Débat d'orientation sur les finances publiques pour 2011

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette déclaration, en application de l'article 50-1 de la Constitution.

C'est la première fois aujourd'hui que cet article est mis en oeuvre.

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'État.  - Ce débat d'orientation marque un nouveau jalon dans la conduite des finances publiques, après la crise que nous venons de connaître.

L'année 2011 marquera une stabilisation en valeur des dépenses de fonctionnement. Qu'est-ce qu'un budget ? Des choix, donc des renoncements. Sans renoncer à notre modèle social, nous renonçons à vivre au-dessus de nos moyens. Un bon budget n'est pas un budget en augmentation mais qui remplit ses missions de service public.

Chacun qualifie comme il veut notre politique. Je l'assume comme rigoureuse, au sens de « responsable ».

Etre rigoureux, c'est être attentif aux plus fragiles tout en passant de 8 à 6 % de déficit. La rigueur est politiquement connotée dans notre pays : elle évoque les années 80 et le tournant de la rigueur opéré par l'Union de la gauche. Si l'on parle de rigueur en France, que dire de la Grèce, de l'Espagne, de l'Italie, de la Grande-Bretagne où certains ministères enregistrent des baisses de 40 % de leurs crédits et où les fonctionnaires voient leurs traitements réduits?

Cette année, nous avons mis en oeuvre le plan de relance et le programme d'investissements d'avenir.

Nous devons réduire notre déficit public et nos dépenses sociales : c'est indispensable pour restaurer la confiance.

Pour 2011, nous poursuivons la réduction des déficits, par la maîtrise des dépenses. La réduction de 5 % du déficit représente 100 milliards d'euros en trois ans. Notre pays a des niveaux de prélèvements obligatoires particulièrement importants. Augmenter les impôts compromettrait la reprise.

Passer de 8 % à 6 % dès l'année prochaine, revient à réduire le déficit de 40 milliards, grâce à une progression des recettes plus soutenue que celle des dépenses. Environ 15 milliards correspondent à la fin des mesures de relances, 11 milliards proviendraient des recettes fiscales accrues grâce à la croissance, le reste, soit 14 milliards, sera à la charge des auteurs de la dépenses publique, dont la moitié grâce aux moindres dépenses de l'État.

La réforme des retraites rapportera 4,5 milliards, la Cades contribue à plus de 3 milliards à cet effort, la sécurité sociale à 7 milliards, la réduction du taux de l'Ondam à 2,9 % à 2,2 milliards. D'autres mesures sont prévues.

Il faudra réduire les niches fiscales dès l'année prochaine...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. François Baroin, ministre.  - ... de 8,5 à 10 milliards. C'est un objectif ambitieux. Je sais pouvoir compter sur vous. Des précisions viendront au cours de l'été et nous aurons recours au rabot. Ce sera la solution la plus juste mais le rabotage sera modulé pour protéger certains publics ou certaines politiques.

L'effort sur les dépenses concerne tous les acteurs. L'inflexion des dépenses de l'État se fera à un niveau jamais égalé : remontée des taux d'intérêt, augmentation de la charge de la dette et des pensions des fonctionnaires imposent de stabiliser en valeur les autres dépenses.

Cet effort devra être partagé par les collectivités et par l'Union européenne. Il n'est pas acceptable que la Commission demande une hausse de 6 % de son budget. L'effort sera partagé par tous les ministères. Ma main n'a pas tremblé. Sur les 30 missions du budget général, plus de la moitié vont diminuer en valeur. La règle « 1 sur 2 » s'appliquera sans faiblesse, sauf pour la justice et la recherche. Le ministère de la défense fournira un effort de 1,5 milliard. Les économies sont générales.

Pour arriver au zéro valeur en 2011-2013, nous avons fixé des règles transversales. Le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a déjà économisé 100 000 emplois. En 2012, l'État aura retrouvé le même niveau de fonctionnaires qu'il avait dans les années 90. La France n'était pas sous-administrée à cette époque !

Au total, 100 000 emplois seront supprimés à l'horizon 2013. L'État premier employeur, doit être le meilleur employeur ; 50 % des économies réalisées sont affectées aux rémunérations des fonctionnaires. En 2011, 31 000 emplois disparaîtront, notamment dans l'éducation nationale. Le ministère de l'intérieur contribue à cet effort mais le coeur de métier, la sécurité, est préservé.

Un effort d'économie sera réalisé dès l'année prochaine dans les dépenses de fonctionnement. Pour réduire le train de vie de l'État, 150 mesures sont prévues, telle que la rationalisation des achats et le perfectionnement du service d'information. Nous demandons aux opérateurs de l'État de consentir le même effort.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Très bien 

M. François Baroin, ministre du budget - Pour éviter tout procès d'intention, je vous indique que nous n'allons pas réduire les minima sociaux, notamment le RSA.

Nous allons procéder de la même façon pour la sécurité sociale. Pour la branche maladie, l'Ondam sera ramené à 2,9 %. A côté des réformes de structures, nous avons repris les conclusions du rapport qui m'a été remis. Le rôle du comité d'alerte sera accru. La réforme des retraites sera juste et profonde. Les nouvelles recettes fiscales affectées aux retraites atteindront 3,7 milliards. Le régime de retraite retrouvera l'équilibre dès 2018.

La dette sociale représentera, en 2011, 87 milliards de dette accumulées. Nous évitons les solutions de facilité comme la reprise par l'État ou le statu quo L'allongement de la durée de vie de la Cades sera sans doute nécessaire, mais limité à 35 milliards. Une telle mesure ne porterait pas atteinte au pacte de solidarité intergénérationnel. La crise a eu un impact important sur la dette sociale.

La maîtrise des dépenses publiques passe aussi par les collectivités locales. Le partage des efforts est inévitable. C'est pourquoi nous avons décidé le gel des dotations, accompagné d'un moratoire sur les normes (hors normes européennes).

M. Gérard Longuet.  - Très bien !

Mme Nicole Bricq.  - Pourquoi ?

M. François Baroin, ministre.  - Nous nous engageons dans un effort de longue durée, pour en revenir d'abord au niveau du déficit d'avant la crise. A la conférence des déficits publics il a été envisagé d'inscrire dans la Constitution le principe de l'équilibre budgétaire. La commission Camdessus, qui a noté un large consensus sur les mesures de gouvernance en matière de finances publiques, propose une loi-cadre sur les finances publiques qui s'imposerait au projet de loi et au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Sur les bases de ce rapport, le Premier ministre va engager des consultations à la recherche du consensus. En prenant le temps nécessaire, nous pouvons trouver avec l'opposition les voies d'une réforme constitutionnelle.

Ce débat va être suivi d'un vote. Ramener le déficit l'année prochaine à 6 % du PIB, confirmer notre capacité de rebond, voilà qui est de nature à rassurer nos concitoyens et, en créant la confiance, à relancer la consommation. L'esprit de responsabilité nous anime pour sortir notre pays d'un endettement excessif. Je sais que je peux compter sur la majorité. Je vous donne rendez-vous à l'automne. (Applaudissements à droite)

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi.  - (Applaudissements à droite) Je commencerai par l'Europe. Ce débat s'inscrit dans un contexte grave. La nuit du 9 mai, l'Union européenne a décidé de serrer les rangs en mettant en place un plan de soutien, doté de 750 milliards d'euros. Grâce à cette mobilisation, nous pouvons faire face à d'éventuelles attaques. C'est dans ce contexte que s'inscrit notre politique budgétaire.

Le 20 mai, le Président de la République a réuni la conférence des déficits publics. Le plan visant à redresser nos finances est un des grands objectifs. J'ai entendu votre détermination à lutter contre les niches. Il ne faut en revanche pas substituer l'augmentation des recettes à la baisse des dépenses.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - On peut faire les deux.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Le policy mix ne doit pas étouffer la croissance qui est le moteur des recettes fiscales.

Pour le financement de la dette sociale et les retraites, les recettes supplémentaires excèderont 6 milliards. L'autre objectif que nous poursuivons, c'est l'amélioration de l'emploi. Les crédits de l'emploi progressent légèrement : 10,65 milliards, contre 10,35. A partir de 2011, ils diminueront.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Ce qui est important, c'est l'efficacité !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Nous espérons que notre politique réduira le chômage.

J'en viens aux dépenses fiscales : certaines mesures n'ont pas prouvé leur efficacité. Il faudra néanmoins préserver les avantages pour les plus fragiles et continuer à soutenir certains secteurs économiques pour l'emploi.

Le contexte international est très varié : les États-Unis tirent profit de mesures budgétaires très lourdes décidées fin 2009. Leur croissance s'accélère en fin d'année, soit 2,9 % en année pleine. Les pays émergents, notamment la Chine et l'Inde, mais aussi l'Indonésie, le Mexique et la Turquie, vont devenir les moteurs de la croissance mondiale. La Chine passera au deuxième rang des puissances économiques. Dans la zone euro, la hausse de l'activité est plus contenue -+ 0,2 %- sans que l'on sache pourquoi. L'activité devrait rebondir au deuxième trimestre mais elle sera caractérisée par une grande hétérogénéité. La demande intérieure stagnerait, sauf en France. Notre pays traverse cette crise plutôt mieux que le reste de la zone euro.

Au quatrième trimestre 2009, la consommation s'est accrue de 0,6 %, avant de se limiter à 0,1 % avec la décrue de la prime à la casse.

Nos prévisions macroéconomiques ont été confirmées par l'Insee. Pour le reste de l'année 2010, l'investissement des entreprises serait en légère progression, à 0,6 %. C'est un gros progrès par rapport à l'an passé. L'investissement logement des ménages s'améliorerait fin 2010 : les taux vont rester faibles et certaines aides demeureront. Enfin, le déstockage favorise la croissance. L'évolution du taux de change de l'euro sera de nature à favoriser les exportations.

J'en viens à l'emploi : 23 900 postes ont été créés au premier trimestre, contre 7 300 détruits au dernier trimestre 2009, le taux de chômage est stable à 9,5 %. En 2010, nous sommes dans les clous par rapport aux prévisions de croissance, avec 1,4 %. Le taux de prélèvements obligatoires se stabilise à 41,5 % du PIB. Le déficit structurel restera quasiment inchangé cette année.

En 2011, le rythme de la croissance devrait se rapprocher de sa tendance à long terme. Nos prévisions sont mises en doute, alors qu'elles ne sont pas irréalistes.

En 1993, la croissance a été négative mais l'année suivante a marqué un rebond. Les chocs économiques brutaux sont habituellement suivis d'un rebond brutal. Il n'est donc pas exclu que nous connaissions cet effet.

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Le potentiel est à 2 % !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - C'est déjà ambitieux.

Mme Christine Lagarde, ministre.  - La stabilisation du marché de l'emploi serait favorable à la croissance en réduisant le taux d'épargne.

L'activité économique, surtout si elle est soutenue par la demande mondiale, devrait permettre à l'économie française de mieux réagir. La réforme des retraites est un facteur de croissance.

Le taux de 2,5 % est ambitieux, sans être irréaliste. Le projet de loi de finances pour 2011 va suivre son calendrier et nous pourrons l'ajuster en fonction des données dont nous disposerons. Nous verrons alors si c'est trop ambitieux ou simplement ambitieux.

Nous avons retenu l'hypothèse d'un taux de change d'un euro pour 1,48 dollar. Or, l'écart s'est considérablement réduit ces dernières semaines.

J'en viens aux trois principes stratégiques pour dynamiser notre économie.

J'ai parlé de « ri-lance » pour dire que nous rétablissons nos finances publiques sans compromettre la croissance. Les réformes structurelles sont plus que jamais nécessaires. La productivité a diminué entre 1991 et 2007. On est passé de 1,8 à 1,2 sur la période la plus récente, ce qui reflète le vieillissement de la population.

Il faut donc agir sur le volume de travail dans l'économie. Nous l'avons fait avec les heures supplémentaires, avec le RSA, avec la création de Pôle emploi et avec les réformes de la formation professionnelle. Nous le faisons aussi avec la réforme de la retraite : la maîtrise des finances publiques n'est en rien en contradiction avec la croissance.

Nous soutenons la compétitivité des entreprises. Nous investirons massivement en recherche et développement. Un bon tiers du plan de relance est consacré à l'enseignement supérieur. Nous avons enfin remplacé la taxe professionnelle afin de réduire de 20 % le coût des investissements. Nous avons triplé les aides à la recherche avec le mécanisme d'impôt recherche.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très critiquable !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - De nombreuses décisions de localisation en France en ont découlé.

M. Guy Fischer.  - Effet d'aubaine !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - J'en viens à nos décisions sur le secteur banquier et financier.

La crise a détruit beaucoup de capital dans le monde entier. Selon l'OCDE, c'est 0,4 % de croissance en moins chaque année de 2009 à 2013, dont les deux tiers à cause du sous-investissement dû aux difficultés financières. La France se bat dans toutes les instances internationales et européennes pour permettre une meilleure régulation de ce secteur. Une multitude de mesures ont été prises pour permettre l'accumulation de capital au profit de nos entreprises.

Nos objectifs visent à préserver notre modèle économique et social. Si nos partenaires ont décidé de lever la procédure pour déficit excessif, c'est parce que la France a pris un certain nombre de mesures jugées suffisantes. Mais soyons assurés de la vigilance de tous ceux qui nous observent. Ils seront attentifs au sérieux avec lequel nous mènerons notre politique. (Applaudissements à droite)

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances.  - Madame la ministre, ou madame le ministre... (Exclamations sur plusieurs bancs)

Mme Raymonde Le Texier.  - Madame la, c'est mieux !

Mme Christine Lagarde, ministre.  - Je préfère « le ».

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Madame le ministre, donc, compte tenu de mon temps de parole, je serai obligé d'être schématique, mais mon rapport de 200 pages complétera mon propos.

Aucun des programmes de stabilité et de croissance n'a été élaboré pour être mis en oeuvre. Chaque année, nos rapports ont constaté le même décalage entre la réalité et les objectifs.

Ce n'est plus possible en 2010, car notre crédibilité est en jeu ! L'ajustement budgétaire est une nécessité. Le déficit s'établit à 8 % du PIB ; il doit se réduire à 3 % en 2013. L'ajustement porte donc sur 100 milliards. Vous envisagez un effort structurel en dépenses et en recettes pour 60 milliards. Pour les autres 40 milliards, vous comptez sur des améliorations constatées, sans effort particulier.

Mme Nicole Bricq.  - Qui vivra verra !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Il est vrai que par définition, le plan de relance aura une fin. S'ajoutent 30 milliards d'euros grâce aux recettes apportées par la croissance attendue.

Nous avons formulé des doutes. Le premier porte sur le taux de croissance. L'Insee est assez optimiste ; nous aimerions croire à vos prévisions, mais le plan français est, au sein de la zone euro, le plus éloigné du taux potentiel d'avant la crise, avec 2,5 % contre 2 %. Certains pensent à un taux inférieur au potentiel ; nous retenons 2 %, tout en espérant que l'activité sera plus dynamique.

L'évolution du taux de change pourrait soutenir la croissance. Pourquoi n'y a-t-il pas plus d'études consacrées à l'impact de la parité de l'euro sur la croissance ? Le Gouvernement rémunère pourtant nombre d'économistes. (Sourires)

Le deuxième doute porte sur les diverses composantes de la dépense publique. Réduire les crédits ministériels n'est pas simple, mais on peut espérer une certaine maîtrise. En revanche, l'Ondam n'est qu'une prévision, malgré le seuil d'alerte. En matière de chômage, il faut prendre en compte l'incidence de l'activité économique. Enfin, le Gouvernement ne fixe pas la dépense des collectivités territoriales. Nous espérons que la réforme de la taxe professionnelle -qui coûtera 5 milliards par an- ne donnera pas lieu à des compensations transformées en variables d'ajustement.

Si l'objectif est réellement de réduire le déficit à 3 % de PIB en 2013, il faut faire davantage, madame le ministre. Le mieux est peut-être de s'engager sur des mesures, plutôt que de fixer des objectifs hors d'atteinte. Une fausse évidence arithmétique n'assure pas longtemps la confiance.

Nous soutiendrons toute action déterminée sur la dépense, mais les économies issues de la gestion des effectifs ne suffira pas.

Vous connaissez notre combat contre la dépense fiscale : nous souhaitons un artisan énergique, maniant le rabot avec détermination : touchez l'impôt sur le revenu mais aussi l'impôt sur les sociétés et l'ISF. Le rabot doit être efficace, plutôt qu'intelligent ! L'effort, pour être admis, doit être équitable.

Enfin, il faudra bien passer de 5,5 % à 8 % le taux minoré de la TVA. Ce serait presque indolore, pour 7 milliards d'euros par an. Cette mesure compenserait presque la réforme de la taxe professionnelle et la TVA sur la restauration.

M. Bernard Angels.  - Ce ne sont pas les mêmes qui payent !

M. Philippe Marini, rapporteur général.  - Le poids de la dette détermine notre crédibilité. Peut-on rester indépendant lorsqu'on est financé par les autres ? On est alors soumis à la loi des marchés, avec ses emportements psychologiques non maîtrisables ! Et là, effectivement, notre indépendance est en péril. (Applaudissements à droite)

M. Alain Vasselle, rapporteur général de la commission des affaires sociales.  - La commission s'inquiète en raison de la dette accumulée. Il était plus que temps de réagir, après la crise venue des États-Unis.

Les propositions du Gouvernement nous rappellent la situation en 2002 quand le déficit de la sécurité sociale a quadruplé, pour atteindre 10 milliards d'euros. Aujourd'hui, nous arrivons à 20 milliards. La pérennité du système est compromise puisque le déficit atteindrait 30 milliards fin 2010 avec le FSV.

Le premier chantier à conduire concerne la dette. M. Baroin a exposé le plan du Gouvernement. Notre commission a demandé que la CRDS augmente de 0,15 point, pour transférer 20 milliards à la Cades, ce que le Gouvernement a refusé au nom de la compétitivité et du pouvoir d'achat de nos concitoyens. Pourtant, un smicard n'aurait payé qu'un euro supplémentaire par an. Plus on reporte l'effort, plus il est douloureux ! Toujours est-il que les perspectives sont sombres. Vous avez donc remonté le plafond de l'Acoss, qui devrait permettre d'équilibrer la trésorerie des branches.

Lors du PLFSS, nous pourrions imposer au Gouvernement de plafonner la contribution de l'Acoss à 30 milliards par an.

Nous nous posons plusieurs questions : quelle sera le montant de la reprise de la dette ? De combien d'années la Cades sera-t-elle prolongée ? On parle de quatre ans mais tout dépendra de la croissance et des nouvelles recettes affectées à la Cades. Quelles seront ses ressources ? Elles doivent être crédibles...

Si l'on ne pouvait allonger la durée de vie de la Cades, la cotisation devrait passer de 0,5 à 0,97 %. Plus nous retardons la mesure, plus l'effort sera important ! Comment éviter d'augmenter la CRDS un jour ou l'autre, pour couvrir les besoins des branches ? Pour apprécier la situation, il faudra connaître toutes les données.

La Mecss a beaucoup travaillé sur les retraites. Nous avons pris note des projets du Gouvernement ; on ne peut éviter d'envisager un passage progressif à un système par points.

L'assurance maladie sera le troisième chantier. Le déficit de la branche atteindra 13 milliards cette année. Les quelques mesures envisagées suffiront-elles à contenir les dépenses d'assurance maladie ?

La mise en place des ARS est laborieuse, vu l'ampleur de leurs compétences. Il faudra du temps pour obtenir des résultats. Les actions préconisées ne sont pas à la hauteur du défi.

Nous devons donc nous pencher sur les hôpitaux. M. Fourcade pourra en parler. Il est temps que tous les établissements possèdent une véritable comptabilité analytique.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur général.  - Enfin, je plaide pour une convergence des tarifs publics et privés.

Il faut agir rapidement : l'avenir de notre protection sociale est en jeu. (Applaudissements à droite)

M. Yvon Collin.  - La situation catastrophique en Grèce a donné le tempo de la rigueur, de plus en plus concrète au fil des annonces de Bercy. Aujourd'hui, les ministres évoquent un budget « responsable ».

Le tableau est sombre. Comment en sommes-nous arrivés là ?

La Cour des comptes met en cause la crise, mais surtout les cadeaux fiscaux qui ont siphonné le budget, avec un manque à gagner de 80 milliards d'euros.

Aujourd'hui, l'heure est au combat, à la demande de l'Union européenne et du FMI. Nous devons agir sur le plan structurel et conjoncturel.

Si j'ai bien compris, la « ri-lance » consiste à appuyer à la fois sur l'accélérateur et le frein. On risque l'embardée !

L'économie sur les dépenses ne dispense pas de mesures fiscales, qui devront être justes. L'abrogation du bouclier fiscal devrait être prioritaire, pour des raisons d'équité, mais aussi d'efficacité. On sait aujourd'hui que certains contribuables récupèrent des sommes indécentes !

Depuis 2002, les niches fiscales ont été multipliées. Il a fallu que les finances publiques soient au bord du gouffre pour que le Gouvernement songe à les remettre en cause ; il y en a plus de 400 qui représentent plus de 73 milliards d'euros. Pour en bénéficier, il faut avoir un patrimoine ou des revenus élevés, ce qui exclut la majorité de nos concitoyens.

Bien sûr, le redressement des recettes suppose la reprise de la croissance. Le G20 s'est attaqué à l'opacité des paradis fiscaux ; il faut poursuivre dans cette voie. La France doit combattre énergiquement la fraude fiscale.

Il est temps de mettre fin aux bavures de la spéculation. La réflexion sur la taxe bancaire va dans le bon sens, mais notre proposition de loi sera-t-elle reprise ?

Redresser les finances publiques nécessite des mesures fortes, mais aussi la confiance des Français. Celle-ci pourrait vous échapper.

Tant que nous n'irons pas dans la voie de la justice, les radicaux de gauche ne pourront approuver votre déclaration. (Applaudissements à gauche)

M. Thierry Foucaud.  - Ainsi, le temps de la « ri-lance » est venu. La droite ne manque pas d'imagination pour présenter les mesures voulues par ses commanditaires.

La crise obligatoire -réplique des sauvetages bancaires opérés en 2008- a conduit les État non pas à sauver la Grèce et l'Europe, mais les banques détenant la dette souveraine.

Le Gouvernement a donc engagé 120 à 130 milliards pour sauver à nouveau les banquiers.

Des années de moins-disant social et fiscal ont entamé les recettes de l'État, sans soutenir la croissance. Les dépenses de l'État ont plutôt diminué par rapport au PIB.

Parallèlement, de nombreux impôts ont diminué. Bilan : les inégalités sociales et patrimoniales se sont aggravées. Est-ce à dire que l'argent des contribuables n'a pas été bien utilisé ? Faut-il en conclure que la dépense publique soutient la croissance ?

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Nous devrions avoir beaucoup de croissance !

M. Thierry Foucaud.  - La rémunération des agents publics soutient la demande.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.  - Où sont produits les biens qu'ils achètent ?

M. Thierry Foucaud.  - L'année à venir s'annonce comme celle du régime sec, en particulier pour les collectivités territoriales. Heureusement que les élus locaux construisent ! Sinon, la récession serait là !

Au fil du temps, la dépense fiscale s'est accrue. L'attention de nos concitoyens est attirée sur les niches fiscales, qui privent l'impôt sur le revenu de 40 milliards d'euros. Les mesures envisagées sont sélectives ; pas touche au report des déficits, pas touche au régime fiscal des plus-values, pas touche aux dividendes !

On s'interroge sur le crédit d'impôt recherche parce que les limites du dispositif sont atteintes. Est-ce une dépense de recherche, la modification d'un emballage de L'Oréal ?

Toute la dépense fiscale doit être passée au crible de l'efficacité. Nous voulons augmenter les impôts et la dépense publique mais nous refusons catégoriquement les orientations que le Gouvernement veut nous faire avaliser. (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Bricq.  - Ce débat intervient plusieurs mois après l'établissement du plan de stabilité transmis à Bruxelles, un plan lacunaire où les non-dits sont plus importants que les mesures annoncées.

Chaque jour, vous testez une éventuelle mesure en distillant des informations dans la presse. Heureusement, le rapporteur général a proposé une boîte à outils. Nous ne le connaissions pas dans le rôle d'un mécanicien ou d'un plombier mais l'expérience montre qu'il sait être utile au Gouvernement.

M. Guy Fischer.  - Il est très inventif.

Mme Nicole Bricq.  - D'une façon que nous n'approuvons pas.

La zone euro a assuré la solidarité entre pays membres. Il est question aujourd'hui de revenir en trois ans de 8 % de déficit à 3 %. Au Canada et en Suède, cet ajustement a bénéficié d'un contexte macro-économique favorable, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.

La crise actuelle est profonde ; la richesse détruite ne sera pas rattrapée. Rappelez-vous l'effet délétère d'une politique américaine trop restrictive dans les années 30 !

Ne comptez pas trop sur la baisse de l'euro car l'incertitude à moyen terme est totale.

Si la référence au soutien de l'activité n'est qu'un habillage de présentation, vous aggraverez la confiance. Les marchés sont dubitatifs quant à la réalité de la reprise. Les finances publiques françaises sont structurellement atteintes.

Les Français attendent un effort juste. Au cours des dix dernières années, le manque à gagner pour l'État atteint 100 milliards d'euros, sans regain de croissance, sans retour des exilés fiscaux.

Comme le sujet d'une hausse générale des impôts est tabou, on fait grand bruit sur les chiens qui sommeillent dans les niches. (Rires à gauche) La méthode du rabot n'est pas équitable, car elle exonère de l'effort ceux qui bénéficient du bouclier fiscal.

Le ministre du budget considère comme une niche la demi-part dont bénéficient les femmes seules ayant élevé leur enfant mais pas l'exonération de plus-values voulue par M. Copé. La TVA dans la restauration est une mesure improductive et onéreuse pour la gauche et la droite, mais c'est une promesse du Président de la République...

Vous voulez réduire les dépenses d'intervention, en vous attaquant à l'aide au logement et à la demi-part par enfant à charge. Ce n'est ni juste, ni efficace !

Le ministère du budget fournit un effort sans précédent pour diminuer ses effectifs. Je crains que les contrôles fiscaux n'en pâtissent... Celui du travail réduit les emplois aidés, ce qui aggravera le chômage -mais vous tablez sur un retour rapide à un taux de chômage de 4,7 % pour pouvoir drainer les recettes de l'assurance chômage vers la retraite. Ce n'est pas crédible ; pire, c'est fallacieux.

Le ministère du logement, lui, réduit les aides à la pierre et pour compenser, taxe les organismes HLM.

M. Guy Fischer.  - Le comble !

Mme Nicole Bricq.  - Vous substituez ainsi à la solidarité nationale celle des ménages concernés.

M. Guy Fischer.  - C'est honteux !

Mme Raymonde Le Texier.  - Scandaleux !

Mme Nicole Bricq.  - Vous prolongez la durée de vie de la Cades -vous reportez la charge sur les générations futures...

Quant aux collectivités territoriales, leur situation sera aggravée l'an prochain par l'imprévisibilité de leurs recettes et le dynamisme de leurs dépenses sociales, sans compter avec l'incertitude qui plane sur leurs compétences. Le gel de leur dotation ne sera pas compensé par celui des normes -il n'est que de lire la circulaire du 7 juillet du Premier ministre. Elles réduiront leurs investissements faute de moyens. Enfin, la révision des bases s'étalera jusqu'en 2012 pour les baux commerciaux et ne commencera qu'en 2013 pour les ménages. Tout cela n'est ni juste, ni crédible.

Le rapport Camdessus préconise de modifier la Constitution pour instaurer une loi de programmation triennale qui s'imposerait aux lois de finances annuelles ; mais aucune digue ne résiste à une crise systémique. Surtout, votre passé ne plaide pas pour vous !

Nous refusons vos orientations budgétaires, qui ne sont ni crédibles, ni aptes à mobiliser le pays ! Il n'y aura pas de redressement des finances publiques sans une profonde réforme de la fiscalité. (Applaudissements à gauche)