SÉANCE

du jeudi 20 mai 2010

101e séance de la session ordinaire 2009-2010

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Secrétaires : M. Philippe Nachbar, M. Jean-Paul Virapoullé.

La séance est ouverte à 9 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Abrogation du bouclier fiscal

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi tendant à abroger le bouclier fiscal, présentée par M. Foucaud et les membres du groupe CRC-SPG.

Discussion générale

M. Thierry Foucaud, auteur de la proposition de loi.  - Le bouclier fiscal est mort ; aux régionales, les électeurs ont reproché à la droite d'avoir privilégié les riches. Ainsi s'exprime en substance le député UMP Lionel Luca.

Pour la première fois en France, l'ensemble des impôts acquittés par un contribuable est plafonné ; il faut préserver l'attractivité de la France, encourager ceux qui prennent des risques, assurait en 2005 M. Copé, alors ministre des finances -avec des arguments encore utilisés aujourd'hui.

Un millier de bénéficiaires du bouclier fiscal ont touché un chèque moyen de restitution de 360 000 euros. Tout conduit à rendre intolérable ce bouclier aux yeux de nos compatriotes, qui ont une idée élevée de l'égalité. Ce dispositif est contraire à notre Constitution, qui impose aux citoyens de contribuer à la charge publique à concurrence de leurs facultés.

Les voix ne manquent pas à droite, à commencer par le président Arthuis, M. de Villepin ou M. Lellouch, pour demander la suppression du bouclier fiscal, dans le contexte de niches actuel.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Nous voulons la trilogie !

M. Thierry Foucaud, auteur de la proposition.  - Le bouclier fait tache et risque de devenir une tunique de Nessus qui va empoisonner les campagnes de la droite jusqu'à sa disparition.

Comment allez-vous faire admettre l'allongement de la durée de cotisation pour la retraite, la baisse des prestations sociales, le gel des rémunérations des fonctionnaires si vous maintenez le bouclier fiscal ? Feindre de mettre à contribution certains revenus pourrait certes faire illusion... Le bouclier est symbolique, disent certains, sa suppression ne suffira pas à redresser les comptes publics. La belle affaire ! Que pèsent ses 600 millions face aux 140 milliards de déficit ? Le supprimer ne sera que la première étape d'une réforme globale de notre fiscalité. Il faudrait attendre la loi de finances ? Les 5 à 6 milliards de rabotage des niches ? Faisons déjà 10 % du chemin !

Au demeurant, le bouclier fiscal est la dernière cartouche de l'artillerie de la défiscalisation, la plus impopulaire et la plus inefficace.

Le rapport de M. Albéric de Montgolfier est succinct, mais instructif. Mme Lagarde relève que 60% des bénéficiaires du bouclier fiscal ont de petits revenus. Encore heureux que les redevables de l'ISF -1,5% des contribuables français- ne soient pas majoritaires parmi les bénéficiaires du bouclier fiscal ! Mais 53 % de ces derniers se partagent 1 % de l'enveloppe ! Le bouclier fiscal détruit 15 à 20 % du rendement de l'ISF ; un millier de contribuables perçoivent en restitution l'équivalent d'un smic net par jour ! Peut-on laisser perdure un tel dispositif ?

Atteindre 50 % de prélèvement est une gageure, avec une tranche supérieure de l'impôt sur le revenu de 40 % et un taux maximal observé de 28%. Selon l'Insee, les personnes ayant un revenu de plus de 1,3 million par an sont souvent taxées à moins de 25%. C'est que notre droit fiscal est truffé de dispositions dérogatoires...

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances.  - Nous sommes d'accord.

M. Thierry Foucaud.  - Et la hausse des inégalités se manifeste aussi dans la diversité des sources de revenus : ce sont les mêmes qui cumulent hauts revenus du travail et hauts revenus du patrimoine : l'argent va à l'argent. Plus on est riche, plus on diversifie son patrimoine.

La grande bourgeoisie parisienne et des grandes villes de province concentre l'essentiel des bénéficiaires du bouclier fiscal, cette niche ultime, sorte de session de rattrapage des cancres de l'optimisation fiscale. Nombreux sont ceux qui refusent de jouer la transparence sur leurs revenus. D'où la stagnation du nombre de bénéficiaires...

M. Copé avait espéré le retour en France de Français exilés pour des raisons fiscales. Ce discours confirme que l'ISF est bien la cible du bouclier. Notre ancien collègue M. Dubrule ne s'est-il pas installé à Genève après avoir quitté ses fonctions chez Accor, pour faire échapper à l'ISF ses 300 millions de patrimoine ? Au demeurant, faut-il regretter ces citoyens exemplaires ? Leur départ est un scandale sans nom !

Ce qui coûte cher à la France n'est pas l'égoïsme d'exilés fiscaux, mais l'exode massif de jeunes diplômés qui ne trouvent pas d'emploi, alors que leur formation a été assurée grâce à la dépense publique. La solution consiste donc à supprimer le bouclier fiscal et à favoriser l'insertion professionnelle de notre jeunesse : seul le travail doit être valorisé.

Le bouclier fiscal coûte 600 millions. Vous allez supprimer 150 euros aux familles les plus modestes, ce qui rapportera 450 millions au budget de l'État ! Arrêtez ! (Applaudissements à gauche)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances.  - Je salue la constance du groupe CRC-SPG.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ça urge !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur de la commission des finances.  - Le Sénat repousse ses propositions avec la même constance. Je l'invite aujourd'hui à persévérer dans cette voie.

En effet, le bouclier fiscal plafonne à 50 % des revenus les impôts directs payés par un contribuable...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Avant, c'était 60 %.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - ...conformément à une promesse du candidat Sarkozy.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il a fait bien d'autres promesses qu'il n'a pas tenues !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - D'ailleurs, le principe remonte au Gouvernement Rocard, qui a plafonné le cumul impôt sur le revenu-ISF à 70 % des revenus.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas 50 % !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - Le Conseil constitutionnel a jugé que l'impôt ne devait pas être confiscatoire, et que le bouclier fiscal évitait une rupture caractérisée du principe d'égalité devant la charge publique.

Plus de la moitié des bénéficiaires du bouclier ne sont pas assujettis à l'ISF, même l'essentiel des 585 millions que coûte le dispositif est concentré sur les plus gros contribuables ; 536 d'entre eux perçoivent en moyenne 360 000 euros...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Une paille !

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur. - ...soit le quart de leur contribution fiscale.

Au demeurant, la majorité n'est pas arc-boutée sur ce dispositif : après les modifications introduites dans la dernière loi de finances, il est envisagé d'instituer une contribution extérieure au bouclier fiscal, destinée à financer les retraites.

La question du bouclier fiscal ne peut être traitée de façon simpliste. Je rappelle que l'ISF est une particularité française, nos partenaires l'abandonnent les uns après les autres, jusqu'à l'Espagne de M. Zapatero. Il faut aussi rapprocher le taux marginal de cet impôt du taux moyen des placements.

L'ISF devient ainsi un impôt atypique. MM. Arthuis, Marini et Fourcade ont proposé une piste intéressante associant la suppression concomitante de l'ISF et du bouclier fiscal, la révision de la fiscalité des plus-values et la création d'une tranche supplémentaire de l'impôt sur le revenu.

Sur la forme, il convient d'examiner pareille disposition en loi de financement exclusivement.

La commission propose de rejeter ce texte. (Applaudissements à droite)

M. Bernard Vera.  - M. Jupé a dit qu'un effort de solidarité des riches ne le choquerait pas. M. Carrez a souhaité supprimé le bouclier fiscal jusqu'à l'assainissement des finances publiques, M. Arthuis a dit que le bouclier fiscal était une offense à l'idée qu'il se faisait de la justice. D'autres propos de la même eau ont été tenus à droite.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout n'est pas simple dans la majorité !

M. Bernard Vera.  - Sitôt nommé ministre, M. Baroin a dit que les 600 millions du bouclier fiscal étaient une goutte d'eau au regard du déficit. Dans ce cas, pourquoi s'obstiner ?

De la tétralogie de MM. Marini, Arthuis et Fourcade, nous acceptons trois éléments : la suppression du bouclier fiscal -mais non celle de l'ISF-, la taxation accrue des plus-values et la création d'une nouvelle tranche de l'impôt sur le revenu. Nous demandons même que les plus-values soient traitées comme les salaires.

L'Insee a montré que le patrimoine était le principal facteur d'inégalité dans notre pays. Il faut donc maintenir l'imposition du patrimoine. Imposer demain le cadre supérieur engagé dans la vie de son entreprise pour protéger l'héritier qui ne pense qu'à ses dividendes n'est pas de bonne politique.

Nous refusons de supprimer l'ISF, qui tend à réduire les inégalités. Il faut le rendre plus efficace en supprimant les niches qui l'affectent.

Les plus grands patrimoines tiennent peu au talent de leurs détenteurs, et bien davantage au travail des autres.

Notre proposition de loi mettrait fin à une offense fiscale et sociale repoussée par 70 % de nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Comme ils l'ont déjà fait à maintes reprises, nos collègues du groupe CRC-SPG veulent supprimer le bouclier fiscal.

Mme Nathalie Goulet.  - Ils ont raison !

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Or, le bouclier fiscal est une mauvaise réponse à un mauvais impôt : l'ISF. Supprimer l'un tout en conservant l'autre serait inopportun. Nous proposons à la place une réforme ambitieuse.

Le bouclier fiscal ne répond pas à l'objectif affiché car, à cause des niches, le revenu fiscal pris en compte est parfois très inférieur au revenu réel. Comment justifier un calcul fondé sur un revenu fictif ? Il est aussi impossible que tous les Français soient appelés à l'effort, à l'exception des plus riches, sauf à se livrer à des contorsions ou à du bricolage. Les exilés fiscaux ne sont pas rentrés depuis 2002. Enfin, moins d'un millier de foyers perçoivent les deux tiers de la ristourne fiscale, soit en moyenne un chèque de 376 000 euros par an !

Mais le réaménagement du bouclier fiscal doit échapper au dogmatisme. L'ISF pèse non sur le revenu du patrimoine, mais sur sa détention, un principe fiscal supprimé par la plupart des autres États européens : Autriche, Danemark, Allemagne, Pays-Bas, Finlande, Luxembourg et Suède.

L'ISF est un marqueur. Il faut le réformer. Plusieurs collègues ont proposé une piste de réforme, que nous devrons examiner lors de la prochaine loi de finances.

A ces raisons de fond s'ajoute une raison de forme : les questions de cette nature relèvent de la loi de finances ou de la loi de financement. (Applaudissements au centre et à droite)

M. François Marc.  - Depuis quelques mois, le Palais du Luxembourg devient le palais des lamentations de collègues ayant voté le bouclier fiscal, rejeté par 67 % de nos concitoyens.

Sa suppression est pleinement justifiée. Nos collègues députés socialistes l'ont d'ailleurs proposée.

Mais il faut aussi mettre en cause la politique fiscale menée depuis 2002 : le bouclier fiscal est une composante d'un tout. On nous dit qu'il faut encourager la croissance et l'investissement, alors que grâce au Gouvernement de M. Jospin, notre pays avait la plus forte croissance en Europe...

S'est ajoutée la perspective d'un retour des exilés fiscaux.

Cette politique a coûté très cher au budget général : la Cour des comptes avait observé l'an dernier que la moitié du déficit était structurel et imputable pour l'essentiel aux baisses des recettes fiscales, soit 50 milliards sur un déficit total de 140 milliards. M. Woerth, lorsqu'il était ministre du budget, voulait trouver 50 milliards ; ils sont là.

La politique fiscale a-t-elle atteint ses objectifs ? Non ! La croissance n'est pas là, les investisseurs étrangers ne sont pas plus nombreux qu'autrefois et selon Bercy les contribuables partis à l'étranger ont été plus nombreux en 2008 qu'en 2007.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - Que serait-ce sans le bouclier !

M. François Marc.  - En revanche, le Gouvernement a démobilisé nos concitoyens.

Faisons un bilan objectif en écoutant les économistes : les prélèvements obligatoires n'ont pas baissé depuis 2002, restent proches de 43 % du PIB, mais certains contribuables ont payé les avantages accordés aux autres ; 20 des 30 milliards rendus aux contribuables entre 2002 et 2008 ont bénéficié aux plus riches. Ce sont les générations futures qui paieront ces cadeaux, tandis que le travail n'est nullement revalorisé.

Cette politique injuste pèse sur la redistribution : notre système fiscal marche sur la tête.

Enfin, cette politique fiscale a renforcé les inégalités : donner plus à ceux qui gagnent plus ! Voilà les enseignements majeurs de cette étude.

D'après le ministre du budget, 20 000 personnes vont bénéficier du bouclier fiscal qui coûtera entre 650 et 700 millions à l'État. L'injustice progresse ! Cette politique n'a pas atteint ses objectifs et a été très coûteuse pour l'État. Il faut donc y mettre un terme.

La commission des finances nous a dit d'attendre la prochaine loi de finances. Mais il faut aller vite : la crise économique se traduira par une crise sociale considérable. Comment voulez-vous mobiliser les Français si de tels dispositifs ne sont pas supprimés ? Supprimons le bouclier fiscal, ici et maintenant. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Plancade.  - Depuis plusieurs mois, la zone euro est confrontée à une crise considérable. Elle a aujourd'hui des répercussions en France. Un plan de rigueur qui ne dit pas son nom est en préparation et il portera principalement sur les classes moyennes et populaires. Depuis trois ans, le Gouvernement a favorisé les plus aisés. Il est indécent de poursuivre dans cette voie.

La suppression du bouclier est une mesure de bon sens et d'équité, d'autant que les grandes fortunes ne sont pas revenues. Ce dispositif est injuste : comment demander aux plus modestes toujours plus et accorder aussi toujours plus au plus riches ? Alors que le Gouvernement s'efforce de minimiser l'impact de la crise, il doit mettre un terme à cette hémorragie fiscale. Le bouclier est une niche de plus, une de trop.

Chaque année, l'État verse des chèques importants aux plus aisés. Dans le contexte actuel, c'est injustifiable politiquement, économiquement et, surtout, socialement.

L'impôt doit faire contribuer chacun en fonction de ses revenus. Où est la cohésion sociale ? Toute politique fiscale doit permettre de revenir aux fondamentaux : égalité et progressivité.

La majorité du groupe RDSE est donc favorable à cette proposition de loi et milite pour une politique fiscale plus juste et plus incitative.

La rigueur se profile et le Gouvernement traîne comme un boulet ce bouclier fiscal, alors que majorité et opposition devraient se rejoindre pour renforcer la cohésion sociale et se mettre d'accord pour supprimer toutes les niches fiscales, à commencer par le bouclier fiscal.

Dans sa quasi-totalité, le groupe du RDSE votera cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Louis Masson.  - La réforme du bouclier fiscal est un élément fondamental pour aller vers plus de justice. Notre endettement a considérablement augmenté. La réduction des niches fiscales est d'actualité : tant mieux. En revanche, je déplore l'obstination du Président de la République sur le bouclier. On peut être de droite et vouloir plus de justice et d'équité !

M. Guy Fischer.  - Vous entendez M. Gouteyron.

M. Jean Louis Masson.  - On peut être de droite et déplorer les gesticulations stériles, les promesses mirobolantes et le bling-bling à tous les étages. Pourquoi rester sourd aux messages des électeurs après la déroute des régionales ?

M. Juppé, peu suspect de gauchisme, estime que la pauvreté augmente dans notre pays, qu'il faut remettre à plat tout notre système fiscal ; il ne supporte pas le triomphe de la cupidité, ni les rémunérations extravagantes dénuées de justifications. (Vives approbations à gauche) Les sacrifices doivent être répartis entre tous. Il faut donc réformer le bouclier fiscal qui ne profite qu'à quelques super-privilégiés. (Applaudissements à gauche)

M. Adrien Gouteyron.  - (Applaudissements à droite) Ce débat est rituel.

M. François Marc.  - La parole est à la défense !

M. Adrien Gouteyron.  - Je comprends la constance de nos collègues. Les arguments se sont renouvelés. L'UMP a défendu le principe du bouclier fiscal ; elle ne saurait se contredire et renoncer à ses principes. Je salue notre rapporteur qui a rappelé que le Conseil constitutionnel, le 29 novembre 2005, a estimé que l'impôt ne devait pas être confiscatoire. Le bouclier est un garde-fou dans un système complexe : trop d'impôt tue l'impôt, on le sait.

Le niveau des prélèvements obligatoires en France est l'un des plus élevés au monde. Le bouclier à 50 %, c'est l'affirmation d'un principe clair : ne pas travailler plus de six mois par an pour payer ses impôts. D'ailleurs, le bouclier a été instauré par un gouvernement de gauche.

La France n'est pas le seul pays en Europe dans ce cas. D'autres pays, de l'Espagne à la Suède, en passant par l'Allemagne, l'ont instauré. La Cour constitutionnelle allemande a estimé qu'il ne fallait pas prélever avec l'impôt sur la fortune plus de 50 % des revenus.

Contrairement à ce qu'affirme l'opposition, le bouclier fiscal n'est pas un cadeau abominable au profit des riches ; il ne faut pas oublier qu'un Français sur deux ne paye pas d'impôt sur le revenu et que 10 % d'entre eux paye 70 % de cet impôt. Le principe de la progressivité doit donc être défendu.

Le bouclier n'a pas permis le rapatriement de beaucoup de grandes fortunes. Il a sans doute évité d'autres expatriations, même si leur nombre a augmenté récemment.

Il faut lutter contre l'évasion fiscale et les paradis fiscaux plutôt que contre le bouclier. Modifier le bouclier sans réformer la fiscalité dans son ensemble serait contreproductif.

Il est vrai que notre majorité s'interroge, et c'est tant mieux. Je salue la constance de MM. Arthuis, Marini, Fourcade et d'autres encore qui souhaitent supprimer l'ISF et le bouclier, instaurer une tranche supplémentaire pour l'impôt sur le revenu et revoir la taxation des plus-values. Cette tétralogie doit être explorée.

Ce débat est alimenté par la nécessité de réduire nos déficits et de mener des reformes structurelles. Le problème doit être traité dans son ensemble. La réforme doit être globale et dans le cadre d'une loi de finances, non au hasard d'une proposition de loi qui risque de ne pas saisir toute la complexité du dossier. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cause toujours !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État chargée du commerce extérieur.  - Mme Lagarde m'a demandé de participer à votre débat. Il faut toujours revenir aux fondamentaux : l'impôt doit être progressif, proportionné et non confiscatoire.

Les sénateurs de l'opposition présentent cette proposition de loi qui supprime le bouclier fiscal. Sur la forme, il faudrait l'examiner en loi de finances ; sur le fond, il n'est pas acceptable.

Le principe même du bouclier, c'est que l'impôt ne doit pas être confiscatoire. D'ailleurs, le Conseil constitutionnel a reconnu ce principe lorsqu'il a examiné la loi Tepa.

Le bouclier, c'est une condition de l'attractivité de notre territoire pour attirer les investissements étrangers. (On en doute à gauche)

Nous avons besoin de stabilité fiscale. Ce n'est pas en changeant les règles du jeu sans arrêt que nous parviendrons à obtenir des résultats, d'autant que le président de la République a donné sa parole sur le sujet.

Pour certains, la suppression bouclier fiscal pourrait, tel un cautère miraculeux, guérir tous les maux de la France. Il n'en est rien. Sa suppression, c'est un micro-sujet budgétaire de 600 millions. (Exclamations à gauche)

M. Guy Fischer.  - Raison de plus de le supprimer !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Il est démagogique de concentrer le débat sur un si petit sujet budgétaire (rires et exclamations à gauche) alors que le déficit avoisine 140 milliards.

M. Robert Hue.  - Ben voyons !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - S'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche !

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - J'ai entendu l'appel de M. Plancade à l'union nationale. À cet égard, je regrette que les partis de gauche, et notamment le parti socialiste, ne se soient pas déplacés pour participer à la conférence sur les déficits ! (Exclamations à gauche)

Oui, le bouclier fiscal - créé par la gauche- profite à ceux qui payent beaucoup d'impôts. Mais payer au maximum 50 % d'impôt sur ses revenus serait-il un privilège insupportable alors que la moitié des Français ne payent pas d'impôt sur le revenu ?

Certains ont déploré un manque de transparence : l'administration fiscale s'est engagée dans un travail de transparence qui permettra de nourrir le débat public.

Un mot sur les propositions alternatives. Pour l'essentiel, il s'agit de supprimer le bouclier fiscal, de supprimer l'ISF et de majorer l'impôt sur le revenu : c'est la fameuse tétralogie du président Arthuis. Certes, nous sommes un des rares pays d'Europe à avoir un ISF. Mais nous avons fait en sorte qu'il soit plus juste en le modernisant.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - Il faut éviter les abus.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Tout à fait.

Revenu réel et revenu fiscal : des améliorations ont déjà été obtenues. Nous ne sommes pas autistes. Sur la tétralogie- qui devient parfois trilogie-, il y aurait un certain paradoxe à supprimer la taxation du capital pour imposer plus le revenu procuré par le travail. Faut-il privilégier les rentiers au détriment des rentiers?

Je salue le sens des responsabilités de la commission des finances et de la majorité. Nous comptons sur le Sénat pour faire avancer la réflexion sur la fiscalité française. Cette proposition de loi ne répond pas aux enjeux majeurs auxquels est confronté notre pays : il faut la rejeter. (Applaudissements à droite)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

Mme Marie-France Beaufils.  - Pourquoi cette obstination à persévérer dans l'erreur ?

Alors qu'on nous annonce que le bouclier fiscal va entre entaillé, faut-il y croire vraiment ? Il s'agira sans doute d'une mesure symbolique.

Pour rééquilibrer les comptes des caisses de retraite, il faut supprimer le bouclier, qui fait obstacle à la justice fiscale. Comment justifier que les collectivités locales doivent le financer ?

Les contribuables à l'ISF bénéficient du bouclier, nous l'avons dit. Raison de plus pour le supprimer.

Si les parlementaires de l'opposition ne peuvent déposer de proposition de loi, à quoi servons-nous ? Où est la vie démocratique ? Quel est notre rôle ? (Applaudissements à gauche)

M. Yannick Bodin.  - Nous sommes opposé au bouclier : ce n'est pas un scoop. Il est à la fois immoral et inutile.

Hier, la commission de la culture s'est réunie : nous avons examiné un texte qui réglemente les rémunérations des agents sportifs. Ce texte va dans le bon sens car ces professionnels dévoient le sport pour en faire une activité strictement spéculative, ce qui est choquant et immoral. Mais ces braves gens sont protégés par le bouclier : est-ce acceptable ? Notre rapporteur nous a dit qu'ils n'étaient pas touchés par le bouclier puisqu'aucun d'entre eux n'est imposé en France. (Rires à gauche)

Où sont les contribuables riches qui devaient revenir en France ? Nous n'en avons pas vu un seul !

La démonstration est faite, vous allez trainer ce bouclier jusqu'au bout : les Français s'en souviendront ! (Applaudissements à gauche)

M le président.  - La conférence des présidents a été très claire : pour intervenir sur un article, il est préférable de s'inscrire avant que cet article n'arrive en discussion.

Mme Nathalie Goulet.  - J'en ai fait la cruelle expérience : si les articles d'un texte ne sont pas adoptés, il n'y a pas d'explications de vote sur l'ensemble. C'est pourquoi je vous informe dès maintenant que je voterai les deux articles de cette proposition de loi.

Rien n'empêcherait le Sénat de voter ce texte qui ne serait pas applicable dans la minute puisqu'il s'enliserait dans les navettes. Cela donnerait le temps à M. Arthuis de convaincre ceux qui doivent l'être d'ici la prochaine loi de finances (Applaudissements à gauche)

M. François Marc.  - A mes yeux, le bouclier n'est pas un petit problème. Du point de vue de la justice fiscale, c'est une question considérable.

Vous avez stigmatisé l'attitude des socialistes qui ne participent pas à la conférence sur les déficits publics. Mais ces déficits sont dus aux décisions prises depuis 2002 ! Le déficit, c'est vous qui l'avez créé.

M. Guy Fischer.  - C'est l'incendiaire qui crie au feu !

M. François Marc.  - Ne demandez pas aux parlementaires de l'opposition d'assumer vos responsabilités. En outre, cette conférence met dans le même panier l'État et les collectivités. Depuis des mois, les élus locaux sont rendus responsables des déficits, alors que l'État diminue ses dotations et ne compense pas ses transferts de charges.

M. le ministre semble ne pas être favorable à la tétralogie. Conditionner le vote de cette proposition de loi à un hypothétique réforme fiscale serait se voiler la face : jamais le gouvernement n'acceptera la tétralogie !

L'argument constitutionnel est fallacieux. Voyez ce qui s'est passé en Allemagne : les juges constitutionnels estiment que le droit à la propriété ne saurait justifier de limiter à 50 % le montant des impôts.

Il faut donc dès aujourd'hui voter la suppression du bouclier fiscal. (Applaudissements à gauche)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - La commission maintient sa position. La question des déficits publics nous concerne tous. Il ne s'agit pas de stigmatiser tel ou tel acteur, mais les collectivités ne peuvent s'exonérer de ce débat. Je regrette qu'elles ne participent pas à la conférence. (On estime à gauche qu'il s'agissait d'un leurre)

Faites confiance à M. Arthuis pour revenir sur toutes ces questions lors de la prochaine loi de finances. Le bouclier ne peut être isolé du reste du système fiscal.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Même avis défavorable.

Mme Marie-France Beaufils.  - À certains moments, il faut faire preuve de courage politique. La politique de rigueur serait gage de bonne conduite auprès de l'Europe ; les plus modestes en supporteront les conséquences. À l'évidence, le bouclier fiscal est inefficace pour notre économie. Certes, le montant ne vous semble pas élevé, mais il permettrait de venir en aide aux sinistrés de la tempête Xynthia, aux producteurs de lait, aux ménages les plus modestes qui ne touchent plus 150 euros par an, aux veuves ayant élevé des enfants et qui devront payer plus d'impôt sur le revenu... grâce à vous !

Il faut supprimer le bouclier fiscal pour faire un premier pas dans la voie de l'indispensable réforme fiscale. (Applaudissements sur les bancs CRC)

A la demande des groupes UMP et CRC-SPG, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 154
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

Article 2

Mme Marie-Christine Blandin.  - La dette des collectivités ne représente que 10 % du total -et encore moins si l'État avait compensé correctement les transferts-, alors qu'elles réalisent 80 % de l'investissement public civil.

Contre l'autisme durable du Gouvernement, les sénateurs Verts veulent abolir au bouclier fiscal, qui protège exclusivement les privilégiés, comme le bouclier du Moyen-âge protégeait les nobles et les nantis, tandis que les gueux n'avaient que leurs bâtons. Le bouclier fiscal est le symbole d'une injustice, une provocation pour ceux qui souffrent. Ses bénéficiaires sont les acteurs de tous les maux d'aujourd'hui, ceux qui agissent toujours contre la solidarité ; la priorité n'est pas à les récompenser.

Les foules en colère dans les rues d'Athènes nous interpellent, qui combattent une injustice insupportable. La majorité s'obstine dans une erreur historique. Nous voterons l'article 2. (Applaudissements à gauche)

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. le président.  - Si l'article 2 n'est pas adopté, il n'y aura pas de vote sur l'ensemble.

A la demande du groupe UMP, l'article 2 est mis aux voix par scrutin public.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ils ne sont même pas là pour défendre le bouclier fiscal !

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 337
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 153
Contre 184

Le Sénat n'a pas adopté.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Au vu des critiques dans la presse, c'est étonnant !

La séance, suspendue à 11 h 10, reprend à 11 h 15.