Débat sur le Moyen-Orient

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat d'initiative sénatoriale sur le Moyen-Orient.

M. Jean François-Poncet, au nom de la commission des affaires étrangères.  - La commission des affaires étrangères, par la voix de son président, que je remercie de cet honneur, a, fin 2008, confié à Mme Cerisier ben Guiga et à moi-même une mission d'information sur le Moyen-Orient ; nous avons donc été amenés à faire le tour d'une douzaine de pays de cette région qui est, nous en sommes tous conscients, celle dont l'Europe est la plus proche : elle en importe une grande part de son énergie, y réalise une grande part de ses exportations, tandis que le terrorisme y trouve son origine directe ou indirecte. Une communauté de destin lie, de fait, l'Europe et le Moyen-Orient.

Les relations que les États européens entretiennent avec la région varient d'un pays à l'autre. Elles sont parfois bonnes, souvent tendues, toujours difficiles, et cela pour trois raisons. Le souvenir du colonialisme, tout d'abord, qui, s'il n'a duré que quelques décennies, de la fin de l'empire ottoman à l'indépendance, n'en a pas moins laissé un souvenir marquant ; le retour de la religion, ensuite, qui ne se traduit pas tant par une plus grande ferveur que par des pratiques plus ostentatoires dans la prière et le respect du jeûne et le retour en force du droit islamique. Évitons cependant tout contresens : la religion ne débouche pas forcément sur l'intolérance ; elle offre à ses adeptes un ancrage identitaire, apporte une réponse aux générations humiliées par les défaites du monde arabe contre Israël, si bien que l'islam s'est imposé comme le territoire de la dignité retrouvée. Le retour en force du voile n'est pas tant, contrairement à ce que l'on entend trop souvent, une régression sociale que ce qui permet aux femmes d'exercer une activité professionnelle -cela est vrai même en Arabie saoudite, où nous avons rencontré des femmes d'affaires de première importance. Troisième facteur, enfin, à l'origine de bien des tensions, la rapidité et la profondeur des évolutions sociales, qui contrastent avec l'immobilisme des régimes politiques avec lesquels l'Occident a partie liée. Ces évolutions tiennent tout d'abord au choc démographique. La population du Moyen-Orient a doublé depuis l'indépendance -elle augmentera encore de 40 % d'ici à la fin de la décennie- en même temps que progressait la concentration urbaine : Le Caire est passé, entre 1976 et 2006, de 9 à 18 millions d'habitants ; Ryad, qui n'existait pratiquement pas au début du siècle, compte aujourd'hui 5 millions d'habitants. A cela s'ajoute le changement rapide du statut des femmes qui jouent désormais, et cela concerne tous les pays de la région, un rôle économique important. Si cette progression ne va pas sans retour arrière, elle est pourtant inexorable, alimentée par la scolarisation, qui concerne 50 % des femmes. L'Iran compte plus de femmes que d'hommes dans ses universités.

Face à ces évolutions, nous sommes frappés par l'immobilisme politique : Moubarak préside l'Égypte depuis vingt huit ans, Ben Ali la Tunisie depuis vingt deux ans, Kadhafi, qui a pris le pouvoir en Lybie depuis 1969, s'apprête, semble-t-il, à le transmettre à son fils, et le même phénomène s'obverse en Syrie avec les Al-Hassad. Quant au Maroc, au Koweït, à l'Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, les dynasties sont en place depuis l'indépendance. Nulle part ne s'est installée la démocratie, malgré la pression, en son temps, de M. Bush. Des élections ont bien lieu, mais elles sont administrées par des régimes résolus à en contourner les résultats par la manipulation des lois électorales et l'interdiction des candidats des partis d'opposition. Résultat : les peuple se soumettent mais n'ont pas confiance en leurs gouvernants. Les ressources énergétiques, pour les régimes qui en disposent, sont un facteur de stabilité. Rappelons que le pourtour du Golfe persique concentre deux tiers des ressources mondiales en pétrole et en gaz et fournit actuellement 30 % des achats de pétrole dans le monde. La Chine est devenue l'un des principaux débouchés du pétrole proche-oriental, ce qui amène la région à se tourner aujourd'hui autant vers l'Asie que vers l'Europe. Pour la Chine, cette absorption est d'autant plus facile qu'elle ne pose jamais de condition politique et s'abstient de toute intervention.

C'est un luxe que l'Europe peut très difficilement se permettre. Celle-ci est attendue au moins sur trois dossiers essentiels : le conflit israélo-arabe, le programme nucléaire iranien, la lente et dangereuse désintégration du Yémen.

L'importance du conflit israélo-arabe et la menace qu'il fait peser sur le destin du peuple palestinien est au coeur des relations entre l'Occident et le monde arabe. Celui-ci reproche à l'Occident de faire deux poids deux mesures, d'accepter qu'Israël foule les résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU aux pieds tout en se montrant intransigeant vis-à-vis des Arabes. Ainsi, l'Occident condamne les tirs de roquette du Hamas contre Israël mais a peu de mots concernant le blocus de Gaza qui en est la cause. (M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes, le conteste) Les périmètres d'une solution ont été définis en 2000 sous la présidence de M. Clinton, après de longues tractations : deux États vivant côte à côte ; le tracé de la frontière entre ces deux États correspondant à celui de 1967, corrigé, le moment venu, pour tenir compte des colonies installées dans les Territoires palestiniens, lesquelles devront être territorialement compensées par des cessions israéliennes aux Palestiniens ; le partage de la capitale, Jérusalem, entre les deux États ; l'obtention du droit au retour pour les réfugiés palestiniens conditionné par l'accord d'Israël. Or nous savons précisément qu'Israël n'est aucunement prêt à accueillir des réfugiés palestiniens, si ce n'est au compte-goutte. Ces périmètres sont connus. Seuls capables de fonder la paix, ils sont peu discutés mais ils n'ont jamais été mis en oeuvre. Première cause du blocage, les acteurs du conflit. Si le Fatah, c'est-à-dire la branche du mouvement palestinien qui soutient l'Autorité palestinienne, reconnaît Israël, ce n'est pas le cas du Hamas qui propose une trêve renouvelable tous les dix ans. Ensuite -c'est mon analyse-, Israël est incapable de prendre une décision politique aussi importante que les cessions exigées de lui en raison de son système politique. Le scrutin proportionnel y impose la formation de gouvernements de coalition menant à la paralysie de l'exécutif. En conséquence, les colonies connaissent une extension ininterrompue si bien que la carte des Territoires palestiniens ressemble aujourd'hui à une peau de léopard, ce qui rend difficile la constitution d'un territoire cohérent et, donc, viable. Pour résumer la situation en une formule : Israël est politiquement trop faible pour la paix et militairement trop fort pour avoir réellement besoin de cette paix. La deuxième cause de blocage tient aux États-Unis, seuls capables d'imposer l'ouverture de négociations, qui font preuve d'une retenue décevante. Contrairement à M. Bush, M. Obama rejoint les positions de M. Clinton mais n'a pas réussi à les imposer au Premier ministre Netanyahou. Au bout du tunnel sans fin du conflit israélo-palestinien ne pointe aucune lumière. Monsieur le ministre, cette analyse pessimiste rejoint-elle la vôtre ? Que compte faire le Gouvernement pour sortir de cette impasse ?

Deuxième problème, plus récent, mais tout aussi important, la nucléarisation de l'Iran qui représente une menace pour toute la région. L'Arabie saoudite et l'Égypte ne sauraient accepter une telle évolution sans chercher à développer leur propre programme ou à se tourner vers le Pakistan. La nucléarisation du Proche-Orient serait désastreuse. L'Iran soutient que ce programme nucléaire poursuit des seules fins civiles, mais la communauté internationale n'en croit rien quand ce pays entoure son programme du plus grand secret, ne possède aucune installation permettant l'utilisation civile de l'uranium enrichi et se dote d'un arsenal de missiles balistiques. La voie diplomatique n'a pas abouti. Or Israël considère la nucléarisation de l'Iran comme une menace envers son existence. (L'orateur, victime d'un malaise, perd connaissance quelques instants ; revenu à lui, notamment grâce aux soins prodigués par M. Kouchner, il refuse de quitter la tribune et poursuit son intervention)

La nucléarisation de l'Iran à l'échéance de 2015 est entre les mains des États-Unis, sauf à imaginer que les failles qui apparaissent dans le régime théocratique de Téhéran n'entraînent, à un moment ou à un autre, son effondrement, ce qui ne semble pas imminent.

Reste le problème de la désintégration inexorable du Yémen. (L'orateur ne peut poursuivre son discours et doit descendre de la tribune ; il quitte l'hémicycle sous les applaudissements de Mmes et MM. les sénateurs)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Avant de reprendre l'intervention de M. Jean Francois-Poncet, je voudrais lui rendre hommage. Durant toute l'année dernière, nous avons fait des voyages éreintants et j'ai admiré sa capacité à mener les discussions. Ce soir, je vais donc lire la fin de son intervention.

« La désintégration inexorable du Yémen porte en elle d'autres dangers. Le gouvernement yéménite ne contrôle plus guère que sa capitale, Sanaa. Il ne parvient ni à mâter la rébellion qui contrôle le nord, ni à écarter la menace d'une sécession du sud. Quant au centre du pays, dont le relief est presque aussi tourmenté que celui de l'Afghanistan, il permet aux tribus qui y vivent d'ignorer le pouvoir central. Du coup, Al-Qaïda y a développé des camps d'entraînement et y a replié une partie des Jihadistes, contraints de quitter l'Irak. Le Yémen est le pays le plus déshérité du Moyen-Orient mais, avec 24 millions d'habitants, il en est le plus peuplé. Il constitue une menace pour la tranquillité de l'ensemble de la péninsule arabique. L'Arabie saoudite en est fort inquiète et construit, pour tenter d'isoler son territoire du Yémen, une barrière électronique dont l'efficacité future demeure à démontrer.

« Monsieur le ministre, j'arrête ici mon propos en vous demandant si cette analyse, qui a volontairement mis l'accent sur l'instabilité du Moyen-Orient et les menaces que celles-ci comportent pour l'Occident, rejoint, dans ses grandes lignes, la vôtre.

« Le Sénat souhaiterait surtout être éclairé sur les initiatives que la France prend et envisage de prendre pour parer à ces différentes menaces. »

M. le président. - Merci, madame Cerisier-ben Guiga, d'avoir lu la fin du discours de M. François-Poncet.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.  - Je tiens tout d'abord à remercier la commission des affaires étrangères, et notamment son président, de l'honneur qu'ils nous ont fait en nous confiant cette mission qui a été consensuelle. Nous espérions présenter un rapport transversal mais la diversité des situations nous en a empêchés. Je suis néanmoins heureuse que M. François-Poncet ait repris dans son exposé les grands thèmes qui expliquent les convulsions du Moyen-Orient et les raisons pour lesquelles l'opposition à l'Occident y est si forte. Il n'y a qu'un point sur lequel nous divergeons et qui porte sur l'opportunité de sanctions nouvelles à l'encontre de l'Iran. Actuellement, alors qu'une grande part du peuple iranien lutte héroïquement pour l'établissement d'un État de droit, serait-il juste et efficace de le sanctionner ? Le gouvernement iranien exerce une dictature : il se sert de la menace internationale pour justifier la répression interne. En accroissant les sanctions, ne renforcerions-nous pas la dictature ? Il est difficile de se faire une idée précise mais le moindre mal serait certainement le mieux. Enfin, si les sanctions échouaient et que l'Iran développe vraiment un programme nucléaire militaire, que ferions-nous ? Irions-nous le bombarder ? Aiderions-nous ou laisserions-nous Israël le faire ? Sommes-nous prêts à une quatrième guerre du Golfe ? Aucune de ces hypothèses n'est acceptable.

Il faudrait sans doute s'attaquer au problème de la nucléarisation du Moyen-Orient. Cette utopie est peut être plus réaliste que les perspectives de guerre. La miniaturisation des bombes rend la menace plus immédiate pour les peuples désarmés sur lesquels elle pèse. Nous ne serons crédibles qu'en promouvant un traité régional incluant Israël et qui fasse du Moyen-Orient une zone exempte d'armes nucléaires, comme l'Amérique latine ou l'Asie du sud-est. Cette solution est peut-être utopique, mais l'utopie est parfois plus sûre que les roulements de tambours !

Monsieur le ministre, vous avez rencontré M. George Mitchell à Bruxelles et nous sommes heureux qu'en dépit de cette journée chargée, vous ayez pu venir au Sénat pour réagir à nos propos sur la situation Israélo-palestinienne. Présidente du groupe de contact France-Palestine du Sénat, ce sujet me préoccupe particulièrement. Il y a un an, presque jour pour jour, le Sénat débattait des conséquences de l'opération punitive d'Israël contre Gaza dont M. Jean François-Poncet, moi-même et notre ambassadeur aux droits de l'homme avons pu constater l'ampleur le 29 janvier 2009. Cet événement ramenait sous les feux de l'actualité un conflit occulté par les médias et que beaucoup croyaient gelé. Après cette année 2009 qui a vu, du fait de l'armée israélienne, la mort de 29 Palestiniens en Cisjordanie, en plus des 1 400 tués de Gaza, l'arrestation de 3 456 Cisjordaniens, la destruction de 299 maisons, il n'y a plus de partenaires pour des négociations, pas plus qu'il n'y a d'arbitres. La négociation est donc impossible. Aujourd'hui, nous assistons à la séparation entre Cisjordanie occupée et Gaza assiégée, à la division entre le Fatah et le Hamas. Il n'y a donc plus de négociateurs palestiniens. Quant aux Israéliens, ils préfèrent la sécurité à la paix. Leur majorité gouvernementale est fragile et M. François-Poncet a bien expliqué pourquoi Israël, militairement trop fort et politiquement trop faible, ne peut pas payer le prix de la paix. L'absence d'arbitre explique en partie pourquoi ce conflit dure depuis soixante ans. Actuellement, l'arbitre américain n'est ni neutre, ni fort. (M. le ministre en doute) En outre, Israéliens et Américains excluent tout autre arbitre du conflit, en particulier l'Union européenne. Si je me trompe, dites le moi, monsieur le ministre ! L'Europe est divisée, elle a développé un complexe de culpabilité à l'égard d'Israël et elle fait passer les relations économiques avant toute autre considération. Elle n'use donc pas des moyens de persuasion et de pression dont elle dispose. Quand l'Europe défendra-t-elle réellement les droits des Palestiniens qui payent aujourd'hui pour ses crimes passés ? Pourquoi la France n'utilise-t-elle pas l'accord d'association de 1995 ? Pourquoi ne pousse-t-elle pas l'Union européenne à s'inspirer de l'article 2 qui permettrait de faire comprendre à Israël qu'il n'est pas possible de bafouer impunément les droits de l'homme et la légalité internationale ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.  - La question palestinienne est centrale au Moyen-Orient. On nous en a parlé partout. Elle est l'abcès de fixation du ressentiment et de frustration de toute la région. Si elle était résolue, les autres problèmes seraient sans doute moins difficiles à régler. Or, la situation en Cisjordanie, à Jérusalem et à Gaza se dégrade. En Cisjordanie, il y a récemment eu des exécutions extrajudiciaires en zones de souveraineté palestinienne à Naplouse, suite à l'assassinat d'un colon. Les arrestations d'Abdallah Abu Rahma, coordinateur du mouvement non violent de Bil'in, de Jamal Juma, coordinateur de la campagne Stop the Wall, et de bien d'autres militants pacifiques, la détention arbitraire de centaines de Palestiniens, dont les deux tiers depuis plus d'un an, dénoncée par l'ONG Hamoked dans un récent rapport. Et je n'oublie pas le maintien en détention de notre compatriote Salah Hamouri, illégalement et injustement condamné, dont le Président de la République n'a jamais prononcé le nom. (Mme Dominique Voynet applaudit) Nous aimerions qu'il fasse autant d'effort pour lui que pour Gilad Shalit, pour la jeune Clotilde Reiss et pour tous les Français injustement privés de leur liberté à l'étranger. (Applaudissements sur les bancs CRC ; Mme Dominique Voynet applaudit aussi)

A Jérusalem, le récent rapport des diplomates européens en poste dans cette ville confirme nos observations : toute la politique du gouvernement israélien est orientée vers l'israélisation de Jérusalem est, en contravention de la résolution 242.

M. Philippe Marini.  - Très juste !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.  - Le gouvernement israélien expulse les habitants arabes, il détruit les maisons, la colonisation se poursuit pour couper complètement Jérusalem par deux lignes de colonies de son environnement arabe. Le statut de résident a été retiré en 2009 à 4 577 Palestiniens de Jérusalem et une future loi en privera tous ceux qui ont la chance d'avoir la nationalité israélienne. La déléguée générale de Palestine en France risque d'ailleurs d'en être victime.

Quel est, monsieur le ministre, le statut du rapport des diplomates européens à Jérusalem ? Je demande qu'il soit rendu public et que ses conclusions inspirent la politique de la France et de l'Union européenne.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.  - Qu'allez-vous faire du projet qu'Hamoked, l'ONG israélienne, a présenté à la France pour les droits des Palestiniens de Jérusalem ?

A Gaza, tous les rapports convergent : on organise le dé-développement : les usines ont été rasées, les industriels ont fait faillite, l'agriculture périclite faute d'intrants; l'eau potable, les eaux usées, l'électricité, tout pose problème. Le blocus empêche toute reconstruction et n'a cessé de se durcir depuis 2005 : 5 000 familles restent sans abri. Ne peuvent entrer qu'une trentaine de produits sur les 9 000 recensés par l'accord de Paris. Faute de ciment, l'UNWRA en est à construire des maisons en terre.

La vie quotidienne est sous perfusion grâce aux tunnels. Et voilà que l'Égypte les ferme par un mur d'acier de 18 mètres de profondeur. Mieux vaut une économie souterraine, même maffieuse, que pas d'économie du tout : elle permet aux Gazaouis de survivre ! Si ce blocus et les tunnels renforcent le Hamas, c'est que la France, l'Union Européenne et les États-Unis mènent une politique absurde qui renforce le Hamas au lieu de l'affaiblir. (Applaudissements à gauche) La France va-t-elle continuer de laisser tuer à petit feu 1,5 million de Gazaouis ?

L'État palestinien est la pièce manquante de la stabilité du Proche-Orient, la pièce manquante de l'Union de la Méditerranée. L'ONU a reconnu dès 1948 la vocation du peuple palestinien à un État. Tous les États occidentaux proclament régulièrement leur attachement à l'avènement de l'État palestinien et se concertent à ce sujet. La conférence des donateurs tenue à Paris en novembre 2008 était organisée « pour l'État palestinien ». Est-il dans l'intérêt des Palestiniens que cet État soit proclamé à nouveau aujourd'hui ? Quelles garanties internationales lui seraient-elles données ? En Palestine, les conditions constitutives d'un État sont remplies : la volonté d'un peuple, un territoire historique, des frontières définies par la ligne de 1967. Mais c'est à une déconstruction de l'État palestinien que nous assistons depuis quinze ans : que reste-t-il des frontières potentielles avec l'annexion de Jérusalem est et l'érection du mur de séparation ? Que reste-t-il de la Cisjordanie sinon cet archipel morcelé par les routes de contournement, les check points, la colonisation qui progresse chaque jour, l'israélisation de Jérusalem est ? Que reste-t-il de ce peuple dont la division a été savamment orchestrée, le chaos étant programmé à Gaza dès le retrait de 2005 ? Avant même de penser à un État, il faut restaurer l'unité des Palestiniens.

Peut-on concevoir un État sans souveraineté, un État rhétorique ? Que pensez-vous de ces plans qui visent à remplacer une Autorité palestinienne usée et qui n'a plus de base juridique par un État qui, dans les conditions actuelles de l'occupation, serait fictif ? Nos protestations auprès d'Israël ne sont ni audibles ni crédibles ; elles dissimulent bien mal notre absence de volonté.

Alors que l'Union européenne s'apprêtait, dix ans après la Déclaration de Berlin, plus de vingt ans après la Déclaration de Venise, à faire enfin entendre sa voix, la France a été l'artisan de la suppression de la référence à Jérusalem est comme capitale du futur État palestinien, dans le texte proposé par la présidence suédoise. Comment pouvez-vous justifier cela ?

Le traitement du rapport Goldstone avait déjà illustré le caractère velléitaire de la communauté internationale et des Occidentaux en particulier. La France a raison de donner du crédit au rapport de l'ONU sur les crimes commis en Guinée ; pourquoi rejette-t-elle celui sur les crimes commis à Gaza alors qu'il est recoupé par les témoignages des soldats israéliens, par des ONG, par des témoins étrangers comme M. Zimmeray, M. François-Poncet et moi-même ?

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.  - Notre diplomatie s'épuise dans la gestion de menus détails, dans l'obtention de concessions infimes sur fond de brimades que nous n'accepterions d'aucun autre État. La seule mise en place de tuyaux pour la station d'épuration de Beit Lahia a nécessite des rencontres au sommet ! Et je ne parle pas des camouflets pour les visas de nos coopérants ou des entraves mises systématiquement à la circulation du bus scolaire du lycée français de Jérusalem est. Vous-même, ministre de la République française, vous êtes vu infliger le camouflet de Gaza. Nous attendons votre réaction.

M. Guy Fischer.  - C'était scandaleux !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.  - En dépit de l'ambition du discours du Caire, l'administration américaine n'a opéré qu'une rupture rhétorique avec la politique précédente. Le gel de la colonisation, si laborieusement obtenu, n'est qu'une farce tragique : il ne concerne pas Jérusalem est, n'est que temporaire et la colonisation se poursuit. Avec l'adoption de son texte sur la santé, le Président Obama retrouvera-t-il une capacité d'agir au Proche-Orient ?

Naguère, la France disait le droit et prenait des initiatives en faveur d'une résolution juste du conflit. Depuis 2007, à l'exception du discours du Président de la République à la Knesset, elle cherche à faire taire les voix qui, comme celle du juge Goldstone, dénoncent les crimes et celles qui, comme celle la présidence suédoise, rappellent la légalité internationale. Nous sommes nombreux à regretter que les initiatives françaises, du moins celles que nous connaissons, se cantonnent aux plans économique et humanitaire, ce qui ne gêne en rien les offensives politiques et guerrières d'Israël. Le discours de la France est de plus en plus inaudible et l'on n'y perçoit plus de cohérence. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - On m'a fait savoir que la santé de notre collègue était satisfaisante.

M. Michel Billout.  - Il y a un an, nous débattions de la guerre menée par Israël contre la population de la bande de Gaza. Le conflit israélo-palestinien est la cause principale des tensions dans tout le Proche et le Moyen-Orient. Régler ce conflit de façon juste et durable permettrait d'endiguer toutes les sources d'instabilité dans la région. On écarterait ainsi la menace nucléaire iranienne et le risque de prolifération à l'ensemble de la région, que menace aussi l'arsenal israélien. Cela aurait aussi des répercussions positives sur le Liban, toujours au bord de l'éclatement, et sur la Syrie, dont l'hostilité envers Israël n'aurait plus de raison d'être.

Je suis donc satisfait que nous ayons ce débat, que j'avais demandé en novembre ; je continue toutefois de regretter le refus de M. le président de la commission des affaires étrangères d'inscrire à l'ordre du jour notre proposition de résolution européenne demandant le gel de l'accord d'association entre l'Union européenne et Israël.

Mme Nathalie Goulet.  - Et la mienne !

M. Michel Billout.  - L'offensive militaire israélienne était disproportionnée par rapport aux tirs de roquettes qui l'avaient motivée, et elle a fait plus de 1 400 victimes palestiniennes, dont 60 % étaient des civils parmi lesquels un grand nombre de femmes et d'enfants. Les conditions de cette opération ont d'ailleurs suscité un rapport commandé par la Commission des droits de l'homme de l'ONU qui, bien qu'il mette aussi en accusation le mouvement Hamas, est accablant pour les autorités militaires israéliennes.

Depuis un an, la population de la bande de Gaza souffre en outre d'un blocus total qui prolonge celui instauré à la suite de la prise du pouvoir par le Hamas sur ce territoire. Cette punition collective a de dramatiques conséquences humanitaires et sanitaires : la population civile manque d'eau, d'électricité et a difficilement accès aux soins médicaux. Avec le blocus, la reconstruction des infrastructures et des habitations détruites est impossible, l'économie et l'agriculture sont asphyxiées.

Depuis un an, les divisions, qui se traduisent parfois par des affrontements armés entre factions palestiniennes, se sont accentuées. Faute d'un accord entre le Fatah et le Hamas, la direction de l'Organisation de Libération de la Palestine avait été obligée de différer, le 16 décembre dernier, la date des élections présidentielle et législative et de prolonger les mandats du président Mahmoud Abbas. Il semble toutefois ces jours-ci que puisse revenir à l'ordre du jour une réconciliation entre les différents groupes, sous les auspices de l'Égypte et de l'Arabie saoudite.

Depuis un an également, un élément nouveau est intervenu avec le triple refus du gouvernement israélien de mettre un terme définitif à sa politique de colonisation en Cisjordanie et à Jérusalem est, de reconnaître Jérusalem comme capitale des deux États ainsi que de lever le blocus de Gaza. C'est le principal obstacle à une reprise des négociations. L'impression prévaut que ce qu'il est convenu d'appeler « la communauté internationale » a laissé Israël agir en toute impunité. Nous devons réagir face à cette passivité de la communauté internationale.

Le Président Obama avait suscité de grands espoirs en se prononçant pour une solution à deux États et en demandant l'arrêt complet de la colonisation. Il a déçu en acceptant par la suite le moratoire israélien sur cette question décisive pour la création d'un État palestinien viable. L'Union européenne, qui a des atouts en tant que premier partenaire économique d'Israël et principal contributeur en matière d'aide aux territoires palestiniens, s'est toujours refusée à prendre une position qui lui soit propre. Elle se contente de suivre la stratégie de l'administration américaine et se satisfait d'un moratoire de dix mois sur la colonisation en Cisjordanie, excluant Jérusalem est.

Pourtant, la semaine dernière, l'émissaire spécial pour le Proche-Orient, George Mitchell, a évoqué la possibilité pour les États-Unis de retirer leur soutien aux garanties de prêt à Israël -système de garanties grâce auquel l'État hébreu a bénéficié de milliards de dollars de prêts à des taux préférentiels- afin de faire pression sur le gouvernement israélien : une pression de l'Union européenne concernant l'application de l'accord d'association serait pertinente. C'est toujours l'objet de la proposition de résolution déposée par le groupe CRC-SPG

Mme Nathalie Goulet.  - Et de la mienne !

M. Michel Billout.  - Quant à la France, sa position est extrêmement ambiguë. Elle a refusé de participer au vote adoptant le rapport Goldstone à l'assemblée générale de l'ONU. Et, le 8 décembre dernier, lors du conseil des ministres des affaires étrangères, la portée de la résolution proposée par la présidence suédoise prévoyant la reconnaissance de Jérusalem est comme capitale d'un futur État palestinien a été considérablement affaiblie à la suite du refus de notre pays de voir figurer cette mention. Et je préfère ne pas évoquer les déclarations de notre ambassadeur à Tel-Aviv s'interrogeant sur la crédibilité des crimes de guerre, sur la réalité du blocus de Gaza ou même, selon le Canard Enchaîné, sur la pertinence de vouloir faire cesser la colonisation.

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

M. Michel Billout.  - Il faut enfin relever la division des pays arabes et leur impuissance à opposer à Israël une stratégie cohérente commune. Après l'intervention militaire israélienne à Gaza, ils ne sont pas parvenus à se réunir tous ensemble, pas plus qu'ils n'ont réussi à s'accorder lors du sommet sur la reconstruction de ce territoire qui s'est tenu au Qatar à la fin mars.

Il n'est pas acceptable d'assister passivement, d'année en année, à la lente dégradation de la situation. Notre débat de ce soir n'apportera pas de solution miracle mais il n'est pas inutile que, dans un grand pays démocratique comme le nôtre, les diverses sensibilités politiques s'expriment au Parlement et fassent des propositions en vue de solutions politiques et pacifiques. Notre groupe considère qu'au vu de l'urgence et de la gravité de la situation, il est impératif, et encore possible, d'agir sur les événements. Comment agir pour que les protagonistes de ce conflit sortent de l'impasse ? Que faire pour ne pas perdre l'espoir d'une solution politique négociée, fondée sur deux États dans le cadre des résolutions de l'ONU ? Comment contraindre efficacement le gouvernement israélien à s'engager dans cette voie ? Telles sont les questions auxquelles notre pays et l'Union européenne doivent impérativement apporter des réponses. L'excellent rapport d'information de nos collègues Monique Cerisier Ben Guiga et Jean François-Poncet dégage quelques pistes que je partage en grande partie et dont le Gouvernement devrait s'inspirer. Comme le constate ce rapport, il faut avoir conscience que le gouvernement israélien n'acceptera de changer de politique que sous la pression des États-Unis et de la communauté internationale. C'est pourquoi l'Union européenne et la France devraient jouer un rôle plus dynamique, faire preuve d'une plus grande autonomie et manifester leur spécificité en exerçant de fortes pressions sur les dirigeants israéliens sur deux points essentiels : la levée du blocus de Gaza et l'arrêt total de la colonisation de Jérusalem est et de la Cisjordanie, car la poursuite de cette colonisation qui morcèle ces territoires rend impossible, de facto, la création d'un État palestinien. Ce sont deux conditions préalables à une reprise des négociations entre toutes les parties prenantes de ce conflit : je dis bien « toutes » les parties prenantes car, comme le préconise le rapport, il faudra bien un jour ou l'autre prendre contact et négocier officiellement avec le Hamas qui est l'une des composantes du peuple palestinien. Sur ces deux questions, la France doit retrouver sa liberté de parole et d'action, jouer l'important rôle de médiation que lui confèrent l'image et l'influence de notre pays dans cette partie du monde. Tout cela sans attendre les nouvelles propositions du prochain plan de paix américain. Telles sont les conditions d'une reprise des négociations devant enfin déboucher sur la création d'un État palestinien libre, indépendant, souverain, dans les frontières de 1967.

Notre pays peut aussi jouer un rôle déterminant dans une phase très délicate de la reprise du processus de paix : celle de la libération de prisonniers. D'une part, deux de nos compatriotes sont détenus de part et d'autre de façon totalement inacceptable. Je veux parler du militaire Shalit, détenu par le Hamas, et de Salah Hamouri, détenu dans une prison israélienne. Cela nous donne une responsabilité particulière. Je regrette profondément que le gouvernement français n'agisse pas de façon équitable pour la libération de nos deux compatriotes. Les parents de Salah Hamouri attendent toujours d'être reçus par le Président de la République ! D'autre part, la libération de Marwan Barghouti constituerait une chance de réconciliation des parties palestiniennes et permettrait à Israël de trouver un interlocuteur fiable.

Le groupe CRC-SPG souhaite que le Gouvernement affirme plus clairement ses positions et qu'il manifeste enfin fermement sa volonté d'aboutir à un règlement juste et durable du conflit entre Israël, les Palestiniens et les États arabes. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Moi aussi, je concentrerai mon intervention sur la Palestine, pour laquelle j'ai une longue et lourde hérédité... Ce débat me fait penser à cette chanson de Barbara, Chaque fois qu'on parle d'amour :

« Chaque fois qu'on parle d'amour, on refait le même chemin en ne se souvenant de rien. Et l'on recommence, soumise, Florence, Naples, Naples et Venise. Et on se le dit, on y croit, que c'est pour la première fois. A vouloir encore et toujours s'aimer et mentir d'amour ».

Hélas, nous ne parlons pas d'amour mais de haine, de violence de menaces et d'injustices et, voyez-vous, monsieur le ministre, on ne fait même plus semblant d'y croire. On parle de Gaza, de Ramallah, de Naplouse, d'Hébron, de Bir-Zeit ou de Jérusalem. L'Histoire radote, bégaye mais avance en se dotant de moyens nouveaux de plus en plus effrayants : Al-Qaïda, le terrorisme aveugle qui n'est que le miroir de notre inertie et de la lâcheté de la communauté internationale à imposer une solution juste et durable au conflit.

Il y a un an à peine, la guerre effroyable de Gaza... Mme la Déléguée générale de la Palestine en France nous honore ce soir de sa présence. Cela prouve qu'on attend quelque chose de ce Sénat ! Mais enfin, monsieur le ministre, combien de temps encore allons-nous nous indigner à ce pupitre sans agir, combien de temps allons-nous laisser nos diplomates être bousculés et laisser s'instaurer une impunité ressentie comme une injustice et qui crée tant de soif de vengeance ?

J'ai tenté de compter les colloques, interventions, questions orales et écrites de ces vingt dernières années et puis, dans mes archives personnelles, j'ai retrouvé un article, daté de juin 1979, de mon mari Daniel Goulet, président fondateur à l'Assemblée, puis au Sénat du groupe France-Palestine et acteur infatigable de la diplomatie parlementaire. Dans cet article qui relatait sa rencontre à Damas avec Yasser Arafat, il expliquait : « La France a un rôle à jouer dans le devenir des Palestiniens ». Je crains de pouvoir, trente ans après, reprendre cet article mot pour mot. Mais une chose est certaine : depuis lors, les choses ont empiré pour les Palestiniens.

Je l'ai déjà dit à cette tribune. Quand va-t-on réaliser le coût de l'humiliation et de l'injustice ? Du « tramway de la honte » au mur du même nom, des check points à la judaïsation de Jérusalem, cette politique du fait accompli, cette politique du Prince est inacceptable.

Il est facile de sanctionner l'Iran : cela fait l'unanimité. Mais jusqu'à quand le double standard ? Israël viole depuis des décennies les résolutions internationales, celles de l'ONU, et même ses propres engagements divers et variés !

Pire, cet État encourage une politique agressive à l'égard de l'Iran, à l'heure où la nouvelle administration américaine tente de reprendre un indispensable dialogue.

Faut-il rappeler que l'Otan a aussi instauré une politique d'approche de la Méditerranée pour pouvoir y associer Israël, dont le Parlement est observateur à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation ?

Les ministres européens des affaires étrangères doivent en tirer les conséquences, geler tout processus de rehaussement des relations bilatérales entre l'Union européenne et l'État d'Israël et suspendre l'accord de partenariat en raison du non-respect de son article 2.

L'Europe doit parler d'une seule voix, mettre un terme à une humiliation institutionnalisée des populations palestiniennes et mettre un terme à son corollaire : une immunité tout aussi institutionnalisée de l'État d'Israël qui entraîne des populations entières vers le désespoir et le terrorisme.

Comme les autres fois, je vous interroge, sans plus d'espoir : quelle politique mènera la France, quelle politique mènera l'Europe, quelles mesures concrètes prendront-elles pour que notre intervention de ce soir ait des effets tangibles sur une situation de plus en plus désespérante ? (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Michel Baylet.  - En début d'année, il est de coutume de prononcer des voeux. A l'échelle globale, nous souhaiterions que la paix s'installe mais, malheureusement, l'idéal de liberté et de démocratie est loin de gagner du terrain. Quels progrès peut-on espérer en 2010 dans cette zone ? Pour ma part, j'hésite entre espoir et déception. Dans chacun des pays, les avancées paraissent souvent faibles.

La question palestino-israélienne, qui s'éternise depuis un demi-siècle, oriente le destin du secteur. Si la paix n'est toujours pas à portée de main, le processus engagé sous Jimmy Carter à Camp David a au moins progressé dans les esprits. L'idée « deux terres, deux peuples » s'est globalement imposée. Pour autant, nous est-il permis d'espérer davantage pour cette année ? Je crains que non tant que les deux camps sont incapables de résister à la pression de leurs extrémistes. D'un côté, le Fatah, concurrencé politiquement par le Hamas, peine à s'imposer, au sein de la population palestinienne, comme l'interlocuteur unique des négociations de paix, alors qu'il le demeure pour Israël et la communauté internationale. De l'autre côté, un Premier ministre qui tourne régulièrement le dos à ses engagements. Récemment encore, Benyamin Netanyahou a autorisé la construction de 900 logements dans les territoires occupés à Jérusalem est, contrairement à ce qu'il avait promis quelques semaines plus tôt. Dans ces conditions, le défi qui consiste à garantir l'avenir du peuple palestinien sans compromettre l'existence d'Israël reste pour le moment sans issue.

En Irak, la situation évolue également de manière contrastée. On observe une relative stabilité du gouvernement Mâliki qui a fait de la sécurité et de l'État de droit ses priorités. On peut même se réjouir d'un certain recul de la violence aujourd'hui par rapport au plus fort de la guerre confessionnelle entre Sunnites et Chiites en 2006 et 2007. Le sursaut américain a certainement porté ses fruits grâce au déploiement de 30 000 soldats supplémentaires. Le ralliement des tribus sunnites, avec la création des « conseils de réveil » a par ailleurs contribué au retour d'une relative accalmie. Mais le retrait des troupes américaines risque de changer la donne car elles ont fortement secondé les forces irakiennes dans leur lutte contre l'insurrection. Les « conseils de réveil » dépendent désormais d'un gouvernement dirigé par les Chiites. Le problème kurde -vous le connaissez bien, monsieur le ministre- n'est pas résolu. Les prochaines élections pourraient créer un facteur supplémentaire d'instabilité si la majorité de Mâliki était trop mince...

Si l'Iran n'est pas un pays en guerre, il génère d'autres tensions tout aussi préoccupantes.

La tentation d'hier d'exporter la révolution islamique a été remplacée par un nationalisme paranoïaque qui n'est guère plus rassurant. L'Iran ne cache plus son ambition de disposer de la bombe atomique. En faisant obstacle aux contrôles des Nations unies, en refusant l'offre franco-russe d'enrichissement de son uranium, en dissimulant certaines de ses installations, l'Iran a démontré que la finalité de son programme nucléaire était bien militaire, quoi qu'en disent ses dirigeants. La communauté internationale doit rester ferme sur ce dossier, d'autant qu'après une élection truquée et la répression brutale des rassemblements d'opposants, le régime iranien a montré son vrai visage, celui d'une dictature autoritaire et liberticide. L'opposition, qui n'a pas hésité, pour la troisième fois depuis l'été, à braver les autorités, a chèrement payé son courage le 27 décembre dernier. Tandis qu'arrestations et exécutions se multiplient, le réveil d'une jeunesse militante et laïque suscite l'espoir.

Ces trois zones d'instabilité sont dangereuses pour les populations qui les habitent comme pour la sécurité du monde. Le terrorisme s'y nourrit au nom du jihad ; affaiblie ici, Al-Qaïda sait renaître là. L'attentat manqué contre le vol Amsterdam-Détroit du 25 décembre confirme l'émergence de nouvelles bases, en l'occurrence au Yémen, où les terroristes profitent de la faiblesse de l'État pour s'implanter. Le président Saleh n'y contrôle plus ses provinces orientales. La conférence internationale du 28 janvier devrait évoquer le cas du Yémen. Peut-on laisser naître un nouvel Afghanistan ?

Au regard de ces enjeux de sécurité, la même question se pose encore et toujours : quelle politique étrangère mener dans ces régions ? De nombreuses voies ont été explorées, sanctions, interposition, intervention militaire, médiation ; de nombreux pays se sont impliqués. J'aurais pu évoquer d'autres points de crispation, tant la situation générale est incertaine et fragile. Dans ce contexte, il est important que la politique étrangère de la France s'inscrive dans la continuité et la recherche permanente des droits des peuples et de la paix. Il serait utile aussi que l'Union européenne se montre plus active, surtout compte tenu de nos responsabilités historiques dans cette région du monde. (Applaudissements à gauche)

M. Josselin de Rohan.  - Je veux d'abord saluer le courage du président François-Poncet qui a tenu à revenir spécialement de Marrakech pour participer à ce débat, courage qu'il a certainement payé. Nous lui souhaitons tous un prompt et total rétablissement. Je le remercie comme je remercie Mme Cerisier-ben Guiga pour leur remarquable rapport, où nous avons puisé des informations de premier ordre. Leurs analyses éclairent nos délibérations.

Premier constat : le Moyen-Orient compte beaucoup pour l'Europe. Cet intérêt a sa source dans la géographie, l'histoire et l'économie. Le Moyen-Orient est le berceau de notre civilisation ; nous y sommes présents depuis les origines de notre pays ; notre approvisionnement énergétique en dépend. Carrefour stratégique entre trois continents, c'est un lieu où se confrontent les influences et les idéologies les plus diverses. Du Moyen-Orient dépendent notre sécurité et celle de l'Europe. Le meilleur moyen de lutter contre ce que nous appelons, dans un amalgame approximatif, le « terrorisme islamique » passe par une paix juste et durable au Moyen-Orient.

M. Philippe Marini.  - Très bien !

M. Josselin de Rohan.  - Des groupes certes islamiques, mais avant tout fanatiques et terroristes, prennent prétexte pour menacer et tenter de frapper nos territoires d'une politique qualifiée par eux d'inéquitable, censée faire deux poids et deux mesures entre Israël et les Arabes. Nous sommes fondés à exprimer notre opinion sur ce qui se passe au Moyen-Orient, non pour distribuer le blâme ou l'éloge mais pour apprécier la politique menée par les États de la région à l'aune de notre propre sécurité.

Les communautés d'origine moyen-orientales sont en outre particulièrement importantes en Europe ; entre 15 et 20 millions de musulmans y vivent, dont 5 en France. La communauté juive est estimée à 500 000 personnes. Malgré la retenue dont font preuve leurs responsables, une radicalisation du conflit entre Israéliens et Arabes ne pourrait que retentir sur les relations entre les communautés ; ce qui ne serait pas compatible avec notre vision de l'harmonie sociale et de l'unité nationale. Soyons vigilants à ne pas importer dans notre pays les querelles du Moyen-Orient, ni à laisser se développer antisémitisme et anti-islamisme.

Deuxième constat, à l'inverse du précédent : l'Europe compte peu au Moyen-Orient. On y loue certes sa soft power au contraire de la hard power américaine ; on y rappelle nos liens historiques, on y marque de l'intérêt pour nos entreprises ou nos produits. Mais dès que les choses se compliquent, on se tourne vers les États-Unis, davantage encore depuis l'élection du Président Obama qui, au Caire, a su tendre la main au monde musulman. Pourtant, l'Europe a été la première à reconnaître la solution des deux États avec la déclaration de Venise en juin 1980, elle a joué un rôle important à la conférence de Madrid ou lors des accords d'Oslo. Mais depuis, elle s'est effacée. Elle n'a pesé pour rien pendant les années Bush. La création du Quartet a entériné une distribution des rôles dans laquelle les États-Unis coordonnent les efforts diplomatiques et sont garants de la sécurité tandis que l'Europe paye. La contribution des pays européens pour compenser les conséquences de l'occupation israélienne en Cisjordanie s'est élevée à plus d'un milliard d'euros en 2009...

M. Didier Boulaud.  - Eh oui !

M. Josselin de Rohan.  - ...engagement qui contraste avec l'effacement politique de l'Union européenne. Pourquoi ?

La réponse est malheureusement simple -ce sera mon troisième constat : si l'Europe est impuissante, c'est qu'elle est divisée, incapable de parler d'une même voix sur la question centrale du conflit israélo-palestinien. Pour des raisons qui tiennent à l'histoire et aux tragédies du siècle dernier, nous peinons à apprécier les faits sans considération de l'identité de celui qui les commet. Les gouvernants d'Israël le savent et en tirent avantage. L'amitié franco-israélienne ne fait pourtant aucun doute. Comme l'a rappelé le Président de la République devant la Knesset, cette amitié est due « à la manière dont le judaïsme a influencé, a nourri, a enrichi la culture française » et, en sens inverse, « à l'inspiration que les pères fondateurs d'Israël ont puisée dans les valeurs de l'universalisme français ». Le Président a donné des gages de l'amitié de la France comme de son amitié personnelle pour les dirigeants d'Israël. Comme lui, nous pouvons dire : « oui, la France est l'amie d'Israël et la France sera toujours aux côtés d'Israël lorsque sa sécurité et son existence seront menacées ». Ces paroles engagent notre pays.

La sécurité d'Israël semble aujourd'hui solidement établie. Ni ses voisins ni les menaces insensées d'Ahmadinejad ne sauraient la remettre en cause. Le temps est venu pour ce pays de rechercher les moyens de mettre fin à un conflit sans issue qui n'a engendré que la haine, la destruction et le désespoir. Comment, alors que l'Europe vient de célébrer l'anniversaire de la chute d'un mur, croire qu'un mur qui coupe en deux le territoire palestinien empêche toute circulation, multiplie les vexations et les tracasseries pour les Palestiniens, puisse être autre chose qu'un instrument de ressentiment et de frustration ? (Marques d'approbation à gauche) Comment le peuple israélien, qui a tant souffert de sa dispersion, d'inhumaines discriminations et de spoliations, peut-il imposer à un autre peuple la privation d'emploi, l'expropriation de ses biens, des restrictions drastiques du droit d'aller et de venir, la possibilité même de reconstruire les logements ou les équipements détruits lors de l'opération contre Gaza ?

Comment une authentique démocratie comme Israël peut-elle s'accommoder des atteintes aux droits de l'homme établies par le rapport Goldstone ou se satisfaire de la déstabilisation de l'Autorité palestinienne ? Les terribles images diffusées lors de l'opération « Plomb durci », comme le témoignage de nos collègues Jean François-Poncet et Monique Cerisier-ben Guiga, jettent une lumière cruelle sur la tragédie de Gaza. Aucune cause ne peut justifier la destruction délibérée d'hôpitaux, d'écoles ou les attaques contre les populations civiles. (Marques d'approbation)

Menahem Begin ou Itzhak Rabin ont un jour décidé de franchir les lignes de leur camp et de tendre la main à l'adversaire. C'est ce processus que les États-Unis et l'Union européenne doivent encourager. Les pays arabes, et même le Hamas, ont admis que les frontières de 1967 pourraient servir de base à un règlement. En proposant un moratoire ou un gel de la colonisation en Cisjordanie, le gouvernement israélien a implicitement reconnu que celle-ci était un obstacle à la paix. Il est urgent que les discussions reprennent. Mais il faut pour cela que le gouvernement israélien ait un interlocuteur crédible et représentatif de l'opinion palestinienne. En déstabilisant l'Autorité palestinienne, en lui faisant ressentir son impuissance, en la privant de toute autonomie, il la condamne à l'inexistence ; pire, il fait apparaître le Hamas, que par ailleurs il stigmatise, comme la seule force incarnant la résistance. Quant aux dirigeants du Fatah, ils doivent être conscients que les divisions intestines s'exercent au détriment de la cause palestinienne et servent d'alibi utile à la partie adverse. (M. Philippe Marini approuve)

Pour faciliter l'établissement d'une paix durable au Proche Orient, notre pays doit inciter l'Union européenne à élaborer des propositions concrètes permettant la reprise du dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Nos rapporteurs en ont énuméré quelques-unes : le gel total des colonies, la libération des prisonniers détenus dans chaque camp, celle de Marwan Barghouti comme de Gilad Shalit, la fin des expulsions, la levée complète des barrages en Cisjordanie ; mais aussi l'engagement des factions palestiniennes de cesser les attentats sur le territoire israélien. Les aides financières de l'Union pour la reconstruction à Gaza pourraient être conditionnées au respect de ces conditions.

L'élection du Président Obama a fait naître un espoir au Proche-Orient dans la mesure où il a marqué une plus grande attention de son pays à la condition des Palestiniens, où il a prôné une vision moins unilatérale du conflit, où il a pris clairement position contre l'extension de la colonisation. L'Union européenne doit appuyer cette vision. Ce sera un test de sa crédibilité.

Le conflit vieux de soixante ans au Moyen-Orient ne met pas en cause uniquement l'avenir de la Palestine ou d'Israël mais la paix dans le monde. On n'ose imaginer les conséquences d'un raid israélien sur les installations nucléaires iraniennes...

M. Didier Boulaud.  - Ce serait du joli.

M. Josselin de Rohan.  - ...ni celles d'une attaque d'Israël par l'Iran. Depuis l'intervention israélienne dans la bande de Gaza, l'Union pour la Méditerranée, qui pourrait être un trait d'union puissant entre l'Europe, l'Asie et l'Afrique, est en panne.

Il est de l'intérêt de tous les protagonistes de sortir du face à face stérile et meurtrier. C'est l'intérêt des Palestiniens qu'on en finisse avec le blocus de Gaza : quel responsable palestinien soucieux des intérêts de son peuple peut-il souhaiter que cette situation perdure ? C'est également l'intérêt des Israéliens, car le temps ne joue pas en leur faveur. Pour sortir du statu quo, c'est au plus fort de tendre la main ; c'est à Israël de faire le premier pas. Or le gouvernement israélien ne le fera que s'il est convaincu qu'il y va de son intérêt. Pour des raisons tenant au système politique, et en particulier au régime électoral, ce premier pas est difficile à faire, voire impossible. Israël ne bougera vraiment que si les pressions internationales sont plus fortes que les pressions nationales. Ni la France ni aucun pays européen ne sont suffisamment écoutés du gouvernement d'Israël pour l'en persuader. Les États-Unis le sont. Le veulent-ils ? Tel semble être le cas. Mais le Président Obama n'y arrivera pas tout seul. L'Europe peut l'aider -encore faut-il que les Européens soient unis. C'est pourquoi il est urgent de travailler à l'émergence d'un consensus européen et d'une plus grande coopération transatlantique. Puisse le colloque qui se tiendra ici les 28 et 29 janvier prochains y contribuer. (Applaudissements)

M. Philippe Marini.  - Le Président de la République a bien voulu me confier, en décembre 2008, une mission d'analyse et de contact au Proche-Orient. C'est pourquoi les rapporteurs et moi, nous sommes suivis de capitale en capitale : notre feuille de route était très similaire.

Paradoxalement, à la suite des événements de Gaza, et tout au long de 2009, de grands espoirs sont nés. On a espéré des négociations entre les différentes parties palestiniennes et plusieurs fois, l'on a failli déboucher sur un accord grâce à la médiation égyptienne. La rupture est intervenue après la divulgation du rapport Goldstone qui a provoqué une crise profonde au sein de la partie palestinienne. En 2009, la France a poursuivi son approche de toutes les parties en présence. Il y a dans tous les pays du Proche-Orient une attente considérable à l'égard de la France. Quel chef d'État est en mesure de s'exprimer à Ryad, à Jérusalem, à Damas, devant les interlocuteurs les plus divers, séparés par des conflits très vifs, et de susciter la plus grande adhésion et les plus grandes attentes ? La France, par sa relation avec la Syrie de Bachar El Assad, a ouvert des portes et utilisé les ressources de cet exceptionnel carrefour de l'Orient. En 2007, en 2008, la France s'est remise au coeur du jeu. Elle a quelque chose de plus à apporter que ses partenaires.

Mais des contradictions sont à l'oeuvre et la question palestinienne est depuis soixante ans la plus difficile et la plus symbolique au monde. On observe à nouveau aujourd'hui une montée des périls, une extrême sensibilité dans la zone. Les incidents de l'automne à Jérusalem ont montré qu'une étincelle peut provoquer les plus grands désordres. On sous-estime pourtant le risque. Plusieurs orateurs ont souligné la politique insidieuse et persévérante de transformation de Jérusalem. C'est l'aspect le plus symbolique pour des millions de personne dans le monde ! Le problème est politique mais aussi religieux, véritable miroir de nos différentes identités. Comment espérer contourner la difficulté et ne régler que l'accessoire ?

Des personnes très savantes, de grands techniciens, voire technocrates de la négociation internationale, ont peut-être, par leur approche, piégé la mission Mitchell. Vous avez rencontré M. George Mitchell, monsieur le ministre, sans doute pourrez-vous nous éclairer sur ce point ? Sa mission avait suscité de très grands espoirs en raison de sa personnalité, de son ouverture d'esprit, de ses résultats antérieurs, de son objectivité. Et il y avait une similitude entre l'Irlande et la Palestine. Mais la tâche a pris beaucoup de temps et lorsque les sujets ont enfin été déblayés, à l'automne, l'état de grâce était passé pour le Président Obama.

Le patrimoine de la communauté internationale, ce sont les accords d'Oslo et le peu qui existe d'institutions palestiniennes, acquises difficilement par la négociation. Or, où en sont-elles ? Les mandats sont achevés et la situation fait penser à celle du Parlement libanais pendant la guerre civile : chacun fait mine d'ignorer que le temps est révolu, qu'une légitimité plus fraîche est nécessaire. Si nous laissons se déliter le patrimoine, que pourrons-nous opposer à la montée des périls ? Y a-t-il une alternative au schéma de deux États, qui a les faveurs de la communauté internationale ? Ce serait le schéma à un État, si Israël remplit tout l'espace entre la ligne de 1967 et le Jourdain, avec une très puissante minorité qui deviendra un jour majorité.

M. Josselin de Rohan.  - Absolument.

M. Philippe Marini.  - Il y a là un profond levier de déstabilisation des deux côtés du Jourdain. L'existence de la Jordanie serait en cause. Et l'onde de déstabilisation toucherait la péninsule arabique, l'Égypte... On peine à imaginer ce qui se passerait si le concept des deux États ne se concrétisait pas.

Où pouvons-nous puiser encore de l'espoir ? Deux négociations sont possibles. D'État à État, d'abord. Israël est toujours en guerre avec la Syrie et la position syrienne détermine celle du Liban. Si l'on peut suivre la piste syrienne, on fera un pas considérable en direction de la paix. Il est temps de rendre le plateau du Golan à la Syrie et de faire en sorte que ce pays se réforme, diversifie ses relations et compte sur la France et l'Europe. Il y a un pays avec lequel nous pouvons travailler en ce sens : la Turquie car elle partage nos vues et connaît comme nous la réalité complexe de la région.

La négociation israélo-palestinienne ne pourra, elle, intervenir que si les interlocuteurs ont la légitimité requise. L'unité palestinienne est un préalable. La politique du cordon sanitaire autour du Hamas s'est révélée dramatiquement inefficace.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.  - Absolument.

M. Philippe Marini.  - L'exclusive lancée à l'encontre du Hamas lui a au contraire conféré une légitimité comme pôle de résistance. La situation néanmoins peut évoluer : le Hamas peut changer, est-il si loin du Hezbollah ?

Le règlement libanais repose sur l'acceptation par la communauté internationale d'une force, encore militaire, jouant le jeu des institutions, présente dans le système parlementaire et au Gouvernement. Y a-t-il une fatalité à ce que ce modèle ne s'applique pas un jour au Hamas ?

Bien sûr, nul ne doit être naïf, surtout pas les représentants de la France, et les efforts doivent être partagés. Les valeurs de ce mouvement doivent être compatibles avec la sécurité d'Israël dans ses limites de 1967, à quelques ajustements près.

Les deux pistes que j'ai mentionnées sont utiles. Selon les moments, l'une ou l'autre pourra servir et il faudra peut-être emprunter un jour les deux.

Notre pays peut jouer un rôle, puisqu'il est crédible auprès de tous les intéressés. M. de Rohan a eu infiniment raison d'insister sur notre relation avec Israël, car il faut être agréé par les deux parties. Cela suppose une certaine réserve dans les analyses, même si l'on aurait parfois envie d'en dire plus et même si, comme l'a dit une très haute personnalité morale du XXe siècle, mieux vaut construire des ponts que des murs ! (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Josette Durrieu.  - Mon propos sera centré sur le conflit israélo-palestinien.

Je salue Mme la Déléguée générale de la Palestine, grâce à qui les Palestiniens nous écoutent.

La situation est bloquée. A qui le statu quo profite-t-il ? Sûrement au Hamas, du moins à Gaza ; mais aussi à Israël.

L'enlisement est une réalité, le recul en est une autre : le principe des deux États semble atteint, l'État palestinien n'est plus qu'un fantôme occupé, colonisé, morcelé ; Jérusalem est, grignoté, tend à disparaître et il n'y a plus de gouvernement légitime. Le président Abbas est prolongé. La situation n'a jamais été aussi grave.

Israël existe et doit être reconnu, mais son existence est-elle assurée en l'absence d'État palestinien ?

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères.  - Très bien !

Mme Josette Durrieu.  - Les Palestiniens sont divisés. En 2006, un déni de démocratie a refusé de reconnaître le résultat d'élections que nous avions pourtant validées. On connaît la suite, avec la guerre de Gaza et le blocus. Clairement, la réconciliation palestinienne passe par de nouvelles élections, que nous ne sommes pas en mesure d'organiser. Quand auront-elles lieu ?

Le nouveau président américain avait suscité beaucoup d'espoir car il avait, à juste titre, remis le conflit israélo-palestinien au centre du débat. Au démarrage, sa stratégie était bonne, mais la tournée du sénateur Mitchell s'est achevée sans résultat malgré l'intérêt des paroles prononcées. Vint ensuite la volte-face présidentielle et le discours malheureux de Mme Clinton.

L'Union européenne est un nain politique mais un bon payeur. Nous avons consacré des centaines de millions d'euros à divers projets. Ainsi, le système informatique Asycuda devait gérer les douanes, dans un pays sans frontières où les douanes ne contrôlent donc rien du tout. Ce logiciel, le plus performant du monde, pourrait éventuellement gérer les douanes de Gaza avec l'Égypte, mais il ne fonctionne pas à Ramallah. Dommage. De même, l'application Seyada devait assurer un réseau entre les tribunaux cisjordaniens, dont nous formons les juges. Est-ce réellement une priorité ? Il est impossible d'instruire les forces de police en Palestine, dont le territoire est occupé à 80 % par Tsahal. Mais dans les autres 20 %, ces policiers sont efficaces. Et que penser du cadastre en Cisjordanie ? Jusqu'à quand va-t-on continuer à payer ainsi ?

Quelles sont les raisons de cette situation ? Bien sûr, Blair, et surtout Bush, mais aussi la faiblesse d'une Europe divisée et l'obstination destructrice d'Israël. Comme Barnavi le répète, si ça continue ainsi, c'en sera fini du rêve israélien. Mais qui peut le faire comprendre aux gens sensés de ce pays ? Il faut mieux faire connaître le rapport Goldstone car au-delà des murs et des miradors, il évoque des pratiques condamnables.

La communauté internationale doit revenir aux principes : on ne peut déposséder les Palestiniens de leurs terres et de leurs droits. Bien sûr, la victoire électorale du Hamas en 2006 était consternante mais il fallait l'accepter au lieu de commettre un déni de démocratie. Le Hamas peut-il évoluer ? Il reste en tout état de cause un interlocuteur inévitable. Comment la France et l'Europe peuvent-elles ne pas rappeler certains droits des Palestiniens et des peuples du Moyen-Orient ?

Évoquant le droit au retour des Palestiniens, Arafat m'a dit à la Moukhata que les Palestiniens installés au Chili ne reviendraient évidemment pas, mais que leur droit au retour était un principe sacré.

Le droit à la résistance à l'oppression est inscrit dans notre Déclaration des droits de l'homme de 1789. Fille de résistant, je n'accepte pas que l'on identifie la résistance au terrorisme. On transforme des résistants en terroristes quand on les ignore... Il faudrait rappeler le droit à la résistance et redéfinir le terrorisme.

J'en viens à la politique des « deux poids, deux mesures » dont M. François-Poncet a parlé. Il ne s'agit pas seulement des résolutions de l'ONU, jamais respectées par les Israéliens, mais aussi du nucléaire : que l'on refuse la prolifération nucléaire en Iran, soit, mais pourquoi accepter l'armement nucléaire de l'Inde et du Pakistan, deux États signataires du traité de non-prolifération et laisser planer l'ambigüité sur Israël qui a la bombe sans le dire ?

M. Didier Boulaud.  - Très bien !

Mme Josette Durrieu.  - On ne peut bâtir la paix sur le cynisme. Il faut remettre un peu de morale dans tout ça.

Quelque soixante ans après, la paix est loin, comme a dit Bachir El Assad, que j'ai rencontré deux fois l'an dernier. Certains se satisfont du statu quo, pas moi.

Comment assurer la sécurité et la paix des Israéliens et des Palestiniens ? Quel est le risque de prolifération nucléaire au Moyen-Orient ? Quelles solutions appliquer avec quels acteurs ? Moshe Dayan disait qu'il était impossible de vivre sans solution.

On peut citer quelques objectifs immédiats, comme l'arrêt de la colonisation et de l'occupation, la fin du blocus et l'échange des prisonniers, c'est-à-dire du soldat Shalit contre 12 000 prisonniers palestiniens !

Quelles peuvent être les acteurs de la paix ?

Les seuls exclus du processus direct sont les Israéliens et les Palestiniens, incapables d'y participer pour des raisons différentes.

Les États musulmans ont fait une grande partie du chemin, avec le plan du roi Fahd, exposé à Beyrouth en 2002, qui reste sur la table. Parmi les États médiateurs, je citerai bien sûr la Syrie, qui veut récupérer le Golan et normaliser la situation tout en protégeant la résistance palestinienne.

Devant l'incapacité des uns et des autres, il faut mettre une solution sur la table. Monsieur le ministre, est-il exact à ce propos que les États-Unis préparent un plan de paix destiné à régler le conflit en deux ans, comme il est écrit dans Maariv ? C'est à la fois une interrogation et un voeu. (Applaudissements à gauche. Mme Goulet applaudit également)

Mme Dominique Voynet.  - Le Sénat est-il utile ? Voilà un sujet qui a fait couler beaucoup d'encre. Certains saluent sa prudence, sa sagesse, d'autres déplorent son conformisme. Mais la question, ce soir, ne se pose pas car le rapport qui sert de support à notre débat fournit, sur une situation éminemment complexe, un diagnostic minutieux, dressé avec précision et discernement, sans exonérer quiconque de ses responsabilités dans les blocages : nous ne pouvons que saluer le travail de M. François-Poncet et de Mme Cerisier ben Guiga.

Hélas, ce rapport n'aura guère d'impact puisque bon nombre de ses recommandations n'ont manifestement pas été portées à la connaissance de ceux qui, à l'Élysée, décident des orientations de la diplomatie française, de ceux qui, chaque fin de semaine, portent la bonne parole dans les capitales du Moyen-Orient.

Car quelle est réellement la position de la France et comment nos interlocuteurs pourraient-ils s'y retrouver face aux signaux contradictoires qu'elle envoie ?

Une simple évocation des crises qui parcourent la région suffira à traduire l'ampleur des inquiétudes. En Iran, les aspirations démocratiques exprimées par une large partie de la population lors des fêtes religieuses de l'Achoura ont été réprimées dans le sang par un régime dont on peut craindre qu'il n'ambitionne de se doter de l'arme nucléaire. L'Irak, dont il est à présent admis que l'invasion a été décidée sur le fondement d'arguments fallacieux reste confronté au défi du maintien de son unité, les États-Unis ayant imposé, après la destitution de Saddam Hussein, une architecture institutionnelle ignorant la donne locale et propice à un éclatement confessionnel matérialisé par plusieurs années de chaos. L'Afghanistan, déjà handicapé par l'affrontement des expansionnismes sur son territoire, au XIXe siècle, instrumentalisé durant la Guerre froide par la mobilisation des intégrismes pour des causes étrangères, subit une nouvelle intervention qui, si émanant de la communauté internationale, elle est juridiquement légitime, n'a pas évité les faux pas stratégiques : manque de coordination, insuffisante prise en compte du tissu multi-ethnique et interreligieux. « La France n'enverra pas un soldat de plus en Afghanistan » déclarait en octobre dernier le Président de la République, quand le Président Obama était encore en phase de réflexion. Il semble que celle de Nicolas Sarkozy ne soit pas achevée puisqu'il n'exclut plus, aujourd'hui, de renforcer le contingent français, alors que le retour de la France dans le commandement intégré de l'Otan n'a en rien contribué à renforcer l'autonomie décisionnelle de notre pays...

M. Didier Boulaud.  - Bien au contraire !

Mme Dominique Voynet.  - ...et que le maigre espoir de la communauté internationale de voir émerger une « bonne gouvernance » en Afghanistan a fait long feu. Mais n'est-ce pas cette même communauté internationale qui avait accepté l'établissement, dans ce pays, d'un système constitutionnel qui facilite les fraudes électorales avant de valider le résultat du scrutin présidentiel truqué de 2009 ?

Quant au conflit israélo-palestinien, souvent qualifié de « conflit de faible intensité », il est, quelle ironie, à son maximum de tension et les risques d'explosion sont réels. Devant le refus d'Israël de stopper la colonisation illégale, qui rend chaque jour plus difficile la création d'un État palestinien digne de ce nom, le dialogue est au point mort. Les habitants de Gaza, étranglée par un blocus aux conséquences humanitaires lourdes, ont vu s'abattre sur eux une pluie de bombes meurtrières dans le cadre d'une opération militaire dont le nom, « Plomb durci », résume la somme de cynismes qui conduisent, comme le fait en ce moment même l'Égypte, à finir de clôturer, jusqu'à plusieurs mètres sous terre, la cage que constitue désormais Gaza.

Je conviens qu'il serait bien hasardeux à moi de prétendre résoudre une équation sur laquelle ont buté tant de dirigeants politiques. L'argumentaire qui pourrait conduire à la constitution de deux États voisins vivant en paix est pourtant bien établi. Mais la communauté internationale est coupable de maladresses, si ce n'est de calculs douteux. Après avoir poussé à un scrutin démocratique dans la bande de Gaza, les Occidentaux ont ainsi refusé de reconnaître la victoire du Hamas et de le considérer comme un interlocuteur. La France et ses partenaires se sont alors pliés à l'option américaine, reniant un processus qu'elle avait pourtant soutenu. Vous n'étiez certes pas en responsabilité, monsieur le ministre, mais au contraire de nos rapporteurs qui ont courageusement engagé le dialogue à Damas, vous persistez à vous couper de l'un des principaux acteurs de ce conflit et de la possibilité, par conséquent, de travailler efficacement à remettre le dialogue sur les rails : une telle position contribue à radicaliser le Hamas et à décrédibiliser les professions de foi démocratiques de l'Occident. A quoi bon alors avoir envoyé, en 2008, pour établir le contact, un diplomate français qui, aujourd'hui en retraite, ne cesse de clamer qu'il est temps que la France change de posture ?

Comment imaginer exercice plus difficile que celui auquel nous nous livrons ce soir ? Que dire qui n'ait déjà été dit mille fois ? L'Europe n'a pas une influence suffisante, même si l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne peut contribuer à renforcer sa parole, pour peu qu'elle s'émancipe des égoïsmes nationaux qui ont amené, encore aujourd'hui, à choisir une parfaite inconnue pour diriger sa diplomatie, comme pour mieux se prémunir contre une véritable direction politique de l'Union. A l'heure où les craintes d'attaques terroristes sur les sols américain et européen sont à leur paroxysme à la suite de l'attentat manqué sur le vol Amsterdam-Détroit et de l'attentat meurtrier sur la base de Khost en Afghanistan, fin décembre, il serait opportun, sans pour autant baisser la garde face aux terroristes, de repenser notre approche. Car après huit ans de « guerre contre le terrorisme », le constat est sans appel : la menace est plus que jamais d'actualité et la démonstration est faite que cette guerre-là ne peut pas être gagnée par les moyens ainsi déployés. La démocratie que nous prétendons exporter s'est égarée dans les méandres de la manipulation électorale, de la négociation sans résultat, de la détention arbitraire, de la torture. N'est-il pas temps de nous assurer que la façon dont nous mettons en oeuvre les principes et les règles que nous avons édictés puisse recueillir l'adhésion des autres États ? Je forme le voeu que mon pays renforce son engagement auprès des sociétés civiles en mouvement. Il fut un temps où nous savions le faire, auprès des démocraties de l'autre côté du rideau de fer. Des peuples attendent aujourd'hui notre soutien, nos moyens matériels, un renforcement de nos relations. Notre pays peut et doit leur répondre. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Bernard Kouchner, ministre des affaires étrangères et européennes.  - Je rends hommage à M. François-Poncet, qui a eu la volonté de nous délivrer jusqu'au bout son message. Je salue son talent et son courage. Je salue votre rapport, passionnant et fouillé, madame. Mais ce débat en est-il bien un ? Car si j'étais à votre place, j'aurais pu tenir des propos semblables, et si vous étiez à ma place, vous ne renieriez pas certaines des phrases que je vais prononcer.

Je remercie M. Marini d'avoir rappelé qu'aucun pays plus que la France n'est en ce moment entendu, écouté, sollicité par les pays arabes et Israël sur les conflits du Moyen-Orient. Tout n'est pas parfait mais qui le serait sur ce problème si difficile au sujet duquel vous avez rappelé qu'il faut se garder, comme on le fait trop souvent aujourd'hui, d'oublier que l'existence d'Israël est née de la guerre mondiale et de l'holocauste ?

Sur le rapport Goldstone, il y aurait beaucoup à dire, comme sur la façon dont les ONG israéliennes ont souligné les excès de la guerre à Gaza. Mais qui plus que la France a condamné le déchaînement de l'armée israélienne à Gaza, comme l'a fait le Président Sarkozy, les yeux dans les yeux, même si, dans le même temps, nous continuons à condamner les tirs de roquette ? Nous maintenons cette condamnation de l'intervention à Gaza, comme celle de la poursuite de la colonisation. Si au dernier moment, nous nous sommes abstenus à l'ONU, avant de voter contre, ce n'est pas faute d'avoir travaillé dans le dialogue sur un texte qui a suscité tant d'incompréhension du côté de nos amis palestiniens. Vous me demandez ce que je fais pour la bande de Gaza ? Je vous réponds que je travaille, cela a été signé aujourd'hui, à la reconstruction de l'hôpital Ash-Shifa de Gaza, que je connais bien, pour y avoir été médecin.

M. Mitchell, représentant de l'administration américaine, s'est arrêté en France hier, sous un bon prétexte, celui du suivi de la Conférence dite de Paris, un succès en termes tant économiques que politiques. Cette conférence s'intitule, d'ailleurs, conférence internationale des donateurs « pour l'État palestinien », et non « pour la création d'un État palestinien ». Il a été décidé lors de cette réunion de réunir les experts autour du comité ad hoc dirigé par la Norvège et, peut-être, d'organiser une nouvelle Conférence de Paris en 2011 si les conditions le permettent. Pour être écouté au Moyen-Orient, il faut être écouté par les deux parties, merci de l'avoir souligné. Certaines positions excessives, que j'ai prises par le passé, sont improductives. La situation évolue, a constaté M. Mitchell, tout peut se bloquer : les Égyptiens ont récemment rencontré l'administration Obama, le Premier ministre israélien Netanyahou a fait la proposition, certes insuffisante, d'un moratoire de dix mois pour les colonies à l'exclusion de Jérusalem, proposition qui est connue des Palestiniens. L'Europe, c'est-à-dire Mme Ashton, M. Blair, au nom du Quartet, M. Moratinos, le ministre espagnol et moi-même, a assuré M. Mitchell de son soutien aux initiatives américaines en faveur de la reprise des pourparlers entre Palestiniens et Israéliens, qui avaient permis sous le gouvernement Olmert d'aboutir à une carte relativement satisfaisante pour les deux parties, bien meilleure qu'elle ne l'est aujourd'hui. Mais avons-nous jamais cessé de soutenir ces rencontres ? Non. Y a-t-il un espoir ? Oui, si nul ne sait combien ce conflit fera encore de victimes, nous savons qu'il aboutira à la création de deux États. Sur les Territoires, des progrès considérables ont été accomplis, grâce au Premier ministre de l'Autorité palestinienne Fayyad. Pas moins de 200 projets ont été menés à bien et une liste complémentaire devrait nous être proposée dans quelques jours. L'argent de la Conférence de Paris a été dépensé à 50 % à Gaza. Faut-il poursuivre sur cette voie ? Oui. Comment ? La réponse ne nous appartient pas. Aucun autre pays n'a eu une attitude aussi exigeante que la France, malgré votre sévérité à son égard. La position des États-Unis a changé, vous l'avez souligné, mais non celle de la France. Nous avons plus ou moins accepté le moratoire comme une avancée.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga, au nom de la commission des affaires étrangères  - Quelle avancée ?

M. Bernard Kouchner, ministre.  - D'après M. Mitchell, M. Netanyahou se situerait aujourd'hui davantage au centre qu'à droite de la politique israélienne. D'après les derniers sondages, 70 % des Israéliens approuvent la création de deux États et une large majorité, 57 %, accepte aussi Jérusalem pour capitale de ces deux États. Ne me cherchez pas querelle concernant la position de l'Union européenne ! La position unanime de l'Union le 28 décembre est le texte le plus avancé que nous ayons pris. La phrase que M. Sarkozy a prononcée à Jérusalem et à Ramallah concernant la capitale des deux États était nécessaire pour obtenir une position unanime des Vingt-sept. Les Suédois avaient proposé « Jérusalem est ».

Nous notons également un mouvement chez les pays arabes. A ce propos, merci d'avoir reconnu que la France a, contre l'avis des États-Unis, engagé le dialogue avec la Syrie car nous sommes persuadés que tout ce qui pourra contrecarrer l'influence iranienne va dans le bon sens. Faut-il prendre pour interlocuteurs le Hamas ? On ne peut pas être plus palestinien que les Palestiniens ! Pour le moment, cela ne ferait que fausser le jeu d'avancées et de propositions que doit faire la France. Est-il possible de convaincre le Président Abbas ? C'est à lui de s'engager alors qu'il n'est pas dans une bonne position face à ses amis arabes, lesquels ont proposé, rappelons-le, l'initiative de paix arabe que nous avons saluée. Peut-on lui demander un geste de générosité comparable à celui de M. Sadate ? Peut-être en est-il le seul capable. Pour cela, il faut beaucoup de fermeté, d'engagements peut-être écrits dans ce qui pourrait être, même si je préférerais éviter ce terme, une feuille de route ; en un mot, des certitudes -c'est mon point de vue personnel- qui iraient jusqu'à la reconnaissance de l'État palestinien à une date précise.

« Nous ne pouvons pas avancer sur ce dossier sans unité entre les deux rives de l'Atlantique » nous a dit en substance M. Mitchell. Nous soutenons cette position et les engagements que cela suppose. Notera-t-on une évolution dès les semaines suivantes ? Je l'espère. Ce débat, où les rôles étaient interchangeables, était-il utile ? Je le crois et remercie les orateurs d'y avoir participé chacun avec son talent. Les accusations portées contre la politique de notre pays, on ne les entend qu'ici, pas là-bas ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. le président.  - Avant de lever la séance, permettez-moi de souhaiter au nom du Sénat un prompt rétablissement à M. François-Poncet.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 13 janvier 2010, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 13 janvier 2009

Séance publique

A 14 HEURES 30

1. Désignation d'un membre de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, en remplacement de Mme Esther Sittler.

2. Proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à créer une allocation journalière d'accompagnement d'une personne en fin de vie. (n°223 rectifié, 2008-2009)

Rapport de M. Gilbert Barbier, fait au nom de la commission des affaires sociales. (n°172, 2009-2010)

Texte de la commission. (n° 173, 2009-2010)

A 21 HEURES

3. Débat d'initiative sénatoriale sur l'évaluation de la loi sur le service minimum dans les transports.