Secret des sources des journalistes (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la protection du secret des sources des journalistes.

Discussion des articles (Suite)

Article premier(Suite)

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement n°1 répond aux inquiétudes des journalistes : c'est l'activité journalistique elle-même qui motive la protection des sources et c'est bien l'information du public qui est centrale. L'objectif d'intérêt général rappelé par la Cour européenne des droits de l'homme n'est pas indispensable à rappeler.

Concernant la protection du secret des sources, les collaborateurs et les proches du journaliste seront protégés puisque c'est le secret qui est protégé et non la personne qui le détient. En outre, la définition des atteintes indirectes lève les dernières incertitudes.

Enfin, les atteintes exceptionnelles au secret des sources en matière pénale sont précisées.

Toutes ces précautions rédactionnelles sont de nature à rassurer les journalistes : avis favorable.

En revanche, je suis défavorable au sous-amendement n°17 : il n'est en effet pas indispensable de définir ce qu'est une source, d'autant que cette question n'a pas soulevé de difficulté. Certes, la définition que vous proposez n'est pas inintéressante, mais elle aurait l'inconvénient de figer cette notion. De plus, cette définition a l'inconvénient de confondre la protection des sources et la protection de l'anonymat des informateurs. Il suffit parfois de savoir comment un journaliste a été informé pour savoir qui l'a informé. Dans ces conditions, avis défavorable au sous-amendement n°17, ainsi qu'au sous-amendement n°22 pour les mêmes raisons.

Même avis sur le sous-amendement n°19 qui propose une définition des atteintes directes au secret des sources. Cette précision est inutile puisque l'article premier interdit les atteintes au secret, qu'elles soient directes ou indirectes.

Plusieurs amendements de la commission proposent d'ajouter la notion d'objet à celle de documents lors de la perquisition ou de la saisie. Même si la notion d'information est plus générale, il est sans doute cohérent de compléter la loi de 1881 : je m'en remets donc à la sagesse de la Haute assemblée sur le sous-amendement n°18.

L'amendement n°43 et le sous-amendement n°26 rectifié limitent la levée du secret des sources en matière pénale, comme en Belgique. Mais les atteintes à l'intégrité physique ne sont pas les seules à être condamnables. Nous considérons que la loi belge est trop restrictive et qu'elle ne saurait être transposée dans notre droit : avis défavorable.

Les sous-amendements n°s27 rectifié et 28 rectifié étendent le champ d'application de ce texte aux journalistes occasionnels non rétribués. Nous préférons protéger le secret des sources des journalistes professionnels. Avis défavorable.

Les amendements n°s40, 25, 41 et 42 et le sous-amendement n°24 rectifié sont satisfaits par l'amendement de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous sommes très attachés au sous-amendement n°24 rectifié qui a l'avantage de la simplicité et de la clarté, contrairement à l'amendement n°1 de notre rapporteur qui n'est pas toujours limpide. Le droit au secret des sources est protégé par la loi : il va de soi qu'il s'agit d'un texte qui concerne les journalistes. Nous proposons une formulation générale du même type que ce qu'énonce la loi de 1881. Cette rédaction permettrait d'éviter quelques arguties juridiques. En outre, quand j'entends dire que nos motifs d'exception sont trop restrictifs, je crains que le juge ne puisse invoquer un trop grand nombre d'entre eux, ce qui ferait perdre de son efficacité à cette loi.

Le sous-amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°17 n'est pas adopté, non plus que les sous-amendements n°s20, 22, 27 rectifié et 28 rectifié.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je n'ai pas compris pourquoi M. le rapporteur et Mme la ministre sont opposés au sous-amendement n°23. Nous avons proposé quinze amendements et sous-amendements sur cet article, et aucun d'entre eux n'a reçu un avis favorable. N'est-ce pas un peu systématique ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Pas du tout !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je comprends, monsieur le président, que vous ayez une haute idée de la vérité et des travaux de la commission des lois, mais nos suggestions peuvent ne pas être totalement inutiles. Le fait que l'on retoque en bloc toutes nos propositions est d'autant moins sain que le président Larcher se dit très attaché au statut de l'opposition.

Pour quelles raisons un journaliste qui vient travailler quelques mois dans une rédaction ne pourrait-il bénéficier du même droit de protection de ses sources que ses collègues embauchés à durée indéterminée ? Je comprends d'autant moins ce refus que nous avons voté, il n'y a pas si longtemps, une loi pour protéger les stagiaires !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Voilà une conception curieuse de l'opposition, monsieur Sueur. Il faudrait, parce que vous en faites partie, que nous acceptions certains de vos amendements !

Je voudrais également faire une remarque sur la façon dont nous travaillons en commission : nos débats seraient bien plus riches si nous pouvions confronter nos amendements plutôt que d'examiner ceux du rapporteur puis, dans un deuxième temps, les autres. Mais nous reviendrons plus tard sur cette question.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Avec plaisir !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Nous avons examiné vos amendements un par un et aucun ne nous a paru congruent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est votre droit !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Vous feignez la surprise sur le sous-amendement n°23 même si vous savez bien qu'il est inutile.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Serais-je de mauvaise foi ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Non, mais vous n'êtes pas non plus naïf... (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je défends les stagiaires !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Vous savez bien que la précision que vous proposez n'est pas nécessaire puisqu'ils sont déjà couverts.

Mais dire ensuite que la protection des sources doit être prévue par la loi n'est rien d'autre qu'une redondance. Revenons à des principes sains ! Il est trop de textes, qu'ils émanent du Gouvernement ou des parlementaires, dans lesquels on a envie de sabrer, tant ils sont inutilement bavards, pour se laisser aller de surcroît à la tentation de proposer des séries sans fin d'amendements !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas ce que nous faisons.

M.Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - L'opposition a des droits, mais pas celui d'avoir des amendements acceptés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai seulement constaté que tous mes amendements avaient été repoussés.

M. Bernard Frimat.  - J'ai trouvé M. Sueur un peu sévère : il n'y a pas 30 avis défavorables sur 30, mais 29 sur 30, puisque le Gouvernement a émis un avis de sagesse sur le sous-amendement n°18. (Sourires) Saluons cette avancée remarquable...

Le droit du parlementaire, monsieur le président de la commission, n'est-il pas de déposer un amendement, de le défendre et d'essayer de convaincre ? M. Sueur a cette qualité de croire qu'il peut encore convaincre et que ses arguments auront leur poids.

Vous répondez que l'amendement n°23 est inutile parce que la chose est implicite. Serait-ce trop demander que de préférer parfois que l'implicite cède la pas à l'explicite ? Les stagiaires, qui sont souvent sur le terrain, effectuent un travail de journaliste. Au-delà de mon souhait de voir se manifester parfois un esprit d'ouverture, suffisamment rare au Sénat, (protestations à droite) j'aurais aimé entendre un vrai débat sur cet amendement. Nous demandions hier que les articles puissent être discutés. Nous demandons aujourd'hui que puisse s'exercer un droit d'amender plein et entier. Chaque fois qu'il s'agira de faire progresser les droits de l'opposition, vous nous trouverez à vos côtés : j'espère que l'occasion nous en sera donnée au moins une fois... (« Très bien ! » sur les bancs du groupe socialiste)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous essayons de construire un texte cohérent, concis et clair : trop de textes recherchent inutilement l'exhaustivité, quand l'énoncé des principes suffit souvent à garantir le droit.

Vous demandez que les stagiaires soient assimilés à des journalistes. Mais ce texte, dont l'objet est de protéger les sources des journalistes, assure une protection « directe ou indirecte » : toute la chaîne de l'information est bien visée. Un stagiaire travaillant pour un journaliste professionnel faisant l'objet d'une demande de levée sera protégé comme lui.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et s'il travaille tout seul ?

M. Bernard Saugey.  - Ce débat me semble sans objet. Pour avoir été longtemps journaliste, statut que j'ai acquis le 1er mars 1961, dans des journaux que l'on ne peut considérer comme des feuilles de chou, puisqu'il s'agit du deuxième et du quatrième titre de la presse française, je puis vous dire que le problème des stagiaires ne se pose pas : un stagiaire ne sera jamais chargé d'aucune enquête d'investigation ; seuls les grands journalistes en mènent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Merci pour les autres. Ils apprécieront.

M. Bernard Saugey.  - Un stagiaire, la plupart du temps, fait un travail de localier : il n'y a pas lieu de le protéger.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le sous-amendement n°26 rectifié qui va être soumis au vote est au coeur du sujet, et c'est pourquoi nous avons demandé un scrutin public. Nous pensons avoir suffisamment démontré combien sont flous les termes d'« intérêt impératif prépondérant ». Mme le garde des sceaux a évoqué l'intérêt de la Nation, mais si telle fraction de la Nation peut invoquer ces intérêts, tels qu'elle les conçoit, ç'en est fait du secret des sources. Elle a aussi donné l'exemple des sites sensibles. Mais toute publication a un directeur, qui répond devant la justice, avec l'auteur, des informations qui y sont diffusées. Le secret défense est là pour garantir l'impératif de sécurité. Nous ne le mettons pas en cause. Mais dans ce cas, comme dans celui de la diffamation, il existe des règles claires : on ne peut pas publier n'importer quoi dans un journal, et c'est heureux.

Autre chose est la question du secret des sources. Quiconque est prêt à en affirmer le principe doit aussi définir les exceptions. Nous le faisons, avec le sens des responsabilités qui est le nôtre : porter atteinte à ce secret est licite s'il s'agit de prévenir la commission d'un crime ou d'un délit constituant une menace grave pour l'intégrité des personnes. L'exception est ainsi clairement circonscrite. Ne pas l'accepter, c'est entrer dans le flou.

A la demande du groupe socialiste, le sous-amendement n°26 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 139
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Le sous-amendement n°19 n'est pas adopté, non plus que le sous-amendement n°18.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'aimerais attirer l'attention sur la formulation complexe et obscure du dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n°1 de la commission. Il est écrit : « Au cours d'une procédure pénale, il est tenu compte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte, de la gravité du crime ou du délit, de l'importance de l'information recherchée pour la répression ou la prévention de cette infraction et du fait que les mesures d'investigation envisagées sont indispensables à la manifestation de la vérité. » Si je comprends bien la syntaxe enchevêtrée de ce texte, pour apprécier la nécessité de l'atteinte au secret des sources, on prendra en compte la gravité du crime ou du délit, l'importance de l'information, et « le fait que » les mesures envisagées sont indispensables. (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le confirme) Ce dernier membre de phrase est mal rédigé : il aurait mieux valu écrire qu'on tiendrait compte « de la mesure dans laquelle » ces mesures sont indispensables. D'ailleurs cette rédaction, qui juxtapose trois conditions, laisse le champ libre à toutes sortes d'abus : on pourra invoquer la loi, dès que l'on considérera dans une procédure pénale qu'une atteinte au secret des sources est nécessaire à la manifestation de la vérité ! (M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission, le conteste) Cela affaiblit considérablement la protection du secret des sources.

Je me félicite que le Gouvernement n'ait pas déclaré l'urgence sur ce texte : peut-être pourra-t-on améliorer ces formules ambiguës au cours des prochaines lectures.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - On peut tout faire dire à un texte, mais il y a des limites ! Les conditions énoncées par notre amendement sont évidemment cumulatives.

Mme Jacqueline Gourault.  - En effet : elles sont coordonnées par « et ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Peut-être pourra-t-on trouver une meilleure rédaction, mais je n'en vois pas pour le moment.

L'opposition pourrait veiller à la précision de ses propres amendements ! L'un d'eux autorisait les atteintes au secret des sources dans le but de prévenir les atteintes à l'intégrité physique des personnes. Mais dans le cas où l'infraction aurait déjà été commise, il n'aurait plus été possible lever le secret !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous parlions d'une menace.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le texte du projet de loi, tel qu'il ressortait des travaux de l'Assemblée nationale, ne satisfaisait évidemment pas M. le rapporteur. Mon groupe, le groupe socialiste et les Verts ont formulé des propositions pour améliorer ce texte, et garantir le respect du secret des sources des journalistes.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ce n'est pas un droit absolu !

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Certes, il faut prévoir des exceptions au secret des sources ; mais les formulations que nous avions proposées étaient plus pertinentes et plus claires. Il est dommage que nous n'ayons pas été entendus. Je m'abstiendrai donc sur l'amendement de la commission.

L'amendement n°1 est adopté.

Les amendements n°s40, 25, 41, 43 et 42 deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le second alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :

les pièces d'une procédure pénale couvertes par le secret de l'enquête ou de l'instruction si elles

par les mots :

des éléments provenant d'une violation du secret de l'enquête ou de l'instruction ou de tout autre secret professionnel s'ils

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement tend à ajouter au nombre des documents que les personnes poursuivies pour diffamation peuvent produire pour leur défense sans encourir de poursuites pour recel, les documents provenant d'une violation du secret professionnel. La Cour européenne des droits de l'homme considère qu'il n'y a pas de différence de nature entre le secret professionnel et le secret de l'instruction. Cet amendement n'empêche évidemment pas de poursuivre la personne ayant directement violé le secret professionnel.

L'amendement n°2, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article 2

L'article 56-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 56-2. - Les perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels, ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat. Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l'article 57. Aucune saisie ne peut concerner des documents relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans cette décision. Les dispositions du présent alinéa sont édictées à peine de nullité. Le magistrat et la personne présente en application de l'article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie. 

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste. Il veille à ce qu'elles ne portent pas atteinte de façon disproportionnée, au regard de la nature et de la gravité de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et qu'elles ne constituent pas un obstacle ou n'entraînent pas de retard injustifiés à la diffusion de l'information.

« La personne présente lors de la perquisition en application de l'article 57 du présent code peut s'opposer à la saisie d'un document ou du matériel de toute nature utilisé, dans l'exercice de ses fonctions, par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations, à laquelle le magistrat a l'intention de procéder si elle estime que cette saisie serait irrégulière au regard de l'alinéa précédent. Le document doit alors être placé sous scellé fermé. Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal mentionnant les objections de la personne, qui n'est pas joint au dossier de la procédure. Si d'autres documents ont été saisis au cours de la perquisition sans soulever de contestation, ce procès-verbal est distinct de celui prévu par l'article 57. Ce procès-verbal ainsi que le document placé sous scellé fermé sont transmis sans délai au juge des libertés et de la détention, avec l'original ou une copie du dossier de la procédure.

« Dans les cinq jours de la réception de ces pièces, le juge des libertés et de la détention statue sur la contestation par ordonnance motivée non susceptible de recours.

« A cette fin, il entend le magistrat qui a procédé à la perquisition et, le cas échéant, le procureur de la République, ainsi que la personne en présence de qui la perquisition a été effectuée. Il peut ouvrir le scellé en présence de ces personnes. Si le journaliste chez qui la perquisition a été réalisée n'était pas présent lorsque celle-ci a été effectuée, notamment s'il a été fait application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 57, le journaliste peut se présenter devant le juge des libertés et de la détention pour être entendu par ce magistrat et assister, si elle a lieu, à l'ouverture du scellé.

« S'il estime qu'il n'y a pas lieu à saisir le document, le juge des libertés et de la détention ordonne sa restitution immédiate, ainsi que la destruction du procès-verbal des opérations et, le cas échéant, la cancellation de toute référence à ce document ou à son contenu qui figurerait dans le dossier de la procédure.

« Dans le cas contraire, il ordonne le versement du scellé et du procès-verbal au dossier de la procédure. Cette décision n'exclut pas la possibilité ultérieure pour les parties de demander la nullité de la saisie devant, selon les cas, la juridiction de jugement ou la chambre de l'instruction. »

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code procédure pénale par quatre alinéas ainsi rédigés :

« Les perquisitions dans les locaux d'une entreprise de presse, d'une entreprise de communication audiovisuelle, d'une entreprise de communication au public en ligne, d'une agence de presse, dans les véhicules professionnels de ces entreprises ou agences, ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, ne peuvent être effectuées que par un magistrat.

« Ces perquisitions sont réalisées sur décision écrite et motivée du magistrat qui indique la nature de l'infraction ou des infractions sur lesquelles portent les investigations, ainsi que les raisons justifiant la perquisition et l'objet de celle-ci. Le contenu de cette décision est porté dès le début de la perquisition à la connaissance de la personne présente en application de l'article 57.

« Le magistrat et la personne présente en application de l'article 57 ont seuls le droit de prendre connaissance des documents ou des objets découverts lors de la perquisition préalablement à leur éventuelle saisie. Aucune saisie ne peut concerner des documents ou des objets relatifs à d'autres infractions que celles mentionnées dans cette décision.

« Ces dispositions sont édictées à peine de nullité.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après les mots :

d'une entreprise de communication au public

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale :

, d'une agence de presse, d'un opérateur de communication électronique visé à l'article L. 34-1 du code des postes et télécommunications électroniques, d'une personne visée au II de l'article 6 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance en l'économie numérique dans un lieu de stockage d'informations protégées par la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ou au domicile d'un journaliste lorsque les investigations sont liées à son activité professionnelle, sont interdites.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'article 2 renforce les garanties procédurales en cas de perquisition dans une entreprise de presse ou au domicile d'un journaliste, afin que les atteintes au secret des sources soient évitées ou réduites au strict nécessaire. Ces règles s'appliquent dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une information judiciaire ; le Gouvernement prétend aligner les garanties des journalistes sur celles des avocats.

Notre amendement vise à étendre la protection accordée aux entreprises éditrices aux locaux des prestataires techniques, hébergeurs de contenus, fournisseurs d'accès à internet ou opérateurs de télécommunication, qui détiennent aussi des informations protégées par le secret.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Et puis quoi encore ? La voiture du livreur ? La loge du concierge ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le journalisme sur internet se développe rapidement, et il serait imprudent de ne pas en tenir compte dans cette loi.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

ou au domicile d'un journaliste

par les mots :

au domicile d'un journaliste ou dans un tout autre lieu de vie et de travail du journaliste

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Cet amendement vise à étendre les protections accordées au domicile des journalistes à tous leurs lieux de vie et de travail.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable au n°29 qui étend la protection à des lieux où il n'y a pas de journalistes. C'est excessif et inutile.

Avis défavorable au n°44 : le texte protège déjà, outre le lieu de travail, le domicile des journalistes, les véhicules et même les chambres d'hôtel. Si l'on devait aller plus loin, le juge apprécierait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis favorable au n°3.

Avis défavorable au n°29 : les fournisseurs d'accès internet ne sont pas détenteurs du secret des sources et ne peuvent savoir de qui un journaliste tient son information, mais ils sont concernés par les atteintes indirectes.

Avis défavorable au n°44 : en procédure pénale, la notion de domicile est entendue de façon très large.

L'amendement n°3 est adopté.

Les amendements n°s29 et 44 deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale :

« Le magistrat qui effectue la perquisition veille à ce que les investigations conduites respectent le libre exercice de la profession de journaliste, ne portent pas atteinte au secret des sources en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, et ne constituent pas un obstacle ou n'entraînent pas un retard injustifié à la diffusion de l'information.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°45, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

I. - Après le mot :

respectent

rédiger ainsi la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale :

les dispositions de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881.

II. -  Supprimer la seconde phrase du même alinéa.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le juge doit veiller, lors des perquisitions, au respect de la protection des sources des journalistes dans tous les cas, et non seulement lorsque les investigations seraient susceptibles de porter atteinte de façon disproportionnée, au regard de la nature et de la gravité de l'infraction, au secret des sources. La Cour européenne des droits de l'homme juge qu'il est grave qu'une perquisition permette d'arriver à une source journalistique. Le principe de protection ne peut souffrir d'aucune atténuation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable car cet amendement est satisfait par mon amendement n°4.

L'amendement rédactionnel, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'amendement n°45 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

du matériel de toute nature utilisé, dans l'exercice de ses fonctions, par le journaliste pour recueillir, conserver ou transmettre les informations, à laquelle le magistrat a l'intention de procéder

par les mots :

de tout objet

L'amendement rédactionnel, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la deuxième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après le mot :

document

insérer les mots :

ou l'objet

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°30, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la troisième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

n'est pas

par le mot :

est

M. Jean-Pierre Sueur.  - Amendement Hamlet ! Être ou ne pas être : c'est un vrai sujet... L'article 2 prévoit qu'une personne présente à la perquisition peut s'opposer à la saisie d'un document. Dans ce cas, un procès-verbal doit mentionner ses objections à la saisie. Or, bizarrement, le texte prévoit que ce procès-verbal ne sera pas joint au dossier de procédure. Quelqu'un peut-il m'expliquer pourquoi ? Les objections à la saisie peuvent intéresser tant le juge que les parties.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le procès-verbal est transmis au juge. Certes, il n'est pas maintenu dans la procédure, mais le juge a connaissance de son contenu. Cet amendement créerait un droit nouveau qui n'existe pas pour les autres professions, les avocats par exemple. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - La procédure de perquisition est beaucoup plus protectrice pour les journalistes que pour les avocats chez lesquels personne ne peut s'opposer à la saisie de documents. Par ailleurs votre amendement risque d'aller contre ce que vous souhaitez : si le juge des libertés met le procès-verbal dans le dossier, toutes les parties auront accès au motif du refus de la saisie puisque, dans une procédure contradictoire, tout le monde a accès au dossier. Donc, je vais dans votre sens en étant défavorable à votre amendement. (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est la raison d'être du débat que de tenter de parvenir à la vérité. Comme vous avez eu l'excellente idée de ne pas choisir l'urgence, cela nous donne le temps de la réflexion et, compte tenu de ce que vous venez de me dire, je retire mon amendement. (« Très bien ! »à droite)

L'amendement n°30 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la quatrième phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après le mot :

documents

insérer les mots :

ou objets

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la dernière phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après le mot :

document

insérer les mots :

ou l'objet

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans la dernière phrase du cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

chez qui

par les mots :

au domicile duquel

L'amendement rédactionnel, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, après les mots :

le document

insérer les mots :

ou l'objet

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 56-2 du code de procédure pénale, remplacer les mots :

ou à son contenu

par les mots :

, à son contenu ou à cet objet

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté, les groupes socialistes et CRC votant contre.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 56-1 du même code est ainsi modifié :

1° Dans les troisième et quatrième phrases du premier alinéa, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « ou des objets » ;

2° Dans la première phrase du troisième alinéa, les mots : « à laquelle le magistrat a l'intention de procéder » sont remplacés par les mots : « ou d'un objet » ;

3° Dans la deuxième phrase du même alinéa, après le mot : « document », sont insérés les mots : « ou l'objet » ;

4° Dans la quatrième phrase du même alinéa, après le mot : « documents », sont insérés les mots : « ou d'autres objets » ;

5° Dans la dernière phrase du même alinéa, après le mot : « document », sont insérés les mots : « ou l'objet » ;

6° Dans le sixième alinéa, après les mots : « le document », sont insérés les mots : « ou l'objet » ;

7° Dans le même alinéa, les mots : « ou à son contenu » sont remplacés par les mot : « , à son contenu ou à cet objet ».

L'amendement de coordination, accepté par le Gouvernement, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°32, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 57 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les perquisitions relevant de l'article 56-2, les deux témoins sont requis par le magistrat; ils ont la qualité de journalistes au sens de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le code de procédure pénale prévoit que la perquisition chez un avocat doit se faire en présence du bâtonnier. Les journalistes ne disposent pas d'un ordre professionnel. Nous proposons donc que la perquisition, en ce qui les concerne, se fasse en présence de deux témoins qui soient des journalistes, à même d'apprécier la qualité des documents saisis.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable car il n'est pas certain qu'il soit pratique de choisir deux témoins journalistes. Qui pourrait jouer le rôle que joue le bâtonnier lors d'une perquisition chez un avocat ? Faute d'une organisation professionnelle structurée, il est difficile de répondre à cette question. Nous pourrons y répondre valablement si, un jour, la profession s'organise.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - la règle générale est qu'il doit y avoir deux témoins pour vérifier la régularité de la procédure, ces témoins n'étant pas parties à la procédure. De ce point de vue, la qualité de journaliste n'apporte rien. En imposant la présence de journalistes, on risque de compliquer inutilement la procédure. Si l'on se met à imposer une qualité aux témoins, on commence à déroger au droit commun.

L'exemple du bâtonnier ne peut pas être invoqué : il est lié à la qualité précise de l'avocat.

J'espère vous avoir convaincu.

M. le président.  - Êtes-vous séduit, monsieur Sueur ?

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas par les arguments ! (Sourires)

L'amendement n°32 n'est pas adopté.

Article 3

I. - L'article 326 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. »

II. - L'article 437 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. »

M. le président.  - Amendement n°33, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

I. - L'article 326 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité professionnelle est libre de ne pas révéler ses sources. »

II. - L'article 427 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Tout journaliste ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité professionnelle est libre de ne pas révéler ses sources. »

III. - Dans le deuxième alinéa de l'article 109 du même code, après le mot : « journaliste » sont insérés les mots : « ou toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet amendement étend la garantie offerte aux journalistes entendus comme témoins aux directeurs de publication et aux collaborateurs de la rédaction.

D'autre part, nous précisons le champ d'application de l'article 109 du code de procédure pénale et l'harmonisons avec celui des précédents articles du même code que nous venons de modifier.

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le I de cet article :

I. - Le deuxième alinéa de l'article 326 du même code est complété par une phrase ainsi rédigée :

« L'obligation de déposer s'applique sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal et de la faculté pour tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité de ne pas en révéler l'origine. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cohérence.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Rédiger comme suit le II de cet article :

II. - L'article 437 du même code est ainsi rédigé :

« Art. 437. - Toute personne citée pour être entendue comme témoin est tenue de comparaître, de prêter serment et de déposer sous réserve des dispositions des articles 226-13 et 226-14 du code pénal.

« Tout journaliste entendu comme témoin sur des informations recueillies dans l'exercice de son activité est libre de ne pas en révéler l'origine. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Même chose.

Défavorable à l'amendement n°33 : le droit au silence est déjà reconnu ; il est difficile d'aller plus loin. Pourquoi les personnes ayant connaissance des sources du journaliste auraient-elles ce droit alors qu'elles ne sont pas soumises aux mêmes règles déontologiques ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Nous avons déjà beaucoup étendu le droit au silence.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut l'étendre à toute la chaîne de l'information.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ce sont les sources qu'il s'agit de protéger, pas les journalistes ! Ils ne demandent d'ailleurs rien de tel.

Favorable, en revanche, aux amendements de la commission.

L'amendement n°33 n'est pas adopté.

L'amendement n°13 est adopté, ainsi que l'amendement n°14

L'article 3, modifié, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°34, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, les personnes visées à l'article 3 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ont le droit de taire leurs sources et de n'en faire état en aucune manière dans des conditions prévues par ledit article. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je souhaite présenter en même temps l'amendement n°35.

M. le président.  - Soit.

Amendement n°35, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

I. - Avant le dernier alinéa de l'article 63, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une mesure de garde à vue ne peut en aucun cas être prise à l'encontre d'un journaliste ou de toute personne visée aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour tout acte ressortissant de l'exercice de son activité lorsque cette mesure a pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources. »

II. - Après le troisième alinéa de l'article 77, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Une mesure de garde à vue ne peut en aucun cas être prise à l'encontre d'un journaliste visé aux troisième et quatrième alinéas de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse pour tout acte commis dans l'exercice de sa profession lorsque cette mesure a pour objet ou pour effet la mise à disposition des sources. Dans tous les autres cas, ces mêmes personnes ne pourront être gardées à vue pour des raisons liées à l'exercice de leur profession que pour une durée de 24 heures non renouvelable. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il s'agit là d'encadrer strictement la garde à vue des journalistes. Certains voudraient l'interdire ; ce n'est pas notre cas : dès lors que la garde à vue existe, elle doit être la même pour tous les citoyens. Mais nous voudrions éviter que se reproduise ce qui s'est passé avec un journaliste du Monde, M. Dasquier, qui, au bout de 36 heures de garde à vue a craqué et a fini par dire aux enquêteurs les noms qu'ils voulaient obtenir.

C'est le sens de notre amendement n°35 que nous jugeons à ce point important que nous demandons qu'il soit mis aux voix par scrutin public.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable : il n'y a qu'une obligation de comparaître, avec possibilité de dire au juge que l'on n'a rien à déclarer. Aucune profession ne bénéficie de règles particulières sur la garde à vue. Et imaginez que le journaliste ait violé un secret de la défense nationale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a une loi sur le secret défense.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - En garde à vue, le journaliste peut, comme tout le monde, ne rien dire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il me semble que dans l'affaire évoquée, le secret défense était bien en jeu.

Vous faites bien peu confiance aux juges et aux policiers pour se plier aux règles de la garde à vue, qui sont très strictes. Si l'on pose des règles particulières pour les journalistes, pourquoi pas pour les commerçants qui pourraient avoir des secrets de fabrication ? On ne met pas quelqu'un en garde à vue pour lui faire avouer de tels secrets !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mettons-le dans la loi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - De toute façon, nul n'est obligé de parler durant sa garde à vue. Il n'y a pas de contrainte, l'avocat est là, et cela se fait sous contrôle du procureur de la République et du juge d'instruction. En outre, ce que vous dites est déjà dans le code de procédure pénale.

L'amendement n°34 n'est pas adopté.

A la demande du groupe socialiste, l'amendement n°35 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 341
Nombre de suffrages exprimés 341
Majorité absolue des suffrages exprimés 171
Pour l'adoption 139
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Après le troisième alinéa de l'article 63, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus, dans le cadre d'une garde à vue, en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. » ;

2° Après le troisième alinéa de l'article 77, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« A peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus, dans le cadre d'une garde à vue, en violation de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

M. Jacques Muller.  - C'est la même logique mais une autre rédaction. Nous pensons à l'affaire Dasquié, au journaliste qui craque au bout d'une garde à vue. Il est fondamental qu'on ne puisse tenter d'extorquer une information en soumettant un journaliste à des pressions psychologiques, d'où cet amendement de bon sens

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Il est dangereux de multiplier les dérogations pour des catégories professionnelles car on créerait des distinctions injustifiées et, à la fin des fins, on affaiblirait le principe général. Celui-ci suffit. A moins de considérer que les magistrats ne respectent pas la loi...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - On est dans le cadre d'une garde à vue et s'il y a des contraintes illégales, elles peuvent donner lieu à poursuites. Vous souhaitez que des informations révélées de manière illégale ne soient pas versées au dossier mais comment accepter que la loi dise que des policiers ou des gendarmes puissent commettre des infractions ? Il y a une procédure qui respecte le principe des droits de la défense et du contradictoire. Avis défavorable.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°36, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le dernier alinéa de l'article 100-7 du code de procédure pénale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Aucune interception ne peut avoir lieu sur un service téléphonique ou sur un service de communications électroniques d'un journaliste, ou de toute autre personne visée aux troisième et quatrième alinéas de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, y compris à son domicile pour un acte ressortissant de son activité professionnelle. »

M. Michel Boutant.  - Nous souhaitons que les journalistes jouissent, en matière d'interceptions téléphoniques, des mêmes garanties que les parlementaires, les avocats ou les magistrats.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Aucune profession ne bénéficie d'une telle disposition : le président de l'Assemblée nationale ou du Sénat est informé quand cela concerne un parlementaire et le bâtonnier, pour des avocats.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis : ce serait parfaitement dérogatoire et nul n'a un tel privilège, cela n'existe pas pour les avocats, malgré la confidentialité de la relation avec son client. Or, il peut y avoir eu infraction.

L'amendement n°36 n'et pas adopté.

Article 3 bis

I. - L'article 60-1 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A peine de nullité, ne peuvent être versés au dossier les éléments obtenus par une réquisition portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

II. - Les articles 77-1-1 et 99-3 du même code sont complétés par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du dernier alinéa de l'article 60-1 sont également applicables. »

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le second alinéa du I de cet article, remplacer les mots :

portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application

par les mots :

prise en violation des dispositions

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ne laissons pas penser qu'il s'agit d'une condition supplémentaire.

M. le président.  - Amendement n°37, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le second alinéa du I de cet article, supprimer les mots :

de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous ne voulons pas du flou, du clair-obscur, de l'imprécision qui finit par retrancher significativement sur les garanties que le texte est censé apporter.

M. le président.  - Amendement identique n°46, présenté par Mme Mathon-Poinat et les membres du groupe CRC.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Notre objectif est le même : la formulation retenue réduirait considérablement la protection des sources. Alors que les réquisitions sont des actes assez graves, on arriverait ainsi discrètement à remonter aux sources des journalistes.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ces amendements sont satisfaits par le nôtre. J'en demande le retrait.

Les amendements n°s37 et 46 sont retirés.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Avis favorable à l'amendement de la commission, comme pour l'amendement n°4.

L'amendement n°15 est adopté, ainsi que l'article 3 bis modifié.

Article 3 ter

L'article 100-5 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« A peine de nullité, ne peuvent être transcrites les correspondances avec un journaliste portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application de l'article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. »

M. le président.  - Amendement n°38, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans le second alinéa de cet article, après le mot :

correspondances

insérer les mots :

ou communications de toute nature

M. Michel Boutant.  - Il faut protéger les correspondances mais aussi les communications de toute nature.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement n'était pas nécessaire : c'est déjà le cas avec l'article 100-5 du code de procédure pénale. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cette explication sera utile.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Même avis que la commission. En la matière, le code de procédure pénale vise toutes les correspondances, y compris celles qui sont dématérialisées. Les débats parlementaires en feront foi : le mot « correspondances » doit être pris dans son acception la plus large.

L'amendement n°38 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

portant atteinte de façon disproportionnée, au regard de la gravité et de la nature de l'infraction, à la protection qui est due au secret des sources en application

par les mots :

permettant d'identifier une source en violation

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement symétrique de celui déposé à l'article précédent.

Les amendements n°s39 et 47 sont retirés.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°16 est adopté.

L'article 3 ter, modifié, est adopté.

L'article 4 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Malgré les efforts du rapporteur, il subsiste beaucoup trop de possibilités d'atteinte à la protection de sources, qui font douter de l'effectivité de celle-ci. Nous regrettons que les interrogations légitimes des journalistes sur l'avenir de leur profession n'aient pas été entendues. Nous avons le sentiment d'une certaine méfiance à l'égard de professionnels qui s'efforcent d'exercer leur métier en toute indépendance du pouvoir politique.

La France était très en retard, ce n'est pas avec ce texte qu'elle se mettra en conformité avec la jurisprudence et le droit européens. Nous voterons contre, en espérant que la navette permette d'aboutir à un texte digne de notre pays.

M. Jacques Muller.  - Nous nous réjouissions de voir enfin protégées les sources des journalistes. Mais une fois de plus, cela devient un rituel dans cette assemblée, aucun de nos amendements n'a été accepté, comme si ceux qui ont ici le monopole du pouvoir avaient aussi celui de la vérité.

On nous a sans cesse opposé la nécessité de ne pas faire des journalistes une catégorie à part ; je pense au contraire que ces « chiens de garde de la démocratie » méritent des dispositions particulières. Nous voterons contre ce texte.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous avions dit lors de la discussion générale ce qui conditionnait notre vote. Le texte n'a malheureusement pas évolué comme nous le souhaitions. L'expression « intérêt général » a certes disparu à l'initiative du rapporteur, c'est un progrès ; mais sur quatre points, nous n'avons pas été entendus.

Nous n'avons pas obtenu une définition élargie des personnes concernées au-delà des journalistes stricto sensu ; nous n'avons pas été suivis sur les perquisitions et les lieux où elles se déroulent. Les deux autres points sont les plus sensibles, qui ont justifié nos demandes de scrutin public. S'agissant de la garde à vue, on nous a dit que nos propositions étaient redondantes ; je n'ai pas compris pourquoi elles l'étaient, nous savons bien que le problème s'est posé et se pose toujours. Surtout, nous avons dénoncé la grande imprécision du texte qui procède à nos yeux du dessein de donner à la protection des sources une valeur relative. Malgré une argumentation à laquelle on ne nous a rien opposé, nous n'avons pu obtenir ni la suppression de l'expression « impératif prépondérant », ni une définition précise des exceptions, notamment relativement aux menaces de commission de crime ou de mise en cause de l'intégrité physique des personnes. Formules volontairement floues et absence de définition claire des exceptions se complètent si naturellement que le texte ne peut atteindre l'objectif que lui assigne son titre.

Souhaitant un large accord, nous espérons que la navette fera évoluer le texte. En l'état, nous voterons contre.

M. Nicolas Alfonsi.  - Une rare unanimité s'est faite au sein du groupe du RDSE pour voter ce texte. Bien que sensible aux arguments de M. Sueur, je considère que les principes de notre droit doivent transcender les cas particuliers et les professions.

L'ensemble du projet de loi, modifié, est adopté.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je remercie les membres de la commission des lois et tous ceux qui ont participé à nos débats. Si je suis partisan qu'on aille loin dans la protection de certains droits, je souhaite qu'en face on mette des obligations et des devoirs. Ce texte est une grande avancée pour les journalistes, ils nous l'ont dit, même si certains auraient souhaité qu'on allât plus loin. A eux maintenant de s'en saisir et de s'organiser et nous pourrons progresser encore, dans un juste équilibre. (Applaudissements à droite)

Mme Christine Albanel, ministre.  - Au nom de Mme la garde des sceaux et de moi-même, je salue la qualité de vos débats. Je remercie la commission des lois, particulièrement son président et son rapporteur dont tous les amendements ont été adoptés avec l'accord du Gouvernement.

Le texte que vous venez d'adopter apporte des garanties nouvelles en matière de liberté d'information ; il met la France en conformité totale avec la Convention européenne des droits de l'homme. Certains voulaient aller plus loin ; mais nous sommes parvenus ensemble à un bon équilibre entre la liberté de l'information et les exigences de l'action de la justice dans un État de droit. Les atteintes au secret des sources ne seront possibles qu'en cas d'impératif prépondérant d'intérêt public, c'est-à-dire dans des situations exceptionnelles.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela n'a rien d'évident !

Mme Christine Albanel, ministre.  - Les perquisitions dans les entreprises de presse et au domicile d'un journaliste sont strictement encadrées, de même que les écoutes téléphoniques des journalistes.

En toute hypothèse et à chaque étape de la procédure, les journalistes ont le droit de ne pas dévoiler leurs sources. Enfin, en cas de poursuite pour diffamation, ils peuvent se défendre sans craindre le recel de violation du secret de l'instruction ni le recel de violation du secret professionnel.

Ce texte fait honneur à notre démocratie. (Applaudissements à droite et au centre)