Grenelle II (Urgence - Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Dominique Braye, rapporteur de la commission de l'économie  - Je suis très honoré d'être l'un des quatre rapporteurs de la commission des affaires économiques, chargé de traiter des bâtiments et de l'urbanisme d'une part, des déchets d'autre part. La commission et ses services ont travaillé avec ceux du ministère -et avec les ministres eux-mêmes- dans un climat de confiance et, même, de convivialité. Je rends également hommage à la qualité de la collaboration avec les trois autres rapporteurs sur le fond, ainsi qu'avec les rapporteurs pour avis, Dominique de Legge, dont la contribution en faveur d'un formalisme épuré du texte a été appréciée, et Ambroise Dupont, qui a fait un remarquable travail sur la protection des paysages contre l'envahissement de la publicité commerciale, domaine dans lequel les attentes des élus locaux sont très fortes.

J'exprimerai toutefois un regret sur un détail de procédure qui nous a lourdement compliqué le travail : le Sénat semble réticent à adopter le système de numérotation automatique des alinéas des textes de lois, dit « pastillage », technique simple, depuis longtemps en vigueur à l'Assemblée nationale. Sur ce point précis, la modernisation du Sénat est encore à venir et il serait grand temps d'y procéder.

M. le président.  - Votre bonheur sera bientôt complet !

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Le chapitre premier vise à améliorer la performance énergétique des bâtiments. La commission de l'économie propose certains perfectionnements de ces dispositions, notamment en prévoyant l'obligation de publier les diagnostics de performance énergétique dans les annonces immobilières.

Le chapitre Urbanisme porte essentiellement sur la réforme des documents de planification, à savoir les directives territoriales d'aménagement, les Scot et les PLU. La réforme comporte deux avancées principales qu'il convient de saluer. D'abord, elle permet aux documents d'urbanisme de mieux prendre en compte le développement durable, qu'il s'agisse de modérer la consommation d'espace, de réduire les émissions de gaz à effet de serre, de préserver la biodiversité ou de mieux protéger le patrimoine paysager, bâti, naturel, agricole ou forestier. Par ailleurs, elle crée ou renforce des outils permettant de mieux coordonner les politiques d'aménagement, d'habitat et de transport. Cette évolution des documents d'urbanisme correspondant aux engagements du Grenelle, la commission de l'économie la soutient pleinement et n'a donc pas bouleversé l'économie générale du chapitre Urbanisme, mais elle y a apporté certaines précisions, inflexions ou compléments importants.

Les compléments concernent surtout les schémas de cohérence territoriaux. La commission a notamment intégré au texte des dispositions visant à les généraliser sur les territoires à enjeux, à mieux prendre en compte les questions d'urbanisme commercial ou les problèmes de la ruralité, chers à nos collègues de l'Union centriste, mais aussi à tous les autres. (Approbations à droite)

La commission a rappelé qu'il existait une séparation claire entre les Scot et les PLU, les premiers n'ayant pas vocation à devenir des super PLU ; elle a également clarifié la notion de PLU intercommunal en rendant possibles les plans de secteurs et en donnant aux communes un droit de rejet du projet de plan intercommunal, garantie supplémentaire que le plan approuvé ne sera pas contraire à leurs intérêts.

Enfin, elle a apporté une restriction au champ de l'habilitation à légiférer par ordonnances demandée par le Gouvernement à l'article 13.

La commission s'est opposée à la version de l'article 14 proposée par le Gouvernement en ce qui concerne le rôle de l'architecte des Bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager (ZPPAUP), se prononçant pour le maintien -ou devrais-je dire désormais le rétablissement- de l'avis conforme, tout en proposant une réforme de la procédure de recours.

Au total, le texte de la commission, sans révolutionner le droit de l'urbanisme, accomplit un pas décisif vers un urbanisme durable.

J'en viens aux dispositions relatives aux déchets. Les élus locaux sont en premières ligne face à ce problème et les enjeux sont considérables, en termes financiers comme de santé publique. Mon expérience dans ce domaine m'a convaincu que les efforts importants demandés aux collectivités territoriales n'ont de sens que s'ils débouchent sur des méthodes de traitement performantes et durables. Il faut en finir avec les multiples expérimentations menées depuis plus de quinze ans, parfois inspirées par des modes -incinération, méthanisation-, qui ont coûté très cher à nos administrés et déçu les espoirs des élus locaux. Il ne faut donc pas s'engager dans des systèmes qui n'ont pas fait la preuve de leur efficacité.

En revanche, je suis convaincu que le traitement optimal des déchets ne peut être que multi-filières, l'importance de chacune de ces filières variant selon les particularités de nos territoires. Il est impératif que le Gouvernement et les instances spécialisées, au premier rang desquelles l'Ademe, mettent en place, pour les collectivités locales, amenées à prendre à court terme des décisions importantes, des aides à la décision pour désormais éviter qu'elles s'engagent dans des impasses technologiques qui sont des gouffres financiers dont les victimes sont une fois de plus les contribuables locaux. La valorisation énergétique et l'enfouissement demeureront des solutions encore incontournables pendant de nombreuses années, même si elles doivent être réduites autant que possible au profit de la valorisation matière.

Les mesures proposées dans ce projet de loi vont dans ce sens et constituent un ensemble cohérent : responsabilisation des différents acteurs, mesures de prévention, développement de la collecte sélective et de filières appropriées, renforcement de la planification, évaluation des besoins de capacité de traitement, amélioration de l'information et des connaissances. Je n'ai qu'un regret, c'est que l'accent n'ait pas davantage été mis sur l'éco-conception des produits car le déchet qui coûte le moins cher est celui que l'on ne produit pas. Or, rien n'incite aujourd'hui les producteurs à s'orienter dans la voie du moins de déchets possible.

Il est temps de créer des mécanismes incitatifs afin que les producteurs mettent leur intelligence et leurs capacités de recherche au service de l'éco-conception. Nombre d'idées ont été émises, expertisons-les et créons enfin un système poussant les producteurs dans cette voie vertueuse.

Certains estiment que le texte manque d'ambition : mais de très nombreuses dispositions relatives aux déchets ont été prises dans d'autres textes législatifs, lois de finances en particulier. Parmi les mesures ici proposées, l'amélioration de la gestion des déchets des activités de soins à risques infectieux était réclamée depuis longtemps ; la commission a mieux ciblé la « responsabilité élargie des producteurs » et a prévu des sanctions. Concernant l'information des acquéreurs sur l'état de pollution des sols, elle a entendu éviter toute difficulté d'interprétation et veillé à la cohérence avec le code civil. Pour les déchets d'exploitation des navires, un dispositif plus contraignant s'appliquera dans les collectivités qui n'auraient pas mis en place un plan de réception et de traitement. Disposition bienvenue car la préservation des écosystèmes marins préoccupe légitimement nos concitoyens.

Plusieurs articles rendent obligatoires les plans de gestion des déchets issus de chantiers du bâtiment ou des travaux publics ; notre commission a élargi cette obligation aux déchets issus de la réhabilitation : il faut privilégier l'utilisation de matériaux recyclés et les élus et collectivités locales agissant comme maîtres d'ouvrage doivent donner l'exemple !

Le projet de loi prévoit également d'introduire, dans les outils de planification actuels, la priorité à la prévention et au recyclage des déchets. Il m'a paru indispensable de ne pas dissocier prévention quantitative et prévention qualitative et de privilégier l'harmonisation dans le périmètre du bassin économique ou du bassin de vie. Parmi d'autres dispositions novatrices, le texte prévoit un tri à fin de valorisation qui sera imposé à partir de 2012 aux grands producteurs et détenteurs de déchets organiques ; les capacités de traitement dans les installations thermiques et de stockage seront, zone par zone, limitées pour accroître la valorisation matière.

Je suis très attaché à la responsabilité élargie des producteurs (REP) et j'ai donc proposé à la commission de l'appliquer dans l'ameublement. De même, les distributeurs reprendront gratuitement les équipements électriques et électroniques ménagers usagés lorsque les consommateurs les rapportent. Toutes ces dispositions auront un impact direct dans la vie de nos concitoyens et donneront un nouveau souffle à la politique des déchets. Notre Haute assemblée est déjà prête à apporter sa contribution puisqu'une mission commune d'information sur les modes de traitement des déchets a récemment été demandée au Sénat ; ses travaux devraient débuter dans les prochaines semaines.

La prévention et le traitement de nos déchets ménagers par les collectivités locales sont grandement améliorés. Les mesures doivent être mises en place au plus tôt : tournons ainsi définitivement le dos aux certitudes douteuses et aux expérimentations hasardeuses qui ont caractérisé ces quinze dernières années. (Applaudissements à droite et sur quelques bancs au centre)

présidence de M. Jean-Claude Gaudin,vice-président

M. Louis Nègre, rapporteur de la commission de l'économie.  - J'ai l'honneur de rapporter les dispositions portant sur les transports et sur les liens entre santé et environnement. La réponse à l'urgence écologique, rappelée récemment par le Président de la République, suppose une vaste mutation de notre société, qu'il faut aborder avec enthousiasme et détermination. Le XXIe siècle, la nouvelle économie, le monde de nos enfants sont entre nos mains. N'ayons pas peur !

Le texte initial était déjà conséquent ; les travaux de la commission l'ont encore enrichi. Concernant les transports, nous proposons une panoplie de mesures pragmatiques, selon cinq axes. Le premier concerne les transports en commun en site propre -une nécessité pour désengorger les centres-villes et diminuer la pollution. Le projet de loi vise donc à assouplir le recours à la procédure d'expropriation pour extrême urgence mais oblige aussi les collectivités territoriales à réglementer le stationnement aux abords de ces lignes. Les collectivités concernées sont encouragées à faciliter le fonctionnement des transports en site propre.

Deuxième axe : insuffler une nouvelle dynamique aux syndicats mixtes. Les établissements publics de coopération intercommunale qui ont déjà transféré leur compétence « transport » pourront adhérer à ces syndicats, afin de renforcer ces structures et mieux coordonner l'offre. Les autorités organisatrices des transports urbains assurent désormais la coordination dès lors que plusieurs périmètres de transports urbains sont inclus dans une agglomération de plus de 100 000 habitants.

Le troisième axe concerne le fonctionnement des péages autoroutiers sans barrière et la modulation du péage pour les poids lourds. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport annuel précis sur l'évolution du prix des péages autoroutiers et introduisons la possibilité, sous conditions, d'une modulation pour les véhicules de transport de personnes.

Quatrième axe : l'auto-partage, que nous voulons promouvoir par la création d'un label spécifique. Monsieur le ministre, nous vous demandons d'accompagner la révolution de la voiture électrique par la réalisation -indispensable !- d'un réseau de bornes de recharge. Il avait fait cruellement défaut aux véhicules électriques dans le passé...

Notre commission a courageusement ajouté un cinquième axe en abordant de front le financement des transports collectifs, prévu par la loi de programmation et estimé alors à 97 milliards d'euros. Elle a validé l'instauration d'une taxe sur les plus-values immobilières effectives engendrées par la réalisation d'une infrastructure de transports en commun. Les biens situés à proximité d'une station de transport collectif se vendent nettement plus cher ! Mais cette taxe, affectée bien sûr aux autorités qui financent l'infrastructure de transport, ne doit être ni antisociale ni confiscatoire.

Nous souhaitons que la dépénalisation des amendes de stationnement fasse l'objet d'une expérimentation, tout comme les péages urbains : il me parait raisonnable d'explorer ces pistes, quitte à les abandonner. Nous souhaitons aussi que la majoration du versement transport puisse être réservée aux communes de moins de 100 000 habitants réalisant un transport collectif en site propre.

Qui pourrait nier le lien fondamental entre la santé et l'environnement ? Ces risques, en outre, pourraient devenir hautement préoccupants pour la santé et financièrement très lourds... Les dispositions que nous avons adoptées en commission illustrent notre détermination en matière d'écologie et concernent aussi bien les pollutions lumineuse et sonore que la qualité de l'air intérieur, l'exposition aux ondes électromagnétiques, la présence de nanomatériaux dans les produits.

La commission a résolument fait preuve d'ambition sur tous ces sujets, qui suscitent de fortes attentes parmi nos concitoyens.

Ainsi, il est proposé que les enseignes publicitaires restent dans le champ d'application de la loi et que l'autorité administrative puisse prendre des mesures coercitives contre la pollution lumineuse.

En outre, le dispositif relatif à la surveillance de la qualité de l'air intérieur dans les locaux recevant du public devra prendre en compte la configuration des lieux, mais surtout la population qui s'y trouve. Je pense notamment à la présence d'enfants ou de personnes âgées.

J'en viens à un sujet médiatique s'il en est : l'encadrement réglementaire des ondes électromagnétiques. (Marques d'intérêt sur les bancs socialistes)

Outre les enseignements tirés de ma participation à la table ronde organisée au printemps par le Gouvernement sur le thème « radiofréquences, santé et environnement », je me suis appuyé sur les très nombreuses auditions conduites par notre commission. Institutions, experts, cancérologue, ingénieurs, associations : j'ai essayé de n'oublier personne...

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission de l'économie.  - Et le clergé ?

M. Louis Nègre, rapporteur.  - ...de n'écarter aucune thèse.

J'aboutis ainsi à quatre certitudes : il faut protéger les enfants en relevant de 12 à 14 ans le seuil interdisant la publicité en matière de téléphonie mobile ; il convient d'interdire l'utilisation du téléphone portable dans les écoles maternelles et primaires ainsi que dans les collèges ; il est nécessaire de mieux protéger les travailleurs devant recourir quotidiennement aux téléphones portables ; il faut améliorer l'information du public et intensifier la recherche sur les ondes électromagnétiques.

Je tiens à saluer l'écoute dont le Gouvernement fait preuve avec la récente mise en place du fameux « pentagone démocratique » au sein d'un comité opérationnel spécifique, en phase avec l'esprit du Grenelle. Transparence et concertation avec tous les intéressés, sans a priori : cette feuille de route permettra de définir ensemble les modalités pratiques du développement des radiofréquences sur le territoire national, en s'appuyant sur les conclusions que doit prochainement présenter l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail (Afsset).

J'en viens aux nanotechnologies, car ce projet de loi tend à faire de la France le premier pays au monde obligeant à déclarer les substances nanoparticulaires mises sur le marché. Notre commission a élargi ce dispositif aux produits biocides.

En matière de transport aérien, le projet de loi étend aux nuisances environnementales les compétences attribuées à l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires (Acnusa). Approuvant cette évolution, la commission souhaite que l'Acnusa soit en outre obligatoirement consultée sur les projets de textes réglementaires pouvant motiver des amendes administratives dans ce domaine. Enfin, les riverains seront désormais mieux protégés puisque le plan d'exposition au bruit pourra être lancé avant même l'ouverture d'un aéroport.

Ce texte ambitieux, conforme au développement durable, a largement bénéficié des réflexions de notre commission sur des sujets essentiels. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bruno Sido, rapporteur de la commission de l'économie.  - La commission m'a confié la tâche de rapporter les dispositions relatives à l'énergie, contenues dans le titre III, et celles portant sur la biodiversité, inscrites dans le titre IV.

Tout en approuvant les grandes lignes du titre III, la commission souhaite l'améliorer.

Ainsi, les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie seraient élaborés après consultation des collectivités territoriales et devraient intégrer l'efficacité énergétique.

L'approbation par le préfet de région renforcerait le schéma régional de raccordement au réseau des énergies renouvelables. Votre commission souhaite aussi mutualiser les coûts des postes de transformation nécessaires au raccordement des installations au réseau.

La commission souhaite en outre qu'une synthèse des actions envisagées pour réduire les émissions soit obligatoirement ajoutée au bilan de gaz à effet de serre que devront établir les entreprises de plus de 500 salariés et les collectivités de plus de 50 000 habitants.

Pour garantir la pérennité des sources d'énergies renouvelables utilisées par les réseaux de distribution de chaleur, la commission estime que le délégataire du réseau doit donner son avis sur toute demande de dérogation à l'obligation de raccordement.

La commission souhaite reporter d'un an le passage des éoliennes sous le régime des installations classées pour l'environnement, sans préjudice des droits acquis à réaliser des projets. Par ailleurs, les garanties financières seraient maintenues, les délais de recours seraient raccourcis et les éoliennes en mer seraient dispensées du permis de construire.

Enfin, votre commission propose que l'autorité concédante puisse fixer un plafond à la redevance sur les concessions hydroélectriques.

J'en viens au titre IV, consacré à la biodiversité. La commission entend conserver les grands axes du projet, tout en les encadrant et en les détaillant.

Le premier sujet concerne la vente et l'usage de produits phytopharmaceutiques. La commission souhaite qu'une prescription écrite responsabilise l'activité de conseil en matière de pesticides. Elle propose également d'allonger le délai de collecte et de traitement des produits phytopharmaceutiques ne bénéficiant pas d'une autorisation de mise sur le marché, tout en donnant à la puissance publique les moyens de les faire éliminer. Enfin, l'interdiction de l'épandage aérien de tels produits a été précisée et mieux encadrée, un rapport sur l'évolution de leur usage devant en outre être remis au Parlement.

Votre commission a introduit des critères de non écotoxicité pour les lubrifiants dont l'usage est autorisé dans les zones naturelles sensibles.

Les agriculteurs dépossédés de parcelles « bio » à la suite d'une opération d'aménagement foncier devraient, selon la commission, être indemnisés prioritairement par l'attribution de parcelles « bio » équivalentes, en précisant que le département devrait régler les modalités de cette indemnisation puisqu'il est responsable de l'aménagement foncier, quitte à se retourner contre un tiers lorsqu'il n'est pas maître d'ouvrage de l'opération.

La commission a ensuite inséré dans le code rural un article orientant vers des objectifs durables la politique génétique des semences et plants.

Elle a validé le dispositif des trames vertes et bleues, mais en créant des comités « trame verte et bleue » associant l'ensemble des acteurs concernés, afin que la mise au point de ces trames soit plus consensuelle. Notre rédaction conforterait l'opposabilité de ces trames, puisque les documents d'urbanisme devraient désormais être compatibles avec les schémas nationaux d'orientation de la trame verte et bleue, au lieu de seulement les prendre en compte. J'ajoute que la commission a supprimé la procédure de caducité des trames.

S'agissant de l'acquisition des zones humides par les agences de l'eau, nous avons souhaité maintenir le principe, tout en levant l'ambiguïté de l'application : la mise en oeuvre sera approuvée en comité de bassin ; elle n'interviendra qu'en dernier recours, en l'absence de tout porteur de projet d'acquisition ; une activité agricole sera organisée sur les terres acquises.

Une autre disposition primordiale concerne la mise en place de bandes enherbées de cinq mètres le long des cours d'eau : la commission souhaite que cette obligation concerne les cours d'eau pris en compte pour l'éco-conditionnalité des aides PAC.

Nous avons substantiellement remanié le contrôle par les communes des installations d'assainissement non collectif, en imposant un examen technique préalable à tout dépôt de demande de permis de construire ou d'aménager.

S'agissant de l'incitation à réduire les fuites en réseau, nous avons tenté de mieux adapter le dispositif aux complexités de terrain. Ainsi, un décret fixera les références nationales de taux de perte en eau, selon les caractéristiques du service et de la ressource.

Enfin, dans l'attente du Grenelle de la mer, la commission n'a pas souhaité modifier substantiellement les dispositions relatives à la mer et aux milieux marins, qui tendent pour l'essentiel à préserver les ressources et à créer un écolabel « pêche durable ».

Ainsi, la commission a bien enrichi ce projet de loi. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Daniel Dubois, rapporteur de la commission de l'économie.  - Le titre VI, relatif à la gouvernance, donne davantage voix au chapitre aux membres de la société civile et affirme la dynamique du Grenelle dans la décision publique sans remettre en cause la primauté des élus nationaux et locaux.

Je suis persuadé qu'entreprises et consommateurs seront, par la modification de leur comportement, à la base de la transition environnementale que nous appelons de nos voeux. Le projet prévoit ainsi d'obliger les gérants de portefeuille à indiquer dans leur rapport annuel s'ils prennent en compte les préoccupations du développement durable. Notre commission a décidé d'aller plus loin et de rendre l'utilisation de ces critères systématique. Elle s'est également prononcée pour une normalisation de l'information en matière d'investissement socialement responsable. Le rapport de gestion des entreprises ne répondant pas à la définition des PME inclura des informations sociales et environnementales. Cette extension de la loi NRE s'accompagnera d'une normalisation du reporting en la matière, les filiales étant consolidées lorsqu'elles ne sont pas établies sur le territoire national. Il est prévu de reconnaître la responsabilité des maisons mères en cas de défaillance des filiales mais, à ma suggestion, la commission a souhaité remplacer l'exécution directe par une faculté de prise en charge financière.

Le projet rend progressivement obligatoire l'affichage du prix carbone des produits. Je me félicite qu'on informe les consommateurs sur les gaz à effet de serre émis aux différentes phases de vie des produits. La commission a en outre souhaité encadrer les allégations environnementales pour les produits soumis à l'étiquetage communautaire pour qu'une information standardisée permette au consommateur d'effectuer le meilleur choix.

Le projet engage une réforme profonde des études d'impact afin de nous mettre en conformité avec nos obligations communautaires, de répondre aux attentes des acteurs du Grenelle et de simplifier un système devenu trop complexe. La commission a adopté un amendement capital sur le cadrage préalable des études d'impact. Les collectivités assurent en effet 75 % de l'investissement public (approbations sur plusieurs bancs) et les nouvelles normes ne doivent pas être des freins mais des accélérateurs. Tous les partenaires doivent donc être bien conscients des enjeux, de manière à éviter de coûteux contentieux. Désormais, si le maître d'ouvrage le requiert, l'autorité compétente devra donner sur le degré de précision des informations à fournir dans l'étude d'impact ainsi que sur le zonage, un avis dont le contenu sera défini par décret en Conseil d'État. Le maître d'ouvrage connaîtra ainsi les lignes rouges à ne pas franchir. A sa demande ou à celle d'un pétitionnaire, l'administration devra organiser une réunion d'information. La concertation le plus en amont possible évitera des contentieux.

Le texte refonde le droit des enquêtes publiques en réunissant les 180 types qui existent aujourd'hui en deux familles, les enquêtes à finalité environnementale (l'enquête Bouchardeau) et les enquêtes pour expropriation publique, destinées à protéger le droit de propriété. Un amendement de la commission encourage la communication des dossiers par internet. Un décret fixera la liste des maîtres d'ouvrage qui devront mettre en ligne un dossier enrichi et cette liste pourra être étendue en fonction des résultats. La personne responsable assumera les frais conséquents.

Les enjeux de la concertation sont très importants...

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Exact !

M. Daniel Dubois, rapporteur.  - ...pour la démocratie écologique. Nous pouvons nous féliciter des progrès que le Grenelle a représentés : il y va de la bonne application des décisions. Notre commission a souhaité que la commission nationale du débat public accueille des représentants des chambres consulaires. Le préfet pourra créer une commission locale d'information et de surveillance pour tout site classé. La participation des salariés à ces instances est renforcée. Nous nous félicitons aussi que le préfet puisse créer une commission locale destinée à suivre les compensations à la mise en place d'infrastructures linéaires et avons souhaité que les chambres consulaires, les associations de consommateurs et d'usagers puissent y participer. Les dispositions sur les critères de représentativité sont de nature à apaiser les inquiétudes qui avaient pu s'exprimer. Enfin, la dénomination des conseils économiques et sociaux régionaux reconnaîtra l'extension de leurs compétences en matière environnementale.

Je souhaite que des débats fructueux orientent notre économie vers un modèle plus durable pour les générations futures. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission de la culture.  - Notre commission a décidé de se saisir pour avis de cet ambitieux projet dont l'article 14 initial, supprimant l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France pour les autorisations de travaux dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, avait suscité de vives inquiétudes -j'ai bien entendu le rapporteur au fond.

L'environnement relève de notre commission et j'ai consacré mon dernier avis budgétaire à l'affichage extérieur. J'ai poursuivi la réflexion à l'occasion de la mission que m'a confiée le Gouvernement et la commission a retenu plusieurs de mes préconisations destinées à faire évoluer une législation vieille de trente ans. Nous entendons également clarifier une procédure source de contentieux et l'inscrire dans la logique de la décentralisation.

Créées par la loi de décentralisation de 1983, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager relèvent d'une démarche contractuelle entre les communes qui en ont l'initiative et l'État, garant de la cohérence de la politique patrimoniale. On avait déjà proposé de supprimer l'avis conforme de l'architecte des Bâtiments de France lors du plan de relance puis du Grenelle I et les associations de défense du patrimoine s'étaient mobilisées (M. Roland du Luart le confirme), l'Association des maires de France et celles des villes à secteur sauvegardé ou protégé avaient marqué leur attachement au maintien de cet avis conforme. Formellement, la décision de l'architecte des Bâtiments de France s'appuie sur le règlement de la zone. Dans un souci de simplification, estime l'exposé des motifs, un avis simple apporterait une garantie suffisante, mais certains d'entre eux sont anciens ou lacunaires. Le respect du patrimoine durable requiert en permanence des compétences et de l'imagination.

La transformation de l'avis conforme en avis simple affaiblirait la portée de l'expertise des ABF et laisserait nombre de questions en suspens, notamment la protection des abords des monuments historiques. La commission a donc jugé essentiel de conserver l'avis conforme. Mais elle est consciente de la nécessité de moderniser l'image des ABF, que des tensions opposent parfois aux élus. Une meilleure compréhension mutuelle doit être recherchée. La solution n'est pas dans la stigmatisation d'un corps, dans un pays qui compte tant de sites inscrits au patrimoine mondial. Elle n'est pas non plus dans la réforme, proposée par la commission de l'économie, de la procédure de recours contre les décisions des ABF ; l'existence d'une procédure d'appel est indispensable même si, comme c'est le cas, elle est peu utilisée aujourd'hui -en 2007, sur 33 recours, 3 seulement ont concerné des travaux en ZPPAUP tandis que les ABF rendent chaque année plus de 300 000 avis, dont 30 000 dans les ZPPAUP. La solution d'un recours auprès du préfet du département au lieu du préfet de région est séduisante mais elle risque de nuire à la cohérence des décisions, d'autant que les services déconcentrés de l'État se réorganisent au niveau régional. En outre, la dimension collégiale de l'examen des recours ne doit pas être négligée.

Notre commission proposera d'encadrer le délai imparti au préfet pour consulter la commission régionale du patrimoine et des sites afin de rendre la procédure plus fluide. Elle souhaite également conforter les ZPPAUP en tant qu'outils modernes de protection du patrimoine ; elle a pour cela adopté un amendement visant à faciliter l'intégration, dans les règlements de zone, de prescriptions environnementales liées à la performance énergétique des bâtiments ou à la promotion des énergies renouvelables. Il importe en effet de mieux concilier l'exigence de protection du patrimoine avec les objectifs du Grenelle. Dans cette optique, elle proposera également de ne soumettre qu'à l'avis simple de l'ABF les travaux d'équipement de production individuelle d'énergie renouvelable ou d'économie d'énergie, sauf si ces travaux sont réalisés aux abords d'un monument historique -l'avis conforme sera alors requis. Les ABF doivent jouer un rôle moteur et non apparaître comme des obstacles au changement. Certains oeuvrent d'ailleurs déjà en ce sens. En parallèle, il faut plus de collégialité dans les décisions, plus de dialogue, de médiation et d'explications : la concertation engagée par le ministère de la culture est ainsi particulièrement bienvenue.

J'en viens au second volet de cet avis, l'affichage publicitaire extérieur. Le bilan de la loi de décembre 1979 est globalement positif ; la situation dans les centres-villes s'est améliorée. Mais le constat est unanimement partagé de son insuffisante application. Il est vrai qu'elle est complexe et que les maires et les agents de l'État manquent de moyens pour faire retirer les dispositifs illégaux qui dénaturent entrées de villes et paysages, notamment en zone rurale. Les modifications introduites par la loi Barnier de 1995, dont le régime de déclaration préalable et le dispositif de requalification des entrées de ville, introduit à mon initiative, ont permis des progrès. Toutefois, comme j'ai pu le constater au cours de ma mission, une nouvelle étape est attendue ; nos concitoyens sont plus sensibles qu'avant à l'impact de la publicité et perçoivent souvent la multiplication des dispositifs comme une nuisance, une agression visuelle -je pense à ce qu'on voit sur la RN 20 ; la banalisation des paysages devient difficilement supportable.

Mes propositions sont guidées par le même souci d'équilibre que celui qui animait la loi de 1979 : l'objectif de protection du cadre de vie doit être concilié avec la liberté d'expression et d'information comme avec la prise en compte des enjeux économiques et commerciaux, surtout dans une période de crise qui fragilise les professionnels du secteur -professionnels cependant conscients de la nécessité de faire évoluer leur métier.

Nous entendons d'abord simplifier. La procédure d'élaboration des règlements locaux de publicité est complexe et source de contentieux : je proposerai de l'aligner sur celle applicable en matière de plan local d'urbanisme. Toutes les personnes intéressées pourront être associées et le projet sera soumis à enquête publique ; le maire sera chargé d'appliquer le règlement local -le préfet en cas de carence.

L'autre objectif est de mieux maîtriser la pression publicitaire. Je proposerai que les règlements locaux ne puissent fixer que des règles plus restrictives que la réglementation nationale et qu'ils puissent prévoir des « zones de tranquillité » où toute publicité sera interdite. L'interdiction de publicité hors agglomération ne trouvera comme seule exception que les abords des aéroports et des gares ferroviaires, zones de passage où la présence de la publicité peut se justifier. J'ai également souhaité adresser un signal fort en proposant la suppression, dans un délai de cinq ans, des pré-enseignes dites dérogatoires qui se multiplient parfois de façon anarchique aux entrées de ville ; elles pourront par exemple être remplacées par une signalisation d'information locale, comme à Saumur.

Toutes ces propositions nous paraissent équilibrées. L'État, qui a la charge de l'application de la loi, devra adapter la réglementation nationale relative à l'affichage en tenant compte de l'évolution tant des pouvoirs du maire que des modes de publicité depuis 1979. Il devra préciser les possibilités offertes aux maires dans le cadre de leurs nouvelles compétences et mettre à leur disposition toute l'information nécessaire -les conseils en architecture, urbanisme et environnement pourront ici jouer un rôle utile. Il devra aussi définir les limites opposables à tout RLP et traiter les problèmes non encore résolus comme celui de la dépose des panneaux publicitaires obsolètes.

Je terminerai par deux citations. La première est du cardinal de Richelieu : « faire une loi et ne pas la faire exécuter, c'est autoriser la chose qu'on veut défendre » ; la seconde est de Michel d'Ornano, alors secrétaire d'État en charge de l'environnement : « la publicité ne sera définitivement accueillie, même si elle n'est qu'éphémère, qu'à partir du moment où elle sera intégrée à la ville. Elle doit donc être attrayante et organisée au lieu d'être agressive et omniprésente ».

C'est dans cet objectif que la commission de la culture a donné un avis favorable au texte ainsi enrichi. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - La commission des lois a souhaité apporter son éclairage sur les 22 articles relevant de son champ de compétence. Exprimant ma satisfaction de voir soumis au Sénat ce texte d'application du Grenelle I, je relève cependant que la concomitance de l'examen des Grenelle I et II n'a pas facilité le travail parlementaire -et je ne parle pas seulement du feuilleton de l'avis conforme des ABF...

L'imprécision du texte initial, l'usage répété du conditionnel ou d'expressions telles que « le cas échéant » ou encore des adverbes « notamment » et « éventuellement » illustrent la difficulté de faire le tri entre ce qui relève de la loi, du règlement ou de la circulaire, voire du commentaire ou de la pédagogie. La commission des lois a souhaité apporter les corrections nécessaires. L'article 13, qui habilite le Gouvernement à prendre des ordonnances pour clarifier, simplifier ou mettre en cohérence les différents textes, sonne d'ailleurs comme la reconnaissance de la nécessité d'un toilettage.

La commission des lois approuve les orientations du texte et les modifications apportées par la commission de l'économie. Elle propose cependant plusieurs modifications. Les articles 5 à 10 concernent les documents d'urbanisme.

A l'article 5, notre commission vous propose de coordonner le régime transitoire des directives territoriales d'aménagement avec les modifications introduites par la loi du 12 mai 2009.

L'article 9 relatif aux schémas de cohérence territoriale, les Scot, qui lie construction et infrastructures, a pour objectif de réduire la consommation des sols. Or, envisager ainsi l'économie des sols de façon quantitative risque de mettre en danger l'aménagement du territoire rural puisque l'on ne construira plus que dans les endroits équipés d'infrastructures et de transports. La diversité des sols -et partant, de leur valeur- impose de faire preuve de pragmatisme, sans compter qu'une excessive concentration urbaine comporte des risques en termes de santé publique.

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Aussi, notre commission des lois a-t-elle retenu le critère de l'optimisation de l'espace, plutôt que celui de la densification, pour lutter contre l'étalement urbain. La commission a, en outre, clarifié la rédaction du dispositif de dépassement des plafonds de densité de construction en cas de nécessité. Enfin, à l'instar de la commission de l'économie, nous souhaitons conserver au Scot sa fonction de document d'orientation et ne pas lui conférer un caractère normatif.

S'agissant de l'article 10, qui me tient à coeur, notre commission a réaffirmé que l'autorité en charge du plan local d'urbanisme est la commune, en l'absence d'un établissement public de coopération intercommunale compétent. En effet, le maire a d'abord pour fonction de bâtir, avec la population, l'avenir de la commune et 95 % des communes couvertes par un PLU le sont par un plan communal.

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Dominique de Legge, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Enfin, notre commission n'a pas voulu anticiper les futurs débats sur la réforme des collectivités locales.

A l'article 13, la commission, approuvant les restrictions apportées par la commission de l'économie au domaine d'intervention de l'habilitation à légiférer par voie d'ordonnance, proposera seulement deux simplifications rédactionnelles.

Concernant l'avis conforme des architectes des Bâtiments de France dans les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, qui a donné lieu à des polémiques passionnées et à des rebondissements législatifs, il faut établir une règle de coopération équitable entre le maire, soucieux de développer immédiatement son territoire, et l'architecte, qui inscrit son action dans la durée. Les documents d'urbanisme établis entre les deux parties résultant d'accords dans lesdites zones, il semble normal d'alléger les procédures de recours sur leur interprétation. Nous nous rallions donc à la commission de l'économie qui a souhaité rétablir l'avis conforme de l'ABF, une fois l'avis de l'association des maires recueilli. Toutefois, parce qu'il existe seulement 600 ZPPAUP, et 400 en cours, pour 30 000 édifices classés, nous proposons d'étendre les modifications aux périmètres de protection des monuments historiques et aux secteurs sauvegardés et de réduire le délai accordé au préfet pour statuer sur les avis contestés à deux mois, le silence du préfet valant dorénavant accord tacite, et non plus rejet, ce qui représente une profonde novation.

S'agissant de l'article 15, nous proposons d'étendre les modifications apportées au droit de l'urbanisme aux articles 14 et article additionnel après l'article 14 à Mayotte.

En matière de gouvernance, approuvant les objectifs des articles 83 et 84, nous avons seulement renforcé la cohérence de l'article 83 ainsi que les dispositions de l'article 84 relatives à la prise en charge financière par une société mère des obligations incombant à sa filiale défaillante en matière de remise en état des sites pollués afin, notamment, de faire échec à la constitution de sociétés mères « écran ».

Enfin, soucieuse de préserver la compétence organique du Parlement précisée à l'article 71 de la Constitution, la commission suggère d'exclure l'application des dispositions des articles 43 et 43 bis fixant les critères de représentativité applicable aux associations et fondations de protection de l'environnement, au Conseil économique, social, et environnemental.

En conclusion, puisse notre commission clarifier et enrichir ce texte, conformément aux engagements de 2007. La vaste consultation organisée pour le Grenelle de l'environnement inaugure une manière de légiférer plus ouverte ; les nombreuses auditions que j'ai réalisées s'inscrivent dans cet esprit de consensus. Pour autant, gardons-nous de vouloir tout régir dans les moindres détails car nous convertirons la population, notamment les élus locaux, à cette nécessaire démarche environnementale non par excès de réglementation mais par l'affirmation d'objectifs clairs et appliqués de manière pragmatique.

Compte tenu de ces observations, et sous réserve des amendements qu'elle vous soumet, notre commission a donné un avis favorable à l'adoption de ce texte ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Raymond Vall.  - Permettez-moi de vous faire part de ma modeste expérience d'élu de terrain. Le Grenelle I, parce qu'il est, si j'ose dire, arrivé au bon moment, a fait l'objet d'un consensus historique ; gardons-nous donc, avec la formidable boîte à outils que représente le Grenelle II, de susciter de vains espoirs. Monsieur le ministre d'État, vous avez, tout à l'heure, annoncé votre visite dans le grand sud-ouest. Or les élus de ce territoire, dont je suis, s'étonnent du manque de cohérence du plan de relance avec le Grenelle II. En matière de transports, les collectivités ont ainsi fourni d'énormes efforts pour le ferroviaire. Résultat, nous avons les voies ferrées mais les trains ne peuvent pas y circuler ! D'où les résistances à la taxe carbone en milieu rural... Commençons donc par prendre acte de l'existant et par améliorer, nous vous y aiderons ! Autre exemple, les pôles de compétitivité. Il y en a trois en Midi-Pyrénées mais il a fallu cinq ans pour créer un dispositif « Développement durable » dans le pôle « Espace aéronautique ». Le rapport de forces lui était très défavorable ! Pour appliquer le Grenelle de l'environnement, nous devons puiser l'innovation dans ces pôles, qu'il s'agisse de limiter les entrants en agricultures ou de gérer l'eau par satellite... D'où les dix propositions contenues dans le rapport de la commission, auxquelles j'ai travaillé avec le soutien du président Emorine. De même, il faut établir des passerelles entre les scientifiques, qui se sentent mal écoutés, et les hommes politiques, comme j'en ai pris l'initiative en organisant depuis vingt ans des rencontres européennes avec Hubert Reeves : l'astrophysique nous dit d'où vient la vie et l'écologie nous permet de la sauver ! Enfin, pour une agriculture durable, cherchons les réponses dans les pôles d'excellence rurale qui permettent d'enclencher une véritable dynamique territoriale.

En conclusion, le groupe RDSE veillera activement, tout en approuvant le cadre général du texte, à améliorer son efficacité ! (Applaudissements au centre et sur les bancs du RDSE)

M. Daniel Raoul.  - Après avoir éteint les lumières de l'hémicycle sur l'adoption du Grenelle I le 23 juillet, nous les rallumons avec le Grenelle II, objet de tant de discussions, d'interprétations, voire de fantasmes. Pour notre part, nous abordons ce travail législatif avec l'objectif de modifier les comportements.

Mais le calendrier législatif n'est pas cohérent : il aurait fallu discuter d'abord des compétences des collectivités locales, principaux acteurs de cette évolution, puis de la réforme de la fiscalité, enfin de la taxe carbone. Sur ce dernier point, il est anormal que le Parlement ne soit pas saisi. Comment trancher sans savoir qui fait quoi ? Il aurait fallu prévoir une seconde lecture après la réforme des collectivités locales, qui va rendre obsolète le logiciel que nous utilisons ! Quelles seront les compétences des collectivités ? Seront-elles partagées ? Qui sera chef de file sur les questions environnementales ? De quels moyens disposeront-elles pour mettre en oeuvre ces politiques ? La réforme de la fiscalité locale est bien floue, et l'audition de Mme Lagarde et de M. Marleix ne nous a guère éclairés... Où sont les « définitions budgétaires » annoncées par le ministre d'État ? S'il y a consensus sur la nécessité d'une taxe carbone, quid de son assiette et de son affectation ? Seule une partie des sources de gaz à effet de serre sera taxée, sans parler des biens importés dont le bilan social et environnemental est calamiteux, à commencer par les panneaux photovoltaïques !

Après une riche préparation en commission, notre débat s'inscrit dans un contexte particulier. Un contexte politique tout d'abord. Lors de la campagne présidentielle de 2007, les candidats avaient souscrit à l'idée d'un Grenelle de l'environnement, et s'y étaient engagés en signant le document que l'on sait... Depuis, il y a eu le résultat des élections européennes, qui ne doit pas orienter nos débats mais nous éclairer sur les volontés -parfois contradictoires- de nos concitoyens. La prise de conscience est réelle, quels que soient la catégorie socioprofessionnelle, le lieu et le type d'habitation. La réalité de l'état de santé de la planète s'impose à nous. D'un côté nous exploitons ses ressources, de l'autre nous handicapons sa capacité à les renouveler...

Face à ces enjeux, il faut un discours de vérité, dépassant l'incantation stérile. Je regrette que nombre de mesures ne soient qu'incitatives. Ainsi, les sociétés ne sont tenues qu'à inscrire dans leur rapport de gestion la manière dont elles tiennent compte ou non des impacts sociaux et environnementaux de leur activité ! Nombre d'économistes, à commencer par un prix Nobel, estiment que le capitalisme et le marché n'ont pas vocation à être vertueux et que c'est par la régulation que nous ferons évoluer les comportements. S'il faut saluer la transparence accrue dans la présentation des portefeuilles boursiers, nous atteignons là encore les limites des mesures incitatives.

Les effets de communication se sont multipliés, notamment autour des transports : taxe poids lourds, euro-vignette, bonus-malus, kilomètres de TGV, autoroutes, fret, etc. Malgré les avancées du Grenelle I, il nous faut renforcer ces orientations et trouver les moyens pour les mettre en oeuvre. Vice-président d'une agglomération en plein chantier de tramway, je salue le retour au financement par l'État des transports en commun en site propre (TCSP). L'attribution des aides devra toutefois être plus transparente et équilibrée, d'autant que les TCSP ne concernent plus uniquement les grandes métropoles.

Les collectivités locales seront bien entendu mises à contribution mais ce n'est pas à l'heure d'une réforme de la fiscalité locale que le Gouvernement doit faire porter les conséquences budgétaires de ses engagements sur les communes et les EPCI. Notre Haute assemblée a toujours été la garante de lois pragmatiques et volontaires, équilibrées et applicables ; le groupe socialiste s'efforcera de faire valoir cette méthode.

Reste que ce texte est bien en retrait par rapport aux conclusions du Grenelle : pour nous, le compte n'y est pas ! Votre copie n'est pas hors sujet mais elle n'est pas à la hauteur des enjeux : après un développement cohérent, il manque une vraie conclusion, qui réponde à l'urgence écologique ! (Applaudissements à gauche ; « Bravo ! » sur les bancs socialistes)

Mme Évelyne Didier.  - Le Grenelle I nous avait laissé une impression mitigée, entre bonnes intentions et moyens insuffisants. Le Grenelle II confirme nos craintes : malgré des avancées, nous sommes loin de la « révolution verte ». Une véritable révolution écologique supposerait de remettre en cause les fondements du système actuel, matérialiste et libéral : obsession de la concurrence, recherche du profit maximum, régulation par le marché, intrinsèquement incompatibles avec un modèle de développement durable et solidaire.

Faute d'une telle orientation radicale, les bonnes intentions du Grenelle ont été victimes du rabotage constant de la part des lobbies des entreprises. Qu'en restera-t-il après le passage devant l'Assemblée nationale et les décrets d'application ? Bref, ce texte est loin d'être à la hauteur des enjeux tant il manque de dimension sociale. La justice sociale est pourtant un pilier du développement durable. Quant à la taxe carbone, elle devrait s'inscrire dans une remise à plat complète de notre fiscalité et non pas rester un « bricolage » isolé.

Si une taxe carbone est indubitablement nécessaire pour atteindre nos objectifs de réduction d'émissions de gaz à effet de serre, le niveau et l'assiette retenus la rendent improductive : elle ne permettra jamais de diviser par quatre nos émissions d'ici 2050 ! Exclure l'électricité de l'assiette n'incite pas à réduire la consommation d'électricité, qui pourrait pourtant être utilisée pour réduire les émissions dans d'autres secteurs ; d'autre part, cela incite à opter pour le chauffage électrique, qui est une aberration énergétique ! Comment réconcilier cette exclusion avec le développement des réseaux de chaleur prôné par le Grenelle Il ? Cette contradiction n'est-elle par la preuve de l'influence des grands groupes énergétiques sur les décisions publiques ?

Improductive, cette taxe est aussi injuste : au prix proposé, elle alourdira la facture des plus modestes sans pour autant dissuader les comportements énergivores des plus aisés. Alors que nous avions potentiellement un formidable outil de justice fiscale, on ne nous propose qu'une redistribution via un chèque vert. Le renchérissement des énergies fossiles doit s'accompagner d'un développement de l'offre d'alternatives et d'incitations à la transition énergétique, comme le préconise le rapport de Michel Rocard. L'exclusion de la consommation électrique et l'absence d'aides pour le changement de source d'énergie vont à rebours de ces recommandations.

Comble de l'injustice, on nous demande de taxer les individus alors que l'on a proposé un marché aux entreprises les plus fortement émettrices de gaz à effet de serre pour leur éviter une prétendue « double peine ». C'est ainsi que l'on offre aux plus gros émetteurs, au lieu de leur imposer des objectifs contraignants, la faculté de spéculer sur le prix de la tonne de carbone en leur accordant des crédits d'émissions gratuits jusqu'en 2013, tandis que la fiscalité carbone pèsera essentiellement sur les consommateurs individuels. Les modes de production de l'énergie n'en seront nullement réorientés et rien ne pourra venir financer, par exemple, un fonds pour les alternatives énergétiques.

Car nous ne nous faisons pas d'illusions sur le marché européen des droits à polluer, qui pourrait bien n'être, comble du paradoxe, qu'une immense usine à gaz. Le rapport à mi-parcours de la mission « climat » de la Caisse des dépôts conclut à une réduction pour le moins symbolique des émissions de gaz à effet de serre, liée au fonctionnement du marché européen des crédits d'émission. Quant au rapport final, prévu pour début 2009, nous l'attendons toujours. Dommage !

La crise économique aurait pourtant dû mettre un terme aux illusions de la régulation par le jeu de l'offre et de la demande. Cette crise a montré les dangers d'une sophistication financière et spéculative. Et nous ne sommes pas les seuls à le dire. « Depuis plusieurs années, nous nous sommes enfermés dans une logique productiviste et concurrentielle, du fait d'une idéologie jamais remise en question. Si nous continuons sur la voie du dogmatisme ultralibéral, cela aboutira à nous aligner sur les pays en voie de développement, en termes de compétitivité, de coût du travail, d'environnement, de santé. » Ai-je cité là un membre du parti communiste ? (« Non ! » sur les bancs socialistes) Ce sont propos de M. Bruno Le Maire, membre du Gouvernement ! Il est vrai que Nicolas Sarkozy utilise volontiers les thématiques de la gauche pour mieux brouiller les pistes. C'est particulièrement dangereux en période de crise. On ne peut pas dire tout et son contraire. Assez du double langage !

Nous proposerons un certain nombre d'amendements en séance. Que l'on cesse de nous contester leur dépôt ! Certes, depuis la réforme constitutionnelle, on débat sur le texte de la commission : mais cela ne veut pas dire que tout ce qui a été discuté en commission n'a plus lieu de l'être en séance, qui reste le lieu du débat parlementaire. (Applaudissements à gauche)

J'en viens aux caractéristiques de ce texte. Sur la méthode, le principe de la concertation avec les différents acteurs de la société civile concernés est positif. Mais cette concertation préalable, utile pour prendre le pouls de la situation, ne doit pas être une excuse pour éclipser le débat parlementaire. On nous demande trop souvent de ne pas « détricoter » un fragile consensus. Mais on ne s'émeut pas des coups de ciseau des lobbies industriels ! L'État doit rester l'ultime garant de l'intérêt général. Il doit pouvoir trancher non pas en fonction des rapports de force mais du plus efficace et du plus juste. La révolution écologique que vous appelez de vos voeux ne pourra pas se faire en partant du postulat que l'on ne doit froisser personne, et surtout pas les entreprises. Certes, il est légitime d'écouter ces dernières, de comprendre leurs contraintes pour causer le moins de torts possibles. Mais ce sont bien les intérêts privés qui doivent plier en dernier ressort devant l'intérêt général, non le contraire. Faute d'un arbitrage fort de l'État, on aboutit à un texte imprécis qui laisse, in fine, une grande latitude au Gouvernement. Ici, nous faisons de la poésie : la loi s'écrira à coups de décrets, bien loin des parlementaires. Ce mot de « décret » n'apparaît pas moins de 136 fois, c'est-à-dire plus que le nombre d'articles. Sans compter les 14 ordonnances et les 20 règlements ! Alors que la concertation permettait d'avoir en main tous les éléments afin de proposer un texte précis, chaque mesure ou presque voit ses modalités soumises à un décret d'application.

J'en viens au fond. Nous déplorons une volonté patente de recentralisation des processus de décision publique. Bien des articles organisent un transfert de pouvoir des collectivités territoriales -surtout des départements et des régions- vers le préfet et l'État central. La prise en charge par les collectivités territoriales du coût de certaines mesures, dont les modalités auront été fixées par décret ou par arrêté, et ce alors même qu'elles ont vu leur dotation de fonctionnement réduite, relève d'une véritable volonté de mise sous tutelle, voire d'asphyxie. Et c'est à nous, représentants des collectivités territoriales, que l'on demande d'approuver cette orientation ? Nous pensons au contraire qu'il faut défendre l'action des collectivités et leur donner les moyens de leur implication. Dans la rédaction actuelle, par exemple, elles ne sont pas maîtresses de l'élaboration du plan régional du climat, arrêté par le préfet. L'article 19 du titre Il, sur les transports, est également symptomatique : les communes sont dépossédées de l'organisation des services d'auto-partage et réduites à attribuer des labels à des acteurs privés. Au lieu de cela, on aurait pu trouver des financements dans l'internalisation des coûts de l'utilisation des voies routières, ce qui aurait permis dans un même mouvement de favoriser un transfert vers le rail. Mme Schurch y reviendra.

Au nom de la « RGPP », on ne cesse d'introduire partout des méthodes de management venues du privé. Où les ministères étaient auparavant dotés de moyens propres, en matière d'expertise notamment, on externalise. Nous ne pouvons souscrire à cette mise sur le marché de pans entiers du service public. C'est dans le domaine du bâtiment que l'on trouve une des dispositions les plus contestables de ce texte. Insérée par la commission, elle revient à faire supporter pour moitié au locataire le financement des travaux d'amélioration du logement. Le propriétaire pourra majorer le loyer à hauteur de 50 % de la baisse des charges mensuelles consécutive à la réalisation de ces travaux, alors même que le propriétaire aura bénéficié de prêts à taux avantageux et de réductions fiscales. Où est la logique ? Où est l'équité ? L'accès au logement, en contradiction avec la loi Boutin, n'en sera que plus difficile encore pour les catégories les plus défavorisées.

Certaines avancées de ce texte sont réelles, notamment quant à la responsabilité environnementale des entreprises. Cependant, le récent désastre écologique lié à la fuite d'un pipeline dans la plaine de Crau illustre la nécessité d'inscrire dans la loi la notion de préjudice écologique. Nous nous félicitons à ce sujet de la volonté exprimée par Mme la ministre de mettre rapidement en place une telle législation, tout comme de sa proposition d'ériger le combat pour la biodiversité en « enjeu populaire », selon sa formule, en y associant les communes et les citoyens. En revanche, prévoir une nouvelle certification HQE pour les produits agricoles nous semble propice à confusion pour le consommateur, avec les produits bio.

Mais ce que nous contestons essentiellement sur le fond, c'est le report constant de la responsabilité sur l'individu, sur le consommateur. Les mesures du titre VI sont symptomatiques d'un système qui désigne toujours le consommateur comme le pollueur et tend à le rendre seul responsable, quand c'est à la collectivité qu'il revient de prendre les mesure nécessaires pour agir à la source, au niveau des modes de production. Ainsi de l'étiquetage carbone : alors que les gaz à effet de serre sont à près de 50 % émis lors de la production, de la distribution et de l'élimination des biens, produits ou services, tandis que les 50 % restant se répartissent entre consommation d'énergie à domicile et transport individuel, on demande au seul consommateur d'être vertueux, sans agir à la source auprès du producteur. La même logique prévaut ici que dans la prévention sur l'alimentation, où les campagnes ne sont accompagnées d'aucune régulation de l'industrie agro-alimentaire.

Le poids des décisions vertueuses repose entièrement sur les individus alors que ce qu'expriment les Français au travers leur vote aux élections européennes, c'est leur désir que l'État prenne les mesures nécessaires pour remédier à la situation. D'après une étude menée en juin 2009, 74 % d'entre eux estimaient que l'enjeu n'est plus de les convaincre de l'importance du sujet mais de leur donner les moyens d'agir. Est-ce vraiment leur donner les moyens d'agir que de ne leur proposer que de l'information et pas d'alternative réelle ?

Il en va de même des prêts à taux zéro, présentés comme la solution miracle : l'État se défausse de ses responsabilités, de sa mission de protection de l'intérêt général sur les foyers, l'individu, le consommateur. Madame la ministre, vous nous appelez à remettre en cause notre mode de consommation et renvoyez à l'intelligence du consommateur. Mais l'intérêt des consommateurs ne peut pas remplacer l'intérêt général, qui va bien au-delà et ne peut être défendu dans le cadre d'une économie libéralisée à outrance.

L'article 82 du texte est révélateur de l'incapacité de ce gouvernement à prendre le taureau par les cornes en matière de régulation. L'obligation est faite aux sociétés d'investissement et de gestion de faire mention dans leur rapport annuel « des modalités de prise en compte dans leur politique d'investissement des critères relatifs au respect d'objectifs sociaux, environnementaux, ou de qualité de gouvernance ». Pensez-vous réellement qu'une telle disposition sera de nature à faire bouger les choses ? Permettez-moi d'en douter.

Notre vote sera fonction de l'évolution du texte au cours des débats mais il est certain qu'en l'état, nous ne pouvons y souscrire tant les incohérences sont nombreuses. Que penser de ces annonces en grande pompe d'une « révolution verte » quand Bernard Kouchner déclare, à propos des négociations internationales sur le changement climatique, que « les pays en développement se méfient de nous, et ils ont raison de se méfier de nous », sinon que le cynisme règne ? Le décalage est profond entre les objectifs du Grenelle et le projet de société porté par le Président Sarkozy et l'UMP, un projet qui vise à « décomplexer les Français » sur la richesse et le profit personnel ; qui prône le « toujours plus » : travailler plus, gagner plus pour pouvoir consommer plus. Ces mots d'ordre vont à l'opposé d'une société solidaire, soucieuse de sa survie collective au sein d'un environnement préservé.

Nous dénonçons la récupération des thèmes écologiques par la droite, nous dénonçons la discordance entre le discours et les actes, nous dénonçons enfin le simple maquillage du système existant qui transformerait comme par magie les excès du libéralisme en une vertueuse « croissance verte ». La nécessaire révolution écologique passe par l'avènement d'une société plus solidaire, moins obsédée par la recherche du profit à court terme et moins encline au gaspillage ; elle passe par l'avènement d'un État fort et performant, seul à même de réaliser la nécessaire gestion maîtrisée des ressources. Nous avons là l'occasion unique d'une vraie révolution, bien plus ambitieuse que la réforme cosmétique que vous nous proposez. (Applaudissements à gauche)

M. Robert Tropeano.  - Fin juillet, notre travail parlementaire s'est achevé par l'adoption du Grenelle I qui, en donnant une valeur législative aux objectifs du Grenelle de l'environnement, constituait une véritable loi de programmation associant le Parlement à l'élaboration du droit de l'environnement. La trêve estivale a révélé chaque jour un nouvel exemple du combat à mener. Il nous faut agir pour ne pas laisser aux générations futures l'héritage de nos excès mais il nous faut agir sans tourner le dos au progrès. Ce projet de loi, nouveau texte d'ampleur -104 articles-, a été l'occasion de montrer notre engagement. II a révélé ou confirmé des parlementaires endurants face à une nouvelle procédure législative à peine éprouvée, face à un calendrier chargé et à des réunions de commissions fixées en pleine saison estivale. Pas moins de trois commissions ont épluché 1 089 amendements, lors de séances marathon, et 349 amendements ont été adoptés.

La plupart des articles de ce texte de loi ont pour objet de diminuer notre consommation et de nous désintoxiquer de l'or noir. Mais, pour la première fois, tous les secteurs ont été abordés de front au cours d'une même négociation : bâtiment, transports, agriculture, etc. Ce texte doit nous préparer à l'après pétrole. La France s'est engagée à réaliser 20 % d'économie d'énergie d'ici 2020 et à diviser par quatre ses émissions de gaz à effet de serre. Comment parler de réduction de la consommation d'énergie sans évoquer la taxe carbone ? Je salue la réflexion engagée et la pugnacité montrée dans ce dossier car, dans un contexte de crise, la conciliation entre croissance économique et impératifs environnementaux est problématique et les arbitrages sont difficiles. Si nous voulons respecter nos engagements, l'incitation doit être plus forte encore, elle doit être juste mais efficace et, en conséquence, cette fiscalité parait indispensable. Tournons-nous vers nos voisins qui en ont déjà pris l'initiative. Ce texte est important et j'espère que les divergences sur les ajustements de la taxe ne monopoliseront pas les débats.

Pour réduire la consommation d'énergie, le projet de loi prévoit notamment l'instauration de schémas régionaux et l'encadrement des technologies de captage et de stockage du CO2. Il impose un bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre aux entreprises de plus de 500 salariés et aux collectivités de plus de 500 000 habitants. La mise en place de la taxe carbone et des dispositions de ce texte devront être accompagnées de l'exemplarité sans faille de l'État et de ses institutions. Le projet de loi prévoit l'obligation progressive de l'affichage du « prix carbone » afin d'informer le consommateur des émissions de gaz à effet de serre associées aux différentes phases de la vie du produit. Les procédures d'enquête publique et d'étude d'impact sont réformées.

Espérons que ces propositions seront entendues de tous ! Sur le logement, les transports, l'agriculture ou la santé, ce texte rompt avec l'illusion que le progrès technologique permettra indéfiniment à l'homme de vivre sans se soucier des limites de la nature. Désormais, notre organisation sociale doit tenir compte des limites de notre planète. Ce texte, « boite à outils » du Grenelle, entend améliorer la performance énergétique des bâtiments et modifier le code de l'urbanisme pour mieux servir l'aménagement durable des territoires. Je salue le verdissement des outils d'aménagement comme les directives territoriales d'aménagement, les Scot et les PLU.

Il faut élargir les procédures d'urgence pour la construction de transports collectifs. Reconnaissons l'efficacité technique et le bien-fondé des directives européennes en matière de péages autoroutiers et les trop longs délais avant leur transposition en droit français. La modulation des péages en fonction de leur émission de gaz à effet de serre est une mesure verte efficace qui aurait même gagnée à être complétée. On peut cependant regretter l'absence d'une vraie politique de report modal de la route vers les autres modes de transport. A propos des énergies renouvelables, je me réjouis de l'abandon du critère de la commodité du voisinage pour l'élaboration des zones de développement éolien. Il est illusoire de vouloir favoriser l'essor de l'éolien en imposant toujours plus de contraintes à la création de parcs éoliens. Certains de mes collègues souhaitent dispenser l'énergie mécanique du vent de la procédure d'installation classée et ainsi redorer l'image d'une énergie verte qu'on incrimine à tort.

Le paquet Grenelle I et II ainsi que les mesures introduites ou à venir dans les lois de finances doivent instaurer un nouveau rapport de l'homme à la nature. Ce texte, même amélioré par nos travaux, ne pourra être idéal, mais il sera le fruit d'un compromis issu de nos débats passionnés. Ce compromis aura des conséquences pratiques non négligeables pour les collectivités. Les communes seront particulièrement affectées par une taxe carbone qui s'appliquera sur leurs charges de fonctionnement -chauffage, carburant...- et qui, couplée à la suppression de la taxe professionnelle, risque d'aboutir à une note salée. Les collectivités ne doivent pas, une fois encore, être les seules à être pénalisées, alors que les particuliers disposeront d'un crédit d'impôt et les entreprises de la suppression de la TP. Du toilettage du code de l'urbanisme aux transports en passant par l'extension des plans « Climat » territoriaux, la préservation de la ressource en eau, la lutte contre les multiples pollutions ou la réforme des enquêtes publiques, ce projet de loi prévoit des mesures ambitieuses à l'échelle locale. La nouvelle ressource pourrait être redistribuée intelligemment en fonction des mesures environnementales mises en oeuvre : réalisation des plans « Climats », rénovation thermique des bâtiments communaux.

Comme l'a déclaré le Président de la République jeudi dernier, les Français sont prêts à modifier leur consommation d'énergie, pourvu que les signaux soient clairs et que le contrat proposé soit juste. C'est pourquoi, conscient que ces mesures auront valeur de test pour le passage à une société plus verte, l'ensemble du groupe RDSE réserve son vote jusqu'au terme du débat. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Didier Guillaume.  - Je suis heureux de saluer la présence au banc du Gouvernement de Mme Létard, de M. Apparu ainsi que de notre ancien collègue, M. de Raincourt, nouveau ministre des relations avec le Parlement.

Je vous salue aussi, monsieur le président, et je tiens tout d'abord à vous dire qu'aujourd'hui, nous sommes tous marseillais et soutenons l'OM dans son match de ce soir contre Milan ! (Applaudissements sur certains bancs à droite et sur certains bancs socialistes)

Mais M. Borloo nous a dit tout à l'heure qu'avec Copenhague et avec ce texte de loi, l'humanité avait rendez-vous avec elle-même.

Mme Odette Terrade.  - L'Humanité, le week-end dernier, a été le rendez-vous de 600 000 personnes ! (Sourires)

M. Didier Guillaume.  - Je ne parlais pas du journal... Mais je regrette que M. Borloo et Mme Jouanno soient partis si vite. Quand on a rendez-vous avec l'Humanité, quand on affirme que le Parlement a un rôle essentiel à jouer, quand on veut changer notre monde économique, quand on déclare que demain sera différent d'hier, on doit rester pour écouter les douze orateurs qui viennent. Mais je suis sûr que ce n'est pas de la désinvolture de leur part et je me réjouis de constater que Mme Létard et M. Apparu vont nous écouter.

Avec ce Grenelle II, le Gouvernement a fait un geste fort, comme le président Larcher qui l'a inscrit en ouverture de cette session extraordinaire. Mais, à entendre tout à l'heure M. Borloo, je n'étais pas rassuré sur l'avenir de ce texte. J'aurais pu applaudir à un discours fort, intéressant et qui embrasse l'ensemble des problèmes de la France et de la planète. Mais c'est un peu un « tout va très bien madame la marquise » qui néglige la réalité et le contexte.

Le contexte, on le connaît pourtant depuis les mots de M. Chirac au sommet de Johannesburg, « notre maison brûle et nous regardons ailleurs ». Le très beau Home, de Yann Arthus-Bertrand, fait pleurer dans les chaumières. Le grand vainqueur des élections européennes est certes l'abstention, mais le fort vote écologiste est un signe adressé aux dirigeants politiques...

Ce texte est celui des territoires, dit le ministre : nous le voudrions, mais comment est-ce possible quand les territoires sont mis à mal, quand la réforme fiscale obligera bientôt les communautés d'agglomération, faute de TPU, à alourdir l'impôt sur les ménages ? Comment feront des départements privés de recettes sur le foncier bâti des entreprises ? Nous aimerions que les territoires aient encore demain la capacité de se mobiliser ! Mais nous sommes inquiets. S'ils sont étranglés financièrement, le recul sera inévitable, alors qu'ils ont mené des politiques audacieuses de développement durable et d'environnement.

Autre inquiétude : le grand emprunt annoncé, qui pourrait effectivement stimuler des investissements de demain, sera-t-il bien affecté à des secteurs d'avenir ? Ce sont nos enfants qui le paieront, il serait injuste qu'il finance des dépenses de fonctionnement !

Nous avons présenté 250 amendements, 25 ont été retenus : le pourcentage est-il fonction de notre nombre, de notre place dans l'hémicycle ? Conformément à la Constitution révisée, tous les groupes devraient pouvoir enrichir le texte durant sa lecture en commission !

La multimodalité est un aspect important de la politique des transports. Or la SNCF annonce la suppression des wagons isolés de transport de marchandises ! Le Gouvernement se devrait d'intervenir si la décision se confirmait car elle entraînerait un report du fret sur la route. Dans ma région, si les grandes entreprises n'ont plus accès aux wagons isolés, elles ne feront plus de fret ferroviaire.

Après le contexte et le texte, je veux évoquer le financement : le Grenelle I avait mobilisé les associations et toute la société. Mais nous craignons que le Grenelle II n'ait pas les moyens de son ambition. Malgré le discours enflammé du ministre d'État, ce projet ne risque-t-il pas de rester au rang de loi ordinaire ? Nous en souhaitons la réussite car ce nouveau modèle de société recueille tout notre intérêt. Le Grenelle II est essentiel à nos yeux. Il faudra donc clarifier le contexte, améliorer le texte et prévoir le financement, faute de quoi la déception sera grande parmi les élus, les associations et nos concitoyens. Ce serait un rendez-vous raté avec l'Histoire. Espérons que les moyens seront à la hauteur de l'intérêt que le Gouvernement semble porter à la question. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Daniel Soulage.  - Comme il a été dit, ce projet de loi est d'ampleur inhabituelle, à la fois par sa taille et par la diversité de son contenu. Notre groupe se félicite que le Président de la République et le Gouvernement aient pris l'initiative du Grenelle. Aujourd'hui, c'est à nous, parlementaires, qu'il appartient de se pencher sur certains points sensibles, avec rigueur et pragmatisme. J'évoquerai pour ma part le droit à construire en milieu rural, l'implantation des trames verte et bleue, l'agriculture.

Mes collègues de l'Union centriste et moi-même sommes très inquiets de l'impact que le titre premier aura sur les communes rurales et la ruralité. Les zones déjà fortement urbanisées se développeront encore, au détriment du monde rural, en perte de vitesse. Nous avons pourtant tellement besoin de lui ! Les aménageurs locaux, pour le faire vivre, doivent pouvoir construire des logements, de petites zones commerciales et artisanales, des structures sportives et culturelles, des équipements touristiques : pas de développement rural sans constructions ! A mes yeux, c'est la ruralité qui est au coeur de ce débat.

Le monde rural doit être un lieu de vie agréable et attractif, non pas seulement un ensemble de « beaux paysages » à protéger. Le projet de loi impose aux Scot un objectif de « diminution des obligations de déplacement » et conditionne l'implantation de nouvelles zones à urbaniser à la desserte par des transports collectifs. Cela me semble complètement inadapté. Tenez compte des progrès technologiques dans le secteur automobile ! Comparez les coûts induits par un habitant en milieu urbain qui utilise le RER, le métro et l'autobus en plus de sa voiture privée et ceux d'un habitant de zone rurale qui roule quelques kilomètres pour se rendre à son chef-lieu de canton. La priorité est-elle vraiment de concentrer encore plus de population dans les grandes agglomérations urbaines ?

La création des trames verte et bleue impliquera remise en état et instauration de corridors écologiques. Comment définir de manière précise les espaces concernés ? Quelles procédures seront utilisées pour valider juridiquement ce qui deviendra une véritable servitude ? L'implantation de ces trames, dans certains cas, empêchera la bonne exploitation d'un terrain agricole ou fera chuter la valeur d'un bien constructible. Un décret en Conseil d'État devra préciser les conditions de mise en place du maillage écologique et définira les corridors. Ceux-ci traverseront des zones naturelles et semi-naturelles. Comment, concrètement, imposer des servitudes aussi lourdes qu'une remise en état des continuités écologiques ? Il ne peut s'agir à mon sens que de décisions contractuelles recueillant l'accord des communes et des personnes et assorties d'une procédure d'appel pour régler les problèmes éventuels. J'aimerais être rassuré sur ce point... En tant que membre de la Conférence de la ruralité, je demande que cette organisation soit associée à la rédaction du décret.

Quant à l'agriculture, deux sujets attirent particulièrement mon attention: les produits phytosanitaires et l'eau. Le projet de loi s'inscrit dans la droite ligne des orientations européennes en matière phytosanitaire ; le plan « Ecophyto 2018 » vise à réduire et encadrer l'utilisation de ces produits. Un amendement que j'avais présenté, adopté par le Parlement, garantissait qu'un produit indispensable ne serait pas interdit avant que l'on ait trouvé une molécule de substitution. Pour moi, l'encadrement doit rester souple afin que les utilisateurs s'adaptent progressivement. Je souligne aussi l'intérêt d'une modulation pour la réduction des intrants dans les productions mineures. Enfin, la cohérence exige de bloquer les produits provenant de pays ne respectant pas un niveau égal d'exigence phytosanitaire.

Ma dernière remarque sur l'agriculture concernera le stockage d'eau. Me rappelant les discussions passées, je voudrais savoir si, d'après vous, il est plus conforme à un environnement de qualité d'avoir une rivière à sec ou un cours d'eau alimenté par des lacs artificiels. Ceux qui s'opposent à la réalisation de retenues et de lacs de réalimentation, ceux qui voudraient démolir les barrages méconnaissent complètement nos régions méridionales. Déjà, on n'autorise plus de nouvelles réalisations dans mon département.

M. Gérard César.  - Exact !

M. Daniel Soulage.  - C'est catastrophique pour la santé, l'agriculture, les paysages et le tourisme.

Je termine par un mot sur l'assainissement non collectif, question dont on ne se soucie pas assez, bien qu'elle concerne 13 millions de Français.

Quelque 60 % des installations contrôlées ne sont pas conformes ; un tiers sont qualifiés de « points noirs » pour l'environnement et la santé publique. L'amendement que je vous proposerai tend à éliminer ces points noirs, au moyen d'un crédit d'impôt incitatif. En effet, si l'éco-prêt à taux zéro est efficace pour les économies d'énergie, il ne rencontre pas le succès espéré pour l'assainissement, puisque seule une centaine de prêts a pu être accordée.

Le traitement des déchets soulève de nombreuses interrogations techniques et économiques. J'ai déjà évoqué ce thème notamment lors de la seconde lecture du projet de loi Grenelle I. J'espère que la mission d'information que j'ai demandée au nom de mon groupe apportera bientôt des éclaircissements.

M. Nicolas About.  - Grâce à vous !

M. Daniel Soulage.  - Je souhaite collaborer avec le Gouvernement sur ce sujet, car une vision claire à long terme est indispensable pour que les décisions soient prises en toute connaissance de cause. (Applaudissements au centre et à droite)