Loi de finances rectificative pour 2009 (Suite)

Accélération des programmes de construction et d'investissement(Urgence - Suite)

Discussion générale commune (Suite)

M. le président.  - Nous poursuivons l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2009, adopté par l'Assemblée nationale, et du projet de loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Les partenariats public-privé (PPP) font aujourd'hui l'objet d'un véritable engouement : ces contrats associent sur le long terme le financement, la conception, la réalisation et la maintenance d'une infrastructure publique par une entreprise privée, voire la fourniture du service public. Il s'agit d'un aspect important d'un plan de relance essentiellement axé sur l'investissement.

Les PPP ont fait l'objet de la loi du 28 juillet 2008 et s'inscrivent pleinement dans la modernisation de l'État. Ce texte permet d'envisager la commande publique en abandonnant le principe de l'annualité budgétaire en faveur d'un contrat global et durable. La conception des projets dans leur intégralité est le gage d'une meilleure gestion.

La conjoncture se traduit par le renchérissement du crédit et le raccourcissement des durées d'emprunt ; dans ce contexte, les PPP peuvent être un levier de croissance et un instrument efficace des politiques publiques. (M. Daniel Raoul n'en croit rien)

Je salue l'initiative du Gouvernement d'inscrire les PPP et les garanties de l'État au coeur de ce plan de relance. Les PPP peuvent participer à la relance des investissements publics, ils permettent de réaliser des projets d'envergure tout en étalant leur coût sur de longues périodes, en évitant ainsi d'obérer le budget des contribuables.

Les acteurs locaux se heurtent cependant à plusieurs difficultés dissuasives, telle l'obligation de mener une évaluation préalable avant de conclure un contrat de partenariat, procédure complexe, coûteuse et peu compatible avec les régimes d'aides aux collectivités. Tout en souhaitant que cette procédure soit généralisée à toute commande publique au-delà d'un certain seuil, je constate qu'elle est souvent perçue comme une contrainte.

C'est la raison pour laquelle j'avais déposé un amendement tendant à imposer à l'État de consentir aux collectivités une avance de trésorerie remboursable pour mener à bien ces analyses préalables, mais il a été déclaré irrecevable au titre de l'article 40. Pourtant, ce préfinancement conditionné à la signature d'un contrat serait un formidable coup de pouce aux collectivités locales et un signe fort de la part de l'État, qui rappellerait ainsi qu'il compte également sur la dynamique des projets territoriaux pour relancer la croissance et préserver les emplois. Une telle mesure permettrait de multiplier les opportunités, d'améliorer la présentation des besoins, la qualité du dialogue et d'optimiser les réalisations.

Oui, il conviendrait d'envisager la création d'un fonds national de soutien à l'évaluation préalable et à la passation de PPP. Ce dispositif n'aurait pas vocation à être pérenne mais à permettre la passation d'un nombre défini de contrats, sur une période elle aussi définie.

Je tiens également à évoquer un sujet qui ne peut être abordé au travers d'amendements : l'impérieuse nécessité de mettre en place des circuits de formation pour les services de l'État et des collectivités territoriales. C'est pour le moment un chaînon manquant, malgré les initiatives prises ici ou là, dont je me réjouis, comme la création, par l'Institut de la gestion déléguée (IGD) et la Mission d'appui à la réalisation de partenariats public-privé (Mappp), de l'École des PPP, ou comme la convention signée avec le Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT). Il faut donner à nos agents territoriaux la possibilité d'avoir accès plus facilement à la formation aux PPP tout au long de leur carrière.

Je tiens également à saluer l'excellent travail de la Mappp, la motivation et le sérieux de ses équipes. Étant donné les enjeux immenses qu'elle va devoir affronter dans les prochains mois, il est urgent de renforcer ses effectifs.

Favoriser l'investissement dans les collectivités territoriales, c'est aussi favoriser l'accession des PME-PMI aux contrats de partenariat. Or certaines entreprises d'ingénierie, qui se sont réunies en des consortiums pour répondre à des appels à candidatures lancés par les services de l'État, ont été écartées dès les pré-qualifications, ce qui est regrettable. L'État, plutôt que de se montrer frileux, devrait laisser jouer la concurrence. De même serait-il bon de renforcer le mécanisme de cession de créances en faisant passer le plafond actuel des 80 % d'acceptation à 100 %, sans quoi seront pénalisés les projets de taille moyenne en raison de leur coût de montage élevé et les PME dont l'apport en capital, à cause de leur surface financière insuffisante, est généralement inférieur à 10 %.

Enfin, il serait particulièrement bienvenu que l'État soutienne les projets innovants menés par les 71 pôles de compétitivité, qui associent entreprises, centres de recherches et organismes de formation -j'y reviendrai. De fait, ceux-ci, bien qu'ils réunissent tous les ingrédients pour créer la croissance et l'emploi, souffrent parfois d'un manque de financement et d'une absence de décision.

Pour autant, je salue ce plan de relance tout à fait exceptionnel compte tenu des circonstances. Son impact se fera sentir rapidement, sans provoquer de dérapages des finances publiques à long terme ! (Applaudissements sur les bancs UMP ; M. Daniel Raoul s'exclame)

M. Yannick Botrel.  - Nous connaissons une crise dont rien ne permet aujourd'hui d'indiquer le terme. Sur le terrain, élus locaux et travailleurs sociaux en mesurent déjà les conséquences sur les plus modestes. Financière, économique, cette crise est d'abord, pour beaucoup de Français, sociale. Et le chômage de repasser la barre des 8 %. Fort de ce constat, le Président de la République propose un plan de relance économique ; initiative qu'ont prise tous les pays industrialisés, à laquelle on ne peut que souscrire si tant est qu'elle soit à la hauteur des enjeux et non dénuée d'arrière-pensées.

Tout d'abord, ce plan de 1,3 % du PIB, en deçà des préconisations respectives du FMI et de la Commission européenne de 2 % et de 1,5 %, est parmi les plus modestes si on le compare à l'effort consenti par les autres pays industrialisés, d'autant qu'il se fonde sur des financements déjà engagés avec seulement 4 à 5 milliards de crédits nouveaux. Sans doute les décisions d'hier, les 16 milliards du paquet fiscal, ont-elles réduit les marges de manoeuvre de l'État...

Ensuite, l'ambition affichée d'injecter 20 milliards dans l'économie dès 2009 semble se heurter à des obstacles techniques et conjoncturels. J'en veux pour preuve le projet de loi sur l'accélération des programmes de construction, qui est adossé au plan de relance et dont la lecture nous a laissé un sentiment de perplexité, mêlé d'incompréhension, tant il marie la carpe et le lapin. En un mot, une véritable auberge espagnole ! Mme le rapporteur a d'ailleurs observé, dans son rapport, que « de nombreux articles additionnels n'ont pas forcément d'effet accélérateur et n'ont parfois même pas de lien évident avec le texte. »

M. Daniel Raoul.  - Eh oui !

M. Yannick Botrel.  - Qui plus est, cet assemblage composite de mesures ponctuelles, de l'aveu même du ministre de la relance, ne sont pas exemptes d'idéologie puisqu'il s'agit, selon le même ministre, « de saisir l'opportunité d'accélérer le rythme des réformes engagées depuis dix-huit mois » et de simplifier une réglementation qui freinerait l'initiative privée et publique, notamment dans le domaine de l'urbanisme. Si cela est le cas, pourquoi limiter la portée de ces dispositions à deux ans ? Outre qu'elles sont porteuses de contentieux, il est à craindre qu'elles ne produisent pas leurs effets dès 2009. Au reste, certaines d'entre elles sont dépourvues de toute portée économique, tel l'assouplissement des dispositions relatives à l'archéologie préventive. Si le but est la simplification, dites-le clairement afin que nous puissions en débattre réellement. Quant aux mesures relatives à la notion de paysage, elles appellent bien des précisions : les projets éoliens, que nombre de collectivités territoriales ont adoptés, sont-ils visés ? Enfin, concernant les règles de fonctionnement des collectivités territoriales, en quoi déléguer la passation des marchés publics au président de l'exécutif favorise-t-il la relance ? Cela promet de beaux débats a posteriori dans des conseils municipaux réduits au rôle de simples chambres d'enregistrement. Au fait, ces collectivités territoriales, qui représentent les trois quarts de l'investissement public en France, quelle place leur accordez-vous ? Outre l'impact négatif des transferts de compétences non compensés -faut-il que je rappelle l'exemple de l'APA en 2002 ?-, l'inclusion du FCTVA dans l'enveloppe normée porte directement atteinte à leurs capacités d'investissement, ce qu'ont dénoncé vigoureusement les élus et leurs associations. Si l'État réclame davantage des collectivités territoriales, qu'il leur règle ce qu'il leur doit ! Ce gouvernement pratique la politique du fusil à un coup, comprenne qui pourra...

D'autres sujets auraient mérité plus ample discussion : l'article 5 relatif aux établissements de santé, qui sera examiné dans le cadre de la loi « Hôpital, patients, santé et territoire » à l'Assemblée nationale, ou encore les mesures incluses dans le « Grenelle 2 », telle la modification particulièrement sensible, pour la sécurité des populations, de la procédure relative aux installations classées. Quant au délit intentionnel de favoritisme, introduit à l'Assemblée nationale, sa définition semble bien floue. Un consensus se dégage heureusement dans notre Haute assemblée pour contenir cette proposition. Que dire, enfin, des mesures reprises dans ce texte après avoir été écartées de la loi de modernisation pour l'économie et de la loi de mobilisation pour le logement ? Les choix du Gouvernement sont sans surprise là où il aurait fallu, par solidarité envers les plus modestes, soutenir la consommation des biens essentiels -j'y insiste-, et les efforts des collectivités territoriales au lieu que l'État se désengage.

Au final, voici un plan de relance sans ambition et un projet de loi d'accélération des dépenses hors sujet, disparate et, partant, voué à l'inefficacité ! (Applaudissements à gauche)

M. Charles Revet.  - Je n'aborderai qu'un point, qui me tient à coeur et qui devrait s'inscrire naturellement dans le plan de relance proposé par le Président de la République et le Gouvernement, auquel je souscris pleinement.

Je me bornerai à deux mots au sujet du titre premier qui tend à faciliter la construction de logements : je ne suis pas tout à fait convaincu...

M. Thierry Repentin.  - Nous non plus !

M. Charles Revet.  - ...qu'il suffise à un véritable développement.

Je consacrerai donc l'essentiel de mon intervention au titre II, c'est-à-dire aux programmes d'investissement dans lesquels devrait s'inscrire l'essor de nos grands ports maritimes.

En votant la loi de réforme portuaire dont j'étais le rapporteur, publiée au Journal officiel du 5 juillet 2008, le Parlement a voulu rendre à la France sa vraie place dans l'activité maritime. La publication des décrets d'application au cours des semaines suivantes a démontré la volonté gouvernementale d'un nouvel élan.

Autour de la métropole et outre-mer, la France possède la troisième zone économique du monde. Mais notre pays, qui se situait à la troisième ou quatrième position maritime mondiale dans les années 1980, occupe aujourd'hui la 29ème place.

Avec la mondialisation de l'économie, le commerce international passe à 85 % par mer et l'Europe est la première destination.

Les grands ports belges, hollandais, allemands, espagnols et italiens notamment ont su s'adapter, alors que la France a pris un retard considérable malgré ses atouts. A titre d'exemple, la capacité d'Anvers devrait passer de quelque 9 millions de conteneurs par an à 14 ou 15 millions d'ici cinq ans ; celle d'Hambourg de 10 à 20 millions. On pourrait multiplier les exemples, alors que Le Havre n'affiche que 2,5 millions de conteneurs, qu'il envisage de doubler dans les années à venir. La situation est encore plus critique à Marseille, dont le port est limité à un million de conteneurs alors que Gênes et Barcelone connaissent un développement soutenu. La situation géographique privilégiée de nos ports rend cette situation inacceptable !

Parmi les activités susceptibles de relancer notre économie, le commerce maritime peut être un moteur exceptionnel et durable. Dans le domaine industriel, la concurrence des pays du sud-est asiatique conduit à des délocalisations ; a contrario, les ports de ces pays sont autant de partenaires potentiels.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Charles Revet.  - Certes, la conjoncture mondiale a fait nettement reculer le fret maritime, mais il retrouvera sa place un jour ou l'autre. La France doit être présente à ce rendez-vous, car des dizaines de milliers d'emplois au moins peuvent en résulter. Le Président de la République l'a souligné en novembre au Havre.

On met aujourd'hui l'accent sur le développement durable. Il importe donc de rappeler que l'activité maritime en est probablement le meilleur exemple : outre le volume d'activité représenté par les travaux d'aménagement, le développement portuaire créé des emplois pérennes sur place, dans les zones logistiques et pour le transport ferroviaire, routier ou fluvial.

L'enjeu, pour chaque région concernée, justifie une mobilisation de tous les acteurs locaux, en liaison avec l'État. En effet, aux travaux du grand port maritime stricto sensu s'ajoutent les aménagements routiers, ferroviaires et fluviaux, donc la maîtrise des emprises foncières. C'est une question de cohérence, pour ne pas réitérer la situation connue à l'issue de la première tranche de Port 2000, où la structure portuaire était opérationnelle, alors que les travaux de raccordement des réseaux de transport n'avaient pas même été engagés. La création d'une structure de coordination regroupant tous les acteurs concernés devrait nous épargner de telles aberrations.

Le retard accumulé par nos grands ports maritimes ne peut être rattrapé que si les travaux d'aménagement et d'équipement sont réalisés le plus vite possible. Cela justifie de les inscrire dans le plan de relance, en termes de financement et au titre du système dérogatoire introduit. J'ai déposé des amendements en ce sens, afin que ce plan utilise l'atout formidable que le commerce maritime représente pour notre pays, en vue d'en faire un élément majeur de développement économique et de création d'emplois.

Le Gouvernement veut consacrer 26 milliards d'euros à ce plan de relance. C'est considérable mais pour que cette dépense soit efficace, il est impératif de simplifier les procédures, qui nous font perdre un temps précieux. Bien sûr, un contrôle est nécessaire, mais pourquoi l'administration n'interviendrait-elle pas d'abord dans un rôle de conseil ? Pourquoi n'adopterait-elle pas une démarche de facilitateur au lieu de bloquer ? Je suis persuadé qu'il n'y a là aucune volonté de nuire car les textes que nous votons et les règlements sont parfois en cause.

M. Patrick Devedjian, ministre.  - Voire vos amendements...

M. Charles Revet.  - Avec des procédures allégées, le plan de relance aurait de plus grandes chances de succès. (Applaudissements à droite)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Daniel Raoul.  - Les annonces de soutien à l'activité économique se sont multipliées depuis quelques mois, mais sans cohérence d'ensemble, malgré les efforts d'un plan de communication très au point. Même mises bout à bout, elles ne forment pas une politique efficace, faute d'être à la hauteur des enjeux ni par les moyens engagés -soit 1,3 % du PIB, dont on ignore quelle part sera réellement dépensée- ni par l'orientation générale de votre politique, ni par les instruments de régulation que chacun appelle de ses voeux. Sur ce dernier point, je salue l'évolution du Président de la République et de certains ministres : il y a des repentants dans la chapelle. (Sourires)

Nous avons dénoncé l'insincérité du projet budgétaire pour 2009, présenté cet automne, car nous le savions déjà caduc. Hélas, il en va de même pour votre plan de relance, qui en appellera d'autres pour soutenir notamment l'automobile, l'agriculture et les industries agroalimentaires. Par comparaison avec ceux de nos partenaires européens ou américains, nous sommes loin du compte.

Mais c'est principalement l'orientation générale qui ne convient pas.

De nombreux économistes préconisent le soutien à la demande, à la consommation et au pouvoir d'achat. Le chèque de 200 euros destiné aux allocataires du revenu de solidarité active (RSA) est trop faible en regard des milliards consacrés aux organismes bancaires. Dans la situation actuelle, il faut une politique contra-cyclique soutenant le pouvoir d'achat et la consommation.

Quelles mesures proposez-vous en faveur des salaires, des petites retraites et des allocations chômage ? Comment faire redémarrer la machine économique grâce à la seule politique de l'offre ? La politique économique marche sur ses deux pieds : le soutien aux entreprises, le soutien à la consommation.

Face à une crise systémique, il faut revoir la gouvernance des organismes qui ont largement failli ces dernières années. Comment contrôler l'usage fait par les banques du soutien public sans participer à leurs instances de direction ? Au lendemain de la prise de fonction de M. Obama, on pourrait reprendre les propos tenus par le président Jefferson sur les banques : il n'y a pas un mot à changer.

En vous concentrant sur certaines activités comme l'automobile ou le bâtiment, vous en négligez d'autres, qui mériteraient votre attention. Je pense notamment au secteur agricole. Regardez les usagers des institutions caritatives et vous aurez une idée des besoins élémentaires non satisfaits.

Mme Nicole Bricq.  - C'est clair !

M. Daniel Raoul.  - J'en viens aux collectivités territoriales.

Le remboursement anticipé du FCTVA ne changera pas grand-chose, surtout s'il est inclus dans « l'enveloppe fermée », ce qui diminuerait d'autant les autres dotations.

Il faut aider à l'investissement, mais aussi au fonctionnement, car de nombreuses collectivités ont pris des initiatives soutenant le pouvoir d'achat des familles. Ainsi, la ville d'Angers a gelé ses tarifs municipaux en 2009. Utile pour nos concitoyens les plus démunis, cette décision induit un manque à gagner atteignant 200 000 euros. Dans un but analogue, vous pourriez réduire la TVA sur l'alimentation.

Enfin, vous avez rattaché au collectif budgétaire un projet de loi censé accélérer la construction et les investissements publics ou privés. Entre l'énoncé du texte et son contenu, il y a une différence rappelant celle que l'on trouve entre le ramage et le plumage dans la fable sur le corbeau et le renard. (Sourires) Il y a quelques années, on aurait parlé de texte portant diverses dispositions d'ordre économique et financier. Aujourd'hui, le titre est ronflant, mais la réalité reste celle de mesures disparates, dont certaines sont en outre des cavaliers.

Ce que vous proposez aujourd'hui a toutefois une certaine cohérence car vous persistez, malgré la crise, à vouloir « libérer les contraintes » et favoriser de grands groupes.

Les ritournelles à la mode au printemps 2007 incitaient à « travailler plus pour gagner plus », mais le chômage est de retour et le pouvoir d'achat en panne. Il était aussi question de « créer une France de propriétaires », mais de nombreux programmes immobiliers défiscalisés ne trouvent pas preneur.

« Quant à aller chercher la croissance avec les dents » : il semble qu'il y ait pénurie de dentistes. (Sourires)

Il serait certes injuste et inexact de dire que votre politique aurait, à elle seule, créé les conditions de cette crise, mais elle n'en a pas atténué les effets. La loi Tepa a limité les capacités budgétaires dont l'État aurait eu bien besoin lors du retournement de conjoncture. Au lieu d'une politique de relance efficace, vous nous proposez aujourd'hui la poursuite de la politique décidée avant la crise, une politique dogmatique inspirée d'une pensée libérale désormais à l'amende, une politique à contretemps, inadaptée pour nos concitoyens confrontés au chômage technique, aux plans sociaux, aux difficultés de pouvoir d'achat.

Vous aurez beaucoup de mal à obtenir notre adhésion ! (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

M. Patrick Devedjian, ministre.  - J'adresse mes remerciements aux présidents des commissions ainsi qu'aux commissaires, pour leur diligence à se saisir de ce texte. Je tiens aussi à dire toute ma gratitude aux rapporteurs pour la qualité de leur analyse et pour nos discussions. J'ai été très sensible à la courtoisie de l'opposition.

M. Thierry Repentin.  - C'est normal, nous sommes républicains !

M. Patrick Devedjian, ministre.  - Le premier argument développé par Mme Bricq, MM. Rebsamen, Botrel et Raoul consiste à dire que la loi Tepa nous aurait handicapés. Vous reconnaissez que le Gouvernement n'est pas responsable de la crise...

Mme Nicole Bricq.  - Pas tout seul !

M. Patrick Devedjian, ministre.  - ...mais vous jugez qu'il nous aurait mal placés pour y faire face.

Mme Nicole Bricq.  - Il y avait eu des dégâts avant.

M. Patrick Devedjian, ministre.  - Vous vous focalisez sur le bouclier fiscal. Il ne représente que 400 millions, à comparer aux 26 milliards dont nous parlons aujourd'hui !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je ne cesse de le leur répéter mais ils ne veulent pas m'entendre !

M. Patrick Devedjian, ministre.  - Les dispositions sur les heures supplémentaires ont distribué du pouvoir d'achat à des salariés.

Mme Nicole Bricq.  - Elles n'ont pas créé d'emplois !

M. Michel Sergent.  - Combien d'intérimaires ?

M. Patrick Devedjian, ministre.  - Vous jugez excessivement coûteuses les déductions des intérêts immobiliers mais l'origine de la crise est bien à chercher du côté de l'immobilier américain, où les crédits ont été distribués sans contrôle et sans proportion entre les revenus des emprunteurs et le montant emprunté. De ce point de vue, la proposition du Président de la République de soutenir l'immobilier peut être considérée comme d'avant-garde ; elle a par anticipation amorti la crise chez nous.

La loi Tepa contient aussi des dispositions sur la donation anticipée aux enfants et petits-enfants, qui ont favorisé la consommation.

Tout cela fait que cette loi a donné les années 2007 et 2008, avec de bien meilleurs résultats que ceux qu'avaient anticipés les conjoncturistes.

Vous avez plein la bouche de « John Maynard Keynes ». Encore faudrait-il le lire jusqu'au bout, quand il écrit que « la seule alternative théorique serait une vaste croissance de la consommation des ménages au détriment de leur épargne, extravagance collective qui, au moment où chacun est nerveux et hésitant, a peu de chances de se produire ».

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Les socialistes sont des extravagants !

M. Patrick Devedjian, ministre.  - J'approuve M. Rebsamen lorsqu'il déplore que le contre-plan socialiste ne contienne aucune grande idée novatrice. On peut effectivement s'interroger sur l'utilité d'un tel contre-plan. Votre conclusion me convient, quand vous dites que seul un pacte d'union et de confiance avec les collectivités territoriales serait à la hauteur des enjeux. C'est tout le débat sur les projets et sur le FCTVA !

Je répondrai à votre appel et à celui de Mme Goulet sur les critères qui feront retenir tel projet plutôt que tel autre. Le premier, c'est que son utilité soit durable ; le deuxième, que la dépense puisse être engagée pour au moins 75 % dès 2009. Il faut aussi que ce projet ait un effet multiplicateur, qu'il crée des emplois, qu'il soit favorable à l'équité territoriale -c'est pourquoi nous parlons de « 1 000 projets » : dix par département. Il faut enfin, puisque l'affaire a aussi une dimension psychologique, que l'effort ait une visibilité. En associant les élus -dont beaucoup sont de l'opposition, puisque nous n'avons pas gagné les dernières élections- à la détermination et au suivi des projets, nous posons une règle de dégagement d'office des projets qui n'auront pu démarrer en 2009. Bref, nous sommes d'accord avec votre pacte d'union et de confiance.

Je remercie maintenant les orateurs de la majorité, qui nous soutiennent, parfois avec des nuances, des critiques, des suggestions.

Je partage la passion de M. Revet pour les ports maritimes. L'utilité en est évidente mais y aura-t-il possibilité d'agir dès 2009 en Haute-Normandie ?

Mme Nathalie Goulet.  - En Normandie réunifiée !

M. Patrick Devedjian, ministre.  - M. Woerth répondra plus longuement à M. Dassault ; je dirai seulement que, pour 2009, la charge de la dette atteindra les 43 milliards, et 44,7 en 2010.

J'ai bien entendu la suggestion de M. Fourcade sur les bons du Trésor à cinq ans.

Cette solution est sans doute plus coûteuse que le marché actuellement, mais la situation peut ne pas durer ; nous la gardons à l'esprit. L'enthousiasme de Mme des Esgaulx pour les partenariats public-privé est partagé par le Gouvernement, il est indispensable de rechercher leurs effets multiplicateurs. Je confirme à M. de Montgolfier que nous aurons un débat sur la TVA. Je remercie M. Jégou de son soutien et je le rejoins sur la nécessité de rétablir les comptes ; M. Woerth dirait mieux que moi ce qu'est le double objectif du Gouvernement : la relance, pour l'essentiel par l'investissement, et la maîtrise de la dépense publique ordinaire. L'erreur commise en 1929, que Keynes a bien analysée, a été de resserrer la dépense, ce qui a aggravé la crise.

Nous n'avons pas baissé la TVA, monsieur Raoul, à cause de l'exemple britannique : la TVA y a été réduite mais la consommation a continué à s'effondrer. La Grande-Bretagne a depuis longtemps privilégié les services au détriment de l'industrie ; si nous avons choisi la relance par l'investissement, c'est parce que nous voulons préserver en France un outil industriel pérenne et producteur de croissance.

J'ai entendu les critiques de M. Collin mais je veux surtout retenir son message responsable ; il nous dit en substance : je ne fais pas la politique du pire, je prends ce qui vient. Il a raison : quelle que soit la façon dont on l'apprécie, ce plan de relance est nécessaire.

Pour le reste, nous en débattrons lors de l'examen des articles. Je sais que beaucoup a été fait en commission. Le Gouvernement est ouvert à la discussion. (Applaudissements au centre et à droite)

Question préalable

M. le président.  - Motion n°82, présentée par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de finances rectificative pour 2009 (n°154, 2008-2009) adopté par l'Assemblée Nationale.

M. Bernard Vera.  - A l'automne, la conjoncture internationale s'est brutalement assombrie, nous conduisant à une crise sans précédent depuis 1929, plus violente et plus universelle que les crises comparables du capitalisme financiarisé, le krach de 1987 ou la crise asiatique de 1997-1998. Les pertes ont affecté les banques aux États-Unis et en Europe, au point de menacer de paralysie les marchés monétaires, menace que les banques centrales ont combattue en augmentant fortement le montant de leurs interventions. A ce stade, le G 8 a demandé aux grandes banques internationales de publier l'état réel de leurs risques. Face à l'aggravation constatée en septembre 2008, les gouvernements ont adopté des dispositifs de soutien global aux banques afin de prévenir un effondrement du système financier et les inciter à continuer à financer l'économie.

En France, trois institutions ont été créées dans la deuxième quinzaine d'octobre : la société des prises de participation de l'État, qui souscrit à des titres subordonnés émis par les six principaux groupes bancaires à hauteur de 10,5 milliards d'euros, avec un plafond de 40 ; la société de financement de l'économie française destinée à refinancer des crédits bancaires, pour un montant pouvant aller jusqu'à 320 milliards d'euros, à partir de ressources empruntées sur le marché financier ; enfin, un dispositif de médiation présent dans chaque département chargé d'aplanir les difficultés de financement des entreprises. Le premier bilan montre que l'accès au crédit est bien le problème numéro un des entreprises dans notre pays.

Parallèlement, le Gouvernement a annoncé que 22 milliards supplémentaires seraient mis à la disposition d'Oseo pour financer les PME, tandis que la Banque européenne d'investissement prévoyait d'en distribuer 30 et qu'on allégeait la taxe professionnelle. A été en outre créé un Fonds stratégique d'investissement, présenté comme un fonds souverain à la française, doté de 20 milliards d'euros par l'État et la Caisse des dépôts. S'y ajoutent les deux textes aujourd'hui en discussion, qui comportent des mesures d'un coût qui paraît élevé mais qui est finalement modeste lorsqu'on entre dans le détail.

Ce collectif n'a guère de sens parce que son impact macro-économique est très faible ; il se résume pour l'essentiel à présenter de manière différente des mesures déjà prises ou à revenir sur des annulations de crédits. Il arrive même qu'on dégèle des crédits mis en réserve... Même en augmentant l'investissement public comme le fait le Gouvernement, la dépense d'équipement public de l'État ne sera pas plus forte en 2009 qu'elle ne l'était en 2003, premier exercice de la précédente législature... Ce texte n'est en réalité qu'une session de rattrapage des coupes claires opérées précédemment au nom de Lolf et de la RGPP. La crise du transport public ferroviaire et celle de l'école, la situation dans les prisons, le sinistre des urgences hospitalières, la ruine de la psychiatrie que vous avez organisée, l'aggravation de la crise du logement : autant de conséquences des coupes que nous n'avons cessé de dénoncer. L'obsession de la réduction de la dépense publique conduit la France aux portes d'une crise sociale majeure, nourrie de l'insatisfaction, du profond sentiment d'abandon et de délitement de la solidarité qui frappent la grande majorité de nos concitoyens.

Le collectif n'échappe pas à cette logique malthusienne : on laisse aller les choses au fil de l'eau et les déficits s'accroissent, sans certitude que les choix seront à la hauteur des attentes. Quant au texte de relance, il n'est qu'un catalogue de dispositions disparates et dérogatoires au droit commun, qui font croire que seuls des obstacles juridiques s'opposent au désir d'investir dans notre pays.

Nous devrions sans doute nous estimer satisfaits : pour la première fois depuis longtemps, les dépenses publiques augmentent et l'État semble décidé à accomplir un effort d'équipement et d'investissement. Mais la dépense publique nouvelle est conçue de façon quasi exclusive comme devant apporter de nouveaux profits à quelques groupes financiers et économiques choisis. Il est d'ailleurs symptomatique que le collectif soit accompagné par un texte multipliant les mesures de dépénalisation du droit aux affaires... On engage les crédits publics et on offre de véritables rentes de situation à quelques grandes entreprises, qu'on va en outre protéger en facilitant la passation de marchés de gré à gré et en réduisant les enquêtes publiques à leur plus simple expression. Ces mesures auraient de toute façon été prises un jour ou l'autre, qui traduisent les promesses faites par le Président de la République à ses plus sûrs soutiens.

Un collectif digne de ce nom aurait dû d'abord poser la question de l'efficacité des mesures prises au nom de la compétitivité depuis plusieurs années. Pendant la crise, le bouclier fiscal, ça continue ! L'allégement de l'ISF, ça continue ! Et les exonérations de cotisations sociales ! Et les cadeaux fiscaux aux grandes entreprises et aux ménages aisés ! Pendant la crise, la loi Tepa et ses mesures inégalitaires, ça continue ! Comment ne pas rappeler que les heures supplémentaires défiscalisées et désocialisées sont une tromperie ? Une tromperie qui a permis aux entreprises ne pas augmenter les rémunérations, qui a empêché toute revalorisation réelle du Smic, qui met au chômage intérimaires et CDD licenciés ! Début janvier 2008, on faisait des heures supplémentaires dans l'industrie automobile ; on subit aujourd'hui des jours et des semaines de chômage technique.

La croissance n'a pas été au rendez vous, à moins que les heures supplémentaires n'aient eu strictement aucune influence sur la production...

L'appel lancé aux collectivités locales pour investir davantage est bien étrange alors que les dotations budgétaires de l'État viennent d'être amputées en loi de finances initiale : réduction de la dotation de compensation de la taxe professionnelle, amputation de la DGF de 500 millions, encadrement des dotations d'équipement dans l'enveloppe normée.

Le Gouvernement n'a rien fait pour améliorer la situation des comptes locaux. Entre les transferts de charges et la baisse des dotations, les collectivités sont contraintes soit d'augmenter les impôts locaux, soit d'accroître les recettes d'exploitation, alors que les investissements sont remis en cause par la faiblesse des marges disponibles. Votre incitation à investir davantage s'adresse donc aux seules communes qui en ont les moyens. Les autres seront poussées à s'endetter alors qu'il y a peu, vous fustigiez leur gestion !

La Caisse des dépôts s'apprête à apporter 3 milliards pour le capital du Fonds spécial d'investissement, fonds souverain à la française, en cédant 35 000 logements sociaux appartenant à ses filiales, situés notamment dans des communes de la proche banlieue parisienne : pour financer des prises de participation dans des entreprises considérées comme stratégiques, on commence par dilapider le logement social !

Ce collectif n'apporte à la crise que des réponses plus libérales les unes que les autres et ne permettra aucunement de sortir de l'ornière dans laquelle des années de politiques libérales nous ont fait tomber. Il ne peut qu'être rejeté. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - La discussion générale a été intéressante et longue, au-delà des temps de parole prévus : nous avons eu loisir d'entendre tous les arguments possibles et imaginables. M. Vera s'est livré pendant un quart d'heure à une nouvelle intervention générale. La commission souhaite que l'on passe le plus vite possible à l'examen des articles car ces dispositifs n'ont d'intérêt que dans le concret. A la majorité et au Gouvernement de démontrer qu'ils auront un effet d'entraînement sur l'économie.

En adoptant cette question préalable, nous nous priverions de tous les vrais arguments sur les différentes mesures de ce collectif. Avis défavorable.

M. Eric Woerth, ministre.  - Ce plan de relance répond à une situation de crise. Il est urgent que le Sénat s'exprime et que l'action succède au débat. M. Vera a lui-même présenté nos récentes initiatives : en effet, la réponse du Gouvernement est complète et adaptée. Il faut faire feu de tout bois ! A vous entendre, il n'y a jamais assez de moyens mais toujours trop de déficits : où est la cohérence ? Il faudrait mettre un peu de cohérence dans vos idées...

L'effort du Gouvernement en faveur des collectivités locales est important. a temps exceptionnels, règles exceptionnelles. Le doublement du FCTVA est un préalable pour financer un surplus d'investissement dans les collectivités locales. Ne vous y trompez pas, c'est un outil très puissant. (Applaudissements à droite)

La motion n°82 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 340
Nombre de suffrages exprimés 230
Majorité absolue des suffrages exprimés 116
Pour l'adoption 28
Contre 202

Le Sénat n'a pas adopté.

Discussion des articles

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant le titre premier, ajouter une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Titre ...

MESURES FISCALES

M. Thierry Foucaud.  - Il est inconcevable que nous examinions ce collectif sans réexaminer certaines mesures fiscales précédemment adoptées. Cela fait en effet plusieurs années que nous nous interrogeons sur l'efficacité sociale et économique des dispositifs que vous nous demandez d'adopter. Ainsi, dans la loi Tepa, de nombreuses mesures hasardeuses de défiscalisation ont été prises, comme l'allègement de l'ISF et des droits de mutation et la défiscalisation des heures supplémentaires. Pourtant, nombre d'entre elles n'ont pas eu d'effet positif sur l'économie et certaines ont même contribué à la détériorer.

Nous vous invitons donc à insérer une division additionnelle pour rendre ce texte plus lisible.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Je suis naturellement favorable à la lisibilité, mais cela ne m'incline pourtant pas à être favorable à cet amendement. Ce texte est spécifique et les mesures qu'il comporte ont vocation à être temporaires et donc réversibles. Votre commission des finances a donc émis un avis systématiquement défavorable sur toute disposition fiscale à caractère permanent ou consistant à recycler des débats qui ont déjà eu lieu lors de l'examen de la loi de finances et du collectif pour 2008.

Ce plan de relance doit être pris comme un tout. Certaines améliorations techniques peuvent lui être apportées mais elles ne doivent pas nuire à sa cohérence. Il ne convient donc pas de prévoir un nouveau titre qui servirait de prétexte pour revenir sur un certain nombre de mesures fiscales votées ces dernières années et dont la majorité assume les différentes conséquences.

Ainsi, en 2007, j'étais personnellement réservé sur la déductibilité des intérêts d'emprunt. Or, il appert aujourd'hui qu'elle soutient utilement le marché de l'immobilier.

Nous ne reviendrons pas sur les débats antérieurs. Je serai donc plus bref sur les autres amendements car je viens d'expliquer par avance pourquoi la commission leur est opposée.

M. Eric Woerth, ministre.  - Ce que vient de dire M. le rapporteur général est frappé au coin du bon sens. Nous n'avons pas l'intention de revenir sur les débats que nous avons déjà eu il y a peu. Les amendements que nous allons examiner n'ont pas leur place dans ce texte.

M. Thierry Foucaud.  - Votre position est figée, monsieur le rapporteur général ! D'entrée de jeu, vous refusez de discuter de l'efficacité des dispositions fiscales et des politiques économiques que mène le Gouvernement en période de crise. Vous parlez de recyclage : n'est-ce pas le cas avec ce soi-disant plan de relance qui comporte des mesures qui auraient très bien pu figurer dans le projet de loi de finances et qui ont été, à l'époque, refusées ? Plutôt que d'un recyclage, peut être faudrait-il parler d'un rattrapage... Nous regrettons vivement que ce débat ne puisse avoir lieu.

L'amendement n°60 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles premier et 1649-0 A du code général des impôts sont abrogés.

M. Bernard Vera.  - Mis en place par la loi de finances pour 2007, le bouclier fiscal n'a pas suscité l'intérêt des contribuables. Le succès de la formule est très limité et l'essentiel de la dépense fiscale occasionnée par ce dispositif concerne une infime poignée de contribuables. Alors qu'on nous annonçait près de 100 000 bénéficiaires et plusieurs centaines de millions de remise d'impôt, seuls quelques contribuables demandent à en bénéficier et la dépense fiscale est limitée à 250 millions. Toutefois, moins de 500 contribuables très fortunés ont bénéficié de 117 millions de restitution, soit la moitié de la dépense fiscale. Tout ce que nous avions dénoncé lors de l'instauration du dispositif a été confirmé par les faits. Le bouclier fiscal est en revanche parfaitement efficace pour réduire l'ISF. Or, la situation désastreuse des comptes publics impose de suivre une autre politique, et c'est tromper nos concitoyens que de prétendre que le travail est trop taxé alors que le bouclier fiscal ne sert qu'à réduire le montant de l'ISF d'une poignée de contribuables.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Outre les motifs d'ordre général que j'ai déjà rappelés pour justifier l'avis défavorable, je rappelle que la majorité de la commission des finances est favorable à la suppression de l'ISF et du bouclier fiscal assortie de la création d'une tranche supérieure d'impôt sur le revenu pour compenser le manque à gagner pour les finances publiques de la suppression de l'ISF. J'assume cette position de fond, mais sans doute n'est-il pas temps, ce soir, de procéder à ces bouleversements. (Sourires) Il nous faut donc rester dans la ligne fixée par ce collectif.

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous avons déjà eu ce débat sur le bouclier fiscal qui est une mesure de justice fiscale et sociale.

M. Daniel Raoul.  - Trop, c'est trop !

M. Eric Woerth, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°67, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Les deux derniers alinéas du 2 de l'article 197 du code général des impôts sont supprimés.

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Thierry Foucaud.  - La loi de finances pour 2009 comporte une mesure totalement injuste : à la suite du vote de l'amendement de M. Charles de Courson, certains contribuables vont en effet devoir payer plus d'impôt sur le revenu qu'auparavant. Les célibataires, les veufs et les divorcés ayant élevé des enfants ne vont plus bénéficier d'une demi-part supplémentaire au titre de l'impôt sur le revenu. Cette dépense fiscale importante, de l'ordre d'1,7 milliard concerne 4,3 millions de ménages mais il convient de la relativiser, car l'avantage en impôt est limité à moins de 400 euros par an et par contribuable.

Nous sommes loin des montants du dispositif Malraux, loin des déductions sur les investissements outre-mer, loin du régime d'imposition des plus-values des particuliers, loin des sommes remboursées aux 500 ménages qui ont le plus bénéficié du bouclier fiscal... Une fois encore, les cadeaux sont faits sur le dos du plus grand nombre.

La perte d'une demi-part rendra de nombreux contribuables imposables à l'impôt sur le revenu. Après cet ajustement au forceps de leur situation fiscale, ils paieront aussi une taxe d'habitation, puisque leur revenu de référence aura augmenté. C'est la double peine !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Le débat sur le sujet vient à peine d'être clos. Certes, la solution dégagée n'est pas parfaite ; mais elle n'aura aucune application concrète en 2009, seulement en 2010. Il n'y a pas lieu de voter cet amendement dans le cadre de ce texte. Je suis convaincu que nous trouverons, avec le Gouvernement, les bonnes modalités d'application de ce que nous avons voté en décembre. Défavorable.

M. Eric Woerth, ministre.  - Levons toute ambiguïté : si nous avons supprimé cette demi-part, c'était afin de lutter contre certaines injustices et beaucoup d'entre vous partageaient notre analyse. En effet certains contribuables devenus veufs après avoir élevé leurs enfants avec leur conjoint bénéficiaient d'une demi-part supplémentaire...

Je précise que la demi-part est maintenue pour tous ceux qui ont élevé seuls un enfant pendant cinq ans au moins. La rédaction de votre amendement ne nous ramène d'ailleurs pas à l'état antérieur du droit, puisque vous relevez le plafond et que vous supprimez la réduction d'impôt consentie aux invalides, anciens combattants et veuves de guerre...

L'amendement n°67 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°69, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 200 A du code général des impôts est ainsi modifié :

1° A la fin du 2, le taux : « 18 % » est remplacé par le taux : « 20 % » ;

2° Dans le 5, le taux : « 22,5 % » est remplacé par le taux : « 30 % » ;

3° Dans la première phrase du premier alinéa du 6, le montant : « 152 500 euros » est remplacé par le montant : « 50 000 euros » ;

4° Les trois derniers alinéas du 6 sont supprimés ;

5° A la fin du premier alinéa du 6 bis, le taux : « 30 % » est remplacé par le taux : « 40 % » ;

6° Le 7 est abrogé.

M. Thierry Foucaud.  - Il s'agit de relever le taux du prélèvement libératoire que peut choisir le contribuable pour ses revenus mobiliers. Et ce, afin d'améliorer le rendement de l'impôt sur le revenu et dégager des ressources nouvelles pour réduire le déficit et financer de nouvelles dépenses. Augmenter de deux points l'imposition des plus-values fournira, pour 400 milliards d'euros de revenus déclarés, 300 millions supplémentaires. Une taxation de 30 % est appliquée aux cessions anticipées de titres détenus dans un PEA. Quant aux stock-options, elles constituent une forme de rémunération dont le coût fiscal est aujourd'hui très réduit. Le dispositif qui leur est applicable est peu utilisé : en 2006, environ 2 300 contribuables ont demandé à en bénéficier, pour un montant de 100 millions d'euros. L'imposition de ces plus-values est pratiquement nulle compte tenu de l'actuel plafond : nous le ramenons à 50 000 euros. Une taxation de 30 %, quand le taux marginal est de 40 %, signifie une économie d'impôt significative ! Nous vous proposons de faire un premier pas vers une meilleure égalité de traitement entre revenus catégoriels.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cette mesure permanente n'a pas sa place dans le plan de relance. Et durcir la taxation sur les plus-values de cessions d'entreprises, au moment où les valeurs chutent parfois dramatiquement, n'est pas approprié. Défavorable.

M. Patrick Devedjian, ministre. - Même avis !

L'amendement n°69 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°70, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

A la fin de la première phrase du premier alinéa de l'article 200 B du code général des impôts, le taux : « 16 % » est remplacé par le taux : « 20 % ».

M. Thierry Foucaud.  - Même esprit que précédemment. Au moment où l'on demande tant d'efforts au monde du travail, il n'est pas anormal de mettre à contribution les revenus du capital.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Comme précédemment, avis défavorable.

M. Patrick Devedjian, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°70 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°62, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, pour les dirigeants d'entreprises qui ont une rémunération annuelle excédant 250 000 euros après prélèvement des cotisations sociales, le montant des indemnités de départ qui excède ce montant est imposé à un taux de 100 %.

II. - Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, la société qui octroie une rémunération de départ supérieure, calculée conformément au premier alinéa, en vertu d'un contrat de travail, d'un contrat d'entreprise ou d'un mandat est soumise à une taxe supplémentaire de 15 % sur son bénéfice imposable.

III. - Par dérogation aux dispositions fiscales en vigueur, toute rémunération ou partie de rémunération qui est liée à l'évolution de cours boursiers, octroyée ou calculée sous quelle que forme que ce soit, est soumis à une taxe de 10 %.

M. Bernard Vera.  - Il s'agit ici d'une catégorie de revenus particulière, les indemnités de départ de certains grands patrons. Nous voulons rendre impossible une indemnité exceptionnelle, en la taxant fortement. Les qualités individuelles de ces dirigeants ne sont pas en cause mais ce qui s'est passé dans quelques cas bien connus nous interdit de tolérer plus longtemps une telle pratique. La loi Tepa n'a rien résolu. La proposition de loi socialiste a montré qu'il y avait encore beaucoup à faire pour réintégrer dans le droit commun la situation de ces salariés très particuliers. Et le code de bonne conduite du Medef ne suffira pas. Jusque dans les rangs de la majorité, on reconnaît qu'en matière de rémunération des dirigeants, la limite est atteinte !

Du reste, à l'occasion de la deuxième tranche du plan de redressement du secteur financier, le Président de la République a insisté sur ce point : aucune aide ne sera accordée aux établissements qui prennent des libertés dans l'affectation des fonds publics. Le nombre de chômeurs grossissant, certains actes, certaines pratiques commencent à peser dans les esprits. La portée symbolique de la mesure sera plus importante que le rendement pour les comptes publics. Mais les symboles ne sont pas à négliger.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - L'article 21 de la loi de finances pour 2009 a été adopté, il n'y a pas à y revenir. Et un prélèvement de 100 % est confiscatoire. Défavorable.

M. Patrick Devedjian, ministre.  - Même avis.

Mme Nicole Bricq.  - M. Vera a mentionné notre proposition de loi, venue en discussion le 4 novembre dernier. La majorité sénatoriale nous avait alors renvoyés à un futur bilan du code de bonne conduite et avait refusé de délibérer plus avant après la discussion générale. Le président Hyest avait annoncé qu'après trois mois, si les engagements n'étaient pas tenus, il conviendrait de légiférer.

Tout récemment, le Président de la République s'est vivement ému de ces pratiques, qui continuent. Il ne faudrait pas utiliser les dirigeants dans une stratégie de communication consistant à échanger 10 milliards d'euros contre une suppression des bonus 2008. Mais puisque notre président est un homme pressé, en permanence en mouvement -même si on ne sait pas toujours dans quelle direction...-, faisons-lui gagner du temps, donnons-lui satisfaction dès ce soir, sans attendre le bilan.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°63, présenté par M. Vera et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article 278 du code général des impôts est ainsi rédigé :

« Art. 278. - A compter du 1er janvier 2009, le taux normal de la taxe sur la valeur ajoutée est fixé à 17,60 %. »

II. - La perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus est compensée à due concurrence par le relèvement du taux de l'impôt sur les sociétés.

M. Thierry Foucaud.  - Mon amendement sur la TVA au projet de loi de finances initial pour 2009 ayant été repoussé, je récidive. Vous connaissez la position du groupe CRC-SPG sur cette question : la TVA, dont on souhaite accélérer le remboursement aux entreprises dans le cadre du plan de relance, doit être modifiée et son taux général abaissé. Que M. le rapporteur général ne me réponde pas qu'une telle mesure n'a pas produit en Grande-Bretagne les effets escomptés : chaque fois que nous déplorons l'inefficacité des mesures votées par la majorité, on nous répond : « Sans cela, ce serait pire ! »

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il y a quelques années, sous un gouvernement précédent, le ministre de l'économie et des finances -c'était M. Strauss-Kahn ou M. Sautter- avait décidé de diminuer d'un point le taux général de la TVA. On a pu constater que cette mesure coûtait très cher et qu'elle n'avait aucun effet mesurable sur l'économie.

M. Patrick Devedjian, ministre.  - Comme en Angleterre !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - En effet. Pour qu'une baisse de la TVA soit économiquement efficace, il faudrait qu'elle fût beaucoup plus forte, mais nous n'en avons pas les moyens ; même en « taxant les riches », comme vous dites, il serait impossible de compenser une telle mesure.

Nous ne pouvons donc pas être favorables à cet amendement.

M. Eric Woerth, ministre.  - La mesure proposée coûterait excessivement cher -environ treize ou quatorze milliards d'euros- et n'aurait pas l'impact économique que vous prétendez : voyez l'exemple britannique. Cet argent est mieux utilisé dans le cadre du plan de relance, notamment pour financer l'investissement.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Qu'en est-il pour la restauration ?

L'amendement n°63 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par M. Vera et les membres du groupeCRC-SPG.

Avant le titre premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Les articles 885 I bis, 885 I ter, 885 I quater et 885-0 V bis du code général des impôts sont abrogés.

M. Bernard Vera.  - Depuis plusieurs années, l'impôt de solidarité sur la fortune a été dénaturé pour des raisons purement idéologiques. Son rendement n'est certes pas négligeable -environ 3,9 milliards d'euros- mais il est grevé par trop de mesures dérogatoires. Nous souhaitons revenir à une plus juste imposition et à l'égalité de traitement entre les contribuables assujettis à l'ISF.

La loi Tepa, qui a consisté à dépenser l'argent public en pure perte, comprenait notamment l'exonération des actions détenues par la voie d'un pacte d'actionnaires et l'imputation des sommes investies dans les PME sur le montant de l'ISF à payer. Il serait pourtant logique d'inclure ces éléments dans l'assiette de l'ISF parce que la valeur d'une entreprise a peu de choses à voir avec la masse de son capital, et beaucoup avec le travail humain : une entreprise est le produit du travail de tous et appartient à tous.

Aujourd'hui, le produit de l'ISF est réduit de plus d'un milliard d'euros, nonobstant l'exonération des biens professionnels, qui ampute plus que tout autre chose le rendement de cet indispensable impôt.

L'article 885 I quater du code général des impôts occasionne à lui seul une dépense fiscale de 126 millions d'euros, qui profite à 9 669 ménages seulement : la remise de droits est de 13 130 euros en moyenne. Cette moyenne n'est atteinte que pour un patrimoine de 2,6 milliards d'euros environ ; or le patrimoine moyen des assujettis à l'ISF est situé entre 1,3 et 1,6 milliard d'euros. Seuls les foyers les plus aisés sont donc concernés par cette disposition.

Nous proposons de mettre fin à cette situation en supprimant cette dérogation.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Cette proposition est contraire aux vues de la majorité de la commission et aux objectifs du plan de relance. Avis défavorable.

M. Eric Woerth, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°76 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°13 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Papon, Bernadette Dupont, Lamure, Desmarescaux, Bout, Mélot, Sittler, MM. Cambon, Revet, Demuynck, Etienne et Dallier.

Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le dernier alinéa du I de l'article 125-0 A du code général des impôts est complété par une phrase ainsi rédigée : « Ces produits sont exonérés lorsque la durée du bon ou contrat est supérieure ou égale à douze ans ».

II. - Les dispositions du I s'appliquent aux dénouements intervenant à compter du 1er janvier 2009.

III. - La perte de recettes résultant pour l'État des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés à l'article 575 A du code général des impôts.

Mme Catherine Procaccia.  - L'assurance vie est le placement préféré des Français, surtout en ces temps difficiles : près de 12 millions d'entre eux sont titulaires d'un tel contrat, qui leur sert notamment à préparer leur retraite. Pourtant la fiscalité sur ce produit d'épargne n'est pas aussi avantageuse qu'elle l'était à l'origine, lorsque j'ai moi-même souscrit mon premier contrat au début de ma vie professionnelle. Le prélèvement libératoire se situe entre 15 et 35 % les huit premières années, et il est de 7,5 % après huit ans, sans compter les prélèvements sociaux de 12,1 %, quand les intérêts sont supérieurs à 4 600 euros pour une personne seule.

Cet amendement a pour objet d'exonérer d'impôt sur le revenu les produits des contrats d'assurance vie et de capitalisation d'une durée supérieure ou égale à douze ans. Cela inciterait les Français à ne pas débloquer leurs fonds, et à déposer davantage d'argent sur ces comptes. Or l'assurance vie est une épargne stable, à long terme, placée en obligations, en actions ou en emprunts. Si les encours des assureurs baissaient, cela fragiliserait notre économie.

La Fédération française des sociétés d'assurance estime à plus de 11 milliards d'euros le montant des actifs supplémentaires générés par une telle mesure, qui se répartiraient comme les actifs déjà gérés par les assureurs : les entreprises bénéficieraient de 6 milliards d'euros d'investissements directs supplémentaires et 4 milliards d'euros pourraient être investis dans les obligations émises ou garanties par l'État, nécessaires au financement du plan de relance.

M. le président.  - Amendement identique n°26, présenté par M. Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Je ne répéterai pas l'argumentation de Mme Procaccia. Je partage sa volonté de stabiliser l'épargne investie en assurance vie, qui représente plus de 1 500 milliards d'euros mais a tendance à diminuer depuis 2008, alors qu'elle progressait continûment jusqu'à présent. En ces temps de crise, les sommes supplémentaires qui pourraient être investies par les assureurs dans les entreprises et les obligations d'État ne sont pas négligeables.

Je souhaite que le Gouvernement nous donne son avis sur ce sujet et nous dise s'il partage notre inquiétude sur le changement d'attitude des Français vis-à-vis de ce type d'épargne.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nos collègues ont raison d'attirer notre attention sur l'épargne. Au cours de la discussion générale, on a beaucoup entendu parler d'investissement et de consommation...

M. Daniel Raoul.  - Eh oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - ...mais seul M. Fourcade a abordé le sujet de l'épargne.

Mme Nicole Bricq.  - J'en ai parlé aussi !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Certes, mais j'ai cru comprendre que vous vous renvoyiez la balle...

Le réservoir d'épargne dont la France dispose est pour elle une chance, au moment où certains analystes craignent la déflation et l'assèchement des marchés financiers. Dans ces conditions, il est judicieux de mieux mobiliser notre épargne. Ce n'est d'ailleurs pas une idée nouvelle : de nombreux gouvernements ont cherché à faire de même au cours des périodes de crise. Il conviendrait d'étudier la proposition de M. Fourcade de créer des bons à cinq ans doués d'un taux de rémunération de marché : cela permettrait à l'opinion de mieux visualiser l'effort nécessaire pour résister à la crise et dégagerait quelques dizaines de milliards d'euros.

Quant aux amendements présentés par Mme Procaccia et M. Jégou, un amendement similaire a été déposé à l'Assemblée nationale par M. Yves Censi, puis retiré à la suite d'un long débat le 8 janvier dernier. Au plan micro-économique, la mesure envisagée profiterait aux assurés ; les titulaires actuels pourraient d'ailleurs mettre un terme à leur contrat dans les conditions prévues au moment de sa souscription. Au plan macro-économique, les effets d'une telle disposition sont moins évidents. Elle mériterait une réflexion approfondie et collective. Son coût a été estimé par la Fédération française des sociétés d'assurances à 32 millions d'euros, si l'on déduit des pertes de recettes fiscales de 77 millions les gains de prélèvements sociaux de 45 millions.

Il faudrait pouvoir vérifier ces chiffres.

De plus, il est à craindre un effet d'aubaine pour les contrats arrivés à maturité. Ainsi, le souscripteur d'un contrat à onze ans bénéficierait-il d'une exonération de ses produits au lieu d'être imposé à 7,5 %. Afin d'éviter cet écueil, ne faudrait-il pas limiter la mesure aux contrats nouvellement souscrits ou, tout au moins, aux contrats en cours depuis quatre ans ?

L'effet levier en faveur de l'économie invoqué par les compagnies d'assurance, qu'a utilement rappelé Mme Procaccia, est évalué à 11,5 milliards, dont 9,5 conservés dans les portefeuilles d'investissement et 2 sous la forme de versements supplémentaires. Le raisonnement, si attractif soit-il, nécessite une expertise préalable, d'autant qu'il repose sur des espérances et non des certitudes. De surcroît, aucune garantie n'est apportée sur l'emploi des primes.

Enfin, lors des débats à l'Assemblée nationale, suite aux interventions du rapporteur général et du ministre du budget, s'est dégagé un consensus selon lequel la proposition devait être expertisée afin d'en étudier les effets et les contreparties à exiger ; M. Carrez a notamment évoqué le fonds stratégique d'investissement. Compte tenu des délais dans lesquels nous avons travaillé, ce travail d'expertise n'a pas encore abouti. Que pense le Gouvernement de cet amendement d'appel qui s'inscrit dans une réflexion plus large sur l'épargne ?

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous n'avons pas eu le temps d'examiner de manière approfondie cette mesure qui, de toute façon, ne ressort pas d'un plan de relance compte tenu de son caractère définitif. Cette proposition, M. le rapporteur général l'a rappelé, déséquilibrerait le paysage de l'épargne : les produits d'assurance vie, qui bénéficient déjà d'un régime fiscal avantageux, sont très appréciés des Français ; attention de ne pas déstabiliser les autres produits, comme par exemple les plans d'épargne en actions, qui concourent au financement de l'économie. Outre la prudence quant au chiffrage et à un effet d'aubaine non négligeable, la mesure profiterait aux ménages les plus aisés, ceux qui acquittent plus de 9 200 euros d'impôts par foyer. Donc, la porte n'est pas fermée, mais je ne l'ouvre pas sur ce texte dans ces conditions. Retrait ?

Mme Catherine Procaccia.  - J'ai écouté attentivement les arguments de M. le rapporteur général, qui défend si souvent l'épargne et les épargnants, ainsi que ceux du ministre. Je note que l'engagement pris à l'Assemblée nationale devant M. Censi de travailler la question avant le débat au Sénat n'a pas été tenu...

Monsieur le ministre, cette mesure ne profite pas aux ménages aisés...

M. Eric Woerth, ministre.  - « Aux plus aisés », ai-je dit !

Mme Catherine Procaccia.  - Un contribuable seul, qui aurait versé chaque mois de petites sommes, peut facilement, compte tenu des taux depuis 1997, être concerné. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ce produit d'épargne est si intéressant... Et j'invite mes collègues à faire de même pour préparer leur retraite ! (Exclamations à gauche)

Mme Catherine Procaccia.  - Quant à l'effet d'aubaine, tentons de le corriger en limitant la disposition aux contrats souscrits depuis quatre ou cinq ans. Je maintiens l'amendement.

M. Jean-Jacques Jégou.  - Je remercie le rapporteur général, malgré les brefs délais impartis, d'avoir étudié avec sérieux cette proposition ainsi que M. le ministre de sa réponse. Mon propos n'était de traiter ni de la fiscalité ni de l'intégration des produits d'assurance vie. Il s'agissait de parer à une désaffection éventuelle des Français pour ces produits d'épargne et, partant, à ses effets négatifs sur l'économie. L'État, pour assurer le succès de son plan de relance, doit compter sur la confiance et l'investissement des compagnies d'assurance. Toutefois, puisque le ministre m'assure que la poste reste ouverte, je m'incline.

L'amendement n°26 rectifié est retiré.

M. Thierry Foucaud.  - Le dispositif actuel de l'assurance vie profite surtout aux cadres d'entreprises âgés de plus de 50 ans...

M. Daniel Raoul.  - Autrement dit, les petits jeunes ! (Sourires à gauche)

M. Thierry Foucaud.  - Ces amendements intègrent l'allongement de la durée de cotisation qui a été partout imposée en Europe, malgré une situation démographique qui ne le justifiait pas. C'est une autre manière de jouer sur les craintes face au devenir de la retraite par répartition ! J'en viens à la question du financement. La fiscalité réduite de l'assurance vie représente déjà 2,8 milliards pour le budget de l'État, soit 230 euros par foyer, auxquels il faudrait ajouter les reliquats de capitalisation au terme de huit ans, soit 60 millions, pour une mesure qui profite aux ménages de catégorie moyenne, voire supérieure. Ce n'est pas un hasard quand ce Gouvernement réduit le taux du livret A tout en laissant filer de manière spectaculaire la dette publique ! A croire que la crise est l'occasion de faire de nouveaux cadeaux fiscaux... Comment financera-t-on l'action publique ? Nous préconisons plutôt que l'État émette, comme par le passé, un nouvel emprunt national défiscalisé assorti d'un taux d'intérêt de 3 %.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

A compter de 2010, le Fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée est exclu de l'ensemble des prélèvements sur recettes de l'État établis au profit des collectivités territoriales, pris en compte pour le plafonnement de l'augmentation des concours financiers de l'État aux collectivités territoriales.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Messieurs les ministres, nous nous opposons notamment sur deux points essentiels.

Ainsi, nous pensons que cette crise est profonde et durable, alors que vous l'estimez superficielle et brève. Vous repoussez donc toute disposition qui ne serait pas temporaire.

Le second point de désaccord découle du premier, puisque vous voulez relancer la demande, mais au moindre coût. C'est courir deux lièvres à la fois ; un psychanalyste y verrait sans doute un acte manqué, une tentative de concilier deux pulsions opposées... On le voit clairement avec le FCTVA.

Pourtant, cet amendement pourrait nous réunir, puisque nous voulons tous conférer un rôle moteur aux collectivités territoriales, qui réalisent 75 % de l'investissement public, avec un endettement modéré.

Nous proposons que le FCTVA ne fasse plus partie de l'enveloppe normée à partir de 2010, afin que les collectivités récupèrent leurs capacités financières.

Je suis surpris que la situation des collectivités territoriales n'ait pas été abordée, alors que certains départements ont perdu jusqu'à 10 % des droits de mutation encaissés. Pour la même raison, certaines communes éprouveront des difficultés à équilibrer leur budget.

Si la DGF n'augmente que de 1 %, il sera peut-être possible de boucler l'exercice 2009, mais d'extrêmes difficultés nous attendront en 2010. Je suis prêt à en prendre le pari !

Notre amendement anticipe sur la suite, en organisant un accompagnement salutaire du plan de relance. Il mérite qu'on s'y attarde car il ne suffit pas de pédaler en regardant ses pieds pour sortir le pays de l'ornière !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Nous examinons le plan de relance, non la loi de finances pour 2010.

Que les ministres ne se fassent aucune illusion : cette question leur sera posée. Le Sénat sera très attentif à la prise en compte du FCTVA pendant les exercices à venir, mais l'amendement n'est pas conforme à la nature du texte.

En outre, nous ne pouvons anticiper aujourd'hui les concours de l'État aux collectivités territoriales en 2010 car nous ne connaissons ni le contexte économique, ni l'état des finances publiques l'été prochain.

Pour cette seule raison de méthode, avis défavorable.

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous examinerons, le cas échéant, cette disposition en discutant la loi de finances pour 2010.

J'estime au demeurant que nous avons établi une règle juste, avec une forte progression des dotations aux collectivités territoriales. Bien sûr, on peut toujours se plaindre...

Il est vrai que le produit des droits de mutation diminue, mais les collectivités territoriales ne sont pas situées hors de la crise. Lorsque c'est possible, la gestion doit être adaptée à la conjoncture car l'État ne peut en compenser les effets : on est autonome ou on ne l'est pas.

L'enveloppe normée a pour mérite de fournir aux collectivités territoriales une représentation de l'avenir.

Je rappelle que les ressources locales ont progressé bien plus vite que celle de l'État.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Je croyais que nous étions tous keynésiens, que nous avions compris le rôle majeur des collectivités territoriales dans la relance.

Je ne sais ce qu'il faut admirer le plus : votre capacité à tout comprendre ou votre aptitude à ne rien entendre ! (Rires) Vous dites que nous ne sommes pas en 2010 et que la France résiste mieux que d'autres pays, mais vous oubliez la cause de cette aptitude : nous sommes moins « modernes » au sens où vous l'entendez ; nous sommes « archaïques », plus que vous ne le souhaitez.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Vous faites un procès d'intention.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nullement ! Rappelez-vous les éloges des fonds de pension et les charges contre l'archaïsme de la retraite par répartition...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est une interprétation libre et tendancieuse.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Si nous vous avions écoutés, nous n'en serions pas à nous interroger sur 2010...

Chaque jour apporte son lot de nouvelles alarmantes.

M. Eric Woerth, ministre.  - C'est pourquoi nous sommes là !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Autant que cela serve à sortir notre pays de la crise !

M. Thierry Foucaud.  - Cet amendement aborde le devenir de l'enveloppe normée des concours budgétaires de l'État aux collectivités territoriales.

Ces concours sont encadrés depuis 1995. Nous avions souligné les limites de l'exercice dès cette époque, celle du pacte de stabilité.

Au-delà des beaux discours sur la qualité des relations entre l'État et ses partenaires locaux ou sur l'importance de la décentralisation, il apparaissait que l'enveloppe normée devait mettre les collectivités locales à contribution pour contenir le déficit du budget de l'État.

Comme il était prévisible, le dispositif s'est grippé : hormis la période de croissance économique entre 1997 et 2002, chaque loi de finances a rendu l'enveloppe normée plus étroite.

Le résultat est connu : la dotation de compensation de la taxe professionnelle, censée effacer les effets de l'allégement transitoire des bases de 16 % -un transitoire qui dure-, a perdu les deux tiers de sa valeur en treize ans. Dans la loi de finances initiale pour 2009, nos collègues ont tranquillement supprimé le dispositif Auberger, enlevant ainsi 500 millions d'euros à la DGF.

Et je ne peux passer sous silence le fait que la DGF, le plus dynamique des concours de l'État, a été insuffisamment réévaluée malgré le développement de l'intercommunalité et malgré le décret sur les nouvelles populations légales des communes.

Ainsi, la ville de Saint-Denis a vu sa population résidente s'accroître de 12 000 personnes d'après le recensement général de la population. Il en résulte que les besoins supplémentaires en équipements publics sont estimés à 5,4 millions d'euros. Or, la progression de l'enveloppe normée n'attribue que 1,8 million d'euros supplémentaire à Saint-Denis. Où trouver les sommes manquantes ? Dans la poche de l'usager ou dans celle du contribuable ? C'est souvent la même...

L'enveloppe normée n'a donc plus de sens. Cela vaut notamment pour le FCTVA. Si nous étions conséquents, la reconnaissance implicite du rôle des collectivités territoriales par ce collectif conduirait à supprimer l'enveloppe normée. Anticiper aujourd'hui le versement du FCTVA, n'est-ce pas prendre le risque de réduire les autres éléments de l'enveloppe ?

Nous partageons les préoccupations de nos collègues socialistes à propos des dépenses d'équipement des collectivités locales, mais il faut aller plus loin en abandonnant tout encadrement des dotations car la relance suppose que les collectivités territoriales s'engagent sans craindre de devoir alourdir in fine leurs prélèvements obligatoires.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 22 janvier 2009, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du jeudi 22 janvier 2009

Séance publique

A NEUF HEURES TRENTE

1. Projet de loi (n°154, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2009.

Rapport (n°162, 2008-2009) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

2. Projet de loi (n°157, 2008-2009), adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés.

Rapport (n°167, 2008-2009) de Mme Élisabeth Lamure, fait au nom de la commission des affaires économiques.

Avis (n°163, 2008-2009) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation.

Avis (n°164, 2008-2009) de M. Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale.

A 15 HEURES ET LE SOIR

3. Questions d'actualité au Gouvernement.

4. Suite de l'ordre du jour du matin.

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- M. le Premier Ministre un projet de loi au autorisant l'approbation du protocole sur les registres des rejets et transferts de polluants se rapportant à la convention de 1998 sur l'accès à l'information, la participation du public à la prise de décision et l'accès à la justice dans le domaine de l'environnement ;

- Mme Bariza Khiari, MM. Jean-Pierre Bel, Roger Madec, François Patriat, Yves Daudigny, Jean-Marc Todeschini, Yannick Bodin, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, MM. Roland Courteau, René Teulade, Mmes Nicole Bricq, Catherine Tasca, MM. Richard Yung, Jacky Le Menn, Didier Guillaume, Serge Larcher, Claude Domeizel, David Assouline, Mmes Christiane Demontès, Michèle André, Claire-Lise Campion, M. Daniel Reiner, Mme Françoise Cartron, MM. Jean-Pierre Sueur, Bernard Piras, Jean-Pierre Michel, Claude Jeannerot, Mme Marie-Christine Blandin, MM. André Vantomme, Charles Gautier, Jean-Pierre Godefroy, Mme Josette Durrieu, MM. Yves Krattinger, Daniel Raoul, Robert Badinter, Mmes Annie Jarraud-Vergnolle, Alima Boumediene-Thiery, Raymonde Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de loi visant à supprimer les conditions de nationalité qui restreignent l'accès des travailleurs étrangers à l'exercice de certaines professions libérales ou privées.