Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Sécurité dans les établissements scolaires

M. Jean-François Voguet .  - Les agressions d'élèves survenues dans l'académie de Créteil suscitent une vive émotion. Ces actes révèlent la dégradation d'une situation dont vous êtes totalement responsables. (Protestations à droite) Votre politique, c'est toujours moins pour l'école, et ce n'est pas en transformant les établissements en sanctuaires que vous réglerez les problèmes.

Votre politique éducative est fondée sur la ségrégation sociale et territoriale, son moteur est la sélection par l'échec. Des centaines de milliers d'enfants et de jeunes en sont durablement affectés, leurs rêves d'avenir sont brisés. Il n'y a pourtant pas de gène du retard et de l'échec scolaire, tous peuvent réussir. Mais c'est votre politique qui est marquée du sceau de l'injustice sociale. Il en résulte une violence et une souffrance sociales qui rongent notre société, nos villes et nos quartiers. L'injustice sociale engendre l'exclusion et la colère, elle est à l'origine de toutes les dérives et vos politiques sécuritaires n'y changent rien. Vous ne cessez de renforcer la surveillance, les contrôles, les arrestations et les sanctions, mais partout la violence se développe.

Reconnaissez votre échec, faites face à vos responsabilités. Personne ne parle d'un surveillant par élève : la communauté éducative demande la présence de davantage d'adultes. Allez-vous enfin l'entendre et mettre fin aux suppressions de postes ? Monsieur le ministre, méditez cette phrase de Victor Hugo : « Ouvrez une école, vous fermerez une prison. » (Exclamations à droite) Plutôt que d'organiser les états généraux de la sécurité à l'école, ne serait-il pas temps d'organiser un Grenelle de l'éducation ? (Protestations à droite) Cela devient urgent : faites de l'éducation une vraie priorité nationale. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Je salue la présence du Premier ministre dans notre hémicycle.

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Ce qui s'est passé au lycée Guillaume-Apollinaire de Thiais est intolérable : une bande armée y a fait intrusion pour y mener un règlement de comptes et la rixe s'est poursuivie dans le gymnase municipal. La mobilisation du Gouvernement est totale et je rends hommage à la communauté éducative, qui fait front pour lutter contre la violence. Lorsqu'un lycéen est agressé, c'est l'ensemble de l'institution scolaire qui est attaquée.

Nous avons pris des mesures d'urgence et avons décidé d'accélérer le plan de sécurisation des établissements scolaires. Avant la fin de l'année, un diagnostic de sécurité sera réalisé dans tous les lycées et les collèges. Des équipes mobiles de sécurité sont désormais présentes dans les établissements de l'académie de Créteil. D'ici la fin du mois de mars, toutes les académies en bénéficieront. Un référent de la police ou de la gendarmerie est affecté à chaque établissement. Le lycée Adolphe-Chérioux était ouvert à tous vents : l'encadrement y sera amélioré.

Monsieur Voguet, ce problème n'est ni nouveau, ni exclusivement français : une agression terrible vient de se produire en Allemagne. En avril, je réunirai les acteurs concernés, qui travaillent depuis longtemps sur la sécurité à l'école : Éducation nationale, police, justice, associations, psychologues, sociologues doivent oeuvrer ensemble. Il n'y a pas de fatalité dans ce domaine : le Gouvernement a décrété la mobilisation générale pour la sécurité à l'école. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mahéas.  - Pourquoi supprimer des postes ?

Politique budgétaire des régions

M. Jean-Claude Carle .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) En 2004, nombre de futurs présidents de régions déclaraient, à l'instar de l'actuel président de la région Rhône-Alpes : « Si je suis élu, je n'augmenterai pas les impôts. Nos promesses sont réalistes et peuvent être financées à budget constant ! » (Protestations à gauche) La réalité est tout autre ! En six ans, la fiscalité régionale a augmenté de 44 % en moyenne. Les présidents de régions invoquent le désengagement de l'État, mais les chiffres parlent d'eux-mêmes. 6,5 milliards d'euros supplémentaires ont été levés, soit 101 euros par Français. L'imposition du foncier bâti a augmenté de 34 %, la taxe professionnelle de 54 % et la taxe sur les cartes grises de 33 %. (Protestations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - 150 milliards de déficit ! Vous êtes de mauvais gestionnaires.

M. Jean-Claude Carle.  - L'augmentation fiscale n'est pas condamnable si elle est modérée et finance des investissements. Or, durant cette mandature, les dépenses de fonctionnement se sont accrues de 52 % et les investissements n'ont progressé que de 32 %. (Protestations à gauche) A l'exception de l'Alsace, (« Ah » ! à droite) où les dépenses de fonctionnement ont diminué de 20 %, le train de vie ailleurs l'emporte sur les priorités. (Vives protestations à gauche) En Rhône-Alpes, le Palais de la région de Jean-Jack Queyranne coûte 200 millions d'euros...

M. Jean-Louis Carrère.  - 150 milliards !

M. Jean-Claude Carle.  - ...soit le coût de dix lycées. En Languedoc-Roussillon de Georges Frêche, (exclamations à droite) le budget de la communication atteint 100 millions, alors qu'il en manque 6 pour équiper les lycées de vidéosurveillance...

Plusieurs voix à gauche.  - Merci ! Vous nous rendez service !

M. Jean-Claude Carle.  - En Champagne-Ardenne, les investissements ont baissé de moitié en quatre ans et le remboursement de la dette pourrait devenir le premier poste de dépenses. Monsieur le ministre, vous qui avez une juste vision de la situation...

M. Jean-Louis Carrère.  - 150 milliards !

M. Jean-Claude Carle.  - Est-elle liée au désengagement de l'État ou est-elle générée par des régions qui ne maîtrisent plus leurs dépenses ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État .  - Vous avez donné les principaux chiffres, j'aurai peu de chose à ajouter. L'électeur est aussi un contribuable local. En Languedoc-Roussillon, les impôts ont augmenté de 90 %. (Protestations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - La ficelle est grosse !

M. David Assouline.  - Inscrivez-le dans les comptes de campagne !

M. Éric Woerth, ministre.  - En Auvergne, l'augmentation est de 70 %. Rares sont les régions où l'augmentation n'a pas dépassé 35 %. (Protestations à gauche) L'État n'a pas augmenté les impôts : je ne laisserai pas les responsables régionaux déclarer qu'il est le seul responsable de ces hausses.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est très vilain !

M. Éric Woerth, ministre.  - Quand les choses vont bien, les présidents de régions, socialistes en tête, réclament leur autonomie, mais quand cela va mal, ils appellent l'État au secours. (Vives protestations à gauche ; applaudissements à droite) Alors que les recettes fiscales de l'État baissent de 20 %, nous augmentons les dotations aux conseils régionaux.

M. Jean-Louis Carrère.  - 150 milliards !

M. Éric Woerth, ministre.  - L'effort financier de l'État en faveur des régions a augmenté de 30 milliards d'euros, hors décentralisation, et de 8,7 milliards hors inflation. L'État a assumé ses engagements.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est une question d'actualité ? Pitoyable propagande électorale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous faites campagne !

M. Éric Woerth, ministre.  - Accuser l'État est la seule échappatoire qu'ont trouvée les présidents de régions pour ne pas assumer leur bilan.

M. Jean-Louis Carrère. (brandissant un exemplaire du Monde)  - 150 milliards !

M. Éric Woerth, ministre.  - Vous enragez parce que vous n'assumez pas votre bilan. Le dérapage des impôts a financé le dérapage des dépenses.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Éric Woerth, ministre.  - Pour cette raison, les conseils régionaux n'assument plus leurs responsabilités. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous augmentez l'endettement de l'État !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ajoutez-le dans les comptes de campagne !

Réforme des retraites (I)

M. Yvon Collin .  - La réforme des retraites est un sujet qui impose un consensus républicain. Le sommet social qui s'est tenu lundi a abouti à trois annonces. Tout d'abord, le Président de la République a refusé le passage en force. Nous en prenons acte : on ne réforme jamais contre, mais avec les Français. Plusieurs de vos prédécesseurs, monsieur le Premier ministre, l'ont appris à leurs dépens. Ensuite, une volonté de dialogue a été affichée. Nous y sommes prêts. Enfin, un projet de loi sera déposé au Parlement en septembre.

Les sénateurs du groupe RDSE prendront toute leur part dans la discussion parlementaire pour parvenir à une solution responsable et équitable. Il n'y a pas de solution miracle et les positions dogmatiques ne sont plus tenables. Les principes de réalité et de responsabilité imposent d'explorer toutes les pistes : sauvegarder le système par répartition, mais recourir à la capitalisation, envisager un recul de l'âge légal de départ à la retraite, indexer la durée de cotisation sur l'espérance de vie, placer la pénibilité et l'emploi des seniors au coeur du débat, rechercher de nouvelles sources de financement afin que les salariés ne supportent pas seuls le poids de cette réforme.

M. Guy Fischer.  - Voilà ce qu'il faut faire.

M. Yvon Collin.  - Il faudra aussi réfléchir à un élargissement de l'assiette et à une augmentation des cotisations patronales, dans un souci d'équité. L'enjeu est national et c'est dans ce dialogue républicain que nous apporterons notre pierre à l'édifice.

Monsieur le Premier ministre, êtes-vous prêt à créer les conditions d'un dialogue sincère avec toutes les forces politiques, syndicales et parlementaires, pour parvenir à un consensus sur les retraites ? (Applaudissements sur les bancs socialistes, au centre et sur quelques bancs de droite)

M. François Fillon, Premier ministre .  - (Applaudissements à droite) Je vous remercie, monsieur le sénateur, de l'esprit dans lequel vous me posez cette question. Nous avons besoin d'un consensus sur les retraites, car ce sujet dépasse nos clivages partisans, parce que la réforme porte sur une période longue où des alternances se produiront certainement, (sourires à gauche) mais encore parce que les autres grandes démocraties modernes sont parvenues au consensus sur les retraites.

Le Président de la République a fixé la méthode et le calendrier avec les partenaires sociaux. Nous partirons du rapport que le Conseil d'orientation des retraites nous rendra en avril, puis la concertation s'engagera, très largement. Le Parlement, qui aura le dernier mot, sera associé dès le départ et j'espère que vous serez saisi d'un texte dès le mois de septembre.

Toutes les pistes sont ouvertes, sauf deux que le Président de la République et moi-même avons écartées : nous ne remettrons pas en cause le système de répartition, car, comme les Français, nous y sommes attachés et parce qu'aucun grand pays n'est parvenu à changer radicalement de système ; ensuite, nous refusons que le montant des retraites serve de variable d'ajustement, les Français ne l'accepteraient pas, avec raison. Nous discuterons de tout, hors ces deux pistes. Cependant, nous ne voulons pas cacher la vérité aux Français : il n'y a pas de solution miracle qui autoriserait à ne rien changer alors que la durée de vie s'allonge. La France, ensuite, n'est pas seule au monde et nous pouvons nous inspirer de ce qu'ont fait nos voisins, non pour les copier, mais parce que leur expérience peut nous intéresser.

Voilà l'esprit dans lequel le Gouvernement aborde cette question. Si nous parvenons au consensus, notre démocratie aura fait un grand pas ! (Applaudissements à droite et au centre)

Avenir des chantiers navals

Mme Nathalie Goulet .  - Les Chantiers de l'Atlantique STX, fleuron de notre savoir-faire industriel et véritable poumon économique du grand Ouest, connaissent une crise majeure et 430 000 heures de chômage technique. L'entreprise, cependant, a d'énormes capacités de diversifications, en particulier dans la construction de plates-formes de forage off shore et les énergies maritimes renouvelables. La création d'un centre de recherche et de développement est également envisagée, pour transmettre les savoir-faire uniques de ce chantier naval.

Alors que le grand emprunt a consacré 100 millions aux navires de demain, je m'interroge sur les emplois d'aujourd'hui.

Le Président de la République et Mme le ministre de l'économie ont répété leur attachement a ce chantier naval et nul doute de la volonté du Gouvernement de sauver des emplois.

Monsieur le Premier ministre, me confirmez-vous que le commissaire à l'exécution du grand emprunt étudiera en priorité les dossiers qui lui seront transmis par la direction des Chantiers de l'Atlantique ? La formation, l'emploi, la recherche et développement en seraient gagnants. Ce sont deux dossiers à exécution immédiat. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi .  - (Applaudissements à droite) Le site de Saint-Nazaire est une industrie stratégique pour la France et l'entreprise STX y est déterminante, représentant, avec les sous-traitants, près de 7 000 emplois. Le Premier ministre s'en préoccupe quotidiennement et nous suivons de près la commande du navire en construction, qui devrait être livré le 25 février, et nous mobilisons tous les moyens dont nous disposons, en particulier les garanties de la Coface.

L'État a investi un tiers du capital de STX, pour 100 millions, aux côtés des Coréens, nous avons participé au plan de relance maritime, avec le « Mistral », qui a représenté 400 millions de chiffre d'affaires et nous apportons notre soutien à la diversification du chantier naval. Le grand emprunt devrait mobiliser un milliard pour les véhicules du futur, sous leurs différentes formes, et les chantiers navals peuvent être directement concernés : M. Ricol consacrera toute son attention à la diversification de STX ! (Applaudissements à droite et au centre)

Situation à l'éducation nationale

M. Yannick Bodin .  - La situation à l'éducation nationale est préoccupante, le malaise va bien au-delà des actes de violence qui ont fait l'actualité récente. Depuis plusieurs jours, la communauté éducative se mobilise et manifeste.

Monsieur le ministre de l'éducation nationale, vous accusez les régions et les départements de ne pas équiper les établissements scolaires en clôtures et en vidéo-surveillance. La période électorale vous pousse aux excès, et vous dites dire que les régions n'équipent pas les établissements. C'est faux. En Ile-de-France, par exemple, 5 millions vont chaque année à la sécurisation des lycées et 300 établissements sont déjà équipés de vidéo-surveillance.

Vous savez très bien que ces équipements ne résoudront pas seuls le problème de la sécurité ! Les personnels et les élèves ne demandent pas plus de caméras, mais plus de surveillants. Il faut renforcer la présence d'adultes, tant pour la réussite éducative que pour la prévention et la sécurité. La violence reculera lorsque les élèves seront suffisamment encadrés, par des adultes qualifiés...

M. Dominique Braye.  - Et les parents ?

M. Yannick Bodin.  - Il faut des professeurs, des éducateurs, des surveillants, des assistantes sociales, des infirmières, des psychologues ! Les équipes mobiles de sécurité ne sont qu'un pis-aller.

Vous avez supprimé 11 200 postes en 2008, 13 500 en 2009 et 16 000 cette année ! Quand donc vous arrêterez-vous ?

Les professeurs en congé ne sont pas remplacés et certaines académies se tournent vers Pôle Emploi pour engager des volontaires sans qualification.

Avec la réforme de la formation des maîtres, les futurs professeurs se retrouveront dans une classe immédiatement après leurs études, sans aucune formation : vous avez supprimé l'année de formation professionnelle, par mesure d'économie, alors que le métier d'enseignant est un métier qui s'apprend !

Vous avez annoncé des états généraux de la sécurité à l'école. Si vous n'y renforcez pas les moyens humains mobilisés à l'école, vous n'aurez fait qu'un coup médiatique de plus !

Monsieur le ministre, quand cesserez-vous de supprimer des postes et quand rétablirez-vous ceux qui manquent si cruellement dans nos établissements scolaires ? (Applaudissements à gauche)

M. Luc Chatel, ministre de l'éducation nationale, porte-parole du Gouvernement .  - La sécurité des élèves mérite mieux qu'une polémique politicienne ! (Applaudissements à droite ; vives exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous commencez mal !

M. Luc Chatel, ministre.  - Je veux rassurer les parents : 13 millions d'élèves se rendent quotidiennement à l'école, sans problème !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Heureusement ! Voulez-vous qu'on vous en félicite ?

M. Luc Chatel, ministre.  - Mais si les agressions sont très rares, elles n'en doivent pas moins être fermement condamnées ! (Exclamations à gauche)

M. Jean-Louis Carrère.  - Ce n'est pas la question !

M. Luc Chatel, ministre.  - Si la question des moyens suffisait à résoudre le problème de la violence à l'école, cela se saurait ! Nous renforçons les moyens : nous avons fait passer de 9 500 à 12 000 le nombre de conseillers d'orientation ! (Vives exclamations à gauche) Nous avons créé 5 000 postes de médiateurs pour la réussite scolaire ! Nous avons créé 500 postes pour les équipes mobiles de sécurité, placées auprès des recteurs. (Mêmes mouvements) Les moyens, nous les mettons !

Mais la sécurité, c'est d'abord l'affaire de tous. J'entends dire que, dans un lycée de 1 500 élèves, il n'y aurait que onze surveillants, mais il y a en fait 180 adultes présents dans l'établissement ! La sécurité est l'affaire de toute la communauté éducative ! (Applaudissements à droite ; vives exclamations à gauche)

M. Dominique Braye.  - Et des parents !

M. Luc Chatel, ministre.  - Nous renforçons la formation des équipes pédagogiques : 400 chefs des établissements les plus sensibles vont recevoir une formation à la gestion de crise ; dans l'académie de Créteil un stage sera proposé sur la tenue de classe. La sécurité est un vrai sujet, trop d'élèves, hors de l'école, ne connaissent pas les situations d'autorité, ils en acceptent d'autant moins celle de l'école.

Nous sommes mobilisés, la sécurité est l'affaire de tous : soyez le bienvenu aux états généraux, monsieur le sénateur, nous écouterons toutes vos propositions ! (Applaudissements à droite)

Délivrance des papiers d'identité (I)

M. Alain Gournac .  - Renouveler sa pièce d'identité, cela nécessite désormais un véritable parcours du combattant ! (Exclamations à gauche)

M. Simon Sutour.  - A qui la faute ?

M. Alain Gournac.  - Pourquoi exige-t-on tant de preuves de notre nationalité française pour renouveler un passeport ? C'est irritant et vexatoire !

Prenons le cas de cette femme née en 1950 en Allemagne, où son père et sa mère, tous deux français, étaient en poste, le papa étant militaire. Cette femme a dû fournir un extrait d'acte de naissance de sa mère. Comme cet extrait ne mentionnait pas le nom de la commune alors que le document était visé par la commune en question, la préfecture s'est mise en quête d'un extrait d'acte de naissance du grand-père, né en Charente,

Autre cas : une femme née en France en 1954, de parents algériens installés en métropole en 1948. Cette femme a opté pour la nationalité française en 1974, dès que l'âge de la majorité a été abaissé à 18 ans. En décembre 2008, elle demande le renouvellement de son passeport, de celui de son mari et de ses deux enfants. Ces trois derniers passeports sont obtenus en quinze jours. Quant au sien, plus d'un an après, cette femme ne l'a toujours pas !

Sa demande a été rejetée ! Titulaire du baccalauréat et d'un diplôme d'État d'infirmière, elle exerce dans les hôpitaux parisiens depuis 32 ans et présentait une carte d'électrice, mais l'on n'arrivait pas à retrouver le bon registre et le greffe du TGI l'a convoquée pour lui signifier qu'il lui fallait demander sa naturalisation. Heureusement le registre a été retrouvé...

M. le président.  - Votre question !

M. Alain Gournac.  - Quand les mesures annoncées contre ces tracasseries...

M. Simon Sutour.  - La faute à qui ?

M. Alain Gournac.  - ...prendront-elles effet ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés .  - Brice Hortefeux, en Guyane avec le Président de la République...

M. Simon Sutour.  - En campagne !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - ....m'a priée de vous présenter ses excuses. Les Français ne doivent pas être confrontés à des tracasseries injustifiées, voire injustifiables comme celles dont vous venez de donner des exemples et qu'ils vivent comme une mise en cause de leur nationalité....

M. Charles Revet.  - Bien sûr !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État.  - Le ministre de l'intérieur a adressé aux préfets, au mois de décembre, une circulaire pour assouplir l'examen des demandes et afin d'appeler les agents à faire preuve de discernement. Depuis une semaine il suffit de présenter une carte nationale d'identité plastifiée ou un passeport électronique ou biométrique. (« Très bien ! » à droite) Cela n'empêche pas de vérifier l'authenticité de ces documents. (Exclamations ironiques à gauche) La lutte contre la fraude protège en effet ceux qui sont victimes d'usurpation d'identité. Le Conseil d'État va être saisi d'un projet de décret qui confirmera ces dispositions. (Applaudissements à droite)

Délivrance des papiers d'identité (II)

M. François Rebsamen .  - Ma question complète la précédente, et je pourrais citer d'autres exemples qui éviteraient à M. Copé de créer un groupe de travail. (Sourires sur plusieurs bancs à gauche) De nombreux Français doivent faire face à la situation absurde et toujours très pénible d'avoir à justifier qu'ils le sont réellement. Le ministre de l'intérieur, avec qui je m'en étais entretenu, a pris une circulaire en décembre pour demander à l'administration plus de considération pour des personnes qui possèdent l'état de Français. Cela n'est pas suffisant, il faut inverser la charge de la preuve et renoncer à cette insupportable présomption d'usurpation de la nationalité française. Des compatriotes peuvent avoir perdu leurs papiers ou se les être fait voler. Il suffit alors de cliquer sur le fichier national des cartes d'identité ou sur celui des passeports. Quand allez-vous éviter à nos compatriotes l'humiliation d'avoir à prouver qu'ils sont Français ? (Applaudissements à gauche)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre d'État, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés .  - Si j'ai anticipé tout à l'heure sur ma réponse, il est révélateur que nous sommes tous ici fidèles au principe fondamental de l'égalité des Français devant la loi. Le Gouvernement agit sans arrêt pour simplifier les démarches administratives -un État moderne, c'est aussi cela. J'ai dit ce qu'a fait le ministre de l'intérieur. Le Conseil d'État doit être saisi dans la semaine du projet de décret annoncé le 10 février. Il favorisera ce qui commence à se mettre en place. D'ores et déjà la production de titres sécurisés suffit à justifier de la nationalité. (Mme Monique Cerisier-ben Guiga le conteste) Pourquoi, madame, ne l'avez-vous pas fait quand vous étiez au pouvoir ? (Applaudissements à droite)

Réforme des retraites (II)

Mme Catherine Procaccia .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Le Président de la République a réuni cette semaine les partenaires sociaux pour un sommet sur l'emploi, le pouvoir d'achat et les retraites. Le Premier ministre et le ministre du travail conduiront la concertation. Je salue le courage qu'il y a à s'attaquer à ce serpent de mer. Le sujet est épineux et impopulaire ; il est plus facile de dénoncer la remise en cause d'un système qui ne fonctionne plus et de jouer les autruches que de proposer des mesures...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les solutions ne sont pas neuves !

Mme Catherine Procaccia.  - Mon inquiétude tient d'abord à ce qu'à peine sortis de l'Elysée, certains partenaires sociaux ont appelé à une « journée d'action » qui est en réalité une journée de grève.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Faites payer les pauvres !

Mme Catherine Procaccia.  - La gauche désunie parle déjà d'un nouveau modèle au lieu de rechercher une solution consensuelle.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est la faute à la gauche !

Mme Catherine Procaccia.  - Oui, je suis très inquiète d'un détournement du processus par la systématisation de l'opposition droite-gauche, et la dénonciation de la droite comme voulant remettre en cause les avantages acquis. Le premier ministre a déjà répondu sur le calendrier. Pouvez-vous nous dire quelles mesures vous allez prendre pour que le dialogue voulu par Nicolas Sarkozy puisse aboutir ?

Les soultes, ensuite. On parle maintenant de 6 milliards sur 50 ans versés par l'Agirc-Arrco pour les postiers. Quelle est la réalité de ces chiffres ? (Applaudissements à droite)

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille et de la solidarité .  - Vous avez raison, le système des retraites ne doit pas donner lieu à des affrontements entre droite et gauche. Le parti socialiste ferait bien de s'inspirer du courage et de la clairvoyance dont avait fait preuve M. Rocard avec son Livre blanc. La Grèce, l'Espagne, le Royaume-Uni ont abordé le problème avec courage : il n'y a pas de fatalité à ce que la gauche française ne le regarde pas en face.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous savez ce qu'il vous dit, le PS ? (L'orateur présente un journal présentant les prévisions de résultats électoraux)

M. Simon Sutour.  - Les électeurs vous répondront bientôt !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État.  - Il faut rassembler autour de la sauvegarde des retraites par répartition. Le dialogue s'ouvre et j'espère que l'opposition s'efforcera de prendre part au débat, loin des polémiques politiques ou idéologiques.

Le changement de statut de La Poste entraîne l'affiliation des nouveaux contractuels à l'Agirc-Arrco afin de les mettre à égalité avec les autres assurés sociaux. Cela donnera lieu à des transferts financiers avec l'Ircantec. Ces transferts seront fixés par convention. Il n'y aura nul hold-up car l'Agirc-Arrco saura défendre ses intérêts. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quelle formidable spontanéité !

Avenir de l'agriculture française

M. Roland du Luart .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Monsieur le ministre de l'agriculture, l'agriculture française souffre.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est vrai !

M. Roland du Luart.  - Cette réalité nous la connaissons tous. Votre plan exceptionnel de soutien a constitué une réponse rapide et adaptée, notamment, à la baisse importante des revenus agricoles en 2009.

M. Jean-Louis Carrère.  - Et les victimes de la tempête Klaus ?

M. Roland du Luart.  - Pour autant, il n'y a pas que cette crise dans la crise. Les fondamentaux de notre agriculture sont en jeu. Notre agriculture me semble, tout d'abord, handicapée par notre zèle à appliquer les politiques européennes pour faire toujours mieux que nos voisins.

M. Alain Vasselle.  - Exact !

M. Roland du Luart.  - Une folie normative souvent dangereuse, voire inutile !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Juste !

M. Roland du Luart.  - La France applique avec célérité chaque nouvelle réglementation environnementale...

M. Charles Revet.  - Très bien !

M. Roland du Luart.  - ...imposant autant de charges supplémentaires, sources de distorsions de concurrence ! Nos agriculteurs ont beaucoup évolué, notamment dans l'utilisation très responsable des produits phytosanitaires. Faites-leur un peu plus confiance ! Vous réduiriez ainsi le nombre de fonctionnaires dans votre ministère ! (Exclamations à gauche)

Ensuite, pour résoudre le problème majeur de la disparition de nos terres agricoles, récemment souligné par le Président de la République, penchons-nous sur la « sur-administration » de notre agriculture et notamment du foncier !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Oh la la !

M. Roland du Luart.  - Cessons d'appliquer des procédures rigides et néfastes à toute l'économie agricole ! Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les grands axes et les enjeux du projet de loi que le Parlement examinera bientôt ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche .  - Face à la gravité de la crise agricole en 2009, le Gouvernement a eu pour première préoccupation d'ouvrir de nouvelles perspectives aux agriculteurs, de répondre à leur principale question : « Quel avenir pour nous, agriculteurs, et pour nos enfants qui reprendront les exploitations ? » Afin de leur assurer un avenir durable et solide en France, nous devons, au-delà des mesures d'urgence annoncées par le Président de la République pour passer le cap des mois difficiles et reconstituer les trésoreries, prendre des mesures structurelles. Tel est l'objectif du projet de loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche dont le Sénat sera saisi en premier en mai prochain. Puisse les sénateurs participer activement à son examen.

Dans ce texte, nous voulons sécuriser les revenus agricoles via la systématisation du contrat écrit entre agriculteurs et l'aval des filières. Il n'est plus possible qu'un agriculteur s'endettant pour acheter du matériel agricole ne sache pas ce qu'il gagnera le mois suivant.

M. Alain Vasselle.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Pour mieux répartir la valeur ajoutée entre les filières et les agriculteurs, nous renforçons l'Observatoire des prix et des marges. Toujours pour sécuriser les revenus agricoles, nous instaurons un nouveau dispositif assurantiel. Cette loi sera également un rendez-vous essentiel pour porter un coup d'arrêt à la diminution des terres agricoles en France. Je rappelle que nous perdons l'équivalent d'un département tous les dix ans ! Enfin, sachant combien la question environnementale préoccupe les agriculteurs, j'ai proposé à M. Borloo et Mme Jouanno de discuter d'une nouvelle méthode dans le cadre du Grenelle de l'environnement : pas de nouvelles normes sans que celles-ci aient donné lieu à une étude d'impact approfondie (« Très bien ! » à droite), pas de nouvelles normes si celles-ci ne sont pas adoptées par nos voisins, amis et... concurrents européens ! (Applaudissements à droite et au centre)

Vente de la régie publicitaire de France Télévisions

M. David Assouline .  - Il y a un peu plus d'un an, la gauche quittait l'hémicycle en déclarant : « en ordonnant à France Télévisions de mettre en application une réforme avant qu'on en débatte au Sénat, la ministre bafoue la démocratie parlementaire ». (Murmures à droite) M. de Carolis avait alors cru bon d'obtempérer à « une instruction ministérielle illégale », dixit le Conseil d'État qui nous donne raison aujourd'hui (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat prononce le nom de M. Ralite), et de supprimer la publicité avant que la loi ne soit votée par le Sénat. Comprenez qu'on revienne aujourd'hui sur ce petit coup d'État ! (Marques d'agacement à droite) Nous méritions d'être écoutés : la taxe télécoms qui devait rapporter 350 des 450 millions promis à France Télévisions est aujourd'hui interdite par la Commission européenne ! Où trouver l'argent quand les caisses de l'État sont vides ? Peut-être serait-il plus raisonnable de ne pas supprimer la publicité avant 20 heures en 2011. Dans ce cas, pourquoi privatiser la régie publicitaire si performante de France Télévisions qui, en 2009, a récolté 420 000 millions ? Le savoir-faire et la compétence de ses personnels est un patrimoine du service public. Pourquoi le brader ? Ce n'est ni prudent ni juste. Pourquoi la céder à un prix modique à M. Courbit ? Cet homme d'affaires proche du Président (exclamations indignées à droite) -il était au Fouquet's-, a fait fortune dans la téléréalité et mise sur les jeux en ligne pour lesquels nous devons aussi légiférer à la hussarde dans quelques jours ! (On réclame la question à droite) Je vous suggère une réponse : quand on s'assied sur la démocratie parlementaire, quand on fragilise le service public et l'indépendance des médias...

M. le président.  - Veuillez conclure. (Protestations à gauche)

M. David Assouline.  - ...pour faire plaisir aux amis, c'est que l'intérêt général n'est plus le fondement de la décision publique. Monsieur le ministre, qu'en pensez-vous ?

M. Frédéric Mitterrand, ministre de la culture et de la communication .  - La loi supprimant la publicité à la télévision, validée par le Conseil constitutionnel, a été promulguée le 5 mars 2009. L'avis du Conseil d'État porte sur la procédure, et non sur le fond. En tout état de cause, la loi est déjà appliquée à la satisfaction générale : 70 % des téléspectateurs sondés approuvent la suppression de la publicité après 20 heures.

S'agissant de la vente de la régie publicitaire, à quoi bon conserver cette régie, certes extrêmement performante, dont France Télévisions n'aura plus que faire ?

M. Éric Doligé.  - Eh oui !

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - Le conseil d'administration de France Télévisions, au sein duquel siègent des parlementaires, des représentants de l'État et des syndicats, a donc décidé de la vendre et, le 5 février, d'engager les négociations avec la société Lov qui, parmi les six candidats en lice, présentait les meilleures garanties de maintien de l'emploi, l'exigence la plus importante du service public.

M. David Assouline.  - Et la taxe, vous ne m'avez pas répondu !

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. Frédéric Mitterrand, ministre.  - Le conseil d'administration suivra ces négociations de très près. Quant à la taxe télécoms, elle devait abonder le budget de l'État et, ensuite, France Télévisions. Aucun lien organique n'est établi entre l'argent qui rentre et l'argent qui sort ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est laborieux !