Allocution de M. le Président du Sénat

M. le président.  - Arrivés dans les dernières encablures de cette soixante-dixième session extraordinaire de la Ve République, il m'est particulièrement agréable de sacrifier une nouvelle fois à l'heureuse tradition républicaine que constitue cette allocution annonçant la fin prochaine de nos travaux parlementaires et l'approche d'une brève interruption estivale que nous aurons, je crois, les uns comme les autres, bien méritée.

Au terme de cette année parlementaire 2007-2008, marquée par d'importantes réformes qui se sont traduites par autant de discussions législatives, mais aussi -je ne saurais aujourd'hui l'oublier- constitutionnelles, je tiens d'abord à exprimer toute ma gratitude à tous ceux qui ont permis à notre assemblée de tenir pleinement son rôle, en toutes circonstances, au coeur des institutions de la Ve République.

Permettez-moi d'abord, monsieur le Premier ministre, de vous remercier pour l'attention constante que vous-même et les membres de votre Gouvernement avez portée aux travaux du Sénat, dont la qualité même résulte pour une large part d'un dialogue fécond avec le Gouvernement. (Applaudissements à droite et au centre) Permettez-moi aussi de rendre un hommage singulier à notre infatigable secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement, (Applaudissements et « Bravo » à droite) pour son exceptionnelle disponibilité et le talent avec lequel il exerce la rude tâche qui est la sienne : celle de concilier en permanence, avec efficacité et une pointe d'humour qui ne gâche rien, les priorités gouvernementales et les préoccupations légitimes de notre assemblée.

Mais c'est bien sûr aussi à tous les acteurs de l'institution sénatoriale que je me dois, à cet instant, d'exprimer ma reconnaissance.

Elle s'adresse d'abord naturellement à chacune et à chacun d'entre vous, mes chers collègues, quelle que soit votre place dans cet hémicycle. C'est aussi, je le sais, en votre nom que j'exprime ma plus vive gratitude à chacun des présidents de nos groupes politiques qui jouent le rôle déterminant qui doit être le leur dans une assemblée parlementaire et qui assurent l'expression politique de toutes les sensibilités au sein de notre hémicycle. (M. Bernard Saugey approuve)

Je pense également, bien sûr, aux vice-présidents du Sénat qui impriment à nos débats un style impartial, ferme mais conciliant, et contribuent ainsi pour beaucoup à l'image de marque de notre assemblée à laquelle, vous le savez, nos concitoyens sont très attachés.

Je tiens encore à exprimer notre reconnaissance à nos six présidents de commissions permanentes pour le travail considérable et le rôle essentiel qu'ils jouent aussi bien dans nos travaux législatifs, dont ils sont les orfèvres incontestés, que dans nos travaux de contrôle qui sont, comme chacun sait, devenus leur seconde nature et qui donnent tout leur sens aux travaux du Sénat.

Je me dois enfin d'associer à ces remerciements l'ensemble des membres du Bureau du Sénat pour le remarquable travail qu'ils accomplissent, sous l'égide de nos questeurs -auxquels j'exprime ma singulière gratitude- pour améliorer sans cesse le fonctionnement de l'institution que nous avons reçue en partage du suffrage universel.

Mes sincères félicitations iront aussi -et je sais, à cet instant, pouvoir m'exprimer au nom de chacune et de chacun d'entre vous- : aux fonctionnaires du Sénat dont chacun sait ici la compétence, le dévouement et l'efficacité ; (applaudissements) aux collaborateurs des groupes politiques et des sénateurs qui accomplissent une lourde tâche qui s'apparente parfois à un sacerdoce ; et enfin à l'ensemble des collaborateurs de notre chaîne parlementaire Public Sénat et des journalistes qui rendent compte des travaux de notre institution et contribuent ainsi au débat démocratique.

Mes chers collègues, l'année parlementaire qui s'achève l'illustre : le Sénat a tenu, une nouvelle fois, pleinement son rôle au coeur de nos institutions.

Quelles qu'aient pu être les circonstances, parfois difficiles, et les pressions du moment, parfois lourdes, notre assemblée a, je crois, pleinement conforté sa réputation de législateur attentif, scrupuleux et garant des principes fondamentaux, mais aussi de contrôleur quotidien, vigilant et rigoureux de l'action gouvernementale.

Pour s'en tenir à la seule période de la session ordinaire qui vient de s'achever -et donc sans prendre en compte l'activité plus qu'intense, j'allais dire endiablée, qui est la nôtre depuis le 1er juillet-, je constate avec satisfaction que le taux de reprise des amendements du Sénat par l'Assemblée nationale s'est élevé cette année à 92 %.

M. Charles Pasqua.  - Et les 8 % restants ?

M. le président.  - Et je me félicite de la multiplication des débats organisés dans cet hémicycle, à l'initiative du Gouvernement ou du Sénat lui-même, favorisant ainsi, sous l'impulsion de nos commissions, un contrôle plus régulier et plus intense, notamment en matière budgétaire et financière, mais aussi dans le domaine de la politique étrangère et de la défense de notre pays.

A l'heure où va s'achever notre importante réflexion sur la modernisation de nos institutions, le Sénat a, c'est ma conviction, apporté une nouvelle illustration de son rôle essentiel dans leur équilibre et, finalement, leur bon fonctionnement, pour peu que nous restions fidèles à notre identité sénatoriale qui est elle-même le gage de la qualité de nos travaux. Car, nous le savons bien, la valeur du bicamérisme a pour condition indispensable que le Sénat ne soit pas le « clone » de l'Assemblée nationale.

Le bicamérisme à la française a, je crois, fait ses preuves. L'un des enseignements les plus précieux de nos débats de qualité sur la rénovation de nos institutions réside sans doute -quelles que soient les modalités qui peuvent, bien sûr, avoir la préférence des uns et des autres, y compris dans cet hémicycle- dans la reconnaissance désormais généralisée de la nécessité de ce bicamérisme équilibré et de son apport au bon fonctionnement de nos institutions.

Et j'ai la faiblesse de croire que l'action que nous avons menée, ensemble, au cours des dernières années n'y est pas, loin de là, étrangère ! Je pense à l'auto-réforme de 2003, mais plus encore à la qualité reconnue de nos travaux législatifs, à l'approfondissement de notre activité de contrôle. Je pense en particulier à la clarification de nos règles budgétaires dans un souci constant de vérité et de transparence financière, dans le cadre de la Lolf qui porte une forte empreinte sénatoriale. Je pense également à l'ouverture croissante de notre maison et à notre attention constante aux préoccupations de nos concitoyens et aux évolutions de notre société.

Bien du chemin reste naturellement à accomplir pour permettre à notre assemblée d'occuper, demain, tout l'espace politique, économique et social qui s'offre à elle. Au-delà même de la révision de notre Constitution, qui doit nous permettre de franchir une étape très importante dans ce sens, cela dépend d'abord de notre volonté commune de parlementaires d'exercer pleinement et collégialement les prérogatives qui sont les nôtres.

Je veux redire ici, au moment où vient de s'ouvrir la présidence française de l'Union européenne, combien il est essentiel que nous engagions dans les meilleurs délais la mise en oeuvre des dispositions qui permettront aux parlements nationaux de mieux remplir leur rôle en matière européenne et, en particulier, de rendre plus efficace le contrôle de subsidiarité.

Je veux aussi rappeler à cet instant l'importance d'une meilleure valorisation de notre travail de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. Notre assemblée doit aussi assumer pleinement sa fonction de communication pour porter encore davantage à la connaissance des Français la réalité du travail accompli par le Sénat, trop souvent ignoré.

Mais c'est assurément, en tout état de cause, dans la rénovation du travail parlementaire et dans de nouvelles améliorations du fonctionnement interne de notre assemblée que nous trouverons, je n'en doute pas, les bases concrètes les plus solides du rééquilibrage souhaité de nos institutions. Une prochaine adaptation de notre Règlement en sera nécessairement un des instruments privilégiés.

C'est par cette nouvelle auto-réforme, par cette amélioration constante de ses méthodes de travail, que le Sénat continuera à jouer demain l'intégralité de son rôle au coeur de nos institutions.

Je ne demanderai alors qu'une chose : que le Sénat soit apprécié pour la réalité de sa contribution constante à la qualité de la loi et pour la pertinence de ses recommandations.

Je ne voudrais pas conclure ce propos sans exprimer mon émotion en saluant aujourd'hui ceux de nos collègues qui ne se représenteront pas le 21 septembre prochain.

M. Charles Pasqua.  - Morituri te salutant...

M. le président.  - Ils ont consacré de longues années à notre maison où ils ont participé à de multiples combats politiques. Mais je sais, quelle que soit la partie de l'hémicycle où ils siègent, qu'ils n'ont eu comme seul objectif que de défendre leurs convictions, l'intérêt général et de promouvoir l'action de notre assemblée. Qu'ils trouvent ici l'expression publique de notre chaleureuse reconnaissance ! (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs socialistes)

Quant à ceux d'entre vous qui affronteront à nouveau, dans quelques semaines, le suffrage de leurs grands électeurs, ils savent qu'ils peuvent se présenter devant eux la tête haute. Le Sénat est une assemblée sage et efficace qui sait se grandir -parce que l'intérêt général l'impose- par une réflexion sereine et des décisions justes et équilibrées. Je suis persuadé que vos électeurs en sont conscients et je souhaite qu'ils vous donnent les moyens de poursuivre cette oeuvre au service de la République.

Je conclurai d'un seul mot en souhaitant aux uns une fructueuse campagne, aux autres un repos estival bien mérité, et en vous donnant à toutes et à tous, à chacune et à chacun, rendez-vous à la fin du mois de septembre ! (Applaudissements à droite, au centre et sur quelques bancs socialistes)