SÉANCE

du mercredi 4 février 2009

63e séance de la session ordinaire 2008-2009

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaire : Mme Anne-Marie Payet.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Communication audiovisuelle (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision.

Rappel au Règlement

M. Jack Ralite.  - Le président du Conseil d'État rendra au plus tard après demain son délibéré sur le recours déposé par le groupe CRC-SPG sur ce texte, dont une disposition, que l'Élysée et le Gouvernement ont voulue symbolique, la suppression de la publicité en soirée, avait été mise en vigueur avant même que notre Haute assemblée soit appelée à en délibérer. Décision grave, offensante, déchirement du droit qui nous mettait devant le fait accompli, portait atteinte à notre droit d'amendement et répondait à la seule règle qui veut que la fin justifie les moyens.

L'audience a montré combien le pouvoir était en difficulté. La partie ministérielle a fui la discussion, n'opposant que des arguments de procédure et rien sur le fond.

Le délibéré portera sur l'article 18, sur lequel on demande aujourd'hui de voter. Afin que la commission, les groupes politiques et chacun d'entre nous puissent se déterminer en connaissance de cause, nous demandons une suspension de séance. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG et sur plusieurs bancs socialistes)

M. le président.  - Je vous donne acte de cette information mais je ne crois pas qu'une suspension de séance soit de nature à éclairer davantage le Sénat.

Discussion générale

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - La discussion sur ce texte s'était ouverte pour nous dans des circonstances un peu particulières, puisque sa mesure principale, dont tout ou presque semblait découler, était entrée en application deux jours auparavant, quand la publicité avait disparu en soirée sur les chaînes publiques. Tout semblait dit et nombreux étaient ceux qui craignaient un vide du débat. Or nous avons su faire entendre la voix singulière du Sénat, nourrie des 133 amendements que nous avons adoptés en provenance de tous les groupes politiques. Cette voix a résonné jusqu'au sein de la CMP.

M. David Assouline.  - Sans blague !

Mme Morin-Dessailly, rapporteur.  - Nous avons réaffirmé la nécessité d'assurer au service public de l'audiovisuel un financement pérenne et dynamique à travers la redevance, dont c'est la vocation première. Aucun impôt n'est en soi impopulaire. C'est l'ignorance de son usage qui le rend tel. Si chacun savait que la redevance finance non seulement la télévision publique, la radio publique, trop souvent oubliée, ainsi que quatre orchestres, si chacun savait que, pour 10 euros par mois, il dispose du premier bouquet de chaînes de télévision et de stations de radio gratuit, l'impopularité de la redevance ne tarderait pas à se dissiper.

C'est pourquoi, dans le droit fil des travaux de la commission Copé, votre commission a mis l'augmentation de la redevance au coeur de sa réflexion sur la nouvelle télévision publique. Une réforme d'une telle ampleur, qui engage non seulement France Télévisions, mais tout le secteur de la création, soit 260 000 emplois, supprime la publicité, redessine l'identité des chaînes, construit le média global, ne peut faire l'économie des moyens. Le Sénat a pris ses responsabilités en votant à une immense majorité l'augmentation de la redevance, qui n'avait pas été revalorisée depuis 2001, de 4 euros sur deux ans, en prévoyant son indexation à l'euro supérieur, en réaffirmant son extension aux ordinateurs et en excluant le groupement d'intérêt public France Télénumérique de ses bénéficiaires.

Nous avons dans le même temps engagé un travail de pédagogie, en la rebaptisant « contribution à l'audiovisuel public », afin de mieux faire percevoir le service offert à celui qui l'acquitte. Nous avons aussi souhaité -et j'espère, madame la ministre, que vous pourrez prendre des engagements sur ce point- que la confusion cesse avec les impôts locaux, grâce à une notification distincte.

La CMP a entériné les mesures qui nous tiennent le plus à coeur. En 2010, la contribution pour l'audiovisuel public s'élèvera ainsi au moins à 120 euros, sans compter l'indexation que nous avons votée en loi de finances rectificative. Le GIP France Télénumérique sera financé à l'avenir par voie de crédits budgétaires. Dès l'année prochaine, ce sont plus de 72 millions qui seront ainsi rendus à l'audiovisuel public, 130 millions en 2011.

Au total, en 2010, l'audiovisuel public bénéficiera de plus de 110 millions supplémentaires. La réforme sera assise sur des bases financières solides et pérennes.

C'est pourquoi la commission mixte paritaire n'a pas jugé nécessaire d'ajouter à cette augmentation de la contribution à l'audiovisuel public son indexation à l'euro supérieur. Elle est également revenue sur le vote du Sénat qui rappelait que la contribution à l'audiovisuel public concernait aussi les foyers qui reçoivent la télévision via leur ordinateur. A l'ère du média global, nombre de programmes du service public peuvent déjà être visionnés sur internet, de même que les radios publiques sont disponibles en ligne. Demain, grâce au Sénat, l'offre de télévision de rattrapage en ligne sera intégralement gratuite, à l'exception de certaines manifestations sportives et des films. Cette mesure légitime, déjà inscrite dans le code des impôts, requiert encore de la pédagogie. Nous n'avons fait que tracer la voie, qui mérite, madame la ministre, d'être poursuivie. Aussi l'examinerons-nous avec une attention toute particulière dans le cadre du comité institué par l'article 49 AA, qui aura notamment pour mission de moderniser la contribution à l'audiovisuel public, et singulièrement son assiette et s'attacher au devenir des taxes. Le Sénat a pris toutes ses responsabilités en mettant fin aux situations d'inégalité les plus criantes liées à la double taxation de l'assiette publicitaire des chaînes, à la taxation de chaînes d'audience internationale ne bénéficiant pas de l'effet d'aubaine liée à la suppression de la publicité, à la taxation des investissements des opérateurs de télécommunication ainsi qu'à celle des opérateurs ultramarins. Il a créé les conditions nécessaires à une réflexion sur l'évolution de ces taxes au regard de l'évolution de la redevance et des économies liées à la mutualisation des moyens dans l'entreprise unique. La CMP a adopté la position équilibrée du Sénat.

Conforter le financement de France Télévisions, ce n'est pas seulement assurer l'indépendance matérielle du service public, c'est aussi garantir que la création pourra s'épanouir sur ses écrans. Dans le droit fil des travaux du Sénat, la CMP a réaffirmé, dès l'article premier, le rôle central de France Télévisions en la matière. Pour lever toutes les inquiétudes qu'éveillait la possible constitution d'un guichet unique, elle a retenu la collégialité comme mode de sélection des projets.

Avec ce projet de loi, ce n'est donc pas seulement à France Télévisions que nous donnons les moyens d'un nouvel élan, c'est à l'ensemble des forces créatives que compte le monde culturel français. Avec la fin de la publicité, l'ambition culturelle se trouve au centre du projet de la télévision publique. C'est pourquoi votre commission vous invite à adopter le texte élaboré par la commission mixte paritaire et à donner ainsi le véritable coup d'envoi d'une réforme qui ne se limite pas à la suppression de la publicité, mais qui prend appui sur elle pour aller beaucoup plus loin encore. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Michel Thiollière, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Je tiens à remercier Catherine Morin-Dessailly dont le travail et la force de conviction nous ont permis de faire aboutir la CMP. Le Sénat avait insisté sur l'indépendance de l'audiovisuel public et la CMP a conservé la disposition fondamentale qui, dans leur convention collective, garantit l'indépendance des journalistes.

Nous avions souhaité que la nomination des présidents des sociétés nationales de programme se fasse dans la transparence. Cette nomination par le Président de la République est source de transparence et d'efficacité mais nous avons apporté deux garanties supplémentaires : un avis conforme du CSA et un avis public des commissions des affaires culturelles des deux assemblées, qui pourront s'y opposer à la majorité des trois cinquièmes de leurs membres.

Notre Haute assemblée avait toutefois considéré qu'à la différence du dispositif de nomination, celui de la révocation -rare mais qu'il faut prévoir- était insuffisamment encadré. La Constitution n'en dit mot et votre commission avait choisi de proposer un dispositif plus strict quant à la place qu'y jouerait le Parlement. En CMP, nous avons dû toutefois évoluer sur cette question, compte tenu du risque d'inconstitutionnalité et nous nous sommes finalement ralliés au dispositif de l'Assemblée nationale, tout en conservant l'exigence, introduite par le Sénat, d'un vote à la majorité absolue au sein du CSA.

Nous avons souhaité assurer la diversité de l'audiovisuel public et l'entreprise unique sera la garantie d'une communauté nouvelle qui se met en place entre les différentes chaînes, France Télévisions devenant pour la télévision ce qu'est Radio France pour la radio et qui fonctionne depuis des années à la satisfaction de tous.

Nous avons souhaité promouvoir le multilinguisme dans les programmes de France Télévisions, en rendant systématiquement accessible la version originale des oeuvres étrangères diffusées sur le service public. Dans le même esprit, nous avons choisi de rendre gratuite la télévision de rattrapage sur internet, car le média global est le moyen de rendre de nouveaux services au public.

Les conditions dans lesquelles l'audiovisuel public pourra faire appel au parrainage -qui n'est pas la publicité- ont été mieux encadrées par des amendements sénatoriaux que la CMP a repris.

Les choix du service public devront être validés par les téléspectateurs qui seront représentés dans un Conseil des programmes que France Télévisions devra constituer et consulter régulièrement, ce que la CMP a accepté.

Le Sénat avait renforcé la responsabilité politique du Parlement sur les contrats d'objectifs et de moyens en supprimant l'avis préalable du CSA, ce que la CMP a également accepté.

Le Sénat a souhaité étendre les pouvoirs du régulateur, qui pourra saisir l'Autorité de la concurrence, avoir un avis sur l'ensemble des textes réglementaires du secteur et disposer d'une possibilité d'astreinte étendue. Le texte du Sénat a été maintenu en l'état sur tous ces points.

Nous avions également souhaité que l'audiovisuel public soit, chaque année, évalué et contrôlé par le Parlement.

La CMP nous a suivis sur la transposition de la directive et sur le maintien de la numérotation des chaînes de la TNT.

La CMP a souhaité rétablir la suppression de la publicité sur RFO que le Sénat avait choisi de faire disparaître, parce qu'il n'y a aucune raison que nos compatriotes ultramarins n'en bénéficient pas eux aussi ainsi que du passage au numérique.

Le texte qui sort de la CMP est, pour sa plus grande part, celui du Sénat. Nous avons su construire un projet de loi qui donne toute confiance en un audiovisuel rénové et permet de construire ce média global que nous appelons tous de nos voeux. Nos amendements ont traduit nos principes et nos valeurs, celles de la République, car l'audiovisuel est un lien social fort. Les nouvelles technologies ne sont pas une contrainte, elles permettent d'offrir de nouveaux services. Finalement, seul le public tranchera. Il a déjà apprécié la suppression de la publicité, il appréciera la qualité des programmes et, si le public est satisfait, nous aurons fait notre devoir de parlementaires. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication.  - Ce projet de loi est aussi une grande réforme culturelle. Les Français plébiscitent la disparition de la publicité comme le montrent les sondages d'opinion. Après un mois et demi de débat au Parlement, la commission mixte paritaire propose un texte largement enrichi par rapport à celui que vous proposait le Gouvernement.

La représentation de la diversité de la population française sera désormais assurée, à la fois sur les écrans et dans la politique de ressources humaines de l'audiovisuel public.

La gouvernance de l'audiovisuel extérieur de la France sera plus cohérente et plus pertinente grâce à un représentant de cette francophonie si chère au président Legendre. Les conditions de nomination et de retrait du président de l'audiovisuel public ont été précisées pour rendre plus visibles les avis du CSA et des commissions parlementaires, car il y aura un débat public.

Un conseil consultatif intéressera les téléspectateurs aux programmes tandis que les projets d'investissement audiovisuel éviteront l'arbitraire du guichet unique.

Les conditions de suppression totale de la publicité ont été encadrées et assorties d'une clause de revoyure ; quant à RFO, le projet pose les termes d'une suppression totale de la publicité, avec extinction de l'analogique et concurrence d'une offre privée.

Le financement de l'audiovisuel public est mieux garanti par l'indexation dès 2008 de la redevance, rebaptisée contribution à l'audiovisuel public. La taxe sur les chaînes privées tiendra compte du surplus de publicité mais, afin de réduire la fracture numérique, les investissements des opérateurs ne seront pas pénalisés.

La protection des mineurs fera l'objet de propositions. Le projet garantit le droit à l'information, dans le respect des intérêts des ayants droit. Les accords interprofessionnels passés par les chaînes historiques s'appliqueront en confirmant l'identité éditoriale de chaque antenne.

Enfin, le texte issu de la commission mixte paritaire crée un comité de suivi formé de parlementaires. Le lien entre l'audiovisuel public et les membres des deux assemblées est ainsi renforcé.

Ce projet fort commenté a donné lieu à des débats passionnés et passionnants. Il a assuré à l'audiovisuel public un financement pérenne dont les derniers chiffres de la publicité montrent tout l'intérêt. Si l'audiovisuel privé est décorseté, ses obligations sont précisées. Je remercie tous ceux qui ont soutenu et enrichi ce projet d'ensemble, à commencer par le président de la commission des affaires culturelles et ses deux rapporteurs ; je salue aussi les propositions et les amendements de la commission des affaires économiques et de tous ceux qui ont porté cette réforme ambitieuse qui profitera à toute la France et pas seulement à Paris. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre ; M. David Assouline : « Bla, bla, bla ! »)

M. Bruno Retailleau.  - Je veux d'abord saluer les rapporteurs au fond et les remercier d'avoir conduit un gros travail...

M. David Assouline.  - Pour rien !

M. Bruno Retailleau.  - ... avec patience et ouverture... (Mme Catherine Tasca s'exclame)

Le hasard fait parfois bien les choses. Notre débat arrive en effet à son terme alors que nous fêtons un double événement. Le premier est le cinquantième anniversaire de la création du ministère de la culture. (Mme la ministre salue l'orateur) C'est en effet en 1959 qu'André Malraux déclarait : « la culture, c'est ce qui répond à l'homme quand il se demande ce qu'il fait sur terre ». Le deuxième est le passage au tout numérique de 7 000 foyers français, qui vont basculer de la télévision d'hier à celle de demain. Cette coïncidence fortuite -à moins que la ministre dont nous connaissons le goût pour la mise en scène ne l'ait organisée...- (sourires) donne du sens au texte que nous sommes sur le point de voter.

Le Sénat a été à la hauteur du défi du mieux disant culturel -car la télévision, qui pénètre dans tous les foyers, avec sa force de frappe peut contribuer à grandir l'humanité- et du passage au numérique. Le projet était bien meilleur à l'issue de ces débats que quand il lui était arrivé de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Claude Carle.  - C'est vrai !

M. Bruno Retailleau.  - Nous avons assuré à l'audiovisuel public un financement pérenne en rénovant la redevance, après la percée conceptuelle opérée dans le collectif (sourires) et en dynamisant son assiette, garantie de son indépendance. Nous avons également renforcé le contrôle du Parlement et, même si beaucoup reste à faire, une dynamique a été enclenchée.

Au nom de la commission des affaires économiques je veux souligner l'acquis essentiel que constitue la sanctuarisation de la frontière entre ce qui relève de l'audiovisuel à la demande et ce qui relève d'internet. Face à une jurisprudence hésitante, il fallait définir le cadre stable qui permettra à la France de se porter à la tête du combat sur les nouveaux médias.

Des sujets restent ouverts. Nous aurions souhaité que la prise en compte de l'investissement pour la couverture du territoire soit moins cosmétique et que les opérateurs mobiles virtuels soient exonérés. Le comité de suivi aura du pain sur la planche.

A l'approche du vote final durant lequel chacun se prononcera en conscience, je veux souligner que s'il fallait retenir une raison pour se déterminer, ce serait ce qui s'est passé fin 2008 et en janvier 2009. Il n'y aura pas de retour en arrière. La France a inventé la diversité culturelle ; pour nous, la culture ne se résume pas à quelques points de PIB : nous tenons à la création. Or celle-ci dépend pour une large part de l'audiovisuel. En assurant le financement de l'audiovisuel public...

Mme Catherine Tasca.  - Vous y croyez ? Pas nous !

M. Bruno Retailleau.  - ... nous avons préservé le socle de la création en France. (Applaudissements à droite et sur plusieurs bancs au centre)

M. David Assouline.  - Tout ça pour ça ! Nous, sénateurs de la République, sommes parlementaires au même titre que nos collègues de l'Assemblée nationale ; nous avons pourtant vu, mi-décembre, notre droit de légiférer ignoré, piétiné lorsque vous avez obligé le conseil d'administration de France Télévisions à appliquer la principale disposition du texte avant même que nous ayons commencé à l'examiner. Nous voici de nouveau humiliés par le travail de sape mené par la droite pour faire passer à la trappe tout ce que nos débats avaient pu introduire en faveur de la liberté et du pluralisme du service public audiovisuel. Le seul enjeu du débat d'aujourd'hui est donc de savoir si le Sénat va de nouveau se faire hara-kiri ou si quelques collègues, au-delà de l'opposition, se laisseront guider par leur conscience en dépit du bal des menaces de coups de bâton et des promesses de carottes, qui n'a pas cessé depuis plusieurs semaines.

Parfois, la politique est affaire de respect de soi et de dignité. Je ne me résoudrai jamais au cynisme politicien, qui dégrade notre image auprès de nos concitoyens. J'ai voulu croire ceux qui prétendaient qu'ils n'accepteraient jamais que l'on revînt sur l'encadrement du droit de révocation. Aujourd'hui, c'est à vous, c'est à nous tous qu'il revient de décider : le Sénat relèvera-t-il la tête ?

Je suis inquiet de voir que les sénateurs de la majorité n'ont pas osé s'opposer à un projet de loi que beaucoup réprouvaient, et dont presque tous critiquaient les modalités d'examen. M. le président Larcher veut rendre sa légitimité au Sénat : la meilleure façon de le faire serait de proclamer unanimement aujourd'hui notre désaccord avec les pratiques d'une CMP présidée par M. Copé, célèbre mangeur de chapeaux, qui n'a eu de cesse de détricoter l'ouvrage du Sénat. Quel gâchis ! Au cours de ces dizaines d'heures de débat, nous avons travaillé dans le souci de l'intérêt général, qui n'était malheureusement pas partagé par le Gouvernement, campant sur la position dictée par l'Elysée. Malgré notre opposition farouche à la mise sous tutelle politique et économique de l'audiovisuel public, nous n'avons jamais pratiqué l'obstruction mais déposé près de 150 amendements destinés à limiter les atteintes à l'indépendance, au pluralisme et à la liberté des médias, dans un esprit de collaboration auquel nous invitait la commission des affaires culturelles.

Cela a permis d'apporter au texte des améliorations insuffisantes mais substantielles. Certains de nos amendements ont été adoptés, comme celui qui reconnaissait l'existence de rédactions propres aux différentes chaînes publiques et imposait que ces rédactions fussent dirigées par des journalistes. Adoptée par le Sénat à la quasi-unanimité contre l'avis du Gouvernement, cette disposition a été supprimée par la CMP, au nom de la liberté de la direction de France Télévisions d'organiser les services de l'entreprise unique comme elle l'entend. On a ainsi fait litière de la qualité et de la diversité de l'information sur les chaînes publique, et de l'avenir d'émissions comme Envoyé spécial ou le 19/20, afin de préserver l'autonomie de gestion de dirigeants qui devront prendre leurs ordres à l'Elysée !

Un autre de nos amendements obligeait la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France à coopérer avec Réseau France outre-mer (RFO). A l'heure où le Gouvernement et la majorité appellent de leurs voeux l'optimisation des moyens de la radio et de la télévision publiques, cette mesure paraissait pourtant logique : ensemble, les implantations de ces chaînes constituent un réseau unique au monde. Là encore, les députés UMP se sont retranchés derrière des principes de gestion. Quand on connaît le mode de gouvernance de l'équipe dirigeante de notre audiovisuel extérieur, fondé sur un management arbitraire et une politique de réduction des coûts à l'aveugle, on a du mal à comprendre que la majorité veuille la laisser entièrement libre de ses mouvements ! Les salariés de RFI et les auditeurs d'émissions diffusées en allemand ou en russe n'oublieront pas cette entreprise de démantèlement du service public de l'audiovisuel extérieur.

Nous avions également obtenu de la sagesse du Sénat, une nouvelle fois contre l'avis du Gouvernement, que la loi ne prévoie pas la suppression de la publicité sur les antennes de RFO. Le CSA et la commission Copé en sont convenus, comme tous les acteurs concernés : le marché de la publicité dans ces territoires est très modeste et sa disparition des chaînes publiques entraînerait un déséquilibre brutal entre l'offre et la demande. En outre, les plages de publicité télévisée permettent à des annonceurs locaux de toucher l'ensemble des habitants d'un territoire. Enfin, RFO est la source principale d'information de nos concitoyens ultramarins et doit pouvoir compter sur une ressource annuelle de 18,6 millions d'euros.

Alors que l'UMP vante sans cesse les mérites de la concurrence libre et non faussée, pourquoi la CMP est-elle revenu sur cette disposition ? A qui ce choix profite-t-il, sinon à quelques grands groupes médiatiques privés qui se retrouveront ainsi en situation de monopole ?

La suppression de ces trois amendements témoigne du mépris du parti majoritaire pour l'opposition, et prélude à la caporalisation des parlementaires que parachèvera bientôt la réforme de la procédure législative. En outre, le travail de sape de la CMP manifeste un réel dédain pour le Sénat, puisque certains amendements de nos rapporteurs en ont aussi fait les frais.

Il en va ainsi de la disposition prévoyant un meilleur encadrement du parrainage des programmes et de celle instaurant une consultation obligatoire du CSA sur tous les projets de lois ou de règlements relatifs à la communication audiovisuelle.

Censée dégager un accord entre députés et sénateurs sur un texte que les deux chambres ont dû examiner en urgence, en contradiction flagrante avec l'objectif de revalorisation du rôle du Parlement affiché par la révision constitutionnelle de l'été 2008, la CMP poursuivait en réalité deux buts : sauver la face d'un haut responsable de l'UMP -le fameux mangeur de chapeaux- qui avait eu la vanité de prétendre interdire toute augmentation de la redevance en mettant son propre avenir politique en jeu, et supprimer tous les freins au pouvoir conféré par le projet de loi au Président de la République de nommer et de révoquer les dirigeants de l'audiovisuel public. Comme en témoigne le conciliabule qui avait eu lieu la veille dans le bureau du Premier ministre entre les responsables de la majorité, et qui en dit long sur l'indépendance du pouvoir législatif par rapport à l'exécutif, il s'agissait bel et bien de faire rentrer le Sénat dans le rang pour sauver le soldat Copé et entériner le fait du prince.

C'est par cette mascarade de démocratie que risque de se clore un débat ubuesque né d'une annonce intempestive mais savamment calculée du Président de la République. La Haute assemblée peut-elle ainsi se laisser bafouer, prenant le risque de voir son rôle dans nos institutions remis en cause ?

Ce débat, quelle qu'en soit son issue, se prolongera sur le terrain juridique et je me fais un devoir de relire l'argumentaire de Michel Mercier sur l'encadrement des pouvoirs du Président de la République, mais aussi dans l'espace public. La réforme qui sera peut-être adoptée aujourd'hui par le Parlement est aberrante et indigne d'une grande démocratie. Sous couvert de libérer la télévision publique de la tyrannie de l'audimat, elle vise à prolonger la rente de situation détenue par la chaîne dominante du paysage audiovisuel français, propriété d'un groupe privé qui tire une partie significative de ses revenus de la commande publique et dont le principal dirigeant affiche sa proximité avec le chef de l'État.

Depuis quelques jours, on entend dire que les opposants au projet de loi se seraient trompés en dénonçant les cadeaux faits aux éditeurs privés des deux principales chaînes de la télévision hertzienne. Je maintiens que ce projet de loi organise un transfert de richesse sans précédent du service public vers quelques acteurs du secteur privé et s'apparente ainsi à du favoritisme pur et simple. Ce transfert, évalué à la moitié des 250 millions d'euros de recettes publicitaires perdues par France Télévisions, est renforcé par le passage de l'heure glissante à l'heure d'horloge pour le calcul de la diffusion des écrans publicitaires et par la possibilité d'insérer une deuxième coupure lors de la diffusion d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles. Sans l'admettre, l'État vient au secours d'un opérateur économique qui doit faire face à une conjoncture difficile parce qu'il n'a pas su adapter son modèle économique à la « révolution numérique » : c'est la prime au mauvais entrepreneur !

Le groupe TF1 conserve une part du marché de la publicité télévisée supérieure à 50 % et a été récemment condamné par les autorités de la concurrence à une amende de 250 000 euros pour abus de position dominante, parce qu'il avait violé son engagement de ne pas interférer dans la gestion de la régie publicitaire de la principale chaîne de la TNT, TMC, dont il est actionnaire.

On savait que le Président de la République préférait les forts aux faibles -cette volonté de libéraliser le secteur de l'information en est une nouvelle preuve.

Maltraitant le droit de la concurrence, cette réforme est avant tout une aberration démocratique qui viole notre droit constitutionnel. La nouvelle taxe sur les opérateurs de télécoms crée une inégalité devant les charges publiques. A la suite d'un amendement socialiste au projet de loi constitutionnelle, l'article 34 de la Constitution précise que le législateur « fixe les règles concernant la liberté, le pluralisme et l'indépendance des médias ». Or la tutelle financière de l'État est une entrave à l'autonomie de gestion de la télévision publique et donc à son indépendance, que le Conseil constitutionnel devra sanctionner.

Mais c'est le nouveau régime de nomination et de révocation des dirigeants qui viole le plus manifestement notre Constitution. La direction des programmes de la future télévision d'État sera assumée par le Président de la République, la direction financière par le ministre du budget ! C'est une régression sans précédent. L'autocensure, la peur de déplaire l'emporteront dans les rédactions.

Gardien des principes républicains et des libertés publiques, le Sénat, avec l'approbation de l'opposition, avait encadré le droit de révocation du président. Position balayée en CMP par les députés UMP, en service commandé, à l'aide d'arguments juridiques bien pauvres au regard de ceux de M. Mercier...

M. Michel Mercier.  - Enfin ! (Sourires)

M. David Assouline.  - A peine nommés, les dirigeants des chaînes publiques vivront sous la menace permanente de la révocation ad nutum !

Le Président de la République, qui ne souffre pas la critique, surtout venant des journalistes, ferait bien de méditer cette phrase du Figaro de Beaumarchais : « Sans la liberté de blâmer, il n'est point d'éloge flatteur ».

M. Michel Mercier.  - Ah, Beaumarchais ! Retour à la sagesse !

M. David Assouline.  - La censure du Conseil constitutionnel donnera raison à l'opposition mais, surtout, à ceux qui partagent les craintes exprimées dans l'appel pour la défense de la liberté de la presse et de l'information. Promouvoir le respect du droit moral des journalistes, refuser le mélange des intérêts industriels et médiatiques, préserver l'intégrité du service public de l'audiovisuel, permettre l'accès à toutes les sources documentaires, protéger les sources des journalistes, limiter les concentrations et défendre le pluralisme, telles sont les ambitions, essentielles dans une démocratie, que nous avons essayé de relayer, comme parfois nos rapporteurs, au travers de nos amendements, tous balayés en CMP.

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur.  - C'est faux !

M. David Assouline.  - La colère gronde dans notre pays. La désespérance des ouvriers licenciés, le désarroi des salariés qui peinent à boucler les fins de mois quand l'État garantit des milliards aux banques creusent chaque jour le fossé entre nos concitoyens et leurs gouvernants.

M. Raymond Couderc.  - N'importe quoi.

M. David Assouline.  - Pour masquer son impuissance, le Président a trouvé un terrain d'action : pauvres libertés publiques, objet de toutes les attentions de Nicolas Sarkozy, sujet de ses foudres ! Des juges d'instruction jusqu'au préfet et au directeur de la sécurité publique de la Manche, congédiés pour avoir contrarié le Prince, le chef de l'État musèle tous ceux qui pourraient l'empêcher d'user et surtout d'abuser du pouvoir. Car l'abus de pouvoir est érigé en méthode de gouvernement...

En s'opposant à ce texte, nous enverrions au Président de la République un message fort. Pour citer l'un de nos illustres prédécesseurs, Châteaubriand : « Plus vous prétendez comprimer la presse, plus l'explosion sera forte. Il faut donc vous résoudre à vivre avec elle. » (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Dumas.  - Tout ce qui est excessif est insignifiant...

M. Serge Lagauche.  - L'examen au Sénat de ces deux textes n'aura été qu'un coup d'épée dans l'eau : quasiment toutes les avancées de notre Haute assemblée ont été sacrifiées dans la CMP.

Aux oubliettes, notre amendement visant à empêcher la fusion des rédactions. Tout laisse à craindre la suppression à terme d'une chaîne, France 3 ou France 4, celle qui sera la plus profitable pour le privé... C'est une confirmation des intentions réelles du Gouvernement, dont nous ne connaissons que trop bien la façon de faire des économies : réduction, régression, suppression... Cet amendement était pourtant issu d'un compromis avec la commission. Selon M. Thiollière, « il est important que les rédactions des différentes chaînes du service public restent indépendantes, bénéficient d'une autonomie de fonctionnement et soient dirigées par des journalistes ; nous pouvons d'ailleurs imaginer que tel sera le cas. »

A la trappe également la reprise, à notre initiative toujours, de la convention collective garantissant aux journalistes le droit de ne pas céder aux pressions et de protéger leurs sources. A un moment où l'indépendance de l'information et de la programmation est menacée, il fallait faire contrepoids en conférant une valeur législative à la Charte des devoirs professionnels des journalistes. La CMP a levé ce frein aux immixtions incessantes de l'exécutif dans les médias.

Même sort pour le maintien de la publicité à RFO. Il sera inscrit dans la loi qu'outre-mer, les intérêts des chaînes privées priment sur ceux du service public ! Peu vous importent les conséquences sociales et économiques de la suppression de la publicité. A noter que cette disposition du projet initial avait été retoquée par le Conseil d'État...

A la trappe, enfin, la majorité des trois cinquièmes nécessaire pour révoquer les présidents de France Télévision et Radio France. La majorité s'était déjà couchée pour la nomination ; la CMP a fait sauter le verrou pour la révocation... Il était insoutenable pour Nicolas Sarkozy, au cas où l'idée lui viendrait de révoquer Patrick de Carolis, que de simples parlementaires puissent y faire barrage !

Seul amendement sénatorial sauvegardé via un artifice de forme : l'augmentation de la redevance. L'indépendance de l'audiovisuel public était soi-disant un casus belli pour le groupe centriste. Résultat de ces petits arrangements entre amis : pour préserver cette victoire symbolique, c'est la capitulation en rase campagne sur tout le reste ! Si la CMP a eu un mérite, c'est de faire tomber les masques. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

M. Jack Ralite.  - Hier, le ministère de la culture a eu 50 ans. Et pourtant, aucune manifestation, si ce n'est un rendez-vous de la ministre avec quelques artistes. L'histoire de ce ministère, fruit des grandes luttes populaires pour la culture de 1936 et 1945, est une grande originalité de notre pays et a été marquée par de grandes initiatives et de beaux résultats. Pour fêter ce demi-siècle, un discours du Président de la République, la veille, installant un Conseil pour la création artistique, ministère de la culture bis « au côté du Président de la République, à l'Élysée ».

« Nous allons faire de la culture l'un des éléments majeurs de la lutte pour surmonter la crise. Et pour que ce soit vrai, il faut que la création soit au coeur de cette politique culturelle », dit M. Sarkozy.

M. Henri de Raincourt.  - Il a raison !

M. Jack Ralite.  - Commentaire : c'est une instrumentalisation de la culture et de la création. D'autres expressions le corroborent : « « évaluer les artistes », « l'union de l'utilité et de la beauté », « J'ai besoin de résultats »... Le Président juge la commande publique « à l'aune de l'excellence artistique de l'oeuvre conjuguée à une forme de générosité pour permettre son accès le plus large ». « C'est donc à moi de donner un coup de pied dans la fourmilière », conclut-il.

Quelle différence avec André Malraux, quand il disait : « Les grands artistes ne sont pas les transcripteurs du monde, ils en sont les rivaux » !

Au moment où le ministère de la culture est minoré, dédoublé, qu'on envisage même sa suppression, 224 536 pétitionnaires réclament à Barack Obama un ministère de la culture aux États-Unis !

Triste ironie !

Deuxième remarque : le CSA a eu 20 ans hier ; au cours de la réception, son président M. Boyon a prononcé un discours dont j'ai retenu cette phrase, alors qu'on prétend que le financement de l'audiovisuel public est assuré : « l'audiovisuel français est en situation de sous-financement ». M. Sarkozy devait s'exprimer, mais il n'a fait que passer sans dire un mot, donnant l'impression aux 1 000 personnes qui étaient là d'une présence absente. A analyser...

C'est dans ce contexte que j'aborde la CMP à laquelle j'ai participé en tant que suppléant, c'est-à-dire parlant mais non votant. Ce texte est grave pour cinq raisons : les conditions de nomination par le Président de la République du président de France Télévisions ; l'insuffisance du financement de l'audiovisuel public, aléatoire jusqu'en 2011 et béant au-delà ; un pluralisme étriqué quasiment défini par le pouvoir politique -il n'est que de voir l'exposé des motifs et le cahier des charges ; une politique de la création sous-financée, non pérennisée, contrainte par l'esprit des affaires plutôt que par les affaires de l'esprit ; enfin les menaces de licenciement qui pèsent sur les personnels si l'on en croit certains membres de l'UMP.

Les pressions de l'Élysée et de Matignon ont porté leurs fruits, presque toutes les avancées obtenues par le Sénat, auxquelles nous nous étions associés, ont disparu. Pourtant, lors du vote, il n'y a eu ici que onze voix d'avance pour soutenir le Gouvernement, les abstentions de certains valant, disaient-ils, encouragement pour les deux avancées principales du Sénat, la redevance et la nécessité de tenir compte de l'avis de l'opposition en cas de révocation du président de France Télévisions. Il y aurait grand intérêt pour le Sénat, déjà bafoué par l'affaire du 5 janvier, à refuser le texte de la CMP : à rester debout.

Les jours que nous vivons confirme ce que je dis inlassablement. Un article paru hier dans La Tribune est terrible pour les laudateurs de la loi qui répètent à l'envi que l'État compense à l'euro près ; on peut en effet y lire que les 450 millions d'euros ne seront que 325 et même cette année, la taxe sur la publicité n'étant pas encore effective, 270. Les lobbies, qui se sont beaucoup manifestés ici et à l'Assemblée nationale, ont obtenu une sorte d'échelle mobile de la taxe et un rabotage discret mais efficace de celle frappant les opérateurs de télécommunication. Dès cette année, l'audiovisuel public entame sa marche vers l'abîme, ce que personne ne peut plus ignorer. Il faut rejeter le texte.

L'avancée sur la redevance qu'avait concoctée les deux rapporteurs est sortie vivante de la CMP, mais très affaiblie. L'augmentation de la redevance n'a rien à voir avec son indexation. M. Copé, après avoir malencontreusement affirmé que lui vivant il n'y aurait pas d'augmentation, a obtenu pour survivre un bougé du vocabulaire.

M. Michel Mercier.  - C'est vrai !

M. Jack Ralite.  - Il n'y a plus augmentation, mais indexation.

M. Henri de Raincourt.  - C'est vrai !

M. Michel Mercier.  - C'est faux !

M. Jack Ralite.  - Autant dire qu'il n'y aura pas d'argent en plus. (Marques d'approbation à gauche) Et les lobbies ont obtenu des cadeaux substantiels.

Les rapporteurs ont aussi cédé sur la révocation du président de France Télévisions. L'argument qui l'a emporté, c'est celui, habituel, de la rumeur : le Conseil constitutionnel « retoquera » ce qu'ils proposaient. Curieux argument ! La chose s'est déjà passée lors de loi Trautmann. M. Messier, qui dirigeait alors Vivendi, qui gagnait partout et savait tout, disait-il, s'opposait à la composition proposée du capital des chaînes privées ; il a demandé une étude à des juristes et fait savoir que selon cette étude le Conseil constitutionnel ne validerait pas. La proposition de Mme Trautmann a été retirée et nous n'avons eu ni étude, ni décision du Conseil constitutionnel... Moi, quand je participe à une réunion, j'affirme ma position et je la confronte à celle des autres, si je les respecte ; je n'y vais pas avec l'idée que ces autres ont le droit pour eux... Étrange conception de la transparence juridique...

Le Sénat bafoué n'a qu'une solution : être un Sénat libéré qui vote ce qu'il croit être sa vérité.

La loi est marquée par l'étatisme et l'affairisme. Le cas de RFO est emblématique, qu'on sacrifie au nom de l'équilibre entre public et privé. Ce type de manoeuvre est décidément dans les gènes de certains ! On déshabille le public et on offre une belle garde-robe au privé... On fragilise l'un et on renforce l'autre.

Encore un mot sur la CMP. Au cours de la réunion, M. Copé a demandé une suspension pour qu'UMP et centristes se mettent d'accord ; les autres, et les journalistes, ont attendu. Lorsqu'il est revenu, tout heureux, il a donné à la télévision les résultats des tractations. A un journaliste qui lui faisait remarquer qu'il n'en avait pas encore parlé avec l'opposition, il a eu ce mot : ce sera comme je vous le dis. Il nous a ensuite informés, je n'ose pas dire consultés. La partie de ping-pong entre l'urgence et la non-urgence sur la loi organique prouve l'improvisation à laquelle a conduit l'agitation élyséenne.

Un mot ensuite du recours que nous avons formé devant le Conseil d'État. Lors de l'audience, M. Renar, nos avocats et moi avons démontré que la lettre de Mme Albanel au conseil d'administration de France Télévisions était une injonction ; la preuve en est qu'on peut lire dans la délibération du conseil du 16 décembre : « le conseil prend acte du courrier ministériel arrêtant les orientations relatives à la suppression de la publicité (...) et confie à son président la responsabilité de leur mise en oeuvre. » C'est bien ainsi que les choses se sont passées : le Gouvernement a joué à saute-mouton par dessus le Sénat ; cet agréable jeu d'enfant est intolérable dans la cour démocratique.

Dans ces sortes d'audience, les avocats présentent leurs arguments par écrit et les commentent en réponse aux questions du président. Ceux du ministère ont mis en avant un arrêt Joxe selon lequel un sénateur ou un groupe de sénateurs ne peut poser une question telle que celle qui constituait notre recours ; mais si cet arrêt ne les habilite pas à recourir contre tout, elle ne leur ferme pas la possibilité de faire un recours contre une décision qui concerne le fonctionnement du Sénat. Plusieurs juristes ont confirmé cette interprétation. A l'audience, les avocats du ministère se sont ainsi contentés d'arguments procéduraux, l'intérêt pour agir et autres épuisements des effets, bref, c'est trop tard. Dernier argument : ils ne peuvent dire que la décision est illégale puisqu'ils ne la considèrent pas comme une décision... D'une atteinte aux libertés on tente de faire un jeu de société : nous n'y jouerons pas. Nous sommes législateurs, nous entendons protéger nos droits.

Tout prouve aujourd'hui que cette loi n'est pas celle dont avait besoin le service public de la télévision. Il méritait un texte d'ensemble concernant en même temps le secteur privé ; à cette étape du développement des nouvelles technologies, à cette étape de la déterritorialisation des images et des sons, à cette étape d'inégalité d'accès à la culture et à la création vécue comme un chagrin par beaucoup, il méritait qu'on examinât comment mettre au jour et en oeuvre une responsabilité publique en matière de culture et des mesures d'intérêt général dont devrait tenir compte le secteur privé. Quand l'ensemble de l'audiovisuel atteint 98,5 % d'audience, il y a bien la place pour un rapport social entre cet audiovisuel et la société. Je sais que ce rapport s'est abîmé ; à nous de le faire revivre en n'oubliant pas les immenses interrogations combatives de tous les mouvements sociaux et culturels qui se manifestent aujourd'hui dans notre pays, qui cherchent avec passion à établir leur horizontalité, la question de l'organisation du travail étant en leur coeur même.

Nous refusons une société de boxeurs manchots, nous voulons la liberté, les libertés qui ne peuvent s'épanouir dans une France considérée comme une entreprise où les seules règles seraient celles du marketing, du management, de la performance, de l'obligation de résultats et de la comptabilité.

J'étais la semaine dernière à Biarritz, au Festival international de programmes audiovisuels (Fipa). Une nouvelle fois, ce fut un bouquet de pluralisme audacieux. A l'évidence, et France Télévisions n'y est pas extérieur, le matériau d'une programmation surprenante et riche est à portée de petit écran.

Charles Péguy disait : « Je n'aime pas les gens qui réclament la victoire et qui ne font rien pour l'obtenir, je les trouve impolis. » Je voudrais que, ce soir, le Sénat fasse un excès de politesse, et même de courtoisie, qu'il se respecte et reste debout. (Applaudissements à gauche)

M. Michel Mercier.  - Il est enfin intéressant d'être sénateur ! (Sourires) Lors de l'examen de ce texte, le Sénat a fait son travail : il s'est réveillé, a agi, voté. Cela lui a valu une certaine reconnaissance : on l'a parfois critiqué, mais on l'a écouté. Nos longs débats ont été particulièrement intéressants, il n'y a pas eu d'obstruction. A leur issue, une décision a été prise.

Le texte issu de la CMP mérite-t-il autant d'honneurs ou de critiques ? D'un point de vue statistique, les sénateurs peuvent s'estimer satisfaits : 36 articles ont été conservés dans la rédaction du Sénat, un seul dans celle de l'Assemblée. Vingt-quatre ont été réécrits. Mais se limiter à ce point de vue serait un peu factice.

M. David Assouline.  - Ce ne sont que des statistiques... On n'est pas à l'Insee !

M. Michel Mercier.  - Cher collègue, même quand vous voulez prendre le ton du procureur, ça ne marche pas car vous n'en avez pas le physique ! Chacun défend sa position, respectez la mienne comme je respecte la vôtre. (Applaudissements à droite et au centre)

Les sénateurs centristes sont favorables à une télévision publique autonome, maîtresse de ses ressources et de sa programmation. Elle doit, pour cela, disposer d'une gouvernance et d'un budget qui lui permettent de réaliser le projet défini par son cahier des charges.

Conformément aux critères définis par la législation européenne, seule une ressource affectée et pérenne peut garantir son financement. Une télévision publique devant bénéficier de recettes publiques, nous avons soutenu, et voté, une augmentation de la redevance. Cette taxe, qui s'élevait à 116 euros. Dans la loi de finances rectificative de la fin de 2008, nous sommes passés à 118 euros, puis à 120 euros sur proposition de nos deux rapporteurs. Le compromis trouvé par la CMP s'apparente à une sortie par le haut puisque la redevance sera de 122 euros en 2010. Les termes qui le qualifient varient pour préserver l'égo de chacun : rebasage, ajustement, indexation...

Cette augmentation de 6 euros demeure modeste à l'échelle européenne et comparée aux 14,50 euros de taxe facturés par les fournisseurs d'accès à internet. Ce sont 20 millions par euro de redevance supplémentaire qui bénéficieront directement à la télévision, à la radio publiques et à l'INA. En assurant à ces sociétés de nouvelles ressources pérennes, nous avons franchi un grand pas vers une télévision maîtresse de ses moyens. En outre, la loi de finances leur garantit un versement de 450 millions d'euros quelles que soient les sommes perçues par l'État. Et n'oublions pas que la redevance n'avait pas été modifiée depuis dix ans.

L'autre aspect de l'indépendance de la télévision, c'est sa gouvernance. Le Gouvernement avait proposé un système simple pour la révocation du président de France Télévisions : un décret motivé après avis du CSA. L'Assemblée nationale a ajouté à la procédure la convocation des deux commissions parlementaires compétentes. Le Sénat a précisé que le CSA devait se prononcer à la majorité de ses membres et que les commissions parlementaires statueraient par une majorité des trois cinquièmes, mais la CMP est revenue sur cette dernière modification. Sur ce point, je partage l'opinion de Jack Ralite : cette décision a été prise en vertu d'une inconstitutionnalité potentielle, mais seul le Conseil constitutionnel jugera. La solution retenue risque tout autant d'être censurée que la disposition votée par le Sénat. La seule garantie en ce sens consisterait à ne pas saisir le Conseil... Au cas où celui-ci censurerait le texte, la révocation se fera par décret simple après avis du CSA.

Après s'être beaucoup interrogé sur la position à adopter sur le texte de la CMP, notre groupe a estimé que l'essentiel était d'assurer le financement public de la télévision publique. En outre, nous apprécions que, conformément à notre proposition, puissent être déduits de l'assiette de la taxe sur la publicité les efforts accomplis pour la couverture des territoires en téléphonie mobile et en internet haut débit. Nous maintenons donc notre vote sur ce texte.

Je salue le travail des rapporteurs de la commission des affaires culturelles, Catherine Morin-Desailly et Michel Thiollère, sans oublier M. Retailleau et tous les sénateurs, qui ont véritablement joué un rôle de législateur. Au-delà de la coproduction législative, chère à certains, je retiendrai plutôt la position commune à l'ensemble de notre Haute assemblée sur la redevance audiovisuelle, la seule que puissent tenir les défenseurs d'un service public audiovisuel indépendant et de qualité. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Plancade.  - Le groupe RDSE a eu vis-à-vis de ce texte une position constante, mais jamais figée. Ce texte ne nous plaît pas, mais il contient d'importantes avancées pour la réforme, nécessaire, de France Télévisions.

Je voudrais tout d'abord rappeler l'affront fait au Sénat par le Gouvernement, qui lui a demandé de délibérer sur un texte déjà partiellement appliqué, bien que la disposition en question relève d'un texte réglementaire. Ensuite, j'ai contesté la procédure de nomination des présidents de France Télévisions et de Radio France. D'autres méthodes plus modernes, plus en phase avec la société démocratique actuelle, étaient préférables.

J'avais également estimé que la redevance devait devenir le principal pilier du financement de l'audiovisuel public.

Enfin, je m'étais interrogé sur l'opportunité de cette loi, qui plus est examinée en urgence. Est-il économiquement sain de prendre au budget 450 millions d'euros s'ajoutant aux 57 milliards de déficits ? Faut-il créer une nouvelle taxe en période de crise ? Cette interrogation est d'autant plus pertinente que le produit supplémentaire sera noyé dans le budget de l'État, comme M. Mercier l'a souligné.

Aujourd'hui, il apparaît que notre assemblée a réalisé un travail considérable, en premier lieu grâce à ses rapporteurs...

M. Charles Revet.  - De bons rapporteurs.

M. Jean-Pierre Plancade.  - ... mais aussi grâce au président de la commission et à l'ensemble des collègues qui se sont exprimés avec compétence et conviction, même si le ton fut parfois vif.

Madame la ministre, je vous remercie pour le calme, le sang-froid et la patience dont vous avez fait preuve. Le groupe du RDSE a apprécié que vous ayez toujours pris le temps de répondre à ses questions.

En conclusion de la discussion générale, j'avais insisté sur l'importance du verrou des trois cinquièmes introduit par le Sénat en accord avec le groupe UMP, sur le rôle majeur de la redevance audiovisuelle et sur l'outre-mer. Parmi ces trois points majeurs, un seul demeure satisfait aujourd'hui : l'affirmation du rôle de la redevance. La suppression de la publicité sur RFO aura de regrettables conséquences économiques et sociales. Mais surtout, le verrou des trois cinquièmes a sauté.

Tout à l'heure, j'ai évoqué l'affront fait au Sénat. Notre assemblée a relevé la tête en votant l'amendement des trois cinquièmes. En définitive, celui-ci a été retiré. Je le regrette, sans faire de procès à qui que ce soit, mais la majorité aurait pu aller jusqu'au bout sur ce point, quitte à s'en remettre au Conseil constitutionnel.

Pour ces raisons, la majorité du groupe RDSE ne votera pas les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur la plupart des bancs du RDSE et un grand nombre des bancs socialistes)

Mme Marie-Christine Blandin.  - Depuis la révision constitutionnelle, le Parlement change. Ainsi, les lois de réflexion et les textes culturels passent en urgence ; ils s'appliquent avant d'être votés ; enfin les conclusions de la CMP sont annoncées sur France Inter avant même sa réunion. Bienvenue dans la démocratie française du XXIe siècle !

Voici donc la fin d'un épisode peu glorieux pour la démocratie et porteur de sombres auspices pour l'audiovisuel public. Entamé avec les déclarations unilatérales du Président de la République, poursuivi au conseil d'administration de France Télévisions sous la menace de son principal financeur -j'ai du mal à dire « actionnaire »- achevé dans cet hémicycle bafoué qui devait examiner une mesure appliquée depuis la veille, ce processus législatif humiliant est inédit pour la Haute assemblée.

Nous nous sommes battus en vain pour ce qui nous tenait à coeur : une véritable ambition pour la télévision, avec un financement digne et durable. Mais nous avons obtenu quelques succès portant sur la protection des journalistes, le rôle central de la redevance et l'existence de rédactions distinctes, outre un encadrement éthique de la révocation et l'éradication du mot « race ». C'est une petite pépite pleine d'espoir dans le bourbier d'un paysage audiovisuel partagé entre le pilotage politique vertical et des parts juteuses du marché publicitaire pour TF1 et M6, dont les dirigeants sont proches du pouvoir.

C'était le dernier espoir pour faire valoir le rôle du Sénat, dont Jules Ferry disait qu'il veillait « à ce que la loi soit bien faite ». Or, loin de défendre ses arbitrages en CMP, la majorité sénatoriale a opté pour la reddition face aux députés de la majorité. (On le conteste à droite) Ainsi, les prudences sur la révocation se sont évaporées. Ce ne fut guère une surprise pour nous, qui avions entendu au réveil les radios annoncer les décisions prises par la CMP qui devait se réunir à 16 heures ! Exit l'extension de la redevance, emportée par le même coup de balai.

Il faut reconstituer ce triste chemin qui porte en lui le résultat auquel le Gouvernement a veillé en mobilisant ses amis parlementaires.

Nous aboutissons à une télévision publique n'ayant pas les moyens de ses missions, dont les ressources ne sont pas garanties dans le temps, dont le financement est mal assis puisque la taxe sur les opérateurs est déjà contestée.

La loi va jusqu'à priver le service public de son identité en supprimant le nom de ses chaînes. Les usagers ne disent pas qu'ils regardent le service public, mais Antenne 2, RFO, France 5 ou France 3, qui suscite un attachement considérable. Ceux qui opteront pour TF1 ou M6 auront droit au mépris des coupures publicitaires multipliées.

Les mutations attendues en synergie avec les professionnels, les usagers et les acteurs de la culture ? Rien n'a été fait ni réfléchi pour l'offre culturelle, hormis la contrainte féroce sur les moyens et l'obligation écrite d'équilibrer le budget.

Méfiez-vous, car le peuple peut imposer les mêmes objectifs, voire la révocation, à un autre président !

La reconnaissance des talents et des savoir-faire n'a jamais été au centre des débats.

Vos paroles d'autosatisfaction ne sont qu'un exercice d'auto-persuasion, alors que vous venez de donner le départ d'une course effrénée après avoir noué les chevilles du service public.

Parce que les Verts sont hostiles à la loi de la jungle, parce qu'ils ont une autre ambition pour la culture, ils s'opposeront à votre projet destructeur.

J'espère que nous serons nombreux à relever l'honneur du Sénat ! (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42 alinéa 12 du Règlement, lorsque le Sénat examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la CMP, il se prononce pas un seul vote sur l'ensemble des conclusions, en ne retenant que les amendements ayant reçu l'accord du Gouvernement.

Discussion du texte élaboré par la CMP

Article 15

L'article 48 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée est ainsi modifié :

1° A  À la première phrase du premier alinéa, après les mots : « culturelle et sociale, », sont insérés les mots : « à la lutte contre les discriminations par le biais d'une programmation reflétant la diversité de la société française, » ;

1° La dernière phrase du premier alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« Lorsqu'une de ces sociétés édite plusieurs services de communication audiovisuelle, le cahier des charges précise les caractéristiques et l'identité des lignes éditoriales de chacun de ces services. Il précise également la répartition des responsabilités au sein de la société afin que ses acquisitions, sa production et sa programmation assurent le respect du pluralisme des courants de pensée et d'opinion et la diversité de la création et de la production de programmes. Il prévoit que les unités de programme de la société comprennent des instances de sélection collégiales. » ;

1°bis Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Tout nouveau cahier des charges est transmis aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. En ce qui concerne la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France, tout nouveau cahier des charges est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. Les commissions peuvent formuler un avis sur ce cahier des charges dans un délai de six semaines.

« Le rapport annuel sur l'exécution du cahier des charges est transmis chaque année par le Conseil supérieur de l'audiovisuel aux commissions chargées des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat. Le rapport annuel sur l'exécution du cahier des charges de la société en charge de l'audiovisuel extérieur de la France est également transmis aux commissions chargées des affaires étrangères de l'Assemblée nationale et du Sénat. » ;

2°   Le dernier alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Ces sociétés peuvent faire parrainer leurs émissions dans les conditions déterminées par ces cahiers des charges, à l'exception des émissions d'information politique, de débats politiques et des journaux d'information. Les émissions relatives à la santé publique ne peuvent être parrainées par les entreprises et les établissements pharmaceutiques visés aux articles L. 5124-1 à L. 5124-18 du code de la santé publique. Les sociétés parrainant les émissions doivent être clairement identifiées en tant que telles au début ou à la fin de l'émission parrainée.

« Les cahiers des charges précisent les conditions dans lesquelles les sociétés et services mentionnés à l'article 44 assurent la promotion de leurs programmes. » ;

3°  Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :

« Le cahier des charges de la société visée au I de l'article 44 précise les conditions dans lesquelles elle met en oeuvre, dans des programmes spécifiques et à travers les oeuvres de fiction qu'elle diffuse, sa mission de promotion de l'apprentissage des langues étrangères prévue à l'article 43-11.

« Le cahier des charges de la société visée au I de l'article 44 précise les conditions dans lesquelles, à compter de l'extinction de la diffusion par voie hertzienne terrestre en mode analogique des services de télévision sur l'ensemble du territoire métropolitain, cette société met en place les services de médias audiovisuels à la demande permettant la mise à disposition gratuite au public de l'ensemble des programmes qu'elle diffuse, à l'exception des oeuvres cinématographiques et, le cas échéant, des programmes sportifs, pendant une période minimale de sept jours à compter de leur première diffusion à l'antenne. »

II.- La perte de recettes résultant, pour les sociétés visées par le I de l'article 44 et par l'article 49 de la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 précitée, du sixième alinéa de l'article 48 de ladite loi est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par le Gouvernement.

Supprimer le II de cet article.

Mme Christine Albanel, ministre.  - Il s'agit de lever le gage.

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - Avis favorable.

Le vote est réservé.

Article 19 ter

I. - Le I de l'article 1605 du code général des impôts est ainsi modifié :

1° Les mots : « , d'une part, » sont supprimés ;

2° Les mots : « et, d'autre part, jusqu'au 31 décembre 2011, au profit du groupement d'intérêt public visé à l'article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée » sont supprimés.

II. - Le VI de l'article 46 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006 est ainsi modifié :

1° Le 1 est ainsi modifié :

a) Le deuxième alinéa est complété par le mot : « public » ;

b) Le 1° est ainsi rédigé :

« 1° En dépenses : le montant des avances accordées aux sociétés et à l'établissement public visés par les articles 44, 45 et 49 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication ; »

2° La deuxième phrase du premier alinéa du 2 est supprimée.

III. - Le présent article s'applique à compter du 1er janvier 2010.

IV. - La perte de recettes résultant pour le groupement d'intérêt public visé à l'article 100 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée des I à III est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits de consommation sur les tabacs prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par le Gouvernement.

Supprimer le IV de cet article.

Mme Christine Albanel, ministre. - Même objet.

M. Jacques Legendre, président de la commission.  - Avis favorable.

Le vote est réservé.

Vote sur l'ensemble

M. Jacques Legendre, président de la commission des affaires culturelles.  - Au terme de ce débat, je souligne que la richesse de nos travaux donnera au service public de l'audiovisuel les moyens d'accomplir ses missions. La commission des affaires culturelles éprouve une satisfaction historique pour avoir enfin gagné le combat engagé depuis 2004 en faveur d'une redevance revalorisée. Pour nous, la question fondamentale concernait le financement pérenne de France Télévisions, afin d'enrichir l'offre culturelle des téléspectateurs.

Sans revenir sur les nombreux apports du Sénat à cette loi refondant l'audiovisuel public, j'insiste sur l'application de ce texte, que votre commission des affaires culturelles suivra de près.

Le comité de suivi aura un rôle essentiel pour évaluer le financement dont l'audiovisuel public aura besoin. A travers le rapport de ce comité, nous essaierons d'apprécier si les sources de financement doivent être modifiées, notamment en fonction du marché publicitaire.

Nous devrons aussi nous assurer que l'argent public attribué à France Télévisions sera bien utilisé. Nous vérifierons la réalité des indispensables efforts devant conduire à la constitution de l'entreprise unique.

Nous nous prononcerons sur le projet de cahier des charges. Puisque nous n'avons pas pu charger le CSA d'évaluer les besoins de financement de France Télévisions, le Sénat se saisira de cette question en vertu des pouvoirs de contrôle conférés par la loi organique sur les lois de finances (Lolf).

J'ai d'ores et déjà saisi le président de la commission des finances d'une demande de contrôle conjointe des deux commissions dans ce secteur.

La commission des affaires culturelles enfin a pris, au cours de ce débat, des engagements et ouvrira prochainement des chantiers sur certaines questions qu'il lui semblait prématuré d'ouvrir dans ce texte, notamment celle de la circulation des oeuvres audiovisuelles et celle de l'éventuelle régulation d'internet.

Pour l'heure, le texte issu des travaux de la CMP, qui pose la première pierre de l'édifice, lui semble équilibré et elle vous invite, pour en préserver les acquis, à l'adopter.

A la demande des groupes UMP et socialiste, les conclusions de la CMP, assorties des deux amendements du Gouvernement, sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 342
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 177
Contre 159

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les bancs UMP ; Mme Muguette Dini applaudit aussi))