Grenelle II (Urgence - Suite)

Discussion générale (Suite)

Mme Élisabeth Lamure.  - Après avoir adopté la loi Grenelle I, première étape législative mettant en oeuvre ce pari incroyable qu'est le Grenelle de l'environnement, nous abordons la loi Grenelle II, « boîte à outils » conforme aux engagements pris. Cette phase normative ne doit pas occulter les obligations nées du premier texte de programmation, qui avait le mérite majeur de faire comprendre que les préoccupations environnementales sont aujourd'hui au coeur du travail législatif. Le Parlement doit donc faire avec le Gouvernement un constat de la situation, tracer les grands objectifs et définir les mesures concrètes et contraignantes.

La crise économique et financière nous a ouvert les yeux : il faut désormais construire un modèle économique accordant une place fondamentale à la protection de l'environnement. Cette prise de conscience réelle commence à produire des résultats concrets, dont le Grenelle est l'un des plus remarquables : grâce à lui, la France a une longueur d'avance sur la voie vers une économie post-carbone. Il apporte également une carte maîtresse à notre pays et à l'Europe dans les négociations internationales en vue de nouveaux modèles capables de transformer l'avenir. L'Europe retrouvera un second souffle en lançant de grands programmes de recherche et d'innovation pour l'environnement mondial.

Les dispositions du texte nous permettront d'être en avance et exemplaires, car elles apportent une réponse efficace à l'urgence de la situation.

Pour nous, réagir efficacement ne consiste pas à lancer des anathèmes contre la mondialisation, à faucher les OGM sous le regard des médias ni à fermer les centrales nucléaires mais à retourner au profit de la nature les deux grands instruments qui ont parfois contribué à la détruire : la science et l'économie.

Loin d'être un risque, le progrès reste possible et souhaitable. Ne cédons pas aux sirènes médiatiques promettant, dans un grand élan millénariste, la fin de l'âge d'or et le début de la décadence ! Pour peu que nous orientions la science et l'économie vers des choix positifs, elles seront les meilleures alliées de l'environnement.

Protéger celui-ci n'est pas une course perdue d'avance, bien que presque tout reste à faire. L'excellence des travaux conduits par les rapporteurs montre ce qui reste à accomplir, alors que le temps presse.

Utilisées intelligemment, la science et l'économie peuvent apporter une contribution décisive, mais une volonté politique forte est indispensable pour freiner la consommation des ressources et le renforcement de l'effet de serre, pour élaborer une stratégie énergétique privilégiant les énergies nouvelles et, sans doute, le nucléaire, pour protéger l'eau, les forêts et la biodiversité, pour lutter contre les déchets et toutes les pollutions. Le Grenelle de l'environnement relève ce défi et propose un plan de relance avant l'heure, la croissance de demain étant largement déterminée par ses objectifs, qui traitent simultanément tous les aspects d'une stratégie de développement durable.

Mais pour être socialement acceptée, cette stratégie ne doit pas désigner de bouc émissaire, ni dresser un camp contre un autre. En particulier, il faut absolument éviter d'opposer le monde rural au monde urbain. Nous sommes nombreux à avoir ressenti la crainte éprouvée par nos concitoyens ruraux, pour ne pas dire leur rejet d'un processus pourtant nécessaire. Pourquoi ? Parce qu'ils ont le sentiment d'être montrés du doigt et parce qu'ils craignent de subir encore une fois des contraintes très fortes dont la finalité leur échappe.

Rappelons-nous l'inquiétude légitime éprouvée par les hydro-électriciens fasse à la disposition du Grenelle I, qui prétendait « effacer » les obstacles à la migration des poissons, c'est-à-dire les barrages. Nous avons entendu cet émoi et nous avons supprimé le terme. Autant que possible, évitons ce genre d'épisodes accréditant l'idée malsaine que la protection de l'environnement se ferait à partir de la ville, sans prendre en compte la réalité rurale. Le souvenir de Natura 2000 reste vif dans les esprits !

Nous devons donc pratiquer une pédagogie de chaque instant et envisager les enjeux du Grenelle avec pragmatisme et subtilité.

Le premier enjeu concerne la territorialisation, puisque chaque objectif doit être repris par les acteurs locaux. Il faut donc les mobiliser via des démarches innovantes. Les plans climats territoriaux et les plans départementaux d'élimination des déchets en sont deux exemples. Ce projet de loi améliore aussi la planification en réformant les Scot, les PLU et en créant des schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie. J'ajoute que ce texte comporte de nombreuses actions concrètes, qui portent notamment sur les transports urbains et la rénovation énergétique dans le bâtiment. Il faudra beaucoup de pédagogie dans l'utilisation de ces excellents outils, d'autant plus que la réforme des collectivités territoriales suscitera nécessairement des interrogations.

Il faut au moins réduire la fracture territoriale. Il serait dommage qu'un manque de communication ou de dialogue gêne l'application du formidable outil d'aménagement du territoire qu'est le Grenelle de l'environnement. Ayant un rôle important à jouer dans la représentation des territoires, le Sénat sera vigilant.

Le deuxième enjeu du texte concerne la mutation environnementale des acteurs économiques. Il s'agit de généraliser à tous les secteurs les démarches environnementales d'avant-garde. Là aussi, il est indispensable de bien communiquer afin que nul n'ait l'impression de porter seul un fardeau très lourd et pour que l'avenir apparaisse clairement.

Nous soutenons ainsi la taxe carbone annoncée par le Président de la République, mais nous estimons très utile de se reporter à l'excellent rapport de Mme Keller sur la fiscalité environnementale, où l'accent est mis sur la nécessité de bâtir un consensus durable...

Mme Nicole Bricq.  - C'est mal parti !

Mme Élisabeth Lamure.  - ...notamment grâce à une bonne information sur les avantages de la mesure et surtout par la visibilité des contreparties. Je pense notamment aux entreprises qui subissent la crise. C'est le prix d'une bonne acceptation sociale de la fiscalité écologique.

Par ailleurs, nous pensons que cette taxe doit s'accompagner d'une réflexion plus large sur l'architecture de nos prélèvements obligatoires et qu'un accord européen doit éviter les distorsions de traitement.

Nous ne changerons pas de modèle dans l'impopularité et l'incompréhension, mais nous réussirons par le consensus, dans la transparence et l'équité, en préservant la compétitivité, en répartissant les charges et en accompagnant les mutations.

C'est ainsi que nous éviterons les écueils de la fracture territoriale et du rejet économique et social. Le Grenelle II apporte les outils nécessaires, la mobilisation est là, la volonté politique aussi. Nous devons infléchir les logiques économiques avec pragmatisme pour accompagner avec réalisme la transition vers le développement durable. Nous n'avons pas d'autre choix, mais la crise et le grand plan de relance offrent une opportunité. Sachons la saisir, le succès est à ce prix. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Odette Herviaux.  - Le projet était très attendu mais sa traduction opérationnelle de la démarche participative est assez éloignée des ambitions affichées par le Gouvernement. Les rapporteurs l'ont présenté comme un élément d'un ensemble mais, après un budget 2009 vert pastel et un plan de relance pâle, tous les voyants virent au rouge. S'il va dans le bon sens, il est étriqué, insuffisant. Le pragmatisme revendiqué par le Gouvernement s'apparente davantage à un minimalisme environnemental qu'à la volonté de défendre des principes protecteurs.

Nos propositions ont permis quelques avancées sur le titre IV, ainsi sur la vente et la distribution des produits phytopharmaceutiques. Nous avons demandé un suivi et un rapport public de l'Observatoire des résidus de pesticides.

Nos objectifs en matière d'agriculture biologique étant très ambitieux, nous avons voulu que les aménagements fonciers permettent l'attribution prioritaire de surfaces globales. Un rapport annuel sur l'agriculture biologique sera également remis au Parlement.

Pour la trame verte et bleue, nous avons rendu obligatoire la conformité entre les documents de planification et projets relevant du niveau national d'une part et, d'autre part, les orientations nationales pour la préservation et la restauration des continuités écologiques. Nous avons insisté pour que la stratégie nationale pour la mer vise son bon état écologique.

Conformément aux engagements pris devant les Français, nous avons souhaité être une force de proposition garante de l'esprit du Grenelle I. Qu'il s'agisse de l'objectif d'amélioration de la qualité de l'eau ou de la référence aux zones tampons en bordure de cours d'eau, nous nous sommes heurtés à l'inertie ou au conservatisme, de sorte qu'il reste beaucoup de travail à faire en séance.

Il est impossible de dissocier la protection de la santé de celle de l'environnement. L'enjeu est d'importance dans le pays qui recourt le plus à la chimie du végétal. Il convient donc de sécuriser l'usage de ces produits dans les zones particulièrement utilisées par le grand public ou des populations sensibles. Cette mesure de bon sens a pourtant été refusée. Nous souhaitions dissocier la rémunération des conseillers du volume vendu. Refusé ! Nous voulions renforcer la formation continue des agriculteurs. Refusé, alors même que les rapporteurs appellent de leurs voeux un pilotage réaliste de la transition.

La certification des exploitations constitue un autre motif de déception. Avec les principes du développement durable, celle-ci doit favoriser une gestion intégrée des facteurs de production. Il est essentiel, dans une logique de clarification et de simplification, de ne pas mêler les facteurs de production, les matières premières et les produits animaux et végétaux car cette méconnaissance des filières agricoles dévaloriserait un secteur innovant et dynamique.

Dans le même esprit, nous avons voulu adapter la procédure de certification et encadrer l'étiquetage. Là encore, nous serons obligés de redéposer nos amendements.

Nous serons très vigilants sur la mise en place d'un écolabel pour les pêcheurs, dont l'étude d'impact évalue le coût à 4 000 euros. L'association de producteurs d'une même pêcherie est intéressante mais insuffisante, surtout si l'on ajoute l'évaluation de la ressource par l'Ifremer.

Pour éviter de renier l'ambition de la trame verte et bleue, le Gouvernement a proposé de parler de remise en état plutôt que de restauration, ce qui a suscité un débat passionné en commission. Cette trame est pourtant censée devenir un outil d'aménagement du territoire opposable aux projets d'infrastructure. Elle doit devenir une matrice de régénération écologique et de réorganisation des activités économiques intégrant des critères de durabilité.

La création de schémas régionaux de cohérence écologique conduit à s'interroger sur les véritables intentions de l'État. Leur élaboration incombe conjointement à l'État et à la région après avis des autres collectivités. L'État n'a pas voulu se contenter d'un simple pouvoir de contrôle, et c'est le préfet de région qui arrêtera le schéma après délibération de la région. Nous déplorons cette méfiance envers les collectivités territoriales, de plus en plus évidente depuis 2007. Qu'en sera-t-il de la réforme de l'organisation des collectivités territoriales et de la fiscalité locale ? La majorité sénatoriale a ainsi entériné une gestion descendante de la façade maritime, qui nie les capacités autres que financières des collectivités locales. Les documents stratégiques de façade ne seront donc pas élaborés en concertation avec elles, même celles qui sont le plus engagées dans des politiques de développement durable. Sans remettre en cause l'approche nationale demandée par l'Union européenne, nous refusons de transformer les collectivités en simples exécutants de l'État, avec une si faible légitimité que le public sera consulté avant l'adoption du projet par décret.

La planification stratégique apporte une plus grande sécurité juridique ; elle ne saurait rétablir une tutelle politique d'un autre temps. C'est grâce aux collectivités que les Grenelle de l'environnement et de la mer ont élaboré des propositions concrètes. La réussite dépendra pour partie d'elles et de leur engagement financier. Nous apprécierons le vôtre à la mesure des marges de manoeuvre que leur reconnaitra le prochain budget. (Applaudissements à gauche)

M. Claude Biwer.  - Après le Grenelle I, qui fixait les grandes orientations, le Grenelle II comporte des dispositions plus concrètes, dont certaines d'application immédiate. La très large concertation et les débats qui l'ont précédée ont contribué à faire prendre conscience à nos compatriotes que leurs habitudes et leurs comportements devaient changer. Pour l'heure, ils adhèrent à la démarche initiée par le Gouvernement mais la cacophonie sur la taxe carbone, qui a troublé la torpeur de l'été, peut laisser présager des lendemains qui déchantent.

Je me cantonnerai aux titres I et II.

Nous sommes tous ici conscients de la nécessité de renforcer l'efficacité énergétique des bâtiments existants ou à construire ; mais les nouvelles obligations prévues par le texte seront lourdes et coûteuses pour les collectivités territoriales concernées. Je remercie la commission d'avoir accepté notre proposition de leur étendre le prêt à taux zéro ; il n'y a pas de raison que les bailleurs sociaux puissent y avoir recours et pas elles. Au regard de leurs besoins, il serait bon qu'une enveloppe de prêts à taux privilégié fût accordée notamment à celles qui se sont engagées dans des programmes de rénovation de leurs bâtiments en vue de faire des économies d'énergie.

Les propriétaires devront désormais faire réaliser un diagnostic de performance énergétique, qui semble offrir moins de garanties de fiabilité que l'étude thermique. Je proposerai d'en rester à celle-ci, pourvu qu'elle soit effectuée par un contrôleur indépendant. Nos concitoyens sont exaspérés par la multiplication des contrôles et diagnostics auxquels ils doivent procéder avant de mettre en vente ou de louer un bien immobilier. Je ne sais si ces contrôles ont une réelle utilité ; je sais en revanche qu'ils enrichissent les entreprises spécialisées et renchérissent le coût des transactions.

Le texte réforme en profondeur le code de l'urbanisme, en créant notamment un nouveau document, la directive territoriale d'aménagement et de développement durable, qui s'imposera à tous les autres, Scot et PLU compris. Une simplification administrative, sans doute... qui fait peu de cas de la responsabilité des communes. La commission a accepté, sur notre proposition, que les collectivités territoriales soient associées à l'élaboration de ce document ; je proposerai qu'elles le soient également lors de sa modification ou sa révision.

Le renforcement des Scot ne doit pas faire oublier les besoins spécifiques du milieu rural, qui doit pouvoir continuer à se développer, à construire écoles et équipements -sauf à se désertifier. On ne peut lui appliquer les mêmes contraintes qu'au milieu urbain. La France doit préserver son activité agricole et agro-alimentaire. L'espace agricole, qui perd 60 000 hectares chaque année, doit être stabilisé à long terme, par exemple en mettant en oeuvre, avec le concours des chambres d'agriculture, des procédures plus contraignantes de cession des terres. La définition des trames verte et bleue ne doit en aucun cas faire obstacle au développement de l'activité agricole -je m'inquiète de certaines rumeurs qui courent sur le sujet. Il y aurait aussi beaucoup à dire sur les exigences des agences de l'eau...

Dans le titre II, les dispositions prévues en faveur des transports collectifs en milieu urbain et périurbain donnent globalement satisfaction. Il faudrait davantage tenir compte cependant des besoins des territoires à faible densité mal desservis par les transports privés : communautés de communes et d'agglomération devraient pouvoir mettre en oeuvre des schémas locaux de développement de transports à la demande.

Un mot des biocarburants, curieusement absents de ce texte alors que le Grenelle I affichait en ce domaine de grandes ambitions. Je suis intervenu à deux reprises pour demander au Gouvernement d'appliquer dans les meilleurs délais la directive européenne relative à la promotion et à l'utilisation des énergies produites à partir de sources renouvelables et de faire en sorte que les biocarburants produits par exemple à partir de graisse animale ou de cellulose non alimentaire bénéficient d'une baisse de la TGAP, afin de soutenir les investissements et recherches en cours, dans mon département et ailleurs. On m'a répondu la première fois que la directive n'était pas totalement approuvée, la seconde que mes propositions auraient leur place dans le Grenelle II. L'heure de vérité approche... Je présenterai à nouveau mes propositions.

Je veux, pour conclure, vous faire part de ma préoccupation quant au coût d'application de ce texte pour les collectivités territoriales, et aussi pour les entreprises et les particuliers. Je veux notamment parler de la taxe carbone. Si l'idée n'est pas nouvelle, son chiffrage l'est. Elle concernera toutes les énergies fossiles mais non, contrairement à ce que souhaitait M. Rocard, l'électricité. La commission qu'il présidait avait proposé un montant de 32 euros la tonne de CO2 en 2010 et une augmentation progressive jusqu'à 100 euros en 2030 -ce qui se serait traduit l'an prochain par une progression de 8 centimes du prix du litre d'essence et de 15 % de celui du gaz, ou encore, pour la moitié des ménages, par une contribution de 300 euros et un total, excusez du peu, de 8 milliards d'euros. Le Président de la République a arbitré : ce sera 17 euros. Cette taxe cependant n'aurait de sens que si les prix des énergies fossiles se stabilisaient ; on sait, hélas, qu'ils augmenteront au moindre signe de reprise de l'économie et que celui du baril pourrait bien atteindre 100 dollars d'ici dix-huit mois -nous avons frôlé les 150 dollars il n'y a pas si longtemps. Pourquoi, dès lors, créer une nouvelle tuyauterie, avec une taxe redistribuée en impôt sur le revenu ?

Si la taxe doit malgré tout voir le jour, il importe qu'elle ne s'applique pas de manière indifférenciée. Comme l'a relevé un quotidien du matin, un Parisien sans voiture qui se chauffe à l'électricité ne paiera rien... et recevra un crédit d'impôt, tandis qu'un provincial qui consomme 2 000 litres de fioul et fait trois pleins d'essence par mois pour sa voiture paiera 178 euros et ne se verra redistribuer que 56 euros... Si nous voulons que le Grenelle II soit accepté, il faut que les efforts financiers soient équitablement répartis. A défaut, nos concitoyens seront pour longtemps brouillés avec l'écologie. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Bruno Gilles.  - Je fais les mêmes voeux de succès que M. Guillaume pour la rencontre sportive de ce soir.

Ma collègue des Bouches-du-Rhône, Mme Joissains, qui devait intervenir cet après-midi, est souffrante ; elle m'a demandé de la suppléer.

Que notre assemblée se penche, en ce jour de rentrée parlementaire, sur le Grenelle II marque la volonté politique affirmée par la France depuis 2005 de faire du protocole de Kyoto un premier pas vers une action globale au service de la planète. Un petit pas pour l'homme, mais un grand pas pour l'humanité... Le Grenelle de l'environnement, tant par sa procédure inédite d'élaboration que son importance législative, constitue un tournant dans notre action ; tournant nécessaire car, selon les conclusions de 2005 d'une étude commandée par l'ONU, le taux de disparition des espèces est actuellement mille fois supérieur au rythme naturel quand la biodiversité contribue à plus de 40 % de l'économie mondiale.

D'où l'importance de l'article 47 relatif à la protection des habitats naturels, lequel permettra également à la France de respecter ses engagements européens, et de la constitution des trames verte et bleue -qu'un territoire naturel équivalent à un département français soit bétonné tous les dix ans n'est plus acceptable ! Devant l'échec de la politique d'espaces protégés, que chaque élu peut constater, nous passons, en effet, à une logique de continuité écologique, avec la fixation d'orientations nationales et de schémas régionaux de cohérence écologique au sein de laquelle chacun, de la commune à l'État, jouera son rôle. Parce que les 1,5 million d'hectares de zones humides en métropole sont de véritables réservoirs de biodiversité, nous avons pris l'engagement dans le Grenelle I d'acquérir 20 000 hectares menacés d'ici cinq ans. L'article 51 de ce texte donnera aux agences les moyens de cette politique foncière qui, j'y insiste, sera efficace à condition que l'agriculture durable soit pratiquée sur ces terres au moyen de baux ruraux, l'acquisition devant rester un ultime recours.

Pour terminer, je m'interroge, en tant qu'élue locale, sur la manière dont les échelons territoriaux seront associés à la protection de la biodiversité : un critère de biodiversité sera-t-il retenu dans le calcul de la dotation générale de fonctionnement ? Ensuite, concernant la France ultramarine, si le cas de la Guyane est clairement abordé, quid des autres territoires ? Sait-on que chaque île, Mme Joissains l'a constaté, a trouvé dans ses ressources naturelles le moyen de combattre l'épidémie du chikungunya ? Préservons cette richesse. Enfin, la France, grâce à l'outre-mer, possède le deuxième territoire maritime au monde et la directive-cadre sur les milieux marins sera soumise aux eurodéputés avant l'été 2010. D'où l'organisation du Grenelle de la mer, qui a donné lieu à une vingtaine de réunions régionales. Monsieur le ministre, quelles conclusions tirez-vous de ces travaux ? Donneront-ils lieu à un Grenelle III ?

Puisse le Parlement voter ce Grenelle II avec la belle unanimité dont il avait fait preuve sur le Grenelle I ! (Marques de scepticisme sur les bancs socialistes) Comme Mowgli qui, dans le Second Livre de la jungle, lance cet appel à la jungle qui meurt de soif : « Carnivores, herbivores, monde qui rampe et monde qui vole, vous et moi sommes du même sang ! », Mme Joissains appelle tous les sénateurs (marques de scepticisme sur les bancs socialistes) à se battre pour la Terre, cette planète bleue en danger, sans laquelle nous ne sommes plus rien ! (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Bricq.  - Pour enrayer le réchauffement climatique, la France doit réduire par quatre ses émissions de gaz à effet de serre d'ici 2050. Pour ce faire, elle dispose de différents outils comme les normes, la régulation et la fiscalité sur laquelle nous espérons un débat sérieux, même si celui-ci a été mal engagé. Le récent discours du Président de la République ne doit pas être un aboutissement, mais un point de départ, car il revient au seul Parlement de trancher cette question (approbation sur les bancs socialistes) ; tâche à laquelle le Sénat s'est préparé, comme le montrent les travaux de la commission de l'économie et de la commission des finances. De fait, les quelques consultations formelles sur la fiscalité carbone ne peuvent tenir lieu de débat parlementaire. Celui-ci est d'autant plus nécessaire que la cacophonie gouvernementale a apporté de l'eau au moulin des opposants à la taxe carbone, nombreux d'après les sondages. D'ailleurs, quel dommage que le Gouvernement n'ait pas fait preuve de pédagogie ! En attendant d'en discuter lors de la présentation du projet de budget pour 2010 fin septembre, cette fiscalité écologique, indispensable pour amorcer la transition écologique, ne doit pas « démonter » les finances de l'État, fort mises à mal depuis de nombreuses années. Elle reste un instrument modeste par rapport au marché européen d'échange des quotas d'émissions de gaz à effet de serre ; lequel, compte tenu de ce que les grands groupes industriels sont parvenus à imposer leur méthode, est marqué, comme tout marché, par des spéculations, des effets pervers et des produits dérivés tout aussi dangereux que ceux qui ont conduit à la crise actuelle sans compter que tous les pays européens sont loin d'accorder la même valeur juridique à ces quotas. Bref, ce marché a besoin d'une régulation efficace avant que la mondialisation de ce marché aboutisse -divine surprise !- à Copenhague et que les titres deviennent payants en 2013 pour une valeur marchande dont le produit s'établirait à plusieurs centaines de millions d'euros. Si la France veut relever ce défi, elle doit consentir des investissements publics considérables dans le chauffage écologique et les transports collectifs. Or nous doutons que l'État, impécunieux, ne prenne vraiment sa part parce qu'il se condamne à l'impuissance en ne cessant de se priver de recettes fiscales -dernier fait en date, la baisse de la TVA dans la restauration en juillet dernier pour une perte de 2,3 milliards ! Notre appareil productif n'étant pas préparé à la crise économique et écologique, les deux volets procédant d'une même prédation, l'État laissera-t-il les régions, les départements, les intercommunalités assumer seuls la transition écologique ?

Puisse ces débats se tenir dans l'hémicycle et la fiscalité carbone ne pas être une simple médaille accrochée au revers du veston du Président de la République pour les élections de 2012 !

Elle doit s'apprécier dans le contexte de mesures dont nos concitoyens perçoivent le sens. Tel est le prix de leur soutien à la transformation de notre modèle économique. Le débat est ouvert. Nous jugerons sur pièces, à la fin de l'année, la volonté gouvernementale d'engager cette transition écologique. (Applaudissements à gauche ; « Bravo ! » sur les bancs socialistes)

M. Jacques Muller.  - Ce Grenelle II, tant attendu, marque une avancée. Urbanisme, santé environnementale, transports, gouvernance : certaines lacunes sont comblées, et l'on relève des innovations significatives. Reste que nombre d'ambiguïtés devront être levées : le diable se niche dans les détails...

Ainsi, en matière d'urbanisme, on refuse d'inscrire dans la loi l'impératif de réduction -et non la simple limitation- de la consommation de terre agricole et d'espaces naturels. En matière de transport, la directive « Eurovignette » est transposée a minima. Pas de péages spécifiques en zones fragiles, notamment dans les massifs montagneux... Les avancées indiscutables sur les énergies renouvelables ne traduisent pas davantage la rupture -pourtant vitale- avec les logiques existantes. L'absence du nucléaire -que d'aucuns présentent comme une énergie « propre » !- plombe structurellement le Grenelle. Ce déni de démocratie, exigé par le Président de la République, prouve toute l'ambiguïté de la démarche. Pourquoi cette peur de la vérité ?

La captation et le stockage du carbone figurent dans le chapitre « Réduction de la consommation énergétique et prévention des émissions des gaz à effet de serre ». La première énergie renouvelable est pourtant celle qui n'a pas été consommée ! Nonobstant les problèmes techniques, financiers et de sécurité posés par le nucléaire ou la captation du carbone, l'effet rebond est garanti. Nous devons concentrer tous nos moyens sur la réduction à la source de notre empreinte énergétique. Mieux vaut prévenir que guérir !

Lors du débat sur le Grenelle I, j'avais dénoncé le retour en grâce de l'agriculture « raisonnée », ce concept commercial cher aux industriels producteurs de pesticides -officiellement, « l'Union des Industriels pour la Protection des Plantes ». (Sourires) Décrié par les scientifiques, discrédité, il revient via les lacunes du texte sur la certification environnementale des exploitations agricoles. Lors de la table ronde organisée au Sénat le 3 septembre, agriculteurs, associations de protection de l'environnement et associations de consommateurs ont dénoncé unanimement toute nouvelle certification qui pèserait sur les petits producteurs et les consommateurs. C'est à la collectivité de redéployer les moyens existants -10 milliards issus de la PAC chaque année- pour basculer d'une agriculture productiviste industrielle vers une agriculture intégrée et biologique.

Autre source d'inquiétude : l'absence de sanction de la banalisation de l'usage des pesticides par la publicité et l'obligation pour tous les vendeurs de fruits, légumes et plantes horticoles d'indiquer le nom de la variété vendue, qui va mettre en difficulté les petits producteurs et menacer des variétés rares et anciennes non répertoriées. Le Sénat avait sauvé les préparations naturelles peu préoccupantes, comme le purin d'orties : les voilà menacées par un décret scélérat...

En matière de déchets, les objectifs de valorisation timorés ne nous placent même pas dans la moyenne européenne... Rien ou presque sur la réduction à la source, notamment sur les emballages non recyclables. Enfin, en matière de gouvernance, rien pour protéger les consommateurs contre le greenwashing, qui dépasse la seule sphère économique...

L'espoir né du Grenelle de l'environnement, mobilisation sans précédent de la société civile, ne doit pas être trahi. Or, malgré des avancées, la logique productiviste reste dominante : on parle de « croissance verte » plutôt que de « réduction de l'empreinte écologique », de « taxe carbone » plutôt que d'une « contribution énergie-climat » qui inclurait le nucléaire. La catastrophe de l'arbitrage présidentiel sur la taxe carbone est emblématique : pseudo-concertation et grand discours élyséen débouchent sur une décision injuste socialement, inefficace économiquement, et surtout inopérante sur le plan environnemental, qui discrédite le concept essentiel de « pollutaxe ».

Puissent nos débats éviter le « rabotage » des dispositions contraires aux intérêts des groupes de pression... Sinon, le Grenelle de l'environnement n'aura été qu'une opération de greenwashing en vue de la Conférence de Copenhague. Mais l'opinion publique n'est pas dupe : faire illusion n'est pas durable ! (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Braye, rapporteur.  - Le parti socialiste le fait tous les jours...

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Il me revient la responsabilité de faire entendre une voix des Outremers, une fois de plus oubliés, malgré les prometteuses déclarations de l'article 55 du Grenelle I, selon lequel « Les Outremers sont appelés à jouer un rôle essentiel dans la politique de la Nation en faveur du développement durable et de l'éco-développement ». Est-ce un nouvel oubli ? A force, je finis par m'interroger sur la place des Outremers dans l'élaboration des lois de la République...

L'enjeu est trop grave pour que nos territoires soient aussi peu pris en compte dans un texte d'une telle portée. Le rapporteur du Grenelle I, Bruno Sido, avait souligné la richesse de la biodiversité ultramarine, qui permet à la France de siéger dans la quasi-totalité des instances internationales de préservation de l'environnement, mais aussi sa fragilité, ainsi que de la difficulté pour les collectivités territoriales ultramarines d'atteindre les standards métropolitains en matière de stations d'épuration. La mise aux normes devrait intervenir en 2012, alors que les besoins de financement outre-mer sont estimés à 3,6 milliards, pour des travaux devant s'achever peut-être à l'horizon 2040...

La gestion des déchets devra répondre aux normes européennes d'ici 2012. Or en Guyane, par exemple, les collectivités, qui manquent déjà de moyens pour investir, sont soumises à des pénalités du fait de ces retards... Nous devons également atteindre un bon état écologique de l'eau d'ici 2015 -entre chlordécone aux Antilles et mercure en Guyane...

En Guyane, 50 % de la population rurale n'a pas accès à l'eau potable, 35 % à l'électricité. Comment réaliser dans ces conditions l'objectif, fixé par le Grenelle I, d'égal accès de tous les citoyens à ces énergies ?

Des adaptations réglementaires, financières, fiscales, incitatives, techniques sont non seulement nécessaires mais urgentes.

Or, au nom de ces adaptations, nos régions sont bien souvent reléguées in fine dans ce sempiternel et symbolique dernier article des textes de loi qui renvoie à l'article 38 de la Constitution. Et ces adaptations se font attendre parfois des décennies. C'est ainsi que depuis neuf ans, la Guyane attend la sortie des décrets d'application de l'article 20 de la loi du 13 décembre 2000, qui doit donner un statut à ses fleuves et à ses piroguiers.

Mais ici, la commission des affaires économiques ayant supprimé l'article 104 du texte d'origine du Gouvernement, il ne nous reste même pas ce recours. Presque tous les articles sont donc censés s'appliquer tels quels. Est-ce concevable ?

Ma déception, partagée par mes collègues ultramarins, est à la hauteur de nos premiers espoirs. Nous avions salué le Grenelle, malgré ses insuffisances, car il portait l'esprit d'une nouvelle gouvernance face à des enjeux sur lesquels nos régions avaient une carte à jouer. Mais face à ce projet portant « engagement national » pour l'environnement, nous avons le sentiment de n'être pas compris dans le mot « national ». Quid des propositions du Grenelle de l'environnement, du Grenelle de la mer ?

Sur un enjeu commun, qui dépasse les frontières, n'était-il pas possible de proposer dans le même texte, pour l'outre-mer et l'hexagone, tout en respectant les différences à prendre en compte, tous les instruments de la boîte à outils ?

Vous comprendrez que nous insisterons sur nos propositions d'amendement. Car cette traduction normative des orientations du Grenelle I a pour les Outremers comme pour la métropole, le double défaut d'être à la fois partielle et partiale : l'ambition s'amenuise ; entre les exigences écologiques, les impératifs économiques et le pouvoir financier de certains lobbies, les arbitrages ultimes déplacent étrangement les curseurs.

Ce qui frappe, pour l'outre-mer, c'est le caractère inopérant d'une bonne partie des dispositions de ce texte pour des territoires qui comptent, comme la Guyane, 7,5 millions d'hectares de forêt contribuant à plus de 20 % de l'inventaire national de CO2, ou qui totalisent, dans leur ensemble, 10 millions de kilomètres de façade maritime, la deuxième du monde.

Ceux qui ont de près ou de loin suivi les travaux de la mission commune d'information sur les départements d'outre-mer ne me contrediront pas : cette loi en tant que telle ne conduira nullement les collectivités territoriales ultramarines déjà exsangues à réaliser les objectifs affichés. Au contraire, leurs finances seront étranglées sous la pression de réglementations qui leur paraîtront coercitives et injustes, alors que nul ne peut remettre en cause le bien-fondé des buts poursuivis.

Trois questions cruciales se posent à nos territoires, monsieur le ministre. Nous attendons d'autant plus anxieusement vos réponses que l'article 40 bride notre capacité de proposition.

Comment accompagnerez-vous les collectivités territoriales d'outre-mer afin de juguler les retards en matière d'infrastructures, pré-requis indispensables au respect des échéances européennes en matière de transposition ?

Hors directives européennes, quels moyens sont mobilisés dans le domaine du transport et du désenclavement, en particulier via la multimodalité, qui englobe d'autres contenus qu'en métropole ? Quels moyens pour la réparation écologique et sanitaire des dégâts de l'orpaillage sur la santé et l'environnement ? Quelle traduction financière du puits carbone pour les territoires, au-delà de la taxe ? Quels moyens pour la protection de la biodiversité et des ressources génétiques contre le pillage légal par des grands groupes pharmaceutiques ou industriels ? Comment prévoit-on de régler, entre autres, la question des brevets sur les ressources génétiques ? Quid du logement social, même si nous approuvons les exigences nouvelles de performance énergétique : eu égard à la situation des bailleurs sociaux, saura-t-on concilier les coûts des améliorations qualitatives et ceux de la nécessaire construction de masse ? Saura-t-on concilier la mise en oeuvre de techniques adaptées aux territoires avec celles de normes parfois absurdes dont nous attendons toujours les fameuses adaptations ? Quid de la coopération régionale, par exemple sur la structuration des filières de recyclage et de valorisation des déchets ?

Dernière question, celle de la gouvernance : nos régions sont exhortées à prendre en main leur développement endogène, mais les schémas, plans, projets, normes imposés sans concertation découragent les initiatives. Quelle perspective de collaboration intelligente pouvons-nous espérer entre l'État, les collectivités territoriales et les acteurs de la société civile, sur ces questions qui engagent l'avenir de nos territoires ? (Applaudissements à gauche)

M. Roland Ries.  - A l'occasion des débats du premier volet législatif du Grenelle de l'environnement, j'avais salué les objectifs que nous avons depuis gravés dans le marbre de la loi en matière de transports, comme celui de réduire de 20 % d'ici 2020 les émissions de gaz à effet de serre, de promouvoir le transfert modal de la route vers les autres modes de transport ou encore de donner aux autorités organisatrices de transport la possibilité de définir une politique globale de mobilité durable. Je n'avais cependant pas manqué de souligner que si les lettres étaient belles, les chiffres, eux, peinaient à suivre. Le groupe socialiste attendait beaucoup du projet de loi que nous examinons aujourd'hui.

Sur les sept articles qui forment son titre II, plusieurs dispositions constituent des avancées. J'en vois principalement trois.

La première porte sur l'évolution des compétences des autorités organisatrices de transport (AOT) : les dispositions de l'article 16 devraient en effet permettre une meilleure articulation des compétences transports, urbanisme et voirie sur les territoires des EPCI dotés de plans de déplacement urbains et faciliter le développement du vélo en libre-service.

Je salue de même la reprise de ma proposition de loi tendant à promouvoir l'activité d'auto-partage. Le développement de cette activité va indiscutablement dans le sens de l'intérêt général, dans la mesure où elle contribue à réduire la pollution automobile, à améliorer la fluidité des circulations sur la voirie et à diminuer l'espace urbain consacré au stationnement, permettant ainsi la reconquête d'une qualité urbaine que l'omniprésence automobile avait détériorée.

Troisième avancée, la possibilité qui sera donnée aux AOT d'instituer une taxe forfaitaire sur le produit de la valorisation des terrains et des immeubles bâtis en vue de la réalisation d'infrastructures de transports collectifs en site propre (TCSP). C'est là un moyen pour les collectivités territoriales de trouver d'autres sources de financement au vu, d'une part, de l'immensité des investissements qu'elles devront réaliser à l'horizon de la prochaine décennie et, d'autre part, d'une participation de l'État en deçà de ses engagements initiaux -l'aide de 4 milliards d'euros promise par le Président de la République, destinée à mettre en place 1 500 kilomètres de lignes nouvelles de TCSP hors Ile-de-France d'ici à 2020, a été réduite ensuite à 2,5 milliards, dont 800 millions effectivement programmés à ce jour par la loi de finance 2009-2011 dans le cadre du premier appel à projets. Au regard de ces chiffres, le texte qui nous est soumis est-il de nature à répondre aux défis gigantesques auxquels nous sommes confrontés ? Je rappelle qu'il faut 4 milliards d'euros pour permettre la remise à niveau du réseau ferré national ; de 4 à 5,5 milliards d'ici à 2020 pour aménager les grandes gares en régions et 4,5 milliards pour l'Ile-de-France, comme l'a suggéré ma collègue Fabienne Keller dans son rapport au Premier ministre. A quoi s'ajoutent plus de 40 milliards pour les TCSP, dont 26 pour l'Ile-de-France à l'horizon 2020 ; environ 10 milliards d'euros à l'horizon 2015 à la charge des collectivités pour la mise en accessibilité des véhicules et des infrastructures terrestres de transports publics, comme le prévoit la loi de 2005 ; sans oublier le financement du matériel roulant nécessaire à l'accroissement de la capacité des réseaux de transport urbains. Je suis au regret de dire, monsieur le ministre, que le projet de loi que vous soumettez à la représentation nationale n'est pas à la hauteur de ces enjeux.

Nous aurons également à discuter de mesures essentiellement techniques qui ne suscitent pas, chez nous, une hostilité de principe : nos amendements sont destinés à les améliorer, je pense notamment à la dépénalisation et la décentralisation du stationnement, ou encore à la possibilité d'expérimenter le péage urbain. M. le rapporteur du volet transport, dont je salue au passage le travail, n'a lui-même pas manqué de souligner dans son rapport que le texte n'allait pas assez loin, « tout particulièrement en matière de financement ». Doux euphémisme en vérité : non seulement le Gouvernement se refuse à donner aux AOT les moyens nécessaires à favoriser le report modal mais il laisse planer le doute quant à la pérennité de leurs ressources -je pense aux incertitudes qui pèsent actuellement sur le versement transport, pourtant l'une des principales recettes pour financer les investissements.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste dénonce le manque d'ambition du volet transport de ce texte et exprime ses plus vives réticences pour un projet de loi très en deçà de ce que nous attendions. (Applaudissements à gauche)

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Avant tout, je souhaite remercier pour leur contribution l'ensemble des rapporteurs, et en particulier M. Braye, chargé du titre premier.

Sur ce titre, le travail en commission a été fécond et il a permis d'aboutir à un équilibre satisfaisant entre le texte du Gouvernement et les desiderata des sénateurs. Le Grenelle II apporte des avancées majeures en termes d'urbanisme. Après consultation, nous avons choisi de « verdir » et de simplifier l'ensemble des documents d'urbanisme. Les verdir, c'est leur permettre d'intégrer les enjeux de développement durable et de définir un projet transversal, intégrant tous les problèmes urbains. Les simplifier, c'est accélérer la réalisation des projets qui permettront de construire la ville durable tout en répondant aux besoins en logements de nos concitoyens. Les quatre ordonnances du Gouvernement procèderont à cette simplification. Ancien parlementaire et élu local, je veillerai à ce que les parlementaires soient associés à leur rédaction.

Monsieur Soulage et Madame Lamure, le Grenelle ne stérilise pas le milieu rural. Notre volonté est de le développer : les mesures limitant la consommation foncière débridée permettront de préserver des terres et des exploitations agricoles qui, sinon, pourraient être morcelées et réduites en deçà d'un seuil économiquement viable. Le Grenelle n'interdit pas non plus la construction en milieu rural ; comme en milieu urbain, cette construction doit se faire en maîtrisant le niveau de consommation foncière et en associant au mieux politiques de déplacements et de logement.

A M. de Legge qui m'a interpellé sur l'économie des sols et le danger supposé que représenterait une sauvegarde des territoires, je rappelle que le Scot reste une orientation et non un élément normatif qui gèlerait une situation. Nous sommes attentifs à la protection des espaces agricoles, enjeu partagé que les documents de planification prendront mieux en compte, en mettant en avance une gestion économe du foncier. Enfin, je voudrais revenir sur la notion de densité que vous brocardez comme un élément de déséquilibre social. Il ne faut pas confondre densification et dévalorisation. Par exemple, la densité du VIe arrondissement de Paris ne dévalorise pas ce quartier.

Mme Bricq et MM. Raoul et Guillaume se sont inquiétés du financement de nos objectifs. Nous disposons des outils financiers nécessaires : pour les particuliers, l'éco-prêt à taux zéro et le crédit d'impôt ; pour les bailleurs sociaux, l'exonération de la TFPB, l'éco-prêt à 1,9 % de la Caisse des dépôts et consignations ; pour les collectivités territoriales, des contrats de performances énergétiques facilités, la possibilité de produire de l'électricité à partir de sources renouvelables.

Ce Grenelle II comporte de nombreuses avancées décisives en matière d'économies d'énergie : un diagnostic de performance énergétique (DPE) généralisé, notamment dans les copropriétés ; un affichage de la performance énergétique dans les annonces immobilières -c'est une garantie pour l'acquéreur ; une amélioration du processus de construction, permettant de vérifier, à chaque étape, que la réglementation thermique est prise en compte ; une adaptation des règles applicables aux copropriétés afin de faciliter la réalisation des travaux d'économie d'énergie

Je partage, monsieur Biwer, votre souci d'améliorer la fiabilité du diagnostic de performance énergétique, essentiel à l'information des propriétaires et locataires. Un DPE coûte 150 euros, un diagnostic thermique 1 500 euros !

M. Ambroise Dupont, rapporteur de la commission de la culture, a bien sûr évoqué l'article 14 et l'avis, conforme ou non, des architectes des Bâtiments de France sur les opérations en ZPPAUP. Un débat passionné avait déjà eu lieu lors de l'examen du Grenelle I. Nous n'entendons pas discréditer la profession des architectes des Bâtiments de France, dont l'expertise est indispensable, mais il faut éviter des blocages parfois arbitraires et les dialogues de sourds. Nous en discuterons avec le ministère de la culture et la commission qu'il installera reprendra sereinement le sujet et donnera un véritable chef à ces architectes, avec voie de recours.

Vous nous avez interpellés, madame Didier, sur l'amendement de suppression de l'article 2 ter. Le Gouvernement ne veut pas que les locataires subissent des hausses de loyers ; c'est pourquoi il soutiendra la suppression de cet article. En revanche, il est logique que les locataires reversent une partie des économies d'énergie réalisés à la suite des travaux financés par le propriétaire. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Valérie Létard, secrétaire d'État en charge des technologies vertes et des négociations sur le climat.  - Cette discussion a été riche de propositions qui viendront utilement nourrir le débat à venir. Votre implication, sur tous les bancs, prouve à quel point les objectifs du Grenelle de l'environnement sont désormais complètement partagés et il est désormais urgent de se concentrer sur le « comment faire ».

Sur le titre VI, traitant de la gouvernance, partie du texte que je défendrai, vous avez, monsieur le Rapporteur, choisi le pragmatisme et la simplification. Je salue ce travail d'harmonisation et de cohérence et les nombreuses améliorations apportées au texte initial à votre initiative. Je pense notamment à l'introduction systématique dans les rapports annuels des critères environnementaux retenus dans les choix d'investissement des Sicav ou des sociétés de gestion de portefeuilles. Je pense aussi à la normalisation de la présentation des informations sociales et environnementales fournies par les entreprises dans leur rapport de gestion de façon à permettre des comparaisons intersectorielles, tant au niveau français qu'européen ou international, au fur et à mesure que les normes progresseront. L'objectif est de donner, à terme, aux informations environnementales et sociales la même place qu'aux informations financières. Je ne pense pas, monsieur Raoul, qu'il soit possible ou souhaitable d'aller, pour l'instant, plus loin dans la contrainte mais nous serons attentifs à l'amélioration de la qualité des informations fournies et à leur utilisation par les entreprises elles-mêmes.

Le même souci d'efficacité a guidé la commission économique lorsqu'elle a transformé la faculté d'exécution directe par la société mère des obligations de prévention ou de réparation incombant à l'une de ses filiales par une faculté de prise en charge financière. A cet égard, j'ai bien noté, monsieur le rapporteur de la commission des lois, vos propositions pour améliorer la sécurisation de cet important dispositif. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours du débat compte tenu de la complexité de ces questions.

Votre commission a approuvé les dispositions prévues par le Gouvernement pour l'affichage progressif à partir de 2011 d'un prix carbone des produits, tout au long de leur cycle de vie, C'est essentiel pour aller progressivement vers une économie de plus en plus décarbonée car le consommateur va pouvoir influer sur l'économie par ses choix. Cependant, je ne pense pas, madame Didier, que tout repose sur le consommateur : de nombreuses dispositions du texte visent à obliger les producteurs à réduire leurs émissions.

Le titre VI comporte une réforme en profondeur des études d'impact et des enquêtes publiques, certes afin de nous mettre en conformité avec nos obligations européennes mais aussi pour rendre les procédures plus transparentes. L'examen au cas par cas apporte une plus grande flexibilité, l'évaluation ne sera pas systématique pour les projets de faible ampleur mais un filet de sécurité est maintenu. La procédure de cadrage adoptée par votre commission est une sécurité supplémentaire pour les porteurs de projets et les élus locaux que nous sommes en comprennent toute l'importance !

Deux types d'enquête publique se substituent aux 180 catégories actuelles. Toutes vos propositions pour réduire les délais et introduire plus de cohérence seront bienvenues. Une enquête complémentaire pourra être conduite en cas de projets modificatifs. Les procédures multiples laissent place à une enquête unique, plus claire pour nos concitoyens. Les modifications de la commission vont dans le sens d'une plus grande simplicité et d'une plus grande transparence.

Concernant l'information et la concertation, notre objectif est de parvenir, grâce à la concertation avec tous les acteurs du Grenelle, aux solutions les plus équilibrées ; nous progressons vers la démocratie écologique. Je me félicite de toutes les avancées réalisées en commission. Je suis sensible aux clarifications, concernant par exemple les « associations représentatives » ou les rapports sur le développement durable que devront établir les collectivités avant leur débat budgétaire. Le débat en séance publique est l'occasion d'une utile confrontation des points de vue. La discussion générale a été particulièrement intéressante et constructive et je ne doute pas que la discussion des articles améliorera encore le texte. Nous disposerons alors d'instruments efficaces pour le développement durable. (Applaudissements à droite)

Mme Chantal Jouanno, secrétaire d'État chargée de l'écologie.  - M. Borloo et moi-même avons été retenus par une audition de l'Assemblée nationale sur la taxe carbone, c'est pourquoi nous n'avons pu assister à l'ensemble de la discussion générale. Je le regrette ! Sur le titre III, je félicite de sa contribution le rapporteur M. Bruno Sido. M. Tropeano a évoqué l'éolien. Le Grenelle I prescrit d'améliorer la planification territoriale. Les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie comporteront ainsi un volet « énergie renouvelable ». Inévitablement, les parcs éoliens seront regroupés, pour éviter le mitage. M. Daniel Raoul dit que les panneaux photovoltaïques ont un bilan carbone négatif mais il est positif si la durée d'exploitation est comprise entre six mois et deux ans.

Sur le titre IV, je remercie M. Sido et partage son engagement en faveur de la biodiversité. Votre commission a fourni un travail important sur cette question. Les avancées, en matière agricole, se situent parfaitement dans l'esprit du Grenelle. Je songe à la réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires. Sur l'agriculture biologique, il était important de donner des assurances à la filière bio sur la compensation lors d'opérations d'aménagement foncier. Mme Evelyne Didier a souligné le risque de confusion qui pourrait s'instaurer entre la certification haute valeur environnementale et le bio. J'en suis consciente. Nous serons vigilants sur l'attribution de ce label.

Monsieur Soulage, nous ne sommes pas opposés à la création de retenues collinaires ou de barrages en cas de vrais conflits d'usage et de ressource insuffisante. Ces créations doivent être économiquement viables. Et chaque bénéficiaire de la ressource doit contribuer au fonctionnement des ouvrages.

Mme Herviaux souhaite encadrer plus fortement l'utilisation de produits phytopharmaceutiques dans des zones non agricoles -en particulier par les « jardiniers du dimanche ». Nous souscrivons pleinement à cette préoccupation et des travaux sont en cours, avec les ONG et les professionnels, pour mettre au point un arrêté d'encadrement pour les lieux fréquentés par le public. Monsieur Muller, vous déplorez un manque d'avancées sur le modèle agricole français. Mais le Grenelle I a fixé les objectifs en matière de réduction de l'utilisation d'intrants et de développement de l'agriculture biologique. Nous ne promouvons nullement l'utilisation des pesticides par la publicité ! Mais je suis à l'écoute des propositions qui pourront être faites par votre assemblée.

Je vous remercie, monsieur Gilles, de soutenir la trame verte et bleue et d'insister sur son rôle économique, social, et même sanitaire. Quant au Grenelle de la mer, ce projet de loi inclut les premières dispositions, celles liées au cadre européen ; les comités opérationnels commenceront leurs travaux.

Je l'admets, monsieur Soulage, la concertation au sujet de la trame bleue et de la trame verte est une des clefs de leur réussite. Le projet précise les modalités d'intervention de chacun. Je souligne que l'opposabilité ne vaudra que pour les infrastructures nationales ; pour les infrastructures locales, il s'agira d'une prise en compte. Enfin, monsieur Biwer, soyez rassuré, les trames ne sont pas incompatibles avec une agriculture respectueuse de l'environnement !

Sur la santé environnementale, je remercie le rapporteur M. Louis Nègre d'avoir inscrit dans ce texte les conclusions de la table ronde « radio, fréquences, santé, environnement ». C'est un sujet scientifiquement complexe, qui suscite de fortes craintes parmi nos concitoyens. Votre commission a pris en compte ces éléments en interdisant la publicité sur les terminaux pour les enfants de moins de 14 ans et en interdisant l'utilisation des téléphones portables au collège.

Sur les déchets, je remercie M. le rapporteur Braye pour son engagement, qui ne s'est pas démenti depuis les discussions du comité opérationnel « déchets ». Je suis comme lui convaincue qu'il faut se méfier des modes : il n'existe pas une solution unique ! Nos objectifs ont été fixés dans le Grenelle I, il n'y a pas lieu de revenir dessus. Ils sont ambitieux mais réalistes. Monsieur le sénateur Antoinette, certes, la loi Grenelle II ne comporte pas de dispositions spécifiques à l'outre-mer. Néanmoins, le plan de soutien de l'Ademe, issu du Grenelle, prévoit des dispositifs renforcés pour l'outre-mer car, sans l'outre-mer, la France ne serait pas un des premiers exemples mondiaux pour la biodiversité.

Concernant la réforme de l'affichage publicitaire, je remercie M. Ambroise Dupont pour l'ensemble de ses travaux, sur un sujet non consensuel... Les maires seront responsables de la police de l'affichage, la publicité hors agglomération sera limitée, les sanctions renforcées. Nous restons disponibles pour progresser sur tous ces sujets. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État.  - Sur le transport et la mobilité, le projet de loi apporte des outils de gouvernance et de cohérence -les outils financiers sont déjà en place. Une mesure introduite par la commission aura un impact financier considérable : il s'agit de la taxe sur les plus-values immobilières issues de la construction d'une infrastructure de transport et de communication. C'est une avancée majeure. Du reste, c'est déjà le Sénat qui, grande première !, avait instauré un partage de la plus-value en cas de décision administrative rendant un terrain constructible. Cela rompait avec la tradition française qui réservait le bénéfice de la plus-value au seul propriétaire. Votre mesure est cette fois plus spectaculaire encore et elle aura des répercussions importantes, par exemple dans le cadre du grand Paris, mais plus largement sur tout le territoire national.

Ma deuxième observation sera pour vous remercier d'avoir estimé que les questions d'organisation étaient réglées, si bien que nous pourrions passer de la gestion à la génération des flux. A l'inverse, je pensais que M. Ries se serait réjoui d'une signature récente permettant de réaliser la ligne à grande vitesse Est jusqu'à notre bonne capitale européenne. Il ne s'agit pas d'opposer les collectivités territoriales à l'État : les engagements ont été tenus par tous et rien ne peut réussir sans collaboration des institutions. (M. Jean-Pierre Bel est d'un avis mitigé)

Le président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart) ne peut que se féliciter du fait que l'offre de transport en site propre ait plus que doublé en trois ans. En effet, il a été décidé de réaliser 400 kilomètres dans 38 agglomérations, notamment grâce aux 800 millions d'euros versés par l'État conformément aux engagements pris.

La troisième observation porte sur la contribution climat-énergie. Monsieur Muller, on ne peut avoir soutenu cette contribution dans la rédaction du Sénat, puis condamner un dispositif strictement conforme à cette rédaction, qui institue la taxation progressive et douce des énergies fossiles et qui organise la restitution intégrale de cette contribution aux ménages, tout en préservant la compétitivité des entreprises. On peut certes discuter le rythme, l'asymptote ou l'exponentialité de la courbe, mais chercher à avoir raison contre tout le monde expose à l'isolement. Nous sommes tous attachés à cette mutation ; toutefois, ce changement est difficile.

Je suis frappé par la densité du texte examiné au cours de cette première lecture, impressionnante ! Le travail réalisé par votre commission aboutit à des mesures raisonnables.

Je conclurai avec l'outre-mer. Monsieur Antoinette, ce sujet a été extrêmement étudié dans le Grenelle I. A mes yeux, il est crucial. Le dispositif décidé est opérationnel à la Réunion et à Kaw, en Guyane, il va l'être après l'accord d'il y a quelques jours avec le Président Lula pour installer l'Université de la biodiversité à la frontière entre la France et le Brésil. Le Grenelle de la mer n'a certes pas sa place dans ce texte, et pour cause, mais n'oubliez pas qu'il prévoit « l'archipel France » et qu'il proposera d'installer outre-mer des moyens institutionnels et budgétaires nouveaux. Ce sujet est vital pour la biodiversité, pour montrer notre capacité à évoluer vers les énergies renouvelables et à gérer autrement les fonds coralliens et la ressource halieutique. Nous serons toujours à vos côtés pour soutenir ce développement. N'ayez aucun doute !

En considérant le travail de votre commission, qui a examiné plus de 1 000 amendements, aucun de nous ne regrette d'avoir commencé la discussion du texte par le Sénat. (Applaudissements à droite)