Loi pénitentiaire (Urgence - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pénitentiaire.

Discussion des articles (Suite)

M. le président.  - Dans la discussion des articles, nous poursuivons la discussion de l'article 19 bis.

Article 19 bis (Suite)

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsqu'une personne détenue subit une atteinte à son intégrité physique, une enquête indépendante, effective et approfondie est diligentée afin d'établir les circonstances de cette atteinte et l'identification du ou des responsables.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement vise à transposer en droit français la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme pose l'obligation d'une enquête indépendante, effective et approfondie lorsqu'un détenu a fait l'objet d'une atteinte à son intégrité physique. Il s'agit de casser le corporatisme et la loi du silence, qui empêchent les détenus comme les agents de parler librement des faits dont ils ont connaissance. L'administration pénitentiaire peut-elle être considérée comme indépendante par rapport à ses agents ? Je ne le crois pas.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Lorsqu'une telle atteinte est constatée, une information est ouverte sous la responsabilité du procureur de la République ; c'est systématique en cas d'atteinte grave. L'amendement est satisfait. Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Toute atteinte signalée fait l'objet d'une enquête dirigée par le parquet, voire d'une enquête avec ouverture d'information. L'indépendance est garantie. De son côté, l'inspection des services pénitentiaires peut diligenter une enquête administrative. Les dispositions nécessaires figurent dans le code de procédure pénale. Défavorable.

L'amendement n°39 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°212 rectifié, présenté par M. Mézard et les membres du groupe du RDSE.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente un rapport biannuel sur les violences commises en prison et sur l'indemnisation des personnes détenues victimes d'une agression commise dans l'enceinte de l'établissement pénitentiaire, que ce soit dans les lieux collectifs ou individuels.

M. Jacques Mézard.  - C'est un amendement de protestation. Rien n'est simple en prison, les relations sont difficiles dans cet univers contraint, il est donc impératif de respecter la dignité des détenus et leur intégrité physique.

Nous sommes nombreux à avoir fait les frais d'une application à géométrie variable de l'article 40 sur cet article 19 bis. Nous présentions un amendement qui rejoignait celui de M. Anziani, tendant à inclure dans la réparation des dommages les séquelles graves. La réparation en cas de décès est un progrès, que nous devons à la commission. Mais refuser d'étendre la réparation aux cas d'atteintes corporelles graves ayant entraîné une incapacité permanente partielle me semble anormal : le détenu ne pourra peut-être exercer aucune activité professionnelle à sa sortie de prison.

La responsabilité sans faute de l'État est une avancée. L'invocation de l'article 40 pour s'opposer à la réparation des séquelles graves me paraît inéquitable.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous partageons largement, sur le fond, les propos de M. Mézard. Lors des auditions, nous avons été sollicités pour étendre la responsabilité sans faute aux suicides et atteintes corporelles graves. Cependant, la Constitution n'autorise pas le législateur à aller plus loin dans ses initiatives. Cet amendement attire l'attention sur les violences en milieu carcéral, mais exiger un rapport bi-annuel me semble excessif. Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je rejoins les observations de votre rapporteur. L'administration pénitentiaire établit déjà un rapport annuel qui inclut ces sujets. En outre, des condamnations et indemnisations peuvent être obtenues par voie de justice. J'ai donné des instructions claires aux parquets afin qu'il n'y ait aucun classement ; les poursuites sont systématiques lorsqu'un détenu agresse un autre détenu ou un membre du personnel. Défavorable.

L'amendement n°212 rectifié n'est pas adopté.

L'article 19 bis est adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°193 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire et les personnels soignants garantissent le droit au secret médical des détenus ainsi que le secret de la consultation, dans le respect des dispositions des troisième et quatrième alinéas de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - La qualité des soins passe par le respect du secret médical et d'abord par le secret du contenu de la consultation médicale. Sauf lorsque la sécurité l'exige, les surveillants n'ont pas à être présents ; surtout, ils n'ont pas à l'être de leur propre chef, ce qui se produit trop souvent.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission avait donné un avis défavorable à la première version de l'amendement, qui ne prenait pas en compte les dispositions de la loi relative à la rétention de sûreté.

Le secret médical est une question complexe. J'ai constaté, lors de mes visites d'établissements pénitentiaires, que le personnel médical et le personnel pénitentiaire avaient souvent des relations de confiance, mais ce n'est pas toujours le cas. Il m'est arrivé, pendant une table ronde à l'occasion d'une visite, qu'un représentant du corps médical me dise à propos des détenus : « Considérez-les tous comme des malades mentaux ». Les agents des services pénitentiaires chargés de préparer la réinsertion me demandaient alors : « Dans ces conditions, que pouvons-nous faire ? »

Dans le drame de Rouen, je considère que le secret médical a tué. A titre personnel, même si ce n'est pas très courageux, je m'en remets à la sagesse du Sénat.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les difficultés autour du secret médical sont connues depuis longtemps. L'administration pénitentiaire n'a pas accès au dossier pénal, uniquement à la condamnation.

Souvenons-nous du drame de Rouen : la tendance au cannibalisme était connue des psychiatres. Voilà pourquoi je considère que l'information doit être partagée : pour protéger le détenu, son codétenu et l'administration.

Quand le détenu est en consultation, le secret médical est entièrement préservé. Lors de la prise d'otage de Fleury-Mérogis, le détenu a menacé un psychologue avec un morceau de miroir...

Il faut avoir une vision pragmatique de cette notion de secret médical.

L'objectif de cet amendement est totalement satisfait par les dispositions actuelles : je n'y suis donc pas favorable.

M. Claude Jeannerot.  - L'amendement About mérite d'être soutenu. L'Académie de médecine a dénoncé les trop fréquentes transgressions du secret médical qui se produisent en milieu pénitentiaire, malgré la loi de 1994. Nous comprenons bien les précautions qu'évoque Mme la ministre mais il nous paraît possible de tenir l'ensemble en respectant le secret médical.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous ne nous comprenons pas toujours très bien, peut-être parce que je suis médecin...

Je fais une différence entre secret médical et secret professionnel. Le secret médical couvre tous les éléments de l'état de santé, et ce droit s'applique aux détenus comme à tout le monde. En revanche, un secret professionnel peut être partagé lorsque c'est l'intérêt de tous. Dans l'affaire de Rouen, ce n'était pas violer un secret médical que faire savoir qu'en aucun cas, ce détenu ne pouvait être mis dans la même cellule qu'un autre. Cette information aurait-elle été partagée, point de cannibalisme !

On peut régler tous les problèmes auxquels fait allusion Mme la ministre sans trahir le secret médical ; mon amendement peut donc être adopté.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je soutiens cet amendement. L'exemple qu'a donné Mme la ministre le conforte. Le manque de personnel dans les établissements au regard du nombre de détenus fait que l'on se retrouve dans ce genre de situations extrêmes. Le problème est plutôt là que dans le secret médical, lequel est un droit pour tout le monde.

L'amendement n°193 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Article 20

La prise en charge de la santé des détenus est assurée par le service public hospitalier dans les conditions régies par le code de la santé publique.

Lorsqu'il est fait application, en cas de diagnostic ou de pronostic grave sur l'état de santé d'une personne détenue, des dispositions de l'article L. 1110-4 du même code, le médecin est habilité à délivrer à la famille, aux proches ou à la personne de confiance les informations nécessaires destinées à leur permettre d'apporter un soutien direct à la personne malade à l'exception de celles susceptibles de porter atteinte à la sécurité et au bon ordre des établissements pénitentiaires et des établissements de santé.

La qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dispensées à l'ensemble des personnes accueillies dans les établissements de santé publics ou privés.

L'état psychologique des personnes détenues est pris en compte lors de leur incarcération et pendant leur détention.

L'administration pénitentiaire favorise la coordination des différents intervenants agissant pour la prévention et l'éducation sanitaires.

Elle assure un hébergement, un accès à l'hygiène, une alimentation et une cohabitation propices à la prévention des affections physiologiques ou psychologiques.

Mme Raymonde Le Texier.  - Chacun se souvient des remarquables travaux effectués par le président Mermaz en 2000. Six ans après les progrès dus à la loi de 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale, chacun estimait indispensable de pérenniser cette dynamique d'amélioration de la prise en charge sanitaire des personnes incarcérées. Près d'une décennie plus tard, alors que la surpopulation dans certains lieux de détention peut atteindre le chiffre sans précédent de 200 %, qu'en est-il ?

La santé de la population carcérale est globalement moins bonne que celle du reste de la population. Ce n'est pas un effet automatique de l'incarcération, cela s'inscrit plus généralement dans des parcours individuels fragiles où les situations de précarité et d'exclusion se sont accumulées. Le rapport établi en 2005 par le collège des soignants intervenant en prison dressait le constat suivant : il y avait en prison 3,5 fois plus de sida, 7 fois plus d'hépatites C, 5 fois plus de cas de dépendance à l'alcool, 7 fois plus de suicides, 7 fois plus de cas de schizophrénie, 21 fois plus de cas de dépression, 20 fois plus de cas de pathologie psychiatrique. Didier Sicart, président du Comité consultatif national d'éthique, comparait en 2004 la prison à un « laboratoire épidémiologique de maladies transmissibles et d'infections ».

Ces chiffres sont dramatiques. Reflets d'un univers pénitentiaire qui concentre des difficultés énormes au point d'hypothéquer la finalité même de la peine : la réinsertion. Car comment concevoir une telle mission si les détenus ne peuvent pas bénéficier d'un accès aux soins de qualité ? Il y a 25 ans, comme le disait notre collègue Badinter, nous comprenions « qu'il ne pouvait exister une médecine pratiquée pour tous et une médecine carcérale. Devant la maladie, tout être humain doit être également traité ». Partant, il s'agit d'inscrire dans les faits l'efficience du système de soins pénitentiaires.

C'est un impératif de tout premier ordre, d'autant que le bulletin de santé de la population carcérale s'est considérablement dégradé. En juin 2000, la commission d'enquête du Sénat observait qu'en raison « d'une dérive psychiatrique et judiciaire, des milliers de détenus atteints de troubles psychiatriques errent sur le territoire national, ballotés entre les établissements pénitentiaires, leurs quartiers disciplinaires, les services médico-psychologiques régionaux, les unités pour malades difficiles, les unités fermées des hôpitaux psychiatriques ».

Selon une étude de 2004 du ministère de la justice portant sur 800 détenus, 80 % des hommes et 70 % des femmes présentent au moins un trouble psychiatrique, la majorité en cumulant plusieurs. Pour 60 % de la population carcérale, les établissements ne disposent pas de service médico-psychologique régional. Il revient alors à des équipes réduites issues du secteur psychiatrique général du centre hospitalier le plus proche de dispenser les soins courants.

Selon les études menées sous la direction du professeur Rouillon et qui portaient sur 1 000 détenus de 23 établissements différents, 56 % des détenus connaissent des troubles dépressifs, 24 % des troubles psychotiques et 2 % présentaient une schizophrénie ou une psychose de chronique, schizophrénique ou dysthymique. Ces chiffres recoupent ceux de l'étude du docteur de Beaurepaire, chef du SMPR de Fresnes, en 2004.

Cette inquiétante actualité renvoie à la faillite de la psychiatrie de secteur public, à la suppression de 55 000 lits en vingt ans, aux restrictions budgétaires qui contraignent de plus en plus à limiter les hospitalisations à la seule période de crise aiguë. Comment alors s'étonner que la souffrance mentale s'oriente de plus en plus vers la rue, vers la prison ? Il n'appartient pas à l'institution pénitentiaire de faire face à ce tsunami de pathologies, de suppléer aux manquements désastreux de la politique sanitaire. Ce serait revenir au temps où les mauvais sujets étaient cadenassés pour protéger la société.

Certains en viennent à se demander si la prison n'est pas en train de devenir l'asile du XXIe siècle. Elle ne doit pas le devenir. Elle doit recouvrer sa mission première tout en permettant aux détenus dont l'état de santé n'est pas incompatible avec l'incarcération de bénéficier d'un accès à des soins de qualité. Tel est l'objet de cet article et nous vous ferons des propositions afin d'en améliorer le contenu.

M. Claude Jeannerot.  - La question de la santé est au coeur du débat : quel diagnostic portons-nous sur l'état de santé de la santé en prison et quels remèdes préconisons-nous ?

Les insuffisances actuelles ne nous font pas oublier les énormes progrès accomplis depuis la loi du 18 janvier 1994, qui a permis une triple normalisation : les médecins sont désormais employés par les hôpitaux publics ; les soins ont vocation à être du même niveau que pour les personnes libres ; les détenus ne sont plus des objets de soins mais des citoyens jouissant du droit à la santé. Chacun des 194 établissements possède une unité carcérale de soins ambulatoires ; la plupart disposent d'un psychiatre et 26 d'un service psychologique régional. La loi de 1994 a posé des principes qui nous permettraient de régler les questions en suspens ; elle pourrait suffire si on l'appliquait effectivement. L'Académie de médecine, qui regrette des violations du secret médical en milieu carcéral, demande avec insistance l'application de la loi de 1994 afin que le niveau des soins rejoigne celui de l'extérieur et que le statut de détenu ne prime plus. Elle regrette des carences graves pour l'hygiène ; elle observe que la permanence des soins n'est pas assurée la nuit et le week-end ; elle constate des difficultés d'accès au diagnostic et aux soins ; elle déplore le manque de prévention et l'insuffisance de suivi à la sortie, qui est facteur de récidive. Les ruptures du parcours de santé sont extrêmement préjudiciables.

Je ne reviens pas sur les troubles mentaux qui affectent 30 % des détenus. Il suffit de dire que des avancées considérables sont indispensables. Si l'article 20, remanié, en comporte, il faut aller plus loin en se rappelant que huit hommes et sept femmes sur dix présentent des pathologies psychiatriques. Les règles pénitentiaires européennes peuvent nous servir de guides. C'est l'objet de nos amendements. Le premier dispose que les personnes, dont l'état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison, doivent être placés dans un établissement spécialement conçu à cet effet. Le second favorise le dépistage afin que chacun jouisse des soins requis. Nous devons garantir l'instrumentalisation de ce droit. Le troisième précise que chaque prison doit assurer l'accès à un médecin à tout moment.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Dans la version initiale du Gouvernement, l'article traitait surtout des conditions dans lesquelles le médecin peut donner des éléments d'information à la famille du détenu ; pour le reste, il se bornait à reprendre en termes flous quelques pratiques. Notre rapporteur a considérablement fait bouger le texte et je le reconnais d'autant plus volontiers que la plupart des obligations imposées à l'administration pénitentiaire proviennent d'amendements que nous avions déposés et auxquels il a donné un avis favorable : les détenus doivent avoir le même accès aux soins que l'ensemble des citoyens ; je tiens également beaucoup à notre amendement sur l'état psychiatrique des détenus. Si l'article 20 grave dans la loi des obligations de l'administration pénitentiaire, nous pouvons et nous devons aller plus loin car le problème de la santé en prison est majeur. Tout le monde le sait, certaines pathologies sont très répandues en prison et Mme de Beaurepaire, forte de toute son expérience, a déclaré que l'on ne pouvait pas y traiter les maladies mentales.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Tel que modifié par nos amendements, l'article 20 traite notamment de la prise en compte de l'état psychologique des détenus. Ce point est fondamental. Un jeune Polonais de 23 ans incarcéré à Nanterre s'est suicidé le 26 mars 2008 dans une cellule du quartier disciplinaire ; il souffrait de troubles psychiatriques importants. La Commission nationale de déontologie de la sécurité, saisie par M. Mermaz, a rendu son avis.

Écroué pour viol avec violence le 31 décembre 2007, ce jeune s'était ouvert les veines le soir de son incarcération. Extrait médicalement, il a subi une intervention et a été réincarcéré dès le lendemain. Deux mois plus tard, il était placé en quartier disciplinaire à la suite d'une agression contre un gardien le 2 mars. Il a été trouvé pendu dans sa cellule à 4 heures du matin.

Incarcéré un 31 décembre, il n'avait pu voir un médecin que le 2 janvier et le psychiatre le 3, date à laquelle il a été mis sous surveillance spéciale. La Commission rappelle que le choc carcéral des premiers jours détermine des passages à l'acte ; elle regrette que le prisonnier ait été ramené en prison dès le lendemain de l'intervention. Elle rappelle que le questionnaire psychiatrique standardisé, dont la précision requiert pour les non-francophones la présence d'un interprète, n'a pas été rempli. Elle s'interroge sur la pertinence de cette formalité en l'absence d'interprète, et constate que le psychiatre n'a été prévenu que le 25 mars de la présence de ce détenu au quartier disciplinaire où il se trouvait depuis le 3. Faute d'interprète, le contact a été très difficile et le psychiatre devait revenir deux jours plus tard avec un interprète. Le médecin a précisé qu'il envisageait une hospitalisation d'office.

La CNDS « condamne le maintien en quartier disciplinaire d'un détenu suffisamment malade pour qu'une hospitalisation d'office ait été envisagée lors de sa dernière consultation, moins de deux jours avant son suicide ».

Selon la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le risque suicidaire est sept fois plus important en quartier disciplinaire que dans le reste de la détention. A cela s'ajoute que la maison d'arrêt de Nanterre souffre, elle aussi, de surpopulation carcérale -1 900 détenus pour 600 places- et ne dispose que de trois médecins psychiatres à mi-temps. La CNDS a conclu que ce détenu n'avait « pas bénéficié de la surveillance spéciale que son état psychique nécessitait ». Cela prouve que, sans les moyens adéquats, la prévention du suicide en prison reste inopérante, surtout pour les détenus étrangers.

M. le président.  - Amendement n°42 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Le service public hospitalier assure, dans les conditions régies par le code de la santé publique, les examens de diagnostic et les soins dispensés aux détenus en milieu pénitentiaire et, si nécessaire, en milieu hospitalier. Il concourt, dans les mêmes conditions, aux actions de prévention et d'éducation pour la santé organisées dans les établissements pénitentiaires.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet amendement réécrit le premier alinéa de l'article 20 afin d'y intégrer les examens de diagnostics, la prévention et l'éducation pour la santé.

M. le président.  - Amendement n°234, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Remplacer le premier alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

L'administration pénitentiaire doit protéger la santé de tous les détenus dont elle a la garde.

Elle s'assure que l'accès aux soins est conforme aux dispositions du code de la santé publique en tenant compte des conditions spécifiques inhérentes à la détention.

Mme Éliane Assassi.  - Le premier alinéa de cet article est trop vague pour répondre à l'urgence sanitaire dans les prisons. A quoi bon répéter ce qui est déjà contenu dans le code de la santé publique qui dans son article R-1112-31 dispose que « les détenus sont hospitalisés en régime commun ». Cet alinéa passe sous silence l'effet dégradant qu'exerce la prison sur la santé des détenus : apparition ou aggravation de manifestations d'auto-agressivité, d'angoisse, de troubles sensoriels, digestifs, musculaires. Les grèves de la faim, de la soif, les automutilations sont fréquentes et les tentatives de suicides sont six à sept fois plus fréquentes que dans la population générale. Plutôt que confirmer le droit des détenus d'accéder au service public hospitalier, la nouvelle loi pénitentiaire devrait lutter contre la dégradation qu'exercent les conditions de détention sur les personnes incarcérées, conformément à la règle pénitentiaire européenne n°39, laquelle dispose que les autorités pénitentiaires doivent protéger la santé de tous les détenus dont elles ont la garde. Nous proposons d'intégrer cette règle dans l'alinéa 1.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Le n°42 rectifié apporte des précisions inutiles car déjà incluses dans la mention que fait le premier alinéa au service public hospitalier.

L'article 20 tel qu'il est maintenant rédigé reprend les propositions faites en commission par Mme Borvo ; le groupe CRC est responsable de la rédaction des quatre derniers alinéas. En revanche, la commission n'a pas souhaité retenir ce que propose l'amendement n°234 dans son premier alinéa car il s'agit d'une responsabilité partagée par le service public de la santé.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Depuis la loi de1994, il n'y a plus de « médecine pénitentiaire » et cela a été un grand progrès. En 2009, il y aura plus de 2 500 personnes, médecins, infirmiers, psychiatres etc dans les prisons pour soigner les détenus. On revient de loin, on y a mis des moyens et peu à peu nous progressons même si tout n'est pas encore satisfaisant. Je rappelle que la loi de 1998 avait été votée sans moyens. Les budgets de 2008 et de 2009 ont accordé davantage de moyens pour la santé en prison et, comme il s'agit d'un programme triennal, il en sera de même jusqu'en 2011.

Le n°42 rectifié est inutile puisqu'il reprend les dispositions de l'article L.6112-1 du code de la santé publique. Avis également défavorable au n°234 auquel je viens de répondre.

L'amendement n°42 rectifié n'est pas adopté, non plus que le n°234.

M. le président.  - Amendement n°194, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Supprimer le deuxième alinéa de cet article.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - En supprimant cet alinéa, on en revient à l'application de plein droit de l'article L.1110-4 du code de la santé publique qui autorise le médecin, en cas de diagnostic mettant en cause le pronostic vital, à déroger au secret médical pour prévenir les proches. Ce faisant, on appliquera aux détenus le droit commun des patients. En effet, il paraît très peu probable que la famille ou les proches tenteront de faire évader d'un hôpital une personne qui y suit un traitement lourd et nécessaire à sa survie. Limiter leur information ne paraît donc pas nécessaire.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le mot :

malade

supprimer la fin du deuxième alinéa de cet article.

M. Claude Jeannerot.  - Même objet que le précédent : encore une convergence avec M. About ! (Sourires)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis favorable au n°194 car le risque d'évasion d'un malade à l'état de santé très dégradé est limité. Retrait de l'amendement n°124 qui n'est pas exactement le même et auquel je préfère celui de M. About.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Le code de la santé publique, en son article 1110-4 permet déjà de violer le secret médical en cas de pronostic grave, et ce code s'applique aux détenus comme aux autres patients. Mais il est nécessaire de ne pas communiquer les dates de transfert ou d'hospitalisation aux familles et aux proches afin d'éviter les évasions et de protéger tant le détenu que ses proches et le personnel pénitentiaire ou médical. En octobre 2008 un transfèrement à Villepinte a été l'occasion d'une évasion. Je n'ai pas d'exemple de famille qui se soit plaint de ne pas avoir d'information sur l'état de santé d'un détenu mais je suis opposée à la communication des dates de transfèrement, pour des raisons de sécurité. Retrait du n°194 et avis défavorable au n°124 qui va encore plus loin.

M. Claude Jeannerot.  - Nous retirons le n°124 au profit du n°194.

L'amendement n°124 est retiré.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu. Ce n'est pas au médecin -en a-t-il d'ailleurs connaissance ?- de donner aux familles des informations sur les dates et heures des transfèrements. L'article 1110-4 du code de la santé publique ne concerne, me semble-t-il, que les personnes en fin de vie ; l'exemple apporté par Mme la garde des sceaux ne paraît donc pas pertinent. J'ai vu en prison des détenus de 80 ans prostrés en position foetale depuis des mois, qu'on voit mal s'évader en courant lors d'un transfèrement. Je m'en remets au Sénat. Je ne suis qu'un médecin, je sais ce qu'est une situation médicale grave et veux tout ignorer des horaires de transfèrement...

L'amendement n°194 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°195, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Au début du troisième alinéa de cet article, après les mots :

La qualité

insérer les mots :

, la permanence

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Après avoir vu ce qu'est la vie en prison, ce qu'est aussi le fonctionnement des unités de soins ou des services médico-psychologiques, songeant aux maladies qu'on trouve en prison et disparues ailleurs, aux situations psychiatriques lourdes, à la détresse et aux risques suicidaires, nous avons pensé qu'il fallait garantir la permanence des soins dans les établissements. Et pour cela nous accrocher à l'excellente rédaction élaborée pour l'article 20 par la commission des lois. Mais on nous a expliqué que notre proposition reviendrait à imposer partout, à cause des derniers mots de l'alinéa, un service de réanimation, un bloc opératoire, que sais-je encore. Nous avons vu planer l'ombre de l'article 40...

Je me suis dit alors que j'avais peut-être emporté la commission des affaires sociales un peu loin, qu'il fallait être plus raisonnable ; j'ai pensé qu'on pouvait simplement souhaiter la présence effective et permanente au sein des établissements d'un professionnel de santé. Et c'est là qu'on m'a opposé l'article 40 ! Pour un infirmier, alors qu'on ne l'avait pas fait pour un bloc ! C'est pour tout dire assez...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cocasse !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Irritant !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Irritant, en effet. Dois-je rappeler que la santé en prison est entièrement entre les mains du service public hospitalier ? Sait-on le temps qu'il faut pour venir du centre de rattachement ou pour y amener un malade ? La médecine de ville ne veut plus intervenir, il y a trop de contraintes, c'est loin, c'est peu rentable... Le risque est là, dans tout ce temps perdu ! Il est d'ailleurs possible que certains suicides eussent pu être évités s'il y avait eu un professionnel sur place... Un détenu qui arrive le vendredi ne verra un professionnel de santé que le lundi ; quand on sait que les 48 premières heures sont les plus risquées pour les primo-détenus, on peut se demander si la mission de santé est bien assurée ! Et on libère des gens en fin d'après-midi, sans suivi médical, sans ordonnance, alors que certains peuvent avoir un traitement en cours ou prendre des produits de substitution...

En regrettant qu'on ait jugé bon d'opposer l'article 40 à une proposition qui paraissait raisonnable, je maintiens mon amendement, en espérant qu'on trouve une meilleure formule au cours de la navette.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - J'ai quelque scrupule à m'exprimer après le plaidoyer du président About. Je sais hélas, comme beaucoup d'élus ruraux, que la permanence des soins n'est pas assurée pour l'ensemble de la population.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Je préfère être détenu dans un canton qu'en prison...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - J'ai été longtemps responsable d'un service d'incendie et de secours ; qu'est-ce qu'on fait en cas de problème ? On appelle les pompiers, et ce sont eux qui emmènent le malade à l'hôpital, détenu ou vieillard d'une maison de retraite.

Quant aux paradoxes de l'article 40, qui commencent à nous donner des cheveux blancs, je n'y suis pour rien... Un article qu'il n'est pas interdit d'invoquer en séance...

M. le président.  - Quelle que soit l'appréciation que nous portons les uns et les autres sur le discernement avec lequel l'article 40 est appliqué, je vous suggère de ne pas engager le débat maintenant... mais il est clair que nous devrons l'avoir.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission s'est demandée s'il n'y avait pas redondance entre la notion de « continuité », introduite sur la suggestion du groupe CRC-SPG, et celle de « permanence ». Elle s'en était remise à la sagesse du Sénat. Pour compléter le propos du président Hyest, je connais dans mon département urbain du Nord nombre de maisons de retraite où la permanence des soins au sens où l'entend le président About n'est pas assurée.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - La permanence, c'est le retour à la médecine pénitentiaire d'avant 1994...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Mais non ! J'ai parlé d'un professionnel de santé, pas nécessairement d'un médecin !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ce qui a de toute façon un coût budgétaire...

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Pas du tout ! Il suffit de répartir sur 24 heures les moyens existants !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Vous débattrez bientôt d'un texte sur l'hôpital, où la question de l'organisation de la permanence des soins pour l'ensemble de la population sera évidemment abordée. L'amendement y aura mieux sa place. Avis défavorable.

L'amendement n°195 est adopté.

M. le président. - Amendement n°43 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les détenus sont affiliés obligatoirement aux assurances maladie et maternité du régime général à compter de la date de leur incarcération dans les conditions régies par le code de la sécurité sociale.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Même si cette règle existe déjà, il me semble important qu'elle soit intégrée à la loi pénitentiaire. Le bénéfice d'une couverture santé est le premier pas vers la prise en charge sanitaire des détenus.

L'affiliation doit être immédiate et systématique, et les soins intégralement pris en charge.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'affiliation au régime général est déjà obligatoire. L'amendement est satisfait : retrait ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable, pour les mêmes raisons.

L'amendement n°43 rectifié n'est pas adopté.

L'article 20, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°125, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes souffrant de maladies mentales et dont l'état de santé mentale est incompatible avec la détention en prison devraient être détenues dans un établissement spécialement conçu à cet effet.

Si ces personnes sont néanmoins exceptionnellement détenues dans une prison, leur situation et leurs besoins doivent être régis par des règles spéciales.

M. Claude Jeannerot.  - Il s'agit de nous mettre en accord avec la règle pénitentiaire européenne n°12. De nombreux rapports ont dénoncé la souffrance psychique dans l'univers carcéral, et le commissaire européen aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe recommande que notre pays augmente les moyens qu'il consacre aux soins en prison.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La situation actuelle n'est certes plus tolérable. On recommande aux jurys d'assises de déclarer les accusés responsables quel que soit leur état mental, pour mieux protéger la société !

Les unités d'hospitalisation spécialement aménagées (UHSA) risquent d'entretenir le cercle vicieux. Il faut créer des hôpitaux psychiatriques-prisons ! Les malades mentaux les plus lourds ne doivent pas entrer dans le monde carcéral. En Belgique, aux Pays-Bas ou en Allemagne, où je me suis rendu avec Mme Boumediene-Thiery et M. Badinter, des malades mentaux qui ont commis des infractions graves sont placés dans des établissements purement médicaux, avec une protection périphérique. La plupart ne guérissent pas, et ne sortent donc pas. En prison, ils compliqueraient la tâche des surveillants et, une fois leur peine purgée, seraient tout aussi dangereux !

On ne peut traiter au détour d'un amendement le problème de la santé mentale dans les établissements psychiatriques. Nous n'échapperons pas à un débat parlementaire spécifique sur ce point. En attendant, retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je suis d'accord avec le rapporteur. Il faut s'atteler à la réforme de la loi sur la santé mentale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Absolument.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Mais cette question pose aussi celle de la procédure pénale : le juge d'instruction est lié par l'avis des experts. Si la personne n'est pas déclarée irresponsable, il est tenu de la renvoyer devant les assises.

Si des troubles mentaux apparaissent pendant la détention, il peut y avoir hospitalisation d'office. A leur sortie de l'hôpital, les détenus reviennent en prison purger leur peine. Il est vrai que, guéris ou non, ils restent rarement hospitalisés... (M. le rapporteur pour avis le déplore)

C'est pourquoi nous mettons en place les hôpitaux-prisons : il y aura 710 places d'ici fin 2011. Défavorable à l'amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Dans les années 60, 17 % des criminels étaient considérés comme irresponsables ; aujourd'hui, ils sont 2 % ! Ce n'est pas sans raison. Pour avoir participé à la réforme du code pénal, je me souviendrai toute ma vie de l'article 64. On a renoncé, dans notre pays, aux milieux fermés ; résultat, plus quelqu'un représente un danger pour la société, plus on a tendance à le condamner, les juges comme les jurés, alors que l'on peut pourtant imputer des faits sans engager la responsabilité.

Les hôpitaux-prisons, très bien, mais la plupart des pays européens n'ont pas abandonné le milieu fermé. On ne peut traiter la question des détenus fous et des fous détenus au détour d'un amendement. Il faudra y revenir lors de la réforme de l'hospitalisation psychiatrique.

M. Claude Jeannerot.  - Le rapporteur a fait un lapsus révélateur, en parlant d'établissements « psychiatriques » au lieu de « pénitentiaires »... Preuve que la prison a pris le relais de l'hôpital psychiatrique ! Cet amendement ne réglera pas la question, j'en conviens, mais je le maintiens néanmoins pour prendre date car il faudra un débat sur la santé mentale en prison.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Le rapporteur, la ministre, le président de la commission sont prêts à faire le même constat -et à renvoyer le problème à un autre texte. Ce sujet a déjà été débattu lors de la loi sur la rétention de sûreté. La prison remplace l'hôpital psychiatrique fermé. Invoquer la question de la responsabilité pénale, c'est se cacher derrière son petit doigt ! Nous avons refusé l'aggravation pénale car c'est un faux-semblant.

Votre politique pénale se veut d'une grande sévérité envers les délinquants, confondus avec les malades mentaux. On ne peut pas ne pas mettre en détention des gens qui ont commis des crimes abominables, dites-vous. Peut-être la population se sent-elle plus à l'abri ainsi ?

Nous ne sommes pas quittes du réel. Le problème reste inextricable pour l'administration pénitentiaire. Quel sens y a-t-il à mettre en prison une personne profondément malade, qui a besoin d'être traitée ? Même si les psychiatres, qui n'y peuvent mais, désemparés par le manque de leurs lits, dont on ferme un nombre de plus en plus important, se demandent parfois si la prison ne vaut pas mieux que la rue.

Après avoir fait la démonstration que la prison ne peut pas traiter ces malades, on invente des lieux de relégation où l'on promet qu'après leur peine, ils seront traités ! Il faut parvenir, dans notre code de procédure pénale, à une situation plus claire et plus sereine, comme l'ont fait bien d'autres pays qui n'enferment pas les malades en prison.

L'amendement n°125 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°126 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les services médicaux de la prison ont vocation à dépister et à traiter les maladies physiques ou mentales ainsi que les déficiences associées.

Il doit pouvoir être garanti à chaque détenu l'accès aux soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques requis.

M. Claude Jeannerot.  - Amendement de principe qui reprend les règles pénitentiaires européennes nos40-4 et 40-5. Nous mettons l'administration pénitentiaire sous contrainte pour garantir à chaque détenu l'accès aux soins médicaux, chirurgicaux et psychiatriques requis.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'objectif est couvert par les dispositions introduites à l'article 20 par la commission des lois, à l'initiative de Mme Borvo Cohen-Seat. Retrait ou rejet.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°126 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°127, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque prison dispose des services d'au moins un médecin généraliste.

Des dispositions doivent être prises pour s'assurer à tout moment qu'un médecin diplômé interviendra sans délai en cas d'urgence.

Les prisons ne disposant pas d'un médecin exerçant à plein temps doivent être régulièrement visitées par un médecin exerçant à temps partiel.

M. Claude Jeannerot.  - Nous reprenons la règle pénitentiaire européenne n°41. J'attire l'attention sur l'avant-dernier alinéa, qui suppose que l'on prévoie, au-delà du recours au médecin généraliste, l'appel à un spécialiste -je pense en particulier à la psychiatrie.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - On recrée la médecine pénitentiaire !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Retrait. Ces dispositions sont d'ordre réglementaire.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°127 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°197 rectifié bis, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un acte dénué de lien avec les soins ou expertises médicales ne peut être demandé aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Notre commission vous propose qu'il ne puisse être demandé aux médecins et personnels soignants d'accomplir des actes sans lien avec les soins, qui détruiraient toute crédibilité et nuiraient au lien de confiance qui doit s'établir entre médecin et patient.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - J'observe que cet amendement, dont la commission jugeait la rédaction initiale trop générale, a été rectifié pour tenir compte de ses observations, mais je rappelle qu'elle a déjà donné un avis favorable à l'amendement n°206 à l'article 24, du même auteur, qui prévoit que le médecin appartenant à l'hôpital de rattachement auquel il est fait appel pour des actes autres que les soins ne participe pas aux soins en milieu carcéral. Où va la préférence du président About ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - A cet amendement n°197 rectifié bis, dont l'adoption rendrait en effet le n°206 superflu.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Entendons-nous bien sur la signification des termes d'« acte dénué de lien avec les soins » : il ne faudrait pas que ces dispositions empêchent la participation des médecins aux réunions d'information professionnelle, indispensables à la bonne prise en charge des patients.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Bien entendu. Il ne s'agit que d'éviter, pour donner un exemple, que le directeur d'un établissement appelle le médecin pour lui demander de pratiquer une fouille des cavités naturelles sur son patient. Vous comprendrez que cela poserait un vrai problème. L'amendement ne vise nullement, en revanche, à interdire la participation des médecins à des réunions de réflexion.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Pour la bonne information de nos collègues, je rappelle que la commission ayant jugé, à l'article 24 relatif aux fouilles, que celles-ci ne pouvaient être réalisées que par un médecin requis à cet effet, elle avait donné un avis favorable à l'amendement de M. About qui précisait que ce médecin ne devait pas participer aux soins. Elle aimerait entendre l'avis du Gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - J'attire l'attention sur l'amendement n°197 rectifié bis, qui pourrait avoir des effets collatéraux dommageables. Il est indispensable que les médecins puissent, si l'on veut éviter des drames, donner des informations indispensables au juge d'application des peines pour les réaménagements de peine et la réinsertion. Il ne faudrait pas que demain, ils ne puissent plus participer aux commissions interdisciplinaires. Ce serait une véritable régression et c'est pourquoi je suis totalement opposée à cet amendement.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Sans doute parce que j'ai été éduqué par des jésuites...

M. le président.  - Personne n'est parfait !

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - ...je perçois une différence entre un acte médical et une action telle que la participation à une réunion. Or on fait semblant de ne pas le comprendre... Mon amendement ultérieur n°206 a dû être restreint pour échapper à l'article 40 mais il faudra écrire à cette occasion que l'on interdit la pratique des fouilles au corps, ainsi les choses seront-elles parfaitement claires.

M. Robert Badinter.  - Très bien !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - J'insiste sur les risques de cet amendement. Quand un médecin doit estimer si l'état d'un détenu est compatible avec le placement en quartier disciplinaire, est-ce un acte ou une action ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Vous savez bien que les médecins s'y refusent.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Non. A Melun, lorsqu'une commission plurisciplinaire effectue une évaluation de dangerosité, le médecin doit signer un document.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Il se prononce sur le maintien en quartier disciplinaire, mais se refuse à être à l'origine de la punition.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - On a déjà eu du mal à faire participer les médecins à la prévention du suicide ou à l'amélioration de la sécurité des détenus... Nous pouvons préciser dans l'article 24 qu'il ne peut leur être demandé de pratiquer des fouilles au corps, mais il serait regrettable d'adopter cet article additionnel.

Si le juge d'application des peines demande au médecin de signer un document, considère-t-on qu'il s'agit d'un acte ou d'une action ? Des drames risquent de se produire à nouveau.

M. le président.  - Ce débat est passionnant, mais demande à être clarifié, d'autant que j'ai noté plusieurs demandes d'explication de vote. Pour éviter d'effectuer en séance un travail de commission, nous devrons nous prononcer sur le texte déposé.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous traitons ici du coeur de la partie santé de ce projet de loi. Pour éviter les confusions, je peux rectifier mon amendement en le rédigeant ainsi : « Un acte dénué de lien avec les soins, la préservation de la santé du détenu ou les expertises médicales, ne peut être demandé aux médecins et aux personnels soignants intervenant en milieu carcéral. »

M. le président.  - Ce sera donc l'amendement n°197 rectifié ter.

M. Alain Anziani.  - Nous sommes un certain nombre à avoir compris ce dont parle Nicolas About, et il a raison d'insister. Les arguments qui lui sont opposés sont surtout techniques. Nous ne voulons pas nous situer en retrait de sa proposition, mais notre amendement n°128 rectifié pourrait régler certaines questions.

M. Hugues Portelli.  - J'ai bien compris le sens de l'amendement du président About. Le problème sera réglé si lors de l'examen de l'article 24 on interdit dans tous les cas les fouilles au corps, ce que je souhaite.

M. Claude Jeannerot.  - Nous donnons raison au président About, et notre amendement suivant, n°128 rectifié, réunit l'ensemble des arguments exposés. Tout d'abord, l'accès des détenus à la santé est organisé par la loi du 18 janvier 1994. Ensuite, le code de déontologie médicale prévoit que « nul ne peut être à la fois médecin expert et médecin traitant d'un même malade. Un médecin ne doit pas accepter une mission d'expertise dans laquelle sont en jeu ses propres intérêts, ceux d'un de ses patients, d'un de ses proches, d'un de ses amis ou d'un groupement qui fait habituellement appel à ses services ». Ces règles assurent l'étanchéité absolue de la fonction de médecin traitant et des actes d'expertise à la demande de l'administration pénitentiaire.

Mme Virginie Klès.  - Plutôt que de chercher à distinguer l'acte médical de l'action, il nous faut prendre en compte leur objectif. Si un acte ou une action est destiné à évaluer la santé du détenu pour savoir s'il risque de se suicider ou s'il peut supporter un quartier disciplinaire, il s'agit bien d'un soin.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous sommes tous d'accord : il est hors de question de demander au médecin traitant de participer aux mesures de sécurité ou de pratiquer une fouille corporelle interne, au risque de rompre l'indispensable lien de confiance qu'il entretient avec son patient.

Les craintes de Mme la ministre quant aux répercussions de l'adoption de cet amendement sur le fonctionnement quotidien des prisons sont justifiées : le médecin pourrait en effet se défausser lorsqu'il s'agit d'estimer si un détenu est apte à l'encellulement collectif -nous avons tous en mémoire les événements de Rouen- ou si, à l'inverse, l'encellulement individuel est dangereux pour une personne suicidaire.

Comme Hugues Portelli, je pense que si l'amendement ultérieur de Nicolas About interdisant les fouilles au corps est adopté, la question sera réglée. Auquel cas, cet amendement peut être retiré ou rejeté.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Cela pose un problème, car l'amendement n°206 n'est pas satisfaisant. Pour contourner l'article 40, j'ai dû le réécrire en y intégrant une aberration : c'est le médecin de l'hôpital de rattachement qui devra intervenir... et on l'attendra longtemps ! Soit on adopte l'amendement n°206 tel quel, ce qui lui ôte tout intérêt dans la pratique, soit le Gouvernement reprend l'objet à son compte pour contourner l'irrecevabilité. L'amendement n°128 rectifié n'est pas satisfaisant en ce qu'il ne mentionne pas le personnel infirmier.

Je maintiens cet amendement-ci.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Comment prévenir efficacement les violences, comment préparer une bonne réinsertion si l'on ne dispose pas des informations les plus complètes ? Certains médecins en donnent très peu. Or, pour choisir les activités par exemple, on a besoin de connaître la personnalité du détenu et elle peut être éclairée par le médecin. Dans un établissement pénitentiaire, toutes les catégories de personnel sont amenées à travailler ensemble. Cette rédaction restrictive risquerait d'engendrer un nouveau cloisonnement.

Peut-on placer un détenu à l'isolement, en quartier disciplinaire, en activité ? Si le médecin ne donne pas son avis et qu'un suicide se produit, ce sera encore la faute de l'administration pénitentiaire ! Il ne faut pas adopter cet amendement.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Les sénateurs sont tous d'accord entre eux ; je ne suis pas certain qu'ils soient d'accord avec Mme la ministre. Mais puisque nous partageons l'intention de préciser, dans un amendement à venir, qu'il n'est pas possible d'imposer au médecin de procéder à une fouille au corps, je retire l'amendement n°197 rectifié ter. (Protestations sur les bancs socialistes) J'espère que nous serons alors tous solidaires. Pour l'heure, je ne veux pas porter la responsabilité d'une rupture entre les catégories de personnel -quoique, à mon avis, les relations sont bonnes quand les gens sont intelligents et mauvaises quand ils ne sont pas à la hauteur.

L'amendement n°197 rectifié ter est retiré.

M. Alain Anziani.  - Je reprends l'amendement !

L'amendement n°197 rectifié quater est adopté et devient article additionnel.

L'article 21 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°128 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un médecin traitant est désigné pour chaque détenu.

Le médecin traitant ne peut être appelé à pratiquer des examens ordonnés par l'autorité judiciaire ou l'administration pénitentiaire sur le détenu dont il assure le suivi.

M. Claude Jeannerot.  - Il est satisfait par l'adoption du n°197 rectifié quater.

L'amendement n°128 rectifié est retiré.

Article 22

Lorsqu'il est fait application des dispositions de l'article L. 1111-6-1 du code de la santé publique relatives à l'aide d'une personne malade, empêchée d'accomplir elle-même des gestes liés à des soins médicaux, la désignation de l'aidant est subordonnée à une autorisation de l'administration pénitentiaire.

M. le président.  - Amendement n°129, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger comme suit cet article :

La désignation de l'aidant est de droit, sauf décision contraire du chef d'établissement, spécialement motivée.

M. Claude Jeannerot.  - Il s'agit de l'application dans les prisons de l'article L. 1111 du code de la santé publique. Les handicapés incarcérés souffrant d'une limitation fonctionnelle des membres supérieurs ne peuvent accomplir eux-mêmes certains soins médicaux. Ils doivent pouvoir s'adresser à un aidant, il y va du respect de leur dignité. Cet amendement est aussi une application des règles pénitentiaires européennes. Auprès de qui le détenu fait-il sa demande : gardiens, gradés, directeur ? Des précisions s'imposent.

M. le président.  - Amendement n°196, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Le détenu faisant fonction d'aidant peut être rémunéré par l'administration pénitentiaire.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Lorsqu'un handicapé demande de l'aide à un autre, il est rançonné, il faut donc que la fonction soit rémunérée, comme l'est la distribution des repas, par exemple. La mission est noble, elle doit être reconnue.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Retrait du n°129, l'intervention d'une personne extérieure requiert une autorisation préalable ; et dans les faits, il n'y a aucune raison que le directeur s'oppose au choix de la personne. Quant au n°196, il donne seulement une faculté, or elle existe déjà. Retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même position, pour les mêmes raisons.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Certaines unités de consultation et de soins sont situées en étage, accessibles seulement par des escaliers... Les handicapés ne peuvent faire autrement que de demander l'aide des autres. Quant à la rémunération, certains directeurs ne la croient pas réglementaire.

M. Pierre Fauchon.  - « Aidant » est-il le terme consacré ? S'il est l'équivalent de « assistant », choisissons ce dernier, par considération pour la langue française.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Mais c'est le terme consacré...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Dans le code !

L'amendement n°129 est adopté et devient l'article 22.

L'amendement n°196 devient sans objet.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°130, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les traitements médicaux prescrits avant l'incarcération par un médecin généraliste ou un spécialiste sont poursuivis en détention.

Leur interruption peut engager la responsabilité de l'administration pénitentiaire.

M. Claude Jeannerot.  - Nous affirmons ici le principe de la continuité des soins. La commission consultative des droits de l'homme estime qu'il faut l'appliquer strictement ici.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il est mentionné à l'article 20 et l'amendement est donc satisfait. Retrait. Je signale que si une personne est incarcérée un vendredi soir, la responsabilité de l'administration sera systématiquement engagée alors qu'elle n'y est pour rien...

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Totalement défavorable ! L'administration assume suffisamment de responsabilités.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Faute de permanence des soins, si l'arrivant, le vendredi soir, n'apporte pas ses médicaments, il n'aura pas de traitement durant le week-end. C'est le lundi matin que la poursuite ou l'interruption du traitement sera étudiée. Mais pour l'intervalle, la responsabilité peut être engagée : il faut régler le problème.

L'amendement n°130 est adopté et devient un article additionnel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je demande une suspension de séance.

M. Louis Mermaz.  - Pour battre le rappel...

La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 18 h 40.

Rappel au Règlement

M. Louis Mermaz.  - Pouvez-vous, monsieur le président, nous éclairer sur la suite de nos travaux ? On parle d'aller jusqu'à l'aube, cela me paraît de folle méthode.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Compte tenu du nombre d'amendements qui restent à examiner, des amendements qui ne sont pas de détail, il est irréaliste d'espérer finir ce soir à une heure raisonnable -autour d'une heure-, mieux vaut donc nous arrêter vers minuit et demi et reprendre demain matin. La séance qui devait « éventuellement » avoir lieu demain perdrait ainsi son caractère éventuel.

M. le président.  - Et la commission des lois aurait supprimé un adverbe ! (Sourires)

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels (Suite)

M. le président.  - Amendement n°131, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Aucune exception ne peut être opposée au secret médical des détenus par le service public pénitentiaire.

M. Claude Jeannerot.  - Le principe éthique du secret médical existe dans l'intérêt premier du patient qu'il protège des effets de la divulgation d'informations intimes. En cela, le secret est une nécessité technique de l'exercice des soins, dont il conditionne souvent la qualité.

Dans les prisons, le respect du secret médical n'est pas toujours bien perçu. De son existence dépend aussi l'applicabilité de certains dispositifs, comme la loi du 12 décembre 2005 relative au traitement de la récidive des infractions pénales, qui prévoit que des remises de peines peuvent être accordées à un détenu qui, présentant une pathologie d'addiction, accepte de suivre un traitement. Il s'agit bien là d'informations couvertes par le secret médical !

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Défavorable, d'abord parce que cet amendement ne tient pas compte de la loi sur la rétention de sûreté, ensuite parce qu'il contredit un amendement About qui a été voté tout à l'heure. Où serait la cohérence ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Cet article aurait pour effet de créer un régime du secret médical spécial pour les détenus : la règle valant pour tout le monde, il n'y a pas à spécifier la manière dont elle vaut pour les détenus.

M. le président.  - Je n'ai pas à intervenir dans le débat mais il me semble, monsieur Jeannerot, que l'argument du rapporteur est dirimant.

M. Claude Jeannerot.  - Je n'insiste pas.

L'amendement n°131 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°132, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque des soins sont dispensés à des personnes détenues pendant les extractions médicales, ils le sont dans le respect de la dignité humaine.

M. Claude Jeannerot.  - Nous mettons un terme à des pratiques observées.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable : l'amendement est satisfait tant par le troisième aliéna de l'article 20 que par l'article 10, avec les garanties nouvelles apportées quant au respect de la dignité humaine.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement est satisfait par cette rédaction nouvelle.

L'amendement n°132 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°133, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lorsque les personnes détenues ont subi des violences physiques, mentales ou sexuelles, l'administration pénitentiaire doit favoriser leur accès aux services spécialisés.

M. Claude Jeannerot.  - Nous suivons la règle pénitentiaire européenne n°34-2.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement en retrait sur le droit actuel qui prévoit une obligation incontournable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je préfère obliger plutôt que favoriser. Avis défavorable.

A la demande du groupe UMP, l'amendement n°133 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 323
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 137
Contre 186

Le Sénat n'a pas adopté.

Rappel au Règlement

M. Hugues Portelli.  - Je souhaite que la modification du Règlement définisse très précisément la procédure des scrutins publics. Le Conseil constitutionnel serait très intéressé par les conditions dans lesquelles ils se déroulent actuellement. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Acte vous est donné de ce rappel au Règlement que les lecteurs de nos débats méditeront.

Discussion des articles (Suite)

Articles additionnels (Suite)

M. le président. - Amendement n°198 rectifié, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Une visite médicale obligatoire est organisée avant que le détenu ne soit libéré.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Un tel examen est souhaitable pour assurer la poursuite des traitements et favoriser la réinsertion par la continuité du suivi médical.

M. Jean-René Lecerf.  - La commission avait été défavorable à la rédaction initiale parce qu'elle ne voyait pas comment rendre obligatoire une visite après la sortie et s'inquiétait des droits à la protection sociale des détenus libérés, qui étaient subordonnés à cette visite. Elle n'a pas examiné la rectification mais, à titre personnel, j'y suis favorable car il évitera les situations ubuesques ou dramatiques, de la prothèse dentaire qu'on ne pourra poser à cause d'une sortie de prison un vendredi au traitement interrompu, situations que décrit votre avis.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis favorable à l'amendement s'il est ainsi rectifié.

Adopté, l'amendement n°198 rectifié devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°199, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les personnes détenues peuvent, après avis médical et sur autorisation du directeur régional des services pénitentiaires, faire appel à un autre praticien que ceux appartenant aux unités de soins en milieu carcéral et à leurs hôpitaux de rattachement.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Certains détenus étaient suivis par des spécialistes et ne peuvent recevoir les soins appropriés en prison. Nous proposons donc une dérogation au système mis en place en 1994.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cela ne relève pas du domaine de la loi. Retrait ?

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - C'est en effet déjà prévu par les articles D.365 et D.381 du code de procédure pénale.

M. Nicolas About, rapporteur.  - Oui, mais il faut une autorisation expresse du ministre de la justice. Cela me paraissait très lourd mais je n'en fais pas une affaire.

L'amendement n°199 est retiré.

M. Alain Anziani.  - Nous le reprenons.

Après une épreuve à main levée, déclarée douteuse, l'amendement n°199 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°200, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque détenu dispose d'un dossier médical électronique unique.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Le projet est simple : plaçons le malade au coeur de nos préoccupations et évitons les querelles entre spécialistes, généralistes, psychiatres, etc.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission demande avec humilité l'avis du Gouvernement.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Il serait prématuré de l'imposer pour les détenus, qui sont des patients comme les autres, alors que le dossier médical unique n'est pas encore prêt.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous l'avons imposé pour la population générale, pour laquelle ce dossier est compliqué à mettre en oeuvre. Mais nous avons là, d'un côté de la prison, une Unité de consultation et de soins ambulatoires (UCSA) et de l'autre, un Service médico-psychologique régional (SMPR). Et il n'y a le plus souvent aucun lien ente les deux ! On peut tout de même leur imposer une ligne informatique unique ! Le directeur de prison se décharge de cette responsabilité sur l'hôpital de rattachement. Quelquefois le médecin et le psychiatre partagent le même bureau ! Et le détenu ne pourrait pas avoir un dossier médical unique ! 

L'amendement n°200 est adopté.

M. le président. - Amendement n°201, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les hôpitaux en charge des unités de soins en milieu carcéral passent, pour les matériels mis à disposition de ces unités, un contrat d'entretien spécifique.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - De trop nombreux matériels de soins implantés dans les UCSA et les SMPR ne sont pas en état de fonctionnement. Nous proposons qu'ils bénéficient d'un contrat d'entretien spécifique. On ne pourra m'opposer l'article 40 parce que ces contrats sont moins chers que les extractions dont chacune coûte entre 450 et 1 500 euros.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je comprends l'objectif mais, là, nous tombons du 34 au 37 !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - M. About a raison mais nous ne pouvons, dans une grande loi pénitentiaire, descendre au niveau règlementaire. Après avoir signalé fortement la nécessité d'entretenir ces matériels, pourriez-vous envisager de retirer votre amendement ?

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - J'essayais de faire faire des économies à la Pénitentiaire... D'accord, cette disposition n'est pas du niveau de la loi mais il faut demander aux ARH et aux futures Agences régionales de santé de prévoir un budget suffisant pour l'entretien du matériel des UCSA et de veiller à ce que les crédits ne soient pas, comme cela arrive, détournés pour l'hôpital de rattachement... Je retire l'amendement.

M. Alain Anziani.  - Nous le reprenons ! Les amendements mûrement réfléchis d'un homme de l'art si avisé que M. About mérite davantage de respect.

M. Pierre Fauchon.  - J'ai beaucoup de respect pour M. About, mais davantage encore pour les principes fondamentaux de la loi. Ici, ce sont les droits de l'homme qui sont en cause ; il ne faut pas y mêler ces histoires de crédits et d'économies. C'est sans doute par malice que vous reprenez l'amendement. Renoncez à votre malice et restez au niveau des droits de l'homme qui, seuls, justifient le travail de notre assemblée et fondent sa compétence. (Applaudissements à droite).

L'amendement n°201 rectifié n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°202, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 juillet 2009, le Gouvernement présente au Parlement un plan d'équipement des unités de consultation et de soins ambulatoires et des services médico-psychologiques régionaux en moyens de télémédecine pour les années 2009 à 2014.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Pour surmonter les obstacles liés à l'isolement des unités de soins en milieu carcéral, il faut les faire bénéficier le plus rapidement possible des bénéfices de la télémédecine. Nous proposons qu'un plan d'équipement des UCSA et des SMPR en moyens de télémédecine soit élaboré par le Gouvernement pour la période 2009-2014.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous remontons de la circulaire au décret mais nous ne sommes toujours pas dans le domaine de la loi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Je le retire.

M. Alain Anziani.  - Nous le reprenons.

L'amendement n°202 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°203, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après avis médical, les détenus ayant effectué un séjour continu de plus de douze mois dans un service médico-psychologique régional sont placés dans des établissements spécialisés hors du milieu carcéral pour la durée restante de leur peine, dans des conditions définies par décret.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Nous remontons d'un cran... Une durée anormalement longue de séjour au sein d'un SMPR révèle une telle inadaptation au milieu carcéral qu'elle remet en question, à mon sens, la validité de la décision d'incarcération. Nous proposons donc qu'un détenu ayant passé plus de douze mois consécutifs dans un tel service soit réorienté vers un établissement de soins spécialisé dans des conditions définies par décret.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Il n'est pas bon de faire référence à un cas anormal dans la loi car cela contribuerait à le consacrer. De plus l'amendement est trop imprécis. Les UCSA n'ont pas vocation à recevoir les longs séjours. Notre commission avait préconisé la création de telles unités pour des longs séjours. Mais cet amendement comme le n°125 amènent à s'interroger sur la présence en milieu pénitentiaire de malades reconnus responsables... J'attends en fait une grande réforme Justice, Santé, Intérieur... Retrait.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Notre programme de 700 places d'hôpital-prison permettra d'ouvrir deux unités en 2009 et 2010, et le reste en 2011 et 2012.

L'amendement prévoit de placer ces personnes « hors milieu carcéral ». C'est gênant car se poserait alors le problème du statut de ces personnes après ces douze mois. Où finiraient-elles leur peine ? Mais la suspension de peine dépend de l'autorité judiciaire...

M. Nicolas About, rapporteur.  - Si le condamné a passé douze mois en SMPR, c'est qu'il y a eu erreur dans la décision d'incarcération !

Aux Baumettes, j'ai vu quelqu'un qui était depuis huit ans dans la même cellule du SMPR. Huit ans ! En sortant de là, je me suis dit qu'il fallait absolument que les magistrats aillent visiter les prisons ! Tel a été le sens du premier amendement que j'ai fait voter. Comment ce brave homme (Mme Catherine Procaccia s'exclame) -c'est le médecin qui parle d'un malade-, comment cet homme a-t-il pu passer là toutes ces années ? Je vais retirer l'amendement mais ces situations, qui résultent à mon sens d'une mauvaise condamnation, d'une mauvaise décision judiciaire, ne sont pas dignes de notre société.

L'amendement n°203 est retiré.

La séance est suspendue à 19 h 15.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

La séance reprend à 21 h 35.

Article 23

............. Supprimé ...............

M. le président.  - Amendement n°59 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

I. - Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le droit de propriété des détenus doit être respecté.

Les biens dont les détenus sont porteurs à leur entrée dans un établissement pénitentiaire sont conservés et mis à leur disposition par l'administration pénitentiaire dans les conditions définies à l'article 18 bis.

À leur sortie de prison, les détenus se voient remettre leurs réalisations, quel qu'en soit le support.

II. - En conséquence, rétablir une division et son intitulé ainsi rédigés :

Section 6

Des biens

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Le respect du droit de propriété des détenus implique qu'ils puissent faire conserver leurs biens ou les utiliser au cours de leur détention. Je connais un détenu qui a attendu un an avant de récupérer son ordinateur...vide, donc inutilisable ! Il faut bien entendu que le bien soit rendu en son état initial.

L'administration doit également garantir aux détenus la possibilité de détenir leurs oeuvres de l'esprit, à l'instar des oeuvres plastiques récemment exposées au musée des Abattoirs, à Toulouse.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Défavorable. Il s'agit de dispositions d'ordre réglementaire, que l'on ne peut envisager de promouvoir au niveau législatif sans toilettage préalable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - La conservation des biens n'entre pas dans les attributions du greffe pénitentiaire. Défavorable.

A la demande de la commission, l'amendement n°59 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 321
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 138
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

Article additionnel

M. le président. - Amendement n°204, présenté par M. About, au nom de la commission des affaires sociales.

Avant l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 juillet 2009, le Gouvernement présente au Parlement un plan d'équipement des prisons en moyens de détection électronique, pour les années 2009 à 2014, permettant d'éviter les fouilles à corps.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Texte même.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission des lois partage votre objectif, mais cette mesure ne relève pas du domaine de la loi. Plus l'encadrement des fouilles à corps sera strict, plus le Gouvernement sera contraint de hâter l'équipement des prisons en moyens électroniques.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable, pour les mêmes motifs.

M. Nicolas About, rapporteur pour avis.  - Je le retire, à regret.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous le reprenons !

M. Louis Mermaz.  - Nous sommes souvent soulevés d'émotion par les amendements du docteur About, mais dès que l'avis n'est pas favorable, au moment de passer à l'acte, patatras, il n'y a plus personne ! Il faut pourtant bien en finir avec les fouilles au corps, qui sont une véritable humiliation pour la République. On trouve de l'argent pour toutes sortes de choses, on doit bien pouvoir en trouver un peu pour le respect de la dignité des prisonniers !

M. Richard Yung.  - Cet amendement arrive à point nommé... (M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, demande la parole. Protestations du groupe CRC)... puisque nous allons aborder l'article 24, qui traite de la délicate question des fouilles. Nous avons repris cet amendement... (M. Philippe Dallier se lève. Nouvelles protestations)... parce que nous estimons qu'il offre une solution pour l'avenir.

M. le président.  - Permettez, monsieur Dallier, que M. Yung finisse son propos, et que s'expriment les orateurs qui avaient demandé la parole. Vous l'aurez tout de suite après.

M. Richard Yung.  - Il rassurera aussi le personnel pénitentiaire, qui ne mène pas les fouilles au corps de gaité de coeur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ne jouons-nous pas un jeu de dupes ? Car à quoi bon travailler avec ardeur, comme nous le faisons, sur cette loi, si elle ne s'accompagne ni de moyens, ni d'un échéancier ? Nous avons précédemment posé la question des unités de vie familiale. Il est important de savoir à quel rythme elles seront mises en place et quand elles seront opérationnelles. Le problème est le même sur cette question de la détection électronique : quand ? Et comment ? Hier, madame la ministre, je vous parlais de la maison d'arrêt d'Orléans, dont le taux de surpopulation, un des plus élevés de France, est de 230 %. Voici quelques années, nous avions d'abord trouvé un terrain sur une commune voisine, auquel il fallut bientôt renoncer au motif qu'un tuyau -peut-être le seul tuyau indéplaçable au monde- le traversait. Fort bien. Une nouvelle concertation a eu lieu, les élus se sont beaucoup dépensés et un autre terrain fut trouvé, sur une autre commune voisine. Nous avions alors compris que cette nouvelle maison d'arrêt devait voir le jour en 2012. Telle était en effet, en 2008, la position de votre ministère. Mais voici qu'en décembre 2008, le directeur de l'administration pénitentiaire indique que la date est reportée. Protestation des élus. C'est alors que M. Sarkozy, venu présenter ses voeux aux policiers, aux gendarmes et au personnel pénitentiaire annonce finalement que ce sera 2013 et même, emporté par son élan, 2012 -une meilleure année pour lui, tant mieux si cela peut servir à quelque chose... Vous étiez là, madame la ministre, et pourtant, en février, voilà que vous parlez de 2014. Les élus en ont assez ! Ils veulent savoir, enfin, ce qu'il en sera ! Si vous pouviez nous dire enfin que l'engagement pris depuis cinq ans sera respecté, nous en serions très heureux ! Le même problème se pose pour ce que nous votons dans ce texte. Si l'on décide de mettre en place un système électronique, il faut savoir selon quel échéancier. La crédibilité de cette loi tient aux moyens que l'on y mettra.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous avons déjà eu ce type d'échange. Si vous ne cessez de nous opposer, messieurs de la majorité, la question des moyens, rien n'est possible. S'il fallait attendre que tous les moyens soient réunis pour prendre des décisions, nous serions toujours à courir derrière l'essentiel. S'il existe une technologie qui permet de mettre fin à une humiliation qui déshonore le XXIe siècle, pourquoi s'en priver ? En énoncer, dès à présent, le principe est essentiel. Si au motif que tout cela est complexe et qu'il faut attendre, on ne fait rien aujourd'hui, nous en serons encore, dans quelques années, à déplorer l'existence de la fouille au corps. La commission des finances n'a pas opposé, en amont, l'article 40 : rien ne nous interdit donc de mener le débat.

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances.  - Considérons donc que le doute bénéficie à l'amendement. Il n'en reste pas moins qu'il pose problème, puisqu'il est demandé au Gouvernement de présenter un plan pour la période 2009-2014.

L'amendement n°204 rectifié n'est pas adopté.

Article 24

Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des détenus.

Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électronique sont insuffisants.

Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet.

M. Louis Mermaz.  - Reconnaissez que si chaque fois que l'on fait une suggestion, on nous oppose l'article 40, il ne reste plus qu'à fermer les portes du Parlement. A pousser au bout cette logique, l'article 40 devrait être invoqué chaque fois que nous respirons, car nos émissions de gaz carbonique sont coûteuses. Foin de cette comédie ! Nous ne sommes pas, que diable ! aux Bouffes parisiens. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'amuse)

M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances.  - (Se levant) Qui visez-vous par ces propos ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'article 40 !

M. le président.  - Monsieur Dallier, vous aurez tout à l'heure la parole.

M. Louis Mermaz.  - Cet article 24 mérite d'être lu et commenté ! « Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans l'établissement. » Elles sont, autrement dit, justifiées par la seule suspicion, éminemment subjective, celle-la même qui fit condamner les sorcières de Salem. « Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités et à la personnalité des détenus. » A la personnalité des détenus ! On en a le frisson ! « Les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électronique sont insuffisants. » Mais qui donc en décide ? « Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf impératif spécialement motivé. » Encore une fois, qui en décide ? « Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet. » Là, vous nous avez simplifié le travail, puisque, ô miracle, l'amendement n°197 rectifié bis a été voté avant que la majorité ne se ressaisisse et que le président Hyest, qui avait eu quelque retard à l'allumage, n'ait recours aux scrutins publics. (M. le président Hyest proteste) Ne vous fâchez pas, vous pourrez demander, à la fin du débat, un droit de parole pour fait personnel : ce temps ne vous sera pas compté...

Le groupe socialiste a déposé un certain nombre d'amendements visant à réduire au maximum la dangerosité de cet article. Ainsi, son amendement n°134 prévoit que la fouille des cellules ne pourra avoir lieu qu'en présence des personnes visées. Et que l'on ne nous oppose pas que ces personnes pourraient, en cas d'émeute, se trouver sur le toit : à force de toujours chercher le cas exceptionnel, on finira par ne plus pouvoir légiférer !

Le détenu doit être présent lors de la fouille de sa cellule, qui ne doit pas concerner ses effets personnels.

Un autre amendement prévoit que les fouilles intégrales soient spécialement motivées. En outre, les méthodes de détection électronique doivent être employées au plus vite. On n'oserait pas demander aux passagers d'un avion de se déshabiller avant de monter à bord...

Les critiques émanant des institutions européennes sont à l'origine de ce débat, que l'on aurait sinon sans doute encore repoussé. Ainsi, en décembre 2007, le Comité européen pour la prévention de la torture a rapporté les dires d'un détenu de la maison d'arrêt de Fresnes, placé à l'isolement, qui aurait été fouillé à corps quatorze fois en un mois. De nombreux détenus se sont plaints de faits semblables.

Une grande latitude est laissée par ce texte pour la fouille des locaux à l'administration pénitentiaire, qui agit par délégation du ministère de la justice. En outre, les surveillants souhaiteraient être autre chose que des porteurs de clés. Il serait préférable de se conformer aux recommandations des institutions européennes.

Nous espérons que les fouilles au corps soient enfin proscrites mais il serait regrettable que le Gouvernement, malgré des circonvolutions pudiques et autres invocations de bons sentiments, continue à faire en sorte que rien ne change, comme en témoigne le traitement réservé aux amendements de l'opposition. Dans ces conditions, l'administration pénitentiaire devra faire preuve de beaucoup de mérite et de noblesse pour continuer à respecter les droits de l'homme.

M. Philippe Dallier.  - Je rappelle à Louis Mermaz, ancien président de l'Assemblée nationale, que l'on ne peut qualifier de bouffonnerie le fait, pour un parlementaire, d'invoquer l'article 40. Ces propos ne sont pas dignes de notre assemblée.

Mme Éliane Assassi.  - Vous n'étiez pas là ! Et on invoque sans cesse l'article 40...

M. Alain Anziani.  - Depuis trois jours, nous avons souvent parlé d'intimité et de dignité. Avec cet article, nous arrivons à un grand rendez-vous, à l'épreuve de vérité : allons-nous passer des bonnes intentions à la réalité ?

La théorie de la fouille, partiellement vraie, en fait un outil permettant d'assurer la sécurité publique. Toutefois, elle est battue en brèche du fait de nombreuses défaillances : on trouve tout dans les prisons, et surtout le pire. La pratique, incontestable, est qu'elle relève d'une volonté de soumettre, de « casser » le détenu -le terme revient souvent dans les témoignages- pour obtenir son obéissance. Tous les détenus le reconnaissent : on n'est pas fier après une fouille et on se tient tranquille pendant un moment. Un corps fouillé, mis à nu, c'est une âme humiliée, atteinte. (Mme Catherine Troendle rit)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il n'y a pas de quoi rire !

M. Alain Anziani.  - Vous ririez moins, madame, si vous deviez subir une fouille au corps.

Si la recherche de sécurité n'est pas contestable, il n'en est pas de même de la soumission recherchée par des fouilles trop fréquentes. C'est d'autant moins acceptable que nous ne sommes plus au temps d'Edmond Dantès ! Comment ne pas être choqué, dans une société moderne, par le fait que ce qui est bon pour chacun de nous dans un aéroport ne soit pas utilisé dans les prisons ? Le rapporteur souhaite que des portiques soient installés : effectivement, de tels moyens de surveillance ont fait leurs preuves. Je remercie mon collègue d'avoir renoncé à invoquer l'article 40. Comment aurions-nous pu, ainsi, soutenir que le prix de la dignité était trop élevé ?

Madame la garde des sceaux, si vous voulez une grande loi pénitentiaire, ne commencez pas par nous expliquer que la pierre sur laquelle tout l'édifice va être construit est inabordable car il s'agit de la dignité.

M. Richard Yung.  - Avec la question de la fouille, nous abordons le coeur du sujet : la dignité humaine. Comment préserver celle-ci tout en respectant les impératifs de sécurité ?

En l'état actuel du droit, qui est uniquement de nature réglementaire, l'administration pénitentiaire bénéficie d'une très grande marge de manoeuvre. Les fouilles sont souvent pratiquées, parfois sans discernement, au nom du seul impératif de sécurité. Les règles d'application manquent. Dans leur excellent rapport, Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel les qualifiaient d'« automatisme pénitentiaire ». Elles sont pratiquées à l'excès, lors de chaque entrée ou sortie de la prison, avant et après les parloirs et les visites. Des fouilles intégrales avec mise à nu sont notamment pratiquées après les entretiens des détenus avec leurs avocats, ce qui en dit long sur la considération accordée à ces derniers...

Louis Mermaz a cité le cas du prisonnier rencontré par la délégation du Comité européen pour la prévention de la torture, fouillé quatorze fois en un mois. En 2006, la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS) évoquait le cas d'un détenu particulièrement signalé fouillé à corps par des agents d'une équipe régionale d'intervention et de sécurité, qui ne sont pourtant habilités qu'à pratiquer des fouilles de cellules. Depuis 2002, les campagnes de fouille générale semblent plus fréquentes, ce qui attise les tensions au sein des prisons.

Les fouilles sont vécues comme une humiliation, un viol, qui répondent parfois à des petites haines entre détenus et surveillants. Jean-Marie Delarue, contrôleur général des prisons, les qualifie de « petits coups bas ». Elles sont également pénibles pour les personnels et ne correspondent pas à l'idée qu'ils se faisaient de leur fonction. Ces atteintes à la dignité et à l'intégrité physique des détenus sont d'autant plus critiquables que les bénéfices en sont limités. Ainsi, elles n'empêchent pas les trafics de stupéfiants, de téléphones portables et d'armes. La France est régulièrement pointée du doigt pour ces traitements dégradants, notamment par le Comité européen pour la prévention de la torture, fin 2007, et par la Cour européenne des droits de l'homme dans une décision du 12 juin 2007.

Le juge administratif est également très critique. Dans une décision du 14 novembre dernier, le Conseil d'État a jugé que les fouilles corporelles intégrales doivent être « nécessaires, adaptées et proportionnées ». Ces règles ont été fixées il y a trois mois seulement : il reste beaucoup à faire. Elles prouvent à quel point le régime des fouilles est insuffisamment encadré. Les fouilles intégrales avec mise à nu et les fouilles corporelles internes ne devraient être réservées qu'à quelques cas, tels les détenus particulièrement surveillés.

L'idéal serait d'installer des portiques à ondes millimétriques, ces scanners corporels renvoyant une image sur un écran de contrôle. Cela éviterait au personnel d'avoir à pratiquer des fouilles.

Mme Raymonde Le Texier.  - Nous recherchons un équilibre entre le respect de la dignité humaine et l'impératif de sécurité. Les fouilles intracorporelles portent un nom clair : le viol. Les fouilles à corps non intrusives exigent que le détenu soit entièrement nu et dans une position dégradante afin que rien n'échappe au regard. Ces pratiques sont d'autant plus humiliantes qu'elles interviennent après les parloirs et succèdent ainsi aux rares moments chaleureux que connaît le détenu. Il a connu un répit, a pu se projeter dans un avenir meilleur, a repris espoir ; la redescente est brutale. Il subit la honte de la mise à nu, or ce traitement avilissant n'est pas toujours efficace. Les moyens techniques existent, qui respectent l'intégrité du corps humain et évitent l'humiliation psychologique : rayons X, scanners à ondes magnétiques à basse énergie...

Le degré de civilisation d'un pays se mesure à la façon dont il traite ses prisonniers, a dit Albert Camus. Ne nous privons pas de nous hisser à la hauteur des valeurs humanistes que nous portons. Ces fouilles sont dégradantes pour ceux qui les subissent comme pour ceux qui les pratiquent.

M. Hugues Portelli.  - J'ai lu avec intérêt l'excellent rapport de M. Lecerf. Il reconnaît que la pratique des fouilles est dégradante et humiliante pour le détenu, il rappelle la condamnation dont la France a fait l'objet par la Cour européenne des droits de l'homme, pour violation de l'article 3 de la convention européenne relatif aux traitements dégradants.

Je pensais donc que notre rapporteur proposerait en conclusion de supprimer les fouilles corporelles, en particulier internes. Hélas, il ne le fait pas totalement, mais maintient le « cas exceptionnel motivé par un impératif de sécurité ».

Des détenus se sont évadés grâce à des explosifs : où aurait-on trouvé ce matériel si l'on avait réalisé des fouilles au corps ? De telles pratiques n'empêchent manifestement pas les évasions. Et qui va motiver ? Qui va juger de l'impératif ? Tout de même pas l'administration pénitentiaire ! Seul un magistrat aurait, selon moi, autorité pour le faire. Le mieux est de respecter une fois pour toutes non seulement la Convention européenne des droits de l'homme mais aussi l'article premier de ce projet de loi que nous avons adopté et qui nous impose le respect de la dignité des détenus. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mme Marie-Thérèse Hermange applaudit également)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le texte issu des travaux de la commission est beaucoup plus positif, ou moins négatif, que le projet de loi initial et il constitue une avancée par rapport à la situation actuelle. Le problème est complexe. Nous connaissons tous les pratiques des mules ; et je garde en mémoire qu'une jeune fille est morte pour avoir ingéré un certain nombre de substances. C'est banal, mais horrible... L'amendement About me semble la bonne solution. Les techniques existent, il faut, pour les généraliser, un effort financier : la République française peut le supporter. J'espère que les amendements de mes amis recevront un accueil favorable, car ils vont plus loin. Les gardiens de prison...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Les surveillants !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...que j'ai rencontrés la semaine dernière dans mon département m'ont demandé de dire ici qu'ils effectuent des dizaines, des centaines de fouilles à corps, de fouilles internes, et que ces pratiques humiliantes et dégradantes pour les détenus sont également très pénibles pour eux.

M. Robert Badinter.  - Ayons présent à l'esprit ce qui est advenu de la civilisation européenne dans des temps récents, ou assez lointains mais pas oubliés. Etre mis à nu devant un autre, les régimes totalitaires savent que c'est la première dégradation du sujet. Tant de témoignages nous sont parvenus de périodes tragiques et de lieux concentrationnaires... La fouille au corps interne doit être absolument épargnée. La pénétration du corps hors le consentement de la personne est un viol. Utiliser l'électronique est à notre portée. Les fouilles au corps internes sont à proscrire à jamais.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je remercie M. Mermaz d'avoir fait référence aux travaux de la commission. Les amendements ont été adoptés à l'unanimité ; nous avons tous tenté d'améliorer le texte et de concilier deux impératifs distincts. Les conditions posées ne sont pas dérisoires et l'exigence d'un soupçon d'infraction ou d'un risque pour la sécurité est déjà une façon de remettre en cause des pratiques qui existent aujourd'hui.

Nous avons aussi établi une gradation : fouilles par palpation, fouilles intégrales uniquement dans le cas où la palpation et les moyens de détection électronique sont insuffisants -nous préparons l'avenir, car les progrès techniques réduiront ainsi les cas de fouille intégrale- et fouilles au corps internes. Elles ne devraient pas exister mais elles sont pratiquées, y compris par le personnel pénitentiaire. Nous les limitons aux cas où les deux premières catégories de fouilles sont insuffisantes et nous exigeons la réquisition d'un médecin ; M. About précise qu'il doit s'agir d'un médecin extérieur à l'établissement.

Les propos de M. Portelli m'inspirent une modification supplémentaire.

Je vous propose donc de compléter cet article en ajoutant après « requis à cet effet » ces quatre mots : « par l'autorité judiciaire ».

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°303.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Ainsi, ce n'est plus l'autorité pénitentiaire qui apprécie l'impératif avancé, mais l'autorité judiciaire, qui en pratique sera généralement représentée par le parquet de surveillance.

Ne nous déchirons pas sur cet article ! Nous sommes très proches, nos intentions sont les mêmes : tenir pour essentielle la dignité humaine sans pour autant oublier les impératifs de sécurité. Nous pensons à ceux qui souffrent de ces fouilles, parce qu'ils les subissent ou parce qu'ils les pratiquent, mais aussi à ceux qui prennent des risques.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Des détenus se sont évadés en utilisant des explosifs qui leur avaient été apportés par des visiteurs, que, de manière générale, on ne fouille pas. Si leur prise d'otages ne s'est pas conclue de la pire façon, on le doit à d'autres détenus qui ont eu le courage de s'interposer. Avec des détenus dangereux, il peut être nécessaire de procéder à une fouille intégrale.

M. Mermaz a été ministre et président de l'Assemblée nationale. Je ne puis accepter ses accusations. Qu'ont fait les gouvernements qu'il a soutenus ? Ils auraient eu tout loisir d'adopter une grande loi pénitentiaire pour améliorer concrètement la situation des détenus, et pas seulement sur le papier comme avec la loi de 1998 qui n'était pas accompagnée des moyens nécessaires à sa bonne application. Ils auraient eu tout loisir de construire des établissements, quand les deux tiers de ceux-ci étaient déjà vétustes et insuffisants. Ils auraient eu tout loisir de créer un contrôleur général des prisons -même s'ils n'avaient pas l'audace, que nous avons eue, d'étendre sa compétence à tous les lieux privatifs de liberté. Au lieu de quoi, ils n'ont, à aucun moment, rien fait pour les prisons.

Je ne peux accepter que l'on accuse l'administration pénitentiaire de décider des fouilles pour « casser » des détenus ; sur 550 fouilles effectuées en 2008, 50 ont donné lieu à agression de surveillants. Il faut le dire ! Vous parlez de la dignité des détenus mais nous pensons aussi au personnel pénitentiaire.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous aussi !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Et nous l'avons dit !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Ceux qui prétendent que l'administration pénitentiaire pratique des « fouilles à corps » en sous-entendant « investigations corporelles » disent quelque chose de faux. Elle n'a jamais été habilitée pour ce genre de fouille. Elle peut faire des fouilles par palpation, comme dans les aéroports. Elle peut fouiller les cellules, toujours en l'absence des détenus. Quand les amis de M. Mermaz étaient au gouvernement, à Rouen, un surveillant a été assassiné par un détenu pendant qu'il vérifiait le barreaudage de sa cellule : le détenu a saisi un barreau et en a frappé le surveillant à la tête. L'administration peut pratiquer des fouilles intégrales -et non pas des « fouilles à corps »- en déshabillant complètement le détenu, sans contact physique.

Les examens des cavités corporelles -anus, bouche, vagin- sont pratiqués de manière exceptionnelle, à la recherche d'explosifs ou de stupéfiants, et seulement par des médecins. Il n'a jamais été question de permettre à la pénitentiaire de pratiquer elle-même ces fouilles.

Ce texte constitue une réelle avancée, nous prenons nos responsabilités pour améliorer la condition des détenus, sans oublier le travail difficile et le dévouement de l'administration pénitentiaire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Je demande la priorité pour l'amendement n°303.

Acceptée par le Gouvernement, la priorité est de droit.

M. le président.  - J'en rappelle le texte.

Amendement n°303, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.

Compléter la dernière phrase du dernier alinéa de cet article, par les mots :

par l'autorité judiciaire

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Je l'ai exposé.

M. le président.  - Amendement n°235, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit cet article :

Les fouilles doivent être justifiées par la présomption d'une infraction ou par les risques que le comportement des détenus fait courir à la sécurité des personnes et au maintien de l'ordre dans l'établissement. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées à ces nécessités. Elles s'effectuent si besoin par des moyens de détection électronique.

La fouille des détenus est effectuée dans le respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique et psychique. La fouille intégrale des détenus et les investigations corporelles internes sont interdites.

Les fouilles des cellules sont effectuées sur décision motivée du chef d'établissement et en présence du détenu.

Mme Éliane Assassi.  - Le projet de loi ne remet pas en cause le régime actuel des fouilles : tout juste les encadre-t-il, en prévoyant que les fouilles intégrales ne sont possibles que si les fouilles par palpation ou les moyens de détection électroniques sont insuffisants. Ce qui ne protège pas le détenu du risque d'arbitraire.

En 2000, le rapport d'enquête sénatorial sur les prisons, rappelant que les fouilles était un « automatisme pénitentiaire », ajoutait que « l'efficacité des fouilles reste pourtant limitée, comme le démontre la réalité des trafics de stupéfiants en prison : le détenu apprend vite les ruses pour échapper à la fouille ». Pourquoi conserver des pratiques dégradantes et humiliantes qui, de surcroît, ne démontrent même pas leur efficacité !

La CNCDH, dans son avis sur le projet de loi, « préconise l'interdiction de la fouille intégrale de la personne détenue et réaffirme la nécessité d'atteindre le même niveau de sécurité en recourant à des moyens de détection modernes garantissant le respect de la dignité de la personne et de son intégrité physique et psychique ».

En outre, l'article 24 reste muet sur les fouilles des cellules, alors que celles-ci sont attentatoires au respect de la vie privée. La CNCDH préconise qu'un régime plus strict que celui existant actuellement leur soit appliqué, et demande qu'une telle fouille n'intervienne que sur décision motivée du chef d'établissement et en présence du détenu.

Cet amendement s'inspire de ces deux recommandations de la CNCDH : il interdit donc formellement les fouilles intégrales, mais aussi les investigations corporelles internes, considérées par les associations et la CNCDH comme contraires au respect de la dignité et de l'intégrité physique et psychique de la personne. Il prévoit enfin un encadrement des fouilles des cellules.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard, Muller et Anziani.

I. - Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

L'inspection des cellules a lieu dans le respect des biens et de la vie privée des détenus. Leur nature et leur fréquence sont strictement adaptées aux nécessités de maintien de l'ordre et de la sécurité dans l'établissement.

II. - Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

fouilles

insérer le mot :

corporelles

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Même si la cellule n'est pas un domicile au sens de la loi, il faut que les fouilles de cellules soient aussi encadrées par la loi.

M. le président.  - Amendement n°134, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Dans la première phrase du premier alinéa de cet article, après le mot :

fouilles

insérer les mots :

des cellules

II. - Après le premier alinéa du même article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Tous les détenus doivent assister à la fouille de leurs effets personnels, à moins que les techniques de fouille ou le danger potentiel pour le personnel ne l'interdise.

M. Alain Anziani.  - L'article n'est pas assez précis à propos de la fouille des cellules. La réalité que vivent les prisonniers, c'est qu'à l'occasion des fouilles de cellules, telle photo, tel document personnel disparaît. La ministre nous dira que cela n'existe pas.

Si, madame la garde des sceaux, c'est la réalité ! La présence du détenu pendant la fouille évitera les tensions.

M. le président.  - Amendement n°135, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :

Elles doivent être spécialement motivées.

M. Alain Anziani.  - On voit bien l'esprit de l'article et on partage celui du rapporteur : pas de fouille intégrale, sauf si on ne peut faire autrement. Quand on dit « oui, mais... », il faut faire attention au « mais » : c'est la motivation.

M. le président.  - Amendement n°44, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Les fouilles sont effectuées dans le respect de la dignité de la personne.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - La dignité encore. Tout le monde en parle mais elle n'apparaît qu'une fois dans le texte grâce à la discussion d'hier. Je suis surprise que le mot ait disparu du texte initial. Rien ne justifie pourtant la disparition d'un principe qui devrait être le socle de toute cette construction. Récemment, un détenu a dû se mettre tout nu pour accéder au parloir ; comme on avait oublié de fermer la porte, il l'a fait devant les familles. N'est-ce pas un vrai problème de dignité ? On pourrait multiplier les exemples concrets de ces atteintes intolérables. C'est après une fouille à la prison de Fresnes que la Cour européenne des droits de l'homme a rappelé par son arrêt du 12 septembre 2007 que les fouilles demandent des précautions.

M. le président.  - Amendement n°136 rectifié, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste et apparentés.

Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :

Les fouilles sont pratiquées dans le respect de la personne.

M. Alain Anziani.  - Amendement de repli.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement n°235, d'abord : les modifications introduites à l'article 24 permettent d'encadrer strictement les fouilles. L'interdiction totale des fouilles intégrales, et non des fouilles corporelles internes, pousserait trop loin le curseur entre sécurité et dignité. Il faut les encadrer pour des raisons de sécurité.

L'amendement n°45 rectifié traduit une petite incompréhension sur le premier alinéa de l'article 24, lequel encadre les fouilles de manière générale ; il couvre l'ensemble des fouilles, y compris celles des cellules. Retrait ?

Le problème que soulève l'amendement n°134 est assez proche de celui du contrôle du courrier. La présence du prisonnier peut susciter des vexations et aviver les tensions ; elle pose aussi des difficultés pratiques : comment procéder quand il est au parloir ou qu'il travaille ? Avis défavorable.

Nous avons voté un dispositif très encadré. Restons-en à cet équilibre. Je souhaite le retrait des amendements nos135 et 134 car le premier alinéa de l'article pose les principes de proportionnalité et de nécessité des fouilles. Il en va de même de l'amendement n°136 rectifié, dont le premier alinéa satisfait pleinement l'objectif.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Avis favorable à l'amendement n°303. L'amendement n°235 ne relève pas du domaine de la loi et il est satisfait par l'article 10. La fouille n'est pas une sanction, c'est une question de sécurité, n'alourdissons pas l'organisation des établissements par une exigence de motivation.

L'amendement n°45 rectifié sur le respect des biens et de la vie privée est satisfait par le premier alinéa de l'article 24, qui s'applique à toutes les fouilles ; j'y serais défavorable s'il était maintenu.

A l'amendement n°134, aux arguments du rapporteur sur la présence du détenu lors de la fouille, j'ajouterai que je défends la dignité et la sécurité des gardiens...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous aussi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Lorsque des incidents tragiques s'étaient produits par le passé, les mesures nécessaires n'avaient pas été prises ; nous les prenons en nous dotant d'une législation moderne tout en assurant la dignité et la sécurité du personnel.

Mêmes observations que tout à l'heure sur l'amendement n°135. Avis défavorable à l'amendement n°44, satisfait par l'article 10 et même avis sur l'amendement n°136 rectifié qui a le même objet.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'amendement de M. Lecerf nous dit que le médecin sera requis par l'autorité judiciaire. Nous pensons que la motivation doit émaner d'une autorité indépendante du juge.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je veux abonder dans ce sens. Nous comprenons très bien le souci du rapporteur mais il y a désormais un problème de coordination entre les phrases. C'est pourquoi je propose d'écrire : « Les investigations corporelles internes sont proscrites, sauf décision de l'autorité judiciaire pour des raisons impératives spécialement motivées. Elles ne peuvent alors être réalisées que par un médecin requis à cet effet par celle-ci ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je partage ces remarques. Si c'est bien ainsi que l'entend le rapporteur, nous soutiendrons son amendement qui marquerait un progrès.

Il y a là un principe auquel on peut déroger mais à condition que ce soit motivé. On invoque la sécurité. Le problème, c'est d'évaluer justement les impératifs de la sécurité et ceux de la dignité du détenu. Toutes ces mesures n'empêchant ni les évasions ni les violences, demandons-nous si elles sont suffisamment efficaces au regard de l'humiliation qu'elles provoquent. J'ai lu le rapport de l'ACAT -l'Association des chrétiens contre la torture...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Excellente lecture !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - ...car les actes dégradants sont des tortures. Il évoque le traitement des « détenus particulièrement signalés » parce que qualifiés, par exemple, de terroristes. C'est le cas de Julien Coupat, en détention provisoire, accusé de terrorisme sans aucune preuve. Selon sa famille, il serait « fouillé à corps plusieurs fois, à chaque visite de son avocate ou à chacun de ses déplacements au tribunal, et mis à nu devant des policiers hilares ». Cela ne nous honore pas. Il nous faut des principes et ne déroger à ces principes qu'en cas d'absolue nécessité motivée.

M. Pierre Fauchon.  - J'ai dit ce matin mon expérience de la prison en 1955 lors des évènements d'Afrique du nord... J'ai pris alors, non sans risques, des décisions qui ont évité à plus d'une centaine de détenus les horreurs de la détention par les militaires français de l'époque, qui n'étaient pas des tendres.

La dignité a ses exigences mais la sécurité aussi et les détenus ne sont pas toujours des anges. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat lève les bras au ciel) Je suis trop avocat pour dire qu'il y a des méchants mais je peux dire qu'il y a des êtres dangereux. Vous évoquez, monsieur Badinter, les horreurs de la fouille intégrale mais on peut tout aussi bien invoquer les horreurs de la criminalité et la douleur des victimes ! Vous n'en avez rien dit ! (M. Robert Badinter s'en défend) Vous les avez minimisées. C'est trop commode !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est pénible de se faire donner des leçons comme cela...

M. Pierre Fauchon.  - Monsieur Portelli, vous avancez que ces fouilles ne sont pas efficaces : mais le code pénal non plus n'est pas efficace puisqu'il n'empêche pas la criminalité. Est-ce une raison pour le supprimer ? Notre devoir est d'agir dans le domaine du possible aussi voterai-je avec confiance l'amendement n°303.

M. Hugues Portelli.  - Il faudrait mettre en balance les horreurs de la criminalité et celles de la fouille intégrale ? Mais on fait une loi sur les victimes tous les trois mois alors qu'on en fait une sur les prisons tous les 50 ans ! (Applaudissements à gauche) Les détenus sont aussi des personnes.

M. Pierre Fauchon.  - J'ai fait plus que quiconque ici pour les détenus !

M. Hugues Portelli.  - Je ne le nie pas mais nous légiférons présentement sur les prisons et nous avons le droit d'accorder au sort des détenus toute l'importance qu'il mérite !

Je partage le point de vue de M. Sueur. Imaginez un week-end ordinaire dans mon département : le malheureux substitut de service voit défiler de nombreux dossiers. Si on lui demande de requérir un médecin, il n'a pas le temps de réfléchir. Mais si on lui demande une motivation, il prendra le temps de le faire. Donc, je préfère la rédaction proposée par M. Sueur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nous avançons sur un problème difficile et essentiel. Je ne suis pas d'accord avec MM. Portelli et Sueur. Chacun a son rôle dans le maintien de la sécurité et de la dignité. Celui qui doit motiver la fouille, c'est celui qui connaît le mieux la situation dans la prison et qui, ensuite, se retourne vers l'autorité judiciaire, seule compétente pour réquisitionner le médecin, si elle a été convaincue par l'autorité pénitentiaire. Si cette autorité judiciaire n'est pas convaincue, elle n'autorisera pas la réquisition et il n'y aura pas fouille. C'est logique.

M. Robert Badinter.  - Nous ne sommes pas éloignés les uns des autres. Il est plus clair pour le personnel et l'autorité pénitentiaire d'obtenir le feu vert. Aujourd'hui, avec le téléphone portable et le mail, la réponse est immédiate. L'autorité judiciaire, c'est la garante du respect des droits fondamentaux. L'investigation corporelle doit être proscrite sauf autorisation de cette autorité et, pour cela un mail suffit.

C'est à l'autorité judiciaire de prendre cette responsabilité, pas à l'administration pénitentiaire.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Nos positions sont en effet très proches. Je souhaite cependant qu'on en reste à l'amendement n°303. Je sais que comparaison n'est pas raison, mais, pour le même type de fouille, la réquisition est faite par l'officier de police judiciaire lors d'une garde à vue, et par les autorités des douanes dans les opérations qui relèvent d'elles. Nous avons fait un grand pas dans la direction souhaitée par M. Badinter, je souhaite qu'il en fasse un petit vers nous.

L'amendement n°303 est adopté.

M. le président.  - C'est l'unanimité.

L'amendement n°235 devient sans objet.

L'amendement n°45 rectifié n'est pas adopté, non plus que les amendements nos134, 135, 44 et 136 rectifié.

L'article 24, modifié, est adopté, les groupes socialiste et CRC-SPG s'abstenant.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°137, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Lors des fouilles, le personnel applique une procédure dont les modalités sont fixées par décret en Conseil d'État.

M. Alain Anziani.  - On reproche souvent aux règles pénitentiaires européennes de n'être pas normatives ; en voici une -c'est la règle 54.1- qui l'est et qu'il faut retenir.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement est totalement satisfait par l'article 27.

M. Alain Anziani.  - La procédure n'est pas définie...

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Elle l'est pour l'essentiel à l'article 24, et tout ce que celui-ci ne définit pas doit l'être, aux termes de l'article 27, par décret en Conseil d'État. Il n'y a pas l'épaisseur d'une feuille de cigarette entre vous et moi.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'amendement est en effet satisfait par l'article 27.

L'amendement n°137 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°236, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'emprisonnement de mineurs doit constituer une mesure de dernier recours. Le régime de détention doit, en toutes circonstances, être adapté aux spécificités des détenus mineurs.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Le texte fait peu de cas des mineurs en détention ; pourtant, selon la Défenseure des enfants, 72 d'entre eux ont tenté de se suicider en 2008 et trois ont trouvé la mort. La création de sept établissements pour mineurs (EPM) ne règle rien -un jeune de 16 ans s'y est pendu l'an dernier. La prison est d'autant plus dure pour les mineurs que ceux-ci sont plus fragiles et plus vulnérables. D'où notre amendement, qui est conforme à la Convention internationale des droits de l'enfant.

La création des EPM est hélas emblématique de la politique du Gouvernement, qui privilégie l'enfermement des mineurs, peut-être demain des enfants de dix ans. La quasi-totalité des moyens supplémentaires y sont affectés, au détriment des structures d'hébergement, des centres éducatifs et des postes de magistrat ou de greffier. La création d'un EPM coûte 90 millions d'euros pour 60 jeunes, et mobilise 40 personnels ; on pourrait, pour la même somme, réaliser six foyers éducatifs, huit services d'insertion professionnelle assurant le suivi de 750 mineurs, ou encore dix services en milieu ouvert prenant en charge 1 500 jeunes. Enfance et adolescence sont des périodes structurantes mais aussi de grande vulnérabilité.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement est largement, sinon totalement, satisfait par la rédaction proposée par l'article 32 pour l'article 132-24 du code pénal, qui dispose qu'« une peine d'emprisonnement ferme ne peut être prononcée qu'en dernier recours ». Cet article s?applique aux mineurs comme aux majeurs. Les articles 53 et 53 bis, relatifs aux sanctions disciplinaires et aux mesures d'isolement, comportent en outre des dispositions spécifiques aux mineurs. Enfin, l'ordonnance de 1945 dispose que la détention provisoire et l'emprisonnement d'un mineur ne peuvent avoir lieu que dans le quartier spécial d'un établissement ou dans un établissement spécialisé, pour garantir l'isolement complet vis-à-vis des majeurs et la présence d'éducateurs.

La refonte de cette ordonnance sera l'occasion de revoir certaines règles, à l'exception de celles qui ont été constitutionnalisées : la juridiction spécialisée, la primauté de l'éducatif et l'atténuation de responsabilité.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je partage l'avis du rapporteur. Les mineurs criminels, madame Mathon-Poinat, n'ont pas leur place dans les foyers éducatifs, où se trouvent aussi des mineurs victimes. Il est important qu'existent des établissements spécialisés comme les EPM. Ceux-ci ont d'ailleurs été salués par le commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - C'est vrai.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - ...qui a suggéré aux autres pays européens de suivre l'exemple de la France. Leur succès est dû à la prise en charge pluridisciplinaire qu'ils organisent dans l'intérêt des mineurs.

L'amendement n°236 n'est pas adopté.

Article 25

L'administration pénitentiaire garantit aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant.

M. Louis Mermaz.  - On peut difficilement faire plus bref que cet article, ni utiliser aussi peu d'encre. Article 40 oblige, sans doute.

Les articles 26 et 27 ne sont pas plus étoffés. Le sujet aurait pourtant mérité davantage !

Je veux prendre la défense du président Badinter, dont tout le monde se souvient qu'il a été un grand ministre... de l'agriculture, à une époque où Mme Dati n'était pas encore en politique ! (On s'esclaffe à gauche). Je me souviens avoir dit à Mme Guigou que le garde des sceaux qui mérite d'être félicité à sa sortie de fonction était celui qui aura fait baisser le nombre de détenus en prison. Ce ne sera pas votre cas, madame !

J'espère que nos amendements seront acceptés, qu'il s'agisse de la protection de l'intégrité physique des détenus mineurs ou du risque de confusion entraîné par la détention conjointe de majeurs et de mineurs dans certains établissements, notamment outre-mer.

Il est indispensable de se référer aux règles pénitentiaires européennes en la matière. Les mineurs de 18 ans doivent être incarcérés dans des établissements spécifiques ou, à tout le moins, bénéficier de règles spéciales. Les recommandations européennes sont très claires.

Dans l'idéal, les parents des enfants en bas âge ne devraient pas être incarcérés, ce qui n'est pas toujours possible. La décision doit tenir compte de l'intérêt supérieur de l'enfant. Quand l'autorité parentale n'est pas suspendue, elle doit être pleinement exercée. Lorsque des enfants en bas âge sont incarcérés, ils ne doivent pas être considérés comme des détenus ! S'agissant de l'âge à partir duquel un enfant doit être séparé de son parent détenu, il faut agir avec un maximum d'humanité.

Il faut tenir compte de la position de la CNCDH, et élever au niveau législatif de nombreuses dispositions réglementaires. Il est regrettable que les droits des mineurs ne soient pas énumérés. Ce n'est le cas qu'à l'article 53, qui traite du régime disciplinaire, preuve du caractère avant tout répressif de ce projet de loi !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je n'ai pas oublié que le président Badinter fut garde des sceaux. Je suis en effet bien plus jeune en politique que vous, monsieur Mermaz, mais je suis sur le terrain depuis plus longtemps ! (On le conteste à gauche) Il vous faudrait être un peu plus en phase avec la réalité !

Oui, il y a plus de détenus aujourd'hui, mais la délinquance a baissé. Je vous rappelle qu'entre 1997 et 2002, elle augmentait de 20 % ! Je tiens les chiffres à votre disposition.

M. Louis Mermaz.  - Nous ne sommes plus en campagne !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - En 2000, sous votre gouvernement, plus de 800 mineurs étaient incarcérés. Aujourd'hui, ils sont moins de 700 ! Et ce malgré une politique pénale de fermeté, que nous assumons : les criminels et les délinquants sont sanctionnés, mais les mineurs sont mieux pris en charge. Les centres éducatifs fermés -contre lesquels vous aviez voté et qui vous agréent aujourd'hui- sont salués pour leur rôle contre la récidive. Nos seules préoccupations sont la sécurité des Français et la réinsertion des délinquants, notamment mineurs. Laissons là ces polémiques stériles ! (Applaudissements à droite)

M. Richard Yung.  - Les détenus mineurs étrangers, doublement victimes, posent un problème spécifique. Ils sont soit séparés de leurs parents, soit instrumentalisés. Mes amendements de bon sens, qui prévoyaient notamment l'accès à une information précise et l'octroi d'un titre de séjour dans les meilleurs délais, sont tombés sous le coup de l'article 40. Je soutiens les amendements de M. Tuheiava.

M. le président.  - Amendement n°140 rectifié, présenté par M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans chaque établissement pénitentiaire, il sera mis en place un dispositif pénitentiaire propre à garantir l'intégrité physique des détenus mineurs.

M. Richard Tuheiava.  - Je déplore que seuls trois articles soient consacrés à la détention des mineurs. La réponse du rapporteur, invoquant l'ordonnance de 1945 pour repousser l'amendement de nos collègues CRC, ne me satisfait pas.

Aux termes de l'article 37-C de la Convention internationale des droits de l'enfant, ratifiée par la France en 1990, « Les États parties veillent à ce que tout enfant privé de liberté soit traité avec humanité et avec le respect dû à la dignité de la personne humaine, et d'une manière tenant compte des besoins des personnes de son âge : en particulier, tout enfant privé de liberté sera séparé des adultes, à moins que l'on estime préférable de ne pas le faire dans l'intérêt supérieur de l'enfant ». Dans la pratique, la confusion entre détenus mineurs et majeurs porte atteinte à ces règles. Pour la Polynésie française, cette situation a été dénoncée dans un rapport alternatif de la Ligue polynésienne des droits de l'homme et de la FIDH, que j'ai personnellement défendu à Genève, et le comité des droits de l'enfant de l'ONU a émis des recommandations précises à l'égard de la France.

Régularisée dans la pratique, cette situation n'a pas été réglée sur le plan législatif. J'espère un consensus sur cette disposition.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La convention de New York sur les droits de l'enfant est directement applicable, même sans transposition.

Ce que je comprends mal, c'est que vous vous focalisiez sur le problème de la séparation entre majeurs et mineurs. Depuis la loi d'orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002, ont été créés sept établissements pénitentiaires pour mineurs pour une capacité d'accueil de 720 jeunes. Sept programmes de rénovation de quartiers pour mineurs ont en outre été engagés en 2003, qui ont déjà permis de créer 330 places aux normes européennes et d'en remettre 326 à niveau. Nous disposons donc de quelque 1 000 places aux normes, sachant qu'au 1er novembre 2008, 673 mineurs étaient incarcérés -moins, au reste, qu'en 2007, où ils étaient 713 : si la qualité d'un garde des sceaux se juge aussi à cela, vous avez droit, madame la ministre, à un satisfecit.

Il est vrai que d'autres problèmes se posent, que j'ai pu mesurer en visitant les établissements pour mineurs, dont celui du Nord m'a paru le plus opérationnel. Le prix de journée, en particulier, est beaucoup trop élevé -1 400 euros l'an dernier. C'est intenable, même s'il faut prendre en compte le fait que ces établissements sont nouveaux, donc incomplètement occupés. Il faudra que ce coût diminue. Le regretté Michel Dreyfus-Schmidt, avec qui j'ai visité l'établissement de Meyzieu, faisait la même observation.

Sur ce problème des mineurs, monsieur Tuheiava, on peut donc considérer que le Gouvernement a fait son travail. Peut-être existe-t-il des problèmes spécifiques dans certains secteurs en Polynésie, mais je n'aurais pas l'audace de demander, à ce stade, une nouvelle mission au président de la commission des lois. Pour votre amendement, il est satisfait par le texte de la commission, en ses articles premier, 4 bis et 19 bis, qui souhaite par conséquent le voir retirer.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Défavorable pour les mêmes raisons.

M. Richard Tuheiava.  - Je pense en effet que le rapporteur apprendrait beaucoup en visitant les établissements d'outre-mer. La situation est telle en Polynésie française que cet article 25 ne saurait être satisfait. Le fait est que sur certaines parties du territoire de la République, la séparation des mineurs n'est pas garantie. La convention de New York sur les droits de l'enfant est d'application directe ? Il n'y a donc pas d'argument légal, pas plus que financier, qui s'opposerait à l'adoption de mon amendement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Il est vrai que le rapporteur n'a pas visité tous les départements et territoires d'outre-mer. Mais chaque fois que nous y faisons un déplacement, nous visitons les établissements pénitentiaires, comme les juridictions. C'est ce qu'ont fait nos deux collègues qui se sont récemment rendus en Polynésie ; c'est ce que j'ai fait à Mayotte. Il est vrai que les établissements de Polynésie connaissent de gros problèmes liés à la surpopulation. Nous le disons chaque année lors du débat budgétaire. Mais à quoi bon répéter, ainsi que vous nous le demandez, ce qui est déjà écrit ailleurs ? Ce qu'il faut, c'est aller de l'avant en Polynésie, pour créer des nouveaux établissements.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Vous avez raison d'évoquer le problème de la surpopulation carcérale outre-mer. Il a fallu dix ans, à Saint-Denis de la Réunion, pour créer un établissement nouveau de 600 places. L'établissement de Faa'a, en Polynésie, compte 390 détenus, dont 3 mineurs pour 150 places. Un programme d'extension est cependant engagé, qui permettra de créer 100 places nouvelles fin 2009 et des négociations sont en cours pour acquérir un terrain susceptible d'accueillir un autre établissement.

L'amendement n°140 rectifié n'est pas adopté.

L'article 25 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°141 rectifié, présenté par M. Tuheiava et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public pénitentiaire garantit la prévention totale du risque de confusion entre l'incarcération de mineurs et celle de majeurs.

M. Richard Tuheiava.  - Cet amendement procède du même esprit. Le sous-dimensionnement et la vétusté des bâtiments s'ajoutent à la surpopulation carcérale qui induit des risques de promiscuité entre mineurs et majeurs. Il serait bon que le paragraphe C de l'article 37 de la Convention de New York trouvât à s'appliquer sur l'ensemble du territoire de la République.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - La commission a bien entendu les arguments de notre collègue sur la situation en Polynésie française. Mais sur l'amendement, sa position est défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°141 rectifié n'est pas adopté.

L'article 26 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°237, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 26, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire doit garantir l'accès des détenus mineurs aux services sociaux, psychologiques et éducatifs, culturels et sportifs ou à des activités similaires.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - L'article 25 rappelle que les droits fondamentaux des mineurs détenus doivent être respectés, mais renvoie au Conseil d'État le soin de définir ses modalités d'application, en contradiction avec la règle pénitentiaire européenne n°35-1, qui procède à l'énumération précise d'un certain nombre de droits. Notre collègue vient également de rappeler l'article 37 de la Convention internationale des droits de l'enfant. L'absence, dans ce texte, de toute mention précise de ces droits pourrait ouvrir à l'arbitraire. Nous proposons d'énumérer les principaux d'entre eux, afin de garantir leur meilleure application et d'éviter les recours.

Plus largement, ce texte pose un vrai problème quant aux droits des mineurs.

Ce texte de nature généraliste s'applique par défaut aux mineurs, mais les droits accordés aux détenus sont toujours accompagnés de restrictions qui s'appliqueront elles aussi aux mineurs.

L'article 53 contient la seule disposition spécifique dans ce domaine : le placement des mineurs de plus de 16 ans en cellule disciplinaire ne peut excéder sept jours. Ainsi, tout ce qui touche aux mineurs est abordé sous l'angle répressif.

Pourtant, comme le rappelle notamment l'étude du projet de loi par le groupe de travail de la CNCDH, il y a une spécificité de la vie carcérale en ce qui concerne l'âge, dans tous les domaines.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'ordonnance de 1945 exige déjà la présence d'éducateurs. Dans le cadre de sa refonte, un projet de loi présentera prochainement l'ensemble des règles applicables aux mineurs.

Dans les établissements pour mineurs que j'ai visités, la prise en charge intensive dont ils bénéficient correspond largement aux attentes des auteurs de cet amendement. La situation est moins bonne dans les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires, même si elle a progressé depuis que des éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse y sont présents. Avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - L'article 25 impose à l'administration pénitentiaire de garantir aux mineurs détenus le respect des droits fondamentaux reconnus à l'enfant. Dans quelques jours sera présenté un projet de nouveau code pénal pour les mineurs. Les droits de ces derniers ne sont donc pas remis en cause et les garanties demandées par cet amendement sont assurées. Retrait ou avis défavorable.

L'amendement n°237 n'est pas adopté.

Article 27

Les modalités d'application du présent chapitre sont fixées par décret en Conseil d'État.

Mme Raymonde Le Texier.  - Il manque quelque chose à cet article censé clore le chapitre III relatif aux droits des détenus : il manque simplement un pan entier sur les droits spécifiques des femmes détenues et de leurs enfants en bas âge !

Il est incompréhensible qu'un texte réaffirmant les droits fondamentaux des détenus ait fait l'impasse sur ce sujet, d'autant plus que ces droits sont explicitement précisés par les règles pénitentiaires européennes n°s34 et 36. On nous alléguera que les droits garantis par ce texte s'appliquent indifféremment aux détenus hommes et femmes, mais ces dernières ont des besoins spécifiques : suivi gynécologique, accouchement, prise en charge des très jeunes enfants, maintien de la relation mère-enfant...

Nous sommes plusieurs, sur tous les bancs, à juger cette carence inacceptable. Madame la ministre, je vous invite à prendre la mesure de ce manquement, tant pour la vie de ces femmes et de leurs enfants que pour ce qu'il dit de nous et de notre société. Le groupe socialiste avait déposé sept amendements transposant les règles européennes en droit français, mais cinq d'entre eux ont été rejetés en vertu de l'article 40, ce qui illustre une fois encore l'usage excessif et discrétionnaire fait de cet article.

Il est dommage de ne pas parler de la procédure d'adaptation avec la famille d'accueil lorsque l'enfant doit quitter sa mère, de l'obligation de rechercher pour celui-ci le placement le plus proche possible de la maison d'arrêt ou du maintien des liens entre la mère et l'enfant. L'utilisation de l'article 40 est ici d'autant plus regrettable que seuls quelques cas par an sont concernés. Le coût ne saurait donc être élevé.

Nous voterons tous les amendements gouvernementaux que Mme la ministre ne manquera pas de nous proposer pour, faute de mieux, nous aligner sur les droits européens.

L'article 27 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°142, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 27, insérer une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

Section...

Des personnes détenues femmes et des enfants en bas âge

Mme Raymonde Le Texier.  - Les femmes ne représentent que 3,8 % de la population carcérale, mais il ne faut pas négliger la spécificité de leurs problèmes. La majorité sont des mères de famille : 76 % ont au moins un enfant.

Nous souhaitons insérer une section transposant les règles pénitentiaires européennes dans ce domaine.

M. le président.  - Amendement n°143, présenté par M. Anziani et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire doit respecter les besoins des femmes aux niveaux physique, professionnel, social et psychologique pour tous les aspects de la détention.

Mme Raymonde Le Texier.  - La règle pénitentiaire européenne n°34 tient compte du fait que les femmes détenues, en minorité au sein du système pénitentiaire, peuvent facilement être l'objet de discriminations. Ainsi, elles sont parfois logées dans de petits quartiers qui proposent moins de travail ou du travail moins intéressant.

Il faut développer des mesures positives afin qu'elles puissent accéder à certains services spéciaux, dans des domaines très divers qui ne sont pas seulement d'ordre médical. Ainsi, une femme doit être traitée avec dignité lorsqu'elle est transférée dans un établissement non pénitentiaire : il est, par exemple, inacceptable qu'elle accouche menottée ou attachée à un meuble. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Avis défavorable sur les deux amendements.

Au 1er novembre 2008, 71 494 hommes étaient incarcérés ; les femmes détenues n'étaient que 2 386. En conséquence, il y a beaucoup moins d'établissements pour ces dernières et l'éloignement avec la famille est plus grand. Exception faite de ce constat, les droits fondamentaux des femmes et des enfants en bas âge sont garantis par les droits des détenus mentionnés aux articles premier et 10.

L'administration pénitentiaire -et je suis pourtant le premier à la critiquer s'il y a lieu- assure aux femmes des conditions de détention convenables. Ainsi, après une visite à la prison de Rennes, mes collègues et moi avons estimé que si tous les établissements pénitentiaires étaient du même niveau, nous aurions atteint nos objectifs. De même qu'à Fleury-Mérogis et à Lille-Sequedin, des efforts considérables ont été réalisés pour les mères et leurs enfants.

Ainsi, j'ai rencontré une mère prévenue d'infanticide qui s'occupe de son enfant né en détention, toujours en présence d'une éducatrice qui emmène le bébé le soir à son propre domicile. Après 18 mois, la pratique consiste à trouver un placement à proximité immédiate de la prison pour que l'enfant puisse rendre visite à sa mère aussi souvent que possible. Certes, il n'est pas simple de suivre les évolutions de la vie d'un couple, lorsque le père est muté à l'autre bout de la France, par exemple, mais la situation des femmes détenues et de leurs enfants en bas âge n'a rien d'une humiliation pour la République.

Retrait ou avis défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Les femmes détenues ne sont pas nombreuses et sont prises en charge dans les meilleures conditions, notamment pour les soins médicaux et gynécologiques. Conformément aux recommandations de la règle pénitentiaire européenne n°34, il n'y a pas d'accouchements en prison. Une vingtaine d'enfants de moins de 18 mois sont incarcérés avec leur mère. Ils sont tous suivis par le juge des enfants et par les services de la protection médicale infantile. Certes, la rupture avec la mère est difficile après 18 mois, mais on ne peut garder ces enfants en détention.

Je rends hommage au personnel pénitentiaire qui s'occupe de ces femmes détenues, sur la base du volontariat car il faut également prendre en charge leurs enfants.

Le placement des enfants intervient donc à 18 mois, ce qui constitue une rupture. Comme le code civil indique qu'il faut privilégier les liens familiaux, le père ou la famille ne vivent pas forcément près de l'établissement pénitentiaire, et l'éloignement peut poser un problème pour les visites. Mais un tiers digne de confiance ou un éducateur peuvent amener l'enfant auprès de la mère. Nous n'avons en tout cas pas à rougir de la prise en charge des enfants nés pendant la détention. Défavorable.

Mme Raymonde Le Texier.  - Nous ne critiquons pas cette prise en charge et nous nous réjouissons que tout se passe bien ; mais ce n'est pas une raison valable pour ne pas inscrire dans la loi les dispositions reconnaissant les spécificités d'une telle situation. Les accouchements sont peu nombreux, dites-vous : alors pourquoi mettre en avant l'article 40 ? Les choses se passent bien aujourd'hui, elles ne coûteront pas plus cher demain.

L'amendement n°143 n'est pas adopté.

L'amendement n°142 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°239, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'administration pénitentiaire doit prendre toute disposition pour permettre aux détenus étrangers un accès effectif à leurs droits, aux soins, au travail et aux activités dispensés dans les établissements pénitentiaires.

Mme Éliane Assassi.  - Le cas des étrangers incarcérés présente d'autres spécificités. La barrière de la langue rend difficile l'accès aux soins, aux services, aux activités. Si d'autres personnes servent d'interprètes, la confidentialité est remise en cause, le secret médical en premier lieu. La famille vit par définition loin, alors que le maintien des liens familiaux est désormais un droit reconnu. Certains établissements ont mis au point des livrets d'accueil en plusieurs langues mais le projet n'a jamais été généralisé, alors que la CNDH le préconise.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Cet amendement, comme les suivants, tend à décliner les droits des détenus pour les adapter aux étrangers. Il ne me paraît pas opportun de viser ceux-ci en particulier, au risque de créer des régimes différents selon la catégorie, étrangers, femmes, pratiquants de telle ou telle religion... Défavorable.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Je partage ces arguments : quand on crée des catégories, certaines risquent d'être moins bien traitées que les autres. Tout le monde doit être considéré à égalité. Défavorable.

L'amendement n°239 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°240, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus étrangers doivent pouvoir procéder à une demande de titre de séjour ou obtenir le renouvellement de titre de séjour, ou procéder à une demande d'asile politique durant leur incarcération.

Mme Éliane Assassi.  - Une double peine est infligée aux étrangers incarcérés. Ils ne peuvent demander un titre de séjour ou le renouvellement de celui-ci, ils ne peuvent solliciter l'asile politique. La péremption de leur titre de séjour durant la détention les place en situation irrégulière -ils seront expulsables à l'issue de leur peine- et ils perdent leurs droits à prestations. Faisons en sorte que les conditions de détention soient équitables...

M. le président.  - Amendement n°241, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les dispositions de l'article 12 bis de la présente loi sont applicables aux détenus étrangers.

Mme Éliane Assassi.  - Avec la domiciliation auprès de l'établissement pénitentiaire, un droit fondamental est enfin reconnu. Mais ne pas l'étendre aux démarches administratives des étrangers place ceux-ci dans une situation d'isolement et de ségrégation.

M. le président.  - Amendement n°242, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 27, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les détenus étrangers mineurs doivent faire l'objet d'un signalement et bénéficier d'un suivi spécifique afin de préparer leur sortie.

Mme Éliane Assassi.  - Rien dans la loi ne concerne les mineurs étrangers. Ils doivent faire l'objet d'un signalement spécifique afin qu'un titre de séjour soit demandé pour eux avant leur majorité. Sinon, leur situation sera plus compliquée lorsqu'ils deviendront majeurs. Il faut sensibiliser le personnel administratif.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - Certains des aspects que vous avez exposés posent vraiment problème. Mais nous avons voté un amendement afin de faciliter les démarches relatives au titre de séjour grâce à une domiciliation dans l'établissement. Il y a donc égalité avec les autres détenus. Quant aux mineurs, aucune disposition spécifique n'est nécessaire pour eux puisque l'ordonnance de 1945 impose la présence d'éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse. Je salue à cet égard l'action du Médiateur qui a largement contribué à l'avancée sur les titres de séjour.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Pour la délivrance des titres, les demandeurs doivent en principe se déplacer, et c'est pourquoi des conventions ont été signées avec la plupart des préfectures. L'amendement n°240 est satisfait. L'amendement n°241 l'est aussi : les détenus étrangers ressortissants européens pourront s'inscrire sur les listes électorales. De réelles avancées des droits civiques et sociaux sont inscrites aux articles 12 et 12 bis. Quant aux mineurs étrangers, ils sont entourés par les éducateurs et par le juge pour enfants. Les problèmes apparaissent plutôt à la sortie, lorsque les jeunes se retrouvent dans la nature. Et placés en foyers, ils fuguent souvent très rapidement. Mais pour ce qui est de l'encadrement et la prise en charge dans l'établissement pénitentiaire, on peut difficilement faire plus.

Le guide des droits et devoirs des personnes détenues est paru en janvier 2009. Il avait été supprimé en 2000 ! Et c'était l'OIP qui, durant cette période, avait pris le relais. A présent, l'administration distribue un guide en français (Mme le garde des sceaux en montre un exemplaire) et en anglais. Et le guide du détenu arrivant, imprimé à 100 000 exemplaires, est en quatre langues. (Même mouvement)

M. Richard Yung.  - Nous avions déposé un amendement similaire au n°249 mais le nôtre a subi les foudres de la commission des finances. Aléas de l'article 40...

Je ne crois pas qu'avec cet amendement on donne plus de droits aux détenus étrangers comme l'a dit la ministre. Ceux-ci sont dans une situation plus difficile et souvent plus douloureuse ; il faut en tenir compte.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - D'ailleurs, beaucoup d'étrangers sont en prison pour des délits relatifs au séjour...

Il vous serait plus facile de refuser un chapitre spécifique pour les étrangers si vous aviez accepté de dire à l'article 10 qu'il n'y aurait aucune discrimination. Or, des discriminations, il y en a ; il faut qu'elles cessent, nous proposons des moyens pour y mettre fin.

L'amendement n° 240 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos241 et 242.

L'amendement n°238 devient sans objet.

L'article 28 demeure supprimé.

L'article 29 est adopté, ainsi que l'article 30.

M. le président.  - Amendement n°243, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 30, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les troisième et quatrième alinéas de l'article L. 6141-5 du code de la santé publique sont supprimés.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet amendement a trait au secret médical. Le rapporteur peut-il nous dire que l'amendement qui a été voté à ce propos vaut aussi pour ce chapitre ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur.  - L'amendement de tout à l'heure vaut pour tout le texte ; il permettra d'éviter qu'une interprétation trop stricte du secret médical conduise à des drames comme celui de Rouen.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°243 n'est pas adopté.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 6 mars 2009, à 9 h 45.

La séance est levée à minuit et demi.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 6 mars 2009

A 9 HEURES 45, A 15 HEURES ET ÉVENTUELLEMENT LE SOIR

- Suite du projet de loi pénitentiaire (n° 495, 2007-2008).

Rapport de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 143, 2008-2009).

Rapport supplémentaire de M. Jean-René Lecerf, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 201, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 202, 2008-2009).

Avis de M. Nicolas About, fait au nom de la commission des affaires sociales (n°222, 2008-2009).

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DÉPÔTS

La Présidence a reçu de :

- MM. Daniel Raoul, Jean-Pierre Bel, Edmond Hervé, Marc Daunis, Robert Navarro, Mme Nicole Bonnefoy, MM. Michel Teston, Yannick Bodin, Mme Samia Ghali, MM. Serge Lagauche, Thierry Repentin, Jean-Pierre Sueur, Charles Gautier, François Rebsamen, Mmes Bariza Khiari, Christiane Demontès, Odette Herviaux, Jacqueline Chevé, MM. Pierre-Yves Collombat, Yves Daudigny, François Marc, Didier Guillaume, Martial Bourquin, Mmes Nicole Bricq, Maryvonne Blondin, Gisèle Printz, MM. Jean-Luc Fichet, Yannick Botrel, Jean-Marc Todeschini, Mme Annie Jarraud-Vergnolle et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés une proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales ;

- M. Simon Sutour une proposition de résolution, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 bis du Règlement, sur la proposition de décision-cadre relative à l'utilisation de données des dossiers passagers (Passenger Name Record - PNR) à des fins répressives (n°E-3697).