendement n°2 car il faut, avant tout, simplifier le dispositif. Nous ne devons pas diluer les responsabilités entre le propriétaire et l'occupant. C'est pourquoi je suis hostile au fait que l'entretien des détecteurs soit à la charge des occupants.

Je suis également défavorable à l'amendement de la commission car nous voulons que chaque logement soit équipé de détecteurs afin d'assurer la sécurité des occupants. D'ailleurs, le code civil rappelle que ce sont les preneurs qui répondent des incendies sauf s'ils peuvent démontrer qu'ils n'en sont pas responsables. Les arguments développés par votre commission, même s'ils s'appuient sur des exemples étrangers, ne me convainquent pas. La grande campagne de communication que nous allons lancer sensibilisera davantage les occupants si ce sont eux qui sont chargés de la mise en place des détecteurs.

Enfin, il convient de ne pas parler de détecteurs normalisés. Les caractéristiques techniques suffisent.

M. René Beaumont, rapporteur.  - Vous estimez que, si notre amendement est adopté, les responsabilités ne seront pas claires entre propriétaires et locataires, mais nous ne faisons qu'appliquer la loi Méhaignerie qui règle les rapports entre bailleur et preneur : au premier incombe la responsabilité d'assurer la sécurité des logements tandis que le second doit se préoccuper de la maintenance. En outre, comme nous venons de le dire, les frais d'entretien de ces détecteurs sont quasi inexistants. Mais la responsabilité des occupants sera engagée à partir du moment où ce sera à eux de changer les piles. La campagne de communication devra donc les sensibiliser sur ce point. D'ailleurs, comment voulez-vous que les propriétaires assurent l'entretien des détecteurs dans les logements HLM ? La majorité des locataires ne les laisserait pas entrer chez eux !

Le deuxième point est encore plus grave : mieux vaut encore ne pas voter le texte que de refuser de parler de détecteurs normalisés. Sinon, le marché va être envahi de détecteurs fabriqués dans le sud-est asiatique qui, certes, ne coûteront pas cher mais qui n'auront aucune sensibilité à la fumée. Et tout le monde les achètera pour respecter la loi sans être pour autant protégé. Je comprends d'autant moins votre position qu'une norme européenne, transposée en droit français, existe déjà. Pourquoi alors refuser de parler de détecteurs normalisés ? (Marques d'approbation à droite)

Mme Christine Boutin, ministre.  - Il faut que l'occupant soit responsable, car comment ferait le propriétaire pour entretenir les détecteurs, surtout quand les locataires occupent de nombreuses années leur logement ?

M. René Beaumont, rapporteur.  - Nous ne proposons rien d'autre.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Concernant la normalisation, nous avons les mêmes préoccupations, mais elle sera prévue par décret. Si nous l'inscrivons dans la loi, nous craignons que des ententes entre fabricants faussent la concurrence.

M. René Beaumont, rapporteur.  - Nous nous sommes donc rejoint sur un point : ce seront les occupants qui assureront l'entretien du détecteur.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Exactement.

M. René Beaumont, rapporteur.  - Concernant l'installation, je comprends bien que certains grands bailleurs publics ou parapublics s'agitent et que vous ayez à coeur de les défendre, madame la ministre. Je vois bien l'impact qu'aura cette proposition de loi sur les budgets des HLM. Mais il s'agit de la sécurité des Français ! Le coût de l'installation sera aisément répercuté, sans augmentation de loyer excessive, puisqu'on parle de 45 euros à récupérer sur cinq ans ! Et puis, nous devrons inciter les propriétaires à installer des détecteurs filaires lors de constructions de nouveaux immeubles ou lors de réhabilitations.

Les occupants installeront les appareils les moins chers sans prendre conscience que leur sécurité est en jeu. La loi Méhaignerie était sage : le bailleur installe, l'occupant entretient. J'ajoute que la commission m'a donné un mandat formel sur la normalisation. Je ne pourrai pas voter ce texte si notre formulation n'est pas retenue. J'en suis désolé.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Ne le soyez pas ! Mais ces équipements devront être changés tous les cinq ans ; vous donnez donc l'autorisation au propriétaire d'entrer dans le logement tous les cinq ans.

M. Roger Madec.  - C'est déjà le cas lorsqu'il y a une rénovation !

Mme Christine Boutin, ministre.  - J'ai le souci de défendre les bailleurs de HLM, bien sûr, mais aussi les propriétaires privés. J'ai aussi pris des engagements devant vous en première lecture et je m'efforce de les tenir.

Si vous insistez pour placer dans la loi des dispositions d'ordre réglementaire, faites-le, je ne m'y opposerai pas. (M. le rapporteur remercie)

Le sous-amendement n°3 est retiré ; le sous-amendement n°2 n'est pas adopté.

L'amendement n°1 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par M. Madec et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute acquisition de locaux à usage d'habitation et tout contrat de mise en location de ces locaux doit être précédé d'une information des acquéreurs ou des occupants sur les modes d'usage et d'entretien des détecteurs de fumées ainsi que sur les comportements à adopter en cas de survenance d'un sinistre.

M. Roger Madec.  - Le détecteur est un outil dont il faut savoir se servir. Pour éviter que son installation ne déresponsabilise les gens, il est indispensable de mener une action de prévention ; il faut aussi apprendre les gestes qui sauvent lorsque l'incendie est déclaré.

M. René Beaumont, rapporteur.  - L'amendement est en partie satisfait. L'article L 29.9 du code de la construction mentionne l'information des occupants sur le fonctionnement de ces installations. Mais le plus important, c'est leur information sur la conduite à tenir pour prévenir les incendies et sur le comportement à avoir s'ils se déclarent -les bailleurs ne sont pas les plus compétents ! Retrait ou rejet.

L'amendement n°4, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par M. Madec et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I - Après le a bis du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« ... Les dépenses liées à l'installation de détecteurs de fumées supportées par le propriétaire ; ».

II - Les éventuelles pertes de recettes pour l'État résultant du I sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Roger Madec.  - C'est une mesure incitative : le propriétaire déduira le prix des détecteurs de ses revenus locatifs. Nous voyons là aussi un moyen de faire admettre plus facilement aux députés que la charge de l'équipement revient au propriétaire.

M. René Beaumont, rapporteur.  - Amendement judicieux. La commission ayant cependant eu une position réservée, nous demanderons l'avis du Gouvernement. Pour ma part, je crois que les propriétaires seront ainsi encouragés à choisir un matériel pérenne.

Mme Christine Boutin, ministre.  - Défavorable, pas par systématisme mais comme je l'ai été, à l'Assemblée nationale, à l'égard d'un crédit d'impôt. Inutile d'ajouter une disposition fiscale pour un montant de dépense tout de même très limité.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'amendement n°6 est retiré.

L'article 4 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

M. Robert del Picchia.  - Je salue l'initiative des députés auteurs de la proposition, qui vise à protéger nos concitoyens. De telles mesures existent déjà dans d'autres pays. N'oublions pas que les incendies domestiques font 500 morts par an.

Le détecteur alerte, mais il ne prévient pas. Un Livre blanc sera remis au secrétaire d'État chargé de l'industrie et de la consommation, au sujet d'un plan national de lutte contre les accidents de la vie quotidienne. Il me semble, comme me l'a suggéré M. Dulait, qu'une vérification, au moment de la visite annuelle des pompiers...

M. Dominique Braye.  - Pour les étrennes !

M. Robert del Picchia.  - ...serait judicieuse. (Sourires)

Il reste des points de désaccord avec les députés mais je ne désespère pas que nous parvenions à un compromis en CMP. Le groupe UMP votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Roger Madec.  - Cette deuxième lecture est une avancée, grâce à l'adoption de l'amendement Beaumont. Néanmoins, le refus de Mme la ministre d'accepter nos sous-amendements pourtant consensuels nous amène à nous abstenir.

Mme Muguette Dini.  - Je ne minimise pas les drames provoqués par les incendies. Mais pourquoi nous précipiter alors qu'aucune campagne d'information n'a été menée ? Un rapport soulignait en 2005 la vanité de rendre obligatoire des équipements en l'absence de campagnes de sensibilisation. Il préconisait d'installer les détecteurs dans les logements neufs avant de préconiser leur généralisation.

Au lieu de quoi 26 millions de logements devront être bientôt équipés, sans en avoir préalablement informé nos concitoyens. On sait qu'il peut y avoir des déclenchements intempestifs causés par les fumées de cuisson. Bref, rien n'est réglé, même si le texte renvoie prudemment au décret pour son application.

Je regrette donc cette précipitation et je doute que le nombre de décès soit réduit par cette nouvelle disposition.

Je crains que nous ne nous donnions bonne conscience en édifiant une véritable usine à gaz. Toutefois, pour donner au Gouvernement une chance de me montrer que je me suis trompée, je voterai ce texte quand même. (Sourires)

La proposition de loi est adoptée.

La séance est suspendue à midi quarante-cinq.

présidence de Mme Michèle André,vice-présidente

La séance reprend à 15 heures.