Débat général sur les recettes des collectivités territoriales et la suppression de la taxe professionnelle

M. le président.  - Comme l'a décidé la Conférence des Présidents, nous abordons l'examen par priorité des dispositions relatives aux collectivités locales, et notamment l'article 2 relatif à la suppression de la taxe professionnelle.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - Je souhaite présenter au Sénat le dispositif que propose en première partie la commission, avant de lui livrer quelques éléments de réflexion pour préparer l'examen de la seconde. Dans la mesure où nous avons procédé à une réécriture de l'article, les contributions des collègues et des groupes devront se traduire par des sous-amendements. Notre rédaction ne fait que 35 pages, contre les 135 du texte issu de l'Assemblée nationale ; c'est dire que nous avançons prudemment.

Nous préconisons d'abord de créer un montant minimum de cotisation sur la valeur ajoutée, soit 250 euros, qui serait acquitté par toutes les entreprises du barème, soit à partir de 500 000 euros de chiffre d'affaires. Nous n'avons pas proposé de modifier le barème, même s'il est imparfait, estimant que nous devions pour cette année nous donner des objectifs réalistes.

Nous proposons ensuite de modifier, pour les entreprises disposant de plusieurs établissements, le critère de ventilation de la valeur ajoutée dite territorialisée, pour accorder une prime aux communes qui accueillent des établissements industriels, tout en remédiant aux déséquilibres qu'engendrait le texte de l'Assemblée nationale.

Nous proposons de retenir, pour l'ensemble des entreprises, un plafonnement de la valeur ajoutée taxable à 80 % du chiffre d'affaires afin de réduire le nombre des entreprises perdantes, notamment dans le secteur des services. Nous avons également prévu des dispositions diverses au titre de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau, éoliennes, centres de stockage de déchets radioactifs ou unités de production électrique.

Quant aux effets de la réforme pour les collectivités territoriales, nous proposons que la compensation versée en 2010 soit le produit des bases de la taxe professionnelle 2010 multipliées par le taux voté en 2009, et non plus en 2008, sans que ce taux puisse dépasser de plus de 3 % celui voté l'année d'avant...

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - ...afin d'éviter de retenir des références non significatives ou de récompenser des comportements que nous pourrions considérer comme peu vertueux. Nous proposons également d'appliquer en 2010 au vote de la cotisation foncière par les communes et intercommunalités les règles existantes -en d'autres termes de maintenir les règles de déliaison votées au Sénat ces dernières années dans le régime transitoire.

Nous estimons que le régime transitoire doit être à droit constant : rien ne justifie que la cotisation foncière des entreprises échappe aux règles de l'ex-taxe professionnelle. Dans le même esprit, nous proposerons de geler le fonctionnement des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.

S'agissant de la deuxième partie de la loi de finances, nous avons déjà pris une orientation pour le calcul des cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises.

Le projet initial du Gouvernement comportait une clé de répartition macro-économique, reprenant une logique de dotation. Les cotisations auraient été calculées au niveau de l'entreprise -et non au niveau des différents établissements- et leur produit aurait été réparti entre les collectivités territoriales.

L'Assemblée nationale a mis en cause ces constructions, contre l'avis du Gouvernement dont je salue au passage l'ouverture d'esprit. Les députés ont renversé la perspective pour combiner un barème progressif national et une détermination communale de l'assiette en fonction des effectifs et des locaux. Ce système a le mérite de la clarté mais il présente les inconvénients induits par la concentration des bases sur certaines parties du territoire. Particulièrement propice à l'autonomie financière des collectivités territoriales, voire demain à leur autonomie fiscale, ce montage a l'inconvénient d'imposer un système complexe de péréquation.

Voulant concilier les avantages des deux dispositifs, votre commission des finances propose d'attribuer un impôt territorial aux communes et à leurs groupements mais de mutualiser les ressources départementales et régionales.

En effet, les communes sont les collectivités les plus proches des entreprises, notamment pour ce qui est des bénéfices, mais aussi des contraintes, des charges, voire des nuisances subies. La territorialisation de leurs recettes est la formule la plus motivante afin que les élus de terrain continuent à se battre pour accueillir des entreprises.

En revanche, nous préférons mutualiser les ressources des départements et des régions, la stabilité des ressources revêtant une importance primordiale pour ces collectivités. Le dispositif n'est pas encore finalisé mais la commission des finances estime que les recettes des départements devraient être partiellement assises sur la valeur ajoutée des entreprises concernées par cette cotisation et implantées sur le territoire, le reste provenant de l'ensemble de la valeur ajoutée au plan national. En effet, l'excellent professeur Fréville nous a fait constater qu'un département avec un grand nombre de PME n'aurait que peu de ressources territorialisées par rapport à celles obtenues avec un faible nombre de grandes entreprises. Il y a d'autres aspects, que nous n'avons pas encore traités. Il nous faut finaliser le dispositif et les quelques jours dont nous disposerons ne seront pas inutiles.

Je me bornerai aujourd'hui à la répartition des nouvelles cotisations entre les niveaux de collectivités territoriales.

En 2008, la taxe professionnelle a rapporté 29 milliards d'euros, dont 59 % sont allés au bloc communal. D'après le texte de l'Assemblée nationale, le montant prévisionnel des trois nouveaux impôts économiques atteindrait 18,6 milliards d'euros en 2010, dont 47,2 % seraient attribués au bloc communal. Alors que les départements ont perçu 30,8 % de la taxe professionnelle collectée, ils recevraient 33,7 % des nouvelles cotisations en 2010. Enfin, la part des régions passerait de 10,6 % à 19,1 %.

Faut-il maintenir ce dispositif ? La commission en débat. (M. Jean Arthuis, président de la commission, confirme) A titre personnel, j'estime plus logique et plus conservateur, à compétences inchangées, de ne pas changer la structure des recettes et donc de maintenir les pourcentages actuels.

M. Adrien Gouteyron.  - C'est l'idéal !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - C'est peut-être arbitraire, mais rien n'empêcherait de revenir ultérieurement sur ce choix. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial de la commission des finances.  - Ce débat traditionnel prend un relief particulier avec la suppression de la taxe professionnelle, la réforme des collectivités territoriales et la révision des valeurs locatives. Fort heureusement, ces chantiers considérables n'entrent pas tous dans le projet de loi de finances mais le débat d'aujourd'hui est déterminant pour connaître parfaitement l'évolution des dotations de l'État. A cet égard, 2010 sera une année de transition. Le Parlement, a fortiori le Sénat, devra prendre toute sa place et rassurer les élus locaux.

Je commencerai pas un rappel général des dispositions relatives aux finances locales dans le projet de budget pour 2010.

A périmètre constant, l'effort financier total de l'État en faveur des collectivités atteindra 97,5 millions d'euros en 2010, contre 96 milliards en 2009. Cette somme inclut les dotations, les prélèvements sur recettes, la dotation transférée, les dégrèvements d'impôts et les diverses subventions ministérielles. J'aurai l'honneur de rapporter en seconde partie la mission Relations avec les collectivités territoriales, dont les crédits s'élèvent à 2,5 milliards d'euros. Le débat d'aujourd'hui constitue donc le moment privilégié de se faire une idée globale des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales. Pour le reste, je vous invite à consulter l'excellent jaune budgétaire Effort financier de l'État en faveur des collectivités territoriales.

Cette année, la suppression de la taxe professionnelle conduit à présenter une vision à périmètre constant et une évaluation prenant en compte l'incidence de cette réforme. Ainsi, le budget de l'État devra financer en 2010 presque 32 milliards d'euros au titre de la compensation relais, en sus des 97,5 milliards que j'ai mentionnés. Avec la disparition des 3 milliards de dégrèvements de taxe professionnelle, l'effort financier consolidé en direction des collectivités territoriales atteindra 126,8 milliards d'euros.

J'en viens aux faits marquants de ce projet budgétaire pour les collectivités territoriales.

D'abord, les dotations dites « sous enveloppe » progresseront de 1,2 % en 2010, soit le taux de l'inflation prévisionnelle. Ce rythme est comparable à celui des dépenses de l'État hors plan de relance. Les transferts financiers aux collectivités territoriales s'inscrivent donc dans le redressement des finances publiques.

Parmi ces concours financiers, la dotation globale de financement évoluera deux fois plus lentement, soit une hausse de 0,6 %, comme pour l'ensemble des prélèvements sur recettes.

Mais le nouvel impact du recensement et de l'évolution de l'intercommunalité doit être soustrait de cette variation. En conséquence, le complément de garantie des communes, qui représente environ 22 % de la DGF des communes, baissera de 2 % en 2010 et non, comme prévu par le Gouvernement, de 3,5 %. Cette réduction permettra néanmoins de dégager 131 millions en faveur de la péréquation. Compte tenu de cette modification apportée par les députés, les variables d'ajustement dans la dotation forfaitaire baisseraient de 6,8 %, et non de 3,6 %. Il faut donc s'attendre à une faible progression, voire une baisse de la DGF pour de nombreuses collectivités.

Le fonds de compensation de la TVA augmentera de 6,4 % par rapport à 2009. Son versement anticipé, décidé en 2009 dans le cadre du plan de relance, est un succès : les 20 000 conventions ont permis de verser 3,8 milliards de compensations supplémentaires en 2009 pour une commande publique de 55 milliards. Certaines collectivités ne pouvant pas payer leurs dépenses avant le 31 décembre 2009, le Gouvernement a accepté que l'on prenne en compte non seulement les paiements effectifs mais aussi les engagements de dépenses. Il faut maintenant traduire cette avancée significative dans le projet de loi, plusieurs amendements ont été déposés en ce sens. Lors du congrès des maires, le Premier ministre a également proposé de prolonger le versement anticipé du FCTVA en 2010 et le groupe UMP a proposé un amendement sur ce point qui constitue une bonne nouvelle pour les collectivités dans cette période de morosité.

La péréquation, érigée par la révision constitutionnelle de 2003 au rang d'objectif à valeur constitutionnelle, est particulièrement importante pour l'équilibre budgétaire des collectivités les plus fragiles dans ce contexte budgétaire tendu. La majoration de la dotation de solidarité urbaine de 70 millions en 2010, votée à l'Assemblée nationale, va dans le bon sens. Elle entraînera, si le comité des finances locales reste fidèle à sa doctrine de liaison entre les taux de la DSU et de la dotation de solidarité rurale, une progression de la DSR identique de 6 %. La péréquation départementale, réformée en 2005, ne profite pas suffisamment aux départements historiquement éligibles, les plus en difficulté...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Faux !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - ...dont la dotation stagne. Cette situation est préoccupante en période de crise...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Certainement pas ! Cette espèce de rente est scandaleuse !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Je plaide donc pour la reprise de l'évolution de cette dotation pour 2010. J'en viens à la péréquation régionale, sujette à débat l'an dernier. Mon rapport a permis d'en dresser un bilan nuancé : si sa performance est satisfaisante au regard des sommes engagées -3,15 % de la DGF régionale-, il faut corriger certains dysfonctionnements pour mieux prendre en compte la réalité des territoires, en rapprochant notamment les critères d'éligibilité des règles de calcul de la répartition des dotations. L'amendement adopté par la commission des finances mérite d'être affiné. Le Gouvernement souhaite-t-il remédier à ces imperfections, parfois fatales aux régions les plus fragiles ?

Concernant la taxe carbone, les élus s'inquiétant de l'absence de contrepartie aux collectivités (Mme Nicole Bricq s'exclame), j'ai alerté le Gouvernement avec quelques collègues. Le Premier ministre, à l'occasion du congrès des maires, a proposé la création d'un fonds placé auprès de l'Ademe, dont le montant correspondra à la taxe carbone versée par les collectivités et qui contribuera au financement de leurs investissements en économies d'énergie. Cette proposition accélérera la mise aux normes énergétiques du patrimoine immobilier des collectivités. Comment le Gouvernement compte-t-il traduire cet engagement dans ce texte ?

Je souscris aux propositions du rapporteur concernant la réforme de la taxe professionnelle. Le calendrier proposé a déjà fait couler beaucoup d'encre : nous sommes, en effet, quelques-uns à penser que le débat ne saurait être figé avant que les compétences des collectivités soient définies. Notre rapporteur général a entendu le message et propose un nouveau rendez-vous législatif en 2010.

M. Pierre Hérisson.  - Très bien !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Le Sénat doit apaiser les légitimes inquiétudes des élus ; le rapporteur général l'a, d'ailleurs, reconnu. Le travail de notre commission des finances va dans ce sens. (M. Jean Arthuis, président de la commission, acquiesce) Le principe d'une mutualisation des recettes sur le bloc départements et régions avec des critères physiques de répartition est péréquateur, j'y suis favorable. La territorialisation des recettes sur le bloc communal renforce le lien entre l'économie et le territoire, j'y suis favorable. Je veux, néanmoins, insister sur trois points. Tout d'abord, la nécessaire affectation d'une fraction plus importante de la cotisation sur la valeur ajoutée au bénéfice du bloc communal. Pas moins de 90 % des recettes fiscales des EPCI à taxe professionnelle unique proviennent de la taxe professionnelle. Ensuite, le dispositif actuel, concernant la contribution sur la valeur ajoutée affectée au bloc communal, pénalise fortement les territoires ruraux. Répartir la cotisation sur la valeur ajoutée sur la base d'un taux unique prenant en compte la valeur ajoutée de toutes les entreprises du territoire serait donc plus juste.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - J'ai déposé un amendement en ce sens !

M. Pierre Jarlier, rapporteur spécial.  - Enfin, cette réforme ne doit pas sanctuariser les inégalités avec une compensation pérennisée. Saisissons-nous de cette occasion pour mieux répartir les fruits de ce nouvel impôt. Le Premier ministre s'est montré sensible à la proposition, faite par la commission Belot et soutenue par les députés Balligand et Laffineur, d'un fonds de péréquation alimenté par une fraction du produit de la future contribution sur la valeur ajoutée.

Puissions-nous trouver un consensus pour faire de ce texte, qui crée des tensions quand nous avons plus que jamais besoin d'une grande cohésion territoriale, une loi d'apaisement qui réaffirme l'administration décentralisée de notre territoire et l'autonomie fiscale de nos collectivités ! (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 20 h 25.

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance reprend à 22 h 15.

M. Jean Arthuis, président de la commission de la commission des finances.  - La réforme de l'impôt local prélevé sur le secteur économique n'est pas un sujet anodin mais bien un acte majeur pour redonner de la compétitivité aux entreprises. La commission des finances a joué son rôle pour défricher ce sujet en y associant la délégation aux collectivités locales ainsi que la mission présidée par Claude Belot. Je souhaite que notre débat facilite la compréhension de ce sujet dense et complexe.

Je ne reviens pas sur l'opportunité de cette réforme pour lutter contre les délocalisations d'activités industrielles à haute valeur ajoutée. Loin de moi aussi la tentation d'interférer dans le travail gouvernemental mais l'absence du ministère de l'intérieur est frappante. Cette réforme est conduite par Bercy, c'est votre honneur mais nous souhaiterions que l'intérieur l'accompagne plus visiblement. En laissant penser qu'elle a été conçue sous l'angle économique, cela entre peut-être dans l'inquiétude des élus territoriaux. Le dispositif aurait été enrichi par l'expérience de la Direction générale des collectivités locales.

Il eût été plus confortable de discuter en connaissant la répartition des compétences entre collectivités, mais je reconnais qu'une grande partie de cette objection tombe dès lors que les discussions sur les ressources et sur les compétences iront de pair dans les prochains mois.

Enfin, la réforme aurait pu faire l'objet d'un texte spécifique, comme cela avait été le cas pour la taxe professionnelle. Son inscription en loi de finances a pour effet d'empêcher une vraie navette, de dramatiser les enjeux tout en vampirisant le budget. (On approuve sur les bancs socialistes)

Les 1 200 alinéas de l'article 2 couvrent quelque 135 pages, contre 3 ou 4 pages pour la taxe professionnelle. Voici une partie des modalités de calcul de la compensation. Je m'en tiendrai au premier terme. Il comprend « la somme des compensations versées au titre de l'année 2010 en application des dispositions mentionnées aux I, II, III, IV et V du 9.2.5 de l'article 2 de la loi précitée, ainsi que du montant versé pour l'année 2010 au titre de la compensation des exonérations prévues par les dispositions, dans leur version en vigueur au 31 décembre 2009, de l'article 1465 A, des 1 quinquies et sexies de l'article 1466 A et de l'article 1466 C du présent code dans sa rédaction en vigueur jusqu'au 31 décembre 2010, diminuée de la diminution -quelle formule ! (sourires appréciatifs)- prévue en application du 1 du III de l'article 29 de la loi de finances pour 2003, de la compensation prévue au D de l'article 44 de la loi de finances pour 1999, opérée au titre de l'année 2010, minorée du produit de la différence, si elle est positive (mêmes mouvements), entre la base imposable de taxe professionnelle de France Télécom au titre de 2003 et celle au titre de 2010, par le taux de taxe professionnelle applicable en 2002 » ! (Marques de soulagement sur plusieurs bancs)

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État. - C'est clair ! (Sourires)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Quoique court, cet extrait est bien représentatif des 135 pages de l'article. Or, il y a trois ans, le Conseil constitutionnel a censuré un travail d'orfèvre que le Sénat avait peaufiné pendant un dimanche entier, au motif qu'il n'était pas intelligible à un citoyen équilibré.

La position de la commission est un sage compromis. Elle permet l'entrée en application immédiate du volet entreprise de la réforme sans laisser les collectivités dans l'incertitude en fixant une ligne claire de compensation et de réorganisation de leurs ressources. Le débat sera repris en deuxième partie, la commission des finances se réunissant une ou deux demi-journées pour l'examen des articles non rattachés. Cette façon de discuter devrait vous permettre de nous donner des simulations complémentaires et je me réjouis que vous ayez permis cet examen en deux temps. Un retour devant le Parlement avant juin 2010 permettra des ajustements.

On a évoqué la territorialisation au profit des collectivités locales et le rapporteur général a déjà donné son point de vue. Si l'on doit aller au-delà de 20 % pour tendre vers les pourcentages antérieurs, alors la part de taxe d'habitation prélevée au département devra revenir au département et celle prélevée sur la région à la région. Mais il faudra revoir les bases foncières. Il serait en effet bien difficile d'avoir des bases homogènes si l'impôt est prélevé au niveau de la région : comment procéder sans injustice avec le même taux sur tout le territoire régional ? Il est plus aisé d'avoir des bases homogènes au niveau de la commune ou de l'intercommunalité qu'à celui du département, et au niveau de ce dernier qu'à celui de la région. Quelles procédures avez-vous prévues ?

Nous proposons la voie d'une réforme acceptable et acceptée car lisible, claire et compréhensible. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Jacqueline Gourault, en remplacement de M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - M. Saugey étant empêché, j'ai l'honneur de m'exprimer au nom de la commission des lois.

L'organisation d'un tel débat était plus que jamais indispensable. La crise économique fragilise les finances locales et révèle les faiblesses des modes de compensation actuels tandis que l'article 2 du projet de loi de finances, plus personne ne l'ignore, supprime la taxe professionnelle. Cette dernière, qui représente en moyenne le tiers des ressources des collectivités, sera remplacée par une contribution économique territoriale qui ne compense que partiellement sa suppression.

La conjoncture économique a provoqué une diminution importante des recettes fiscales locales. Sous l'effet du retournement du marché immobilier, le rendement des droits de mutation à titre onéreux diminuera de 10 % en 2010 après avoir doublé entre 2000 et 2006. Les collectivités ont donc dû s'endetter pour investir.

Le montant de leurs emprunts a ainsi augmenté de 8 % entre 2007 et 2008.

Les collectivités territoriales, même si elles sont bien gérées et parfois mieux que l'État lui-même, sont fragilisées par la crise. C'est tout particulièrement vrai pour les départements. Sous l'effet de la crise, ils sont confrontés à la fois à une diminution de leurs ressources et à une augmentation de leurs dépenses : cet effet de ciseaux peut avoir, à long terme, des conséquences dévastatrices.

Dans ce contexte, et bien qu'il soit nécessaire d'associer les acteurs locaux à l'effort de maîtrise des finances publiques, l'enveloppe normée est-elle vraiment légitime ? Comment justifier que les concours financiers de l'État évoluent comme l'inflation, tandis que les charges découlant des compétences transférées croissent, en moyenne, de 3 % par an ? Dans une période de crise qui fragilise les finances locales, comment justifier que la dotation globale de fonctionnement n'augmente que de 0,6 %, c'est-à-dire moins vite que l'inflation ?

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Eh oui !

Mme Jacqueline Gourault, rapporteur pour avis.  - J'en viens à l'article 2.

Tout d'abord, le Gouvernement a accepté de modifier le calendrier de la réforme de la taxe professionnelle : il a en effet décidé de maintenir la suppression de la taxe professionnelle au 1er janvier 2010 pour les entreprises, mais de prévoir une clause de revoyure pour mieux tenir compte des intérêts des collectivités. Deux rendez-vous sont prévus : le premier aura lieu avant le 31 juillet 2010, afin de corriger la réforme à la lumière de simulations précises et chiffrées ; le second sera organisé dans les six mois qui suivront la réforme territoriale, afin de garantir la cohérence entre les compétences exercées par les collectivités et les ressources fiscales qui leur seront attribuées.

En outre, votre commission des lois s'attache, de longue date, à préserver l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. Elle avait clairement pris position sur ce sujet à l'occasion de la loi organique du 29 juillet 2004 en proposant que l'appellation de « ressources propres » soit réservée, selon l'expression du rapporteur Daniel Hoeffel, aux « recettes dont les collectivités territoriales ont la maîtrise ». Toutefois, votre commission est également consciente des limites et des effets pervers de l'autonomie fiscale : celle-ci doit être un levier de libre administration mais ne saurait être une fin en soi.

A l'occasion de nos débats récents, certains membres de la commission, notamment le doyen Patrice Gélard, ont rappelé que la France était l'un des rares pays d'Europe à promouvoir le concept d'autonomie fiscale et à le considérer comme un élément indissociable de la libre administration.

Parallèlement, Jean-Jacques Hyest a rappelé que l'autonomie fiscale pouvait entrer en contradiction avec l'objectif constitutionnel de péréquation car une telle autonomie pourrait enrichir les collectivités territoriales qui sont déjà les plus favorisées tout en privant les collectivités les plus pauvres des moyens nécessaires à leur développement. De ce fait, l'autonomie fiscale peut être un facteur d'accentuation des inégalités.

Le Sénat devra mener ces débats en vue de la réforme de la fiscalité locale annoncée par le Gouvernement, dont la suppression de la taxe professionnelle n'est que la première étape.

J'en viens aux dispositifs de péréquation prévus dans ce projet de loi de finances. En 2010, les dotations de péréquation sont en forte croissance : malgré un contexte budgétaire très contraint, la dotation de solidarité urbaine (DSU) et la dotation de solidarité rurale (DSR) augmentent de 3,4 % chacune. Votre commission salue cet effort. Cependant, la dotation de développement urbain est, quant à elle, gelée.

En dépit de ces initiatives, l'effet péréquateur des dotations de l'État baisse sensiblement depuis plusieurs années : éparpillées et trop rigides, elles ne parviennent plus à résorber les inégalités entre les collectivités. Ce problème devra, lui aussi, être pris en compte lorsque nous examinerons la réforme de la fiscalité locale.

Enfin, un débat sur les ressources des collectivités territoriales doit évoquer la structure des concours financiers de l'État. Votre commission souligne, depuis plusieurs années, la complexité de ces concours, qui sont éclatés entre une mission ad hoc, un compte de concours financier, la fiscalité transférée, des prélèvements sur recettes, et j'en passe. Dans ces conditions, ils ne sont ni lisibles ni prévisibles pour les acteurs locaux. Le volume et la technicité du jaune consacré à « l'effort financier de l'État en faveur des collectivités » témoignent d'ailleurs de cette opacité qui pose problème alors que le Gouvernement entend inciter les collectivités à gérer leurs budgets de manière plus stratégique. Or, cet objectif ne saurait être atteint dès lors que « les mécanismes de financement de la décentralisation » sont, comme l'affirme la Cour des comptes, opaques, sédimentés et complexes.

La réforme des collectivités ne peut pas être détachée de celle de l'État. Il importe ainsi, en parallèle de la refonte de la fiscalité et des structures locales, de nous interroger sur la structure des concours financiers de l'État, qui doit elle aussi être modernisée. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Eric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État.  - Les collectivités territoriales sont aujourd'hui au coeur de l'actualité puisqu'elles vont bientôt connaître des réformes de structures avec le projet de loi de MM. Hortefeux et Marleix.

L'ampleur des réformes engagées est sans précédent, son calendrier est serré. Il est donc bien naturel que cela fasse débat, provoque de l'incertitude et de l'inquiétude chez les élus, malgré les nombreuses assurances qui ont pu être données, confirmées, renouvelées à maintes reprises, notamment par le Premier ministre devant le congrès des maires de France.

Les réformes proposées sont faites pour les collectivités : elles permettront de conforter leur place dans notre démocratie locale.

Avec cette réforme, on nous fait un mauvais procès : d'ailleurs, lorsque Christine Lagarde prend la parole, elle emporte l'adhésion générale car les gens n'avaient pas compris jusque-là les enjeux réels : il y a beaucoup de désinformation, d'instrumentalisation, de mensonges et d'arrière-pensées politiques. (Exclamations à gauche)

M. Yvon Collin.  - C'est vrai, nous sommes idiots !

M. Eric Woerth, ministre.  - J'assume mes propos : on ment beaucoup aux élus locaux !

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est bien connu, nous ne comprenons rien à rien !

M. Eric Woerth, ministre.  - Il revient donc au Gouvernement de faire toute la lumière sur le sujet.

Un mot sur le plan de relance. Les mesures prévues dans le plan de relance apportent une preuve supplémentaire de l'engagement de l'État aux côtés des collectivités locales. Plus de 3,8 milliards, qui pèseront sur le déficit budgétaire en 2009, amélioreront la trésorerie mais aussi les comptes des collectivités locales. Nous aurons l'occasion de préciser les modalités du remboursement du FCTVA, notamment pour éviter une année blanche.

Mme Nicole Bricq.  - On vous l'avait dit l'année dernière !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous auriez pu vous en dispenser, si vous nous aviez écoutés !

M. Eric Woerth, ministre.  - Il faudra tenir compte de la réalité des engagements réalisés en 2009 et pas uniquement des dépenses effectuées, comme l'a précisé le Premier ministre il y a deux jours. D'ailleurs, un amendement en ce sens sera porté par le groupe UMP.

Mme Nicole Bricq.  - Ne laissez surtout pas le groupe socialiste le défendre alors qu'il vous avait prévenu il y a un an !

M. Eric Woerth, ministre.  - Les collectivités locales qui n'ont pas perçu le remboursement anticipé de la FCTVA pourront bénéficier de cette mesure en 2010.

Le Gouvernement prévoit une progression des concours de l'État aux collectivités locales de même niveau que ses propres dépenses, c'est-à-dire au niveau de l'inflation prévisionnelle, soit 1,2 %. Ce chiffre s'entend hors réforme de la taxe professionnelle : la compensation de la perte de la taxe professionnelle aux collectivités conduira, comme l'a souligné M. le Rapporteur général, à inscrire une dotation relais de 31,6 milliards sous forme de prélèvement sur recettes, qui s'ajoutera à ces concours financiers.

Ainsi, l'ensemble des concours financiers aux collectivités locales augmentera d'environ 680 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2009. L'État consacrera ainsi 57 milliards aux collectivités locales en 2010.

Cette évolution, moins favorable que par le passé, ne doit pas surprendre : chacun doit prendre sa part dans la maîtrise des dépenses publiques. Nous nous sommes fixés une règle simple dans la loi de programmation des finances publiques : les dépenses de l'État ne doivent pas augmenter plus vite que l'inflation. Je viens d'évoquer une progression des concours financiers de 1,2 % : le chiffre a son importance. Si nous étions restés à l'ancienne enveloppe normée, les dotations auraient beaucoup moins progressé du fait de la récession.

Contre l'avis des collectivités, nous avons pris en compte le FCTVA dans le calcul de la norme d'évolution. (Mme Nicole Bricq s'exclame) Pour que les choses soient claires, l'augmentation du FCTVA se montera à 6 % et le solde sera à 0,6 %. A l'intérieur de cette enveloppe, la progression de la DGF est fixée à 0,9 %.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien !

M. Eric Woerth, ministre.  - L'Assemblée nationale a voté une répartition légèrement différente de celle initialement proposée dans le projet de loi de finances.

J'en viens à la taxe carbone : le Premier ministre a annoncé la création d'un fonds destiné à financer les investissements en faveur des économies d'énergie des collectivités locales. Nous travaillerons à sa mise en oeuvre.

Enfin, M. Arthuis s'est interrogé sur les bases. Le Gouvernement mènera une concertation approfondie avec les parlementaires et les associations des élus locaux. Nous ferons des simulations pour avoir une vision précise. Bien évidemment, un calendrier sera défini. Le Président de la République s'est engagé à évoquer ce dossier en souffrance depuis de nombreuses années : il s'agit d'équité fiscale entre collectivités mais aussi entre citoyens. Peut être faudra-t-il faire une différence entre les locaux commerciaux et les locaux d'habitation.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

M. Eric Woerth, ministre.  - En tout état de cause, cette concertation débutera bientôt. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je vous remercie pour cette réponse. Une question demeure quant à la révision des bases, qui se fera séparément pour le foncier bâti à usage professionnel et le foncier bâti à usage résidentiel. La cotisation foncière pour le bâti des entreprises se fera donc sur des bases révisées. En revanche, le taux de l'autre impôt foncier bâti sera fixé sur des bases révisées pour le bâti professionnel, mais pas pour le bâti résidentiel. Comment pourra-t-il, dans ces conditions, être le même pour les entreprises et les ménages ?

M. Eric Woerth, ministre.  - Nous en reparlerons au cours de ce débat car cette question est effectivement délicate. Il est logique de commencer par la révision des taux des cotisations foncières pour les locaux commerciaux, pour ensuite effectuer celle des locaux d'habitation. Il ne s'agit que d'un exemple parmi les multiples difficultés créées par la révision des bases, qui expliquent que l'on ne s'y soit pas attelé plus tôt. La concertation nous aidera à inventorier les problèmes, pour lesquels nous chercherons de solutions.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Très bien.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.  - Les propositions faites par le rapporteur général pour la première partie de ce texte sont tout à fait bienvenues. Les remarques sur la seconde partie relèvent d'orientations générales. Je remercie les membres de la commission des finances, et son président, pour le temps considérable qu'ils ont passé à étudier ce texte ardu, complexe et qui touche à un édifice composé de strates successives.

Nous devons préserver les grands équilibres du texte, au premier rang desquels le barème, qui a été pesé au trébuchet. L'objectif est d'alléger les charges fiscales pesant sur les entreprises localisées en France sans pénaliser les PME. Je comprends l'intérêt d'une cotisation minimale de 250 euros afin que toutes les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 250 000 euros cotisent malgré l'exonération de 1 000 euros.

La liaison des taux est également un grand principe de ce texte. Les règles doivent être suffisamment strictes pour éviter certains abus, constatés depuis 2003 et qui créaient un écart important entre les taux applicables aux entreprises et aux ménages. Nous devons enfin veiller à fixer la compensation relais de l'État pour 2010 à un niveau raisonnable. Le mécanisme retenu est soit le minimum de la taxe professionnelle de 2009, soit les bases de 2010 avec les taux de 2008. Vous proposez un plafonnement de l'augmentation des taux de 2009 à 3 points de plus que les taux de 2008. Le Sénat saura trouver une règle juste et cohérente au sein de l'ensemble des finances publiques de l'État.

Je ne suis pas étonnée des solutions proposées pour la seconde partie. Pour le mécanisme de péréquation, le Gouvernement a proposé une clé macro et l'Assemblée nationale a retenu une clé micro. J'avais imaginé que nous arriverions à une clé méso telle que la présente le rapporteur général, c'est-à-dire un principe de mutualisation pour les départements et les régions et un principe plus innovant pour les intercommunalités, avec un taux progressif puis proportionnel afin de ne pas pénaliser les territoires ruraux et les petites entreprises.

M. François Marc.  - C'est un travail de commission !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - La formule est simple mais innovante. J'y vois la perspective d'un équilibre entre les deux objectifs que sont le maintien du lien fiscal entre les territoires et les entreprises et l'adéquation des recettes aux dépenses, qui garantit une bonne dose de péréquation.

Pour ce qui est de la répartition des ressources fiscales entre les niveaux de collectivités territoriales, le texte du Gouvernement concentrait les assiettes foncières sur les communes et les intercommunalités, avec une répartition de la cotisation sur la valeur ajoutée entre les départements et les régions. L'Assemblée nationale a voté l'affectation aux EPCI de 20 % du produit de la valeur ajoutée en contrepartie d'une fraction de taxe foncière attribuée aux départements. Le rapporteur général nous a indiqué que des débats avaient eu lieu sur ce sujet au sein de votre commission, certains souhaitant maintenir la clé de répartition actuelle, d'autre souhaitant la modifier en anticipant sur de nouvelles répartitions des compétences. Il nous faut préserver un équilibre satisfaisant pour le financement des régions, des départements et des communes. La solution retenue sera réexaminée en juin et des ajustements pourront alors être apportés à la marge en fonction des dispositions de la loi sur les collectivités territoriales.

Le président de la commission a regretté l'absence à ce débat de représentants du ministère de l'intérieur. La DGCL a activement participé à nos travaux et nous continuons à collaborer activement avec ses services. Jean Arthuis a également souligné le caractère complexe de ce texte, notamment de l'article 2 : soyez certains que les ordinateurs de la DGCL sauront les appliquer, même si la logique du dispositif vous semble parfois obscure. (Applaudissements à droite)

M. Yves Détraigne.  - Depuis la suppression de la part salariale et depuis l'annonce par le Président de la République de la non-imposition des investissements nouveaux, nous savions que la taxe professionnelle était en sursis. Malheureusement, nous avons reçu le faire-part de décès sans que la succession ait été étudiée. Cela ne nous surprend pas puisque ce mode de gouvernance semble de plus en plus utilisé. En témoignent la suppression de la publicité sur la télévision publique ou le grand emprunt, décidés sans concertation et sans étude préalable sur la meilleure façon de procéder.

La suppression de la taxe professionnelle et la réforme de l'impôt local sur les entreprises sont prévues indépendamment de la nécessaire refonte globale de la fiscalité locale que réclament depuis des années les associations d'élus. En outre, cette réforme doit fixer pour la fin de l'année les ressources fiscales et les compensations pour les collectivités territoriales alors que la répartition des responsabilités entre ces dernières ne sera déterminée que l'an prochain, voire en 2011. On a un peu l'impression de marcher sur la tête !

Si on n'y prend pas garde, nous risquons d'imposer aux collectivités un marché de dupes et de remplacer une usine à gaz maintes fois modifiée par une autre usine à gaz qu'il faudra également modifier sans cesse. Nous ne devons donc pas éluder les questions que se posent les élus locaux. Tout d'abord, comment maintenir un lien fiscal entre les collectivités et les entreprises qu'elles accueillent ? Cette préoccupation est partagée par tous les élus locaux, pour les entreprises déjà installées sur leur territoire comme pour les nouvelles venues.

Sinon, on risque de voir la crainte des nuisances nouvelles liées à l'installation d'entreprises -comme la circulation de poids lourds- l'emporter sur l'intérêt d'accueillir des entreprises nouvelles pour contribuer à relancer notre industrie.

Quid des ressources de nombreuses collectivités qui n'ont, sur leur territoire, que des entreprises dont le chiffre d'affaires est inférieur à 500 millions d'euros si elles ne bénéficient plus d'une ressource évolutive ? Comment répartir la cotisation sur la valeur ajoutée entre des entreprises accueillant chacune un établissement d'une même société, sachant que la valeur ajoutée se définit au niveau de la société mère ? Comment assurer la péréquation entre des collectivités aux charges comparables mais qui ne disposent pas, sur leur territoire, des mêmes moyens ? Comment voter un système dont chacun reconnaît la complexité sans simulations préalables sur les différentes hypothèses de répartition et de péréquation, avec leur évolution prévisible ?

Je me réjouis de voir la commission des finances aborder avec pragmatisme l'examen de l'article 2. Il est indispensable de ne pas boucler une réforme si lourde de conséquences dans la précipitation. Dès lors que les ressources sont garanties pour 2010, il n'y a pas d'urgence à figer la répartition dès la fin de l'année. Mieux vaut remettre cela à un collectif budgétaire, l'an prochain, en se contentant ici d'arrêter les principes selon lesquels il tranchera et d'en mesurer les conséquences. Cela nous laissera le temps du dialogue avec les élus et nous aidera à nous approprier la réforme. (Applaudissements au centre et sur plusieurs bancs à droite ; M. le président de la commission applaudit aussi)

M. François Marc.  - « Il n'y a pas de fronde des élus locaux » déclariez vous le 14 novembre à la presse, madame la ministre. L'assemblée générale des conseillers généraux et le récent congrès des maires vous ont apporté un large démenti.

L'enjeu est de taille. Il ne s'agit de rien moins que de déplacer 29 milliards de recettes des collectivités, avec les incidences que l'on sait en matière de décision, d'autonomie, de services de proximité.

En réclamant la préservation d'une autonomie financière garantie par la Constitution depuis 2004, aucun élu ne cherche à « organiser la féodalité », comme vous le laissez entendre dans votre réponse à la presse. Ils sont tout simplement inquiets. Les témoignages des maires de mon département sont éloquents. L'un déclare que, ne pouvant compter sur le même niveau de ressources en 2010, il prévoit déjà des coupes dans de nombreux projets ; l'autre, qui envisageait de transformer une friche industrielle en logements sociaux, qu'il devient plus frileux ; le troisième, qui anticipe une diminution des recettes de fonctionnement, qu'il renonce à plusieurs projets d'animation ; le quatrième, président d'une communauté de communes, qu'il suspend toute nouvelle décision d'investissement, ses ressources n'étant plus assurées sur le long terme, et qu'il n'est pas question pour lui d'augmenter encore la pression fiscale sur les ménages, déjà très fortement sollicités.

Ces inquiétudes sont parlantes. Elles viennent de l'incertitude sur les recettes mais surtout du fait que votre réforme confond la fin et les moyens. Elle est le sous-produit d'une promesse du Président de la République qui vous contraint à imaginer en urgence un système de redistribution des recettes.

Cette réforme mériterait d'être replacée dans une perspective de réforme globale dont nous avons, depuis quelques années, tracé les lignes : respect de l'esprit de la décentralisation et de la nécessaire autonomie fiscale des collectivités, qui doivent rester en capacité de voter des taux ; respect de l'équilibre actuel proche de 50/50 entre ressources fiscales provenant des entreprises et des ménages ; réévaluation générale des bases d'imposition de valeurs locatives, entachées d'injustices criantes ; meilleure prise en compte du revenu des contribuables locaux pour la détermination de l'impôt sur les ménages -nous proposons depuis plusieurs années que les départements se voient attribuer une part additionnelle de CSG pour le financement de leurs comptes sociaux- ; accentuation de l'effort de péréquation verticale en consacrant une part accrue de la DGF à la composante péréquation ; lutte contre la cristallisation des inégalités de ressources territoriales par la péréquation horizontale.

Depuis trois ans, vous avez rejeté toutes ces propositions, au prétexte qu'elles viendraient trop tôt, seraient inabouties, que nos simulations ne seraient pas fiables... Mais en fait d'improvisation, vous êtes aujourd'hui les champions. Au point que le Sénat se voit contraint, pour l'une des premières fois de son histoire, de préconiser le report à un an de l'examen d'un article de ce texte.

Votre proposition de réforme des finances locales ne s'inscrit dans aucune logique d'ensemble : ni redéfinition claire des compétences territoriales, ni décentralisation clairement assumée. Les marchandages auxquels il nous est donné d'assister depuis quelques semaines sur le partage des affectations de ressources illustrent l'esprit purement boutiquier d'un projet qui manque de souffle et d'ambition et laisse les 500 000 élus locaux de France totalement démotivés. Vous prenez le risque de mettre à mal les équilibres de notre République décentralisée. (Mme Nicole Bricq le confirme) Cette crainte est de plus en plus largement partagée.

Reste une question essentielle : le jeu en vaut-il la chandelle ? Votre réforme a-t-elle un sens économique ? Vous nous dites, le Premier ministre nous dit qu'elle est nécessaire à la compétitivité de notre pays. Discours incantatoire. Car rien n'est démontré. Et il serait plus juste de dire que votre réforme sert de masque à une perte considérable de recettes fiscales qui va accroitre encore un peu plus le déficit public et la dette abyssale de la France. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - Depuis près d'un an, la suppression de la taxe professionnelle occupe les esprits. Alors que cet impôt ne représente pas moins de 44 % de l'ensemble de la fiscalité locale, cette réforme annoncée mécontente les élus, et en particulier les maires qui se posent de nombreuses questions sur l'opportunité de la réforme. Le rapporteur général lui-même ne nous a-t-il pas dit qu'il n'était pas demandeur ?

Pourquoi perturber la fiscalité locale dans un contexte de récession, alors que les collectivités locales sont des amortisseurs de crise. Nous avons besoin d'une fiscalité intelligible. Or, c'est loin d'être le cas de votre réforme, ainsi que l'on assez montré les citations du président Arthuis. Le Conseil constitutionnel devra, le cas échéant, se prononcer...

La pertinence des objectifs ? Le remède miracle contre les délocalisations ? La politique de baisse de la fiscalité a bien abouti à une décrue des prélèvements obligatoires mais sans retenir pour autant les sites de production sur notre territoire. Le rapporteur général rappelait ce matin que la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, en 1999 et en 2003, n'avait pas freiné les délocalisations.

Las, après l'annonce brutale du chef de l'État, voici votre réforme improvisée.

Je souhaite que vous entendiez la colère des élus, qui s'est exprimée lors du congrès de l'AMF. Tous ces maires qui donnent de leur temps à la République, qui sont au coeur de l'action publique et au service des citoyens méritent d'être écoutés et assurés de pouvoir continuer à exercer leurs missions de proximité. Le Sénat est la maison des collectivités locales. Il suffisait d'arpenter hier les couloirs du Palais du Luxembourg pour se rendre compte que les élus locaux sont ici chez eux. Nous devons répondre à leurs attentes.

Pour cela, il faudra tenter de supprimer l'article 2 du PLF et de trouver une autre solution : tout reste à faire. Sachons dépasser les clivages partisans. Le Président de la République détruit, à nous de reconstruire et d'inventer un système qui garantisse l'avenir de la décentralisation. Les prochains jours seront décisifs.

La commission des finances a proposé que nous nous donnions du temps : je m'en réjouis car il faudra satisfaire les revendications des élus. Les ressources des collectivités doivent être sécurisées, dynamisées et mieux partagées. Cela suppose d'abord que leurs rapports avec l'État soient clarifiés, dans le respect du principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités. Le dispositif prévu pour compenser la perte de la TP, qui prévoit 9,8 milliards d'euros de dotations, contrarie ce principe. En outre, les dotations distendent le lien entre les collectivités et leurs administrés, ce qui n'encourage ni l'initiative ni le sens des responsabilités.

Plusieurs mécanismes réduisent le dynamisme de la fiscalité locale : la nouvelle contribution économique territoriale prévoit des règles de liaison plus strictes entre le taux des taxes sur les ménages et celui de la cotisation locale d'activité. S'agissant des nouvelles règles d'affectation des ressources, les députés ont transféré aux communes et intercommunalités 20 % de la cotisation complémentaire. Pourquoi ne pas aller plus loin ? Cela permettrait aux communes de mieux équilibrer les impôts sur les ménages et sur les sociétés et renforcerait le lien entre l'impôt et le territoire.

Enfin, l'équité suppose de revenir sur la progressivité du barème de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - En concentrant la charge sur certaines entreprises en fonction de leur taille ou de la nature de leurs activités, vous risquez de bouleverser la répartition des ressources entre les collectivités, sauf à mettre en place une véritable péréquation. Hélas, celle-ci est une nouvelle fois la grande oubliée de la réforme, malgré les recommandations de la commissions Belot. Le Gouvernement ne propose rien, laissant au Parlement la responsabilité politique de décider. Si l'on voulait dresser les collectivités locales les unes contre les autres, on ne s'y prendrait pas autrement ! (Mme Nicole Bricq approuve) A nous de ne pas tomber dans ce piège.

La taxe professionnelle n'est pas l'impôt idéal mais au fil des réformes successivités, les collectivités s'en étaient accommodées. La loi Chevènement avait permis d'instaurer un équilibre fiscal profitable à la fois aux communes et à leurs communautés. En bouleversant ce fragile équilibre, le Gouvernement suscite la panique des élus, ces hommes et ces femmes passionnés dont l'enthousiasme ne doit pas être altéré par le doute et l'approximation.

Soucieux de répondre aux attentes de ces artisans de la République, le groupe RDSE prendra toute sa part au débat afin que les articles concernés soient réécrits. Faisons confiance aux élus : il y va de l'avenir de la République décentralisée si chère aux radicaux. (Applaudissements à gauche et au centre ; M. le rapporteur général applaudit également)

M. Philippe Adnot.  - Je vais voter... le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche. (Sourires) Cela montre que je ne pratique pas l'ostracisme à l'égard du Gouvernement : j'ai donc toute liberté pour dire ce que je pense du texte qui nous est soumis.

M. le rapporteur général nous a proposé de procéder en deux parties, et je suivrai sa suggestion. En ce qui concerne les entreprises, chacun sait que la taxe professionnelle frappait excessivement notre outil industriel tout en épargnant les entreprises de service. Il était donc judicieux de la réformer. Fallait-il en profiter pour alléger la charge globale des entreprises de 4 milliards d'euros ?

Mme Nicole Bricq.  - Non : là est l'erreur.

M. Philippe Adnot.  - Je ne le crois pas en effet, d'autant que cet allégement sera financé par l'emprunt et l'aggravation du déficit de l'État. Fallait-il donner à quelques centaines de milliers d'entreprises le sentiment qu'elles peuvent s'exonérer de toute participation aux charges communes ? Non.

Il n'est pas bon d'avoir laissé croire que l'on allait supprimer purement et simplement la taxe professionnelle : il y a longtemps déjà que la part salariale n'existe plus ; on supprime aujourd'hui la part portant sur l'investissement, mais la part foncière subsistera et sera complétée par deux nouvelles taxes. Certaines entreprises risquent de payer plus qu'avant, car si la taxe carbone sera remboursée aux citoyens, les entreprises devront se contenter pour toute compensation de l'allégement de la TP. En outre, le Gouvernement veut rendre payante pour les véhicules de plus de 3,5 tonnes la circulation sur les routes nationales ; craignant un transfert sur les routes départementales, il a sollicité, il y a une dizaine de jours, notre accord pour que certaines de ces routes soient également classées comme routes à péage. Le produit des péages -1,5 million d'euros dans mon département pour 40 kilomètres- ne reviendra pas aux départements mais à un fonds national. (M. Albéric de Montgolfier le conteste) Imaginez ce que cela représente pour des petites entreprises, par exemple les sociétés agro-alimentaires de mon département ! Quand les comptes seront faits, on se rendra compte que les entreprises qui utilisent le plus la logistique, c'est-à-dire les entreprises industrielles, paieront plus qu'avant !

Le Gouvernement nous explique que cette taxe nuit à la compétitivité de nos entreprises ; je ne le crois pas. (Mme Jacqueline Gourault se dit du même avis) Jamais on n'a vu des sociétés perdre des parts de marché ou délocaliser leurs emplois à cause de la taxe professionnelle. Ce sont les charges pesant sur les salaires qui entravent nos entreprises : M. le président de la commission des finances le sait mieux que quiconque, qui propose depuis longtemps de les remplacer par une TVA sociale. On se rendra compte dans six mois de l'inefficacité de la réforme. (M. Pierre-Yves Collombat approuve)

M. Eric Woerth, ministre.  - On se tromperait donc depuis vingt ans ?

M. Philippe Adnot.  - J'en viens à la question des finances locales. Fallait-il profiter de la suppression de la TP pour mettre fin à l'autonomie fiscale des collectivités, au premier chef des départements et des régions ? Je vous accorde que la rédaction actuelle pénalise moins les communes que le projet de loi initial. Mais les ressources propres des départements seront réduites de 15 à 7,5 milliards d'euros. Pour l'heure, les collectivités bénéficient de conditions d'emprunt avantageuses car elles empruntent auprès des banques sans que celles-ci soient assujetties aux normes Bâle 2. Si une collectivité peine à rembourser ses dettes, elle augmente les impôts ou l'État reprend la main. Mais si demain, les collectivités perdent leur autonomie financière, leurs créanciers devront se soumettre aux normes Bâle 2. Je m'en suis ouvert aux banques et aux institutions financières, qui m'ont confirmé que si une collectivité se révélait incapable de rembourser sa dette, cela lui vaudrait une pénalité de 100 points de base, soit une augmentation d'un point du taux d'intérêt. S'agissant d'emprunts à 4 %, cela représente une hausse de 25 % des frais financiers.

Si l'autonomie fiscale des départements disparaît, ils ne pourront plus, comme aujourd'hui, cautionner les emprunts du monde HLM, qui continuera à construire, certes, mais devra supporter des frais financiers supplémentaires.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Adnot.  - Vous avez déclaré, madame la ministre, que votre réforme allait simplifier les feuilles d'impôt. Mais aujourd'hui, elles ont trois colonnes, nos concitoyens s'y retrouvent ; demain, dans la colonne département, il y aura encore la part foncière, mais plus la TSCA, ni la Tipp, ni la valeur ajoutée. Le panier de recettes est maintenu pour les communes mais pas pour les départements ; c'est bien dommage car on ne pourra plus impliquer tous les acteurs. Le risque est grand que les gens ne se sentent plus concernés par l'impôt, ni ne s'intéressent à ce qu'il finance.

Je ne voterai pas l'article 2 si la participation du monde économique n'est pas augmentée -je déposerai un amendement pour abaisser le seuil de 500 000 euros parce qu'il n'est pas sain que tout le monde ne se sente pas concerné ; je ne le voterai pas si on ne restaure pas l'autonomie fiscale et le droit au retour sur investissement ; je ne le voterai pas si le panier de recettes n'est pas amélioré. Je proposerai que la moitié de la valeur ajoutée soit territorialisée. Je vous invite à faire en sorte que demain, les départements ne deviennent pas des sortes d'entités aux responsabilités obligatoires, auxquelles un robinet extérieur donnera ou ne donnera pas les moyens de les financer. Ce ne serait pas une belle évolution de la décentralisation. (Applaudissements à gauche, au centre et sur les bancs du RDSE)

M. Charles Guené.  - Au lendemain du congrès des maires, ce débat nous donne l'occasion de rétablir certaines vérités et de tracer quelques perspectives. Il est aussi l'occasion, pour le groupe UMP, de réaffirmer ses convictions au service de nos territoires et de nos concitoyens.

Notre première ambition est de conforter le pôle commune-intercommunalité dans son rôle de proximité, tout en ouvrant une réelle perspective de solidarité et de mutualisation au sein du pôle département-région. Les communes conserveront leur clause de compétence générale et l'intercommunalité restera leur émanation, grâce à une élection des délégués communautaires en 2014 par fléchage sur les listes municipales. L'élection la même année de conseillers territoriaux siégeant à la fois au conseil général et au conseil régional permettra d'éviter les interventions concurrentes et de clarifier les compétences des deux échelons. Contrairement à ce que certains voudraient faire croire, les communes, notamment en milieu rural, pourront continuer de bénéficier du soutien des autres collectivités territoriales pour financer leurs projets. La pratique des financements croisés sera simplement précisée.

Afin de soutenir l'investissement local, le groupe UMP a déposé un amendement pour permettre aux collectivités territoriales de continuer à bénéficier du remboursement anticipé du fonds de compensation de la valeur ajoutée (FCTVA) pour les dépenses prévues en 2009 mais qu'elles n'ont pu réaliser ou mandater avant le 31 décembre. Le Premier ministre nous a donné son accord. Nous nous réjouissons en outre de la reconduction en 2010 du dispositif de remboursement anticipé du FCTVA. Le groupe UMP a déposé un autre amendement pour soutenir les collectivités locales qui n'auraient pas pu s'engager en 2009. L'investissement continuera ainsi d'être encouragé. Nous approuvons également l'annonce de la création, auprès de l'Ademe, d'un fonds abondé par la taxe carbone versée par les collectivités territoriales, qui contribuera à financer leurs investissements d'économie d'énergie.

La suppression de la part investissements de la taxe professionnelle fait l'unanimité dans le monde économique ; personne ne conteste plus son apport de compétitivité. Ce qui fait débat, c'est son remplacement. Notre fiscalité est à bout de souffle et le moment est venu de remplacer la taxe professionnelle, dont une large moitié était réglée par l'État, par un impôt moderne et plus en phase avec l'économie nouvelle. La valeur ajoutée est le moins mauvais des critères à notre disposition car elle reflète la richesse produite et proportionne la ressource à l'évolution naturelle de l'assiette. Elle a aussi l'avantage de permettre une nouvelle répartition de la ressource entre collectivités. Surtout, en remplaçant les actuelles contreparties versées par l'État par un transfert d'impôts, la nouvelle contribution économique territoriale (CET) renforcera l'autonomie financière des collectivités. Elle met aussi en évidence la cristallisation de la richesse sur certains territoires : c'est là que résident les enjeux de la réforme de la fiscalité locale qu'elle sous-tend.

Le bouleversement qu'entraîne le remplacement de la taxe professionnelle, conçue il y a un demi-siècle, impose d'en fixer immédiatement les principes et le cadre. Il faut aussi rassurer les élus, mais la perspective des réformes à venir comme la nécessité de procéder à des simulations imposent de disposer de temps. Réussir cette conjonction délicate n'est cependant pas hors de notre portée. Ainsi la difficile question de la répartition de la valeur ajoutée peut-elle être surmontée par la mutualisation que proposait l'avant-projet du Gouvernement. Elle permet une péréquation directe de la richesse des territoires, assortie d'une pondération en fonction de critères adaptés aux compétences des collectivités. On peut imaginer de ne retenir cette mutualisation que pour les départements et les régions et de recourir à la territorialisation pour les seules communes et EPCI, comme l'a souhaité l'Assemblée Nationale ; il conviendrait toutefois de territorialiser par l'assiette et non par le produit, de façon à ne pas être contraint de modifier un barème qui fait consensus. Le rapporteur général nous a indiqué les pistes qu'il explorait.

Communes et EPCI ne seront pas pénalisés par la réforme. Ils bénéficieront en 2010, comme l'ensemble des collectivités territoriales, d'une compensation de ressources au moins égale au produit perçu en 2009. Surtout, ils disposeront à partir de 2011 d'un panier diversifié de recettes fiscales, avec un large pouvoir d'en fixer les taux, ce qui préservera leur autonomie financière. Pourquoi le bloc communal devrait-il disposer d'une part importante de la cotisation sur la valeur ajoutée, au risque de le rendre plus vulnérable aux aléas économiques ? Dans l'avant-projet gouvernemental, il disposait de la seule part de la cotisation locale d'activité, basée sur le foncier de l'ancienne taxe professionnelle, qui lui assurait une meilleure autonomie financière. Est-ce pertinent, comme l'a proposé l'Assemblée nationale, de lui affecter 20 % de la cotisation complémentaire ? Le Sénat doit apporter une réponse en s'appuyant sur les travaux de la commission des finances.

A titre personnel, je considère qu'il faut, chaque fois que nécessaire, préférer la mutualisation à la territorialisation, qui ne correspond pas à l'esprit du nouvel impôt et exigerait la création ultérieure d'une péréquation aux résultats aléatoires. Je sais que le Sénat ne faillira pas à son rôle de gardien de l'équité des territoires.

Nous devrons également être attentifs au sort des départements : leurs ressources n'étaient plus assurées ; il était urgent de leur permettre de faire face à leur compétence sociale. La mutualisation de la valeur ajoutée peut être l'occasion de leur assurer une ressource corrélée à leurs risques sociaux, même s'il faudra la compléter, notamment pour faire face au cinquième risque. Ce qui impose de ne pas trop réduire leur part de cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée et de veiller à mutualiser le risque social au plan national. La solidarité entre les territoires est pour nous, sénateurs UMP, une priorité.

J'en viens à la question du calendrier. Nous approuvons la proposition du rapporteur général de l'examen en deux temps. Un dispositif précis doit être voté dans le cadre de cette loi de finances afin de répondre aux questions légitimes des élus locaux et de définir les orientations pour 2011 et les années suivantes, qui permettront de faire des simulations précises. Le groupe UMP du Sénat a déposé un amendement qui prévoit deux rendez-vous législatifs pour tenir compte des simulations complémentaires et de la future répartition des compétences.

Organisé avant le 31 juillet 2010, le premier permettra de préciser la répartition des ressources entre les structures locales, sur la base des simulations que le Gouvernement devra remettre avant le 31 mars 2010. Et dans les six mois suivant la promulgation de la loi redéfinissant les compétences des collectivités territoriales, le second rendez-vous permettra d'en tirer les conséquences financières. Nous avons déposé un amendement sans attendre la seconde partie, afin de préciser clairement le cadre et le calendrier de la réforme. Le Premier ministre nous a donné son accord, ce qui nous laisse le temps de répartir les ressources de façon cohérente avec les compétences.

Ce chantier ambitieux s'étalera jusqu'en janvier 2014, sans précipitation ni faiblesse car nous devons avoir le courage de regarder en face une réalité qui évolue, donc d'adapter notre organisation locale au service de nos concitoyens, en évacuant tous les conservatismes. Tel est l'esprit pragmatique, constructif et responsable dans lequel nous abordons la réforme de la taxe professionnelle. (Applaudissements à droite)

Mme Marie-France Beaufils.  - On ne peut comprendre la suppression de la taxe professionnelle sans la situer dans le projet de société mis en oeuvre par le Président de la République, en lien étroit avec les politiques libérales européennes. Comme l'a déclaré en 2007 l'ancien n°2 du Medef, Denis Kessler : « Le modèle social français est un pur produit du conseil national de la Résistance. Un compromis entre gaullistes et communistes. Il est grand temps de le réformer, et le Gouvernement s'y emploie ». En effet, les innovations à la base des politiques de solidarité gênent le pouvoir en place et le Medef. C'est vrai même du nouveau secteur public développé par les collectivités territoriales grâce à la décentralisation : communes, départements et régions deviennent un obstacle à la croissance du capitalisme, le transfert de services au secteur privé procure seul des dividendes supplémentaires aux actionnaires.

Si les services publics nationaux sont dans le collimateur de ce Gouvernement, les services publics locaux ne sont pas épargnés. La politique libérale frise la caricature et s'affirme encore un peu plus avec la suppression de la taxe professionnelle, ce nouveau bouclier fiscal qui touche la contribution des entreprises à la dynamique de nos territoires.

Toutes ces politiques aggravent les conditions de vie et de travail de nos concitoyens. La suppression de la taxe professionnelle pèsera sur les investissements des collectivités territoriales, donc sur les marchés publics et les 800 000 emplois ainsi maintenus ou créés chaque année.

Cette pression financière tend à mettre les collectivités sous tutelle de l'État. A quoi pourront bien servir les élections si les projets ne sont plus élaborés avec les citoyens ?

La disparition des services publics suscitera des difficultés supplémentaires pour les habitants. Et le moment est mal choisi pour supprimer encore des emplois publics !

L'Insee a dressé un tableau très inquiétant de l'emploi dans l'édition 2009 de France, portrait social. Et 2010 sera pire. Où sont passées les envolées lyriques du candidat Sarkozy sur la valeur travail et le « travailler plus pour gagner plus » ? Après les 100 000 de 2008, plus de 270 000 emplois ont encore disparu au cours du premier semestre 2009. En un an et demi, le nombre de chômeurs a augmenté de presque 30 % et 320 000 personnes sont touchées par le chômage partiel, dix fois plus qu'il y a un an !

Les inégalités sociales s'amplifient : les très hauts salaires correspondent à 8,5 fois le salaire médian en 2007, contre 6,6 fois en 1996.

La suppression de la taxe professionnelle participe de cette politique inégalitaire car vos prétendues réformes ne sont qu'une tornade dévastant tout sur son passage, surtout les principes solidaires. Les banques et les assurances ont quadruplé leurs profits en 2009, grâce au soutien que vous leur avez apporté sans contrepartie. Vous avez plus d'exigences envers les collectivités et leurs élus !

Aider les financiers et détruire nos services publics, tout cela va de pair. La suppression de la taxe professionnelle va vous servir à mettre fin aux services publics locaux, alors que tous les services publics sont de véritables amortisseurs sociaux en temps de crise. Mais votre politique est aux antipodes des principes de solidarité qui les fondent : vous privilégiez l'intérêt privé contre l'intérêt général, la rentabilité financière contre l'efficacité sociale, la loi du marché contre une organisation politique et sociale démocratique et planifiée.

Ce n'est pas une réforme de plus mais un bouleversement profond souhaité par le grand patronat ! Dans leur grande majorité, les élus de droite et de gauches sont inquiets. « On ne peut pas improviser la gestion fiscale » et « nous manquons de visibilité sur les moyens d'assumer nos compétences » : voici quelques propos glanés ici ou là, auxquels vous répondez seulement qu'il faut restaurer la compétitivité des entreprises.

Mais pourquoi ce nouveau cadeau fiscal serait-il efficace ? Au cours des vingt dernières années, la part salariale est restée stable dans la valeur ajoutée, celle des investissements a baissé alors que les dividendes ont augmenté. Ainsi, les exonérations de taxe professionnelle sur les salaires et cotisations sociales n'ont pas eu l'effet espéré.

Certains représentants de PME espèrent que la nouvelle mesure fiscale permettra d'améliorer leur quotidien, mais beaucoup d'autres s'interrogent sur le refus d'accorder des prêts bancaires.

Les entreprises, en particulier dans le bâtiment, ont bénéficié de la dynamique des collectivités locales, qui réalisent plus de 80 % des investissements publics. Ignorer que les collectivités créent indirectement des emplois et tabler sur un allégement fiscal pour soutenir les entreprises relève d'une analyse à courte vue.

Lorsqu'une entreprise s'installe dans une commune, elle est motivée par les services et les infrastructures, bien avant la fiscalité.

Le lien économique indispensable entre les collectivités et les entreprises a forgé le développement de notre territoire. En supprimant la taxe professionnelle, vous allez rompre ce partenariat privilégié, vous transférerez sur les ménages les impôts dus par les entreprises et l'on peut craindre pour l'avenir des services actuellement rendus à la population. La taxe professionnelle est un instrument dynamique. Qu'en sera-t-il de la contribution économique territoriale ? On peut justement craindre moins de tonus, surtout avec le barème progressif.

Nous estimons indispensable de réformer la taxe professionnelle en étendant ses bases d'imposition aux actifs financiers de toutes les entreprises.

Les milliards que vous avez accordés au secteur bancaire lui ont permis de quadrupler ses profits. Au lieu de financer la reprise, les liquidités accumulées retournent à la spéculation. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, on peut craindre à bon droit que seule la crise soit relancée. Il est vrai que la taxe professionnelle pèse plus sur les industries, moins sur les secteurs financier et bancaire, les services et la grande distribution.

Le Gouvernement perçoit des signes de reprise, mais il vaudrait mieux revoir l'assiette de la taxe pour déterminer les voies et moyens d'une réforme assurant aux collectivités locales les moyens de leur action et rétablissant un traitement équitable des entreprises en matière fiscale. Une taxation des actifs financiers alimentant un fonds de péréquation nationale ferait disparaître tout risque de perte de recettes. Les collectivités gagneraient en lisibilité de leurs ressources. Mais vous leur proposez de naviguer dans le brouillard !

Les seuls qui y voient clair sont les grandes entreprises, surtout du secteur financier : vous leur offrez sur un plateau 11 milliards d'euros en 2010 et 5,8 milliards en vitesse de croisière pour les années suivantes ! Cet argent retournera à la spéculation, si bien qu'au lieu de relancer l'économie, vous relancerez la crise !

La suppression de la taxe professionnelle est symbolique d'orientations aventureuses sur le plan économique et social. Vous n'écoutez pas les élus de terrain qui savent ce que représente l'intérêt de la population. Ce projet est dangereux pour les collectivités, inquiétant pour l'emploi et facteur d'inégalités entre les habitants car nous ne pourrons plus assurer les services publics.

Vous préemptez le débat sur la réforme des collectivités : quand vous aurez asséché leurs ressources, elles n'auront plus guère de choix.

Au lieu de nous cantonner dans le rejet de votre politique, nous vous proposons d'autres orientations permettant aux collectivités territoriales de répondre aux besoins de nos concitoyens tout en améliorant leur efficacité économique. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRC-SPG)

Mme Jacqueline Gourault.  - Au risque de répéter ce que vous avez déjà entendu, je reviens sur la méthode : de nombreux élus ont été perturbés par l'ordre des opérations quant à la réforme territoriale.

Dans l'esprit des élus, la réforme territoriale devait aborder l'architecture, les compétences et les finances. Or la loi territoriale est limitée à l'architecture ; entre-temps, on nous annonce la suppression de la taxe professionnelle ; et enfin, la question des compétences sera traitée ultérieurement. Ce manque de vision globale angoisse les élus. En fait, on met la charrue avant les boeufs ! (Marques d'approbation à gauche)

J'en viens à la méthode de la commission des finances. Je pense avoir fini par comprendre qu'elle se décomposait en deux temps...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Bravo !

Mme Jacqueline Gourault.  - ...mais c'est plutôt une valse à quatre temps : la suppression de la taxe professionnelle, la répartition des ressources entres les collectivités territoriales dans quinze jours -pour quoi donc ?...

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Les simulations !

M. Thierry Foucaud.  - Elles ne sont mêmes pas élaborées !

Mme Jacqueline Gourault.  - ...une clause de retour avant juillet 2010 et la nouvelle réforme territoriale. Autrement dit, rien sur les compétences dans ce calendrier avant fin 2010, voire 2011.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Aucune importance ! (Sourires)

Mme Jacqueline Gourault.  - Je fais confiance à la commission...

Mme Nicole Bricq.  - Quel soulagement !

M. Jean Arthuis, président de la commission. - Merci !

Mme Jacqueline Gourault.  - ...mais j'aimerais disposer dans quinze jours d'une vision de ce qu'apporte la réforme aux collectivités territoriales, aux entreprises et à l'État...

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Très bien !

Mme Jacqueline Gourault.  - Nous ne sommes pas seulement les défenseurs des collectivités territoriales ; en tant que parlementaires, nous devons avoir une vision nationale du budget de l'État ! Avec tous ces transferts, je n'ose pas dire ces tours de passe-passe...

Mme Nicole Bricq.  - Il fallait le dire !

Mme Jacqueline Gourault.  - ...nous aurions grand besoin de lisibilité.

Ensuite, n'essayez pas de nous faire croire que les collectivités territoriales conserveront le même degré d'autonomie fiscale, M. Adnot l'a dit.

Mme Marie-France Beaufils.  - Eh oui !

Mme Jacqueline Gourault.  - Communes et intercommunalités seront moins touchées que départements et régions. Mais avec 70 % des recettes sur lesquelles les collectivités ne pourront plus faire jouer le taux, nous n'avons pas vraiment affaire à une réforme à la marge ! La compensation pour 2010 ne sera pas intégrale. D'une part, elle sera fondée sur le taux de 2008, et non celui de 2009, pour éviter, dit-on, les effets d'aubaine. Cet argument ne tient pas : les collectivités, ne pouvant pas imaginer que l'on supprimerait la taxe professionnelle aussi rapidement, n'ont pas augmenté leur taux. D'autre part, même si les bases ont progressé moins vite en 2009 à cause de la crise, comme l'a expliqué M. Fourcade, elles ont augmenté -c'est le cas dans ma communauté d'agglomération. Le fonds de garantie, si j'ai bien compris, serait figé. Autrement dit, une commune qui aurait gagné au nouveau système puis perdrait des entreprises devrait continuer à contribuer au fonds quand celle qui aurait perdu à la réforme mais accueillerait de nouvelles entreprises continuerait à percevoir de l'argent. Ce serait une injustice sociale comparable à celle subie par les communes bénéficiaires de la taxe payée par France Télécom à qui l'on retirait la DGF. Concernant le transfert de la taxe d'habitation et de l'impôt sur le foncier non bâti, je m'interroge : le taux pourra être augmenté sur la part initiale, mais non sur la part transférée ? Autre question : les communes non membres d'un EPCI toucheront-elles la cotisation complémentaire ? Un membre du Gouvernement m'a assuré que les communes et les intercommunalités pourraient déterminer leur taux...

M. Eric Woerth, ministre.  - Donnez-moi son nom !

Mme Jacqueline Gourault.  - Je vous le dirai, mais ensuite... Tout le monde peut se tromper.

M. Edmond Hervé.  - Les collectivités territoriales donnent tout leur sens à cette décentralisation, consacrée à l'article premier de la Constitution, qui appartient à notre pacte républicain. L'État a besoin d'elles. Alors, à la stigmatisation, préférons la confiance ! Aujourd'hui, il y a rupture dans le processus de décentralisation qui, quoique perfectible, a porté ses fruits. Rupture dans la critique systématique de la dépense publique appliquée aux collectivités : trop de collectivités, trop d'élus, trop de ressources, d'où suppression de la taxe professionnelle ! Rupture dans les déclarations précipitées qui mêlent une fidélité idéologique contestable et une improvisation technique surprenante. Pour ma part, je ne suis pas surpris de l'absence du ministre de l'intérieur, puisque la réforme de la taxe professionnelle n'est pas faite pour les collectivités. Je note également des relations difficiles au sein de la majorité, entre la majorité parlementaire et l'exécutif. (M. Alain Fouché maugrée) Et on nous donne tous les jours des leçons de gouvernance ! Cela dit, ces divergences expliquent les précautions oratoires de certains collègues concernant l'insoutenable lourdeur de la dette et du déficit. Cette rupture entraîne la régression. Régression avec atteinte à l'autonomie des collectivités territoriales. Prenons pour seul exemple la contribution économique territoriale : le taux national ne favorise pas l'autonomie, non plus que des seuils élevés qui déclenchent l'imposition et de fortes exonérations -vous proposerez des modifications sur ce point. Atteinte à l'autonomie, encore, avec les transferts d'impôts et les dotations qui échappent aux collectivités territoriales, la limitation du taux de 3 % de valeur ajoutée par rapport au taux de 3,5. Avec la contribution économique territoriale, les communes perdront 35 % de l'autonomie dont elles disposaient avec la taxe professionnelle. Et je sais la différence entre autonomie financière et fiscale ! Comment les départements pourront-ils faire face à leurs dépenses sociales si on les prive de leur autonomie fiscale ?

Permettez-moi de faire quelques propositions. J'apprécierai, au nom de l'autonomie fiscale, qu'un taux local de valeur ajoutée soit accepté au bénéfice des collectivités territoriales dans le cadre d'une limite générale.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - C'est tout un débat !

M. Edmond Hervé.  - Le taux national devrait être légitimé par une forte péréquation. Pour que les départements honorent leurs dépenses, on pourrait imaginer qu'ils bénéficient d'une part de la CSG ou, mieux encore, d'un nouvel impôt constitué de la CSG et d'une part de l'impôt sur le revenu des personnes physiques.

L'impôt sur le revenu est encore progressif, même si vous y portez atteinte.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Sur le plan local ?

M. Edmond Hervé.  - Il est justifié, dans une logique cartésienne, de définir les compétences avant les ressources et il l'est tout autant que la nature de celles-ci soit adaptée à la définition de celles-là. Mais ne nourrissez pas d'illusions : on ne nous proposera pas, dans quelques mois, un bouleversement général des compétences.

Tout en nous fixant deux nouveaux rendez-vous, vous nous plongez dans l'incertitude et cela tient à votre conception des prélèvements obligatoires : pour vous, il faut absolument les faire baisser. Ce système de pensée doit être critiqué et corrigé car j'attends qu'on me démontre la corrélation entre le niveau des prélèvements obligatoires et celui du chômage. Comparez la France, la Grande-Bretagne, l'Allemagne et le Japon depuis trente ans : il n'y en a aucune. Il faut en revanche considérer la composition des prélèvements obligatoires. Nous ne sommes pas au somment de l'échelle pour la part de l'impôt sur les sociétés mais bien pour celle des impôts sur la consommation !

Il convient également de prendre en compte le contexte : le déficit, la dette, l'emprunt, tout cela devrait inciter à modérer les critiques. Regardons plutôt à quoi servent les prélèvements obligatoires. Le rapport du conseil national des prélèvements obligatoires note quelques points positifs : qualité de la main-d'oeuvre et de l'encadrement, communications, transports, logement... Tout cela profite très directement aux entreprises. D'où ces services viennent-ils ? Des prélèvements obligatoires !

Lorsque vous avez lancé le plan de relance, tous les élus se sont investis avec civisme -le Gouvernement l'a d'ailleurs remarqué. Vous avez besoin des collectivités locales pour avancer et pour vaincre le défi du chômage. Vous ne pouvez pas vouloir une grande industrie du logement, des transports, de l'énergie et laisser les collectivités dans l'incertitude.

J'avoue être très étonné de la structure générale de votre projet de budget avec un coût de 11 600 millions pour l'État mais 4 milliards en vitesse de croisière. Vous nous parlez de l'impératif de compétitivité mais dans vos tableaux, tous les secteurs sauf un sont gagnants, même si je m'interroge sur certaines professions libérales : ici, 11 700 millions pour les entreprises mais 4,3 milliards en vitesse de croisière. Les perdants, ce seront les collectivités territoriales et les ménages. Chacun le sait bien, eux qui payaient 48 % de la fiscalité locale en supporteront 70 %. (M. le ministre le conteste) Ces chiffres ont déjà été démontrés et ils seront répétés ! Voyez ce que vous avez fait pour l'APA au détriment des départements... (M. Alain Fouché s'exclame)

J'ai été également étonné que la plupart des documents gouvernementaux intéressant la décentralisation ne mentionnent pas les principes constitutionnels. Lorsqu'il est venu devant la commission, M. Balladur a dit en termes très diplomatiques qu'il ne serait peut-être pas insensible de modifier le principe de libre administration des collectivités territoriales.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Ce n'est pas ce qu'il a dit !

M. Edmond Hervé.  - Nous y sommes : ce principe est aujourd'hui malmené. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Il est paradoxal de commencer la réforme des collectivités locales par la suppression de leur principale recette. Est-il bien adroit de mettre ainsi la charrue avant les boeufs ? Il eût été plus logique de commencer par les règles d'organisation et de conclure par les ressources et si cette inversion suscite les critiques des élus, ne vous en prenez qu'à vous-mêmes.

Le Conseil économique et social avait proposé, il y a deux ou trois ans, un vaste plan de remise en ordre pour restaurer la rationalité de l'impôt local ; vous nous proposez une réforme bâclée, sans simulations mais non sans dissimulations. Quelle sera la compensation, sera-t-elle déductible et des exonérations jusqu'à 90 % pour des entreprises intégrées dans les bases ne sont-elles pas contraires à la territorialisation ?

M. Adrien Gouteyron.  - C'est la péréquation !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Quel sera le coût pour les finances publiques, 12 milliards ou 4 milliards ? Nous sommes dans le bleu. Je ne veux pas faire l'éloge de la fiscalité locale actuelle, c'est un fouillis... auquel vous substituez un autre fouillis.

Mme Nicole Bricq.  - C'est farfouillis !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - L'argument du Président de la République à Saint-Dizier ne tient pas la route. Vous pouvez renoncer à l'alibi de la compétitivité, comme Mme la ministre l'a dit elle-même : la taxe professionnelle n'arrive qu'au sept ou huitième rang des motivations des entreprises. Au demeurant, que sont les 4 milliards d'allégements au bénéfice des entreprises en regard des 400 milliards des exportations ? Quid de la dévaluation compétitive du dollar, du yuan ou de la livre sterling ? Elle atteint 30 % et l'on crie au protectionnisme ? On ne peut prétendre lutter contre les délocalisations sans y remédier sinon, nos entreprises investissant dans des pays à bas coûts, la France est de moins en moins leur horizon. C'est le cas de Peugeot, qui produit les deux tiers de ses voitures à l'étranger, ou de Renault, qui vient d'annoncer des licenciements, deux entreprises qui ont reçu sans contrepartie 3 milliards avec le plan automobile, soit bien plus qu'avec la suppression de la taxe professionnelle. On ne rétablira pas la compétitivité sans lutter contre le dumping social !

Le président de la République revendique une décision personnelle, mais j'ai un peu de mémoire et je ne suis pas né de la dernière pluie : j'y reconnais surtout une revendication du Medef. (Marques d'approbation à gauche) Il n'est pourtant pas très judicieux de substituer à la taxe professionnelle une contribution qui aura un lien plus ténu avec les territoires. Les entreprises ont surtout besoin de services publics de qualité. Est-il opportun de pénaliser de la sorte les territoires et la création d'emploi ?

Il n'est pas convenable de supprimer la taxe professionnelle sans avoir assuré aux collectivités un juste système de remplacement et il est trop facile de remettre les règles fiscales à plus tard en laissant au Parlement le soin de définir la répartition des attributions. Vous avez dit, monsieur le ministre, que la répartition des compétences n'est pas arrivée à son terme, que la loi sur ce sujet viendra après et qu'il faudra alors faire jouer le curseur des compétences. Comment mieux établir que le projet marche sur la tête ? Le Gouvernement prend le gage, laisse le Parlement dire à quelle sauce seront mangées les collectivités qui ne veulent pas l'être. Elles se déchireront et vous vous frotterez les mains. (« Très bien ! » sur les bancs du RDSE) Ce n'est pas très respectueux des collectivités non plus que du consensus prôné par le Président de la République.

C'est pourquoi, comme nous l'ont suggéré deux anciens Premiers ministres, MM. Juppé et Raffarin, nous voterons contre cette réforme en l'état.

M. Eric Woerth, ministre.  - Il s'agissait de l'ancien état !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Faut-il associer, comme le suggère le Président de la République, les collectivités territoriales à l'effort de maîtrise budgétaire entrepris par l'État ? Laissez-nous rire, madame, monsieur les ministres ! Parler d'effort de maîtrise budgétaire avec 140 milliards de déficits, vous repasserez ! La dette des collectivités locales ne représente que 10 % de la dette publique globale. Faut-il casser, pour un si médiocre résultat prévisible, l'investissement des collectivités, c'est-à-dire 75 % de l'investissement public ? Investissement qui contribue à la compétitivité du territoire français...

M. Eric Woerth, ministre.  - N'oubliez pas la DGF, quand même !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - ...à la qualité de la vie et même à la natalité, grâce aux crèches et haltes garderies... La suppression de la taxe professionnelle ne sera pas intégralement compensée : M. Juppé l'ayant répété, je m'abrite derrière son autorité.

L'intercommunalité a donné aux communes les moyens d'exercer des compétences stratégiques. Le Président de la République s'est curieusement étonné, dans son discours de Saint-Dizier, que le nombre d'EPCI ait cru de 64 % en dix ans. Mais c'est la preuve de leur réussite ! A l'époque, l'intercommunalité n'existait quasiment pas. Depuis, 174 communautés d'agglomération et trois communautés urbaines de plus de 500 000 habitants ont vu le jour ! Ces communautés exercent aujourd'hui, dans des domaines stratégiques comme le développement économique, l'habitat et les transports, les compétences que les communes adhérentes n'exerçaient pas ou mal. Or, vous allez les priver de la taxe professionnelle unique qui représente la quasi-totalité des ressources de cette intercommunalité très intégrée. Les recettes qui vont la remplacer seront notablement inférieures. Comment imaginer que les dynamiques actuelles puissent se poursuivre sinon par un recours accru à la fiscalité pesant sur les ménages ? Ces derniers seront les grands perdants de votre réforme. Il est donc légitime de s'interroger sur la pertinence de ces cadeaux faits aux entreprises. Pourquoi avoir voulu substituer au taux unique un taux progressif laissant 90 % des entreprises en dehors du champ d'application du nouvel impôt, en les réintégrant par la suite à l'assiette ? Pourquoi ne pas vouloir abaisser le seuil d'exonération de la cotisation complémentaire à 152 000 euros comme l'avait proposé l'Assemblée nationale pour élargir l'assiette ?

Mme Nicole Bricq.  - Le Medef !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Pourquoi plafonner à 3 % de la valeur ajoutée le montant de la cotisation économique ? Pourquoi plafonner l'assiette taxable à 80 % du chiffre d'affaires ? Pourquoi refuser l'amendement de notre commission des finances qui diminue de 15 % la valeur locative des immobilisations industrielles ? Toutes ces dispositions sont autant de cadeaux fiscaux arbitraires faits à certaines catégories. Oui à l'effort, mais à l'effort équitablement partagé !

Mme Nicole Bricq.  - Oui !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Comme l'a très bien dit M. Collin, cette suppression de la taxe professionnelle n'est pas opportune. En début d'année, nous avons eu le plan de relance...

M. Eric Woerth, ministre.  - Vous y étiez opposé.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - ...et maintenant c'est un formidable coup de frein ! Il est paradoxal de voir le Gouvernement et sa majorité proposer à la fois un budget en déséquilibre massif et prononcer des voeux de continence à perpétuité à l'usage des collectivités locales. Seule la droite pouvait oser cela !

M. Eric Woerth, ministre.  - Vous n'avez pas bien examiné cette réforme !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Le péché et la contrition se donnant en spectacle simultané, les prédications en chaire de MM. Arthuis et Marini couvrant les dérèglements affreux, au regard de l'orthodoxie, de Mme Lagarde et de M. Woerth, vous nous offrez du grand Mauriac ! (Applaudissements sur les bancs du RDSE et du groupe socialiste)

M. Alain Chatillon.  - L'organisation d'un tel débat juste après la discussion générale sur le projet de loi de finances pour 2010 montre tout l'intérêt que nous attachons aux finances locales alors que s'achève le congrès des maires.

Nous nous félicitons qu'un accord ait été trouvé afin de séparer la suppression de la taxe professionnelle du financement des collectivités territoriales dont nous débattrons ultérieurement. De même, nous nous réjouissons que le président de notre groupe ait accepté qu'un amendement fixe une période probatoire avant l'adoption définitive du texte : la simulation, l'évaluation et la correction des données sont en effet indispensables.

Le Gouvernement nous propose donc la suppression de la taxe professionnelle et son remplacement par deux nouvelles cotisations pour les entreprises. En outre, la compensation transitoire pour les collectivités en 2010 sera examinée en décembre. La réforme de la taxe professionnelle ne sera donc définitive qu'après la réforme des collectivités et de leurs compétences. Avec nombre de mes collègues, nous attendions ces décisions logiques et indispensables.

La réforme de la taxe professionnelle allégera les charges des entreprises d'environ 4,3 milliards. Mais il ne s'agit que de l'un des éléments qui permettra d'améliorer la compétitivité des entreprises. La suppression de la taxe professionnelle n'évitera pas les délocalisations ! Il y a quelques mois, Carlos Ghosn indiquait que la fabrication d'un nouveau modèle coûtait 1 400 euros de plus en France que dans un pays de l'est de l'Union. Les charges sociales représentent la quasi-totalité de ce montant et la taxe professionnelle seulement 140 euros !

Depuis l'après-guerre, la France a fait supporter l'excès des charges sociales et fiscales sur les entreprises. Ce faisant, elle a plombé leur croissance. L'autofinancement de nos entreprises représente à peine la moitié de celui des entreprises allemandes et anglaises, soit un manque de 120 milliards ! Les prélèvements obligatoires, par rapport au PIB, s'établissent à 44 % pour les entreprises françaises, alors qu'ils sont respectivement de 37 % et de 36 % pour celles du Royaume-Uni et de l'Allemagne. Contrairement à certaines idées reçues, ce sont les entreprises et non pas les ménages qui assurent l'essentiel des prélèvements. Voila pourquoi nos entreprises, depuis un demi-siècle, n'ont pas la croissance de leurs voisins ; d'où un parc d'entreprises vieillissant et atteint de nanisme. Nous n'échapperons pas, si nous voulons rétablir leur compétitivité, à une opération vérité sur les charges sociales. Le président Arthuis avait évoqué à juste titre une TVA sociale. Il faudra bien y revenir !

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Certes !

M. Alain Chatillon.  - De plus, je m'inquiète de la suppression du lien entre le taux de la cotisation foncière des entreprises basée sur les valeurs locatives foncières et le taux des impôts locaux des ménages. Ce lien est un élément indispensable de la réforme car la déliaison des taux a conduit dans le passé récent à des augmentations substantielles de l'imposition locale des entreprises.

Si les collectivités locales devaient pouvoir augmenter plus fortement les taux sur les entreprises, l'allégement procuré par la réforme serait réduit dès 2010 et conduirait rapidement à effacer les effets de cette réforme.

J'en viens aux recettes des collectivités territoriales. Je tiens tout d'abord à réaffirmer mon attachement au principe de la décentralisation et à son corollaire, l'autonomie financière des collectivités locales. J'ai écouté avec attention le Premier ministre il y a deux jours et j'ai pris bonne note de ses propos rassurants : éligibilité au FCTVA des investissements 2009 non réalisés à la fin de cette année ; reconduction en 2010 du remboursement du FCTVA ; compensation intégrale de la taxe carbone versée par les collectivités, avec la création d'un fonds géré par l'Ademe ; aide aux territoires ruraux pour la couverture numérique à 100 %.

Mais ces mesures conjoncturelles ne doivent pas nous faire oublier l'essentiel. Pour le bloc communal, il faut absolument maintenir le lien avec les entreprises et continuer à voter localement les quatre taxes, et notamment la cotisation locale d'activité et la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Absolument !

M. Alain Chatillon.  - Vivant au coeur du Lauragais, berceau du catharisme, vous comprendrez que je sois opposé au pouvoir central. Il faut poursuivre la décentralisation, ce qui n'exclut pas le contrôle et l'animation par le Gouvernement.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

M. Alain Chatillon.  - Au vu des premières simulations dans ma région, il convient de donner 35 % de la cotisation complémentaire au bloc communal. La cotisation complémentaire sera une recette dynamique et un bon levier fiscal pour accompagner les investissements du bloc communal en faveur des entreprises.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien !

M. Yvon Collin.  - Je suis d'accord !

M. Alain Chatillon.  - De même, le parc d'activités du bloc communal en milieu rural est constitué le plus souvent de PME et de TPE : une cotisation complémentaire de base s'impose, puis, au-delà de 500 000 euros, une cotisation progressive, et non en paliers, pour assurer la progressivité en fonction du poids des entreprises.

M. Yvon Collin.  - Très bien !

M. Alain Chatillon.  - Que se passera-t-il si l'État décide seul de répartir cette ressource ? Au-delà d'une recentralisation difficile à accepter, nous souhaitons le strict respect du principe constitutionnel de l'autonomie financière des collectivités territoriales et la reconnaissance de la primauté du bloc communal avec l'attribution d'une part très significative de la cotisation complémentaire sur la valeur ajoutée. A défaut, ce serait nier le lien indispensable et historique entre les entreprises et leur territoire.

Je fais confiance au Gouvernement mais nous devons prendre ensemble les bonnes décisions pour nous éviter de cuisants regrets dans quelques mois. (Applaudissements à droite et sur divers bancs au centre)

M. Bernard Vera.  - Comme l'a dit M. Pébereau, PDG de BNP Paribas : « La taxe professionnelle est un impôt efficace et intelligent dans son principe puisqu'il pousse à l'utilisation efficace des facteurs de production ». Contrairement à ce qu'affirment une certaine presse et la plupart des grands médias audiovisuels, la suppression de la taxe professionnelle ne fait nullement consensus. Seule la majorité parlementaire fait encore semblant d'y croire !

Nous pouvons nous entendre sur le fait que la suppression de la taxe professionnelle va rapporter 11,7 milliards d'euros aux entreprises, soit 0,5 à 0,6 point de PIB, mais va coûter beaucoup plus aux collectivités locales. Nous pourrions aussi comparer ces 11,7 milliards donnés aux entreprises aux perspectives de croissance d'environ 15 milliards d'euros. Cette mesure n'exercerait donc qu'un faible effet levier et ces 15 milliards pourraient aussi bien provenir de la consommation des ménages grâce à une baisse du taux d'épargne.

La vraie question consiste à se demander ce que les élus locaux, dans leurs pratiques quotidiennes, dans leurs politiques d'investissement, dans leur dévouement bénévole, ont fait pour mériter d'être si maltraités. En plaçant la majeure partie des ressources des collectivités locales hors du champ de l'autonomie financière, ce texte rompt le pacte fondateur de la décentralisation. L'annonce de la réforme des collectivités territoriales paraît vouloir ranger les lois de décentralisation au rayon des souvenirs.

Cela fait déjà quelque temps que l'État se défausse sur les collectivités locales. Ainsi, les départements les plus confrontés au vieillissement démographique rencontrent de plus en plus de difficultés pour financer l'allocation pour l'autonomie des personnes âgées, alors même qu'il aurait fallu créer un cinquième risque au sein de la sécurité sociale. De même, le revenu de solidarité active est devenu une source d'économies pour l'État par la réduction du coût de la prime pour l'emploi et la diminution des remboursements d'allégements de taxe d'habitation, ce qui ne profitera ni au fonds de développement pour l'insertion ni aux départements mais contribuera uniquement à la réduction du déficit de l'État. (Mme Marie-France Beaufils approuve)

La défausse de l'État s'accompagne d'une contrainte renforcée qui vise à encadrer toujours davantage le montant des concours et dotations. Tout est prévu pour que l'État puisse réduire les financements apportés aux collectivités locales, y compris pour les mesures qui découlent de ses propres choix politiques. La situation des finances locales ne peut manquer d'inquiéter les élus locaux. J'ai eu l'occasion de le vérifier encore récemment, dans l'accomplissement de mon mandat. Les élus de mon canton, toutes sensibilités politiques confondues, m'ont fait connaître leur inquiétude, leurs interrogations et leur colère devant le mauvais tour joué à la décentralisation et à leurs efforts pour la collectivité et le développement de leurs territoires.

L'indispensable dialogue républicain n'a, hélas, pas présidé à la préparation de cette loi de finances. Le pacte républicain est pourtant essentiel à l'identité nationale. II faut rendre toute faculté pour proposer, agir et construire aux élus locaux qui, dans leur très grande majorité, ne font pas de la politique un métier mais de l'accomplissement de leur mandat une mission de service public. Dans le cadre d'une véritable réforme des collectivités locales, nous devons réfléchir à leurs compétences et à leurs moyens, consulter le plus largement possible la population, effectuer des choix de gestion au plus près des besoins réels et faciliter la mise en oeuvre des mesures adoptées. II est temps de faire le bilan réel de la décentralisation, de la pertinence des compétences dévolues à chacun et des dispositions financières en vigueur.

Le sort des dotations, dont la DGF, est éclairant. Que représente-t-elle aujourd'hui pour un budget communal par rapport à 1979 ? Le premier concours de l'État n'est le plus souvent qu'une recette accessoire, en baisse constante. Ne faudrait-il pas décider d'une réelle politique d'allégement des contraintes financières pesant sur les collectivités locales ? D'autant que le regroupement des Caisses d'épargne et des Banques populaires comme les difficultés de Dexia rendent illusoire l'espérance de financements peu coûteux.

La réforme de la fiscalité locale devrait intégrer la double dimension de la justice et de l'efficacité. Nous n'en prenons pas le chemin ! Il ne faut pas faire du revenu la base d'imposition de la fiscalité locale. Remplacer des impôts locaux reposant sur une base surannée par une poll tax à la française ne serait pas un bon signe pour les citoyens. L'apport aux budgets locaux doit dépendre de la capacité contributive et le revenu doit rester la variable d'ajustement des contributions. Une véritable réforme de la taxe professionnelle, telle que Marie-France Beaufils nous l'a présentée, donnerait aux collectivités locales, dans le respect des principes républicains, les moyens de répondre aux besoins des populations et de participer au développement du pays.

La feuille de route de ce débat budgétaire devrait prévoir de rendre leur autonomie et leur efficacité aux concours et aux dotations et de réformer durablement et justement la fiscalité locale. Ce n'est pas sur cette route que nous nous trouvons, à moins que la raison ne l'emporte sur les considérations de court terme. Le groupe CRC-SPG votera contre le volet Collectivités territoriales de ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Hervé Maurey.  - La suppression de la taxe professionnelle est la mesure emblématique de cette loi de finances. Qualifiée d'imbécile par le Président Mitterrand il y a plus de vingt-cinq ans, cette imposition pénalise l'investissement et la compétitivité. Elle a été réformée vingt fois en trente-cinq ans, mais personne n'a eu le courage d'aller au-delà. Nous ne sommes donc pas opposés à sa suppression mais cette mesure engendrera une perte de 22,6 milliards d'euros pour les collectivités, soit la moitié de leurs recettes fiscales. Ce n'est pas négligeable !

En annonçant, en février dernier, la suppression de la taxe professionnelle sans indiquer par quel dispositif elle serait remplacée, le Président de la République a créé une immense inquiétude chez les élus de gauche, de droite et du centre, qui s'est exprimée notamment au congrès de l'AMF. Les propositions du Gouvernement en ce sens n'ont été connues qu'en août. L'Assemblée nationale les a beaucoup modifiées, dans le bon sens, en donnant une part de la cotisation complémentaire aux collectivités et en territorialisant cet impôt. Pour autant, je ne crois pas que le dispositif puisse être voté maintenant, même après l'examen de la seconde partie de cette loi de finances, car personne ne mesure l'impact du dispositif proposé.

Est-il envisagé d'indexer les dotations de compensation sur l'évolution des autres dotations, dont la hausse de 0,6 % est très inférieure à celle des charges ? Quelles seront les conséquences financières d'un impôt assis sur une assiette très variable, la valeur ajoutée ? Le seuil de 500 000 euros ne défavorisera-t-il pas, une fois de plus, les territoires ruraux ? La répartition de la cotisation complémentaire entre les différentes collectivités est-elle pertinente ? Le curseur entre territorialisation et mutualisation est-il bien positionné ?

Surtout, qui financera le coût de la réforme ? Selon la ministre, ce sera l'État, mais compte tenu de l'ampleur des déficits publics, ce seront les entreprises, les ménages ou les collectivités. Ne cherche-t-on pas aussi à encadrer les ressources des collectivités territoriales pour maîtriser leurs dépenses ? Ne veut-on pas réduire l'autonomie financière des collectivités locales, et plus généralement leur autonomie ? Si tel est le cas, mieux vaudrait nous le dire franchement.

Beaucoup de questions se posent encore, et nous ne pouvons pas voter à l'aveuglette. Nous sommes nombreux à penser qu'il aurait été plus logique de réformer les ressources des collectivités après avoir modifié leurs compétences, et non l'inverse. En outre, l'ensemble de notre fiscalité locale doit être revue pour faire de la DGF un véritable instrument de péréquation. S'il n'est plus possible d'attendre que la loi sur les compétences soit adoptée -sans doute en 2012-, au moins pouvons-nous attendre le premier semestre 2010. Nous pouvons voter dans le cadre de cette loi de finances la suppression de la taxe professionnelle et le système mis en place pour 2010, et adopter le dispositif destiné à la remplacer à la fin du premier semestre 2010 dans une loi de finances rectificative. Seuls les principes seraient inscrits dans ce texte et non le dispositif lui-même.

Je crains qu'il n'y ait ambigüité sur ce point et que nous ne soyons pas en phase avec le rapporteur général et le Gouvernement. Nous avons besoin de quelques mois pour voir quelles dispositions sont envisageables et quelles conséquences elles auront sur les collectivités, sachant qu'il faudra en tout état de cause revoir le dispositif en 2012, après la réforme des compétences. Nous pourrons travailler sur les simulations que nous aura fournies le Gouvernement, dans la transparence et la sérénité... Nous ne voulons pas jouer les apprentis sorciers. J'espère, madame la ministre, que vous pourrez répondre à notre demande pour que nous puissions vous apporter notre soutien. (Applaudissements au centre)

M. François Patriat.  - J'ai bien peur que mes propos n'entament pas votre détermination, madame la ministre et monsieur le ministre, tant le procès en dogmatisme que vous nous faites vaut en réalité pour vous. La réforme que vous nous proposez, loin d'être sur la ligne du progrès, constitue un recul : vous instaurez une recentralisation punitive contre les « féodalités régionales ». Mais où est donc leur péché ? Est-ce d'avoir assumé leurs compétences en matière d'enseignement supérieur, de recherche, d'avoir travaillé à l'extension du haut débit, d'avoir aidé à lutter contre la désertification médicale, payé pour les TGV... Quand on leur reproche d'avoir trop dépensé, veut-on parler des 54 milliards qu'elles ont mis dans le plan de relance, contrepartie exigée à la participation de l'État ? Quand on leur reproche d'avoir créé trop d'impôts, sait-on que ces impôts ne représentent que 6 % de la fiscalité nationale, soit 4 % de moins que ce que l'État dépense pour seulement prélever l'impôt, que ces 6 % ne représentent pas plus de 30 euros par habitant...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Vous auriez pu prendre 60...

M. François Patriat.  - Que leur reproche-t-on, enfin ? D'avoir embauché pour prendre le relais des emplois innombrables transférés par l'État, en respectant les indices et les carrières ? D'avoir augmenté la Tipp pour mettre en place le plan climat ?

On les punit en prévoyant un mode de scrutin inique et en les asphyxiant. Où sera l'autonomie des régions, demain ? Leur autonomie fiscale est aujourd'hui de 30 %. Demain, il n'en restera rien et tout tiendra dans la dotation de l'État, qui occupe déjà une place considérable. Mais le Premier président de la Cour des comptes n'a-t-il pas rappelé que lorsque l'État verse 93 milliards de subventions d'investissement, les collectivités mettent 427 milliards au pot ? Demain, il ne leur restera que deux ressources, dont le taux est voté par l'État. Elles n'auront à voter que deux impôts, celui sur les permis de conduire, qui pénalise les jeunes, et la Tipp, qui servira à payer les lignes à grande vitesse que l'État devrait financer. Paris-Clermont : 15 milliards. Car n'est-ce pas l'État qui nous demande de payer la future autoroute Centre-Europe-Atlantique, ou le contournement des grandes villes, toutes choses qui ne sont pas de la compétence des régions ?

Un tel cynisme n'est pas supportable ! Nous allons bientôt en revenir à l'EPR, à l'établissement public régional, car nous n'aurons bientôt plus qu'un budget affecté.

Des « féodalités », dites-vous, quand les présidents de région sont élus par des centaines de milliers de votants ! La vérité est que vous cherchez à museler, parce qu'elles sont acquises à la gauche, des collectivités jeunes, modernes, qui répondent aux aspirations d'aménagement du territoire.

La taxe carbone ? 650 millions d'euros. On ne s'étonnera pas, après cela, que les régions n'aient plus les moyens d'investir. Même chose pour la hausse mécanique des salaires. Comment passer de 75 à 79 millions sinon au détriment des investissements dans les lycées, les trains, la formation professionnelle, l'économie ?

Vous qui avez récemment reçu, madame la ministre, la distinction de meilleur ministre de l'économie, savez-vous qu'entre la mi-2008 et la fin de cette année, la Bourgogne aura perdu 20 000 emplois, dans la plus grande indifférence des pouvoirs publics. Car pendant que nous allons sur le terrain, que nous rencontrons les chefs d'entreprises, les salariés, l'État reste aux abonnés absents.

M. Eric Woerth, ministre.  - Ce que vous dites n'est pas sérieux !

M. François Patriat.  - Ces 12 milliards de taxe professionnelle à compenser, ce sont les ménages qui les paieront. Nous demandons que soit préservée une part de l'autonomie fiscale des régions ; que le foncier reste un impôt à leur disposition pour secourir les territoires que vous abandonnez chaque jour un peu plus à leur sort. (Applaudissements à gauche)

M. Albéric de Montgolfier.  - Le débat sur la répartition ne doit pas nous faire oublier ce qui est à l'origine de la réforme. Y avait-il urgence à supprimer la taxe professionnelle ? Deux fois oui : oui pour les entreprises, oui pour les collectivités. Ce que nous a dit M. Patriat ne fait que le démontrer : la crise se traduit par des licenciements, dramatiques pour les salariés et pour les collectivités. La réforme est donc urgente, nécessaire, même si elle est difficile. La taxe professionnelle n'a fait que se complexifier au fil du temps : depuis 1975, pas moins de 68 réformes ! Sans doute parce que l'on a toujours reculé devant sa suppression. Il fallait le courage de ce gouvernement pour aller jusqu'au bout.

Pourquoi la supprimer ? Parce que c'est un impôt fondé sur l'investissement, qui nuit à la productivité des entreprises et favorise les délocalisations. Il n'est d'ailleurs pas le seul...

Mme Jacqueline Gourault.  - Allons bon !

M. Albéric de Montgolfier.  - ...le niveau des salaires et d'autres éléments de notre fiscalité jouent aussi. Les prélèvements sociaux méritaient d'être réformés dans leur ensemble. Après les allégements de charges sur les bas salaires, le crédit impôt recherche, voilà la suppression de la taxe professionnelle, qui allégera de 300 millions la fiscalité des entreprises.

Cette taxe, la commission des finances l'a montré, est une spécificité bien française. La France est le seul pays à prélever un impôt sur l'investissement, payé par les entreprises, qu'elles soient ou non bénéficiaires, sur les investissements, qu'ils soient anciens ou trop neufs pour être encore productifs. Vous l'avez constaté, madame la ministre, à Anet, dans une entreprise dont les outils industriels sont anciens, comme vous l'avez vu dans une autre qui a récemment investi : l'une et l'autre sont requises de payer. Les investisseurs étrangers ne le comprennent pas.

Il fallait donc s'attaquer à cette taxe qui désavantage notre pays dans la compétition internationale. Fallait-il la réformer sans la supprimer ? Non, car elle est assise pour 80 % sur l'investissement ; elle était plus équilibrée jusqu'à ce que M. Strauss-Kahn en retranche la part salariale. Or la part de l'industrie dans notre économie est passée de 21 % en 1988 à moins de 14 % aujourd'hui ; ce secteur a perdu 500 000 emplois en quinze ans. Les bases de la taxe professionnelle se réduisent donc comme peau de chagrin. Il était inopportun de réformer un impôt voué à disparaître, dont l'État est aujourd'hui le premier contributeur.

Mme Nicole Bricq.  - Il fallait donc l'achever !

M. Albéric de Montgolfier.  - Pour le remplacer, il fallait créer un impôt économique local moderne, assis sur les activités contemporaines. L'économie est de plus en plus immatérielle ; or les services, les banques, les assurances ne payaient jusqu'ici presque pas de taxe professionnelle. Au sein du groupe de travail associant des élus et des représentants du monde économique, un consensus s'est fait jour sur la nécessité d'asseoir le nouvel impôt pour une part sur le foncier, pour une autre part sur la valeur ajoutée, comme le recommandait la commission Fouquet, avec un barème progressif en fonction du chiffre d'affaires qui favorise les PME. Certes, les collectivités ne pourront pas en fixer le taux ; mais l'essentiel me paraît être de les doter d'une ressource dynamique. Depuis cinq ans, la valeur ajoutée a progressé de plus de 4,1 % par an, tandis que le produit de la taxe professionnelle n'augmentait chaque année que de 3 %.

Nous traiterons du produit de cet impôt pour les collectivités lors de l'examen de la deuxième partie du PLF. On ne peut qu'approuver les orientations définies par la commission des finances. Pour le bloc communal, elle a fait le choix de territorialiser l'impôt afin de maintenir le lien entre entreprises et territoires ; mais la difficulté tient à la répartition des richesses inégalement réparties et à la progressivité du taux. Il serait donc judicieux de fixer un taux moyen national : ainsi la base de l'impôt sera territorialisée, non son taux. Pour ce qui est des départements et des régions, la répartition au niveau national s'impose. Les départements ont des charges incompressibles, essentiellement imputables aux dépenses sociales ; seule la création d'un cinquième risque pourrait leur permettre de faire face à leurs difficultés en faisant appel à la solidarité nationale. La répartition au niveau national du nouvel impôt économique local constituera l'amorce d'une péréquation. Pour la première fois dans l'histoire de la fiscalité locale en France, la péréquation s'opérera non pas par écrêtement mais par le taux même de l'impôt.

Je me réjouis également des garanties apportées au sujet des ressources des collectivités, ainsi que de la clause de revoyure qui permettra de tenir compte de l'évolution des compétences.

Le Gouvernement a exprimé clairement sa volonté de laisser le Parlement légiférer. Ce projet de loi est l'occasion de créer un impôt économique à la fois moderne et dynamique, bon pour les entreprises comme pour les collectivités. (Applaudissements à droite et au banc des commissions)

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Bravo !

M. Jean-Claude Frécon.  - A cette heure avancée, je ne répéterai pas les critiques formulées contre l'impréparation de cette réforme et le manque de concertation préalable. J'aborderai d'emblée le problème des relations financières entre les collectivités locales et l'État. Monsieur le ministre, vous dites avoir perçu lors du congrès des maires un certain apaisement des esprits. Il est vrai que le Premier ministre leur a apporté mardi des assurances au sujet du FCTVA et de la ristourne partielle de taxe carbone. Mais ils ont adopté cet après-midi, à l'unanimité moins une abstention, une résolution générale très critique à l'égard du Gouvernement.

M. François Marc.  - Ils sont tous contre la réforme !

M. Eric Woerth, ministre.  - Dans deux ans, ces craintes auront été dissipées.

M. Jean-Claude Frécon.  - Les dotations de l'État aux collectivités sont, dites-vous, en hausse de 1,2 % par rapport à l'année dernière ; mais si l'on en soustrait les versements au titre du FCTVA, cette hausse se réduit à 0,6 %.

M. Eric Woerth, ministre.  - C'est ce que j'ai dit.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Je m'en porte témoin.

M. Jean-Claude Frécon.  - Ce dernier chiffre est sans doute lui-même surévalué.

M. Eric Woerth, ministre.  - Pas possible !

M. Jean-Claude Frécon.  - Car il faut prendre en compte l'augmentation de la population. Nous disposons depuis l'année dernière d'un nouvel outil de comptabilisation ; les hausses constatées ne seront pour une part prises en compte que cette année, comme le sait bien M. Dallier. Quant aux résidences secondaires, pour lesquelles nous nous fondions jusqu'ici sur une estimation de 1999, leur nombre sera réévalué cette année. Ainsi, la population moyenne devrait augmenter de 0,7 ou 0,8 %. Cela réduit à néant la hausse de la DGF par habitant !

A cela s'ajoute le problème de la révision des bases : le comité des finances locales, sous la présidence de M. Fourcade, a souligné dès 1996 sa nécessité.

J'en viens à la question de la taxe professionnelle. Les notions d'autonomie financière des collectivités locales et de ressources propres ont été inscrites dans la Constitution en 2003, lors de ce qu'il est convenu d'appeler « l'acte II de la décentralisation » ; elles sont venues s'ajouter au principe de libre administration des collectivités, entériné depuis 1982. On nous a promis alors que le taux de ressources propres de chaque catégorie de collectivités serait maintenu. En 2005, la France a ratifié la charte européenne de l'autonomie locale, qui définit les fonds propres d'une manière légèrement différente.

Qu'est-ce que le pouvoir fiscal ? Que signifie ce droit de lever l'impôt propre à toute assemblée politique ? Dans notre pays, où il n'y a pas d'impôt perçu au niveau national et partagé ensuite, ce pouvoir donne à toute collectivité les moyens de mettre en oeuvre à son niveau l'intérêt général. C'est la condition des libertés locales, de la libre administration des collectivités mais aussi de leur responsabilisation : celui qui décide des dépenses doit porter la responsabilité des recettes.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Encore faut-il avoir des assiettes.

M. Jean-Claude Frécon.  - Certes, mais la réforme de la TP réduira de 30 % les ressources propres du bloc communal et de 70 % celles des collectivités dans leur ensemble. Depuis des mois, toutes les associations d'élus ont constitué un front commun pour y résister.

Vous avez dit, madame la ministre, que votre système respectait le principe d'autonomie financière ; en droit français, peut-être, mais je ne suis pas sûr que ce soit le cas en droit européen.

Il semble que le texte continue d'évoluer, et c'est heureux parce que le seuil de 550 000 euros de chiffre d'affaires laissait de côté 90 % des entreprises ; je pense qu'un seuil à 152 500 euros serait convenable. Il faudrait aussi relever la cotisation forfaitaire : 250 euros, c'est vraiment très peu. (Applaudissements à gauche ; M. Yvon Collin applaudit aussi)

M. Christian Poncelet.  - Permettez-moi tout d'abord, madame la ministre, de vous adresser mes chaleureuses félicitations pour votre désignation au premier rang des ministres des finances européens.

Vous nous proposez de supprimer la taxe professionnelle et les modalités de son remplacement. Il fallait mettre fin à un impôt jugé absurde, qui pèse essentiellement sur l'investissement productif. Plus on investit, plus on est imposé... Un atelier de tissage qui a douze métiers à 1 000 euros pièce, coût 12 000 euros, doit les renouveler, mais les nouveaux matériels étant à 10 000 euros pièce, il n'en achète que six -coût 60 000 euros. Sa taxe professionnelle aura été multipliée par cinq et il sera pénalisé par rapport à ses concurrents étrangers, peut-être contraint à la délocalisation en Slovaquie, ce qui affaiblira notre tissu industriel.

La taxe professionnelle a remplacé en son temps la patente, devenue si impopulaire qu'elle a été à l'origine du poujadisme et de l'élection à l'Assemblée nationale de ses 52 députés.

M. Christian Poncelet.  - La taxe professionnelle pesait à l'origine de façon équilibrée sur deux bases, l'investissement et les salaires. Depuis 1975, pas moins de 68 textes l'ont modifiée. Elle s'est trouvée déséquilibrée après la suppression de la part salaires par M. Strauss-Kahn : tout a alors pesé sur l'investissement, ce qui a conduit au décrochage de notre industrie par rapport à ses concurrentes européennes, notamment allemandes.

Tenant compte des critiques tant des agents économiques que des élus, conscient cependant que la taxe professionnelle est une ressource essentielle des collectivités territoriales, le Gouvernement propose de la supprimer en 2010 et d'en assurer la compensation -vous allez certainement nous le confirmer- collectivité par collectivité. De quelles ressources les collectivités territoriales disposeront-elles à compter de 2011 ? Comment pourront-elles continuer à investir ? Je rappelle qu'elles sont à l'origine de près des trois quarts de l'investissement public. Leur permettre de conserver la liberté mais aussi la responsabilité de recueillir par l'impôt les ressources dont elles ont besoin, c'est s'assurer qu'elles continueront.

J'ai noté avec satisfaction l'accord du Premier ministre à notre proposition de permettre aux collectivités territoriales de continuer à bénéficier du remboursement anticipé du FCTVA pour les dépenses qu'elles se sont fermement engagées à réaliser en 2009, mais que les délais de procédure de la commande publique les ont empêchées de réaliser ou de mandater avant le 31 décembre de cette année. Confirmez-vous en outre que ce dispositif de remboursement anticipé est prolongé en 2010 ? (M. Éric Woerth, ministre, le confirme)

Les collectivités territoriales sont aujourd'hui victimes de la crise financière, mais aussi d'un manque à gagner lié à la décentralisation. Aucun gouvernement, depuis les lois Defferre de 1982, n'a respecté la compensation intégrale des transferts de compétences. Dans mon département des Vosges, ce manque à gagner atteint à chaque exercice 45 millions d'euros. Et, comme l'a relevé la Cour des comptes, la péréquation est devenue pour l'État un objectif très marginal... Bien que ses marges de manoeuvre se soient réduites, mon département a continué à investir -+14% cette année- en diminuant ses frais de fonctionnement ; un tiers de son budget est de l'investissement. Nous avons réussi à maintenir le lien entre les entreprises et le territoire. Qu'en sera-t-il demain ? Sur quelles bases la compensation de taxe professionnelle sera-t-elle fondée en 2010 ?

On nous dit que pendant cette année, considérée comme neutre, elles recevront l'équivalent de ce qu'elles auraient perçu avec la taxe professionnelle. Mais comment les calculs seront-ils effectués ? Dans l'incertitude, nous ne pouvons organiser le débat d'orientation budgétaire que la loi nous impose : ne connaissant pas les recettes, nous ne pouvons prévoir les dépenses.

Nous ignorons aussi comment la cotisation complémentaire assise sur la valeur ajoutée confortera le lien entre la collectivité et l'économie. Comment fonctionnera le curseur du prélèvement si le nouveau système fiscal pénalise fortement des entreprises où lèse une collectivité ?

Avec un certain nombre de collègues, il nous a semblé utile de renforcer les garanties par amendement : nous voulons que les charges nouvelles pesant sur les départements soient intégralement compensées, mais aussi que l'État rétrocède le produit de la taxe carbone aux collectivités territoriales, aux intercommunalités, enfin aux services départementaux d'incendie et de secours.

Je vous remercie d'avance pour les réponses que vous pourrez m'apporter. (Applaudissements des bancs socialistes à la droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Tout ou presque ayant été dit, je m'en tiendrai à trois questions. Faut-il modifier les bases de l'impôt économique territorial ? Faut-il réduire cet impôt, voire le supprimer ? Faut-il redistribuer les impôts locaux entre collectivités ?

Sur le premier point, un consensus était possible puisqu'on pouvait prévoir la chute d'une taxe professionnelle reposant sur deux pieds de longueur très inégale -la valeur locative des immobilisations et l'investissement-, même avec le support d'une béquille de dotations d'État.

Le rapport Fouquet avait fourni les grandes lignes de la réforme, avec un impôt assis sur le foncier bâti et sur la valeur ajoutée, sans liaison entre les taux. Si le projet de budget s'en était tenu là, nous n'aurions plus à débattre que de détails, mais le Gouvernement veut supprimer la taxe professionnelle pour retenir la promesse du candidat Nicolas Sarkozy.

Sa disparition pure et simple ayant quelques inconvénients budgétaires, on l'a réduite de 9 milliards d'euros, accordant en définitive aux entreprises une ristourne de 4 à 4,5 milliards d'euros après l'augmentation prévisible de l'impôt sur les sociétés et la création de l'impôt forfaitaire sur les entreprises de réseau.

La version pour enfants habituellement fournie prétend qu'il s'agit de doper la compétitivité de nos entreprises.

Mme Nicole Bricq.  - Un comble !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nul ne le croit, pas même les chefs d'entreprise -en dehors de leurs meetings syndicaux ou au Sénat-, mais il est impossible d'échapper au moulin à prières tournant pour la fin de l'impôt « stupide ».

La taxe professionnelle arrive pourtant en queue de liste dans les décisions d'implantation des chefs d'entreprise, ce qui est confirmé par un récent rapport du Conseil des prélèvements obligatoires : « La localisation d'un investissement dépend principalement de critères économiques, géographiques et humains ».

La baisse de la taxe professionnelle n'affectera que marginalement les entreprises subissant la concurrence internationale. En 2008, seules 95 500 entreprises étaient exportatrices, soit 3,2 % de celles acquittant la taxe professionnelle. Leurs exportations ont représenté 410 milliards d'euros, soit 100 fois plus que la baisse de la taxe professionnelle pour l'ensemble des entreprises ! Avec une telle disproportion, il est permis d'émettre un doute sur la pertinence de la méthode.

L'indice des prix industriels sortie d'usine pour les produits exportés n'a été que faiblement sensible à la suppression progressive de la part salaires entre 1999 et 2002, puis au plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée à partir de 2007. D'après l'étude d'impact, la réforme cible les secteurs exposés à la concurrence internationale, notamment les activités industrielles, tout en soutenant l'investissement. On nous explique également que le maintien dans l'assiette des bénéfices non commerciaux, qui échappent à la concurrence internationale, illustre la même volonté de cibler les secteurs exposés. Pur verbiage : d'après le Conseil des prélèvements obligatoires, la valeur ajoutée, particulièrement élevée dans le secteur industriel, ne permettra pas d'alléger les coûts de production.

Il est amusant de constater sur le tableau de l'étude d'impact que l'impôt économique baisse principalement non pour le secteur industriel mais pour la construction, l'agriculture et les services aux particuliers, des secteurs pas particulièrement exposés à la concurrence internationale !

La compétitivité n'est qu'un cache-misère invoqué pour faire payer par les collectivités les promesses du candidat Nicolas Sarkozy. Comme vous diminuez le poids de l'impôt économique, l'essentiel de la contribution économique est étatisé, la part des dotations et des impôts sous maîtrise étatique augmente dans les recettes des collectivités ; un lien est rétabli entre le taux de l'impôt sur les ménages et celui de la contribution économique ; les ajustements budgétaires des collectivités sont transférés à terme sur les ménages.

Plus encore que la spécialisation des impôts par collectivité -type même de la fausse bonne idée-, vous proposez une complexe tuyauterie de redistribution avec ses vases d'expansion, ses siphons et son by-pass.

Mme Nicole Bricq.  - Il faut être plombier !

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est parce qu'il manquait 9 milliards de taxe professionnelle et qu'il fallait ôter aux irresponsables locaux toute velléité d'augmenter la contribution économique des entreprises que cette redistribution alambiquée s'imposait.

Vous avez accepté l'essentiel : la baisse de la contribution économique ? Que reste-t-il à discuter ? Le pourcentage des recettes allouées à chaque type de collectivité ?

Mme Nicole Bricq.  - Des cacahuètes !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le mode de redistribution macro ou micro, pour utiliser le jargon dont notre rapporteur général nous a donné un avant-goût tout à l'heure ? Il a d'ailleurs fourni quelques pistes. A dire vrai, le débat sur la péréquation n'a pas de sens, faute de recettes. On nous proposera bien sûr des rustines, mais les questions perdent beaucoup de leur intérêt quand l'essentiel manque.

Un sénateur de la majorité m'a dit : « Ils vont réussir l'exploit de nous faire battre devant un râtelier vide. » Impossible de dire mieux ! (Applaudissements à gauche, où l'on s'interroge sur l'auteur de la phrase)

M. Philippe Dallier.  - Au moment d'aborder ce texte qui va bouleverser le financement de nos collectivités territoriales, je salue l'état d'esprit qui prévaut depuis quelques jours du côté gouvernemental. Nous devrions parvenir à un compromis acceptable pour le Gouvernement, permettant de supprimer la taxe professionnelle dès le 1er janvier, comme l'a souhaité le Président de la République. Et le Parlement aura le temps nécessaire pour travailler dans de bonnes conditions.

L'exercice sera difficile, d'autant plus que le Gouvernement souhaite à cette occasion redistribuer les cartes. Je n'y vois que des avantages, à condition de faire preuve d'humilité, de mesurer l'ampleur de la tâche et les risques inhérents à l'exercice. Surtout, il faut tout prévoir, y compris la péréquation.

Difficile par nature, la réforme sera encore plus compliquée puisque le contexte économique et budgétaire nous contraint fortement. Raison de plus pour prendre le temps de la réflexion.

Ce temps, nous l'avons, puisque la réforme des collectivités locales entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2011. Je salue donc la proposition formulée par le rapporteur général de repousser en seconde partie du budget les dispositions de l'article 2 relatives aux collectivités territoriales.

Dix jours supplémentaires seront, certes, bienvenus mais insuffisants pour évaluer des dispositions presque définitives parce que détaillées et établir une véritable péréquation. Je soutiendrai donc l'idée que l'on s'en tienne, dans la seconde partie, à formuler des hypothèses de travail qui feront l'objet, courant 2010, de simulations précises afin de trouver la meilleure solution.

Est-ce l'incertitude qui créée l'angoisse perceptible chez les élus locaux ? Non ! Au contraire, les élus craignent qu'une réforme aussi importante soit bouclée rapidement sans que l'on ait mesuré ses effets. L'idée me semble donc judicieuse d'inscrire dans ce texte deux clauses de revoyure pour corriger le tir, lorsque nous disposerons des simulations, et tirer les conséquences éventuelles de la prochaine réforme des collectivités locales. Le Sénat, en ne bouclant pas définitivement le débat, montrera aux élus locaux son souci d'adopter un texte clair, compréhensible et équitable.

Mme Nicole Bricq.  - Oh la la !

M. Philippe Dallier.  - En l'état actuel, qui pourrait soutenir que les 135 pages de l'article 2 sont claires et compréhensibles par tous ? Personne ! M. Arthuis l'a montré encore tout à l'heure et, pour reprendre sa formule, cela reviendrait à prendre le risque d'acheter un lapin dans un sac. Si un texte était adopté, aucun gouvernement ne serait pressé d'ouvrir la boîte de Pandore. Et tant pis pour les collectivités victimes des inévitables effets de bord ! Raison de plus pour ne pas trancher ce débat avant de disposer de simulations fiables.

Pour ma part, j'avais obtenu, par la bande, certes, mais assez facilement, les simulations sur le texte du Gouvernement. Cela a été autrement difficile pour les simulations sur le texte sorti de l'Assemblée nationale. Après avoir acquis celles concernant mon département, je me suis vu répondre, madame la ministre, alors que je réclamais pour la énième fois à un membre de votre cabinet celles des communes d'Ile-de-France : « On ne va tout de même pas donner à tous les sénateurs les simulations pour toutes les communes, et puis d'abord, il y a le secret fiscal ». Le secret fiscal opposable aux sénateurs sur la fiscalité locale, les bras m'en sont tombés ! Madame la ministre, j'ai mis cette réponse étonnante sur un écart d'humeur lié à la fatigue du moment, mais j'espère que vous donnerez rapidement les consignes nécessaires pour remédier à cette situation. Le risque de transfert de bases d'imposition entre, d'une part, les territoires accueillant des entreprises à caractère industriel ou de transports et, d'autre part, les territoires accueillant plutôt des banques, des assurances et des entreprises de services, est bien réel et risque d'entraîner l'appauvrissement de certaines collectivités. Sans simulations, comment veiller au respect du principe constitutionnel de la péréquation ? La DGF ne joue plus son rôle péréquateur : les écarts, à collectivités semblables, varient du simple au double en Ile-de-France selon, parait-il, que la commune se trouvait dans l'ancien département de la Seine ou celui de la Seine-et-Oise avant 1964. Cette réforme nous donne l'occasion de revenir sur la sédimentation des situations acquises qui a marqué les réformes précédentes de la fiscalité locale et des dotations.

Cette réforme difficile et naturellement anxiogène peut, si le Gouvernement l'accepte, être l'opportunité de refonder le financement de nos collectivités sur des bases justes, équitables et durables. Pour ce faire, il nous faut un peu de temps, des simulations et la volonté politique de mettre un terme aux situations acquises. Il n'y a pas forcément de lien direct entre le niveau de richesse de certaines collectivités et le talent, forcément hors norme, de leurs édiles. Contrairement à ce qu'osent affirmer certains, les élus qui réclament une réforme des mécanismes de péréquation ne sont pas tous des incapables. Il y a de bons gestionnaires dans les villes pauvres et, à l'inverse, toutes les villes riches ne sont pas forcément bien gérées.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Exact !

M. Philippe Dallier.  - On connait de fameux exemples à droite comme à gauche, que chacun s'en souvienne ! Le temps est venu de redéfinir une péréquation conforme aux valeurs républicaines. Cette réforme devra porter non pas seulement sur le flux de création de richesse, comme l'a affirmé M. Fourcade, mais également sur le stock -cas du fonds de solidarité des communes de la région d'Ile-de-France et de la dotation de solidarité urbaine. Si ses effets doivent être progressifs, la réforme ne doit plus être différée. Puissent nos travaux ouvrir la voix à cette réforme nécessaire pour prendre effet au 1er janvier 2011 en même temps que la nouvelle distribution des cartes de la fiscalité locale ! C'est ainsi que le Sénat aura pleinement joué son rôle ! (Applaudissements à droite et sur certains bancs socialistes)

M. Alain Fouché.  - L'État, pour faire accepter les programmes nucléaires auprès de l'opinion publique, a parlé d'avancées énergétiques, de créations d'emplois, d'énergies propres, mais aussi de taxe professionnelle. Le fonds départemental de péréquation de la taxe professionnelle, auquel contribuent les entreprises nucléaires, permet aux communes du département, voire d'un autre département, de bénéficier des retombées de l'installation d'un site nucléaire. Indispensable aux petites communes, il profite, dans mon département de la Vienne, à plus de 250 communes sur 283. Les sommes sont ventilées par le conseil général qui détermine les pourcentages accordés aux communes d'accueil et aux communes défavorisées. Monsieur le ministre, la suppression de la taxe professionnelle sera-t-elle intégralement compensé par l'État en 2010 ?

M. Eric Woerth, ministre.  - Oui !

M. Alain Fouché.  - Pour 2011 et les années suivantes, nous savons qu'EDF sera ponctionnée au titre de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseau. Le conseil général pourra-t-il continuer de ventiler ces sommes ? Les élus sont inquiets, de nombreux chantiers ont été interrompus, les entreprises nous appellent. Il est urgent qu'une décision soit prise. Merci de me répondre ! (Applaudissements à droite)

M. Adrien Gouteyron.  - A mon tour de dire que nous n'avons pas le droit de rater cette occasion de réformer la péréquation, ce terme que nous employons si souvent mais qui, hélas !, est dénué de portée réelle aujourd'hui. Le Gouvernement laisse au Parlement le soin d'affiner le dispositif, de trouver l'équilibre difficile entre péréquation et territorialisation -le lien qui attache une réalité économique au territoire- et la commission des finances y travaille. Il ne faut pas que le barème progressif du nouvel impôt sur la valeur ajoutée et l'exclusion des PME pénalisent les territoires les moins favorisés. Prenons garde à ce risque mortel ! Le dispositif, aussi affiné soit-il, doit s'accompagner d'un mécanisme extérieur, d'un véritable fonds de péréquation. Nous devons tenir compte de tous les niveaux de collectivités. Pour ma part, je veux parler des départements qui ne sont pas les plus favorisés.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - Ah !

M. Adrien Gouteyron.  - Le système de la dotation de fonctionnement minimale a perdu beaucoup de sa vigueur depuis que la liste des départements bénéficiaires a été allongée. La situation budgétaire de nos départements est parfois, disons le mot, catastrophique. Mon département de la Haute-Loire a un budget de 245 millions, dont 24 millions de dépenses pour l'APA compensées à hauteur de 8 millions.

M. Christian Poncelet.  - Hélas ! Je connais une situation similaire...

M. Adrien Gouteyron.  - A une certaine époque, il investissait 50 % de son budget.

Les conséquences sont dramatiques sur le taux d'investissement des départements. En 1999, ce taux était de 42 %, de 31 % en 2005 ; il est de 23 % en 2009 et je crains qu'en 2010, il soit inférieur à 20 %. Ces pourcentages illustrent bien mon propos : si nous ne saisissions pas l'occasion de remédier à cette situation, nous manquerions à notre devoir de parlementaires. Je sais bien qu'on ne peut pas tout régler par un texte, qu'il faut penser à d'autres mesures, que le cinquième risque doit être et, je l'espère, sera prochainement institué, mais faisons avancer les choses.

L'Assemblée nationale a prévu un taux de 20 % pour la part des communes dans le prélèvement de la valeur ajoutée. J'ai trouvé la référence à l'actuelle répartition de la taxe professionnelle très intéressante : 60 % pour les communes, 30 % pour les départements et 10 % pour les régions. A compétences constantes, pourquoi s'éloigner par trop de ces chiffres ?

Une question enfin sur les communes appartenant à des EPCI à fiscalité additionnelle. J'ai interrogé plusieurs fois Mme Lagarde sans obtenir de réponse satisfaisante. J'ai entendu dire que des communes ne bénéficieraient pas de la cotisation complémentaire.

M. Eric Woerth, ministre.  - C'est l'EPCI.

M. Adrien Gouteyron.  - Ce serait inadmissible. Elles ont fait l'effort d'investir, elles ont attiré des entreprises. Je comprendrais mal une injustice criante, insupportable.

Le doute s'introduit dans l'obscurité. La commission des finances a accompli un effort considérable pour introduire de la clarté. Je la félicite de sa démarche. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Eric Woerth, ministre.  - Je ne répondrai pas sur tout car nous allons poursuivre le débat dans les deux jours qui viennent. Le remplacement de la taxe professionnelle par la cotisation territoriale, c'est la territorialisation, la péréquation, la compensation et le dynamisme. Je veux dénoncer une désinformation et l'emploi d'arguments brutaux comme si une bombe atomique était tombée sur la décentralisation. Dans certains départements, on écrit aux maires pour dire qu'on ne pourra plus les aider. Mais comment expliquer le dispositif avant que le Sénat l'ait adopté...

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Absolument !

M. Eric Woerth, ministre.  - ...et que les bases aient évolué et se soient améliorées au fil du débat ?

Oui, monsieur Guené, le Gouvernement soutient les deux amendements en faveur de l'investissement des collectivités. J'indique aussi au président Poncelet l'assouplissement de la mesure 2009 pour prendre en compte les délais nécessaires pour investir, comme le Premier ministre l'a acté. Il y aura d'ailleurs là-dessus un amendement UMP de nature à rassurer les maires. La reconduction de cette mesure en 2010 est également importante pour la relance.

Un mot de l'affaire des bases et des taux. Le choix fait par l'Assemblée nationale est celui des bases 2010 ou du produit 2009 et des taux 2008. C'est une bonne manière de faire. On ne se méfie nullement des élus : on devait choisir quelque chose de récent et d'incontestable. Les bases 2010 sont très dynamiques et l'investissement avait augmenté de 5 % en 2008. C'est une bonne base pour les dotations 2010 et les compensations ultérieures. En outre, le mécanisme de garantie sera indexé, comme l'a dit le Premier ministre devant le congrès des maires.

Je remercie M. Dallier d'avoir montré que nous avions bougé. Le chemin qui reste à parcourir le sera dans les jours qui viennent.

Je le dis à MM. Marc et Hervé, je ne suis pas favorable à l'attribution de CSG aux départements. Je ne méconnais pas leurs difficultés face aux dépenses sociales mais la CSG ne suffit déjà pas à la sécurité sociale et il n'est pas question de l'augmenter. Cette solution n'est pas bonne.

M. Fouché m'a interrogé sur l'industrie nucléaire. L'Assemblée nationale a adopté un dispositif de remplacement mais j'ai cru comprendre que la commission des finances avait envisagé un retour à une rédaction améliorée du Gouvernement.

Ce sont les EPCI à fiscalité additionnelle qui toucheront la cotisation complémentaire, monsieur Gouteyron : les communes ne perçoivent pas la valeur ajoutée. Je précise que l'Assemblée nationale a voulu le taux de 20 % de cotisation complémentaire et a précisé la répartition selon le type d'EPCI. Voilà l'état du débat que vous allez reprendre pendant deux jours. (Applaudissements à droite)

Le débat est clos.

M. Jean Arthuis, président de la commission.  - La commission des finances se réunira ce matin à dix heures pour examiner les sous-amendements à son amendement à l'article 2 pour lequel elle demandera la priorité.

Prochaine séance aujourd'hui, vendredi 20 novembre 2009, à 14 h 30.

La séance est levée à 2 h 30.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du vendredi 20 novembre 2009

Séance publique

A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2010, adopté par l'Assemblée nationale (n°100, 2009-2010). Examen des articles de la première partie.

Rapport (n°101, 2009-2010) de M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.