Travail et emploi

Mme la présidente.  - Le Sénat va maintenant examiner les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Interventions des rapporteurs

M. Serge Dassault, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Ces crédits s'élèvent à 11,8 milliards, en diminution de 5,2 % par rapport à l'an dernier.

La mission est désormais composée de quatre programmes. Le programme 102, « Accès et retour à l'emploi », doté de 6,34 milliards, vise à lutter contre le chômage et l'exclusion durable du marché de l'emploi en subventionnant les emplois non marchands à hauteur de 1,21 milliard et les emplois marchands pour 158 millions. Les autres dépenses sont destinées, d'une part, à la réussite de la fusion de l'ANPE et de l'Unedic, pour un montant de 1,7 milliard, les coûts supplémentaires de fusion étant estimés à 350 millions ; d'autre part, aux allocations de solidarité, pour un montant de 1,4 milliard, soit une diminution de 200 millions. On voit que toutes les dépenses au sein de ce programme ne créent pas d'emplois durables...

L'annonce de la création de 100 000 emplois aidés supplémentaires, pour un coût de 250 millions, me laisse perplexe, le chiffre me semblant largement sous-évalué. En effet, si l'on divise 250 millions par 100 000, on trouve 2 500 euros par personne et par an, soit moins de 200 euros par mois...

Le programme 103, « Accompagnement des mutations économiques et développement de l'emploi », doté de 5,81 milliards, doit prévenir l'impact des restructurations et permettre aux personnes, aux entreprises et aux territoires de s'adapter et de gérer au mieux leur nécessaire reconversion.

Le plan de cohésion sociale a fixé pour l'apprentissage un objectif ambitieux de 500 000 apprentis d'ici à la fin de l'année 2009 mais le manque de centres de formation, la réticence des chefs d'entreprise à prendre des apprentis et surtout la faible motivation des jeunes à entrer en apprentissage, alors que le collège unique les pousse à passer le bac qui ne les mène trop souvent qu'au chômage, font douter de sa réalisation.

On ignore à combien de jeunes ce programme a permis de trouver un emploi. Un rapport annuel de performances devra désormais être établi à la fin de chaque exercice, qui devrait nous permettre d'en savoir plus en 2009.

La formation professionnelle souffre d'un système de financement trop complexe et trop lourd, dont la structure, éclatée en de multiples organismes, mériterait d'être rationnalisée. Alors que la formation continue coûte trop cher, il serait bon d'intégrer la formation professionnelle au collège dès 14 ans.

Au sein de ce programme, l'action « Développement de l'emploi », dotée de 1,5 milliard de crédits, en progression de 14 %, s'articule autour d'un réseau d'aides, d'allégements de charges sociales et de déductions fiscales dont l'efficacité mériterait d'être mesurée : on verrait par contraste que les dispositifs les plus coûteux ne sont pas toujours les plus utiles...

Le programme 111, « Amélioration de la qualité de l'emploi et des relations du travail », doté de 86 millions, vise à améliorer les conditions d'emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel. Il s'appuie sur la nouvelle Direction générale du travail, créée au mois de mars 2006 dans le cadre de la réforme de l'inspection du travail.

Le programme 155, « Conception, gestion et évaluation des politiques de l'emploi et du travail », doté de 792 millions, est un programme support. En augmentation de 8,3 %, il ne regroupe pourtant que partiellement l'ensemble des moyens humains et matériels dévolus aux autres programmes de la mission puisque ne sont pas pris en compte les emplois des principaux opérateurs, dont le nombre excède 44 000 emplois en équivalent temps plein travaillé, soit près de quatre fois les emplois requis par la mission. L'augmentation de près de 700 emplois s'explique par la fusion des inspections du travail, des transports et de l'agriculture. En tout, 50 000 personnes sont mobilisées pour gérer ce budget. Un contrôle systématique ne serait pas inutile...

La fusion ANPE-Assedic, bienvenue, entraîne la création d'un nouvel opérateur Pôle emploi, qui regroupera 42 000 personnes et 1 500 locaux. Cette fusion coûtera 350 millions, dont il faut espérer quelques gains de productivité.

Mentionnons aussi la fusion des contrats aidés, regroupés en un « contrat unique d'insertion », décliné en contrat initiative emploi (CIE) pour le secteur marchand et en contrat d'accompagnement dans l'emploi (CAE) pour le secteur non marchand, dont le coût pour l'État, qui prend en charge jusqu'à 95 % des salaires versés au titre des CAE, reste très élevé au regard du faible taux de réinsertion dans l'emploi -30 % pour le secteur non marchand contre plus de 50 % pour le secteur marchand, preuve que l'efficacité de ces emplois aidés est plus que relative et qu'il y aurait des économies à faire...

Le coût réel du budget de l'emploi est bien supérieur au montant des crédits de la mission, qui ne reflète qu'un quart des dépenses globales de l'État au titre de la politique de l'emploi, lesquelles s'élèvent à près de 55 milliards, dont 10,24 milliards de dépenses fiscales -3,9 milliards au titre de la prime pour l'emploi, alors que les chômeurs pourraient sans nul doute être incités à travailler par d'autres moyens-,1,5 milliard de réduction d'impôts pour emploi d'un salarié à domicile, à quoi il convient d'ajouter les allégements généraux de cotisations patronales, comptabilisés au titre de la loi de financement de la sécurité sociale, pour un montant estimatif de 26,5 milliards, parmi lesquels 23,4 milliards au titre de la réduction des charges jusqu'à 1,6 Smic, sans limitation de durée, lourde erreur, car chaque aide nouvelle vient ainsi s'additionner aux autres, autant de charges qu'il faut financer par l'emprunt, qui accroît sans fin notre déficit budgétaire et notre dette.

Les allégements de charges, cumulés, représentent 33 milliards par an. Autant que le budget de la Défense ! En quinze ans, ils auront coûté plus de 200 milliards, presque autant qu'un budget annuel. Songeons aux impôts que l'on aurait pu s'épargner !

N'est-il pas temps de réduire ces dépenses, quelles que soient les conséquences pour l'emploi ? Car il faut choisir entre la dette qui nous mine et le chômage, que l'on peut combattre autrement, plus efficacement et pour moins cher. Songeons que les politiques de l'emploi nous coûtent 55 milliards. C'est presque le budget de l'éducation nationale, sur lequel il y aurait au reste beaucoup à dire !

Ces dépenses énormes pourraient être réduites et rendues plus efficaces. Car le problème de l'emploi est fait de deux composantes : les chômeurs, mais aussi les entreprises qui n'embaucheront que si elles ont des produits à vendre et pas seulement si l'État paie à leur place les charges sociales et une partie des salaires, ce qui n'est pas son rôle.

Au lieu de payer aux entreprises des charges de fonctionnement, l'État serait mieux inspiré de leur accorder des crédits d'investissement pour développer leurs activités, créer de nouveaux produits et rechercher de nouveaux marchés, ce qui les amènera à embaucher sans que cela coûte rien à la collectivité.

Les emplois ne poussent pas dans les champs comme les asperges ! Notre production se réduit, les délocalisations se multiplient, le crédit se restreint : une garantie de l'État pour le financement des investissements serait véritablement bienvenue ! Imaginez le nombre d'emploi que créeraient 5 ou 10 milliards de crédits en avances remboursables aux entreprises ! Plus besoin d'emplois aidés, d'allégements de charges, de réduction des déficits...

Si l'on adoptait la « flexisécurité » pour faciliter les embauches, si l'on améliorait la formation scolaire et professionnelle, en les adaptant aux besoins des entreprises grâce à une indispensable sélection, si l'on supprimait le financement de la sécurité sociale par des salaires dont l'État prend en charge une trop grande part, on aurait une politique de l'emploi efficace, avec des dépenses publiques réduites. Cela vaudrait la peine d'y réfléchir pour commencer à l'appliquer dès l'année prochaine, si le Gouvernement veut bien l'étudier.

En attendant, je vous demande de voter ce budget, en examinant cependant l'efficacité des allégements de charges. (Applaudissements à droite)

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales.  - Ce budget nous est présenté dans un contexte difficile : après cinq années de baisse, le taux de chômage augmente depuis le deuxième trimestre et cette hausse devrait se poursuivre l'an prochain. Je salue la réactivité du Gouvernement qui, face à la crise, a su prendre des initiatives pour en atténuer les conséquences !

M. Guy Fischer.  - Allons donc !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Certains, en commission, ont qualifié ce budget d'indigent en constatant qu'il était en légère baisse par rapport à l'an passé. Je ne partage pas du tout cette vision des choses ! Un bon budget n'est pas nécessairement en hausse ! L'essentiel, c'est de savoir fixer les priorités et définir les réformes propres à améliorer l'efficacité de nos politiques publiques !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Je me félicite que le Gouvernement, alors que d'autres tireraient prétexte de la crise pour ne plus rien faire, ne baisse pas les bras et maintienne le cours des réformes nécessaires !

De grands chantiers sont en cours. La fusion de l'ANPE et des Assedic en un grand Pôle emploi qui sera doté de 4,5 milliards : une très bonne chose.

M. Guy Fischer.  - L'ANPE est en grève !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - La réforme de la formation professionnelle, ensuite : les partenaires sociaux ont jusqu'à la fin de l'année pour trouver des solutions pour mieux cibler les publics qui ont le plus besoin de formation, faute de quoi le Gouvernement reprendra l'initiative. La réforme des services déconcentrés de l'emploi et de la formation professionnelle, avec les administrations économiques : les entreprises auront enfin un interlocuteur administratif unique. La création de « nouvelles aides à la création d'entreprise », par la fusion des dispositifs Eden et chèques conseils qui va soutenir les créateurs et les repreneurs d'entreprise.

Le Gouvernement actionne encore deux leviers importants. Le recours aux emplois aidés dans le secteur non marchand : 100 000 contrats seront ajoutés l'an prochain, pour 250 millions, ce qui n'est nullement contradictoire avec la politique conduite depuis cinq ans...

M. Guy Fischer.  - A peine !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Il est tout à fait logique de recourir aux contrats aidés en période de basses eaux et d'en réduire le nombre quand le niveau est bon ! (On se gausse à gauche)

Second levier, l'extension du contrat de transition professionnelle (CTP) à de nouveaux bassins d'emploi. Monsieur le ministre, quelles sont les intentions du Gouvernement en la matière ?

Notre politique de l'emploi repose également sur des allégements de charges sociales pour les bas salaires. M. Dassault doute de leur efficacité...

M. Jean Desessard.  - Il n'est pas le seul !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - La Cour des comptes a suggéré de réserver ces allégements aux PME, ou encore de les focaliser sur les salaires inférieurs à 1,3 Smic. Il ne faut pas négliger l'impact négatif qu'aurait un tel changement sur l'emploi peu qualifié...

M. Jean Desessard.  - C'est surtout pour la grande distribution que ce serait un problème...

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - La limitation aux PME entraînerait des effets de seuil et celui de 1,3 Smic risquerait de jouer contre les hausses de salaires. Or, nous voulons dynamiser les politiques salariales, c'est le sens du projet de loi relatif aux revenus du travail.

Un réaménagement de l'allégement général de cotisations doit être envisagé avec prudence. On pourrait simplifier le régime de certaines exonérations ciblées, en évaluant précisément chacune d'elles.

La commission des affaires sociales attend avec impatience d'examiner la grande réforme de la formation professionnelle annoncée pour l'an prochain et nous approuvons les initiatives du Gouvernement en matière de sécurisation des parcours professionnels.

En attendant, la commission vous propose d'adopter ce budget. (Applaudissements à droite et au centre)

Interventions des orateurs

Mme Annie David.  - Nous traversons une crise économique mondiale que ni le plan américain ni le plan européen -si tant est qu'il existe réellement- ne semblent pouvoir arrêter. Les premières victimes en sont les salariés. Les crédits baissent, sous couvert de restriction budgétaire, alors qu'il y a quelques semaines, le Gouvernement a trouvé les ressources nécessaires pour pérenniser le système bancaire. L'année 2009 s'annonce difficile : il y a déjà plus de 2 millions de chômeurs mais, de l'aveu même de la majorité et du Gouvernement, le budget de cette mission baisse de 5 % ! Tous les programmes sont en baisse, à l'exception du Pôle emploi qui doit sa hausse à la fusion de l'ANPE et des Assedic. Les crédits de l'action « Coordination du service public de l'emploi, indemnisation des demandeurs d'emploi et rapprochement de l'offre et de la demande », baissent de 6,7 % : la nouvelle institution n'aura pas suffisamment de moyens pour le projet personnalisé dont vous vantiez tant les mérites, monsieur le secrétaire d'État ! Comme la fusion coûte cher, vous voulez vendre le patrimoine immobilier des deux établissements fusionnés. Des établissements vont fermer et le service s'éloigner de ceux qui en ont le plus besoin !

Je déplore la baisse de crédits destinés à l'insertion des publics les plus éloignés de l'emploi. Lors de la généralisation du RSA, nous avons dénoncé l'insuffisance des moyens pour l'insertion de ces publics, M. Hirsch nous disait alarmistes mais ce budget nous apporte la confirmation de nos inquiétudes !

Ce budget permettra tout juste un accompagnement social du chômage : l'augmentation du nombre de contrats aidés ne peut être qu'une mesure temporaire, et vous le savez bien ! Leur nombre augmente mais vous diminuez les crédits du Fonds pour l'insertion professionnelle des jeunes, créé en 2004 et que vous présentiez alors comme une mesure emblématique. Vous lui ôtez 15 millions au seul motif qu'ils ne sont pas utilisés ; mais s'ils ne le sont pas, c'est parce que les jeunes les plus en difficulté, qui sont la cible de ce fonds, ne sont pas suffisamment informés ! Quant aux contrats de transition professionnelle, ils ne sont également qu'une mesure d'accompagnement social du chômage : les salariés conserveront pendant douze mois 80 % de leur salaire mais ils ne seront pas sûrs de conserver leur emploi. Comment allez-vous étendre la mesure à d'autres bassins d'emplois alors que de l'aveu même du rapporteur spécial, les crédits de paiement passent de 22,5 à 8,2 millions ?

Le 26 novembre, le Président de la République a estimé qu'il valait mieux un chômage partiel qu'un chômage total : nous n'acceptons pas une telle démission ! Les salariés veulent garder leur emploi. Que le Gouvernement exige des actionnaires et des grands patrons des entreprises concernées qu'ils réintroduisent dans l'entreprise le montant des millions qu'ils se partagent plutôt que de tolérer des licenciements. Le chômage partiel ne protège pas les salariés embauchés par les entreprises sous-traitantes, ni les personnels intérimaires : votre proposition ne leur sera d'aucune utilité.

Je dénonce encore votre décision de réduire de 40 % les crédits de l'Afpa. Seul l'accès à une formation qualifiante peut garantir un retour à l'emploi. En supprimant l'allocation de fin de formation, destinée aux demandeurs d'emploi arrivés en fin de droit, et en réduisant les crédits alloués à la validation des acquis de l'expérience, vous empêchez que les partenaires sociaux concluent leurs négociations dans de bonnes conditions. Quant à la participation du service public de l'emploi à la formation professionnelle, vous voulez confier ses missions au secteur privé lucratif.

Là encore, ce seront les salariés, notamment les chômeurs, qui subiront les conséquences d'une crise qui sert de prétexte à votre Gouvernement pour mener une politique de rigueur.

Les exonérations de cotisations sociales constituent un formidable scandale qui coûtera 33 milliards en 2009, et 200 en total cumulé depuis dix ans. Pourtant, ces exonérations ne protègent pas du chômage, elles ne favorisent ni le maintien ni la création d'emplois. A quoi s'ajoutent les dépenses fiscales, pour un montant de 10 milliards. Ces exonérations, sociales ou fiscales, ne sont qu'un poids à la charge des comptes sociaux, et, en raison de leur compensation partielle, à la charge de l'État. C'est pourquoi il faut en conditionner certaines à des pratiques salariales différentes et en supprimer d'autres, à commencer par celles incluses dans la loi Tepa, par exemple celles liées aux heures supplémentaires, qui coûtent à l'État plus de 3 milliards, ne créent pas d'emploi, empêchent même d'en créer, sans pour autant accroître sérieusement le revenu des salariés. Et ces sommes exorbitantes sont à mettre en parallèle avec les 50 millions que vous souhaitez ponctionner à l'Agefiph, sous prétexte que cette association aurait un confortable matelas ! Vous aviez d'autres solutions pour augmenter vos recettes...

Nous ne pouvons cautionner un budget qui ne protège pas l'emploi ni n'instaure une réelle sécurité des parcours professionnels, la sécurité emploi-formation qu'attendent les organisations syndicales pour l'ensemble des salariés, et qui est radicalement différente de votre flexisécurité. Nous voterons contre les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

M. Guy Fischer.  - C'est du sérieux !

M. Jean Desessard.  - C'est du costaud !

Mme Françoise Henneron.  - Ces derniers mois, notre pays a connu une baisse exceptionnelle du chômage, ramené à 7,2 % au second trimestre, niveau jamais atteint depuis vingt-cinq ans, grâce à l'action résolument réformatrice du Gouvernement. La mission « Travail et emploi » maintient la priorité donnée à l'emploi, avec des crédits de 11,7 milliards. Mais la crise bancaire et financière mondiale se traduit déjà par des difficultés sur le marché du travail. Le chef de l'État et le Gouvernement ont immédiatement réagi pour garantir la liquidité du système financier et trouver une stratégie européenne. Puis, le 28 octobre, le Président de la République a présenté un plan gouvernemental de mobilisation pour l'emploi, il a annoncé la poursuite des réformes engagées avec, notamment, la généralisation des contrats de transition professionnelle, de nouvelles règles pour l'indemnisation des chômeurs, le recours à 100 000 contrats aidés supplémentaires et la mise en place du Pôle emploi.

Le service public de l'emploi va être profondément rénové grâce à la fusion de l'ANPE et de l'assurance chômage en un Pôle emploi auquel ce projet de loi de finances alloue 1,36 milliard. Rappelons les trois objectifs de cette fusion : simplifier les démarches des demandeurs d'emploi ; rénover l'offre de services ; déployer plus d'agents au service des usagers. Jusqu'à présent, le demandeur d'emploi avait plusieurs interlocuteurs et devait souvent passer plusieurs entretiens identiques. Avec la fusion il lui sera possible de trouver à un même endroit tous les services : l'accueil, l'inscription comme demandeur d'emploi, l'indemnisation, la formation et l'accompagnement dans la recherche.

On compte près de 2 millions de demandeurs d'emploi, alors que plus de 400 000 offres ne sont pas satisfaites. La rénovation du service public de l'emploi sera utile à la fois aux chômeurs et aux entreprises en ce qu'elle améliorera la mise en relation de l'offre et de la demande de travail, à l'image de ce qui existe déjà dans d'autres États européens : les Jobcenters Plus en Grande-Bretagne ou l'Institut national pour l'emploi en Espagne. En France, la durée moyenne du chômage des 25 à 54 ans est de plus de 16 mois, contre 12 en moyenne pour les pays de l'OCDE et moins de 9 pour les pays du G7. Pourtant, la France est l'un des pays de l'OCDE qui consacre le plus de moyens à l'accompagnement des demandeurs d'emploi, ce qui prouve qu'une réorganisation était nécessaire et pas seulement une augmentation des moyens. Nous vous faisons toute confiance, monsieur le ministre, pour mener à bien cette tâche.

A côté de son activité traditionnelle de formation, l'Afpa (Association pour la formation professionnelle des adultes) fournit des prestations relevant directement des missions du service public de l'emploi : par exemple elle oriente environ 200 000 demandeurs d'emploi par an vers une reconversion ; elle pilote l'expérimentation du contrat de transition professionnelle. Elle bénéficie d'une subvention de 109 millions pour 2009. L'Afpa n'est pas directement visée par la loi de février 2008, qui se borne à prévoir sa présence au Conseil national de l'emploi. Cependant, un amendement de la commission des affaires sociales du Sénat a permis de lancer le débat sur le transfert au nouvel opérateur des activités d'orientation jusqu'ici assurées par l'Association.

Le Président de la République a annoncé que la réforme de la formation professionnelle serait l'un de ses grands chantiers, notre système étant « à bout de souffle tant dans son organisation que dans son financement » et « la formation n'allant pas à ceux qui en ont le plus besoin ».

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - C'est vrai !

M. Guy Fischer.  - Il y en a qui veulent récupérer les fonds...

Mme Françoise Henneron.  - C'est également le constat fait par une mission d'information présidée par notre collègue Jean-Claude Carle, dans son rapport de juillet 2007. Nous devrions voir aboutir cette réforme en 2009. Pourriez-vous nous dire où en sont les négociations et dans quels délais vous pourrez présenter un texte législatif ?

Les contrats aidés permettent un retour durable à l'emploi en mettant le chômeur au travail dans le secteur marchand ou non marchand. Ces contrats seront profondément réformés cette année car la loi généralisant le RSA a prévu un contrat unique d'insertion qui pourra prendre deux formes : le contrat d'accompagnement dans l'emploi pour le secteur non marchand et le contrat initiative emploi pour le secteur marchand. Il s'agira d'un outil mobilisable de façon indifférenciée pour tous les exclus du marché du travail, quel que soit leur statut. Il permettra un meilleur accompagnement du parcours d'insertion et ses possibilités de renouvellement seront assouplies. La rigidité qui caractérisait les anciens contrats aidés disparaît, on tient compte, dorénavant, de la diversité des difficultés d'insertion. La durée de ces contrats sera différente selon qu'ils concerneront un salarié de plus de 50 ans, un handicapé ou un bénéficiaire de minima sociaux. Le projet de loi de finances prévoit près de 1,62 milliard de crédits de paiement pour l'ensemble des contrats aidés. A ces crédits s'ajoutera une enveloppe destinée aux 100 000 contrats aidés supplémentaires annoncés par le Président de la République, le 28 octobre. Les bénéficiaires auront droit à un suivi personnalisé pour une offre d'emploi et une formation, immédiatement à la sortie du contrat aidé. Je me réjouis de cet effort budgétaire qui portera à 330 000 le nombre de bénéficiaires des contrats aidés.

Au total, la politique de l'emploi mobilisera près de 55 milliards, soit une augmentation de 10 %. Ce budget traduit une politique ambitieuse et tournée vers l'avenir à laquelle notre groupe apporte son soutien. (Applaudissements à droite)

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - (Applaudissements à gauche) Il est loin le temps où vous vous en donniez à coeur joie, vociférant sur la dame des 35 heures, l'accusant de tous les maux économiques de la France travailleuse, la rendant presque responsable de la crise qui nous guettait ! Le temps de prendre du recul sur une réforme fondamentale et culturelle -travailler mieux pour vivre mieux- que vous aviez réussi à faire passer pour un infamant détournement des valeurs travail et profit, le temps de prendre du recul, et la plupart de ceux qui ont eu la chance d'y goûter, semblent convaincus des vertus de cette façon de vivre. Comme en leur temps, les congés payés avaient été décriés avant de marquer un tournant décisif dans le progrès de la société contemporaine, de même on s'habitue aux 35 heures et, ne vous en déplaise, à une autre façon de travailler pour vivre. Le temps de prendre ce recul, le temps pour la nouvelle majorité de détricoter cet ouvrage au lieu de l'adapter et de l'améliorer, distribuant au passage quelques deniers supplémentaires, monnaie sonnante et trébuchante, boucliers et parachutes... et une crise secouait le monde entier, tombant à point nommé pour que vous changiez de refrain. Parce que la rengaine des 35 heures, origine de nos maux, du recul de la France, du chômage et de la morosité générale, démantelées au nom de la valeur travail et du pouvoir d'achat par une batterie de lois toutes aussi prometteuses les unes que les autres, les Français, lassés, commençaient à en douter sérieusement. Heureusement, avec la crise provoquée par de méchants banquiers et de vilains capitalistes dépourvus d'éthique, vous disposez d'un nouveau bouc émissaire. Avec la crise, vous pouvez justifier l'échec des mesures précédentes et -en bon père de famille- serrer la ceinture et faire trimer davantage. Il n'est plus temps de travailler plus pour gagner plus, de faire des heures supplémentaires pour augmenter son pouvoir d'achat... Foin de toutes ces fadaises d'avant la crise ; il s'agit désormais de gérer de façon responsable, rationnelle, objective !

Désormais la valeur travail et l'emploi redeviennent des variables d'ajustement d'un budget fragilisé. Vous baissez les crédits de la mission de 5,8% !

Il y a bien deux visions du monde. Votre Gouvernement se mue en comptable apothicaire quand il s'agit de revaloriser les salaires, le Smic, de grappiller quelques millions d'euros sur des allocations utiles, de stigmatiser de vilains profiteurs. Mais où iront les 169 millions d'euros de l'allocation de fin de formation (AFF) supprimée ? Et qui paiera cette note : les partenaires sociaux, les conseils régionaux ? Comment les Français concernés vivront-ils ? Peut-être pourront-ils prétendre au RSA...

Les crédits du Fonds de solidarité passent de 1,67 à 1,47 milliard d'euros en 2009. Pour les banquiers -et pour éteindre le feu qu'ils ont allumé- on trouve des milliards sans délai. Pour le travail et l'emploi, c'est une autre affaire. Pourtant, bien avant la crise internationale, on enregistrait une destruction nette d'emplois ; les plans sociaux s'enchaînaient, les délocalisations s'amplifiaient, l'emploi intérimaire fléchissait. Mais vous envisagiez déjà de baisser les crédits. Vous procédez à l'extension des contrats de transition professionnelle (CTP) à 25 bassins d'emploi supplémentaires sans aucune rallonge budgétaire. Vous assouplissez l'accès au chômage technique pour les industriels, mais après un mois de chômage, la totalité de l'allocation est versée par l'Assedic : c'est un transfert de charges vers l'Unedic. Quant au plan d'action pour l'emploi annoncé par le Président de la République, il ne procède qu'à des redéploiements de crédits. Les 100 000 contrats aidés supplémentaires s'ajoutent aux 230 000 initialement prévus, contre 308 000 en 2008. La progression n'est pas significative ! Les excédents diminueront au moment où l'Unedic aidera les entreprises par un report de l'appel de cotisations. Si les 1,5 million de PME concernées en profitent, l'Unedic devra emprunter et supporter une charge d'intérêts de 12 millions d'euros : est-ce son rôle de se substituer aux banques ?

Vous n'hésitez pas à puiser dans la sémantique de la gauche, au mépris du sens, pour vanter par exemple « la sécurisation du parcours professionnel ». Quelle sécurisation, quand se multiplient les CDD et les emplois précaires ? La fusion du congé individuel de formation (CIF) et du droit individuel à la formation (DIF), réclamée par le patronat, réduira la maîtrise par le salarié de son droit à la formation.

En ce qui concerne l'Afpa, monsieur Wauquiez, vous avez clairement exposé la doctrine gouvernementale devant les préfets le 9 septembre dernier. Sous couvert de décentralisation et de règles communautaires, vous allez transférer le patrimoine foncier : sa rénovation et son entretien seront finalement à la charge des régions...

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.  - Non !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - L'Afpa sera progressivement démantelée : les formations immédiatement profitables seront confiées au secteur privé et les formations de remise à niveau subventionnées, parce que non rentables.

Les crédits de l'insertion sont seulement reconduits en 2009, alors que le nombre des entreprises d'insertion augmente -des entreprises à part entière, soumises aux mêmes contraintes sociales et fiscales que les autres, mais qui font le pari d'embaucher des personnes en situation très précaire. Recrutant des personnes jugées improductives, elles s'obligent à déployer imagination et techniques de production originales, pour être compétitives et favoriser l'insertion de leurs salariés. L'aide accordée représente un effort modeste car un euro ainsi investi par l'État lui en rapporte 2,10. A l'issue du Grenelle de l'insertion, les entreprises d'insertion, les groupements d'employeurs pour l'insertion et la qualification et le Medef ont choisi de collaborer afin de renforcer l'emploi des personnes en difficulté. Le Gouvernement devait s'y associer ! Bien des entreprises concernées ont des carnets de commandes pleins mais ne peuvent plus embaucher sur des postes d'insertion. Depuis plusieurs mois, elles interpellent le Gouvernement, en vain. Elles ont pourtant prouvé leur efficacité, puisque plus de 53 % de leurs salariés en insertion retrouvent un emploi durable ensuite. Dégagez les moyens nécessaires pour favoriser l'emploi dans ces entreprises socialement responsables !

Pour encourager l'insertion, l'alternance, la mobilité, la variété et même la relocalisation, il faut dégager des crédits et revenir sur les exonérations aux grandes entreprises. C'est aux petits patrons qu'il faut donner la main, les grands n'ont pas besoin de vous ! Les travailleurs, les chômeurs, les titulaires d'un emploi précaire ou à temps partiel, les allocataires de toutes sortes, les « fins de droits », mais aussi tous ceux qui pensent leur vie professionnelle autrement parce qu'ils n'ont pas le choix ou parce que le monde a changé : c'est auprès de ceux-là qu'il faut investir. C'est là que la mutation économique s'opère ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Alors que la crise économique s'annonce sévère, je suis frappé par l'indigence de la mission « Travail et emploi », dont les crédits sont en baisse de 5,3 %. Le ralentissement, sensible dès le début de 2008, s'est accéléré depuis cet été. Et 2009 sera selon tous les experts une année de récession. Depuis le deuxième semestre 2008, le chômage remonte et l'on atteint à nouveau en octobre le seuil de 2 millions -plus de 3 millions si l'on intègre tous les chômeurs indemnisés. Quant au sous emploi -le temps partiel subi- il concerne 1,4 million de personnes, dont une majorité de femmes. L'OCDE prévoit une augmentation du chômage à 8,2 % en 2009 et 8,7 % en 2010. Déjà, les plans sociaux suscités par la crise ou l'utilisant comme prétexte -délocalisations déguisées- se multiplient : Hewlett-Packard, Renault, caisses d'épargne, PSA, Sanofi-Aventis, Camif, La Redoute, Doux, Tyco Electronics, Adecco, Crédit agricole, SFR-Cegetel, Altadis, Amora, etc. Le Président de la République ayant annoncé un plan d'action pour l'emploi, on aurait pu croire que les crédits budgétaires de la mission « Travail et emploi » en seraient le bras armé. Mais pas du tout. M le secrétaire d'État répond que cela ne le gêne pas d'avoir un budget en diminution : il s'agit quand même d'un très mauvais signe !

Nous nous inquiétons des conséquences de cette crise sur l'assurance chômage. En 2007, les comptes avaient commencé à se redresser avec un excédent hors fonds de réserve de 3,2 milliards d'euros. Les excédents prévus pour 2008 doivent être revus à la baisse ; ils seront au mieux de 3 milliards. En cas de scénario noir avec une contraction du PIB de 1 % et 250 000 chômeurs de plus, ils tomberaient à 2,4 milliards d'euros en 2009 et un milliard en 2010. Est-il vraiment judicieux de supprimer l'allocation versée aux demandeurs d'emploi en fin de droits qui suivent une formation en vue d'une embauche dans un secteur « en tension » ?

Au titre de l'aide au secteur hôtels-cafés-restaurants, 550 millions d'euros sont inscrits dans votre budget. A ce jour, la promesse non tenue de M. Chirac, de baisser au taux réduit la TVA du secteur, a coûté au moins 2,6 milliards d'euros. Beaucoup plus que le différentiel de TVA !

Par ailleurs, la contrepartie promise se fait attendre car ni l'emploi illégal, ni les bas salaires, ni les conditions de travail déplorables n'ont disparu. Ainsi, l'augmentation salariale observée entre 2004 et 2007, soit 9,8 % en l'occurrence, ne se différenciait pas notablement des 8,4 % constatés dans le reste des services. Cette activité bénéficie pourtant de généreux allégements de cotisations patronales sur les bas salaires, outre la réduction « avantages en nature nourriture », l'ensemble coûtant 150 millions d'euros aux organismes de sécurité sociale.

Le total des aides avoisine 3 milliards d'euros. C'est ce que souhaitait M. Hirsch pour le RSA et il n'a eu que la moitié. Des sommes colossales ont été attribuées pour un résultat nul.

Dès le 1er janvier, certaines activités de l'Afpa seront soumises à appel d'offres, si bien que la subvention versée par l'État diminuera de 150 millions d'euros. Pourquoi cette précipitation alors qu'une grande loi sur la formation professionnelle est annoncée pour le début de l'année prochaine ? Nous craignons que l'Afpa ne soit démantelée...

M. Guy Fischer.  - Assassinée !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - ...des centres de profit gérant les activités rentables confiées au secteur privé ou à certaines branches, cependant que les remises à niveau continueront à percevoir une subvention. Il vaudrait mieux laisser l'Afpa poursuivre sa mission en ce moment où se profile une augmentation massive du chômage.

Avant de conclure, je reviens sur un point auquel vous n'avez pas répondu en commission. Il s'agit de la mesure, adoptée par la majorité sénatoriale à l'initiative de M. Jégou, rendant imposables les indemnités journalières perçues par les accidentés du travail, malgré le principe général excluant la fiscalisation des réparations de préjudices corporels. Les victimes des accidents du travail ont droit à réparation mais ce sont les seules aujourd'hui à devoir se contenter d'une compensation forfaitaire. Je rappelle qu'il n'y a pas d'exonération des franchises médicales : les intéressés doivent acquitter les franchises et acquitter un impôt sur les indemnités ! Ma question est simple : allez-vous demander une seconde délibération ? (M. le secrétaire d'État estime avoir clairement exclu cette possibilité lors de son audition)

Indéniablement, les crédits de la mission ne sont pas à la hauteur des enjeux présents et futurs. Le Gouvernement continue à privilégier la réduction du coût du travail et poursuit le transfert sur les ménages du financement de la protection sociale. Nous ne l'acceptons pas ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Je pourrais ironiser sur les déclarations fanfaronnes du Gouvernement quant aux effets bénéfiques du paquet fiscal pour l'emploi, si le marché du travail n'était aussi préoccupant. En effet, après le record d'août, nous pourrions dénombrer deux millions de chômeurs avant la fin de l'année.

Je pourrais ironiser sur les prévisions économiques, optimistes hier, alarmistes aujourd'hui, si les perspectives n'étaient pas aussi inquiétantes pour les salariés. Malgré la révision de ses hypothèses, le ministère des finances reste optimiste par rapport à la Commission européenne, pour qui la croissance devrait être nulle en 2009. D'après l'Unedic, on compterait alors 74 000 demandeurs d'emploi supplémentaires.

Je pourrais ironiser à propos des politiques d'exonération de charges, censées combattre les délocalisations mais qui profitent surtout à la grande distribution, activité non délocalisable par excellence, si cela ne révélait un gaspillage de fonds publics portant atteinte aux commerces de proximité.

Je pourrais ironiser sur la faible capacité d'un parlementaire à peser sur les choix budgétaires, par rapport à un Président de la République omniprésent mais qui n'annoncera son plan d'action que le 4 décembre, quand nous aurons presque terminé l'examen du budget.

Je pourrais ironiser, enfin, sur le fait que votre seule réponse face au chômage consiste à rétablir 100 000 emplois aidés que vous aviez supprimés l'année dernière. Mis en place par le gouvernement de M. Jospin, ils ont subi depuis 2002 une réduction drastique pour des raisons purement idéologiques. Quel aveu d'impuissance ! L'alpha et l'oméga de votre politique de l'emploi consistent à faire le dos rond face à la crise, en attendant qu'elle passe. Ce n'est pas une politique tournée vers l'avenir. Et le rapporteur défend cette politique du yo-yo...

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Absolument !

M. Jean Desessard.  - ...consistant à relancer les contrats aidés quand tout va mal pour y mettre fin quand la situation se rétablit. Mais ces contrats sont gérés par des associations. Comment pourraient-elles faire face à de telles variations et reprendre leur activité à partir de rien ?

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Il ne faut pas tout supprimer !

M. Jean Desessard.  - La politique incohérente du Gouvernement met en difficulté les entreprises d'insertion alors qu'elles sont économiquement dynamiques, socialement efficaces et utiles pour l'environnement.

Lors du Grenelle de l'insertion, le Gouvernement s'est engagé à doubler le nombre de postes en entreprise d'insertion au cours des cinq années à venir. Pourtant, il réduit l'aide au poste en 2009. En outre, il crée une confusion entre les ateliers et chantiers d'insertion intervenant dans le secteur non concurrentiel et les entreprises d'insertion. Ces deux formules, complémentaires mais distinctes, doivent être dissociées budgétairement : la fongibilité peut conduire l'administration à ne pas choisir entre les deux dispositifs. Pourtant, plus de la moitié des salariés en entreprise d'insertion retrouvent un emploi à l'issue de leur CDD, contre moins d'un tiers après un contrat aidé.

En commission, vous m'avez dit que le budget prévu pour 2009 correspondait aux crédits utilisés en 2008. Or, les entreprises d'insertion recherchent aujourd'hui de la main-d'oeuvre pour honorer les contrats qu'elles ont remportés. Elles auraient donc utilisé l'intégralité de ses crédits, n'étaient les lourdeurs administratives que vous alourdissez encore.

A leur utilité publique en faveur de la formation professionnelle s'ajoutent l'action sociale auprès des salariés les plus éloignés de l'emploi et souvent une action protégeant l'environnement via l'entretien des espaces verts ou le recyclage des déchets. Il vaudrait donc mieux encourager leur création plutôt que de leur infliger des procédures lourdes et complexes d'agrément et de conventionnement.

Depuis un an et demi, votre Gouvernement n'a rien fait de concret pour l'emploi. En particulier, la défiscalisation des heures supplémentaires augmente la masse de travail des salariés en poste au détriment de ceux qui en sont privés, comme l'a très justement fait observer la commission des finances dans son rapport. Les heures supplémentaires concentrent les emplois au lieu de partager le travail.

Nous devons sortir du dogme productiviste faisant passer l'augmentation du pouvoir d'achat des salariés par l'accroissement exponentiel de la production. La vraie question porte sur le partage des richesses et du travail car nous vivons dans un monde limité.

En ce vingtième anniversaire de la création du RMI, je rappellerai cette phrase ponctuant la campagne publicitaire de l'époque : « Ne fermons pas la porte à ceux qui sont dehors ». Alors que notre pays a besoin d'une politique ambitieuse et durable soutenant l'emploi et l'insertion, vous favorisez l'exploitation de ceux qui ont un emploi en les contraignant à travailler le dimanche, tard le soir ou jusqu'à 70 ans. Tout cela ferme la porte de l'emploi à plus de deux millions de chômeurs !

Les sénateurs Verts ne voteront pas ce budget. (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité.  - Ce budget traduit les trois priorités majeures de la politique du travail.

La première priorité concerne le développement du dialogue social et l'effectivité du droit. C'est pourquoi 90 millions d'euros financent les élections prud'homales de mercredi, qui seront déterminantes pour conforter les organisations syndicales. Nous avons tous besoin de syndicats plus forts.

A ce stade, 78 654 personnes ont déjà voté par internet, et nous avons tout mis en oeuvre pour que ces élections soient un succès, en permettant aux salariés d'opter pour le vote physique, le vote par correspondance ou le vote en ligne. Les crédits destinés à la formation des conseillers prud'homaux augmenteront de près de 30 %.

La mise en oeuvre de la loi du 20 août 2008 portant rénovation de la démocratie sociale et réforme du temps de travail se traduira par un effort budgétaire important. Cette loi instaure une appréciation de la représentativité des syndicats de salariés en fonction de leur audience électorale. L'application informatique qui permettra de compiler les résultats électoraux dans les entreprises, afin de les consolider au niveau des branches et au niveau interprofessionnel, sera conçue et déployée grâce à une dotation de 2 millions en autorisations d'engagement. Une dotation annuelle de 7 millions d'euros de crédits de paiement a d'ores et déjà été prévue pour les exercices 2010 et 2011.

Enfin nous allouons à la formation syndicale les sommes prévues par les conventions triennales passées avec les partenaires sociaux : elles représentent environ 80 millions d'euros au total, soit près de 25 millions par an.

La deuxième priorité de notre action, c'est la santé et la sécurité au travail. Monsieur Godefroy, je vous rappelle que le Gouvernement était défavorable à l'amendement de M. Jégou. Son avis n'a pas varié, et il attend les conclusions de la commission mixte paritaire.

L'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset) et l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (Anact) voient leurs moyens préservés. Nous avons confié à l'Anact la gestion du Fonds pour l'amélioration des conditions de travail (Fact), afin de la rendre plus proche du terrain. Les moyens de ce fonds seront accrus : ils passeront de 1,3 million d'euros en 2008 à 2 millions en 2009, pour atteindre 4 millions en 2011, comme je m'y étais engagé devant les partenaires sociaux lors de la première conférence sur les conditions de travail.

Nous devons également renforcer et moderniser l'intervention de nos services pour la mise en oeuvre et le contrôle de la politique du travail. Comme vous l'avez souligné, monsieur Dassault, ce budget traduit très fidèlement les engagements pris au titre du plan de modernisation et de développement de l'inspection du travail, avec la création de 160 postes d'agents de contrôle. Le plan renouvelait également la gestion des services de l'inspection. Chaque année depuis 2006, des appels à projets sont lancés auprès des directions régionales pour qu'elles conçoivent, en concertation avec les agents et leurs représentants, des programmes régionaux de modernisation et de développement de l'inspection du travail, répondant aux différents enjeux de la politique du travail en fonction du contexte local.

Comme vous l'écrivez dans votre rapport, monsieur Dassault, la révision générale des politiques publiques est à l'oeuvre. La fusion des services des inspections du travail, dont on parle depuis longtemps, devient réalité. Cette réforme simplifiera l'accès des salariés et des employeurs à l'information sur le droit du travail et assurera une meilleure couverture du territoire. Ce budget inclut l'intégration dans notre ministère de 387 emplois en provenance des Transports et 296 en provenance de l'Agriculture. Le regroupement physique des agents au sein de mêmes locaux interviendra rapidement.

Nous avons également créé des directions régionales chargées des entreprises, de la consommation, de la concurrence, du travail et de l'emploi. Les expérimentations menées dans cinq régions ont donné des résultats très positifs.

Les agents souhaitent passer à la vitesse supérieure ; ils nous demandent de leur donner des perspectives précises sur l'avenir de nos services. Les Français eux aussi attendent des administrations qu'elles s'adaptent à leurs besoins. C'est la raison pour laquelle, nous avons décidé d'accélérer le rythme de la réforme, qui devrait être achevée le 1er janvier 2010.

Tout cela témoigne de l'ambition réformatrice du Gouvernement, que je vous remercie d'avoir reconnue, monsieur Gournac.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Eh oui !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - En somme, ce budget permettra d'atteindre les objectifs d'une politique du travail moderne, adaptée à notre temps. Je vous remercie de votre confiance. (Applaudissements au centre, à droite et au banc des commissions)

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État chargé de l'emploi.  - Après la présentation vigoureuse et dynamique de Xavier Bertrand, je tenterai de vous exposer les principales orientations de la politique de l'emploi et de répondre à vos interrogations.

En cette période de crise, il nous faut concilier deux exigences : la nécessité de remédier aux situations d'urgence, et d'apporter soutien et réconfort aux plus fragiles ; mais aussi l'obligation de résister à la tentation de surseoir aux réformes de structures pour privilégier des artifices conjoncturels qui ne seraient que de la poudre aux yeux.

La politique de l'emploi doit d'abord pourvoir aux besoins urgents, et apporter des réponses à la conjoncture économique. Je sais que M. Gournac, en tant qu'élu local, est très impliqué dans les actions de soutien aux salariés. Nous disposons de trois instruments, qui se fondent sur le même raisonnement : en période de crise, le plus grave n'est pas de perdre son emploi, mais de perdre l'espoir d'en retrouver un. Notre volonté n'est pas de créer des sécurités illusoires, visant à prémunir les salariés contre des licenciements parfois inéluctables, mais d'aider les personnes licenciées à rebondir. C'est l'objectif de ce que j'appellerai « l'assurance professionnelle ».

La convention de reclassement personnalisé constitue le premier étage de la politique d'accompagnement des salariés licenciés. Mais ce dispositif ne fonctionne pas : le taux d'adhésion volontaire est faible, et le taux de retour à l'emploi insuffisant.

Mais il existe un deuxième étage : le contrat de transition professionnelle, qui s'est révélé très utile dans les territoires les plus fragiles, à Valenciennes, Sandouville ou Niort. L'expérimentation que nous avons menée sur sept sites a montré l'efficacité du dispositif : 80 % des salariés y ont adhéré volontairement, et plus de six sur dix ont retrouvé un emploi en moins d'un an. Lors d'un déplacement en compagnie du Président de la République à Valenciennes, nous avons recueilli le témoignage d'un salarié licencié d'une entreprise de fruits et légumes, qui souhaitait se reconvertir dans le secteur du bâtiment. D'après lui, il est impossible de se réorienter ainsi tout seul, sans aide ni formation. Mais si l'on tend la main aux personnes qui en ont besoin, alors tout est possible ! Un amendement à ce projet de loi de finances permettra de consolider ce dispositif, qui tient à coeur à M. Gournac.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Oui, parce que j'y crois !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Le deuxième instrument conjoncturel dont nous disposons, c'est le soutien au chômage et à l'activité partiels. Commençons par un constat de bon sens : tout vaut mieux que de perdre son emploi ou de voir disparaître son entreprise. Une PME qui fait faillite ne revient pas. Nous devons permettre aux salariés de traverser sans trop de mal des périodes de faible activité. L'enveloppe consacrée à l'indemnisation de l'activité partielle a été portée de 19 à 39 millions d'euros. J'ai d'ailleurs demandé aux partenaires sociaux de se saisir de cette question, afin d'apporter de la souplesse à ce dispositif, et d'améliorer l'indemnisation.

Le troisième instrument, ce sont les contrats aidés. Nous allons en créer 100 000 de plus, financés par une enveloppe de 250 millions d'euros. Soyons clairs sur la philosophie des contrats aidés. Ils visent d'abord à accompagner ceux de nos concitoyens qui ne peuvent trouver un emploi dans le secteur compétitif, quelle que soit la conjoncture économique : c'est un impératif de solidarité nationale. Mais ils ont aussi pour objet, dans une période de tension sur le marché du travail, d'empêcher les travailleurs licenciés de dériver vers le chômage de longue durée. Nous assumons parfaitement, monsieur Desessard, de recourir aux contrats aidés !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Bien sûr ! Il n'y a pas de honte à cela !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Nous avons d'ailleurs anticipé la crise, puisque dès le mois de juillet, nous avons décidé de créer plus de 60 000 emplois aidés. Cela permet aujourd'hui à ce dispositif de monter en puissance.

Mais il ne s'agit pas de commettre les mêmes erreurs que M. Jospin, qui avait créé 550 000 contrats aidés dans une période de très forte croissance ! Car notre but n'est pas de faire du chiffre, d'expurger un certain nombre de personnes des statistiques du chômage en les plaçant dans des voies de garage. Notre but, c'est de les accompagner et de les aider à retrouver du travail, à l'issue du contrat aidé. J'ai donc demandé à mes services d'en finir avec une pratique qui consistait à ne plus s'occuper des gens une fois signé le contrat aidé, en les laissant retourner dans leur galère au terme du contrat. Il nous faut anticiper, et favoriser une réinsertion durable des salariés dans le monde du travail.

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - Très bien !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - J'en viens aux priorités du budget de 2009. Je dirai d'abord un mot des choix budgétaires du Gouvernement. Certes, les dotations sont en diminution, mais cela résulte des réformes de l'année dernière sur les préretraites et le contrat de professionnalisation. Un amendement a été voté pour abonder les crédits qui devraient encore croître conformément aux engagements du Président de la République : le budget se trouve ainsi conforté à hauteur de 400 millions.

La formation professionnelle reçoit 26 milliards et le budget pour l'emploi atteint 4,5 milliards. Cependant, l'efficacité d'une politique ne se mesure pas à l'aune des lignes budgétaires : un bon budget cible les priorités et évalue chaque mesure. Je m'engage à répondre au président Arthuis afin de revenir devant vous avec une évaluation de la politique de l'emploi. Précisément parce qu'il s'agit de nos compatriotes les plus fragiles, nous devons faire en sorte que chaque euro réponde à un besoin.

Les allégements de charges ? Il y a une divergence. Je crois profondément en cette politique car nous avons les coûts les plus élevés pour les salaires les plus modestes. Tous les avis d'experts sont concordants : les allégements de charges ont créé ou préservé 800 000 emplois. Je ne me livrerai donc pas à une apologie des 35 heures et je n'en rappellerai pas le coût : 90 % des allégements profitent à des salariés gagnant entre 1 et 1,35 Smic. Dans ces conditions, le débat sur le recentrage est-il le bon ? Ne provoquons pas des effets de seuil au risque de créer des trappes à bas salaires. Les allégements de charges bénéficient en priorité aux salaires modestes...

M. Jean Desessard.  - Pourquoi ne les augmentez-vous pas ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - ...et aux PME. Cette politique préserve l'emploi des plus fragiles, ceux pour lesquels des augmentations de salaires auraient des effets catastrophiques.

J'ai répondu en commission sur la fiscalité des indemnités journalières. Le débat sera tranché en commission mixte paritaire mais le Gouvernement maintient son opposition à la fiscalisation.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Très bien !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - La politique en faveur des jeunes, madame David, obtient un financement de 340 millions, notamment pour les contrats autonomie. En tendant la main aux jeunes les plus éloignés de l'emploi et en les accompagnant, on obtient des résultats.

Nous reviendrons avec M. Paul Blanc sur la situation des handicapés. Il en est de même du Pôle emploi, que je remercie Mme Henneron d'avoir évoqué. M. Desessard et Mme Jarraud-Vergnolle ont insisté sur les entreprises d'insertion. S'agissant du remboursement de l'État à la sécurité sociale, l'Acoss n'avait pas bien ciblé ses calculs et demandait trop à l'État : il est normal que chacun assume ses responsabilités. En revanche, vous avez raison, cet outil précieux doit gagner en souplesse.

Les réformes structurelles, c'est d'abord Pôle emploi. Il est temps de se doter d'un service public efficace. Alors, oui, nous demandons de gros efforts aux agents de l'ANPE et des Assedic ; oui, tout le monde doit, dans cette période, améliorer le service aux demandeurs d'emploi ; oui, nous voulons que ces agents exemplaires et motivés soient en ordre de bataille car il ne s'agit pas de ralentir mais d'accélérer.

La formation professionnelle ensuite. Non, les outils ne sont pas suffisants pour les salariés modestes ni pour les PME mais, non, nous ne voulons pas d'un éclatement de l'Afpa car l'échelon régional serait trop réduit. Aux crédits de fonctionnement, exactement reconduits, s'ajoutent 175 millions pour les appels d'offres.

Le dernier chantier est celui de l'indemnisation du chômage. Même si les partenaires sociaux ont déjà beaucoup de dossiers sur la table, on ne peut se contenter d'un constat. Nous devons au contraire aller chercher les emplois et en améliorer la qualité, qu'il s'agisse des emplois verts, des services ou de l'hôtellerie.

Par le passé, en période de chômage, on a trop recouru à des expédients pour obtenir un effet statistique. Ne retombons pas dans cette ornière. Je préfère employer l'argent à l'emploi des seniors qu'aux préretraites, à l'emploi des jeunes plutôt qu'à un allongement factice des études. Nous avons besoin d'une autre politique, d'une politique active de soutien à l'emploi. (Applaudissements à droite)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je rends hommage au ministre, que j'ai été heureux d'entendre sur les charges sociales proclamer sa conviction qu'il faut réduire les coûts et améliorer la compétitivité des entreprises et des territoires. Nous aurons l'occasion de revenir sur les allégements de charges avec le budget des sports au prétexte que des sportifs de haut niveau seraient séduits par des clubs étrangers.

M. Jean Desessard.  - Quel gaspillage !

M. Guy Fischer.  - A 250 000 euros par mois...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - J'ai soulevé le cas des gérants de fonds communs de placement de capital risque qu'il faudrait retenir de partir à Londres ou à Dubaï... Je veux également vous rendre attentif au fait que les salariés de l'automobile sont eux aussi exposés à la mondialisation. Il y a, bien sûr, dans le débat politique des sujets tabous mais accepter les tabous, est-ce le meilleur moyen de surmonter les difficultés auxquelles nous sommes confrontés ? Il serait donc judicieux, monsieur le ministre, d'envisager de financer autrement la protection sociale. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean Desessard.  - Mais pas la TVA sociale ?

Examen des crédits

Article 35 (État B)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-165, présenté par le Gouvernement.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - J'ai déjà fait référence à ce que j'appelle l'assurance professionnelle. Cet amendement abonde de 46 millions le contrat de transition professionnelle et les dépenses de chômage partiel.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - C'est une excellente chose mais la commission, qui est favorable à l'amendement, souhaiterait savoir quels bassins en profiteront et sur quel budget vous prendrez ces 46 millions.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Nous sommes favorables à cet amendement. Le Gouvernement peut-il toutefois nous indiquer sur quels critères les dix-huit bassins supplémentaires seront retenus ?

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Ces 46 millions, monsieur Dassault, sont prélevés sur les provisions au sein du budget de l'emploi.

M. Jean Desessard.  - Je n'ai rien compris !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Avec les CTP et leur extension, nous nous dotons d'une force de réaction rapide. Les sept contrats actuels, dont Valenciennes, Saint-Dié ou Vitré, sont confortés. Pour les dix-huit autres, je déposerai la semaine prochaine un amendement qui précisera les critères selon lesquels ils seront choisis, des critères simples tels que l'importance des restructurations en cours et des pertes d'emplois. Jusque là, pour éteindre un incendie économique sur un territoire, il fallait passer devant le Conseil d'État, puis le conseil des ministres, puis le Parlement avant de mettre en place un dispositif adapté. Nous pourrons demain répondre immédiatement aux situations difficiles.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je comprends que cet amendement ne dégradera pas le solde (M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État le confirme). La situation sur le terrain peut évoluer rapidement. Dresser aujourd'hui la liste des nouveaux bassins d'emplois concernés n'est sans doute pas de bonne méthode. J'imagine que vous nous préciserez lors de l'examen des articles non rattachés les critères qui permettront de s'adapter aux circonstances. (Même mouvement)

L'amendement n°II-165 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-125 rectifié, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Cet amendement affecte à l'Afpa 75 millions d'euros en autorisations d'engagement et crédits de paiement, pris sur le programme 155.

L'Afpa va être mise en concurrence, ses missions d'audit lui ayant déjà été retirées. La situation est confuse. Plutôt que de poursuivre ce qui apparaît à beaucoup comme le démembrement de l'Afpa, mieux vaut prendre un peu de temps pour négocier un nouveau contrat de progrès et éclairer les personnels sur l'avenir. Du temps aussi pour que les régions ne soient pas mises devant le fait accompli. Le procédé est éprouvé qui consiste à transférer des compétences aux collectivités territoriales sans les moyens correspondants ; iI est alors facile de dénoncer leur mauvaise gestion !

Il faut prendre du temps enfin pour préciser la position de l'Afpa au regard de la concurrence. Le Gouvernement se retranche derrière un avis du Conseil de la concurrence et une réglementation européenne ; mais celle-ci est nuancée, qui prévoit que les services économiques d'intérêt général -les services publics en bon français- peuvent bénéficier de subventions et donc ne pas être soumis à la concurrence. Personne ne conteste que l'Afpa accomplit une mission de service public ; elle n'a donc pas à faire les frais d'une politique idéologique de désengagement qui va à contre-courant des nécessités de l'heure. (Applaudissements à gauche)

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Nous avons sollicité Bruxelles, l'Inspection générale des finances, la Cour des comptes, le Conseil de la concurrence : tous les avis convergent, la mise en concurrence en matière de formation professionnelle est une obligation. On peut en penser ce que l'on veut, l'état du droit est celui-là. Si l'amendement était adopté, le budget risquerait d'être annulé et ces 75 millions seraient soustraits aux appels d'offres et à travers eux, peut-être à l'Afpa. J'ajoute que des recours sont pendants, dont le dénouement, si nous ne nous soumettons pas à la règle, pourrait mettre en péril la pérennité du financement de l'Afpa. L'amendement aurait un impact catastrophique.

Vous prenez en outre ces 75 millions sur le programme 155, qui inclut les frais de personnel et de fonctionnement : je ne pense pas que vous souhaitiez sabrer dans ces dépenses...

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous vous en chargez ! C'est votre spécialité !

L'amendement n°II-125 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-126 rectifié, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Il s'agit d'abonder de 10 millions les crédits de l'Agence pour l'amélioration des conditions de travail (Anact), pris sur le programme 155.

La politique du Gouvernement et de sa majorité en matière de pénibilité et d'indemnisation des victimes d'accidents du travail et de maladies professionnelles est pleine de contradictions. La majorité sénatoriale vient de s'illustrer en fiscalisant les indemnités journalières consécutives à un accident du travail, ce qui soulève un tollé justifié ; nous espérons que cette disposition scandaleuse disparaîtra en CMP. Mais ce n'est que la partie émergée de l'iceberg, le signe du peu de considération pour les victimes d'accident, mais aussi pour les salariés qui courent des risques au travail. La négociation sur la pénibilité, que le patronat a fait traîner, n'a pas abouti ; le Gouvernement ne s'en est guère ému. La prévention des accidents et des maladies professionnelles a fait l'objet, dans le cadre de l'accord des partenaires sociaux du 12 mars 2007, de deux conférences, en octobre 2007 et juin 2008, qui ont traité des troubles musculo-squelettiques, du stress au travail, du harcèlement, et des risques psychosociaux. Or, depuis les grandes directives européennes des années 1990, l'effort de prévention s'est beaucoup dilué.

La prévention est affaire de formation et de moyens pour améliorer concrètement les conditions de travail, particulièrement dans les PME et TPE dépourvues de représentants du personnel et de CHSCT, où les risques sont les plus importants.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Avis défavorable. La gestion des crédits confiés à l'Anact n'est pas encore optimale ; nous prévoyons une montée en puissance dans les trois ans, 3 millions en 2010 et 4 en 2011. Attendons de voir comment la nouvelle enveloppe sera dépensée, l'objectif étant qu'elle le soit en totalité.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - J'avais prévu de le dire dans mon intervention : Mme Lagarde s'était bien opposée à l'amendement fiscalisant les indemnités journalières.

L'amendement n°II-126 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Je mets aux voix les crédits de la mission « Travail et emploi ».

Mme Annie David.  - Un mot d'abord sur l'organisation de nos travaux. Nous terminons à peine l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui nous a beaucoup occupés ; et le rapport écrit de M. Gournac sur cette mission n'a été disponible que samedi matin... Nous avons ainsi été privés d'un travail en profondeur, d'autant que la mission manque de lisibilité et qu'aucun comparatif avec les années antérieures ne nous a été fourni.

Après le texte abusivement intitulé « Projet de loi en faveur des revenus du travail » et celui sur le RSA, ce budget poursuit le désengagement de l'État de la politique sociale. Malgré une situation économique catastrophique, vous persévérez dans une politique toujours plus généreuse d'exonérations de charges, dont on sait pourtant l'inefficacité en termes d'emploi.

Le maintien d'une diminution de 5 % des crédits prouve assez que le Gouvernement n'entend pas satisfaire les besoins du plus grand nombre mais du capital et de ceux de ses amis qui en tiennent les rênes. Aux uns le chômage, la flexibilité, le temps partiel subi, les horaires atypiques et, bientôt, le travail du dimanche ; aux autres les parachutes dorés. C'est le retour au XVIIIe siècle, quand le salarié devait s'estimer bien content que son patron lui donne un emploi et un toit. Je croyais l'époque révolue. Je croyais qu'au seuil du XXIe siècle, le respect était une valeur partagée. Il n'en est rien.

Ce sont encore les salariés mis au chômage technique qui feront les frais du ralentissement de l'activité. Pour les intérimaires, ce sera tout simplement le chômage. La relance de l'économie passe au contraire par l'augmentation du pouvoir d'achat, donc la revalorisation des salaires, des pensions et des minima. Ce n'est pas ce que vous proposez et c'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de cette mission. (Applaudissements à gauche)

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.

Article 79

I.  -  Il est institué en 2009, au bénéfice du Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, une contribution de 50 millions d'euros à la charge de l'association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, assise sur les ressources du fonds de développement pour l'insertion professionnelle des handicapés, mentionné à l'article L. 5214-1 du code du travail, en vue du financement de la rémunération des stagiaires de formation professionnelle handicapés.

Cette contribution est versée en deux échéances semestrielles, la première avant le 1er juin 2009 et la seconde avant le 1er décembre 2009. Le recouvrement, le contentieux, les garanties et les sanctions relatifs à cette contribution sont régis par les règles applicables en matière de taxe sur les salaires.

II.  - Au 3° de l'article L. 6222-2 du code du travail, les mots : « et dont l'âge maximal, fixé par décret, ne peut être supérieur à trente ans » sont supprimés.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-127, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Cet article prélève 50 millions sur le budget de l'Agefiph (Association de gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées). Le fait est devenu coutumier et l'association vous sert depuis longtemps de structure de trésorerie.

Il était déjà paradoxal de prévoir une augmentation de la rémunération des stagiaires handicapés sans abonder les crédits en conséquence. Vous allez plus loin, vous ponctionnez l'Agefiph, dont la relative prospérité n'est due qu'au refus des entreprises de s'acquitter de leurs obligations d'embauche de personnel handicapé alors même que vous venez de signer avec elle une convention qui vise à développer ses activités. Où est la cohérence ?

L'amendement déposé par M. Paul Blanc et Mme Hermange montre que la majorité partage nos préoccupations, même si nous ne souscrivons pas à leur choix de puiser ailleurs un complément : est-il prudent, par les temps qui courent, d'attirer l'attention du Gouvernement sur le budget du FIPHFP (Fonds pour l'insertion des personnes handicapées dans la fonction publique) ?

Nous regrettons l'absence d'une politique nationale d'envergure pour l'insertion professionnelle des handicapés. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-149, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Annie David.  - Ce prélèvement, 10 % du budget annuel de l'Agefiph, permet à l'État de se défausser de ses obligations en lui faisant financer, au détriment de ses actions de formation, des missions qui ne relèvent pas de sa compétence, au motif que le budget de l'association serait excédentaire. On connaît le raisonnement : c'est celui que vous avez déjà avancé pour les mutuelles complémentaires. Moyennant quoi, vous faites supporter à l'association de nouvelles charges en l'obligeant, selon votre technique habituelle, à opérer elle-même les arbitrages.

Le paradoxe est qu'il y a six mois, estimant que l'Agefiph pouvait faire un effort supplémentaire, le Gouvernement a engagé une négociation qui s'est conclue par la signature d'une convention triennale. La ponction que vous opérez aujourd'hui constitue un manquement grave à cet engagement conventionnel, qui lance un très mauvais signal aux partenaires. La parole de l'État ne vaut donc désormais que quelques mois...

Sans compter que l'incertitude dans laquelle vous plongez l'association est incompatible avec la programmation à moyen terme décidée par son dernier conseil d'administration. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement n°II-148 rectifié, présenté par M. Paul Blanc, Mmes Hermange, Debré, Procaccia, Bout, MM. Gilles, Cantegrit, Mmes Goy-Chavent, Giudicelli, Bernadette Dupont, M. Milon, Mme Henneron, MM. Juilhard et Lardeux.

Dans le premier alinéa du I de cet article, remplacer le montant :

50 millions

par le montant :

25 millions

M. Paul Blanc.  - Mme Jarraud-Vergnolle a presque défendu notre amendement, à ceci près que nous divergeons sur le fond. Il est normal que l'Agefiph participe à la rémunération des stagiaires handicapés : cela fait partie de ses missions. Mais ponctionner l'Agefiph au motif qu'elle disposerait d'un bas de laine n'est pas équitable : elle n'est pas seule dans ce cas. Nous avons donc déposé cet amendement d'appel : ne serait-il pas juste de partager l'effort entre l'Agefiph et le Fonds de la fonction publique ?

Depuis la réforme de la Constitution, que j'ai votée, les parlementaires sont requis pour assurer le suivi des lois qu'ils ont adoptées. Ce que je fais, comme rapporteur de la loi de février 2005. J'étais, il y a dix jours, au centre de rééducation professionnel de Millau, où j'ai rencontré un paraplégique qui, ne pouvant plus, comme il le souhaitait, se destiner à la boulangerie, a pu devenir, grâce au centre, contrôleur des impôts. N'est-il pas normal, au vu de cet exemple, de considérer que le FIDHFP doit participer ? Une répartition équitable du financement est souhaitable.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - La commission est défavorable aux deux amendements de suppression. Elle souhaite entendre l'avis du Gouvernement sur l'amendement n°II-148 rectifié.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Défavorable aux amendements de suppression de l'article : il est normal que l'Agefiph participe au financement des salaires des stagiaires.

M. Paul Blanc, dont j'apprécie un engagement dont j'ai pu mesurer la sincérité au sein de l'Association des élus de la montagne, souhaite voir l'effort équitablement réparti. J'ai vérifié la situation des deux organismes. L'Agefiph dispose d'un fonds de trésorerie de 415 millions, qui équivaut à près d'une année complète d'action. C'est considérable. Personne ne contestera le fait qu'il ne soit pas souhaitable de laisser ainsi dormir des fonds destinés aux handicapés. Le FIPH a aussi un fonds de roulement, mais de 230 millions seulement. Nous demandons 50 millions à l'Agefiph mais également 35 millions au FIPH pour le financement de mesures en faveur des travailleurs handicapés du secteur privé. L'an dernier, nous n'avions rien demandé à l'Agefiph tandis que le FIPH était sollicité pour 70 millions.

L'effort pèse donc sur les deux organismes, il est proportionné aux réserves de chacun d'eux : retrait, sinon rejet de l'amendement n°II-148. Mais je m'engage, monsieur le sénateur, à ce que nous examinions ensemble de très près quel usage sera fait de ces fonds.

M. Paul Blanc.  - Je vous entends, mais permettez-moi de ne pas être d'accord. Le FIPH fait certes un effort pour Cap emploi, mais celui-ci est bien financé par l'Agefiph. Ensuite, si davantage de travailleurs handicapés intègrent la fonction publique grâce à la formation, les cotisations baisseront, et ce sera très positif ! Car ces fonds n'ont pas vocation à durer : si les employeurs, y compris publics, respectaient la règle des 6 %, nous ne discuterions pas de ces réserves ! On a le sentiment que certains veulent pérenniser ces fonds, mais ce n'est pas du tout l'esprit de la loi de février 2005. Je maintiens mon amendement.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Je le regrette, tout en comprenant vos arguments. N'oublions pas, cependant, qu'en intervenant sur Cap emploi, le FIPH est en dehors de son périmètre. Je m'engage, monsieur le sénateur, à ce que nous regardions de très près quel aura été l'impact des fonds sur les actions de formation.

M. Paul Blanc.  - Je vais retirer mon amendement. (Exclamations à gauche, on manifeste son contentement à droite) Mais je veux un engagement solennel, monsieur le ministre, que les fonds iront bien aux actions pour les personnes handicapées. Les frais de fonctionnement absorbent 7,5 millions et la publicité un million, c'est inacceptable ! Ces sommes seraient plus utiles en servant directement aux personnes handicapées ! Je retire, contraint et forcé - et avec beaucoup d'amertume.

L'amendement n°II-148 est retiré.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. - Je mesure votre geste à sa juste valeur, sachant ce qu'il vous coûte. Nous nous connaissons bien, nous travaillons ensemble dans des cercles où la parole donnée doit être tenue : je m'engage solennellement, monsieur le sénateur, à suivre avec vous l'usage qui sera fait de ces fonds !

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Je suis d'accord, pour une fois, avec M. Paul Blanc : le FIPH n'a pas vocation à durer, l'objectif est bien l'emploi des personnes handicapées et l'État a la charge de leur dispenser une formation en attendant. Il est regrettable que le FIPH ait été utilisé pour pallier l'impéritie de l'État, sans beaucoup de transparence. Les travailleurs handicapés ont besoin de sécuriser leur parcours professionnel ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Annie David.  - Les fonds ne seraient effectivement pas récoltés si les employeurs respectaient les 6 %, mais ce seuil n'est jamais atteint. L'éducation nationale même a comptabilisé les accompagnants de personnes handicapées, parmi les travailleurs handicapés. Beaucoup reste à faire pour que les travailleurs handicapés aient toute leur place dans notre société !

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Les versements à l'Agefiph doivent aller intégralement aux personnes handicapées, ou bien ils n'ont pas de raison d'être. C'est ce que nous avions voulu en votant la loi, nous avions même prévu une majoration de la pénalité, après trois ans. Si les entreprises embauchaient 6 % de personnes handicapées, l'Agefiph disparaitrait. L'éducation nationale a montré le mauvais exemple avec les assistantes de vie, comptabilisées comme travailleurs handicapés : c'est incompréhensible ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Michel Mercier.  - Certains corps de la fonction publique peuvent intégrer facilement des travailleurs handicapés, d'autres pas. Mon conseil général vient de recevoir une facture de un million pour ne pas avoir embauché suffisamment de personnes handicapées dans ses services de sapeurs-pompiers professionnels, ce n'est pas si facile !

M. Guy Fischer.  - Il y a des postes administratifs !

Mme Catherine Procaccia.  - Peut-être au standard téléphonique...

M. Michel Mercier.  - Nous avons déjà 181 sapeurs-pompiers professionnels en reclassement. Avec la pénalité, ça commence à faire beaucoup !

M. Alain Gournac, rapporteur pour avis.  - C'est la même chose dans les Yvelines !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Ce débat nous rappelle que l'examen des amendements est bien le moment fort de la discussion budgétaire. Nous voulons tous faire le maximum pour les travailleurs handicapés, mais faut-il pour autant graver cette action dans le marbre de la loi ? Ce n'est pas sûr. L'accès à la fonction publique est fondé sur le concours, ce principe se concilie difficilement avec le respect d'un quota de 6 %. Un maître d'ouvrage public doit prévoir l'accès aux toilettes pour les personnes handicapées, dans un équipement sportif qui manifestement ne sera pas utilisé par des personnes handicapées : cela confine à l'absurde !

Nous devons donc concilier l'objectif de solidarité et la faisabilité financière. L'Agefiph et le FIPH disposent de 650 millions, cette somme a contribué au renchérissement du travail dans notre pays, elle a été un accélérateur de délocalisation de l'emploi. Nous devons être cohérents !

M. Paul Blanc a excellemment présenté le problème, mais il faut une solution raisonnable. Quant à la menace d'une punition, elle ne suffit pas à l'embauche de travailleurs handicapés, nous le savons bien. Les fonds de roulement ont pu être investis en bons du Trésor et financer le déficit, ce n'est pas là leur vocation ; mais supprimer l'article 79, ce serait déraisonnable !

Les amendements identiques n°sII-127 et II-149 ne sont pas adoptés.

L'article 79 est adopté.

Article 80

I.  -  La sous-section 2 de la section 1 du chapitre III du titre II du livre IV de la cinquième partie du code du travail est abrogée à compter du 1er janvier 2009.

II.  - Les allocataires qui, à la date mentionnée au I, bénéficient de l'allocation prévue par l'article L. 5423-7 du code du travail continuent à la percevoir jusqu'à l'expiration de leurs droits. Les coûts afférents au maintien du bénéfice de cette allocation restent à la charge du fonds de solidarité mentionné à l'article L. 5423-24 du même code.

Mme la présidente.  - Amendement n°II-128, présenté par Mme Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - L'article 80 supprime la prise en charge par l'État de l'allocation de fin de formation (AFF) qui permet aux demandeurs d'emploi en fin de droits de percevoir une indemnisation jusqu'au terme de leur formation. Le Gouvernement entend réaliser ainsi une économie de 169 millions au motif que certains chômeurs sont tentés de retarder leur retour en activité pour prolonger leur période de formation rémunérée. Cette suppression fait suite à celle de l'allocation équivalent retraite...

Il faut savoir que l'AFF se monte -si l'on peut dire- à 442 euros par mois. On est assez loin des remboursements du bouclier fiscal... Avec cet article 80, le Gouvernement prend les devants pour limiter ses engagements et en transférer la charge sur l'assurance chômage. Nous nous opposons à ce nouveau désengagement.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°II-150, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SDG.

Mme Annie David.  - Cet article 80, c'est un nouveau désengagement de l'État : vous entendez mettre fin à l'allocation de fin de formation destinée aux demandeurs d'emploi en fin de droit mais poursuivant une formation. Dans le contexte de crise et d'explosion du chômage, ce désengagement est inacceptable. Mais il était prévisible compte tenu de la modification que vous aviez apportée en décembre 2006, limitant le versement de cette allocation aux seules formations concernant les métiers en tension. A ce propos, les sommes théoriquement incluses dans le budget du Pôle emploi pour la formation seront-elles réservées aux seules formations relatives aux métiers en tension ou respecterez-vous les choix exposés par les salariés dans leur projet personnalisé ?

Par ailleurs, nous craignons que le Pôle emploi ne satisfasse pas l'intégralité des demandes de formation. C'est à toute la formation professionnelle que vous entendez vous attaquer et votre acharnement à l'encontre de l'Afpa le prouve. Vous commencez par diminuer son budget de 40 % et on sait que la direction de l'Afpa multipliera bientôt les formations de courte ou de très courte durée au détriment des formations qualifiantes de longue durée. Certains modules de formations seront supprimés, d'autres réduits et ce, malgré la forte demande, ce qui provoque l'inquiétude des petites et très petites entreprises. Les artisans de la vallée de l'Arve, par exemple, dont la spécialité est le décolletage, s'inquiètent de la fermeture annoncée de la formation Afpa dans ce domaine...

Parallèlement, le ministère du travail se désengage de la certification, ce qui permettra aux entreprises privées ne pouvant pas proposer des formations certifiées de concurrencer l'Afpa. Car le but de tout cela, c'est la mise en concurrence de l'Afpa, comme l'atteste votre volonté de procéder à des appels d'offres. Vous nous répondrez que la législation européenne vous y oblige puisque, dans un avis du 18 juin 2008, le Conseil de la concurrence a estimé que la formation professionnelle était une activité économique, dans toutes ses composantes. En conséquence, l'Afpa doit être qualifiée d'entreprise au sens du droit communautaire et être soumise à toutes les règles du droit de la concurrence. Il est grand temps d'arrêter de vous cacher derrière une Europe libérale, qui prend les mesures que vous l'avez autorisée à prendre, en adoptant les traités de Maastricht, de Nice ou de Lisbonne.

Vous le savez, aucune structure ne peut concurrencer l'Afpa, seule à proposer des formations de longue durée, qualifiantes et reconnues comme telles, proposant à la fois la formation et des services gratuits associés, comme l'hébergement, le suivi médical ou la restauration, mais aussi un accompagnement personnalisé des stagiaires. Les résultats sont là : sept stagiaires sur dix accèdent à un emploi dans les six mois qui suivent leur formation, 74 % estiment avoir atteint leur objectif, 73 % des entreprises clientes estiment que le projet contracté a été réussi et 81 % des stagiaires obtiennent un titre professionnel à l'issue de leur formation. Ce ne sont donc pas les missions que vous entendez mettre en concurrence mais plutôt les financements publics que vous entendez partager avec le privé.

Je voudrais des précisions sur les 220 sites de l'Afpa, dont les situations sont très diverses : les terrains appartiennent aux communes, à l'État ou, parfois, à l'association alors que le bâti appartient souvent à l'État. Il serait question de transférer la propriété de ces biens immobiliers et de leurs terrains à l'Afpa, avec les frais d'entretien, de rénovation et de maintenance que cela suppose et qu'elle n'est pas en mesure de financer. Où en sont ces projets et entendez-vous doter l'association des moyens supplémentaires correspondant à ces nouvelles dépenses ? (Applaudissements à gauche)

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Avis défavorable.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. Il est légitime de partager les tâches pour que chacun assume ses responsabilités.

L'amendement n°II-128, identique à l'amendement n°II-150, n'est pas adopté.

L'article 80 est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°II-38, présenté par M. Dassault, au nom de la commission des finances.

Après l'article 81, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport évaluant l'efficacité des allègements généraux et ciblés de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi.

Ce rapport s'attachera notamment à exposer :

a) le bilan et le coût de ces dispositifs depuis leur mise en oeuvre ;

b) les méthodes envisageables pour en réduire la charge sur les finances publiques ;

c) les dispositifs alternatifs de soutien à l'emploi et aux entreprises.

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - L'efficacité des allégements de cotisations sociales au regard de la politique de l'emploi doit être évaluée. En quinze années d'application, ces exonérations auront représenté plus de 200 milliards au total. Or, on ne sait pas si elles servent à quoi que ce soit ! Le débat n'est pas tranché et les études disponibles du Conseil d'orientation pour l'emploi, du Centre d'analyse stratégique, de la révision générale des politiques publiques ainsi que l'avis de la Cour des comptes ne font pas consensus. C'est bien beau de dépenser de l'argent, mais où le prend-on ? Tout cela aggrave l'endettement.

M. Jean Desessard.  - Adressez-vous au Gouvernement !

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Vous, vous croyez que l'argent tombe tout seul, vous ne savez pas comment ça marche !

M. Jean Desessard.  - Et les banquiers, vous croyez qu'ils savent comment ça marche ?

M. Serge Dassault, rapporteur spécial.  - Eux, ils n'ont plus d'argent ! (Rires)

Au regard de la dégradation des comptes publics, tant de l'État que de la sécurité sociale, un bilan devient urgent. C'est pourquoi je propose que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 15 juin 2009, un rapport exposant le bilan et le coût de ces dispositifs depuis leur mise en oeuvre ; les méthodes envisageables pour en réduire la charge sur les finances publiques ; les dispositifs alternatifs de soutien à l'emploi et aux entreprises. Car le soutien à l'emploi, ce n'est pas seulement le soutien aux chômeurs, c'est aussi le soutien aux entreprises pour qu'elles investissent, vendent et, ensuite, embauchent.

Il s'agit certes d'un rapport de plus. Mais l'importance des montants en jeu, plus de 33 milliards par an jusqu'en 2012, justifie que cette politique soit clairement évaluée. On additionne toujours les allégements sans jamais en supprimer aucun. Toujours plus ! On n'ose pas supprimer ! Il y a un moment où il faut arrêter !

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État.  - J'irai plus loin qu'un rapport : je soumettrai au Parlement, à la rentrée, un programme d'évaluation chiffré de l'ensemble de la politique de l'emploi de façon à revenir devant la commission des finances avec des données, y compris sur ces exonérations de charges.

M. Jean Desessard.  - Vous aurez changé de ministère et on n'aura rien du tout !

L'amendement n°II-38 est adopté et devient article additionnel.