Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions orales

Politique salariale pour l'aide à domicile

Avions en fin de vie

Difficultés de transport inter-hospitalier

Réforme de la carte scolaire

Avoirs irakiens en France

Compensation de l'exonération de la taxe foncière sur le foncier non bâti en zone humide

Photovoltaïque

Contrats aidés du secteur non marchand

Fusion des DDE et des DDAF

Réforme du permis de conduire

Desserte ferroviaire de l'Aveyron

RN 164

Stationnement sur les places de livraison à Paris

Taser X26

Nouveau commissariat à La Ciotat

Brigade de gendarmerie de Sauve

Maintien de la gendarmerie en Aveyron

Dépôt de deux rapports

Organisme extraparlementaire (Candidatures)

Rappel au Règlement

Projets de loi sur les flux migratoires : France-Bénin, France-Congo, France-Sénégal, France-Tunisie

Discussion générale commune

Discussion de l'article unique de l'accord France-Bénin

Discussion de l'article unique de l'accord France-Sénégal

Discussion de l'article unique de l'accord France-Congo

Discussion de l'article unique de l'accord cadre France-Tunisie

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Organismes extraparlementaires (Report de désignation)

Organismes extraparlementaires (Nominations)

Gendarmerie nationale (Urgence)

Rappel au règlement

Discussion générale

Renvoi en commission

Discussion des articles

Article additionnel

Article premier

Articles additionnels

Article 2

Articles additionnels

Article 3

Article additionnel




SÉANCE

du mardi 16 décembre 2008

42e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Secrétaires : Mme Christiane Demontès, M. Bernard Saugey.

La séance est ouverte à 10 h 10.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

M. le président.  - Les deux secrétaires du Sénat nous rejoindront dès que la réunion du Bureau sera terminée.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-sept questions orales.

Politique salariale pour l'aide à domicile

M. Alain Fouché.  - Le secteur de l'aide à domicile est dans une situation critique : l'enveloppe financière destinée à la politique salariale ne permet pas une rémunération correcte. Plus de 38 % des salariés, soit plus de 83 000 personnes dont la plupart sont diplômées, touchent un salaire conventionnel inférieur au Smic. L'accord de branche du 29 mars 2002 relatif aux emplois et rémunérations prévoyait pourtant des minima conventionnels supérieurs au Smic. Dans ces conditions, les structures associatives peinent à recruter et à fidéliser leurs salariés alors que les besoins n'ont jamais été aussi importants. S'ajoute le problème du prix des carburants, l'utilisation des véhicules étant inhérente à ces métiers.

Un avenant a été signé lors de la commission mixte paritaire du 27 juin dernier par toutes les fédérations et unions d'employeurs et quatre organisations syndicales de salariés, qui augmente la valeur du point de 2 % en le portant à 5,286 euros à partir du 1er juillet 2008. Il porte également les premiers coefficients des grilles A et B au-dessus du niveau du Smic.

Cet accord a été agréé. Plus largement, comment le Gouvernement compte-t-il renforcer l'attractivité et la professionnalisation du secteur de l'aide à domicile ainsi que la qualité des services rendus aux usagers ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - En effet, il n'est pas acceptable que 38 % des salariés de cette branche voient leurs salaires conventionnels fixés à un niveau inférieur au Smic.

Constatant que l'avenant que vous avez évoqué conduirait à un dépassement de l'enveloppe prévue pour 2008, la Commission nationale d'agrément a rendu un avis défavorable à l'unanimité de ses membres, qui représentent les financeurs : conseils généraux, État, CNSA et caisses nationales de sécurité sociale.

Ne pouvant se satisfaire de cette situation, Xavier Bertrand a reçu les partenaires sociaux afin de trouver une solution. Ces derniers lui ont demandé de ne plus prendre en compte la variation du taux de remboursement des indemnités kilométriques dans l'évolution générale de la masse salariale, ce qu'il a accepté. Le nouvel avenant du 14 novembre 2008 prévoit une augmentation de 1,38 % de la valeur du point à compter du 1er avril 2008 et maintient les dispositions concernant le relèvement des salaires en-dessous du Smic. La Commission nationale ayant donné un avis favorable, Xavier Bertrand a agréé l'avenant par arrêté du 18 novembre 2008.

Cela montre qu'une voie de passage est possible avec les partenaires sociaux lorsqu'on choisit la négociation. Il faut poursuivre les efforts en vue de l'attractivité et de la qualification des métiers de l'accompagnement des personnes âgées et handicapées.

L'aide à domicile destinée aux personnes dépendantes et aux personnes handicapées représente la majeure partie des « services à la personne », pour lesquels le Gouvernement réfléchit à un plan de relance. M. Bertrand, Mme Lagarde et M. Wauquiez souhaitent en effet améliorer l'accès à ces services, leurs conditions d'exercice et leur professionnalisation, ce qui soutiendra également l'emploi.

M. Alain Fouché.  - Merci ! J'espère que ce plan améliorera l'accès à ces services et leur professionnalisation.

Avions en fin de vie

Mme Josette Durrieu.  - Les Hautes-Pyrénées accueillent le projet Tarmac de démantèlement d'aéronefs civils et militaires. Associant notamment Airbus et EADS, ce projet a démontré, dans sa phase de test, que les deux tiers des pièces d'un Airbus A 300 étaient recyclables : c'est très encourageant. Une dizaine d'emplois ont été créés, l'objectif étant d'une cinquantaine à plein régime. La finalisation du projet, cependant, suppose que le démantèlement d'avions militaires s'ajoute aux 30 commandes enregistrées d'ici 2013 pour le démantèlement d'avions civils. Dès 2005, Mme Alliot-Marie et Mme Lagarde m'ont répondu que le projet porterait, en 2010, sur 85 aéronefs militaires, dont une partie serait traitée à Tarbes. Or, plus de trois ans plus tard, aucun aéronef militaire n'est parvenu à Tarbes pour y être démantelé.

Monsieur le ministre, combien d'aéronefs militaires vont-ils être démantelés ? Quel sera le calendrier du démantèlement ? Combien d'entre eux seront-ils démantelés à Tarbes, et quand ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - On estime à plus de six mille le nombre d'avions de plus de cent places, principalement civils, qu'il faudra démanteler dans le monde. Le ministère de la défense a bien engagé le processus de déconstruction de ses aéronefs militaires retirés du service. Ce processus revêt une grande complexité car ces matériels constituent des déchets contenant différents polluants, notamment de l'amiante et des fibres céramiques. Ils nécessitent l'élaboration d'une méthode appropriée respectant la réglementation en matière d'hygiène, de sécurité du travail et d'environnement durable. Une première étape a été engagée, qui concernera en priorité le traitement de dix-sept cellules de C160 Transall et aussi de dix moteurs Tyne et 400 groupes de démarrage.

Une demande d'information auprès de l'industrie européenne a été émise en octobre dernier. Les réponses des candidats sont attendues début 2009, en vue du lancement d'une procédure de mise en concurrence dans le courant du deuxième trimestre 2009 et de la notification d'un marché en 2010. Avec cette première étape, le ministère de la défense veut initier le développement d'une filière assurant autant que faire se peut le recyclage des matériaux.

Je n'ai pas de réponse spécifique sur la situation à Tarbes, mais je vous fournirai toutes informations par écrit.

Mme Josette Durrieu.  - Depuis 2005, on nous dit que l'année 2010 sera une échéance, vous me le confirmez. Je serai très attentive, également, à votre réponse sur Tarbes : merci !

Difficultés de transport inter-hospitalier

M. Daniel Laurent.  - Dans le sud et l'est de la Charente-Maritime, nous sommes confrontés à des difficultés sérieuses pour le transport inter-hospitalier des malades victimes d'infarctus du myocarde et d'accidents vasculaires cérébraux. L'hôpital de Saintes est doté d'un service mobile d'urgence et de réanimation qui effectue le transport des malades vers les CHU voisins, mais également les transports secondaires de secteur. Ce secteur est le seul du département à manquer de coronarographie. Le centre hospitalier de Saintes étant dépourvu d'unité neurovasculaire, le traitement doit se faire à La Rochelle ou à Poitiers. La rapidité d'intervention étant un impératif, les praticiens recourent à des traitements alternatifs qu'ils ne considèrent pas optimum. De plus, chaque intervention mobilise les équipes médicales pendant plusieurs heures au détriment d'autres patients. Pour le transfert vers La Rochelle ou Bordeaux, c'est au minimum quatre heures d'équipes indisponibles.

Deux hélicoptères sont basés en Poitou-Charentes : l'un au CHU de Poitiers, non accessible au centre hospitalier de Saintes, et l'autre dépendant de la protection civile à La Rochelle, dont le transfert inter-hospitalier n'est pas la priorité. Quant au CHU de Bordeaux, il refuse de plus de en plus de patients du sud de la Charente-Maritime au motif que le CHU de référence est à Poitiers. En 2007, le Smur de Saintes a effectué 581 transferts inter-hospitaliers et sollicité 132 transports de cardiologie via Bordeaux ou La Rochelle. Pour une prise en charge des patients dans de bonnes conditions sanitaires et assurer leur transfert dans les centres hospitaliers adaptés aux pathologies, il conviendrait qu'un hélicoptère sanitaire soit basé au centre hospitalier de Saintonge.

Monsieur le ministre, quelles mesures envisagez-vous dans ce sens ? Je sais que votre collègue M. Bussereau, en tant que président du conseil général de la Charente-Maritime, vous a également interrogé sur ce point.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Les malades victimes d'infarctus du myocarde et d'accidents vasculaires cérébraux nécessitent des soins à la fois urgents et très spécifiques. Dans le sud et l'est de la Charente-Maritime, ces malades sont pris en charge par le CHU de Poitiers, qui dispose d'unités de chirurgie cardiaque et de neurochirurgie, mais aussi par des services d'urgence voisins, de Niort et d'Angoulême. Dans le schéma régional d'organisation des soins (Sros), un hélicoptère dit « blanc » a été affecté sur le site du centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers. Le transport de ces malades peut également être assuré par l'hélicoptère dit « rouge », de la sécurité civile, qui participe aux transports urgents du centre hospitalier de La Rochelle, au nord du département. Le territoire sud et est de la Charente-Maritime bénéficie des quatre Smur des centres hospitaliers de Saintes, de Jonzac, de Royan et de Saint-Jean-d'Angély. Ceux-ci peuvent assurer, si nécessaire, le transport vers le CHU de Poitiers.

Mme Bachelot-Narquin veut une répartition de l'offre de soins égale et juste. C'est le sens de son plan pour améliorer la prise en charge des malades en moins de vingt minutes : des moyens nouveaux vont être renforcés pour que, dans deux ans, 90 % de la population puisse être prise en charge en moins de vingt minutes, contre 80 % aujourd'hui. Ma collègue de la santé souhaite que les quatre équipes Smur des centres hospitaliers de Saintes, de Jonzac, de Royan et de Saint-Jean-d'Angély, en coordination avec l'agence régionale de l'hospitalisation de Poitou-Charentes, se mobilisent pour améliorer l'accès de la population aux structures d'urgence. Ce n'est qu'après cette étape que nous pourrons déterminer, dans le cadre du troisième Sros, la nécessité d'un deuxième hélicoptère « blanc », dont le coût est de 1,3 million d'euros.

M. Daniel Laurent.  - Ce plan de bataille lancé par Mme Bachelot-Narquin est une très bonne chose, il faut se mobiliser pour Saintonge !

Réforme de la carte scolaire

M. Alain Dufaut.  - Je voulais interroger M. Darcos, mais je compte sur la grande polyvalence de M. Bockel.

Certes, la carte scolaire accentuait les inégalités sociales et scolaires avant 2007, mais deux années d'assouplissement progressif préparant sa totale suppression montrent que le résultat est pire que le mal pour les établissements situés en zone d'éducation prioritaire (ZEP) et en « ambition réussite ».

En effet, la libéralisation a très rapidement abouti à la fuite des meilleurs élèves. Les enfants des familles les plus aisées ont rejoint les établissements des centres-villes ou des quartiers plus huppés. En pratique, le nouveau dispositif accroît inexorablement la ségrégation scolaire et sociale.

Ainsi, le collège Paul Giéra d'Avignon, implanté dans le quartier Monclar, un des plus défavorisés de France, a perdu 87 élèves cette année, ce qui a entraîné la suppression de deux classes de 6ème. Cette réduction suscite une inquiétude grandissante sur le devenir de l'établissement. Les équipes pédagogiques s'interrogent légitimement sur leur avenir. Une réunion en préfecture de Vaucluse, le jeudi 11 décembre, a envisagé la démolition du collège. Une décision devrait être prise avant le 15 janvier.

Il me paraît impensable et totalement inadmissible de détruire cet établissement scolaire, le seul service public du quartier, car sa disparition serait dramatique pour une population ne disposant pas d'autre tremplin social pour insérer les jeunes dans le monde du travail.

Des solutions existent : il faut attirer des élèves extérieurs au quartier par la création de classes sport-études, par l'enseignement de langues rares ou de disciplines artistiques.

Qu'entend faire le ministère pour pallier cet exode massif des meilleurs élèves, qui met en danger la pérennité de tels établissements ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Je vous prie de bien vouloir excuser M. Darcos. Sans prétendre à une polyvalence me permettant de répondre à sa place, le maire de Mulhouse que je suis comprend parfaitement vos motivations : pour avoir vécu les effets pervers d'une carte scolaire figée, puis les difficultés inhérentes au passage à un système ouvert, j'estime votre question extrêmement pertinente.

L'assouplissement de la carte scolaire, décidé en juin 2007 et reconduit en 2008, a rompu avec un système obsolète en offrant une nouvelle liberté aux familles et en améliorant la mixité sociale dans un certain nombre d'établissements, même si tel n'est pas toujours le cas.

Une priorité a été accordée aux élèves boursiers, aux rapprochements de fratries et aux choix d'options pédagogiques dites rares. Cette année, 88 % des demandes de dérogation ont été satisfaites. Il est à souligner que les demandes acceptées d'élèves boursiers entrant en 6ème ont augmenté de 33 % en 2008 par rapport à 2007.

M. Darcos a promis de maintenir les moyens des collèges et lycées perdant des élèves afin qu'ils puissent inverser le cours des choses.

Le conseil général du Vaucluse a conduit une réflexion lui faisant aujourd'hui envisager la fermeture du collège Giéra d'Avignon, classé « ambition réussite ». Au cours de la réunion à laquelle vous avez participé, le 11 décembre, le préfet du Vaucluse a demandé au président du conseil général de lui transmettre, le cas échéant, une délibération officielle de l'assemblée départementale tendant à fermer le collège afin que l'État puisse prendre une position. La situation n'est donc pas figée. Le choix du conseil général sera important mais pas décisif. J'informerai M. Darcos de votre farouche opposition à cette hypothèse. Je le ferai d'autant plus volontiers qu'étant moi-même confronté à des collèges difficiles, je vous comprends.

Faudra-t-il fermer le collège ou appliquer une solution alternative volontariste ? Nous ne pouvons le décider aujourd'hui, mais vos arguments seront transmis au ministre.

M. Alain Dufaut.  - Je vous remercie pour cette réponse, qui ne m'étonne pas étant donné que vous êtes maire d'une grande ville.

La fermeture du collège serait très grave pour ce quartier difficile, situé dans mon canton.

Je vous demande d'insister auprès de M. Darcos pour que l'on ne ferme pas cet établissement de 385 élèves disposant d'une équipe pédagogique formidable. Sur le terrain, sa fermeture signifierait que l'école de la République déserte là où on en a le plus besoin !

Avoirs irakiens en France

M. Yves Détraigne.  - Au nom de Mme Goulet, j'attire l'attention du Gouvernement sur la non-restitution des fonds irakiens gelés en France.

En effet, en appliquant diverses dispositions internationales, notamment celles prises par l'Union européenne, nos partenaires ont restitué au gouvernement irakien les fonds qu'ils détenaient, alors que la France a violé le droit international, sans donner la moindre raison valable pour ne pas obtempérer aux demandes réitérées de l'ambassadeur d'Irak.

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - La réponse du Gouvernement à Mme Goulet est étayée par le droit international et les dispositions régissant notre droit de propriété.

La résolution 1483 de l'ONU a ordonné le gel des avoirs appartenant à l'ancien régime irakien et leur transfert au Fonds de développement pour l'Irak (FDI). Le gel des avoirs relevant des compétences communautaires, un règlement de l'Union européenne a partiellement repris ces dispositions en 2003, mais le régime de propriété relève des États membres.

En France, il est constitutionnellement protégé depuis la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Comme avocat, je trouve le sujet passionnant ! Aucune disposition légale ne permet à l'État de priver un citoyen de sa propriété, en dehors d'exceptions très précises comme la confiscation judiciaire ou l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Le droit de propriété figure également à l'annexe I de la Convention européenne des droits de l'homme.

Tel est le contexte dans lequel une réunion interministérielle s'est tenue les 14 février 2007 pour examiner le transfert des avoirs irakiens au FDI. Le recours à un décret a été écarté au profit d'une loi, bien qu'elle ne suffise pas à éviter tout recours contentieux.

Actuellement, trois dossiers sont en cours de traitement.

La question des villas cannoises est largement résolue. En effet, la société suisse Logarchéo, propriétaire de deux villas à Cannes, ayant été visée par la résolution 1483, ses biens helvétiques et français ont été gelés. En octobre 2007, la Suisse a rétrocédé à l'Irak les titres de Logarchéo, ce qui permet de retirer cette société de la liste des entités gelés. La procédure, qui doit être engagée par le gouvernement irakien auprès du Comité des sanctions des Nations Unies, devrait aboutir à un « délestage », qu'un règlement européen devra ensuite entériner. On n'est pas sorti de l'auberge, si j'ose dire !

Les sommes appartenant à des entités publiques sont susceptibles d'être rapidement transférées. En effet, les avoirs de Rasheed bank, Rafidain bank et Central bank of Iraq ont été gelés en France, où ils sont désormais sous tutelle publique. Il est donc envisageable de demander à ces entités de virer leurs avoirs au FDI. Les banques françaises dans lesquelles ces fonds sont placés ne voient pas d'inconvénient à cette auto-expropriation, qui pourrait donc intervenir après autorisation de l'État. Une solution concertée est donc probable à court terme.

Le troisième dossier concerne la société Al arabi trading -pour 4 millions d'euros- et M. Al Tariki Mohamed -pour 200 000 euros-, associés à l'ancien régime irakien. Le droit de propriété des personnes physiques n'autorisant pas l'auto-expropriation, le transfert devrait être opéré soit par la loi, qui paraît disproportionnée aux enjeux, soit par un autre acte juridique, sans qu'on puisse préjuger de ce que décideront alors les intéressés.

M. Yves Détraigne.  - J'ai compris que les solutions étaient très complexes...

Je transmettrai votre réponse à Mme Goulet. En son nom, je souhaite que le Gouvernement poursuive ses diligences pour que la question soit réglée dans les meilleurs délais.

Compensation de l'exonération de la taxe foncière sur le foncier non bâti en zone humide

M. Michel Doublet.  - L'article 146 de la loi du 23 février 2005, relative au développement des territoires ruraux, codifié à l'article 1395 E du code général des impôts, exonère de la taxe foncière sur les propriétés non bâties les parcelles situées en zones humides ou Natura 2000 et faisant l'objet d'engagements de gestion. Cette disposition tend principalement à encourager la gestion durable des zones humides, utiles pour préserver la ressource en eau et la biodiversité.

Comme les communes vont y perdre des recettes, leur budget doit être abondé par l'État à l'année N+1. Or, les instructions n° 6 B-1-07 et 6 B-2-07 de la direction générale des impôts ne précisent rien sur les conditions dans lesquelles ce sera fait. Pouvez-vous nous apporter ces précisions ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Lorsque, il n'y a pas si longtemps, j'étais sénateur, j'ai moi aussi été confronté au problème que vous évoquez.

La loi du 23 février 2005 a effectivement institué deux exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties, en faveur des terrains situés dans un site Natura 2000 et en faveur des terrains situés dans les zones humides. Ces exonérations s'appliquent aux parts communales et intercommunales des taxes foncières des propriétés non bâties des biens appartenant aux propriétaires respectant certains engagements de gestion.

Les instructions de la direction générale des finances publiques pour les parcelles situées en zones humides ou Natura 2000 précisent toutes les conditions relatives aux exonérations : champ d'application, conditions d'octroi, portée de l'exonération et modalités d'application et de compensation. Les informations utiles se trouvent aux paragraphes 40 à 45 de l'instruction relative aux sites Natura 2000 et aux paragraphes 38 à 40 de l'instruction relative aux zones humides.

Les compensations sont calculées, chaque année, en multipliant les montants des bases exonérées de l'année précédente pour les zones humides ou de l'année d'imposition pour les sites Natura 2000 par les taux de taxe foncière sur les propriétés non bâties votés au titre de cette même année par la commune ou l'EPCI à fiscalité propre. Les montants des compensations sont ensuite transmis par les services de la direction générale des finances publiques aux préfets, qui prennent les arrêtés de versement. Ces versements sont réalisés par le biais du compte « compensation d'exonérations relatives à la fiscalité locale ».

Les versements pour les deux compensations ont été de : 347 033 euros pour 2006 ; 417 158 euros pour 2007 ; 838 781 euros pour 2008, à savoir 814 728 euros pour les communes et 24 053 pour les EPCI. Cette montée en puissance montre que les difficultés initiales dues à la complexité du dispositif sont en passe d'être surmontées.

M. Michel Doublet.  - Merci. Je transmettrai votre réponse aux maires des communes concernées.

Photovoltaïque

M. Jean Besson.  - En 2040, le photovoltaïque pourrait représenter de 20 à 28 % de la production mondiale d'électricité. Le chiffre d'affaires de l'industrie photovoltaïque dans le monde s'élève aujourd'hui à 13 milliards d'euros. Cette filière est un espoir pour l'avenir de notre planète et un facteur de croissance pour notre économie. J'insiste sur le rôle essentiel que jouent en l'affaire les régions, les syndicats départementaux d'énergies ou les communes.

Dans la région Rhône-Alpes, reconnue comme une région phare -comme la vôtre, monsieur le président- nous nous engageons via des dispositifs comme les appels à projets, dans le soutien d'installations par les particuliers, les entreprises et les collectivités locales. En tant que président du syndicat départemental d'énergies, j'encourage les maires de la Drôme à installer de tels équipements sur leurs nouveaux bâtiments communaux. Les maires doivent être les commandants en chef du développement durable !

Malgré tous ces efforts et un tarif de rachat d'électricité incitatif, notre pays a pris un retard considérable notamment par rapport à l'Allemagne. Le développement du photovoltaïque se heurte à des procédures administratives complexes et des délais d'attente de raccordement au réseau de distribution d'électricité anormalement longs.

Selon Électricité réseau distribution France (ERDF), la France a connecté au réseau 12,2 mégawatts supplémentaires en 2007. C'est le double de 2006 mais cinq fois moins que les demandes de raccordement.

Pour donner toutes leurs chances aux entreprises françaises spécialisées dans ce domaine et atteindre les objectifs énoncés par le Grenelle de l'environnement, il faudrait mettre en place une procédure administrative simplifiée de ces installations et donner à ERDF les moyens de gérer dans les plus brefs délais les raccordements au réseau. Où en est-on ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - M. Borloo a présenté, il y a une quinzaine de jours, le plan national de développement des énergies renouvelables issu du Grenelle de l'environnement, qui doit porter à au moins 23 % la part des énergies renouvelables dans la consommation d'énergie à l'horizon 2020. Il a pour ambition un changement complet d'échelle qui, pour le photovoltaïque, signifierait une multiplication par 400 de la production. Il est vrai qu'on part de très bas.

Vous comparez avec l'Allemagne, monsieur le sénateur. Mais n'oubliez pas que ce pays, que je connais bien, a consacré beaucoup d'efforts aux énergies renouvelables parce qu'il a abandonné le nucléaire, ce qui pourrait à terme lui coûter fort cher.

Le développement du photovoltaïque s'accélère : fin juin 2008, il y avait en France métropolitaine environ 18 MW de capacités installées raccordées, contre seulement six fin 2006. La France se place ainsi au quatrième rang européen. Plusieurs centaines de demandes sont adressées chaque semaine à l'administration et aux opérateurs en vue de l'exploitation de telles installations photovoltaïques. Cette accélération nécessite une adaptation des procédures existantes, pour réduire les délais tout en vérifiant que la connexion au réseau électrique se fait dans des conditions satisfaisantes.

Le plan annoncé par le ministre d'État prévoit des mesures concrètes. La définition de la notion d'intégration au bâti sera simplifiée avec des critères clairs et robustes d'application automatique. Afin de favoriser le développement du photovoltaïque sur les bâtiments professionnels, un tarif spécifique de 0,45 euro sera créé. Depuis août 2008, la procédure de déclaration d'exploitation de panneaux solaires électriques peut s'effectuer sur le site internet Ampère.

Plusieurs autres simplifications ont été décidées. II fallait cinq démarches administratives pour installer des panneaux photovoltaïques ; elles seront réduites à deux pour les particuliers : une autorisation au titre du droit de l'urbanisme, délivrée par la collectivité territoriale compétente, et une démarche auprès du distributeur d'électricité. Les certificats ouvrant droit à obligation d'achat seront supprimés pour les petites installations. Nos services et les acteurs concernés étudient la possibilité de mettre en place à court terme un guichet unique rassemblant les procédures de raccordement au réseau et de conclusion du contrat d'achat de l'électricité. Les particuliers équipés de panneaux photovoltaïques d'une capacité inférieure à trois kilowatts-crête, soit environ 30 m2 de panneaux, seront exonérés de toute démarche fiscale. Enfin, une étude juridique et fiscale doit proposer des mesures propres à faciliter la conception d'offres intégrées combinant prestations de conseil, installation des équipements, financement et garantie.

Les dispositions pertinentes seront présentées sous forme d'amendements au projet de loi Grenelle 2.

M. Jean Besson.  - Je vous remercie. Ces mesures doivent permettre à nos entreprises de profiter pleinement de la croissance verte.

Contrats aidés du secteur non marchand

M. Bernard Cazeau.  - Le Gouvernement a réduit le nombre de nouveaux contrats aidés du secteur non marchand. Voici maintenant qu'il semble avoir remis les pieds sur terre puisqu'il propose une stabilisation du nombre de contrats aidés en 2009. Mais les entreprises et associations d'insertion, les établissements sociaux et médico-sociaux, les municipalités, les écoles sont en attente de lisibilité sur le devenir des personnes qu'ils emploient en dispositifs aidés.

Dans mon département, près de 2 500 personnes embauchées en CAE ou en CAV s'interrogent sur leur avenir. Nous sommes quelque peu échaudés par la période écoulée et par la chute brutale des aides à l'emploi en 2008. Plus de 500 CAE ont été supprimés cette année et 30 % des emplois. En tant que président du conseil général, j'ai titularisé 59 CAE interrompus dans les collèges en 2008, pour une dépense de plus d'un million. Belle illustration de la décentralisation à l'euro près ! Dans les maisons de retraite, la fin de l'aide de l'État pour 120 CAE a imposé une augmentation de 1,26 euro par jour du tarif moyen des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Bel exemple de délestage sur les familles !

Dans les structures d'insertion, on s'inquiète désormais des nouvelles conditions de prescription des contrats aidés dans le cadre de la baisse des crédits dédiés à l'insertion par l'activité économique prévue dans la loi de finances 2009. Bel exemple de contradiction avec les orientations du Grenelle de l'insertion ! Quand l'État se désengage, tout le monde en fait les frais. Nous aimerions donc que le virage annoncé en 2009 ne tourne pas au mirage.

A la suite de la déclaration du Président de la République, le 28 octobre 2008, en faveur de l'augmentation du nombre de contrats aidés, nous souhaiterions connaître la déclinaison départementale des mesures que vous envisagez de mettre en oeuvre pour permettre le maintien du nombre de contrats aidés en poste actuellement et le retour à un niveau suffisant d'intervention.

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Les contrats aidés apportent un soutien essentiel pour le retour à l'emploi des publics les plus en difficulté. Au cours de l'année 2008, les moyens qui leur sont affectés ont été renforcés, puisque 60 000 contrats ont été ajoutés aux 233 000 initialement prévus par la loi de finances. En Dordogne, plus de 2 500 contrats ont été conclus en 2008, soit autant qu'en 2007.

En 2009, le nombre de ces contrats sera porté à 330 000. Pour en améliorer l'efficacité, le service public de l'emploi sera mobilisé afin de maintenir le lien entre le salarié et son référent, d'assurer la mise en oeuvre des dispositions relatives à la formation et de travailler avec les secteurs professionnels, je pense en particulier au secteur médico-social, de mieux adapter ces contrats pour en faire véritablement les instruments d'une insertion durable.

Le Gouvernement, loin de se détourner de ce dispositif, a, vous le voyez, l'intention d'en renforcer le volume et l'efficacité pour que, loin de constituer une voie de garage, il soit au contraire l'occasion d'un nouveau départ.

M. Bernard Cazeau.  - Je me réjouis de cette volonté du Gouvernement de continuer à soutenir un dispositif dont, comme président de conseil général, vous avez pu, monsieur le ministre, mesurer l'utilité. Il est bon, en particulier dans cette période tourmentée, qu'il fasse preuve de constance dans ses choix.

Fusion des DDE et des DDAF

M. Bernard Fournier.  - Le projet de fusion des DDE et des DDAF menace les activités d'ingénierie, et en particulier la maîtrise d'oeuvre, qu'assurent ces services déconcentrés auprès des collectivités territoriales et de leurs groupements. Alors que cette fusion devait donner plus de cohérence aux politiques publiques de développement durable et d'aménagement du territoire, sans remettre en cause les missions des services, le Conseil de modernisation des politiques publiques a décidé, le 4 avril dernier, d'orientations contraires, confirmées par une circulaire du 10 avril qui annonce la suppression progressive des activités d'ingénierie concurrentielles. Les élus ligériens sont très inquiets. Une aggravation des dépenses est à craindre pour des collectivités qui n'auront d'autre choix que de s'adresser à des cabinets privés, dont les prix sont nettement plus élevés, en particulier dans certaines communes rurales où l'offre privée est insuffisante pour garantir la concurrence.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, préciser les intentions du Gouvernement ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Je regrette, monsieur le sénateur, de n'avoir pu, comme prévu, me rendre dans la Loire la semaine dernière. Comme ministre de l'agriculture, j'ai eu l'occasion de mettre en oeuvre la phase expérimentale de ce projet de fusion qui doit, alors qu'a été réalisée la répartition du réseau routier national, favoriser les synergies entre les deux services déconcentrés.

Je puis vous rassurer : la suppression des activités d'ingénierie concurrentielles ne signifie pas la disparition des prestations de solidarité au bénéfice des petites communes ou intercommunalités, qui continueront de bénéficier de l'aide technique de l'État.

Le retrait progressif de l'État du champ de l'ingénierie concurrentielle ne doit pas être générateur d'une augmentation de coût pour les communes puisqu'il la pratiquait selon les règles de la libre concurrence.

S'y substituera progressivement, en 2009, une ingénierie ciblée sur des domaines nouveaux comme la prévention des risques, l'expertise sur l'énergie ou la biodiversité, notamment pour mettre en oeuvre les engagements pris à l'issue du Grenelle de l'environnement. Les effectifs affectés à ces nouvelles tâches le seront par redéploiement. Les petites communes bénéficieront de ces prestations nouvelles où le secteur privé n'est pas suffisamment présent.

Dans la phase transitoire, les services resteront bien évidement présents sur les prestations déjà engagées et aideront les communes, pour les nouvelles, à s'assurer le concours des meilleurs acteurs privés. Afin que les choses se passent au mieux, chaque préfet doit mettre en place un groupe de travail permanent, associant les élus, pour évaluer les conditions de mise en oeuvre de la réforme.

M. Bernard Fournier.  - La première partie de votre réponse me rassure, la deuxième me déçoit. La disparition de l'aide à la maîtrise d'oeuvre va mettre en difficulté bien des communes.

Réforme du permis de conduire

M. Yves Détraigne.  - Je m'inquiète des modalités de la réforme à venir du permis de conduire.

En 2003, le Gouvernement avait renoncé à une partie de son plan de lutte contre l'insécurité routière en supprimant l'instauration d'une évaluation médicale de l'aptitude à la conduite prévue dans les visites médicales déjà existantes tout au long de la vie dite active ainsi que l'examen d'aptitude médicale à conduire qui, au-delà de 75 ans, devait être effectué, tous les deux ans, par un médecin de ville.

Cet examen d'aptitude permettait, en cas de déficience physique n'entraînant pas l'inaptitude totale à la conduite automobile, d'imposer au conducteur de limiter ses déplacements dans le temps -conduite de jour uniquement par exemple- et dans l'espace -interdiction, par exemple, d'emprunter l'autoroute-, sachant qu'appel pouvait être interjeté devant la commission médicale du permis de conduire.

N'est-il pas possible, avec la nouvelle réforme, de ne reprendre des propositions de 2003 que celles qui permettraient de sécuriser les routes sans stigmatiser telle ou telle catégorie de conducteurs ? L'aptitude à la conduite dépend de fait davantage de l'état de santé que de l'âge.

La réforme doit aboutir à un permis moins cher, plus sûr, plus rapide et plus écologique, ainsi que vous l'avez dit vous-même. Entendez-vous y insérer une forme d'évaluation médicale de l'aptitude à la conduite tout au long de la vie du conducteur ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - La réforme en préparation doit en effet aboutir à un permis moins cher, plus rapide à acquérir, garantissant mieux une conduite sûre et respectueuse de l'écologie.

Après la concertation engagée depuis cet été, viendra le temps des propositions qui seront examinées lors d'un comité interministériel de la sécurité routière réuni début janvier autour du Premier ministre. Plutôt que d'instaurer une évaluation physique systématique des conducteurs, nous comptons privilégier un dispositif simple et efficace d'auto-évaluation tout au long de la vie. La plupart des conducteurs ayant réussi l'examen du permis de conduire à 20 ans, celui-ci permettra à chacun de s'assurer de la fiabilité de ses réflexes.

Ce procédé a l'avantage de ne pas stigmatiser certaines catégories de conducteurs. Je pense, notamment, aux conducteurs âgés, qui, lorsqu'un d'entre eux emprunte l'autoroute à contresens, font l'objet d'un battage médiatique disproportionné. De fait, d'après les statistiques des compagnies d'assurance, ceux-ci sont deux fois moins exposés au risque que les autres, leur âge étant compensé, si je puis m'exprimer ainsi, par une plus grande prudence. Bref, nous voulons trouver un système juste et efficace.

M. Yves Détraigne.  - Merci. Loin de moi l'idée de jeter l'opprobre sur certaines populations... Mais, compte tenu de ce que les Français obtiennent souvent leur permis à 20 ans, il semble sage de vérifier par la suite que chaque conducteur maîtrise parfaitement son véhicule.

Desserte ferroviaire de l'Aveyron

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Monsieur le ministre, ma question concerne un département que vous connaissez bien : l'Aveyron. Si l'isolement dans lequel demeure ce département depuis le XIXe siècle lui a conservé d'admirables paysages dont l'authenticité attire les touristes, le manque de commodité de ses transports ferroviaires pose des problèmes d'autant plus aigus que nos lignes sont réputées peu ou pas rentables. Ainsi, depuis la suppression de la ligne directe Paris-Rodez malgré les protestations des élus et des habitants, faut-il compter huit à dix heures pour rejoindre la capitale par le train. Les aléas de ces voyages, qui s'apparentent aujourd'hui à une aventure, sont insupportables : il n'est pas rare de découvrir à Brive que le train de nuit est supprimé et qu'il vous faudra attendre jusqu'au lendemain matin suivant le train venant de Toulouse... Face à cette situation, le conseil régional Midi-Pyrénées, dont je salue les remarquables efforts d'investissement après M. Fortassin, a lancé un plan global de 800 millions, dont 500 pour l'amélioration des dessertes ; plan qui porte également sur le matériel roulant dont nous n'avons pas encore tiré tous les bénéfices en raison de l'état des voies. Certes, l'entretien de telles lignes représente un coût pour la SNCF. Mais a-t-on vraiment exploré toutes les solutions ? En attendant, le préfet Jean-François Carenco, au terme de sa mission, a fort sagement préconisé de s'en tenir au statu quo, à l'entretien de l'existant.

Monsieur le ministre, quel est l'avenir de la liaison de nuit Paris-Rodez dont la rumeur dit qu'elle sera supprimé ? Comment comptez-vous garantir une véritable régularité des trains entre Rodez et Brive ? Qu'en est-il de l'étude intermodale sur l'avenir du transport ferroviaire dans l'Aveyron ?

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - Madame Escoffier, cette question témoigne de votre grande connaissance du dossier que vous avez traité en d'autres fonctions. Les transports et l'Aveyron, la question est loin d'être simple : les capacités de l'aéroport de Rodez sont limitées ; la polémique autour de la RN 88 a été l'enjeu des derniers scrutins ; enfin, le conseil régional a dû investir massivement dans les infrastructures ferroviaires à l'exemple de l'Auvergne, du Centre ou encore de l'Alsace, ce dont j'ai félicité le président de la région Martin Malvy.

Le plus grand chantier ferroviaire français en direction de l'Europe, la création de la ligne à grande vitesse Tours-Bordeaux et Bordeaux-Toulouse, dont nous sommes en train de mettre au point le financement avec tous les acteurs, sera lancé dès 2011 sur le tronçon Tours-Bordeaux. Mais, une fois à Bordeaux, encore faut-il rejoindre Toulouse, me rétorquerez-vous. De fait, l'aéroport de Blagnac, inséré dans l'agglomération toulousaine, est presque à saturation, et sa situation liée à la présence de l'industrie aéronautique... Quoi qu'il en soit, lorsque le projet aura abouti, le voyage entre Rodez et Paris sera réduit d'au moins une heure.

Ensuite, lors du Grenelle de l'environnement, nous avons prévu de doubler la ligne saturée Paris-Lyon par une autre ligne à grande vitesse qui, depuis la gare d'Austerlitz, passerait par le Berry, pour rejoindre Clermont-Ferrand et, au-delà, le Limousin, Brive et Rodez, ce qui réduirait d'une heure et demie minimum le trajet entre l'Aveyron et Paris. Le préfet de la région Auvergne, Dominique Schmitt, travaille actuellement sur ce dossier.

Mais dans l'immédiat, et dès aujourd'hui, des travaux de déneigement sont en cours pour rétablir le trafic.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Merci. Puissent ces deux projets améliorer le trafic, quoique les transversales demeurent très fragiles !

RN 164

M. François Marc.  - L'enclavement du Finistère justifie que l'État participe à l'amélioration de la desserte de la Bretagne. Le chantier ferroviaire ne profitera pas au centre de la Bretagne qui reste irrigué par la seule RN 164. La modernisation de cet itinéraire, dont l'intérêt a été confirmé par l'État par son inscription dans le contrat de plan 2000-2006, engagée depuis 28 ans et relancée en 1997, ne serait pas achevée, contrairement à ce qui a été prévu, en 2012. Les collectivités territoriales, dans le cadre de la décentralisation, ont fortement soutenu ce projet : la région a investi 37,5 millions, les départements 12,5. Le retard porte sur 60 km de voies dans le Finistère, et plus particulièrement sur 11 km au niveau de Pleyben ouest-La Garenne pour un coût de 34 millions. Face à cette situation, la région a débloqué 22 millions supplémentaires. L'État compte-t-il accompagner ce nouvel effort ?

J'attire également votre attention sur la dangerosité des tronçons non terminés, sur lesquels plusieurs accidents ont eu lieu ces derniers mois.

Dans le cadre du plan de relance, il est prévu que l'État contribue au financement de grands chantiers routiers. La RN 164 bénéficiera-t-elle de ces nouveaux crédits ?

Lors d'un déplacement dans le Finistère, le 6 octobre 2006, M. Sarkozy déclarait, à propos de cette route : « C'est une priorité. Il faut arrêter de laisser ces chantiers traîner pendant des années. Les 60 kilomètres restants doivent être achevés une fois pour toutes. » Cette promesse sera-t-elle tenue ?

M. le président.  - Cela me rappelle un autre cas à Marseille...

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État chargé des transports.  - J'étais sûr que vous y pensiez, monsieur le président.

M. Sarkozy n'était pas Président de la République en 2006, mais je me réjouis que vous le citiez, monsieur Marc...

M. François Marc.  - Les promesses sont faites pour être tenues !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État.  - Je ne citerai pas la réponse de M. Pasqua à cette maxime...

La RN 164 a déjà fait l'objet d'efforts considérables de la part de l'État et des collectivités, qui ont permis d'aménager environ 70 kilomètres sur 160. Lorsque seront achevées les opérations en cours, financées dans le cadre du contrat de plan État-région, près de 100 kilomètres de route auront été réalisés.

Vous évoquez l'interruption des travaux sur une section de 2,3 kilomètres entre Pleyben et La Garenne. La technique initialement envisagée consistait à créer une nouvelle chaussée et à réaliser une nouvelle couche de roulement sur la route existante. Mais des sondages ont montré qu'il était nécessaire de renforcer la route actuelle. Ces aménagements ne pourront donc être réalisés dans le cadre du marché déjà conclu mais les services du ministère doivent en passer un autre, ce qui devrait permettre de reprendre les travaux au printemps de l'année 2009.

En dehors de cette section, la poursuite des travaux d'aménagement de la RN 164 doit s'inscrire dans le cadre des futurs programmes de modernisation des itinéraires (PDMI). Je ne tiens pas compte, ici, du plan de relance. M. Borloo et moi-même avons demandé aux préfets de région de nous faire parvenir avant le 15 décembre une liste hiérarchisée d'opérations à réaliser entre 2009 et 2013. Le Gouvernement, en concertation avec les parlementaires, rendra ses décisions au début de l'année prochaine et je puis vous assurer que la modernisation de la RN 164 entre Montauban-de-Bretagne et Châteaulin est l'une de ses priorités.

M. François Marc.  - Je vous remercie de ces précisions. La reprise des travaux dès 2009 sur le tronçon Pleyben-La Garenne, particulièrement dangereux, sera très appréciée. Je prends note également de l'engagement qui concerne l'achèvement de l'ensemble de la route dans les quatre prochaines années.

J'insiste sur la nécessité de terminer ce chantier dans les plus brefs délais : au fur et à mesure de son avancement, des études techniques et des réglementations nouvelles en matière de sécurité et d'environnement font peser de nouvelles contraintes et occasionnent des surcoûts. Gardons-nous de ces aléas en achevant les travaux le plus rapidement possible.

Stationnement sur les places de livraison à Paris

Mme Catherine Dumas.  - On recense aujourd'hui dans la capitale plus de 9 000 places de stationnement réservées pour les livraisons, soit près de 5 % des emplacements disponibles. Le stationnement sur ces zones délimitées est actuellement passible d'une amende de 35 euros et d'un enlèvement du véhicule.

Sous l'impulsion conjointe de la ville de Paris et de la préfecture de police, un système expérimental est actuellement à l'étude pour autoriser le stationnement résidentiel sur les places de livraison aux heures creuses, où les professionnels en ont le moins besoin, la nuit entre 20 heures et 8 heures, les week-ends et les jours fériés. L'expérimentation doit être menée à partir de janvier 2009 et pour une durée de six mois dans deux « arrondissements tests », à savoir l'intégralité du IIIe arrondissement et le secteur dit « des Batignolles » dans le XVIIe.

L'application de régimes de stationnement variables d'une rue à l'autre, parfois au sein d'un même arrondissement, porte atteinte au principe d'égalité devant le service public consacré par la jurisprudence commune au Conseil d'État et au Conseil constitutionnel, principe qui s'impose à l'ensemble des actes administratifs. Ce principe interdit de traiter de manière différente des individus placés dans des situations identiques. Des discriminations, même temporaires, basées sur le seul caractère de la résidence dans une rue, un quartier ou un arrondissement déterminé d'une même ville, pourraient être contestées devant la juridiction administrative ou même engager la responsabilité de l'État et du maire de Paris.

Enfin, et pour ne pas entraver le travail des professionnels, le dispositif prévoit de maintenir des facilités de stationnement dédié aux livraisons, en particulier pour les gros camions ne pouvant décharger leurs cargaisons que de nuit. Là encore, la détermination des zones qu'il convient ou non de maintenir pour un usage professionnel peut créer une rupture d'égalité devant les charges publiques entre les commerçants des différents secteurs.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous m'indiquiez les modalités techniques et juridiques envisagées par la préfecture de police pour mener cette expérimentation et favoriser sa réussite, en liaison avec les mairies d'arrondissement concernées.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Les aires de livraison, destinées à faciliter l'arrêt de tout véhicule livrant ou enlevant des marchandises, sont utilisables tant par les professionnels que par les particuliers dans des conditions définies par le code de la route. La réglementation nationale leur est applicable y compris la nuit et le week-end. La réservation d'emplacements de livraison doit préserver la fluidité de la circulation tout en permettant aux commerces de proximité et aux habitants d'assurer leurs livraisons ou leurs opérations de manutention privées. La mairie de Paris, en concertation avec la préfecture de police, a entrepris de recenser et d'adapter les zones de livraison aux secteurs les plus actifs. L'objectif est de ramener progressivement le nombre de places de livraison de 10 000 à 8 000 pour en transformer 2 000 en places de stationnement payant.

Le besoin de stationnement sur des emplacements réservés n'étant pas aussi impératif la nuit ou le dimanche, le Conseil de Paris a proposé au préfet de police, qui l'a accepté, une expérimentation, sur six mois et dans deux arrondissements, autorisant le stationnement nocturne sur les emplacements de livraison, comme c'est le cas à Barcelone par exemple. Nous veillerons au strict respect du principe d'égalité de tous les usagers de la voie publique : le stationnement sera donc autorisé à tous et non aux seuls résidents.

La limitation de cette démarche temporaire à un périmètre défini ne saurait constituer une discrimination, sauf à contester la possibilité même de toute expérimentation.

Le préfet de police a clairement indiqué à l'autorité municipale que, si cette opération se révélait concluante, seul un aménagement de la réglementation nationale permettrait de généraliser ce dispositif à l'ensemble de la capitale.

Mme Catherine Dumas.  - En tant qu'élue du XVIIe arrondissement, je suis naturellement attachée au bon déroulement de l'expérimentation et à la réussite de ce projet. Personnellement, j'aurais préféré une expérimentation portant sur l'ensemble de l'arrondissement. Néanmoins, je la soutiendrai et veillerai à ses résultats dont j'espère qu'ils permettront une amélioration pour les Parisiens, ainsi que pour les Marseillais qui tentent une expérience similaire.

Taser X26

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je suis têtue. J'avais déjà interrogé madame Alliot-Marie sur le même sujet et, sans réponse satisfaisante, je persiste à être inquiète.

Depuis le décret du 22 septembre 2008, non seulement les policiers et les gendarmes, mais aussi les 17 000 policiers municipaux sont autorisés à utiliser le Taser X26, arme de quatrième catégorie comme les armes à feu. Plusieurs documents officiels récemment rapportés dans la presse renforcent mon inquiétude. Il y a d'abord cette longue note d'instruction de mai 2008, à destination des forces de l'ordre, qui indique notamment qu'« en cas de pointage du laser, la tête ne doit pas être visée », que « l'état psychologique de la personne touchée et, pour certaines, la tolérance physiologique peuvent limiter l'efficacité du pistolet » et que « ces données doivent préventivement être prises en compte par les utilisateurs, formés à ces mises en situations ». Ce document précise également que les « personnes aux vêtements imprégnés de liquides ou de vapeurs inflammables, (...) les femmes enceintes, (...) les malades cardiaques » présentent une « vulnérabilité particulière » au Taser. Toujours selon ce document, cette arme peut provoquer une « chute violente au sol, pouvant entraîner des blessures graves -tête percutant le sol ou un obstacle, blessure liée à l'arme ou à l'objet tenus dans la main. La contraction des muscles peut déclencher un tir involontaire si l'individu est porteur d'une arme. » Les forces de l'ordre devront prendre en considération les « conséquences possibles sur d'autres personnes se trouvant à proximité immédiate, notamment en cas de foule ou de présence d'enfants ».

En 2008 une « fiche d'utilisation du Taser », éditée par la police nationale, le range dans les armes à « létalité réduite ». Dans une note de service du 8 février 2007, le directeur central de la sécurité publique de l'époque s'inquiète « des dysfonctionnements des pistolets à impulsion électrique Taser 1 » et, le 18 décembre 2007, la même autorité constate que « le nombre de fiches d'utilisation perçues par le bureau d'appui logistique et budgétaire est très inférieur au nombre d'usages réels du pistolet à impulsions électriques par les services de la sécurité publique. ». Par ailleurs, le 11 avril 2008, le directeur de l'administration de la police nationale note que circulent des armes non marquées et non traçables dans les services de police.

Tout cela renforce ma conviction que le décret du 22 septembre 2008 doit être abrogé, qu'un moratoire sur l'utilisation du Taser X26 doit être prononcé ou qu'il y ait, pour le moins, une limitation du port de ces armes aux unités d'élite de la police nationale et de la gendarmerie. Comptez-vous agir contre la propagation inouïe de cette arme ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Tout d'abord, je vous présente les excuses de Mme Alliot-Marie, en déplacement à Draveil. J'avais eu, il y a quelques mois, le plaisir de vous répondre à une question sur le même sujet. Je serai donc dans l'obligation de me répéter, non sans vous apporter quelques éléments supplémentaires qui, je l'espère, vous rassureront.

L'usage d'un pistolet à impulsions électriques doit s'inscrire dans un cadre juridique d'emploi rigoureux et de formation approfondie, évitant toute utilisation abusive. La finalité du Taser, qui est une arme non létale, est d'offrir une alternative à l'utilisation d'une arme à feu. Pour ce faire, les conditions du port d'arme de quatrième catégorie ont été étendues au pistolet à impulsions électriques par un arrêté en date du 10 octobre 2008. La formation préalable, les sessions d'entraînement des policiers municipaux, les recommandations d'emploi spécifiques ont ainsi fait l'objet d'une circulaire et d'une instruction adressées aux préfets le 4 novembre 2008.

Les agents de police municipale ne peuvent utiliser ces pistolets qu'en cas de légitime défense, dans les conditions prévues par le code pénal. Par ailleurs, ceux qui sont utilisés en France sont nettement moins puissants que ceux utilisés outre-Atlantique. De plus, ils sont équipés de systèmes de contrôle qui enregistrent les paramètres de chaque tir -date, heure, durée de l'impulsion électrique. En outre, les préfets demandent systématiquement aux maires qui souhaitent doter leur police municipale de pistolets à impulsions électriques de les équiper d'un dispositif d'enregistrement audio et vidéo qui se déclenche à chaque utilisation.

Il n'existe à ce jour, en France, aucun cas avéré de décès dû à l'utilisation du pistolet à impulsions électriques. Les faits visés par le rapport de la Commission nationale de déontologie de la sécurité pour 2006 se sont produits en 2005, c'est-à-dire avant la parution de l'instruction d'emploi, laquelle définit désormais les règles, les modalités et les précautions d'emploi de cette arme.

Loin de constituer un traitement inhumain ou dégradant, le Taser évite de recourir à des armes à feu face à un forcené ou un individu dangereux : c'est un moyen de force intermédiaire pour neutraliser sans blesser.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je ne suis pas rassurée. On ne peut parler d'arme intermédiaire que si elle ne présente pas de risque. La dangerosité d'une arme à feu dépend de son usage : une balle dans la tête est toujours mortelle !

Une instruction de la préfecture de police du 7 mai 2008 souligne la mauvaise qualité des images de contrôle produites par le Taser et les pannes fréquentes du système d'enregistrement dues à une mauvaise utilisation. Au Canada, on demande un moratoire ; aux Etats-Unis, National Technical Systems relève que 10 % des armes sont plus puissantes que ne l'affirme le fabriquant ! Les syndicats de la police nationale déplorent l'insuffisance de la formation.

La banalisation de cette arme est dangereuse. J'appuie la demande de commission d'enquête ; d'ici là, il faut un moratoire sur l'utilisation du Taser, notamment dans la police municipale, et une enquête sérieuse sur les risques.

Nouveau commissariat à La Ciotat

M. Bruno Gilles.  - Un nouveau commissariat de police doit être construit à La Ciotat, le bâtiment actuel étant trop vétuste. Or ce dossier s'éternise. Il y a deux ans, mon collègue député Bernard Deflesselles avait obtenu des assurances du ministre délégué aux collectivités territoriales sur le calendrier de mise en oeuvre de cette opération, qualifiée de prioritaire. Il était convenu d'ériger un bâtiment de 1 340 mètres carrés sur une emprise cédée à titre gratuit par la ville de La Ciotat, pour accueillir 110 fonctionnaires. Le ministre délégué avait confirmé le financement du projet. Mais les travaux, qui devaient débuter en septembre 2007 pour une livraison fin 2008, n'ont toujours pas commencé, et aucune date n'a été fixée pour leur lancement...

Ce nouveau commissariat est attendu depuis longtemps par La Ciotat. Cette commune de 32 000 habitants triple sa population en période estivale. Il n'est plus possible de se satisfaire d'un commissariat délabré.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, me donner un calendrier précis des étapes de ce projet et me garantir qu'il sera tenu ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Le commissariat de La Ciotat, situé en centre-ville dans un bâtiment domanial, est en effet trop petit, et, de plus, enclavé : il faut le remplacer.

Un acte de cession à titre gratuit signé avec la ville met à disposition du ministère un terrain de 1 863 mètres carrés, à proximité des chantiers navals. Le coût du projet est évalué à 6,23 millions. La notification du marché de maîtrise d'oeuvre est intervenue, le permis de construire a été délivré, la commission d'appel d'offres s'est déjà réunie. Les services du ministère étudient le financement de l'opération au titre du budget de 2009.

Je veux aussi dire notre reconnaissance aux fonctionnaires concernés, passés de 64 en 2006 à 77 au 1er décembre 2008. Dans la circonscription de sécurité publique de La Ciotat, la délinquance a baissé de 8 % en 2007 et de 3 % sur les dix premiers mois de cette année. Ce dossier est très avancé : j'ai bon espoir qu'il puisse déboucher en 2009. Si vous m'y invitez, je viendrai poser la première pierre : j'adore aller à La Ciotat -comme à Marseille, monsieur le président ! (Sourires)

M. Bruno Gilles.  - Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre, et vous félicite pour votre parfaite connaissance de ce dossier. Je m'associe aux congratulations décernées à la police de la circonscription, qui a obtenu de bons résultats. Le projet est donc en cours. Je souhaite que l'on puisse poser rapidement la première pierre du nouveau commissariat : vous y serez bien entendu invité, monsieur le ministre ! (Sourires)

Brigade de gendarmerie de Sauve

M. Simon Sutour.  - Je salue la présence dans les tribunes des jeunes élus du conseil municipal jeune de Bagnols-sur-Cèze, qui viennent voir comment fonctionne le Sénat.

M. le président.  - Ils sont les bienvenus. Certains siègeront peut-être un jour dans notre hémicycle !

M. Simon Sutour.  - Pas trop tôt ! (Sourires)

Alors que le Sénat s'apprête à examiner le projet de loi sur la gendarmerie nationale, on annonce la fermeture de nombreuses brigades de proximité. Le rattachement organique et opérationnel de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur vise à renforcer la synergie et la complémentarité des actions au profit de la sécurité intérieure. Mais cette restructuration se traduirait également par la fermeture de 175 brigades, dont celle de Sauve, dans le Gard. Après la fermeture de sa trésorerie, c'est un nouveau mauvais coup porté à un territoire économiquement et socialement fragile.

L'argument budgétaire ne suffit par à justifier les nombreuses restructurations, aux conséquences dévastatrices pour les territoires. La présence de services publics est garante du développement économique et commercial des territoires ruraux. Sans eux, c'est le désert économique... L'élu du Massif central que vous êtes le sait bien, monsieur le ministre ! On ne peut laisser les zones rurales en déshérence. Le devoir régalien de l'État en matière de sécurité est le même sur tout le territoire. Que compte répondre le Gouvernement aux élus et aux populations des territoires dont les brigades de gendarmerie sont amenées à disparaître ? Quid du projet de suppression de la brigade de Sauve ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Les rumeurs d'un prétendu « plan de restructuration » qui entraînerait la fermeture de centaines de brigades sont sans fondement aucun. La première préoccupation du Gouvernement est d'assurer la protection des Français. Il n'est pas question de laisser à l'écart des portions du territoire national. Nos concitoyens ont besoin de sentir la présence de l'État, en particulier dans les zones les plus fragiles. La gendarmerie restera présente sur tout le territoire. Proche de son environnement, elle s'adapte en permanence pour répondre aux besoins de la population. Je rends d'ailleurs hommage à la gendarmerie qui, grâce à un véritable maillage du territoire, joue un rôle majeur pour la sécurité des Français.

La gendarmerie a amélioré la réactivité de ses unités et sa présence sur le terrain, grâce à la centralisation des appels de nuit, à la gestion des patrouilles par les centres opérationnels départementaux, aux communautés de brigades, qui ont mutualisé les charges administratives et augmenté le nombre de patrouilles de jour, comme de nuit.

Les adaptations du dispositif territorial de la gendarmerie doivent cependant se poursuivre pour gagner en efficacité. Lorsque trois brigades sont implantées sur une même portion d'axe de quinze kilomètres seulement, il est légitime de se demander si leur organisation peut être améliorée. Tel est le cas des brigades de Quissac, Sauve -un site merveilleux- et Saint-Hippolyte-du-Fort, qui forment la communauté de brigades de Quissac. Une implantation si rapprochée est-elle encore adaptée à la réalité ? Est-il possible d'assurer le même niveau de sécurité à la population avec une organisation plus performante ?

Une étude est en cours, mais aucune décision n'est prise à ce stade. Une large concertation avec les élus concernés sera conduite par le préfet du Gard, vous serez consulté : je m'y engage personnellement !

M. Simon Sutour.  - Je m'associe à votre hommage pour la gendarmerie : elle est indispensable à nos territoires ruraux. Je me réjouis de vous entendre dire que les rumeurs d'une restructuration d'ensemble seraient sans fondement, mais je m'inquiète de la deuxième partie de votre propos, celle qui me concerne plus directement : vous me dites qu'une suppression de brigade est envisagée ! Avec d'autres élus de mon département, je me suis battu, sous un gouvernement de gauche, pour le maintien des brigades de gendarmerie. Nous avions obtenu alors le maintien d'au moins une brigade par canton : il faut continuer à défendre ce principe ! La commune de Sauve est réputée tranquille, peut-être aussi parce que les gendarmes y font leur travail ! Monsieur le ministre, les élus du Gard tiennent à ce qu'il en reste ainsi !

Maintien de la gendarmerie en Aveyron

M. Alain Fauconnier.  - Les réformes des services publics ne sont pas sans conséquences sur la vie quotidienne des territoires ruraux, en particulier sud-aveyronnais. Banque de France, perceptions, bureaux de poste, hôpitaux et tribunaux : ces services se rétrécissent comme peau de chagrin ! J'ai même récemment appris avec stupéfaction que le TGI de Millau et le tribunal d'instance de Saint-Affrique, qui devaient initialement fermer leurs portes au 1er janvier 2011, cesseront leur activité au 1er octobre prochain.

Pour les élus, le rattachement des forces de gendarmerie au ministère de l'intérieur laisse craindre le pire pour la présence territoriale de la gendarmerie en Sud Aveyron. Comment le regroupement va-t-il s'opérer ?

Le commandement de deux compagnies va être regroupé en transférant les effectifs sur l'un des deux sites. Le ministère devra choisir le lieu du commandement unique pour le territoire.

Avec le maire de Millau, j'ai suggéré la répartition suivante : A Millau, zone urbaine, la police ; à Saint-Affrique, zone rurale, la gendarmerie, et dans cette même ville, le commandement unique de la gendarmerie, Millau conservant le commandement des forces de police. Avec les maires des deux communes et le député UMP de la circonscription, nous regrettons qu'aucune concertation n'ait vu le jour.

Une compagnie est constituée par des brigades territoriales, un peloton de surveillance et d'intervention (PSIG) de douze gendarmes et une brigade de recherche de six à huit gendarmes. Les élus craignent que la fusion des deux compagnies de Saint-Affrique et de Millau entraîne la suppression d'un des deux pelotons et d'une des deux brigades de recherche.

Monsieur le ministre, qu'en est-il ? Les effectifs de la gendarmerie seront-ils maintenus ou amputés ? Le développement des grandes voies de circulation, comme l'A 75 ou la route de Toulouse, entraîne une augmentation de la délinquance dans des territoires autrefois réputés calmes.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.  - Le Gouvernement assume la responsabilité de protéger tous les Français à tout moment et en tout lieu. L'efficacité de la gendarmerie s'est améliorée avec les réformes entreprises, les gendarmes sont plus présents sur le terrain, la population y est très sensible.

Les réflexions sur un regroupement éventuel des compagnies de Millau et de Saint-Affrique s'inscrivent dans ce cadre, les délits constatés sur leurs territoires sont deux fois moindres que la moyenne nationale. Aucune décision n'est arrêtée. Le préfet du département nous fera des propositions, au terme seulement d'une concertation avec les élus concernés. La réforme, en tout état de cause, sera sans influence sur le nombre de brigades. Je veillerai personnellement à ce que vous soyez associé à la concertation.

M. Alain Fauconnier.  - Je me félicite de cette concertation et puis déjà vous dire, monsieur le ministre, l'unanimité des élus pour le maintien des effectifs de gendarmes !

La séance est suspendue à midi et demi.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 5.

Dépôt de deux rapports

M. le président.  - Monsieur le Premier ministre a transmis au Sénat, en application de l'article 4 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie, le rapport sur la création d'une réserve spéciale d'autofinancement et, en application de l'article 11 de la loi du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, le rapport sur la mise en oeuvre de cette loi.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.

Le premier sera transmis à la commission des finances et le second aux commissions des affaires économiques, des affaires sociales et des finances. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

Organisme extraparlementaire (Candidatures)

M. le président.  - Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics.

La commission des finances a fait connaître qu'elle propose les candidatures de Mme Marie-France Beaufils et de M. Bernard Vera pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein de cet organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l'article 9 du Règlement, s'il n'y a pas d'opposition à l'expiration du délai d'une heure.

Rappel au Règlement

M. Jack Ralite.  - Ce matin, le Gouvernement, qui risquait d'être censuré, a imposé à un homme, le président de France Télévisions, et à un groupe, le Conseil d'administration de France Télévisions, qu'ils renoncent à leurs droits de liberté et d'humanité. J'élève une solennelle protestation contre ce qui préfigure les relations qu'aura le pouvoir avec les dirigeants de la télévision publique !

Je rends honneur aux deux représentants du personnel qui sont restés intransigeants. Je remercie le sénateur Thiollière de s'être abstenu. Vous vous êtes respecté, monsieur le sénateur et vous nous avez fait respecter. Le représentant de l'Assemblée nationale, M. Kert, n'était pas présent.

Il demeure que le forfait à été commis et que le Sénat examinera un projet de loi sur l'audiovisuel tronqué, puisqu'un de ses aspects essentiels sera déjà appliqué. Nous allons débattre selon la pratique : « Cause toujours, tu ne m'intéresses pas et je n'en ai rien à faire ».

Monsieur le président, je souhaite que vous marquiez, par une réaction à la hauteur de l'offense, un désaveu de telles pratiques. Nous sommes gardiens, au nom de la société, des droits et libertés constitutionnelles et je ne connais qu'une attitude : penser et agir debout ! C'est cela la dignité, notamment lorsqu'on traite d'un outil que fréquentent 98,5 % des Françaises et des Français. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je vous donne acte de votre rappel au règlement. Je vous rappelle aussi que j'ai dit la semaine dernière que le décret ne m'apparaissait pas être la voie qui respecte le Parlement. Donnez-moi acte de ma position et de l'évolution, sur ce point, de l'exécutif. Comme je l'ai dit en Conférence des Présidents, un tel débat nécessite du temps.

Projets de loi sur les flux migratoires : France-Bénin, France-Congo, France-Sénégal, France-Tunisie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de quatre projets de loi autorisant l'accord de quatre accords internationaux avec le Bénin, le Congo, le Sénégal et la République tunisienne sur la gestion des flux migratoires.

La Conférence des Présidents a décidé que ces quatre projets de loi feraient l'objet d'une discussion générale commune.

Discussion générale commune

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie.  - Ces quatre accords démontrent que la volonté du Président de la République d'instaurer un partenariat global pour maîtriser les flux migratoires intéresse nos partenaires, tant en Afrique qu'en Europe. D'ailleurs, le Pacte européen sur l'immigration et l'asile, adopté à l'unanimité le 16 octobre, a consacré le principe du partenariat avec les pays d'origine.

Ces accords comportent trois volets indissociables : organiser la migration légale et faciliter la circulation des personnes, renforcer la coopération en matière de lutte contre l'immigration clandestine, contribuer enfin au développement des pays d'origine grâce à la mobilisation des ressources des migrants vers des projets de développement.

Au-delà du socle commun, chaque accord prévoit des clauses particulières propres à la coopération bilatérale et aux besoins des gouvernements partenaires.

La France et les pays signataires s'engagent à faciliter la circulation des ressortissants des deux pays concourant à la vitalité des relations bilatérales dans tous les domaines. Cela passe par la délivrance de visas de court séjour à entrées multiples d'une validité pouvant aller jusqu'à cinq ans.

Ces accords favorisent également le séjour temporaire en France d'étudiants étrangers afin qu'ils acquièrent une première expérience professionnelle en vue de leur retour dans leur pays d'origine. Ces étudiants étrangers bénéficient de dispositions spécifiques plus favorables que le droit commun prévu dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Nous ferons en sorte que la migration contribue à l'enrichissement du pays d'origine, grâce aux transferts de fonds mais aussi grâce à la formation professionnelle.

Enfin, s'inscrivant dans la nouvelle approche de l'immigration choisie et concertée, ces accords encouragent la délivrance de la carte « compétences et talents » aux ressortissants qui vont participer de façon significative au développement économique de la France et de leur pays. Un contingent est prévu, afin de limiter l'exode des élites ; et la carte ne pourra être renouvelée qu'une fois. Cet objectif de migration concertée et contrôlée se double d'une coopération renforcée contre l'immigration irrégulière. La France s'engage en matière d'expertise technique policière, lutte contre la fraude documentaire, aide dans l'élaboration d'un état civil fiable. Notre pays et chaque signataire s'engagent à réadmettre leurs ressortissants en situation irrégulière, par exemple en facilitant la délivrance des laissez-passer consulaires. L'aide au retour sera proposée aux étrangers concernés.

Les accords visent enfin à contribuer au développement des pays partenaires grâce à la recherche de synergies entre migration et développement. Je pense au compte épargne co-développement ou au livret d'épargne pour le co-développement. Le concept de développement solidaire, apparu dans l'accord avec la Tunisie, figurera désormais dans tous les nouveaux accords. Il renvoie aux actions de coopération et aux projets financés par le ministère de l'immigration, par exemple en vue du maintien sur place des populations. Cette action est menée en cohérence avec l'aide publique au développement. Le ministère de l'immigration dispose à cette fin d'un programme budgétaire spécifique, qui s'ajoute aux programmes du ministère de l'économie et du secrétariat d'État à la coopération.

Telles sont les principales dispositions des accords soumis à votre approbation. (Applaudissements à droite)

Mme Catherine Tasca, rapporteur de la commission des affaires étrangères.  - La question des migrations est une question centrale de notre relation avec les pays du sud. Avec certains de nos partenaires, elle occupe le tout premier plan de la relation bilatérale. Elle est complexe : sociale, économique, politique, touchant aussi à ce qu'a de personnel, voire d'intime, cette aspiration et cette nécessité du départ. C'est pourquoi les migrations ne se gèrent pas seulement aux frontières, mais également en amont, sur le territoire des pays d'origine ; c'est pourquoi notre politique migratoire doit rejoindre, sur certains points, notre politique de développement.

Le co-développement, devenu développement solidaire, se situe au point de rencontre de ces deux politiques. L'équilibre, fragile, reste à définir. Les présents accords en sont un aspect. Ils constituent une forme de contractualisation de la relation bilatérale en matière de migrations. Ce dialogue est indispensable tant la différence d'appréciation est grande entre un pays destinataire et les pays d'origine : les transferts financiers assurés par les migrants sont supérieurs à l'aide publique au développement et représentent le plus souvent une des premières sources de revenus du pays d'origine. La négociation de ce type d'accords revêt donc une force symbolique et les citoyens du pays partenaire y sont très attentifs.

Les accords sont les premiers à comporter un véritable enjeu sur les questions migratoires. C'est que les ressortissants sénégalais ou tunisiens sont nombreux en France.

La France s'engage à accorder plus de visas de circulation -ce qui correspond à une demande très forte- et à mieux accueillir les étudiants et les travailleurs migrants. Dans une forme de contrepartie, les États signataires s'engagent à lutter contre l'immigration clandestine et à réadmettre leurs ressortissants entrés illégalement sur le territoire français. La partie développement est plus spécifique à chaque accord. Pour le Congo, elle reste largement à définir. En revanche, pour le Sénégal, le Bénin ou la Tunisie, elle témoigne d'une réflexion de qualité sur les secteurs d'intervention à privilégier et les instruments appropriés. Avec un volet développement plus structuré, ces accords tendent vers un ensemble plus équilibré que l'accord avec le Gabon, dont la partie développement relevait plutôt du témoignage...

Notre commission formule cependant certaines interrogations et inquiétudes concernant la mise en oeuvre. La migration professionnelle, volet qui suscite beaucoup d'attentes, reste encore très limitée depuis les pays concernés. Les objectifs sont modestes, les réalisations plus encore. L'immigration professionnelle ne doit pas nécessairement être une immigration qualifiée : cela paraît plus conforme aux besoins de nos partenaires comme aux nôtres. Mais en ces temps de crise économique et de raréfaction des emplois, pourrons-nous tenir nos engagements ? En outre, ces textes ajoutent, dans un ensemble déjà touffu, des facteurs de complexité supplémentaires. Cette politique de développement solidaire, dont nous admettons qu'elle est difficile à élaborer, tâtonne. Seules 36 cartes « compétences et talents » ont été délivrées à des Tunisiens. Les talents sont-ils si rares dans ce pays ? N'est-ce pas plutôt notre dispositif qui est trop lourd ? Comment consulats et préfectures vont-ils se repérer dans ce maquis de délais, de conditions d'âge et de secteurs spécifiques, qui viendront se superposer à la sédimentation de dispositifs et de critères introduits par les récentes et nombreuses lois relatives à l'immigration ? Que deviennent les clauses applicables aux ressortissants de la zone de solidarité prioritaire, cette notion étant complètement revue dans la réforme de la coopération ? La politique migratoire hésite encore entre attractivité et contrôle des flux.

Notre dernière interrogation porte sur le volet développement. Les crédits de l'aide bilatérale au développement chutent. Un pays qui traite mal ses propres étudiants pourra-t-il garantir un accueil correct et un logement décent aux jeunes Sénégalais ? Les accords identifient les projets dont le financement relève du ministère de l'immigration ; mais le ministère des affaires étrangères sera également mis à contribution. Aura-t-il les moyens de cette intervention complémentaire, indispensable ?

L'équilibre prévu nous semble bien fragile. Si les volets migration professionnelle et développement ne sont pas mis en oeuvre dans de bonnes conditions, ne subsisteront que les aspects les plus restrictifs, notamment la réadmission. C'est pourquoi votre commission des affaires étrangères envisage d'assurer un suivi de l'application des accords. Sous le bénéfice de ces observations, elle recommande l'adoption de ces quatre projets de loi, tous ratifiés par les pays signataires, à l'exception de l'accord avec le Bénin. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; M. Charles Pasqua applaudit aussi)

M. Richard Yung.  - Ces accords sont un élément phare de l'immigration choisie voulue par le Président de la République. Ils ont fait l'objet d'une forte médiatisation. En France, ils ont été instrumentalisés, en raison de la grande sensibilité sur cette question ; en Afrique, ils sont perçus comme une voie d'avenir. Je souligne que l'accord avec le Sénégal a été conclu en 2006, quand M. Sarkozy était ministre de l'intérieur. La signature des accords a été très médiatisée... Mais leur préparation a plutôt été entourée d'opacité. Les représentants de la société civile n'y ont pas été associés.

Concernant l'immigration légale, la valeur ajoutée de ces conventions est toute relative, car de nombreuses dispositions figuraient déjà dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il s'agit toujours de restreindre la venue des travailleurs ; seul le séjour des personnes qualifiées est facilité.

Les quatre accords comportent des facilités pour l'attribution de la carte de séjour temporaire portant la mention « salarié ». Les candidats à l'immigration devront présenter une promesse d'embauche dans l'un des secteurs professionnels énumérés : il y en a 105 pour le Sénégal, 15 pour le Congo, 16 pour le Bénin et 78 pour la Tunisie. A l'exception du Sénégal, ces listes sont trop restrictives et ne concernent que des emplois qualifiés. On peut craindre que la crise économique ne restreigne l'attribution de ces titres de séjour.

Par ailleurs, une partie de l'immigration professionnelle concerne actuellement des emplois non qualifiés, guère occupés par les Français. Il n'y a pas de raison pour la refuser.

Certaines dispositions tendent à faciliter l'accueil et le séjour des étudiants, ce dont nous nous réjouissons, vu le retard de la France en ce domaine. Sont notamment concernés les étudiants souhaitant acquérir une première expérience professionnelle dans notre pays, mais avec des conditions très restrictives : ils doivent être titulaires d'un diplôme de niveau mastère, exercer un emploi en lien avec leur formation et gagner au moins une fois et demie le Smic mensuel. L'accord avec le Congo dispose que l'autorisation provisoire délivrée aux étudiants cherchant un emploi ne sera pas renouvelable.

Tous ces accords tendent à faciliter l'attribution de visas de circulation. A priori, ces dispositions sont bienvenues, puisqu'elles facilitent les nécessaires allers et retours entre la France et les pays d'origine, dont une demande ancienne est donc satisfaite. Cependant, je regrette que seules des personnes qualifiées soient concernées. Aujourd'hui, ces visas sont essentiellement délivrés à des entrepreneurs, rarement à des artistes ou des chercheurs, car les consulats semblent bien timides en pareil cas.

Les cartes de séjour portant la mention « compétences et talents » seront délivrées dans la limite de quotas annuels : 1 000 pour le Sénégal, 150 pour le Congo, autant pour le Bénin et 1 500 pour la Tunisie. Rien n'oblige à atteindre ces quotas, la politique appliquée pouvant être très restrictive.

Ces accords comportent un volet destiné à combattre l'immigration irrégulière, qui porte préjudice à chacun des pays et à l'idée même de migration. La réadmission par les États de leurs ressortissants est légitime, sous réserve de la réticence de certains pays, comme la Tunisie, à délivrer des laissez-passer consulaires. En effet, nous nous heurtons à deux obstacles : la délivrance ou non de laissez-passer par le pays de destination ; votre volonté de « faire du chiffre », avec 26 000 expulsions en 2008 et autant en 2009, alors qu'un tiers seulement des personnes retenues sont finalement expulsées, notamment faute de laissez-passer.

Les accords signés avec le Congo et le Bénin les obligent à accueillir les ressortissants des États tiers expulsés mais ayant séjourné sur leur territoire. Cette clause de réadmission a fait échouer les négociations avec le Mali. Elle est d'ailleurs choquante, puisqu'elle impose une charge excessive aux États de transit -le Mali ne pourrait créer d'unités méharistes chargées de surveiller ses frontières- tout en plaçant les personnes expulsées dans une situation pour le moins difficile, après leur arrivée dans un pays qui n'est pas le leur.

J'en viens au développement solidaire.

Le codéveloppement consiste à aider une personne de retour dans son pays à y créer une activité. Le glissement sémantique n'est jamais neutre. Je crains que le nouveau concept ne soit un cheval de Troie exonérant le ministère des affaires étrangères de ses responsabilités pour faire financer la lutte contre l'immigration par l'aide au développement. Nous ne le voulons pas !

Le financement d'actions sanitaires est envisagé avec le Bénin et le Congo, le développement solidaire étant mentionné dans l'accord avec la Tunisie, alors que celui signé avec le Gabon inclut le codéveloppement. J'observe qu'en dehors du secteur pétrolier, fort peu de Gabonais émigrent en France.

Le ministère de l'immigration dispose de 29 millions d'euros pour financer le codéveloppement solidaire. J'espère que ces sommes ne seront pas prélevées sur l'aide au développement.

Après ces remarques, le groupe socialiste refuse fort logiquement d'autoriser la ratification des quatre accords. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Charles Pasqua.  - Dommage !

Mme Éliane Assassi.  - Le Gouvernement voudrait faire croire que ces accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires ont été signés dans l'intérêt des pays concernés. Or, ils s'inscrivent dans la politique d'immigration choisie prônée par la France et l'Europe, conformément au Pacte européen sur l'immigration et l'asile. Cette politique instrumentalise l'aide au développement et la migration légale pour renforcer la lutte contre l'immigration illégale.

Cette vision a été confirmée le 25 novembre, lors de la conférence interministérielle euro-africaine sur la migration et le développement, qui a débouché sur un programme de coopération triennal encadrant la migration légale, contrecarrant l'immigration illégale et organisant le développement solidaire.

Vous faites signer par certains pays africains des accords vous permettant d'exercer un chantage sur l'aide au développement. En contrepartie, ils doivent jouer les gendarmes pour le compte de l'Europe...

M. Jean-Louis Carrère.  - Avec l'UMP, il n'y aura bientôt plus de gendarmes !

Mme Éliane Assassi.  - ...en contrôlant les flux depuis les pays de départ ou de transit. Ils doivent aussi faciliter les réadmissions des personnes expulsées.

A l'évidence, ces accords sont inéquitables : la France a tout à y gagner, alors que les pays d'émigration, poings et pieds liés, deviennent les sous-traitants de la gestion des flux migratoires. Cette situation résulte du déséquilibre entre signataires : d'un côté, des pays encore fragiles, de l'autre, une France intégrée à un ensemble organisé de pays développés.

J'en viens aux principales critiques à l'égard de ces accords.

On prétend que les ressortissants des pays signataires pourront migrer légalement. Oui, mais de façon limitée en nombre et dans le temps : il s'agit avant tout d'une migration temporaire, accompagnée d'une incitation au retour des compétences dans le pays d'origine. En outre, ces possibilités concernent essentiellement des personnes très qualifiées ou qui intéressent la France, comme les hommes d'affaires ou les sportifs de haut niveau. Seront également concernés les titulaires de la carte « talents et compétences », qui existe déjà dans le Ceseda. Cette fuite des cerveaux est contraire aux intérêts des pays de départ, qui manquent de personnel qualifié. A l'inverse, l'immigration de main-d'oeuvre peu qualifiée est quasiment oubliée, malgré les besoins qui existent en France. On voit bien le tri que le gouvernement français veut opérer.

L'aide au développement ne doit pas servir à faire pression sur les migrants, encore moins constituer une monnaie d'échange dans la négociation d'accords de gestion concertée des flux migratoires. En effet, les Nations-Unies ont souligné que le développement était un droit, ce qui exclut toute condition.

La lutte contre l'immigration illégale comporte la réadmission des personnes en situation irrégulière, une meilleure surveillance des frontières, le démantèlement des réseaux de passeurs et la lutte contre la fraude documentaire. Cette coopération ne doit pas être comptabilisée au titre de l'aide au développement.

Il ne s'agit plus d'empêcher les migrants de pénétrer en Europe mais de les empêcher de quitter leur pays d'origine. Ce contrôle des flux migratoires en amont est moins cher et moins aléatoire qu'une expulsion du territoire français qui n'est pas toujours effective. Cela fait autant de sans-papiers potentiels en moins !

Les clauses de réadmission contenues dans ces accords sont très importantes pour la France car on ne peut renvoyer les personnes en situation irrégulière placées en centre de rétention sans la coopération des pays concernés. Il faut un laissez-passer pour organiser le renvoi des personnes qu'on souhaite expulser. Certains pays sont peu coopératifs, et pour cause : les migrants envoient dans leur pays d'origine des sommes bien supérieures à celles prévues par le budget de l'aide publique au développement.

Ces accords vont donc formaliser une obligation de réadmission. Sauf pour le Sénégal et la Tunisie, plus concernés par la migration de transit, les accords prévoient un engagement à réadmettre également les migrants des pays tiers qui, pour venir en France, seraient passés par leur territoire. Ces dispositions intéressent le ministère de l'immigration, qui se fixe des objectifs chiffrés d'expulsion. Pour atteindre celui de 30 000 qui a été fixé pour 2009, la France propose aussi un dispositif d'aide au retour volontaire.

Le renforcement du volet sécuritaire contraint les migrants à emprunter des itinéraires de plus en plus longs, de plus en plus coûteux et de plus en plus dangereux. On retrouve cette logique répressive avec la directive européenne qui généralise l'enfermement des étrangers jusqu'à dix-huit mois. Ceux qui migrent ne le font pas par goût des voyages mais par obligation, pour tenter une vie meilleure ailleurs, fût-ce au péril de leur vie. Regardez tous ceux qui embarquent sur des radeaux de fortune et dérivent ensuite des jours et des nuits, faites le compte des noyades en Méditerranée. Ils savent que c'est dangereux et pourtant, ils sont toujours aussi nombreux à tenter leur chance vers l'Eldorado européen.

Vouloir que les flux migratoires s'adaptent aux capacités d'accueil, c'est méconnaître la réalité des migrations dans le monde et leurs causes multiples ; c'est dénier à ces hommes et à ces femmes la liberté de circulation dans le monde. En tout état de cause, avec la crise actuelle, la France et l'Europe ne pourront pas accueillir les migrants de travail. L'immigration illégale ne pourra donc que perdurer.

L'aide au développement évoquée dans ces accords aura du mal à se concrétiser, à voir la baisse continuelle des autorisations d'engagement pour les actions bilatérales de développement solidaire. Cela ne facilitera pas la réinstallation des migrants chez eux.

Si les possibilités de circulation ne sont pas au rendez-vous, si l'aide au développement est absente, que restera-t-il de ces accords ? Uniquement le volet de lutte contre l'immigration illégale avec le renforcement de la coopération policière dans l'intérêt d'une France et d'une Europe qui veulent être à n'importe quel prix des forteresses imprenables. A la lumière de ces observations, vous comprendrez que nous ne puissions approuver de tels accords. Et je tiens à vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir été aussi attentif à mes propos. (Applaudissements à gauche)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Il y a quelques mois, j'interpellais M. Hortefeux sur votre politique dite d'immigration choisie. Il me répondit : « La nouvelle politique d'immigration française est parfaitement comprise, partagée, approuvée et encouragée par les pays qui sont des terres d'émigration ». Cet enthousiasme me semble devoir être quelque peu atténué.

La raison d'être de ces accords n'est pas de favoriser l'immigration économique mais de la réduire à néant, tout comme l'immigration familiale. Il suffit de voir le sort réservé à la carte « compétences et talents » pour s'en rendre compte. L'accord signé le 25 octobre 2007 avec la république du Congo prévoyait de délivrer 150 cartes « compétences et talents » ; un an après, pas une carte ! Pour 2008, vous aviez évoqué un objectif global de 2 000 cartes. Où en est-on aujourd'hui ? Pour les ressortissants des États signataires des accords que nous discutons, voici les chiffres : une carte à un Sénégalais, trois à des Béninois et 36 à des Tunisiens. Au total : 326 cartes. Est-ce ainsi que vous appréhendez les « compétences et talents » de ces pays : en ne leur laissant aucune place ? Ces immigrés ne vous intéressent pas.

A quoi alors servent ces accords ? La réponse se trouve dans les clauses relatives à la réadmission : la France souhaite imposer aux États signataires de reprendre sur leur territoire leurs ressortissants en situation irrégulière. En fait de limiter l'immigration familiale au profit de l'immigration professionnelle, on veut proscrire les étrangers de notre territoire.

Vous ne pouvez pas nier que cette question de la réadmission a compliqué la négociation de ces accords. La délivrance des laissez-passer consulaires est très faible et ne cesse de baisser. Pour le Congo, sur 112 demandes formulées par la France en 2007, seuls 23 laissez-passer ont été octroyés. Alors qu'en 2005, le Sénégal répondait positivement à 55 % des demandes de réadmission, ce taux est passé à 37 %. Comment dire que votre politique est comprise si les États signataires de ces accords refusent de plus en plus de reconnaître leurs ressortissants ? D'où la nécessité de ces accords, notamment avec le Sénégal : l'avenant signé en février 2008 constitue un bijou d'ingéniosité qui n'est rien d'autre qu'un tour de vis.

En lieu et place d'une reconnaissance explicite de la part de l'État supposé d'origine, vous instaurez une présomption de nationalité, plus propre à accroître le taux d'attribution des laissez-passer. Sur la base d'un simple procès-verbal de déclarations de l'étranger, il pourra y avoir éloignement. L'ironie du sort est que vous-mêmes considérez que certains de ces États ont un état civil défaillant ou frauduleux. Vous vous contentez de n'importe quel document quand il s'agit de renvoyer certains étrangers mais vous exigez un test ADN quand il s'agit d'une demande de regroupement familial !

Les juristes ont emprunté à la fable de La Fontaine un mot pour de tels accords déséquilibrés où une partie prend sans donner ; ils les disent léonins. Les accords que vous nous présentez sont de ce type : ils imposent des sujétions importantes aux États à seule fin de satisfaire la France dans sa frénésie de reconduites à la frontière. Tout cela, au mépris de l'aide publique au développement et de toute politique active en matière de développement solidaire !

Loin de mettre en oeuvre le droit existant, ils créent de nouvelles règles plus restrictives, variables d'un État à l'autre, afin de l'obliger à collaborer à une politique qui exclut plus qu'elle ne protège, qui refoule plus qu'elle n'accueille.

Pour toutes ces raisons, les Verts ne voteront pas la ratification de ces accords. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Je note que votre rapporteur s'est félicitée de l'accroissement du nombre de visas de circulation.

M. Jean-Louis Carrère.  - Ne cherchez pas à nous opposer !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Vous m'avez interrogé sur le Conseil de modernisation des politiques publiques. Une réflexion est en cours ; il est encore trop tôt pour dire ce que seront les traductions pays par pays.

Nous respecterons les engagements pris. Enfin, s'agissant de la politique de développement, vous savez tout notre attachement à la zone prioritaire.

Monsieur Yung, ces accords ne concernent pas les seuls métiers qualifiés ; il suffit de consulter les accords avec le Sénégal et la Tunisie pour s'en convaincre. Nous aimerions, comme vous l'avez souhaité, distribuer davantage de visas de circulation dont le taux de délivrance, au demeurant, a déjà progressé, notamment au Sénégal où il est passé de 15 à 22 % entre 2004 et novembre dernier.

Madame Assassi, nous ne pratiquons pas le chantage... Les chefs d'État africains, après s'en être inquiétés, ont accepté cette nouvelle politique dans laquelle ils trouvent une contrepartie intéressante si bien que certains ont même sollicité la signature d'un accord ; je vous fais grâce du florilège de citations élogieuses qui en témoigne. Le ministère de l'immigration, avec une équipe restreinte de dix personnes, a mené à terme 120 projets avec 23 pays de départ. Il a également conclu des accords de gestion avec sept pays : le Cap-Vert, le Sénégal, le Gabon, le Congo, le Bénin, la Tunisie et l'île Maurice ; d'autres sont en préparation.

Madame Boumediene-Thiery, vous déplorez les résultats peu satisfaisants de ces accords, mais encore faut-il que le Parlement les ratifie pour qu'ils produisent leurs effets...

Enfin, en tant que secrétaire d'État à la coopération, je tiens, à l'occasion de la discussion de ces accords qui sont traditionnellement présentés par le ministre des affaires étrangères, à vous rassurer : notre aide au développement n'est pas conditionnée à la signature d'un accord de gestion ; de même, madame Tasca, notre zone prioritaire reste prioritaire. Cela étant dit, politique de gestion des flux migratoires et politique de développement sont complémentaires, un effort accru d'aide au développement entraînant à terme une diminution des flux migratoires, et l'on ne peut aborder l'une sans se référer à l'autre. De fait, les candidats à l'émigration ne prennent jamais la décision de quitter leur pays par plaisir...

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - Bref, je travaille en étroite coopération avec M. Hortefeux...

M. Charles Pasqua.  - Très bien !

M. Alain Joyandet, secrétaire d'État.  - ..., comme le montre notre récente intervention conjointe devant vos commissions, pour présenter nos politiques, qui ne sont pas opposées, mais complémentaires, et reflètent l'approche cohérente du Président de la République et du Gouvernement. (Applaudissements à droite)

Discussion de l'article unique de l'accord France-Bénin

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le groupe UMP. (Exclamations sarcastiques à gauche)

L'article unique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 326
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 187
Contre 139

L'article unique est adopté

Discussion de l'article unique de l'accord France-Sénégal

L'article unique est adopté

Discussion de l'article unique de l'accord France-Congo

L'article unique est adopté

Discussion de l'article unique de l'accord cadre France-Tunisie

L'article unique est adopté

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de six projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales pour lesquelles la Conférence des Présidents a retenu la procédure simplifiée.

Le projet de loi autorisant la ratification de l'accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d'une part, et la République du Tadjikistan, d'autre part, est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation d'un accord entre le gouvernement de la République française et celui de la République fédérative du Brésil, relatif à la coopération dans le domaine de la défense, et au statut de leurs forces, est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation de la déclaration de certains gouvernements européens, relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais, est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le gouvernement de la République française et l'Agence spatiale européenne, relatif au Centre spatial guyanais, est adopté.

Le projet de loi autorisant la ratification de l'accord entre la République française et le Royaume d'Espagne, relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou, est adopté.

Le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord sous forme d'échange de lettres entre le gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse, relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gare de Pontarlier et de Vallorbe, est adopté.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

Organismes extraparlementaires (Report de désignation)

M. le président.  - La Conférence des Présidents avait inscrit à notre ordre du jour la désignation des 25 membres de l'Observatoire de la décentralisation. Le délai limite pour le dépôt des candidatures avait été fixé aujourd'hui à 16 heures 30. Je constate que trois groupes n'ont pas déposé leurs candidatures. Je vous propose donc de reporter la désignation des membres de l'Observatoire à une date ultérieure qui sera fixée par la Conférence des Présidents.

Organismes extraparlementaires (Nominations)

M. le président.  - La commission des finances a proposé deux candidats pour siéger au Comité central d'enquête sur le coût et le rendement des services publics. La Présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du Règlement. En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame Mme Marie-France Beaufils et M. Bernard Véra respectivement membre titulaire et membre suppléant de ce Comité.

Gendarmerie nationale (Urgence)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale (Urgence déclarée).

Rappel au règlement

M. Didier Boulaud.  - L'article 37, alinéa premier du règlement indique que « La parole est accordée aux ministres, aux présidents et aux rapporteurs des commissions intéressées quand ils la demandent ». Le ministre de la défense ne participera pas au débat qui s'annonce. Nous aurions pourtant aimé entendre celui qui est encore le ministre de tutelle de la gendarmerie. Nous regrettons son absence ; les gendarmes apprécieront la façon dont leur ministre les aura abandonnés en rase campagne... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. le président.  - Je vous donne acte de votre rappel au règlement.

Nous avons la chance de bénéficier de la présence de Mme Alliot-Marie qui possède une parfaite connaissance des questions de gendarmerie et qui, je le précise, a l'habitude d'honorer de sa présence même les séances de questions orales du mardi... (Applaudissements à droite)

Discussion générale

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales.  - Les évènements de ce jour soulignent la nécessité de services de sécurité efficaces au service de nos concitoyens. Ce matin, à la suite d'un message adressé à l'AFP, des bâtons de dynamite, heureusement dénués de dispositif de mise à feu, ont été découverts dans un grand magasin parisien. C'est évidemment préoccupant. La revendication provient d'un groupe inconnu de tous nos services.

Les forces de l'ordre, réagissant immédiatement, ont mis en place des cordons de sécurité, évacué les personnes, très nombreuses dans ce magasin en cette période de Noël, puis l'ont fouillé et découvert les explosifs. Une enquête est en cours.

En outre, j'ai décidé de renforcer les équipes de sécurisation de Paris et des grandes villes et je tiendrai demain une réunion avec les services de police et de gendarmerie, les services de renseignements, les services de sécurité de la RATP, de la SNCF, d'Aéroports de Paris et des grands magasins. Il s'agit de garder notre sang-froid mais d'être vigilants et déterminés.

Cela a un rapport indirect avec le présent projet de loi qui organise le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur. La gendarmerie est une force armée, chargée de la sûreté et de la sécurité publiques. Elle l'est aujourd'hui, elle devra le rester demain. Depuis la loi de Germinal an VI, aucune loi n'avait été adoptée sur son statut et ses missions. Pour la première fois dans l'histoire de notre République, les deux forces de sécurité, civile et militaire, seront placées sous la responsabilité pleine et entière du ministre de l'intérieur.

La gendarmerie nationale doit tenir toute sa place dans un grand ministère moderne de la sécurité, au service de la protection des Français. Ce projet de loi vise à lui en donner les moyens ; il répond à une exigence de modernisation et d'efficacité tout en confortant l'identité militaire de la gendarmerie. Ce rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur est logique : l'environnement de la sécurité intérieure change ; son organisation doit évoluer. Le poids des missions de sécurité intérieure de la gendarmerie a justifié son rattachement pour emploi au ministère de l'intérieur en 2002 : il s'agit maintenant d'aller au bout de la démarche. La séparation entre les missions et les moyens nécessaires à leur exécution se révèle artificielle. Confier au responsable de l'emploi le budget, c'est une exigence de rationalité et d'efficacité. D'autant que l'esprit de la Lolf et les contraintes budgétaires imposent plus que jamais la cohérence des actions de l'État. Que la mission « Sécurité » dépende du ministre de l'intérieur à travers les deux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » est logique. Mutualisations et regroupements de marchés ainsi facilités permettront de diminuer les coûts et d'améliorer l'interopérabilité.

Ce rattachement permettra de moderniser des procédures dont certaines datent du XIXe siècle. La procédure de réquisition, héritage de la Révolution, sera abandonnée : dès lors que la gendarmerie est sous l'autorité du ministre de l'intérieur, elle n'a plus lieu d'être.

M. Jean-Louis Carrère.  - Donc la gendarmerie perd son statut !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Pas du tout. On ne supprime pas tout formalisme, et l'autorisation du Premier ministre restera nécessaire pour l'emploi de véhicules blindés, par exemple. A la demande de vos commissions, un dispositif réglementaire encadrera le recours à des moyens militaires spécifiques et l'usage des armes.

Le maintien de l'ordre public exige maîtrise, sang-froid, mesure et retenue. C'est une caractéristique des forces françaises, qui en fait un exemple à l'étranger. Gendarmes et policiers sont formés, préparés et entraînés dans cet esprit. Il n'en va pas toujours de même chez certains de nos grands voisins...

M. Didier Boulaud.  - Nous sommes les meilleurs !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Oui, j'en suis fière, et il faut parfois savoir le dire ! (Applaudissements à droite et au centre)

Nous ne sommes toutefois pas à l'abri d'un incident grave. Je prépare donc une instruction permanente garantissant la traçabilité des ordres donnés en toute circonstance. Je veux savoir qui fait quoi ! Je veux aussi que des images soient tournées lors de chaque opération, car j'en ai assez de ne voir que celles filmées depuis des portables, qui ne montrent qu'un aspect des choses.

M. Robert del Picchia.  - Très bien ! (M. Jean-Pierre Fourcade et M. Alain Gournac approuvent aussi)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - On oublie trop souvent les provocations que nos forces subissent. (Marques d'approbation appuyées à droite ; Mme Michelle Demessine s'exclame)

Cela fait six ans que l'autorité du préfet et le commandement militaire s'articulent sans difficulté. Le préfet fixe les missions, la hiérarchie militaire de la gendarmerie détermine les moyens opérationnels d'organisation et d'exécution de la mission, puis rend compte de son exécution et des résultats obtenus.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - C'est ce que nous inscrivons dans la loi. Le préfet n'a pas à s'immiscer dans le détail de l'organisation et de l'exécution du service ; il n'est pas formé pour cela, même si certains préfets sont issus de la gendarmerie nationale !

M. Didier Boulaud.  - Puisque tout fonctionne, pourquoi changer ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Vous connaissez mon attachement au maintien de certains principes. La gendarmerie est un pilier de la République.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Très bien.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - En confortant son identité militaire, le projet de loi réaffirme sa place au coeur de notre pacte républicain. La France a besoin d'une force de sécurité à statut militaire.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Bravo !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Héritière d'une longue histoire, la gendarmerie a toujours su s'adapter. Elle assure la couverture du territoire national, en métropole et outre-mer. Elle sait allier les modes d'action militaires et l'exercice de la police administrative et judiciaire dans des conditions parfois difficiles. Il faut notamment saluer son action en Guyane, dans la lutte contre l'orpaillage. (M. Jean-Louis Carrère s'exclame) Elle y essuie des coups de feu, et exerce sa mission dans des conditions souvent ardues.

M. Jean-Louis Carrère.  - Hors sujet !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - La gendarmerie sait se mobiliser en temps de paix, en temps de crise, en temps de guerre. Sa présence au sein de la mission de l'Union européenne en Géorgie, au Kosovo et en Côte d'Ivoire en est l'illustration. C'est autour d'elle que j'ai créé la force de gendarmerie européenne, outil de gestion de crise ou de sortie de crise sans équivalent.

La gendarmerie est une condition de la démocratie. Son encadrement, ses valeurs, son esprit de discipline lui dictent le strict respect des droits de la personne humaine, en toutes circonstances. Elle garantit aux magistrats le libre choix dans l'exercice de la police judiciaire. Elle assure la continuité de l'action de l'État sur tous les territoires de la République.

L'équilibre entre police et gendarmerie en est le corollaire. Il n'est pas question d'aller vers une fusion !

M. Didier Boulaud.  - Ce sera pour la prochaine fois !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - J'espère que tout le monde ici partage ce point de vue !

M. Didier Boulaud.  - Quand vous étiez ministre de la défense, vous assuriez qu'il n'y aurait jamais rattachement !

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est comme le porte-avions !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Ce sera d'ailleurs la meilleure des garanties pour les gendarmes ! (Protestations à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - J'espère que vous serez unanimes sur ce point. Sinon, on pourrait croire que vous avez d'autres idées derrière la tête, radicalement opposées aux miennes...

M. Alain Gournac.  - Très bien !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Le Président de la République l'a affirmé : ces deux institutions ont chacune leur culture, leur histoire, leur identité. La différence de leurs statuts est un atout pour notre pays.

M. Didier Boulaud.  - Vous changerez d'avis ! Ce ne sera pas la première fois !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - L'équilibre sera respecté entre police et gendarmerie, qu'il s'agisse des missions ou des zones de compétence. Il n'est pas question de détourner les effectifs de la gendarmerie pour renforcer, au quotidien, la police nationale.

M. Didier Boulaud.  - On verra !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Cela n'empêche nullement que policiers et gendarmes puissent se prêter main-forte, comme ils le font déjà dans des circonstances exceptionnelles.

M. Jean-Louis Carrère.  - Ça commence !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - La parité de traitement sera garantie, dans le respect des différences de statut.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous ne respectez aucune parité !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je constate qu'il n'y a que des hommes sur les bancs socialistes. Il faudrait faire un petit effort...

Mme Virginie Klès.  - Pardon, je suis là !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - C'est vrai : un sur six. Au-delà, ils auraient peur ! (Vives protestations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce n'est pas l'UMP qui va nous donner des leçons en matière de parité !

M. Didier Boulaud.  - La parité, c'est nous qui l'avons instaurée !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - En attendant, c'est moi qui suis ici. Vous n'avez pas fait la même chose.

Le projet de loi conforte le statut militaire de la gendarmerie, définie comme une force armée instituée pour veiller à la sûreté et à la sécurité publique. Il fixe ses missions, en rappelant qu'elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. Il répartit les attributions des ministres de l'intérieur, de la défense et de l'autorité judiciaire, en soulignant celles du ministre de la défense pour l'exécution des missions militaires. Il précise les sujétions et obligations imposées aux officiers et sous-officiers en matière d'emploi et de logement en caserne. Il renforce ainsi la capacité de la gendarmerie nationale à assurer ses missions à tout moment et en tout lieu de sa zone de compétence.

Le recrutement dans les grandes écoles militaires, la formation des gendarmes contribuent à forger l'éthique et le savoir-faire propre à la gendarmerie. Ils seront maintenus, contrairement à ce que certains de vos amis souhaitaient... (Protestations sur les bancs socialistes)

M. Jean-Louis Carrère.  - Nos amis du Front populaire !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - La participation aux opérations extérieures permettra aux militaires de la gendarmerie de cultiver les valeurs militaires et de renforcer leurs liens avec leurs camarades des armées.

M. Didier Boulaud.  - Tu parles !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - La défense continuera d'assurer une partie des soutiens, qu'il s'agisse de la santé, du paiement de la solde ou du transport opérationnel. J'ai passé 30 conventions avec le ministre de la défense.

M. Didier Boulaud.  - Ça va simplifier les choses !

La concertation dans la gendarmerie restera soumise aux règles en vigueur au sein de la défense. Cependant, le ministre de l'intérieur coprésidera le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie.

La création de groupements professionnels demeurera proscrite. Elle n'est ni souhaitable ni nécessaire : le statut militaire, que j'ai modifié en 2005, garantit aux militaires une très large liberté d'expression, mais le syndicalisme n'a pas sa place parmi les militaires.

Ce texte repose sur une vision exigeante de la protection des Français. Une vision moderne, soucieuse d'adapter l'architecture de notre sécurité intérieure aux défis du XXIe siècle. Une vision pragmatique, consciente des atouts d'une force militaire de sécurité dans notre action quotidienne sur le terrain. Une vision ambitieuse, fondée sur l'efficacité, la coordination et la réactivité des deux forces de sécurité au service des citoyens. Cette vision est la mienne, c'est celle du Gouvernement -mais aussi, j'en ai la conviction, celle des membres de la Haute assemblée : celle que les militaires de la gendarmerie vous remercieront de partager ! (Applaudissements sur les bancs UMP ; exclamations à gauche)

M. Jean Faure, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - Nous avons abordé ce texte avec à l'esprit non pas le seul intérêt de la gendarmerie ou de la police, ni de leurs ministères de tutelle, mais avec le souci du service aux Français. (Approbation à droite) Nous apprécions d'être saisis en premier de ce texte historique : depuis le 28 germinal an VI, en 1798, aucune loi n'a réglé l'organisation ni le statut de la gendarmerie nationale, dont le texte de référence est un décret de 1903.

Ce texte comprend des innovations majeures ; il organise le transfert de la tutelle organique de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007. Avant même l'annonce de cette réforme, la commission des affaires étrangères et de la défense a installé un groupe de travail sur la gendarmerie, que j'ai eu l'honneur de présider ; après nombre d'auditions et de déplacements, nous avons présenté dix-sept recommandations, adoptées à l'unanimité par la commission et publiées dans un rapport d'information en avril dernier.

Je me suis donc inspiré de ce travail antérieur, mais aussi d'une phrase figurant dans le préambule du décret du 20 mai 1903 : il faut « bien définir la part d'action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l'élasticité ou l'obscurité de quelques articles ».

A l'issue de ces travaux, j'ai proposé dix-huit amendements qui ont tous été adoptés par votre commission. Je salue la grande convergence de vues entre notre commission et celle des lois ; nos amendements sont du reste très proches ou complémentaires.

Quelles sont nos principales préoccupations ?

Nous ne remettons pas en cause le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur ; c'est moins une rupture que l'aboutissement d'une évolution commencée en 2002. En effet, depuis un décret du 15 mai 2002, la gendarmerie nationale est placée pour emploi auprès du ministre de l'intérieur pour l'exercice de ses missions de sécurité intérieure. L'an passé, la définition des moyens budgétaires de la gendarmerie et de son suivi a été placée sous la responsabilité conjointe du ministre de l'intérieur et du ministre de la défense. La gendarmerie dépend donc déjà largement du ministre de l'intérieur.

Toutefois, le système actuel est bancal car le ministère de l'intérieur, responsable de l'emploi de la gendarmerie, ne dispose pas du budget ni de la gestion des carrières, qui relèvent du ministre de la défense.

Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l'intérieur réalisera l'unicité de commandement et renforcera la coopération entre la police et la gendarmerie contre la criminalité. Les missions de sécurité intérieure représentent actuellement 95 % de l'activité de la gendarmerie, contre seulement 5 % pour ses missions militaires. Le rattachement améliorera donc la protection des Français. Il favorisera également les mutualisations et les synergies de moyens entre les deux forces. Les hélicoptères de la gendarmerie pourront être engagés au profit des deux forces, ce qui évitera de créer une deuxième flotte très coûteuse.

La mutualisation sera encore utile à l'achat des équipements, au soutien logistique ou encore aux systèmes d'information et de communication. Le rapprochement favorisera les économies d'échelle et sera source d'économies pour les contribuables.

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur n'entraînera pas la disparition du statut militaire de la gendarmerie nationale et sa fusion avec la police. La dualité des forces de sécurité n'est pas seulement un héritage historique ; c'est aussi une garantie pour l'État républicain et les citoyens.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'en sera fini !

M. Jean Faure, rapporteur.  - Comme l'a rappelé le Président de la République, « Nous avons besoin dans notre pays d'une force de sécurité à statut militaire capable de faire face à des situations de crise, en métropole, outre-mer ou sur les théâtres d'opérations extérieures ».

Ce texte préserve le statut militaire de la gendarmerie nationale, qui restera une « force armée ». Pour ses missions militaires, elle sera placée sous l'autorité du ministre de la défense, qui continuera également d'exercer la compétence en matière de discipline. Les officiers et sous-officiers de gendarmerie resteront donc des militaires, soumis au statut général des militaires. Pour garantir la parité globale de traitement avec les policiers, ils disposeront d'une grille indiciaire spécifique.

Nos amendements visent principalement à préserver le statut militaire de la gendarmerie, à conforter ses missions et son ancrage territorial.

Nous proposons de réécrire l'article relatif aux missions de la gendarmerie, afin notamment de rappeler sa vocation première : veiller à l'exécution des lois et assurer l'ordre et la sécurité publique dans les zones rurales et périurbaines.

Nous assurons l'équilibre entre l'efficacité de l'action contre la criminalité et le respect des libertés publiques. C'est pourquoi, tout en approuvant la suppression de la procédure de réquisition pour l'emploi de la gendarmerie au maintien de l'ordre, nous souhaitons maintenir un minimum de formalisme pour l'emploi des moyens militaires, comme les véhicules blindés, et pour l'usage des armes, tant par les gendarmes que par les policiers. Personne n'imagine que des véhicules blindés puissent être employés pour le maintien de l'ordre sans l'ordre écrit de l'autorité politique.

Afin de préserver le dualisme policier, nous avons également souhaité rappeler le rôle essentiel joué par la gendarmerie en matière de police judiciaire et inscrire dans la partie législative du code de procédure pénale le principe du libre choix du service enquêteur. Ce principe, qui permet aux magistrats de ne pas dépendre d'un seul service pour réaliser leurs enquêtes, constitue une garantie fondamentale d'indépendance de l'autorité judiciaire.

Enfin, il nous a semblé utile d'inscrire dans la loi l'obligation du logement en caserne, qui participe de la disponibilité et de la proximité des gendarmes avec la population et les élus locaux.

Je sais, madame le ministre, que vous ne partagez pas notre analyse sur l'amendement concernant l'autorité des préfets sur les commandants locaux de gendarmerie. Nous ne remettons pas en cause le rôle de direction et de coordination du préfet en matière de sécurité. Nous nous soucions du principe hiérarchique qui est consubstantiel au statut militaire et au respect des zones de compétence de la police et de la gendarmerie.

Ne risque-t-on pas que les gendarmes soient appelés en renfort des policiers dans les grandes agglomérations au détriment de la sécurité dans les zones rurales et périurbaines, qui représente pourtant leur vocation première ?

Je ne doute pas que nous parviendrons à trouver une formulation qui réponde à ces préoccupations.

Dès lors que les gendarmes et les policiers seront placés sous une tutelle unique, comment éviter des revendications accrues pour l'alignement des deux statuts, ce qui effacerait le statut militaire de la gendarmerie ? Le syndicalisme est par nature incompatible avec le statut militaire : la gendarmerie doit continuer de relever des instances de concertation propres aux armées.

Toutefois, il parait nécessaire de définir de nouvelles modalités de participation du ministère de la défense aux instances de concertation de la gendarmerie. Les règles relatives au fonctionnement des instances de concertation relèvent pour l'essentiel du domaine réglementaire ; nous n'avons donc pas souhaité que la loi intervienne.

Cependant, madame le ministre, quelles mesures envisagez-vous pour assurer la coexistence harmonieuse des deux forces au sein de votre ministère ?

La principale force de la gendarmerie, ce sont ces femmes et ces hommes qui témoignent quotidiennement, par leur disponibilité, leur dévouement, leur sacrifice parfois, de leur engagement au service de la population. Au nom de la commission des affaires étrangères et de la défense, je veux leur témoigner ici notre reconnaissance pour leur action au service de la sécurité des Français.

Sous réserve de ces amendements, votre commission vous propose d'adopter ce texte ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Ce texte, conformément au voeu du Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007, organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l'intérieur.

Il s'accompagne de la réaffirmation du statut militaire de la gendarmerie, condition nécessaire au maintien du dualisme policier français. Compte tenu de l'attachement du Sénat au statut militaire de la gendarmerie, ce projet de loi a été renvoyé au fond à la commission des affaires étrangères. M. Faure et moi-même avons travaillé en commun et je tiens à l'en remercier publiquement.

M. Alain Gournac.  - Bravo !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Nos amendements les plus importants sont, pour la plupart, identiques à ceux de la commission de la défense. Ce texte court s'inscrit dans un ensemble de réformes et de réflexions plus larges affectant la gendarmerie, comme le rattachement du budget de la gendarmerie au ministre de l'intérieur à compter du 1er janvier, les réflexions pour garantir la parité de traitement et de carrière entre policiers et gendarmes, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, la future loi de programmation militaire ou encore la révision générale des politiques publiques (RGPP).

La gendarmerie est à un tournant de son histoire. L'existence de deux forces de police est un atout dont la France ne peut se priver. La gendarmerie joue un rôle d'équilibre et elle permet au Gouvernement de se prémunir contre tout mouvement de contestation ou de grève. C'est aussi une garantie d'indépendance et d'impartialité pour l'autorité judiciaire qui dispose ainsi du libre choix du service de police judiciaire compétent. En outre, cette dualité crée une émulation entre services enquêteurs et permet, lorsqu'un policier ou un gendarme est mis en cause, de saisir un service enquêteur n'appartenant pas à son corps.

La gendarmerie assure aussi la police judiciaire et la prévôté dans les armées. Ce rôle particulier au sein des forces armées, mais en dehors des armées, explique que la gendarmerie soit qualifiée « d'arme ». Il est indispensable que la gendarmerie puisse contrôler les armées, car ces dernières ne peuvent se contrôler elles-mêmes et la police nationale ne dispose pas de la culture militaire suffisante.

La police et la gendarmerie sont compétentes sur l'ensemble du territoire de la République, notamment en matière de police judiciaire et de maintien de l'ordre. Elles n'en ont pas moins des zones de compétences privilégiées. Sur le plan géographique, à la logique de concentration de la population et des unités de la police nationale dans les grandes agglomérations, s'oppose une logique de maîtrise des espaces et des flux pour la gendarmerie nationale. Ces différences commandent le choix de l'organisation et du statut de chaque force. La maîtrise de 95 % du territoire par la gendarmerie suppose un maillage dense de petites unités très déconcentrées. Cette organisation requiert une disponibilité totale que seul le statut militaire permet, disponibilité qui implique à son tour le logement en caserne. Si l'utilité de ce dualisme n'est pas contestable, il doit néanmoins être rationalisé en évitant les rivalités, les doublons ou la non-interopérabilité. Ces écueils existent également au sein même de la police. La situation française est d'ailleurs relativement concentrée par rapport à d'autres démocraties comme le Royaume-Uni, l'Allemagne ou les États-Unis où chaque agglomération ou chaque Land dispose de sa propre force de police.

Grâce à nos amendements, ce projet de loi préserve le dualisme et renforce l'efficacité des deux forces. Il pose en effet les garde-fous nécessaires et ouvre la voie à des coopérations renforcées. Le budget que nous venons d'examiner prévoit d'ailleurs de nombreuses mutualisations. Toutefois, le souci d'équilibre doit toujours prévaloir. La lutte contre les doublons ou les défauts de coordination, aussi légitime qu'elle soit, ne doit pas faire oublier les vertus du dualisme. La mutualisation des moyens ne doit pas être recherchée systématiquement, car chaque force y perdrait sa spécificité. Sauf exception, la capacité à travailler en commun ne doit pas conduire à fusionner des unités ou services. La concurrence entre les deux forces sera gage d'efficacité. Vous avez confirmé devant la commission des lois que la fusion de l'Institut national de la police scientifique et de l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale n'était pas à l'ordre du jour.

L'article 3 relatif à l'autorité du préfet fait l'objet d'une divergence partielle entre nos deux commissions. L'affirmation de l'autorité du préfet est politiquement importante, même si la loi du 18 mars pour la sécurité intérieure dispose déjà que les préfets dirigent l'action de la police et de la gendarmerie nationales dans le département et que celles-ci doivent lui rendre compte de l'exécution de leurs missions. Lors de votre audition, madame le ministre, vous aviez d'ailleurs déclaré que ce texte ne changerait rien à la nature des relations actuelles entre les préfets et la gendarmerie dans le département. Dans ces conditions, il sera possible de trouver un compromis respectueux du caractère militaire de la gendarmerie et de l'efficacité de l'action de l'État dans le département.

Sous le bénéfice de ces observations, la commission des lois a donné un avis favorable sur ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Didier Boulaud.  - Ce n'est pas l'enthousiasme !

M. Josselin de Rohan, président de la commission des affaires étrangères.  - Les Français aiment leur gendarmerie qui fait partie de leur paysage traditionnel. Elle est ancrée dans leur territoire puisque sa responsabilité s'étend sur 95 % de la superficie de la France et couvre 50 % de sa population. Les ruraux sont particulièrement attachés à cette arme qui leur assure la sécurité dans la proximité. (M. Jean-Louis Carrère applaudit) Les contacts qu'elle a établis avec les habitants et leurs élus reposent sur la confiance et une très grande connaissance du milieu et de ses réactions. Ce sont ces liens très particuliers qui font l'originalité et la force de la gendarmerie autant que les missions qui lui sont confiées.

Avant même le dépôt de ce projet de loi, notre commission avait décidé de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l'avenir de l'organisation et des missions de la gendarmerie. Présidé par notre collègue Jean Faure, ce groupe de travail a établi un état des lieux minutieux des structures de la gendarmerie, des aspirations et des préoccupations de ses membres. Ce travail remarquable, auquel je rends hommage, a conduit à la formulation de dix-sept recommandations. Je veux également féliciter pour la qualité de leur rapport nos collègues Faure et Courtois.

Comme l'a indiqué Mme le ministre, lors de son audition devant les deux commissions, la réforme qui place la gendarmerie sous son autorité constitue un aboutissement et non une rupture. Cette novation a commencé il y a six ans lorsque la gendarmerie, par un décret du 15 mai 2002, a été placée, pour l'emploi et pour l'exercice des missions de sécurité intérieure, auprès du ministre de l'intérieur. Après qu'en 2007 ait été établie une responsabilité conjointe du ministère de la défense et du ministère de l'intérieur sur la définition des moyens militaires attribués à la gendarmerie, ce projet de loi consacre le transfert organique de cette arme et son rattachement budgétaire au ministère de l'intérieur à compter du 1er janvier prochain. Ce rattachement permettra de réaliser l'unicité de commandement des deux forces de sécurité en renforçant leur coopération et la mutualisation de leurs moyens.

Depuis 2002, la gendarmerie et la police coopèrent au sein des GIR dans la lutte contre la délinquance violente et les trafics illicites et au sein de plusieurs offices comme l'Office contre le travail illégal. La mutualisation permettra l'acquisition de matériels communs dans le domaine de l'armement, le rapprochement des fichiers judiciaires dédiés à l'analyse criminelle, l'interopérabilité des réseaux de communication des deux forces, les entraînements en commun et l'usage des hélicoptères.

On s'est beaucoup interrogé sur les dangers que pourrait constituer, pour les libertés publiques, le fait de placer 249 000 policiers et gendarmes dans la même main. Les uns redoutent que cette concentration n'altère le caractère militaire de la gendarmerie et l'aligne sur les modes de fonctionnement de la police nationale, ce qui pourrait entraîner certaines dérives. Les autres souhaitent que soient maintenues la dualité de la police judiciaire et celle du libre choix du service enquêteur par le parquet ou le juge d'instruction. D'autres, enfin, redoutent que les revendications des uns ou des autres n'aboutissent à un alignement progressif de leurs statuts respectifs.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est vrai !

M. Josselin de Rohan, président de la commission.  - Unanime, notre commission veut conserver le statut militaire de la gendarmerie. La dualité statutaire des forces de sécurité constitue une garantie contre l'existence d'une super-police pesant d'un poids trop lourd dans l'État. Mais le statut militaire suppose que les gendarmes restent soumis aux règles qui régissent les forces armées : discipline, obligation de réserve, interdiction d'adhérer à un syndicat ou à un parti politique, interdiction de faire grève. Nous ne voulons plus revoir les manifestations choquantes et inadmissibles au cours desquelles des personnels en uniforme et en armes se sont permis de huer leur hiérarchie. (Exclamations sur les bancs CRC-SPG) Et je veux souligner la contradiction chez ceux qui se déclarent des partisans farouches de la dualité des forces de sécurité tout en voulant étendre aux gendarmes le droit syndical et le droit de grève, ce qui conduirait inévitablement à ce statut unique auquel ils prétendent s'opposer. (« Bravo ! » et applaudissements à droite)

Mme Michelle Demessine.  - Ils n'auront donc pas le droit à la parole !

M. Josselin de Rohan, président de la commission.  - Comme tout corps militaire, l'efficacité et la cohérence de l'action reposent sur le respect de la hiérarchie. La Lopsi a posé le principe que le préfet assurait la coordination de l'ensemble des dispositifs de sécurité intérieure. Le décret du 29 avril 2004 est encore plus précis puisqu'il dispose que le préfet de département a la charge de l'ordre public. Nous ne sommes pas opposés à ce qu'il soit précisé que la gendarmerie, dans les départements, soit placée sous l'autorité du préfet, mais nous tenons à ce que cette prérogative s'exerce dans le respect de la hiérarchie militaire. Il appartient au préfet de département de fixer au commandement du groupement de la gendarmerie départementale ses objectifs et ses missions, mais le choix des moyens et des modalités d'exécution revient exclusivement à celui à qui il incombe de les mettre en oeuvre. La suppression de la procédure de réquisition pour la plus grande partie des activités de la gendarmerie nous a semblé raisonnable en raison de la lourdeur de cette procédure et de son inadéquation à ses missions ordinaires. Les circonstances peuvent cependant conduire à une intervention de grande ampleur des forces de sécurité impliquant des moyens lourds tels que les véhicules blindés et susceptibles, éventuellement, d'entraîner l'usage des armes. Dans de telles conditions, il n'est pas possible de recourir à de simples ordres verbaux. Une procédure d'autorisation est nécessaire, qui se substituerait à la réquisition complémentaire spéciale et dont les modalités seront définies par décret en Conseil d'État.

La parité de traitement avec les policiers est demandée par les gendarmes qui ont le sentiment qu'à missions égales, leur rémunération est inférieure à celle des policiers. Si l'on veut éviter de nouveaux remous au sein de la gendarmerie, la création d'une grille indiciaire spécifique aux officiers et sous-officiers est nécessaire, à condition de ne pas creuser la différence avec le reste de l'armée.

Les instances de représentation des personnels de la gendarmerie doivent s'inspirer des principes qui prévalent pour ceux des autres armes. Le ministre de l'intérieur devra participer ou être représenté au sein du Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie.

Il importe que les gendarmes maintiennent avec la population de leur ressort un lien de proximité ; il faut que leur présence soit visible. L'organisation du territoire et les restructurations éventuelles devront marquer que la gendarmerie demeure la force de sécurité du monde rural et rurbain. Le transfert de la responsabilité organique vers le ministère de l'intérieur ouvre une nouvelle page de l'histoire de la gendarmerie. A ceux qui redoutent que la concentration des pouvoirs en une seule main mette en péril les libertés publiques, je réponds que c'est l'État de droit, et non seulement le mode d'organisation des forces, qui garantit les libertés publiques. Enfin, nous pouvons conjurer le spectre de Joseph Fouché, car, madame le ministre, vous n'avez été ni régicide, ni terroriste, ni comploteuse et nous ne pouvons imaginer que vous marchiez dans ses traces.

La gendarmerie est la force armée qui veille à l'exécution des lois. Le ministère de la défense est chargé de la formation, de la collation des grades, de la discipline : le caractère militaire de la gendarmerie est ainsi clairement maintenu. Et l'emploi de cette force par le ministère de l'intérieur est strictement défini. Du reste, ce ne sont pas seulement les textes qui nous assurent du respect de la légalité et des principes républicains. C'est le comportement de ceux qui sont chargés de les appliquer. Nous qui côtoyons les gendarmes au quotidien, nous n'avons aucun doute sur leur scrupuleux respect de la légalité, leur dévouement, leur professionnalisme, leur sang-froid. Et nous savons qu'après la réorganisation, ils continueront à faire vivre les vertus qui leur ont valu l'estime et la confiance de la Nation. (Applaudissements à droite)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Ce week-end, j'étais conviée par les gendarmes à fêter leur patronne, Sainte-Geneviève. Ce fut un temps fort de solidarité et d'amitié et l'occasion de prendre le pouls d'une arme à laquelle je suis si attachée. Un court film a exprimé l'état d'esprit résumé par le général Gilles : les gendarmes sont des militaires, des hommes du terroir, des hommes de la loi.

En raison de cet attachement, je tiens, avec force et conviction, madame la ministre, à attirer votre attention sur les difficultés que comporte ce texte. Comme M. Raffarin lors du vote des crédits de la mission « Sécurité », je veux exprimer nos inquiétudes à l'égard d'une intégration de la gendarmerie dans le ministère de l'intérieur. Je ne me défie bien sûr pas de vous mais de ceux qui après vous pourraient faire fi de la dualité des deux forces : or cette dualité est garante des principes républicains que nous défendons de toute notre âme.

Deux forces distinctes, sous deux autorités distinctes, oeuvrent aujourd'hui à la sécurité des personnes et des biens. Le système est-il si inefficace qu'il faille le changer ? N'a-t-on pas compris depuis longtemps qu'une complémentarité était nécessaire ? Ne l'a-t-on pas mise en oeuvre ?

Depuis 2002, la gendarmerie est placée sous l'autorité fonctionnelle du ministère de l'intérieur et localement des préfets, avec de bons résultats, sans guerres intestines. Pourquoi alors un rattachement, une intégration, une fusion peut-être, demain ? Pour une meilleure coordination ? Cela n'est pas affaire de structures mais d'hommes. Meilleure gestion ? Cela impliquerait une révolution culturelle dans la gestion des carrières, de la représentativité... La gestion des crédits sera-t-elle plus efficiente ? Les deux budgets ne seront pas confondus ! Gendarmerie et police conserveront des spécificités et des niveaux de décision distincts. La tâche des préfets, assurer la cohérence entre les deux forces, ne sera pas simplifiée.

L'emploi de la gendarmerie suppose la réquisition. Deux anciens directeurs généraux de la gendarmerie nationale ont dénoncé l'abandon de la procédure, estimant insupportable pour les libertés publiques que la gendarmerie nationale soit laissée à disposition du ministre, à la discrétion du préfet, sans procédure de réquisition. La force armée est chargée de la défense des intérêts supérieurs de la Nation et la réquisition garantit le respect de l'équilibre démocratique. Renvoyer à des décrets les procédures d'autorisation est un pied de nez aux valeurs républicaines. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du groupe RDSE)

Nul n'ignore en outre que le Gouvernement tout entier et le Président de la République ont pris l'engagement, réaffirmé devant les maires de France récemment, de préserver l'intégrité des zones rurales, de maintenir à tout prix les services publics et la présence des hommes et des femmes qui font vivre ces territoires. « Fils des territoires », disait encore le général Gilles. Les gendarmes contribuent à la vitalité des terroirs. Les maires ne s'y trompent pas, qui consentent des investissements lourds dans les casernes. Fixer la répartition des effectifs selon le nombre de dépôts de plaintes et le taux d'élucidation a-t-il un sens ? Si les statistiques sont plus favorables en milieu rural que dans les zones urbaines, n'est-ce pas un résultat de la présence discrète, permanente, des gendarmes ? (Applaudissements à gauche)

Les gendarmes tiennent à leur statut militaire, exigeant, certes, mais fondement même de leur culture d'assistance à autrui, de générosité, de don de soi. Non qu'il en aille autrement parmi les policiers ! Mais chaque force a sa spécificité et, pour renforcer les complémentarités, nul besoin d'un nouveau cadre.

Mme Éliane Assassi.  - Tout à fait.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le groupe RDSE dans sa grande majorité ne peut donner son aval à ce nouveau dispositif, qui ranime le souvenir d'une époque qui n'est pas si lointaine et qui nous a laissé un goût trop amer. Le Gouvernement s'honorerait de conserver deux forces, gage du respect des principes sur lesquels repose notre démocratie. (Applaudissements à gauche ; M. François Fortassin applaudit)

M. Didier Boulaud.  - Bravo !

M. Daniel Reiner.  - Le projet de loi a suivi un bien étrange parcours : il a été déposé en août dernier devant le Sénat, assorti d'une déclaration d'urgence. Et il a été inscrit à l'ordre du jour... en janvier prochain. Finalement, nous l'examinons en décembre. Mais c'est trop tard ! La loi de finances a déjà entériné son adoption et, budgétairement, la gendarmerie est désormais rattachée au ministère de l'intérieur. Notre débat ne serait-il pas de pure forme ? N'y a-t-il pas là une mauvaise manière, une de plus, faite par le Gouvernement au Parlement ?

Madame la ministre, vous vous dites « sereine » pour défendre ce texte. Pourquoi cette précision ? Y a-t-il un doute dans votre esprit ? Il est vrai que comme ministre de la défense, vous étiez hier encore moins favorable à cette réforme. Du reste, les auditions, les discussions nous ont montré que l'enthousiasme n'est pas grand, ni à gauche ni sur les bancs de la majorité.

On constate peu d'empressement, on entend des critiques plus ou moins explicites : en commission, l'ancien Premier ministre qui siège parmi nous a déclaré qu'il ne voterait jamais ce texte en l'état. Les élus locaux balancent entre incompréhension et crainte de l'avenir. Il en va de même parmi les gendarmes, quand ils peuvent exprimer leur pensée, évidemment «off the record ».

Pourquoi aussi peu d'enthousiasme ? Parce qu'il ne s'agit ni « d'une réforme historique depuis la loi du 28 germinal an VI, aucune loi n'ayant été adoptée sur le statut et les missions de la gendarmerie », comme vous l'avez déclaré le 16 octobre devant les commissions des lois et des affaires étrangères, ni de la simple « conclusion d'un processus engagé depuis plusieurs années ». En fait, ce projet de loi rompt avec une tradition bi-séculaire, respectée à quelques exceptions près, qui n'ont pas été fastes pour les libertés publiques : le premier et le second Empires et Vichy. Ce texte détache de la défense l'essentiel des missions de la gendarmerie nationale.

En France, deux forces concourent à la sécurité intérieure : l'une civile -la police nationale-, l'autre militaire -la gendarmerie nationale, qui est une force militaire dotée d'une compétence de police, non une police à statut militaire. (On approuve sur les bancs socialistes) Nous sommes attachés à cette dualité, que ce texte met en cause puisqu'il place dans la même main deux institutions concourant aux libertés individuelles et à la sécurité collective, fondement du pacte social et républicain.

Ainsi, la gendarmerie est à la fois au service de la défense, du ministère de l'intérieur et du ministère de la justice, en vertu de l'article 66 du décret de 1903, véritable charte de la gendarmerie, qui dispose : « En plaçant la gendarmerie auprès des diverses autorités pour assurer l'exécution des lois et règlements émanés de l'administration publique, l'intention du Gouvernement est que ces autorités, » dans leurs relations avec les chefs de cette force publique, « ne puissent, dans aucun cas, prétendre exercer un pouvoir exclusif sur cette troupe ».

En commission, vous n'étiez guère convaincante, car vous ne paraissiez guère convaincue... (Sourires) On peut le comprendre, tant le texte balance entre les contradictions pour concilier l'inconciliable : il détache la gendarmerie de la défense, tout en réaffirmant son statut militaire. L'article premier résume toutes les contradictions : la gendarmerie n'est plus placée sous l'autorité du ministre de la défense, mais elle constitue « une force armée instituée pour veiller à la sûreté et la sécurité publiques » ! Par ailleurs, les commandants des unités territoriales étant placés sous l'autorité du préfet, comment respecter les rapports hiérarchiques, principe fondamental de l'institution militaire ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je vous l'ai déjà expliqué !

M. Daniel Reiner.  - Et voilà ce que pensent d'éminents anciens directeurs généraux de la gendarmerie quant à la fin des réquisitions : ils considèrent « insupportable au regard des libertés publiques que cette nouvelle armée de l'intérieur, riche de 100 000 hommes, disposant d'unités blindées », qui a désormais dans ses missions « et le maintien et le rétablissement de l'ordre public, soit laissée à la disposition de son chef et ministre, » sans « la garantie fondamentale de la procédure de réquisition de la force armée ». Cette suppression « ne peut être admise » en l'état du texte. « Nous pouvons la qualifier de liberticide » ont-ils conclu.

Nous partageons cette appréciation sévère. Fondamentalement, la réquisition permet à l'autorité civile d'obtenir le concours des forces armées. Si elle n'est plus une nécessité, de trois choses l'une : le ministère de l'intérieur n'est plus une autorité civile, la gendarmerie n'est plus une force armée, ou les mots n'ont plus de sens !

Le décret de mai 2002 avait réduit la portée des textes fondamentaux de 1798 et 1903, puisqu'il confiait au ministère de l'intérieur la responsabilité d'employer la gendarmerie pour des missions de sécurité intérieure. Auparavant, la gendarmerie devait répondre aux sollicitations des ministres de la défense, de la justice, de l'intérieur et de l'outre-mer. Le décret de 2002 n'innovait donc pas totalement, même si le ministre de l'intérieur de l'époque voulait qu'il paraisse le faire : commander la police et la gendarmerie augmentait le pouvoir d'une seule personne.

On dit volontiers sous cape que ces deux forces n'entretiennent pas des relations simples, mais elles ont mutualisé leurs moyens et échangé leurs expériences. On aurait pu en rester là. Tel n'est pas votre choix, malgré tout ce qui différencie un policier d'un gendarme : les conditions de travail, la rémunération, le logement, le droit d'expression et bien sûr l'engagement militaire.

Pour mettre en oeuvre le transfert que vous demandez, vous devrez porter atteinte à l'unité de la gendarmerie. En effet, les unités spécialisées restent rattachées au ministère de la défense. Pour les autres, vous devrez régler, entre les deux ministères, les questions de soutien et d'action sociale, mais aussi le maintien en condition opérationnelle des équipements, dont on ne sait d'ailleurs plus où se trouvent les budgets. Pour les gendarmes, certaines compétences seront transférées, d'autres seront partagées, le reste demeurant à la défense. Ainsi, la notation relèvera de l'intérieur alors que la discipline restera confiée à la défense. Pourquoi faire simple quand on peut faire si compliqué ?

Une fois détachée des armées, la gendarmerie aura bien du mal à conserver son statut militaire. Je sais que vous vous en défendez, mais cette loi ouvre cette voie. Attachés aux deux forces de sécurité, nous ne vous suivrons pas sur ce chemin.

L'organisation territoriale des deux forces de sécurité a évolué en vingt ans, pour aboutir à un partage clair du territoire. L'article premier du décret de 1903 confiait à la gendarmerie la surveillance du territoire, plus particulièrement la sécurité des campagnes et des voies de communication. Son implantation en brigades dans nos territoires ruraux est appréciée des élus locaux et des habitants : ils craignent les baisses d'effectifs, qu'elles soient annoncées par la loi de finances ou la RGPP. Ce texte pourrait conduire à demander aux gendarmes de renforcer la police dans les zones urbaines en délaissant leur commune. Voilà ce dont ils ne veulent surtout pas !

L'important est d'assurer la sécurité publique sur tout le territoire. A quoi bon cette loi ? Compliquant au lieu de simplifier, elle ne peut être un gage d'efficacité. Conduisant la gendarmerie sur des voies incertaines où elle pourrait perdre son âme, une loi qui rompt avec notre tradition républicaine ne peut trouver notre concours. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est tellement clair !

M. Joseph Kergueris.  - Le débat qui nous réunit aujourd'hui prolonge les réflexions conduites par le groupe de travail présidé par M. Jean Faure. Actualisant des dispositions datées, le projet de loi adapte cette arme aux réalités territoriales et sociales de notre pays.

Le sujet est sensible pour les parlementaires élus dans les zones rurales, où la gendarmerie est quotidiennement présente. Je tiens aussi à saluer le dévouement et la compétence de la garde républicaine, qui veille à la sérénité de nos débats.

Le texte propose le rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur à compter du 1er janvier 2009. Un rapprochement s'étant déjà opéré depuis de nombreuses années, cette consécration n'est que le fruit d'une longue évolution. Nous voilà parvenus au bout d'une réflexion considérant le gendarme comme complémentaire du policier et vice versa.

Mais il est très important que la gendarmerie conserve son statut militaire. Toute fusion avec la police est exclue, puisque l'article premier dispose qu'elle demeure une « force armée ». Ses missions sont parfaitement définies en matière de sécurité intérieure, mais aussi pour les missions judiciaires ou militaires. Pour la première fois, une spécificité essentielle de la gendarmerie nationale est reconnue : sa capacité à s'engager dans les crises de haute intensité, voire dans les conflits armés.

Les officiers et sous-officiers de la gendarmerie restent soumis au statut militaire.

Ils conservent leurs obligations et sujétions particulières, qui découlent à la fois de leur statut militaire et de leurs missions de police, notamment en matière de logement en caserne -qui est d'ailleurs plus une contrainte qu'un avantage.

Le projet de loi place les responsables locaux des services de la police nationale et des unités de gendarmerie sous l'autorité des préfets. La commission des affaires étrangères et des forces armées estime que l'affirmation de l'autorité des préfets sur les commandants locaux de gendarmerie est susceptible de porter atteinte au principe d'obéissance hiérarchique consubstantiel au statut militaire de la gendarmerie. Je soutiens sa position.

La suppression du principe de « réquisition de forces armées » pour l'emploi de la gendarmerie en maintien de l'ordre ? Il fut un temps où l'on a recouru à la troupe. Je suis de ceux qui se souviennent des événements de 1948... La commission préfère conditionner la suppression de la procédure de réquisition à l'instauration d'une nouvelle procédure d'autorisation pour le recours aux moyens militaires spécifiques, comme les véhicules blindés, et pour l'usage des armes au maintien de l'ordre, tant en ce qui concerne les gendarmes que les policiers. Ces amendements sont de nature à répondre aux interrogations que les gendarmes se posent.

II faut ajouter que l'objectif d'une parité globale de traitement et de carrières entre gendarmes et policiers est l'une des conditions de la pérennité du statut militaire. Si elle conserve son statut militaire, la gendarmerie demeure en charge de la prévôté militaire vis-à-vis des autres composantes de nos forces armées et les attributions de l'autorité judiciaire pour les missions du même nom lui sont maintenues. La commission des lois souhaite que soit inscrit dans le code de procédure pénale le principe du libre choix du service enquêteur par l'autorité judiciaire.

Enfin, le projet de loi propose une gestion rénovée des ressources humaines de la gendarmerie et une meilleure reconnaissance du rôle de la réserve.

Je voudrais attirer votre attention sur le sort des gendarmes originaires d'un département d'outre-mer. Dans certains de ces départements, le pourcentage de gendarmes originaires est très faible, ce qui pose le problème du contact avec la population, de la connaissance des coutumes, des mentalités et de la langue. A l'occasion du rapprochement statutaire avec la police, les gendarmes originaires d'un département d'outre-mer souhaitent bénéficier eux aussi de la possibilité de travailler chez eux après une période passée sur le territoire métropolitain.

Que la gendarmerie demeure pour tous les Français et tous les territoires, présente, vigilante et bienveillante afin de faire mentir Paul Valéry : « la faiblesse de la force est de ne croire qu'à la force » ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Michelle Demessine.  - Je commencerai en vous faisant part de mon trouble. Alors qu'il a participé à la préparation de ce projet de loi, le ministre de la défense n'est pas des nôtres aujourd'hui. Son absence pourrait se comprendre mais son cabinet n'est même pas représenté, et cela est profondément troublant.

Ce texte est la traduction directe de la volonté du Président de la République de faire passer intégralement la gendarmerie nationale sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Comme a pu le dire le général de Gaulle en d'autres lieux et en d'autres circonstances...

M. Josselin de Rohan, président de la commission.  - Excellente référence !

Mme Michelle Demessine.  - ...ce projet de loi « a une apparence » : clarifier une situation qui existe depuis 2002 pour renforcer l'efficacité de l'action des services de sécurité intérieure et assurer une meilleure protection de nos concitoyens. « Il a une réalité » : concentrer tous les pouvoirs dans une seule main et mettre fin à une spécificité républicaine, l'existence de deux forces différentes de sécurité. C'est toute l'ambiguïté et tout le danger de votre projet de loi, qui suscitent inquiétudes et oppositions.

Inquiétudes des gendarmes eux-mêmes sur leurs conditions de travail et crainte d'une absorption à terme par la police et d'un déséquilibre des missions en leur défaveur. Inquiétudes des élus locaux qui redoutent la fermeture de nombreuses brigades territoriales. Opposition de tous ceux qui voient dans ce projet de loi un recul des libertés publiques et des droits individuels pour appliquer sans entraves la politique sécuritaire, centralisatrice et, pour tout dire, autoritaire du Président de la République.

Procès d'intention ? Votre texte ne serait que la suite logique d'un processus engagé depuis plusieurs années, une clarification, la simple adaptation du droit à la pratique en vigueur.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et sans arrière-pensée politique !

Mme Michelle Demessine.  - A ceux qui évoquent la possibilité d'une fusion, ou d'une confusion, entre les deux forces, vous répondez que l'équilibre des missions et des compétences sera respecté. Or le rattachement au ministère de l'intérieur risque de porter atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire et au principe du libre choix du service enquêteur.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - En quoi ?

Mme Michelle Demessine.  - Vous insistez sur la nécessité de parvenir à une parité globale sur les rémunérations en fonction des grades respectifs. Les groupes de travail que vous aviez mis en place et les réactions des syndicats de policiers et des gendarmes qui ne peuvent s'exprimer publiquement...

M. Alain Fouché.  - Sous la gauche, ils l'ont fait !

Mme Michelle Demessine.  - ...ont montré que l'affaire n'était pas si simple. Enfin, garantie de toutes les garanties, vous prétendez que votre projet de loi conforte le statut militaire de la gendarmerie. Là, il est à craindre que le diable ne se cache dans les détails. La question du statut militaire de la gendarmerie est un point, sinon le point, essentiel de votre projet de loi. Il ne s'agit pas du respect d'une tradition séculaire qui serait devenue obsolète, il s'agit du respect d'un principe républicain selon lequel nous devons conserver une force de sécurité à statut militaire à côté d'une force de sécurité à statut civil.

Bien que 95 % des activités de la gendarmerie soient consacrés à des missions de sécurité intérieure, elle a été dès l'origine une force militaire, car les fondateurs de la République refusaient que soient concentrés en une seule main tous les moyens de police.

Après la centralisation des différents services de police chargés de l'information, du renseignement et de la répression, le chemin est maintenant tracé pour parachever cette oeuvre en allant vers une fusion des deux corps chargés d'assurer la sécurité civile. Ce rattachement organique et budgétaire serait une simple question de cohérence et d'efficacité. S'il ne s'agissait que de cela, le rattachement au ministère de l'intérieur ne s'imposait pas. Afin de respecter, en apparence, ce dualisme républicain, vous ne remettez pas directement en cause le statut militaire de la gendarmerie mais vous le videz subrepticement de sa raison d'être.

Je parle là de la suppression de la procédure de la réquisition pour l'engagement des unités de gendarmerie mobile en matière de maintien de l'ordre. C'est leur dénier l'une des spécificités des forces militaires. C'est mettre en cause un principe de la Révolution française, d'ailleurs transcrit dans le code de la défense qui dispose : « aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civile sans une réquisition légale ». Il est spécieux de justifier cet abandon comme étant la conséquence logique du rattachement à l'intérieur au motif que la réquisition permet à l'autorité civile d'obtenir la mise en oeuvre de moyens dont elle ne dispose pas.

La réquisition, si elle doit être modernisée, devrait être maintenue en ce qu'elle incarne le principe républicain de subordination de la force armée à l'autorité civile. La suppression de cette garantie écrite, laquelle protégeait les commandants d'unités contre d'éventuels excès de pouvoir, « ouvre la voie à toutes les aventures », ont justement noté trois anciens directeurs de la gendarmerie nationale dans un communiqué. De même, placer les commandants sous l'autorité du préfet contrevient au principe d'obéissance hiérarchique inscrit dans le statut militaire de cette force et je déplore que l'on n'ait pas consacré dans la loi les règles déontologiques du décret de 1903 à l'occasion de son abrogation. Enfin, réunir au sein d'un ministère la police et la gendarmerie, qui ont respectivement pour systèmes la représentation syndicale et la concertation propre aux militaires, n'est-ce pas les inciter à demander à terme un alignement de leurs statuts ?

Parce que ce texte, loin de clarifier la situation, soulève de nombreuses questions et banalise l'usage de la force armée afin de mener une politique du tout sécuritaire, le groupe CRC-SPG votera contre ! (Applaudissements à gauche)

M. Henri de Raincourt.  - Oh la la !

M. Hubert Haenel.  - La gendarmerie nationale est un sujet que je connais bien. Depuis 30 ans, j'ai eu l'occasion de faire connaître ma position dans les revues Etudes puis Projet, un ouvrage publié aux presses universitaires de France et lors de cours dispensés à l'université Aix-Marseille III. Ce n'est donc pas par opportunisme que je me fais l'écho des inquiétudes de nombre de mes collègues de l'UMP et des élus locaux.

Ce texte, contrairement à ce que pourrait laisser croire son intitulé trompeur, n'est pas une simple réforme technique consistant à officialiser le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, acté depuis 2002 et, plus encore, depuis 2007. En redéfinissant les missions de la gendarmerie et ses relations avec l'autorité judiciaire, il autorise la technostructure du ministère de l'intérieur à procéder à de futures réformes par décret. (M. Robert del Picchia s'exclame) Madame la ministre, votre intervention m'a rassuré quant à l'avenir de la gendarmerie. Mais, si les paroles s'envolent, les écrits restent...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Eh oui !

M. Hubert Haenel.  - Mieux vaut donc adopter les amendements présentés par nos commissions afin de se prémunir contre une absorption de la gendarmerie par la police.

M. Daniel Reiner.  - Très bien !

M. Hubert Haenel.  - Parce que la dualité des deux forces constitue un rempart contre les abus, le Parlement doit poser des verrous pour éviter toute fusion d'autant que celle-ci, d'après certains juristes, serait inconstitutionnelle, et donc susceptible de recours... Ne portons pas atteinte à l'équilibre trouvé depuis Thermidor, garant de nos libertés publiques jusqu'à aujourd'hui.

Tout d'abord, il faut réaffirmer la dualité des forces en matière de police judiciaire.

M. Henri de Raincourt.  - Tout à fait !

M. Hubert Haenel.  - Le code de procédure pénale distingue les officiers de police judiciaire à l'article 20, qui relèvent de la police, des agents de police judicaire à statut militaire à l'article 16. La gendarmerie nationale dispose de brigades de recherche au niveau départemental, de sections de recherche au niveau régional et d'un laboratoire d'analyse criminelle au niveau central. Laisser au parquet le choix du service enquêteur est une garantie d'indépendance, même si ce choix tend à être restreint par le rapprochement des forces. De fait, une affaire sensible peut être enterrée ou, au contraire, promptement résolue selon la tutelle politique du service choisi. A cet égard, l'émulation entre les deux forces semble une nécessité. Aussi nous faut-il retenir la rédaction proposée par la commission afin d'empêcher un de vos successeurs de fusionner les forces par simple décret.

Mais peut-être l'objectif de la technostructure du ministère de l'intérieur est-il de réserver la partie noble des activités de la police judiciaire à la police en laissant les tâches banales, champêtres, à la gendarmerie nationale. (Mme Michèle Alliot-Marie, ministre, se montre incrédule) M. le rapporteur peut témoigner que de tels propos nous ont été tenus en commission ! Je comprends mal, au demeurant, que le ministère de la justice n'ait pas répondu à l'invitation de la commission quand ce texte affectera le fonctionnement de la justice pénale !

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

M. Hubert Haenel.  - Si les amendements de la commission n'étaient pas adoptés, le vote final pourrait être compromis.

Ensuite, la suppression des réquisitions n'est pas une mesure de simplification et d'efficacité. S'il fallait toiletter certaines dispositions obsolètes relatives au maintien ou au rétablissement de l'ordre public, le formalisme qui entourait les ordres donnés par l'autorité administrative à la force armée n'avait rien de désuet. Au reste, madame la ministre, vous en avez reconnu le bien-fondé en proposant une « traçabilité » des ordres au moyen de caméras.

Le maintien de l'ordre est une responsabilité du pouvoir politique qui concerne la liberté de se réunir, donc de manifester. Réguler le maintien et le rétablissement de l'ordre, au besoin par la force des armes, n'est pas qu'une simple mesure administrative. L'usage des armes doit être entouré d'une garantie de traçabilité. Qui fait quoi ? Qui est responsable de quoi ? Car en cas de mise en cause des libertés publiques, de dommages aux personnes et aux biens, en cas de dérapages et de bavures, l'autorité administrative donneuse d'ordre doit pouvoir justifier et se défendre devant la juridiction compétente. Le pouvoir politique doit être en mesure de répondre aux interpellations du Parlement et à son contrôle.

Par ailleurs c'est une garantie fondamentale pour celui qui exécute l'ordre que de pouvoir justifier de l'ordre reçu, et c'est aussi une garantie pour celui qui l'a donné ou est censé l'avoir donné. Pour toutes ces raisons l'amendement proposé par la commission paraît essentiel. Un décret en Conseil d'État doit réglementer l'usage de la force. J'ai en mémoire quelques exemples d'affaires que j'ai vécues lorsque j'étais en poste à l'Élysée, comme l'affaire d'Aléria, ou encore, alors que je venais d'être élu sénateur, comme la mort de Malik Oussekine : la commission d'enquête dont j'étais membre n'a jamais pu savoir qui avait donné l'ordre aux voltigeurs de la police nationale de poursuivre les manifestants jusque dans les couloirs. Derrière les autorités administratives, les responsables du maintien de l'ordre ou les exécutants, il y a des hommes et des femmes avec leurs forces et leurs faiblesses et, en cas de troubles majeurs, de circonstances exceptionnelles, ce n'est pas toujours un Maurice Grimaud qui dirige ! Une simple circulaire ne saurait donc suffire à préciser les conditions d'usage de force. D'ailleurs je ne vois pas, si vos intentions sont claires, en quoi un décret en Conseil d'État pourrait gêner votre ministère.

S'agissant de l'autorité des préfets, l'insistance avec laquelle votre ministère veut maintenir l'article initial du projet de loi est pour moi une source d'étonnement. Si la gendarmerie nationale reste une force militaire, la chaîne de commandement doit être respectée. Affirmer comme le prévoit le texte que les responsables locaux des services de police et des unités de gendarmerie sont placés sous l'autorité des préfets me paraît porter atteinte à ce principe essentiel. Déjà, d'ailleurs, le préfet a autorité sur le commandant du groupement de la gendarmerie départementale et personne à ma connaissance n'envisage de remettre en cause cette autorité. Si vous voulez profiter du projet de loi pour le réaffirmer, pourquoi pas ? Mais cela ne doit pas signifier que le préfet a autorité et donc commande les unités de gendarmerie nationale du département c'est-à-dire les brigades, les pelotons de surveillance d'unités de la gendarmerie nationale, les pelotons routiers etc... et même la brigade de recherches, qui n'exerce ses compétences qu'en matière de police judiciaire. Faisons preuve d'un peu de réalisme et de bon sens. Déjà actuellement -mais ce sera encore plus vrai quand les règles d'avancement et de mutation des officiers dépendront strictement du ministère de l'intérieur- on n'imagine pas un officier supérieur commandant un groupement ne pas obtempérer aux directives d'un préfet et ne pas lui rendre compte. Il serait viré dans les 24 heures ! La rédaction proposée sur ce point témoigne d'une méfiance que rien ne justifie. Je souhaite donc que nous votions la rédaction proposée par la commission.

Tous ses autres amendements nous paraissent devoir recueillir de votre part un avis favorable, madame la ministre. Nous avons travaillé en amont, nous avons largement et longuement auditionné Ce travail a fait l'objet d'un rapport adopté à l'unanimité de la commission et ses amendements sont la transposition pure et simple de nos travaux. ll faut en tenir compte. Votre projet de loi comporte des enjeux très lourds, il bouleverse l'organisation de certains pouvoirs régaliens. Le Président de République a déclaré « Le principe de l'existence de deux forces de sécurité dans notre pays, l'une à statut militaire, l'autre à statut civil, est et sera maintenu ». Il a affirmé : « La France ne peut faire l'économie d'une force de sécurité à statut militaire car on en a besoin pour de multiples missions de défense en métropole, en outre-mer et sur les théâtres d'opérations extérieures (...). Police et gendarmerie sont deux institutions qui ont leur culture, leur histoire, leur identité, leurs succès et leurs drames. Tout ce qui forge et soude une communauté ». Il s'est engagé à trouver « ce juste point d'équilibre entre le statut militaire et ses éléments qui préservent le rattachement à la communauté militaire et, d'autre part, la mission de sécurité ». Ce juste équilibre, je crois que les commissions l'ont trouvé. Il ne faudrait pas que la technostructure en rajoute laissant planer le doute ou la suspicion sur les intentions affirmées dans l'exposé des motifs. Cette réforme est irréversible. Pour éviter des dérives qui trahiraient la lettre et l'esprit de la loi, elle doit être strictement encadrée. Je ne doute pas, madame la ministre, que vous donniez votre accord à l'ensemble de ces amendements. (Applaudissements à droite et au centre)

La séance est suspendue à 19 h 20.

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

Mme Virginie Klès.  - Faut-il revenir sur l'imbroglio temporel qui nous conduit à examiner ce texte aujourd'hui ?

Vous aviez d'abord renvoyé son inscription à l'ordre du jour au début de l'année prochaine après avoir pourtant déclaré l'urgence au motif que le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale devait intervenir au 1er janvier 2009. Finalement, vous le soumettez aujourd'hui au Sénat, sans que la Loppsi II soit connue des parlementaires.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Quel rapport ?

Mme Virginie Klès.  - Cette valse hésitation témoigne de l'absence de cap et de cohérence, tant sur la forme qu'au fond.

Personne ne conteste la nécessité d'une réforme de la gendarmerie. Mais alors que le Premier ministre présente cette réforme comme « majeure, historique, essentielle » et destinée à « pérenniser le modèle de pluralisme policier à la française, auquel notre Nation est attachée », sans « rompre les équilibres qui permettent à la gendarmerie de remplir la fonction particulière qui lui est assignée au profit de la collectivité nationale », vous nous présentez un texte dépourvu de toute vision de long terme et dont le seul avantage que peuvent lui trouver les gendarmes est de les mettre à l'abri sous la tutelle du ministère de l'intérieur, quand le ministère de la défense sert depuis trop longtemps de variable d'ajustement budgétaire.

Ce texte va fragiliser le statut militaire de la gendarmerie nationale, le dualisme des forces de sécurité, les moyens mis à disposition de la justice, le maillage territorial.

Vous poursuivez ici une évolution engagée en 2002, et qui conduira tout droit à l'adoption d'un statut civil. Car pourquoi les gendarmes accepteraient-ils de conserver un statut militaire contraignant si leur sort, pour le reste, est comparable à celui de la police nationale ? On sait ce qu'il en est advenu en Belgique et les dommages collatéraux sur le maillage territorial.

Sous couvert de modernisation, de cohérence, de simplification, vous introduisez, dès l'article premier, une complexité nouvelle, en confiant la gestion du personnel au ministre de l'intérieur tandis que le ministre de la défense conserve les compétences disciplinaires, sauf pour les mises en disponibilité d'office qui resteront l'apanage du ministre de l'intérieur... On se demande comment seront gérés les dossiers disciplinaires !

On est de même en droit de s'interroger sur les conséquences de l'autorité des préfets sur les groupements de gendarmerie. A quoi serviront les généraux de gendarmerie ? Les régions de gendarmerie ? Va-t-on confier à des généraux de division le soin d'assurer la gestion déconcentrée du personnel et celle des infrastructures ? C'est un peu court !

Mêmes interrogations sur la direction générale de la gendarmerie nationale, qui, mise sur le même pied que la direction générale de la police nationale, risque de se transformer, à l'image de la direction centrale de la sécurité publique, en structure dépourvue de toute autorité opérationnelle à l'exception du planning d'emploi des escadrons de gendarmerie mobile. Où est alors la cohérence avec l'évolution vers un statut de quatrième armée, avec un général d'armée pour directeur général, un inspecteur général du même rang et un major général du rang de général de corps d'armée ?

Rationalisation et modernisation appelaient bien d'autres réponses, en particulier sur les missions militaires de la gendarmerie, devenues résiduelles avec l'abandon des missions de défense opérationnelle du territoire et la suspension du service national ainsi que sur la prévôté des armées, qui ne correspond plus à grand-chose du fait de la quasi-disparition de la justice militaire.

On peut aussi regretter que ce texte ne soit pas l'occasion de supprimer ou de réformer quelques formations spécialisées, telles que la gendarmerie de l'armement, dont les effectifs trouveraient ailleurs un meilleur emploi, évitant, par exemple, la suppression de brigades rurales.

Plus grave sans doute, les articles 2 et 3 renoncent au principe de réquisition, et ainsi à une disposition majeure du décret de 1903 -purement et simplement abrogé par l'article 8- qui réserve à l'autorité militaire le commandement de la gendarmerie. Mais en quoi la révision, peut-être nécessaire, de cette procédure rend-elle nécessaire la subordination aux préfets, qui exercent au quotidien, sans pourtant s'immiscer dans le service intérieur de l'arme, une autorité quotidienne sur la gendarmerie, qu'il s'agisse de la préparation d'une visite ministérielle, d'un service d'ordre à l'occasion d'une manifestation quelconque ou d'une demande d'attention particulière à une zone ou à une forme particulière de délinquance ? La question de la réquisition, adressée aux généraux de région de gendarmerie, ne se pose que pour obtenir le concours d'escadrons de gendarmerie mobile, parce qu'il s'agit de forces de 3e catégorie. Il suffirait donc de déclasser ces forces pour que les préfets puissent obtenir le concours de ces escadrons sur simple demande adressée à la direction générale, comme cela est le cas pour les CRS. On pourrait même imaginer une cellule conjointe, rattachée directement au cabinet du ministre, et chargée de la gestion des forces de maintien de l'ordre. Il existe d'ailleurs déjà un officier de liaison de la direction générale de la gendarmerie nationale auprès du directeur général de la police nationale.

En soumettant la gendarmerie à l'autorité des préfets, vous la privez de son indépendance...

M. Josselin de Rohan, président de la commission.  - Un corps militaire indépendant, on aura tout vu !

Mme Virginie Klès.  - ...garante de son éthique, vous l'alignez sur la sécurité publique, avec les risques de dérives que cela comporte, vous nous privez de cette dualité de forces et d'approche qui contribue au bon fonctionnement de la police au sens large, et dont la France se glorifie depuis vingt ans dans toutes les réunions de l'OSCE... Il serait bien préférable, si vous placez la gendarmerie aux ordres du ministère de l'intérieur, de la faire dépendre aussi du ministère de la justice, grand oublié de votre texte, et, pour l'exécution des missions qui pourraient lui être confiées, aux ordres de ses chefs. Supprimer la spécificité du principe de non-ingérence d'une autorité civile, tant celle des préfets que celle des procureurs, dans l'exécution du service intérieur de la gendarmerie, c'est prendre le risque d'un glissement vers le statut civil et, à moyen terme, de la fusion avec les services de police, c'est signer, en rendant possibles les excès de pouvoir, le recul des libertés publiques et des droits individuels dans notre pays. En matière judiciaire, notamment, placer les deux forces de police judiciaire disponibles sous une seule et même autorité, celle de la place Beauvau, n'est pas de nature à faire gagner en indépendance les procédures menées par les magistrats... Une telle confusion ne fait pas bon ménage avec la démocratie, comme nous l'enseigne assez l'histoire.

Qu'y avait-il, enfin, de commun entre le haut-plateau ardéchois, la forêt ardennaise et l'arrière-pays breton ? Un bureau de poste, une école, une gendarmerie. En un mot, une certaine continuité des services publics, une certaine idée de la République. La réduction des effectifs et la rationalisation menées au nom de la revue générale des politiques publiques ne peuvent que nuire à ce maillage territorial. Car la recherche de complémentarités se fera, ainsi que cela est écrit noir sur blanc dans le rapport d'étape de la RGPP, en fonction du seul objectif de lutte contre la délinquance. En clair, les implantations de brigades seront revues en fonction des « faits constatés ». Ce sont encore une fois le monde rural et les petites communes qui en feront les frais. Ç'en sera fait du droit égal pour tous à la sécurité.

L'article 4145-2, qui traite du logement en caserne, conduit à poser la question des casernements de gendarmerie, dont le financement incombe depuis longtemps aux collectivités locales. Le versement de la subvention d'État ne devrait plus être subordonné à une maîtrise d'ouvrage effective par une collectivité, afin de permettre le recours pérenne à une maîtrise d'ouvrage déléguée, via la SNI ou d'autres opérateurs.

Des dispositions évitant aux collectivités territoriales de supporter des distorsions importantes entre les loyers consentis par la direction générale de la gendarmerie nationale et les intérêts des emprunts souscrits auraient sans aucun doute eu mieux leur place dans ce texte que les questions relatives au classement indiciaire des gendarmes, qui relèvent du domaine réglementaire.

La convention de délégation de gestion signée le 28 juillet 2008 entre le ministre de la défense et le ministre de l'intérieur, permet de mutualiser les moyens et d'engager une meilleure synergie entre les services pour un meilleur service public de la sécurité à un coût maîtrisé.

Il n'y avait donc pas d'urgence à légiférer sur un texte imparfait, qui met à mal le statut militaire de la gendarmerie et menace les principes fondateurs de la République. J'espère que l'avenir nous donnera tort, ou plutôt que le législateur reviendra rapidement en arrière, comme il l'a fait déjà à trois reprises dans le passé. Nous ne voterons pas ce projet de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Fouché.  - Notre pays a deux forces de sécurité, et c'est bien comme cela ; nos concitoyens sont habitués à voir des gendarmes en milieu rural et des policiers en milieu urbain.

Le texte organise le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur à compter du 1er janvier 2009. Cette réforme est lourde de conséquences et d'interrogations dans les forces concernées, particulièrement dans la gendarmerie qui est à un tournant de son histoire. Le Sénat l'avait bien perçu, qui avait créé une mission d'information en 2007 et démontré, comme l'a fait la commission saisie au fond, son attachement au statut militaire de la gendarmerie. Parmi les éléments qui peuvent conduire un jeune à s'engager dans une force plutôt que dans une autre, le statut n'est pas le moindre, qui est la juste contrepartie des contraintes horaires et de disponibilité acceptées par les gendarmes. Ce statut doit être maintenu de façon durable, et même conforté après des réformes qui ont entretenu ici ou là des incertitudes. Le moment de la stabilisation est venu.

L'originalité de la gendarmerie doit être davantage mise en relief : sa zone de compétence ne couvre-t-elle pas 95 % du territoire et 50 % de la population ? Les gendarmes sont inquiets, ils attendent des assurances sur le logement, l'âge de départ à la retraite, le décompte des annuités, la qualité des formations, le maintien de certaines gendarmeries en milieu rural, alors que circulent des rumeurs de fermetures. (Applaudissements à droite)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Certains, même si cela peut faire sourire, ont jugé ce texte liberticide. Où sont les menaces pour les libertés ? Aucun ministre ne disposera d'un pouvoir exclusif sur la gendarmerie ! Il est évident que l'autorité judiciaire, protectrice des libertés individuelles, restera responsable de la gendarmerie pour l'exercice de ses missions judiciaires ! Je suis surprise par la nostalgie, pour ne pas dire le conservatisme intellectuel de certains ... (Mouvements divers à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - N'en faites pas trop !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Oui, monsieur Haenel, l'équilibre entre police et gendarmerie est la condition du succès du rattachement de celle-ci au ministère de l'intérieur. Il n'est pas question de la dépouiller de ses missions de police judiciaire. Chacune des deux forces doit pouvoir exprimer ses potentialités au service de la sécurité des Français, ce qui n'empêche pas la coordination. C'est ce que j'ai toujours souhaité, c'est ce que prévoit le texte.

J'ai entendu beaucoup de choses sur la disparition du statut militaire. Certaines interrogations sont légitimes, d'autres relèvent plutôt de la mauvaise foi. (Mouvements divers à gauche) C'est moi qui ai rétabli le recrutement des officiers de gendarmerie par Saint-Cyr, que vous aviez supprimé ! C'est moi qui ai nommé un général à la tête de la gendarmerie ! Que ne l'avez-vous fait ! C'est moi qui ai fait modifier les textes qui ouvraient la voie au syndicalisme dans la gendarmerie et les armées, des textes que vous aviez préparés, parce que syndicalisme et statut militaire sont à mes yeux antinomiques ! (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est cela, le conservatisme !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Ce projet de loi a justement pour but de conforter le statut militaire de la gendarmerie. J'ai toujours dit que je croyais à ce statut, qu'il était une garantie pour la démocratie et la République. (Applaudissements à droite) C'est bien pourquoi l'autorité du ministère de la défense est maintenue pour les missions liées au statut, c'est bien pourquoi le ministre de la défense et moi-même avons voulu conserver cet ancrage, afin que le statut ne puisse être remis en cause.

Oui, monsieur Fouché, le texte prévoit des sujétions et des obligations d'emploi et de logement qui conditionnent la capacité de l'État à assurer la couverture du territoire. Certains se sont émus sur le fondement d'un vieux document interne rédigé par un conseiller de Matignon, document dont j'ai démenti la mise en oeuvre mais qui a été abusivement utilisé ici ou là à la veille des élections sénatoriales.

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce n'est quand même pas nous qui l'avons écrit !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Comme pour les petites sous-préfectures, j'entends maintenir la présence de la gendarmerie là où l'autorité de l'État a besoin d'être réaffirmée. Si vous préférez fantasmer, libre à vous ! Le document que vous avez évoqué n'est pas d'actualité, si tant est qu'il ne l'ait jamais été. Je suis attachée au statut militaire comme je le suis à la sécurité des Français.

Mme Klès a évoqué de nombreux sujets, parfois éloignés du texte, en tout cas dans une certaine confusion. L'autorité du préfet sur la gendarmerie ne remet pas en cause la dualité des forces de sécurité pour l'exercice des missions de police judiciaire, qui est la condition du libre choix du magistrat tel que le définit le code pénal. Je le dis à MM. Faure et Haenel et à Mme Demessine pour les rassurer : pourquoi voulez-vous que le préfet commande directement les brigades ? Il n'y a rien d'autre dans le texte que ce qui se fait sans difficulté depuis six ans. Le préfet décidera en fonction des circonstances s'il doit envoyer des forces de gendarmerie mais il n'a ni la compétence ni la capacité de régler les questions opérationnelles. L'exercice de l'autorité de l'État, c'est souvent du bon sens.

La police intervient en zone urbaine et la gendarmerie en zone rurale, le partage étant possible en zone périurbaine. Les préfets ont déjà reçu des instructions strictes pour le respect de cette répartition. Ce qui ne veut pas dire que la gendarmerie ne pourra pas intervenir, mais en soutien seulement, en zone police, ou la police en zone gendarmerie dans les mêmes conditions.

Cela se fait en fonction des besoins, et ne constitue en rien une organisation générale et permanente. Va-t-on interdire la présence de gendarmes mobiles lors de manifestations en zones urbaines, ou de CRS lors de problèmes avec les vignerons ?

Nous abandonnons les réquisitions, mais il n'est pas question de supprimer tout formalisme ! La liberté de manifestation impose des règles pour assurer la sécurité de ceux-là mêmes qui en jouissent. Nous ne faisons que tirer les conséquences logiques du rattachement : comment se réquisitionner soi-même ? Les dispositions règlementaires assureront les mêmes garanties qu'aujourd'hui, mais nous pouvons simplifier les choses. Savez-vous le nombre des réquisitions ?

Mme Michelle Demessine.  - C'est dans le rapport !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je vous invite à vous en souvenir dans vos interventions ! Les commissions proposent des garanties pour éviter la banalisation de l'utilisation de moyens lourds.

Je remercie MM. de Rohan, Faure et Fouché d'avoir rappelé l'attachement des Français à la gendarmerie, notamment dans les zones rurales. Je suis très attentive à la présence de l'État sur l'ensemble du territoire ; il y a besoin de l'autorité de l'État, surtout dans les zones fragiles. Il n'est pas question de détourner les effectifs de la gendarmerie au bénéfice des zones urbaines, ni de remettre en cause le maillage territoriale des brigades. Une adaptation est nécessaire, mais cette présence demeurera.

Je suis très attentive aux préoccupations de bonne foi qui ont été exprimées. Je souhaite que ce texte bénéficie de l'expérience et de la sagesse du Sénat, dont j'aborderai les amendements avec la plus grande attention. Mon but est d'aboutir à un texte qui garantisse la protection des Français comme le maintien indispensable du statut de la gendarmerie. Je ne doute pas que nous parviendrons, ensemble, à un texte digne du dévouement, de la compétence et du courage des hommes et des femmes de la gendarmerie nationale. (Applaudissements à droite et au centre)

La discussion générale est close.

Renvoi en commission

M. Jean-Louis Carrère.  - Motion n°43, présentée par M. Carrère et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées, le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale (Urgence déclarée)

M. Jean-Louis Carrère.  - Parce que nous aimons la gendarmerie, nous sommes opposés à votre texte, qui aborde de la plus mauvaise manière la difficile question de la réforme, pourtant nécessaire, de la gendarmerie nationale.

Un sujet aussi important aurait mérité plus d'attention, de réflexion, de travail, plus de temps. Le temps de la réflexion est une économie de temps, disait Publilius Syrus. Or, si l'urgence a été déclarée, c'est que le temps manque, tout comme la réflexion ! Toujours assoiffé d'action, le Président de la République a indiqué qu'il voulait le rattachement plein et entier de la gendarmerie au ministre de l'intérieur. Mais avez-vous seulement envisagé les conséquences d'un tel rapprochement ?

La fusion des deux forces risque de provoquer un alignement progressif de leur statut. Or le statut militaire des gendarmes, soumis à une obligation de disponibilité et dont le temps de travail n'est pas limité, garantit une discipline et une éthique précieuses pour la République. Vous y portez atteinte sans autre forme de procès.

La dualité des forces de police est un grand principe républicain. Le fait que les pouvoirs de police ne relèvent pas tous d'une seule personne est une garantie contre les dérives d'un pouvoir trop centralisé. A l'heure de l'hyper-présidence, il appartient au Parlement de protéger la République par des garde-fous appropriés. Même si notre belle démocratie n'est pas menacée, elle reste un bien précieux et fragile... La suppression du principe de la réquisition de la force armée, qui date de 1789, porte atteinte à la République. II est insupportable que la gendarmerie soit désormais dans les mains du ministre ou du préfet sans la garantie fondamentale de la procédure formelle de réquisition !

Cette réforme ne compensera pas l'affaiblissement du maillage des brigades territoriales. Il aurait fallu améliorer la formation, et non pas diviser par deux le nombre d'écoles de gendarmerie ! Notre pays a besoin de ses gendarmes, qui sont bien souvent des remparts contre les débordements urbains.

Prenez le temps qu'il faut pour proposer à la représentation nationale un texte de qualité, qui soit examiné sereinement et non dans l'urgence. Ce texte n'est venu au Sénat que parce que l'Assemblée nationale n'a pas voté dans les délais impartis le projet de loi sur l'audiovisuel public ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Jacques Hyest.  - La faute à qui ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Le travail parlementaire est sacrifié aux effets d'annonce. (« Très bien » à gauche, marques d'indignation à droite) J'en veux pour preuve la diffusion d'amendements le soir, à la sauvette ! Il faut laisser à la commission le temps de faire un travail de qualité.

D'autant qu'un peu de temps vous serait utile pour rapprocher des positions antagonistes dans votre propre camp. Une fois de plus, vous provoquez la gauche pour tenter de réunir la droite ! (Approbation à gauche) Jean-Pierre Raffarin lui-même, qui parle ici en républicain, qualifie le rapprochement entre police et gendarmerie de « dangereux » et appelle à être très vigilant car, dit-il, les procédures pourraient un jour l'emporter sur les convictions...

Lorsque Nicolas Sarkozy était ministre de l'intérieur et vous-même ministre de la défense, vous vous étiez opposée à son projet de mise sous tutelle de la gendarmerie. (On le confirme à gauche) Que s'est-il passé depuis 2007 ?

Ce texte est inachevé et inopportun. Rien n'est prévu pour accompagner l'adaptation de la gendarmerie aux nouveaux défis. Pourtant, la réforme est nécessaire. Certes, la France a changé depuis 1903, date du dernier décret modifiant l'organisation de la gendarmerie, mais ce n'est pas en plaçant la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur que vous améliorerez la coordination entre policiers et gendarmes !

La gendarmerie est aujourd'hui inégalement répartie sur le territoire. Il ne faut pas dépouiller les zones rurales et périurbaines de leurs gendarmes, qui assurent des missions de proximité essentielles.

Trois anciens directeurs de la gendarmerie s'élèvent contre un texte qu'ils qualifient de « planificateur » et de « liberticide ». Ce matin, dans Libération, (exclamations ironiques à droite) le général Capdepont évoque une réforme contestée.

Selon le mot de l'écrivain Charles-Louis Philippe : « On a toujours l'art de mentir quand on parle à des gendarmes » ; madame la ministre, je souhaite que cette funeste tradition s'arrête ce soir ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean Faure, rapporteur.  - Je comprends que nous ne sommes pas d'accord, mais votre demande de renvoi en commission me surprend. Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur n'est pas un sujet nouveau : avant même que le Président de la République ne se prononce publiquement, nous avons installé un groupe de travail sur l'avenir des missions de la gendarmerie. Nous avons beaucoup travaillé !

M. Daniel Reiner.  - Le groupe de travail n'a pas dit qu'il fallait rattacher la gendarmerie au ministère de l'intérieur !

M. Jean Faure, rapporteur.  - Nous avons largement auditionné, puis formulé dix-sept propositions, toutes adoptées à l'unanimité puis diffusées dans un rapport d'information. Nous avons ensuite examiné ce texte en profondeur, j'ai conduit de nouvelles auditions, avec des responsables de la police, de la gendarmerie, des associations : la commission a joué tout son rôle. Son rapport a été examiné le 29 octobre, elle a adopté dix-huit amendements, tandis que la commission des lois adoptait seize amendements. Depuis un mois et demi, chaque groupe politique a eu largement le temps de préparer la séance publique. Le renvoi en commission ne se justifie pas : retrait, sinon rejet.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Si nous ne connaissions pas M. Carrère, si nous ne savions pas son goût pour la provocation, nous pourrions être surpris par son propos et lui répondre sévèrement !

M. le rapporteur a répondu sur le fond. Je retiendrai l'une de vos phrases, monsieur Carrère ; vous dites que la réforme est nécessaire : alors, faisons-là ! (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Je maintiens ma motion. Vous faites comme si la réforme pressait, alors que la loi de finances a pris des dispositions par anticipation, que nous ne connaissons rien de la Lopsi et que le travail préalable accompli par la commission ne concerne pas ce projet de loi.

Nous connaissions l'idée d'un rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, mais pas le texte lui-même : je demande son renvoi en commission, parce qu'il n'est pas achevé ! Si le Gouvernement a déposé des amendements encore ce soir à 19 heures, c'est bien qu'il considère lui-même que son texte n'est pas achevé ! Mes chers collègues, ne cédez pas à la pression : nous gagnerons en fait du temps en examinant sérieusement ce texte en commission ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La motion n°43 n'est pas adoptée.

M. Josselin de Rohan, président de la commission.  - Je demande une suspension de quinze minutes.

M. Jean-Louis Carrére   - La preuve !

La séance, suspendue à 22 h 20, reprend à 22 h 50.

Discussion des articles

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°52 rectifié, présenté par Mme Klès et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article premier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Afin de répondre à l'exigence d'information et de contrôle du Parlement, un rapport analyse la possibilité de créer une instance parlementaire chargée d'examiner les conditions de mise en oeuvre et d'exploitation des traitements automatisés de données à caractère personnel, y compris les traitements de données à caractère personnel couverts par le secret de la défense nationale, tenus par l'administration, les organismes publics et parapublics.

Ce rapport prend en compte les finalités et la nature, y compris anthropomorphique, des informations enregistrées, les conditions d'âge autorisant ou interdisant l'inscription, les destinataires des informations, les modes d'alimentation, de consultation et de traçabilité ainsi que les croisements opérés entre les traitements de données à caractère personnel mentionnés ci dessus, la durée de conservation, les procédures d'accès et de correction des informations et les modalités d'archivage, de transferts et d'apurement de ces derniers.

Il se prononce sur le développement et l'application de référentiels communs.

Il s'interroge sur les personnalités susceptibles d'être entendues dans le cadre de cette mission telles que le Premier ministre, les ministres, les directeurs des services gestionnaires et les personnes chargées d'administrer les traitements automatisés de données à caractère personnel précités ainsi que le Défenseur des droits et les présidents des autorités administratives indépendantes chargées de la protection des droits et des libertés fondamentales.

Le dépôt du rapport est suivi d'un débat dans chaque assemblée.

Mme Virginie Klès.  - Comme indiqué dans cet amendement, nous demandons au Gouvernement un rapport sur la création éventuelle d'une instance parlementaire chargée de contrôler le traitement automatisé des données à caractère personnel. J'ai l'impression désagréable de tenter d'apercevoir un embryon de début de solution et je regrette cette lenteur d'escargot quand on voit à quelle vitesse des textes éminemment importants sont examinés et mis en bouteille sans autre forme de procès.

Au départ notre amendement était plus ambitieux, puisqu'il proposait la création d'un observatoire parlementaire, mais la commission des finances l'a jugé irrecevable. Ce qui est possible lorsque le Sénat crée deux vice-présidences et des postes de secrétaires supplémentaires ne le devient manifestement plus lorsqu'il faut financer une instance de contrôle des fichiers.

Les craintes suscitées par la création du fichier Edvige ont montré à quel point la question du contrôle des fichiers de police et de gendarmerie est sensible. La Cnil veille à ce que leur création et leur utilisation respectent les lois et les règlementations et vous avez réactivé le groupe de contrôle des fichiers institué par votre prédécesseur.

Notre quotidien est envahi par un flot de données personnelles et nous devons empêcher que cette traçabilité permette d'accroître les contrôles et surtout la création de méga-fichiers de données centralisées et interconnectables.

Cet observatoire examinerait les conditions de mise en oeuvre et d'exploitation des traitements automatisés de données à caractère personnel, celles couvertes par le secret de la défense nationale relevant de la compétence de la Délégation parlementaire aux renseignements.

Il est impératif de donner à la police et à la justice les moyens de contrôler nos identités mais les autorités politiques et la société civile doivent superviser les modalités et la finalité des contrôles.

M. Jean Faure, rapporteur.  - Le contrôle des fichiers de la gendarmerie et de la police est un sujet sensible. A la suite de la polémique suscitée par le projet Edvige, Mme Alliot-Marie a décidé de réactiver le groupe de travail sur les fichiers mis en place en juin 2006 et qui avait rendu un rapport cinq mois plus tard. Ce groupe, présidé par M. Alain Bauer, vient de remettre un nouveau rapport le 11 décembre qui contient 26 recommandations pour améliorer et mieux contrôler l'usage des fichiers de police et de gendarmerie, dont la création d'une commission indépendante présidée par un magistrat.

La rédaction de cet amendement est curieuse : pourquoi demander au Gouvernement de présenter un rapport alors que le groupe de travail vient de remettre ses conclusions ? Il serait en outre étonnant qu'un rapport du Gouvernement envisage la création d'une instance parlementaire : il revient au Parlement seul de décider la création d'une telle instance. Enfin, il ne faut pas oublier la Cnil, présidée par notre collègue Türk, qui joue un rôle central en matière de protection des données personnelles. Je souhaite donc le retrait de cet amendement.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Cet amendement est étonnant, alambiqué et, pour tout dire, inadapté. Il n'a pas sa place dans ce projet de loi. Bien entendu, je souhaite améliorer le contrôle des données à caractère personnel, comme je l'ai encore rappelé lorsque le groupe de travail présidé par M. Bauer m'a rendu son rapport, mais la procédure proposée ici est inadaptée.

L'amendement n°52 rectifié n'est pas adopté.

Article premier

Le code de la défense est ainsi modifié :

1° Les premier, deuxième et troisième alinéas de l'article L. 1142-1 sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Le ministre de la défense est responsable sous l'autorité du Premier ministre, de l'exécution de la politique militaire.

« Sous réserve de l'article L. 3225-1, il est en particulier chargé de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation de l'ensemble des forces ainsi que de l'infrastructure militaire qui leur est nécessaire. Il assiste le Premier ministre en ce qui concerne leur mise en oeuvre. Il a autorité sur l'ensemble des forces et services des armées et est responsable de leur sécurité. » ;

2° Le dernier alinéa de l'article L. 3211-2 est supprimé ;

3° Après l'article L. 3211-2, il est inséré un article L. 3211-3 ainsi rédigé :

« Art. L. 3211-3. - La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à la sûreté et la sécurité publiques. Elle assure le maintien de l'ordre, l'exécution des lois et des missions judiciaires, et contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques. Elle contribue en toutes circonstances à la protection des populations. Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation. » ;

4° Au chapitre V du titre II du livre II de la partie 3 du code de la défense, il est créé un article L. 3225-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3225-1. - La gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, responsable de son organisation, de sa gestion, de sa mise en condition d'emploi et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire, sans préjudice des attributions du ministre de la défense pour l'exécution des missions militaires de la gendarmerie nationale et de l'autorité judiciaire pour l'exécution de ses missions judiciaires.

« Le ministre de la défense participe à la gestion des ressources humaines de la gendarmerie nationale dans des conditions définies par décret en Conseil d'État et exerce à l'égard des personnels militaires de la gendarmerie nationale les attributions en matière de discipline. »

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par M. Carrère et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Daniel Reiner.  - Le rattachement organique de la gendarmerie nationale est transféré au ministre de l'intérieur. La nature et la spécificité de cette force armée risquent d'en être gravement affectées. Nous sommes soucieux de préserver les libertés publiques et refusons de nous engager dans cette voie incertaine. Le statut militaire lui-même est menacé, une fusion se profile, contraire à la tradition française et républicaine de dualité des forces.

Notre collègue M. Haenel avait, dans le journal La Croix, exprimé un point de vue que nous partageons : s'il est nécessaire, écrivait-il, de situer clairement la place de la gendarmerie nationale par rapport à son ministère de rattachement, la défense, comme à ses ministères d'emploi, ceux de l'intérieur et de la justice, « il ne faudrait pas donner le sentiment que la gendarmerie passe avec armes et bagages au ministère de l'intérieur ». C'est hélas exactement ce qui est en train d'arriver.

Nous voulons une sécurité maximum, le développement de toutes les synergies entre forces ; mais ne tournons pas le dos à la tradition républicaine. Nos rapporteurs, dans le travail qu'ils ont effectué en avril dernier, ont bien cerné les problèmes et les dangers. Mais le projet de loi, peut-être parce qu'il est piloté par l'Élysée, ne prend pas en compte leurs recommandations. Le rapport d'information de notre rapporteur, président du groupe de travail sur l'organisation et les missions de la gendarmerie, le soulignait : il existe deux forces de police, l'une à statut civil, l'autre militaire ; ce n'est pas seulement un héritage de l'histoire, c'est une garantie pour l'État républicain et citoyen.

La qualité de ceux qui servent la gendarmerie avec sens du devoir et du sacrifice mérite un hommage. Le projet de loi fait fi de la spécificité de cette force, inscrite dans la géographie de notre pays, seule à pouvoir contrôler l'ensemble du territoire et répondre en toutes circonstances et en tous lieux aux attentes de nos concitoyens. Alors que la notion de sécurité prend une importance croissante -parfois au détriment des libertés, mais c'est un autre débat-, les gendarmes sont les seuls, par leurs moyens militaires, par leur cohésion et les conditions d'emploi de leur force, à pouvoir maintenir ou restaurer l'ordre dans des situations de crise grave.

On nous parle de continuité entre la sécurité intérieure et extérieure. Le Livre blanc de la défense fait son miel de cette trouvaille conceptuelle ; mais on s'apprête à brader cette troisième force qui assure la continuité entre actions de police et actions militaires, entre défense du territoire et maintien de l'ordre, entre sécurité intérieure et sécurité extérieure.

Une désorganisation de la gendarmerie, une nouvelle guéguerre, une confusion des genres seraient gravement dommageables pour notre pays.

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.

Rédiger comme suit le dernier alinéa du 1° de cet article :

« Sous réserve de l'article L. 3225-1, il a autorité sur l'ensemble des forces et services des armées et est responsable de leur sécurité ; il est chargé de l'organisation, de la gestion, de la mise en condition d'emploi et de la mobilisation de l'ensemble des forces ainsi que de l'infrastructure militaire qui leur est nécessaire ; il assiste le Premier ministre en ce qui concerne leur mise en oeuvre. »

M. Jean Faure, rapporteur.  - Amendement de clarification. L'article tire les conséquences du transfert en modifiant les compétences du ministre de la défense et la répartition des attributions entre celui-ci et le ministre de l'intérieur. La loi de programmation militaire modifiera du reste l'article L. 3225 pour tenir compte des recommandations du Livre blanc de la défense.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°20, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.

Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3211-3 du code de la défense :

« Art. L. 3211-3. - La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l'exécution des lois. La police judiciaire constitue l'une de ses missions essentielles.

« La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication.

« Elle contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques, ainsi qu'à la protection des populations.

« Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

« L'ensemble de ses missions, civiles et militaires, s'exécute sur toute l'étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu'aux armées. »

M. Jean Faure, rapporteur.  - Notre amendement tend à préciser les missions de la gendarmerie et à modifier leur ordre de présentation. L'exécution des lois, qui correspond d'ailleurs à la devise de la gendarmerie -« Force à la loi »-, vient en premier. La référence à la sûreté publique est inutile, la notion de sécurité publique suffit. Nous voulons surtout préciser les « missions judiciaires », formule ambiguë qui laisse penser que cet aspect est marginal, alors qu'il représente 40 % de l'activité ! Reprenons sur ce point la rédaction du décret de 1903.

Il paraît également nécessaire d'affirmer l'ancrage territorial de la gendarmerie, force de sécurité essentiellement rurale et périurbaine, présente par conséquent sur 95 % du territoire et auprès de la moitié de la population. Une autre spécificité historique de la gendarmerie tient au contrôle qu'elle exerce sur les voies de communication. Voyez le décret de 1903.

La gendarmerie est investie d'une mission de police judiciaire à l'égard des armées, y compris lors des interventions armées à l'étranger. Enfin, il semble utile d'ajouter une référence aux actions internationales car la gendarmerie contribue activement à la coopération policière européenne et internationale, ainsi qu'aux opérations extérieures. Actuellement, 370 gendarmes sont déployés en opérations extérieures, notamment au Kosovo et en Bosnie, en Côte d'Ivoire et en Géorgie.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°59 à l'amendement n°3 de M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, présenté par le Gouvernement.

I. - Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n°3 pour l'article L. 3211-3 du code de la défense par les mots :

et des missions judiciaires

II. - Supprimer la seconde phrase du même alinéa.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Les « missions judiciaires » couvrent bien les activités de police judiciaire. C'est pourquoi je propose d'en revenir sur ce point à une formule plus restrictive. Je préfère la rédaction concise du Gouvernement, mais si vous désirez énumérer les missions, je me rangerai à votre souhait.

Mme la présidente.  - Amendement n°21, identique à l'amendement n°3, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Il est exposé.

Mme la présidente.  - Amendement n°47, présenté par M. Carrère et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le texte proposé par le 3° de cet article pour l'article L. 3211-3 du code de la défense :

« Art. L. 3211-3. - La gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à l'exécution des lois. La police judiciaire constitue l'une de ses missions essentielles.

« Le statut général des militaires s'applique au personnel de la gendarmerie nationale.

« La gendarmerie nationale est destinée à assurer la sécurité publique et l'ordre public, particulièrement dans les zones rurales et périurbaines, ainsi que sur les voies de communication.

« La densité de son réseau de brigades territoriales permet à la gendarmerie d'assurer le contrôle de l'ensemble du territoire national.

« Elle contribue à la mission de renseignement et d'information des autorités publiques, ainsi qu'à la protection des populations.

« Elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la Nation.

« L'ensemble de ses missions, civiles et militaires, s'exécute sur toute l'étendue du territoire national, hors de celui-ci en application des engagements internationaux de la France, ainsi qu'aux armées. »

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est un amendement de repli, qui vise d'une part à préciser que le statut général des militaires s'applique au personnel de la gendarmerie nationale, d'autre part à conforter l'ancrage territorial grâce à la densité du réseau des brigades.

Grâce au statut militaire, grâce au logement concédé par nécessité absolue de service, la gendarmerie est réactive. Ses unités sont fortement déconcentrées, sur 95 % du territoire, en métropole comme outre-mer. Il est vital que cette force puisse intervenir en tout lieu, il y va de l'égalité d'accès au service public de la sécurité. Notre amendement rejoint ceux des commissions.

Bref, dans un esprit constructif, nous voulons rappeler explicitement dans la loi le statut militaire des gendarmes et leur ancrage territorial, ce qui devrait recueillir l'accord de tous...

Mme la présidente.  - Amendement n°49, présenté par M. Carrère et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit le 4° de cet article :

4° La gendarmerie nationale, tout en étant sous les ordres du ministre de la défense, est placée dans les attributions du ministre de l'intérieur pour l'exercice de ses missions de sécurité intérieure et de l'autorité judiciaire pour l'exercice de la police judiciaire et pour l'exécution de ses autres missions judiciaires.

M. Daniel Reiner.  - Avec cet amendement de repli, nous souhaitons affirmer que la gendarmerie est placée sous la triple tutelle de la défense, de l'intérieur et de la justice, conformément à l'article 4 du décret de 1903. Pourquoi rompre aujourd'hui cet équilibre historique en plaçant les deux forces de sécurité dans la seule main du ministère de l'intérieur ? Cette réforme, outre les dangers qu'elle présente pour les libertés publiques et l'indépendance de la justice, prépare la fusion des deux forces.

Mme la présidente.  - Amendement n°60, présenté par le Gouvernement.

Dans le premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense, remplacer les mots :

, sans préjudice des attributions du ministre de la défense pour l'exécution des missions militaires de la gendarmerie nationale

par les mots :

. La gendarmerie est placée sous l'autorité du ministre de la défense pour l'exécution de ses missions militaires, notamment lorsqu'elle participe à des opérations des forces armées à l'extérieur du territoire national,

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Je me rallie à l'amendement n°4 rectifié de la commission.

L'amendement n°60 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense :

Sans préjudice des attributions de l'autorité judiciaire pour l'exercice de ses missions de police judiciaire, la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, responsable de son organisation, de sa gestion, de sa mise en condition d'emploi et de l'infrastructure militaire qui lui est nécessaire. Pour l'exécution de ses missions militaires, notamment lorsqu'elle participe à des opérations des forces armées à l'extérieur du territoire national, la gendarmerie nationale est placée sous l'autorité du ministre de la défense.

M. Jean Faure, rapporteur.  - La nouvelle rédaction de cet amendement tient compte des préoccupations du Gouvernement et de la commission des lois.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°58 à l'amendement n°4 rectifié de M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, présenté par le Gouvernement.

Rédiger comme suit le dernier alinéa de l'amendement n°4 :

pour l'exercice des missions de police judiciaire.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Même chose que pour l'amendement n°60.

Le sous-amendement n°58 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°22, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.

Après les mots :

et de l'autorité judiciaire

rédiger comme suit la fin du premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense :

pour l'exercice de la police judiciaire et pour l'exécution des autres missions judiciaires.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Il est satisfait par l'amendement n°4 rectifié.

L'amendement n°22 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par M. Pozzo di Borgo.

Après le premier alinéa du texte proposé par le 4° de cet article pour l'article L. 3225-1 du code de la défense, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque les forces de gendarmerie participent à des interventions des forces armées, à l'extérieur du territoire national, sous commandement militaire, elles sont placées sous l'autorité du ministre de la défense.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Nous précisons que la gendarmerie est placée sous tutelle de la défense lorsqu'elle participe à des opérations sur des théâtres extérieurs.

M. Jean Faure, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°44 qui revient sur le coeur du projet de loi : le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur. Avis favorable à l'amendement n°20. Le sous-amendement n°59 est satisfait par le n°4 rectifié de la commission, retrait ? La rédaction de l'amendement n°47 pose problème : la gendarmerie, outre que ses personnels civils n'ont pas le statut de militaire qui est naturellement conservé aux officiers, a des zones de compétences bien précises, soit 95 % du territoire et, principalement, les zones rurales et périurbaines. Retrait, sinon défavorable. Avis défavorable à l'amendement n°49 qui est satisfait par l'amendement n°4 rectifié de la commission, comme l'est l'amendement n°35, dont je demande le retrait. (Assentiment)

L'amendement n°35 est retiré.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Avis défavorable à l'amendement n°44 : le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur, nécessaire à la mise en oeuvre d'une politique de sécurité efficace, se fera dans le respect du statut militaire de ce corps auquel le Président de la République, le Gouvernement et moi-même sommes attachés. Avis favorable aux amendements identiques nos2 et 20, qui lèvent une ambiguïté, comme aux amendements nos3 et 21 qui précisent les missions de la gendarmerie. Après l'accord sur l'amendement n°4 rectifié, je retire le sous-amendement n°59. L'amendement n°47 est curieux. On ne peut conférer le statut militaire à tous les personnels de la gendarmerie nationale, qui compte beaucoup de civils.

Quant à l'ancrage territorial de la gendarmerie, le Gouvernement n'a pas l'intention de le remettre en question et M. le rapporteur vous a rassurés sur ce point. Avis défavorable à l'amendement n°49 qui s'en tient au statu quo.

Le sous-amendement n°59 est retiré.

M. Jean-Louis Carrère.  - L'examen des amendements à cet article premier est la preuve éclatante que la commission aurait dû approfondir la réflexion sur ce texte. En tant qu'ancien instituteur, j'ai la nette impression que personne ici n'a suivi... Il n'est pas sérieux de légiférer ainsi sur un texte aussi important. (M. Daniel Reiner approuve) Mieux aurait valu renvoyer ce projet de loi en commission.

Les amendements continuent à tomber ; ce n'est pas sérieux. Je ne me fais pas d'illusion sur le sort qui va être réservé à celui-ci. Mais, franchement, tentons de trouver une solution satisfaisante pour la gendarmerie !

L'amendement n°44 n'est pas adopté.

M. Jean-Louis Carrère.  - L'article L. 1142 modifié devra être à nouveau modifié lors de l'examen du projet de loi de programmation militaire 2009-2014. Encore une preuve que vous légiférez dans la confusion et l'incohérence !

Les amendements identiques n°2 et n°20 sont adoptés.

Les amendements identiques n°3 et n°21 sont adoptés.

L'amendement n°47 devient sans objet.

M. Jean-Louis Carrère.  - Pourquoi l'amendement n°47 est-il devenu sans objet ?

Mme la présidente.  - Parce que l'amendement n°3 a réécrit entièrement l'article L. 3211-3 et que cet article ne peut être rédigé deux fois.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

L'amendement n°4 rectifié est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°36, présenté par M. Pozzo di Borgo.

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La direction générale de la gendarmerie nationale est une direction autonome au sein du ministère de l'intérieur.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - Cet amendement, qui correspond à une recommandation du groupe de travail adoptée à l'unanimité par la commission des affaires étrangères et de la défense, consacre l'existence de la direction générale de la gendarmerie nationale et son autonomie au sein du ministère de l'intérieur. C'est une garantie du maintien de la dualité des forces de sécurité dans notre pays et du statut militaire de la gendarmerie.

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par M. Pozzo di Borgo.

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le directeur général de la gendarmerie nationale est nommé par décret en Conseil des ministres par le Président de la République parmi les officiers généraux de gendarmerie.

M. Yves Pozzo di Borgo.  - C'est aussi une recommandation du groupe de travail. Cet amendement inscrit dans la loi le principe selon lequel le directeur général de la gendarmerie nationale est désigné parmi les officiers généraux de gendarmerie. Alors que ce poste a pendant longtemps été occupé soit par des officiers des armées, soit par des magistrats ou des préfets, depuis quelques années -et c'est à vous qu'on le doit, madame la ministre-, il a été décidé de nommer un officier général issu des rangs de la gendarmerie pour occuper cette fonction. On observe le même phénomène à la direction générale de la police nationale, dont le directeur général est un policier. Dans le contexte du rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l'intérieur, cette règle constitue une garantie du maintien du statut militaire de la gendarmerie. Il y a quelques années, j'avais été choqué de voir des gendarmes manifester : si leur patron avait été un gendarme, et non un préfet, il n'est pas sûr qu'ils l'auraient fait.

M. Jean Faure, rapporteur.  - La commission partage bien entendu les préoccupations de l'auteur de ces amendements. Cependant, l'organisation interne d'un ministère ne relève pas de la loi. Donc, retrait du n°36.

De même, si l'appartenance du directeur général à la gendarmerie est une garantie, inscrire cette obligation dans la loi serait une rigidité excessive et cela ne relève peut-être pas non plus de la loi. Retrait ou rejet du n°37.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Le Gouvernement partage ces préoccupations et tout le texte le prouve. Cependant, l'organisation interne du ministère relève du décret.

Merci d'avoir rappelé que c'est moi qui ai fait nommer des directeurs généraux appartenant à la gendarmerie. Cela correspond à une attente mais la loi n'a pas à dire comment sont nommés les directeurs généraux. Si cela avait été le cas à l'époque, nous n'aurions pas pu nommer un gendarme à la tête de la gendarmerie nationale.

Donc, retrait de ces deux amendements.

Les amendements nos36 et 37 sont retirés.

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.

Après l'article premier insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 15-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 15-4 ainsi rédigé :

« Art. 15-4.- Le procureur de la République et le juge d'instruction ont le libre choix des formations auxquelles appartiennent les officiers de police judiciaire territorialement compétents. »

M. Jean Faure, rapporteur.  - Cet amendement inscrit dans la partie législative du code de procédure pénale le principe de libre choix du service enquêteur par l'autorité judiciaire. Le dualisme de la police judiciaire constitue une garantie fondamentale d'indépendance pour l'autorité judiciaire. II permet au procureur et au juge d'instruction de choisir librement entre la police et la gendarmerie et de ne pas dépendre ainsi d'un seul service pour réaliser les enquêtes. Or, ce principe ne figure actuellement que dans la partie réglementaire du code de procédure pénale. Cet amendement doit être examiné en liaison avec l'amendement précédent, à l'article premier, qui affirme clairement que la police judiciaire est une mission essentielle de la gendarmerie nationale.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°23, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Il est défendu.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Avis favorable à ce souci de respecter le dualisme des services d'enquête, même si, à aucun moment, il n'a été menacé.

M. Jean-Louis Carrère.  - Ces amendements préservent utilement les attributions de l'autorité judiciaire face à la voracité prévisible du ministère de l'intérieur. (Protestations sur plusieurs bancs à droite) D'autant que le projet risque de remettre en cause le dualisme de la police judiciaire, donc le libre choix de l'enquêteur. Je regrette, soit dit en passant, que ni le garde des sceaux ni le ministre de la défense n'aient eu la courtoisie d'être présents à ce débat. (On approuve sur plusieurs bancs à droite, on applaudit à gauche)

Les amendements identiques n°s5 et 23 sont adoptés et deviennent article additionnel.

Article 2

À l'article L. 1321-1 du code de la défense, après les mots : « Aucune force militaire » sont insérés les mots : «, à l'exception de la gendarmerie nationale, ».

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Demessine.  - Cet article est révélateur de la méthode que vous avez choisie pour faire passer ce texte pour une simple réforme de structure : vous prétendez d'un côté préserver le statut militaire, vous le videz, de l'autre, de tout contenu. En supprimant la procédure de réquisition écrite, vous déniez à la gendarmerie sa spécificité de force militaire, vous contrevenez au principe de non-subordination des forces armées aux autorités civiles et vous banalisez l'emploi de la force armée.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ne saurait être invoqué comme motif : c'est du pouvoir exécutif, non de ses autorités hiérarchiques que relève l'emploi des forces de l'ordre.

Si la réquisition mérite sans doute d'être modernisée, la gradation de la procédure a fait la preuve de son efficacité. Sans compter qu'en supprimant cet échelon, vous ôtez aux commandants d'unités toute possibilité de recours pour abus de pouvoir.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°45, présenté par M. Carrère et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Daniel Reiner.  - Le principe de réquisition, héritage de la Révolution française, est consacré dans notre code de la défense, qui dispose que les forces armées, pour participer au maintien de l'ordre, doivent être légalement requises.

En remettant en cause la réquisition, vous dénaturez le caractère militaire des forces de gendarmerie et méconnaissez l'absence de lien de subordination hiérarchique entre autorité civile et autorité militaire, laquelle reste maîtresse des modalités d'exécution de la mission qui lui est confiée, et qui engage sa responsabilité dans l'action, le contrôle de proportionnalité étant exercé par le juge. Elle est une véritable garantie pour les citoyens, pour l'armée elle-même, pour les institutions. Les propos des directeurs généraux de la gendarmerie nationale, sur lesquels je ne reviendrai pas, sont éloquents. Il convient en outre de bien distinguer entre les militaires de la gendarmerie départementale, qui exercent de leur initiative et au quotidien leur mission de sécurité publique, la gendarmerie mobile et la garde républicaine.

Le maintien de la réquisition ne serait pas compatible, dites-vous, avec le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ? C'est bien pourquoi nous avions proposé un amendement de suppression de l'article premier, comme de l'article 3. J'ajoute que le groupe de travail sur l'avenir et l'organisation des missions de la gendarmerie a conclu à la nécessité de conserver le principe de la réquisition, élément important de notre système de sécurité et d'ordre public. Je regrette que les commissions, ayant choisi de soutenir les objectifs de ce texte, se soient trouvées dans l'obligation de chercher à encadrer le recours aux moyens militaires spécifiques dont dispose la gendarmerie nationale en matière de maintien de l'ordre ainsi que les conditions d'usage des armes.

Nous ne serions pas opposés à une rénovation de la procédure et à l'allégement des formalismes administratifs si le principe de la réquisition n'était pas remis en cause.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.

Rédiger comme suit cet article :

L'article L. 1321-1 du code de la défense est ainsi rédigé :

« Art. L. 1321-1. -  Aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles ou du maintien de l'ordre, sans une réquisition légale.

« Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables à la gendarmerie nationale. Toutefois, lorsque le maintien de l'ordre public nécessite le recours à des moyens militaires spécifiques, leur utilisation est soumise à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les conditions d'usage des armes pour le maintien de l'ordre public sont définies à l'article 25-2 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. »

M. Jean Faure, rapporteur.  - La commission se rallie à l'amendement quasiment identique n°24 de la commission des lois.

Mme la présidente.  - Amendement n°24, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.

  Rédiger comme suit cet article :

L'article L. 1321-1 du code de la défense est ainsi rédigé :

« Art. L. 1321-1. -  Aucune force armée ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles ou du maintien de l'ordre, sans une réquisition légale.

« Les dispositions du précédent alinéa ne sont pas applicables à la gendarmerie nationale. Toutefois, lorsque le maintien de l'ordre public nécessite le recours à des moyens militaires spécifiques, leur utilisation est soumise à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les conditions d'usage des armes à feu pour le maintien de l'ordre public sont définies à l'article 25-2 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité. »

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - La suppression de la réquisition est justifiée par la lourdeur de la procédure actuelle et par le fait que, la gendarmerie étant placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur et du préfet, il serait absurde que ces derniers aient à requérir des moyens dont ils disposent. Il semble cependant opportun de prévoir une procédure d'autorisation pour l'usage par la gendarmerie de moyens militaires au maintien de l'ordre, comme les véhicules blindés à roues, dont la nature particulière justifie que l'instruction interministérielle du 9 mai 1995 prévoie une procédure particulière de réquisition, après autorisation du Premier ministre ou de l'autorité à laquelle il a donné délégation.

M. Jean Faure, rapporteur.  - Défavorable aux amendements n°38 et n°45. Favorable à l'amendement n°24.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Que le ministre de l'intérieur n'ait pas à requérir des moyens dont il dispose ne signifie pas que tout formalisme est abandonné. Un texte d'application garantira la traçabilité des ordres de l'autorité civile. Défavorable, par conséquent, aux amendements n°38 et n°45.

Je comprends que la commission veuille renforcer les garanties offertes au citoyen en encadrant l'utilisation des matériels spécifiques dont dispose la gendarmerie. Je précise cependant que l'autorisation du Premier ministre, obligatoire depuis 1947 pour l'emploi d'engins blindés dans les opérations de maintien de l'ordre n'est pas remise en cause. Avis favorable néanmoins.

L'amendement n°38 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°45.

M. Jean-Louis Carrère.  - Je rappelle que le groupe de travail préconisait le maintien de la réquisition, qui garantit de surcroît la préservation du statut militaire. Vous évoquez un décret en conseil d'État dont nous ne savons rien. Donnez-nous au moins les orientations que vous envisagez de donner à ce décret, faute de quoi nous ne pourrons voter ce texte.

M. Jean Faure, rapporteur.  - Le groupe de travail n'entendait pas reconduire la réquisition, mais la rénover. Il paraît difficile de demander au ministre de l'intérieur de réquisitionner des forces dont il peut déjà disposer pour le maintien de l'ordre, sauf si l'on va au-delà des usages habituels, si l'on fait par exemple appel à des moyens exceptionnels : dans ce cas, l'obligation de réquisition est maintenue. La société a évolué, nous voulons faciliter la tâche du ministre.

L'amendement n°24 est adopté et devient l'article 2.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.

Après l'article 2 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 25-1 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un article 25-2  ainsi rédigé :

« Art. 25-2.- Lorsque le maintien de l'ordre public nécessite l'usage des armes par la police nationale ou la gendarmerie nationale, hors les deux cas d'emploi de la force sans formalité préalable prévus par l'article 431-3 du code pénal, leur utilisation est soumise à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. »

M. Jean Faure, rapporteur.  - La commission des affaires étrangères se rallie à l'amendement très proche de celle des lois

L'amendement n°7 est retiré.

Le sous-amendement n°61 devient sans objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°25, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.

Après l'article 2 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 25-1 de la loi n°95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité, il est inséré un article 25-2 ainsi rédigé :

« Art. 25-2.- Lorsque le maintien de l'ordre public nécessite l'usage des armes à feu par la police nationale ou la gendarmerie nationale, hors les deux cas d'emploi de la force sans formalité préalable prévus par l'article 431-3 du code pénal, leur utilisation est soumise à autorisation dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. »

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Il s'agit d'étendre aux CRS et aux gendarmes mobiles la nouvelle procédure d'autorisation d'usage des armes à feu pour le maintien de l'ordre aux fins de disperser un attroupement. Cette procédure ne jouerait cependant pas dans les deux cas prévus par l'article 431-3 du code pénal : si des violences ou des voies de fait sont exercées contre la force publique ou si celle-ci ne peut défendre autrement le terrain qu'elle occupe. Il est difficile de concevoir que des armes à feu puissent être utilisées pour disperser un attroupement après sommations sans que l'autorité civile compétente ait donné son accord préalable écrit.

M. Jean Faure, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Même avis.

M. Jean-Louis Carrère.  - La majorité cherche à cacher son embarras. (Marques d'étonnement à droite)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Nous n'avons rien à cacher !

M. Jean-Louis Carrère.  - Alors c'est pire ! Vous rattachez la gendarmerie au ministère de l'intérieur, puis vous renoncez à la réquisition, puis vous harmonisez l'usage des armes dans la police et dans la gendarmerie. Jusqu'où irez-vous donc ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est une avancée !

M. Jean Faure, rapporteur.  - M. Carrère refuse le rattachement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Absolument !

M. Jean Faure, rapporteur.  - Nous, nous voulons faciliter la tâche du ministre de l'intérieur. Pourquoi deux forces qui travaillent dans les mêmes conditions auraient-elles deux règlements différents ? L'amendement n°25 est plutôt une avancée pour les libertés publiques : aujourd'hui, police et CRS peuvent faire usage de leurs armes pour disperser un attroupement sur un simple ordre verbal.

L'amendement n°25 est adopté et devient un article additionnel.

Article 3

I. - Au quatrième alinéa du III de l'article 34 de la loi n°82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions, la seconde phrase est modifiée ainsi qu'il suit :

1° Après le mot : « unités » sont insérés les mots : « sont placés sous son autorité et » ;

2° Les mots : « des missions qui leur ont été fixées » sont remplacés par les mots : « de leurs missions en ces matières ».

II. - Au dernier alinéa du III de l'article L. 6112-2 du code général des collectivités territoriales, au dernier alinéa du II de l'article L. 6212-3 du même code, au dernier alinéa du II de l'article L. 6312-3 du même code et au dernier alinéa du III de l'article L. 6412-2 du même code, la seconde phrase est modifiée ainsi qu'il suit :

1° Après le mot : « unités » sont insérés les mots : « sont placés sous son autorité et » ;

2° Les mots : « des missions qui leur ont été fixées » sont remplacés par les mots : « de leurs missions en ces matières ».

III. - Au troisième alinéa de l'article 2 de la loi n°2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française, la seconde phrase est modifiée ainsi qu'il suit :

1° Après le mot : « unités » sont insérés les mots : « sont placés sous son autorité et » ;

2° Les mots : « des missions qui leur ont été fixées » sont remplacés par les mots : « de leurs missions en ces matières ».

IV. - Au dernier alinéa du I de l'article 120 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, la seconde phrase est modifiée ainsi qu'il suit :

1° Après le mot : « unités » sont insérés les mots : « sont placés sous son autorité et » ;

2° Les mots : « des missions qui leur ont été fixées » sont remplacés par les mots : « de leurs missions en ces matières ».

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par Mme Demessine et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Demessine.  - L'article 3 place directement les commandants d'unités de la gendarmerie sous l'autorité des préfets. C'est une nouvelle atteinte à l'équilibre des pouvoirs et une façon de vider de sa substance le statut militaire des gendarmes. On nous dit que la situation ne change pas, que la loi du 18 mars 2003 dispose déjà que le préfet dirige et coordonne l'action des services de la police nationale et de la gendarmerie en matière d'ordre public et de police administrative. Mais c'est la nature de l'autorité qui est ici en cause. En introduisant le préfet dans la chaîne hiérarchique de la gendarmerie, vous mettez en cause le principe d'obéissance hiérarchique. Selon le code de la défense, les militaires ne doivent obéissance qu'à leurs supérieurs. L'article prive en outre les commandants d'unités de toute possibilité de recours contre d'éventuels excès de pouvoir.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°46, présenté par M. Carrère et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Louis Carrère.  - La question des relations entre les préfets et les commandants d'unités de la gendarmerie est ancienne et sensible. C'est dire qu'il faut être prudent. L'article 3 est pourtant mal rédigé et plein d'ambiguïté, au point qu'il suscite l'inquiétude des officiers et, au-delà, de tous les observateurs. Le champ de compétence du préfet n'est pas clairement délimité.

Qu'apporte réellement cet article ? En dehors du domaine proprement militaire, le préfet dirige déjà de la même manière l'action de la police et celle de la gendarmerie en matière d'ordre public et de police administrative. Aux termes de l'article 34 de la loi du 2 mars 1982, il fixe les missions et veille à la coordination des actions, en matière de sécurité publique, des différents services et forces dont dispose l'État. Il est dès lors permis de s'interroger sur les intentions du Gouvernement. S'agit-il de traduire fidèlement les propos du Président de la République qui a déclaré, le 29 novembre 2007, que les commandants des formations territoriales de la gendarmerie doivent être placés formellement sous l'autorité des préfets ? Ce ne serait alors qu'affaire de protocole...

On nous dit aussi que l'article 3 ne fait que tirer les conséquences de l'article premier ; à nos yeux, l'affirmation de l'autorité des préfets sur les commandants des formations territoriales a une importance politique et symbolique considérable : elle ouvre la voie à la fusion des forces de police et de gendarmerie. C'est une voie dans laquelle nous refusons de nous engager. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères.

Rédiger comme suit cet article :

I.- La seconde phrase du quatrième alinéa du III de l'article 34 de la loi n°82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions est ainsi rédigée :

« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »

II.- La seconde phrase du dernier alinéa du III de l'article L. 6112-2 du code général des collectivités territoriales, du dernier alinéa du II de l'article L. 6212-3 du même code, du dernier alinéa du II de l'article L. 6312-3 du même code et du dernier alinéa du III de l'article L. 6412-2 du même code est ainsi rédigée :

« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées

III. - La seconde phrase du troisième alinéa de l'article 2 de la loi n°2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi rédigée :

« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées

IV. - La seconde phrase du dernier alinéa du I de l'article 120 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi rédigée :

« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »

M. Jean Faure, rapporteur.  - Un peu d'histoire nous mettra sans doute sur la voie de la sagesse. Napoléon 1er relevait déjà, à propos d'une circulaire du ministre de l'intérieur de l'époque : « Ce n'est pas en disant : la gendarmerie est un bras, un instrument, une dépendance, qu'on honore un corps, qu'on le rend utile, et qu'on dit autre chose sinon qu'on a voulu l'injurier. Pesez ces différentes phrases ; elles n'ont aucun sens, il n'y a que des mots et une fausseté : c'est que la gendarmerie a cessé ses relations avec les préfets. Pas d'amphigouri. Il fallait dire en six lignes que les capitaines de gendarmerie doivent rendre compte de ce qui se passe aux préfets. Une circulaire ainsi faite eût été simple, précise, mais inutile car il n'entre pas dans la tête de ne pas rendre compte aux préfets. » (On apprécie)

Tirant les conséquences du rattachement, l'article place formellement les commandants d'unités sous l'autorité des préfets.

Cette disposition a suscité des appréhensions au regard du principe d'obéissance hiérarchique, essentiel au caractère militaire de la gendarmerie. Le préfet ne pourra pas, par exemple, utiliser la gendarmerie pour renforcer les forces de police dans les grandes agglomérations au détriment des zones rurales et périurbaines. La commission a toutefois souhaité circonscrire le champ d'application au maintien de l'ordre et à la police administrative.

En parlant des « responsables locaux des services de police et des unités de la gendarmerie nationale », le projet de loi laisse la porte ouverte à des interprétations divergentes. Pour un lecteur non averti, il pourrait s'agit d'un commandant de brigades territoriales, ce qui permettrait au préfet de s'adresser directement à lui sans respecter la chaîne hiérarchique. Afin de prévenir toute dérive, nous préférons parler de « responsables départementaux ».

Enfin, plutôt que l'expression « sont placés sous son autorité », la formulation actuelle, selon laquelle ils « lui rendent compte de l'exécution et des résultats de leurs missions », paraît plus respectueuse du principe d'obéissance hiérarchique.

Dans un souci de compromis avec le Gouvernement, la commission rectifie son amendement pour remplacer l'alinéa en question par le texte suivant : « Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats de leurs missions en ces matières. ».

Mme la présidente.  - C'est donc l'amendement n°8 rectifié

Sous-amendement n°65 à l'amendement n°8 rectifié de M. Faure, au nom de la commission des affaires étrangères, présenté par le Gouvernement.

I. - Au début du second alinéa du I de l'amendement n°8, ajouter les mots :

Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale,

II. - En conséquence, procéder au même ajout au début des seconds alinéas des II, III et IV de l'amendement n°8.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Cette nouvelle rédaction me satisfait : je retire les sous-amendements du Gouvernement.

Les sous-amendements n°s65, 64 et 63 sont retirés.

Mme la présidente. - Amendement n°26, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.

Rédiger comme suit cet article :

I. -  La seconde phrase du quatrième alinéa du III de l'article 34 de la loi n°82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions est ainsi rédigée :

« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »

II. -  La seconde phrase du dernier alinéa du III de l'article L. 6112-2 du code général des collectivités territoriales, du dernier alinéa du II de l'article L. 6212-3 du même code, du dernier alinéa du II de l'article L. 6312-3 du même code et du dernier alinéa du III de l'article L. 6412-2 du même code est ainsi rédigée :

« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »

III. -  La seconde phrase du troisième alinéa de l'article 2 de la loi n°2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi rédigée :

« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »

IV. -  La seconde phrase du dernier alinéa du I de l'article 120 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure est ainsi rédigée :

« Dans ces matières, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l'exécution et des résultats des missions qui leur ont été fixées. »

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Je le retire, au bénéfice de l'amendement n°8 rectifié.

L'amendement n°26 est retiré.

Les sous-amendements n°s68, 67 et 66 deviennent sans objet

M. Jean Faure, rapporteur.  - Les amendements de suppression sont contraires à la position de la commission, qui a fait un effort de compromis. Retrait, au bénéfice de l'amendement n°8 rectifié ?

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - L'autorité du préfet est parfaitement compatible avec le respect du statut militaire et du principe hiérarchique. Elle est d'ailleurs déjà prévue par les textes existants. Les amendements de suppression ne se justifient pas : avis défavorable.

Favorable à l'amendement n°8 rectifié, qui satisfait les demandes du Gouvernement. (Marques d'approbation à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - A cette heure, je ne vais pas protester, mais je constate que vous n'arrivez même pas à distribuer vos amendements à temps...

La commission tente de défendre la hiérarchie de la gendarmerie dans la prise de décision, même si elle admet l'autorité du préfet. C'est un mieux, nous ne voterons pas contre. (Exclamations ironiques à droite)

Les amendements identiques n°s40 et n°46 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°8 rectifié est adopté et devient l'article 3.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°27, présenté par M. Courtois, au nom de la commission des lois.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le deuxième alinéa du III de l'article 34 de la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions est ainsi modifié :

1° Après le mot : « police judiciaire » sont insérés les mots : « et des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance » ;

2° Les mots : « la prévention de la délinquance et » sont supprimés.

II. - Le premier alinéa du III de l'article L. 6112-2 du code général des collectivités territoriales, le premier alinéa du II de l'article L. 6212-3 du même code, le premier alinéa du II de l'article L. 6312-3 du même code et le premier alinéa du III de l'article L. 6412-2 du même code sont ainsi modifiés :

1° Après le mot : « police judiciaire » sont insérés les mots : « et des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance » ;

2° Les mots : « la prévention de la délinquance et » sont supprimés.

III. - Le premier alinéa de l'article 2 de la loi n°2004-193 du 27 février 2004 complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française est ainsi modifié :

1° Après le mot : « police judiciaire » sont insérés les mots : « et des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance » ;

2° Les mots : « la politique de prévention de la délinquance et » sont supprimés.

IV. - Le premier alinéa du I de l'article 120 de la loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, est ainsi modifié :

1° Après le mot : « police judiciaire » sont insérés les mots : « et des dispositions du code général des collectivités territoriales relatives à la prévention de la délinquance » ;

2° Les mots : « la prévention de la délinquance et » sont supprimés.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis.  - Amendement de coordination avec la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, qui a confié au maire l'animation et la coordination de la politique de prévention de la délinquance. A Paris, cette politique est désormais mise en oeuvre conjointement par le préfet de police et le maire. Or l'article 34 de la loi du 2 mars 1982 n'a pas été modifié pour tenir compte de ces évolutions. Nous y remédions.

M. Jean Faure, rapporteur.  - Favorable.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre.  - Favorable.

M. Jean-Louis Carrère.  - Cet amendement de coordination cherche utilement à préserver le rôle du maire. Nous restons opposés au rôle dévolu au préfet par la loi de mars 2007, mais nous ne nous opposerons pas à cet amendement...

L'amendement n°27 est adopté et devient un article additionnel

Prochaine séance, mercredi 17 décembre 2008 à 16 heures.

La séance est levée à minuit vingt-cinq.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 17 décembre 2008

Séance publique

A 16 heures

1. Suite de la discussion du projet de loi (n°499, 2007-2008) portant diverses dispositions relatives à la gendarmerie nationale (Urgence déclarée).

Rapport (n°66, 2008-2009) de M. Jean Faure, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Avis (n°67, 2008-2009) de M. Jean-Patrick Courtois, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.

A 21 heures 30

2. Examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi de finances pour 2009.

Rapport (n°135, 2008-2009) de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat.

_____________________________

DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. Alain Dufaut une proposition de loi tendant à modifier le fonctionnement des groupes d'élus ;

- MM. Dominique de Legge et François Zocchetto une proposition de loi visant à instaurer une imposition forfaitaire sur les lignes de chemin de fer à grande vitesse concédées ;

- M. le Premier ministre, un projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008 ;

- M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2009 ;

- M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008 (n°134, 2008-2009) ;

- M. Alex Türk une proposition de loi tendant à rendre publics les avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur les projets de loi ;

- M. Alain Vasselle un avis présenté au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008 (n°134, 2008-2009) ;

- Mme Catherine Morin-Desailly et M. Michel Thiollière un avis présenté au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2008 (n°134, 2008-2009).