Immigration, intégration et nationalité (Suite)

Mme la présidente.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Discussion des articles (Suite)

Mme la présidente.  - Dans l'examen des articles, nous en étions parvenus à l'article 2 ter.

Article 2 ter

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Je saisis l'occasion de cet article, qui exige une déclaration de nationalité, pour dénoncer votre politique scandaleuse à l'égard des lycéens étrangers en France. Lorsqu'ils veulent s'inscrire dans une formation en apprentissage, un message apparaît : « Réservé aux élèves de nationalité française ». L'éducation nationale affirme qu'il existera une autre voie. Mais ce croisement entre les fichiers de la police et ceux de l'éducation nationale est inacceptable. La politique d'immigration choisie se traduit par un contrôle accru des étudiants étrangers : en raison d'une simple réorientation pédagogique, un étudiant peut perdre son titre de séjour. Vous accentuez la précarité ; vous appliquez la préférence nationale chère au Front national. Nous attendons des explications !

Mme Catherine Tasca.  - Cet article, d'apparence anodine, est le premier pan du nouveau dispositif sur la déchéance. De fait, il oblige celui qui acquiert la nationalité française à déclarer sa nationalité. Cet article va au-delà d'un simple souci de disposer d'élégantes statistiques sur le phénomène de la plurinationalité. Il instaure une traçabilité des nationalités de substitution qui rend possible la déchéance.

La nationalité accordée n'est pas un cadeau précaire ; votre choix est contraire à l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et aux conventions du Conseil de l'Europe. Supprimons cet article 2 ter qui est le marchepied de l'article 3 bis. J'invite tous les sénateurs hostiles à ce nouveau cas de déchéance, que je sais nombreux, à voter la suppression de l'article 2 ter pour éviter de mettre le doigt dans l'engrenage.

Mme la présidente.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Quel est le but de cet article ? Pour avoir été sur le terrain, je sais que les indications sur la nationalité figurent déjà dans le dossier. De plus, aucune sanction n'est prévue.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°104, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - La déclaration de nationalité est inutile...

Mme Nathalie Goulet.  - Superfétatoire !

Mme Éliane Assassi.  - ...et dangereuse. Elle ouvre la voie à un traitement différencié des étrangers selon leur nationalité.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°277, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Que dit cet article ? On demande à l'étranger de déclarer les nationalités qu'il possède, ce qui ne sera peut-être plus le cas demain, ou celles auxquelles il entend renoncer. La nationalité monégasque, par exemple ?

M. Laurent Béteille.  - Faut pas rêver ! (Sourires)

M. Richard Yung.  - En fait, comme il est impossible de créer des apatrides, il s'agit de vérifier qu'il existe une autre nationalité, une roue de secours. C'est le fond du débat : l'article 2 ter prépare l'article 3 bis. On va enquiquiner des milliers de gens pour moins de dix cas d'assassins tous les cinq ans.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette obligation d'information est dépourvue de valeur contraignante. En outre, l'étranger n'est pas lié par cette déclaration : il peut conserver une nationalité à laquelle il a dit vouloir renoncer. Enfin, un fichier nominatif serait totalement illégal : il n'y a donc pas à craindre un fichage des binationaux !

Lier l'article 2 ter à l'article relatif à la déchéance de la nationalité me parait osé, pour ne pas dire abusif.

La commission s'en remet à l'avis du Gouvernement.

M. Philippe Richert, ministre.  - Écoutez donc le rapporteur ! Le fichage est impossible : la Cnil interviendrait aussitôt. Cet article a été introduit par les députés, et non par le Gouvernement. M. Besson avait été clair à l'Assemblée nationale : point de fichage, mais une meilleure connaissance du phénomène. Ne caricaturons pas cette disposition. Je ne connais pas les motivations des députés, je ne les ai pas interrogés sur ce point. Avis défavorable aux amendements de suppression.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Que le Gouvernement ne connaisse pas les motivations des auteurs d'un amendement est inquiétant ! Vous dites que les fichiers ethniques sont interdits.

M. Philippe Richert, ministre.  - Il ne s'agit pas d'un fichier ethnique, mais national.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Vous plaisantez ? La nationalité donne des indications ethniques !

M. Philippe Richert, ministre.  - Pas du tout !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Monsieur le ministre, vous nous dites : pas de fichiers, mais des statistiques. Ayez le courage de reconnaître qu'il permettra de repérer les origines !

M. Philippe Richert, ministre.  - Mais non !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - On l'a fait à une certaine époque...

Vous nous dites qu'il n'y a pas de lien : Il suffit de lire l'article ! Je sais encore lire le français que j'ai appris à l'école. C'est d'ailleurs la seule langue que je connaisse !

M. Richard Yung.  - Monsieur le ministre, cet amendement a été déposé par un groupe de députés bien identifiés. Cette proposition était d'ailleurs accompagnée d'une autre interdisant la binationalité. Nous sommes contre !

M. Philippe Richert, ministre.  - Nous aussi !

M. Richard Yung.  - Je puis vous dire que 60 % des Français de l'étranger sont binationaux. Votre tentative est à rapprocher du débat sur le droit du sol et le droit du sang. La binationalité va dans le sens de la marche d'un monde qui s'internationalise. On a vu dans les pays qui tentent d'interdire la binationalité que c'est impraticable.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le ministre de l'intérieur a une parfaite connaissance de ces informations grâce au fichier Agedref depuis cinq ou dix ans.

M. Philippe Richert, ministre.  - Si on sait déjà tout, quel est le problème ?

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le droit des étrangers est complexe. Pourquoi en rajouter ? S'il n'y a pas de sanction, quelle est l'utilité de cette disposition ?

Mme Catherine Procaccia.  - Non spécialiste, permettez-moi une question : quand nous accordons la nationalité française à quelqu'un qui vient d'un pays qui refuse la binationalité, le pays d'origine est-il informé ? Les requérants savent-ils qu'ils peuvent perdre leur nationalité d'origine ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Madame Procaccia, nous ne demandons pas la réciprocité.

Le fichier Agedref, madame le préfet Escofffier, concerne les seuls étrangers. Or les naturalisés, par définition, ne sont plus des étrangers !

Monsieur Yung, en l'absence de fichiers, nous ne connaissons pas l'étendue du phénomène de la binationalité chez les Français de l'étranger. Comment pouvez-vous dire que 60 % d'entre eux sont binationaux ? Avez-vous un fichier ?

M. Richard Yung.  - Le consulat le sait.

M. Philippe Richert, ministre.  - Quand l'Insee demande une information sur la nationalité, est-ce illégal ? Est-ce un fichage ethnique ? Il n'est aucunement question de déroger à notre droit par cet article.

Les amendements identiques n°s27 rectifié, 104 et 277 ne sont pas adoptés.

L'article 2 ter est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - La demande de suppression est de coordination. À titre personnel, il me semble de bonne gestion de remettre la charte à la personne une fois qu'elle est signée.

Quant à la remise au cours des journées citoyennes, j'y suis très favorable : tous les jeunes y sont associés.

M. Philippe Richert, ministre.  - Merci.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°105, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article prévoit que la charte soit remise lors d'une cérémonie pour les étrangers et lors des journées de défense pour les Français. Autrement dit, il est bien le seul à ne pas introduire d'inégalités entre Français et étrangers. Pour autant, cette charte, nous l'avons dit ce matin, aura un contenu flou et subjectif ; de plus cette cérémonie relève d'un folklore républicain qui sert à porter un discours identitaire et national souvent réducteur. La majorité serait bien inspirée de relire la Déclaration des droits de l'homme !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait de l'amendement n°28 rectifié ?

La cérémonie est un moment symbolique fort : rejet de l'amendement n°205.

L'amendement n°28 rectifié est retiré.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je remercie Mme Escoffier de sa sincérité. Mme Assassi a peut-être tenu des propos excessifs... Rejet de l'amendement n°105.

L'amendement n°105 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°106, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les étrangers résidant en France depuis au moins cinq ans ont le droit de vote et d'éligibilité aux élections municipales. Ces derniers ne peuvent exercer la fonction de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs.

Mme Éliane Assassi.  - Voici un amendement que nous avons l'habitude de défendre : le droit de vote aux élections locales pour les étrangers installés durablement sur le territoire français. Nous savons le sort qui lui sera réservé. Pourtant, le Parlement européen et le Conseil européen se sont prononcés pour ce droit que la Constitution accorde déjà aux résidents communautaires.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable : l'amendement n'a pas de lien avec le projet de loi.

M. Philippe Richert, ministre.  - Il suppose de surcroît une modification de l'article 3 de la Constitution, ce qui n'est pas du ressort d'une loi ordinaire.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - On nous parle d'intégration, d'assimilation ; et, tout à coup, le ton change lorsqu'on évoque des droits politiques pour les étrangers... Quand j'étais jeune, on me disait : « Quand on veut faire quelque chose, on trouve des moyens ; quand on ne veut pas faire quelque chose, on trouve des prétextes. »

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Changez la Constitution !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous l'avons proposé à chaque fois !

M. Richard Yung.  - Nous avons progressé avec la citoyenneté européenne. Et « l'autre moitié du ciel », comme diraient les Chinois ? Quid des étrangers non-communautaires ? Le Sénat s'honorerait en votant cet amendement d'appel.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Certes ! Ce ne peut être qu'un amendement d'appel !

Mme Catherine Tasca.  - Nous entendons bien les raisons juridiques mais une modification de la Constitution n'est pas impossible. Il est d'ailleurs question, ces temps-ci, de le faire pour y inclure la contrainte budgétaire. Si nous allons à Versailles pour ceci, nous pouvons y aller pour cela.

M. David Assouline.  - Le débat a progressé ; bien avant Nicolas Sarkozy, M. Pasqua avait envisagé cette possibilité. Mais en fait, en déposant ce projet de loi, vous pensez à la prochaine campagne électorale. (Exclamations à droite) Vous craignez de déplaire à une partie de votre électorat, alors même que vous savez que bon nombre de nos concitoyens sont prêts à une telle évolution.

L'argument traditionnel était que nationalité et citoyenneté allaient de pair. Une déconnection a eu lieu quand on a donné le droit de vote aux citoyens européens. (Exclamations au banc des commissions)

Depuis, vous pataugez ! Les dimanches électoraux, les enfants entendent leurs parents discuter de la question. Et puis il y a d'autres enfants, français parce qu'ils sont nés ici, qui n'ont jamais entendu leurs parents parler des élections. Et l'on s'étonne qu'ils n'aillent pas voter, ensuite ?

Quand vous parlez immigration, vous voulez seulement savoir ce que vos électeurs sont susceptibles d'entendre, ce qui vous rend sourds à ce qu'accepte une majorité de Français.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Sûrement pas !

L'amendement n°106 n'est pas adopté.

Article 3 bis

Mme Nathalie Goulet.  - Les vilaines idées font rarement de bonnes lois. La dernière fois que je me suis opposée ainsi à M. Hortefeux, c'était à propos des tests ADN. On a vu le résultat !

Membre de la commission des affaires étrangères, je rappelle que la France a signé des textes internationaux interdisant de créer des apatrides. C'est le régime de Vichy qui avait eu la triste et funeste idée de s'emparer de la dénaturalisation : l'acte dit loi du 22 juillet 1940 «  la France aux Français » a fait perdre la nationalité française à des milliers d'Italiens et d'Espagnols, et l'abrogation du décret Crémieux a rendu les Juifs d'Algérie apatrides.

Mon père, ses parents et toute sa famille ont eu leur nationalité française retirée par un acte dit décret en 1941, ce qui leur a donné une priorité pour le convoi n°9 à destination d'Auschwitz. Loin de moi l'idée de vous faire injure en comparant les situations, d'autant que la France d'aujourd'hui n'est pas celle de Vichy.

C'est surtout aux miens que je pense en vous disant que je ne voterai pas l'article 3 bis ; avec moi, tout le groupe UC s'oppose fermement et solidairement au vote de cet article. Il en votera la suppression par scrutin public.

Mme Bariza Khiari.  - Ces propos m'émeuvent grandement. L'article 3 bis est le chiffon rouge le plus visible de ce scandaleux projet de loi. La naturalisation est un processus complexe ; une fois le cap passé, le naturalisé doit-il toujours faires ses preuves ? Un naturalisé ne serait-il jamais entièrement Français ? Pourquoi faire une telle distinction entre les auteurs de crimes ? Le meurtre, abject, est toujours aussi condamnable. La Constitution n'admet pas que l'on impose des traitements distincts en fonction de la nationalité, sans parler des absurdes effets du seuil de dix ans.

La Nation est un bien précieux, le « plébiscite au quotidien » dont parlait Renan. La Nation, c'est le vivre ensemble. Mais comment ce plébiscite peut-il exister quand une partie de la Nation possède un statut précaire au regard de la loi ?

Les naturalisés sont déjà suspects de double allégeance. Va-t-on accroître la suspicion pour sept criminels qui passeront la quasi-totalité de leur vie en prison ? Donnons aux forces de l'ordre les moyens de travailler, on les respectera plus qu'avec de telles dispositions. Sur tous les projets de loi, vous demandez l'urgence. Sauf quand il est question de sécurité ou d'immigration : là, vous voulez distiller lentement le poison que constitue votre message, censé attirer les électeurs lepénistes.

Les mots ont un sens : tous les Français sont égaux devant la loi. Comme il l'a fait en supprimant les tests ADN, le Sénat s'honorerait en refusant cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La déchéance de nationalité ne devrait pas exister du tout ; elle est anti-républicaine. La République s'honorerait se serait honorée en supprimant la notion même de déchéance de nationalité.

La sanction judiciaire doit être la même pour tous. La déchéance est, depuis Vichy, gravement connotée ; elle n'était appliquée que dans des cas extrêmes, comme le terrorisme -jusqu'au discours de Grenoble... Mais le président de la République dit beaucoup de choses ; quand il parle de « moraliser le capitalisme », le Gouvernement ne se précipite pas plus lorsque le chef de l'État dit ne pas être hostile au droit de vote des étrangers aux élections locales. Mais lorsqu'il s'agit d'affichage...

La commission a bien voulu limiter la portée de l'article 3 bis ; mais un pompier, un médecin hospitalier, un professeur, un élu ne sont-ils pas aussi des représentants de l'autorité publique ? Quelle que soit la volonté stigmatisante d'affichage du président de la République, il reste des règles de droit : l'égalité de tous les Français devant la loi et la justice.

Pour le moins, laissons la déchéance de nationalité aux cas de trahison de la République.

M. David Assouline.  - Vous dites qu'il faut une loi pour régler des problèmes concrets. Personne ne peut prétendre que cet article soit de nature à améliorer quoi que ce soit en relation avec la régulation des flux migratoires ou l'intégration. Jamais l'UMP n'a mis de telles dispositions en avant, au contraire du Front national. Depuis 1945, les partis se sont constitués sur cette idée commune qu'il n'y avait pas plusieurs catégories de Français ; la notion de déchéance de nationalité était clairement associée à Vichy.

Puisque cet article 3 bis est inutile en fait, il n'a de valeur que symbolique. Mais quel symbole ? Si vous croyez lutter contre le parti national-populiste qu'est le Front national en reprenant ses propres slogans, vous vous trompez sur toute la ligne.

M. Philippe Richert, ministre.  - Ils ne pensent qu'aux élections, ma parole !

M. David Assouline.  - La seule façon de le combattre, c'est de faire un cordon sanitaire républicain, parce que, quand la société va mal, la tentation est grande de rejeter l'autre et de trouver des boucs-émissaires.

Un criminel assez dangereux pour tuer un policier, vous croyez qu'il va se dire au dernier moment, « ouh là là, je suis prêt à risquer perpète mais pas à perdre ma nationalité française ! » ?

En reprenant des éléments du programme du Front national, qui n'est pas le nôtre, c'est à lui que vous rendez service. Les électeurs préfèrent toujours l'original. Menons, tous ensemble, ce combat d'éducation, ne laissons pas la voie ouverte au populisme !

M. Philippe Richert, ministre.  - J'ai été très sensible au ton de Mme Goulet et Mme Khiari ; moins aux diatribes de M. Assouline, qui ne se soucie que d'élections... C'est du vivre ensemble que nous parlons en l'espèce.

Nous n'inventons pas la déchéance de nationalité. De 1990 à 1998, elle a été utilisée deux fois plus que depuis lors.

M. David Assouline.  - Pourquoi dire cela ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Parce que c'est la vérité. 130 000 personnes par an acquièrent la nationalité française, dont 90 000 par naturalisation. Les cas de déchéance de nationalité ne concernent qu'un tout petit nombre, des gens en défiance par rapport à la communauté nationale. Ces personnes, qui ont commis un acte de grande gravité, doivent pouvoir être déchues de leur nationalité. Tuer un préfet, un gendarme, un policier, est aussi grave que ce qui justifie déjà la déchéance de nationalité. Je parle en mon âme et conscience. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jacques Gautier.  - Je remercie le ministre d'avoir ramené le débat dans la sérénité où il doit se situer, loin de tout populisme bruyant...

Quand la gauche était aux affaires, Mme Borvo Cohen-Seat n'a pas demandé la suppression de la déchéance de nationalité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Si.

M. Jacques Gautier.  - Au Royaume-Uni, le seul fait de tenir un propos incitant à la haine ou à la commission d'un acte criminel peut justifier une déchéance de la nationalité ; à Malte, elle est encourue après toute condamnation à plus d'un an de prison.

Mme Éliane Assassi.  - C'est le seul pays européen qui ne donne pas le droit de vote aux citoyens communautaires !

M. Jacques Gautier.  - L'article 3 bis est encadré dans le temps -seulement pour des faits commis avant l'acquisition de la nationalité ou pendant les dix ans suivants- et ne concernera que ceux ayant une double nationalité.

Avec mes amis de l'UMP, nous voterons contre la suppression de cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si le brillant auteur de la Critique de l'économie politique revenait parmi nous, il écrirait une Critique de la communication, au sens kantien du mot, bien sûr. Pour vous, faire de la politique, c'est d'abord communiquer...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Parce que l'opposition, ce n'est pas de la communication !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous êtes pris dans cette logique. Vous savez bien que vos lois ne servent à rien contre l'immigration et l'insécurité. Mais vous en ajoutez tous les ans de nouvelles. Parce que, ce qui compte, c'est qu'on parle, qu'on parle et qu'on reparle, à satiété. Votre message, c'est insécurité égal immigration égal insécurité.

Ce matin, j'entendais le président de la République annoncer dans mon département de nouvelles lois, après l'assassinat de la petite Laetitia, et plaider pour une « étroite surveillance » de ceux qui sortent de prison. Les mots frappent l'opinion. Mais nous, parlementaires, savons que le ministère de la justice manque de moyens. Comment, alors, assurer cette « étroite surveillance » ?

Devant policiers et gendarmes, le président de la République a aussi évoqué la police du XXIe siècle, qui ne serait plus celle des effectifs mais des équipements modernes -en effet, on a supprimé 9 300 postes depuis trois ans...

L'évocation des élections par M. Assouline n'a rien d'incongru. Imaginez ceci. Vous, monsieur ou madame le candidat ou la candidate, je vous regarde dans les yeux et je vous demande : « vous voulez vraiment qu'un naturalisé assassin de gendarme reste français ? ». Quel bel effet sur les esprits ! Mais le crime est tout aussi odieux s'il est commis par un Français de souche, à qui on ne peut retirer sa nationalité...

Il n'y aura que très peu de cas ? Nul ne le nie, mais la seule chose qui importe, c'est de frapper les esprits, quitte à entrer dans l'incohérence puisque l'on ne pourra pas déchoir de sa nationalité française qui n'aura que celle-ci. Décidément, nous avons un Gouvernement de la rhétorique.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Un jour, peut-être, étudierons-nous les amendements... Pourquoi le groupe socialiste n'a-t-il pas demandé la suppression de tout l'article 3 bis ? Parce qu'aux deux premiers alinéas la commission a sécurisé les cas existants de déchéance. Il faut savoir que si vous n'êtes pas recensé pour le service national, vous pouvez perdre votre nationalité. C'est vrai aussi pour le secret des correspondances.

Ce qu'il s'agit de supprimer, en fait, c'est l'extension de la déchéance de nationalité, c'est-à-dire les alinéas 3 et 4. On pourrait donc retirer les amendements de suppression et organiser une discussion commune des autres.

Mme la présidente.  - Amendement n°108 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

Mme Éliane Assassi.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°30 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Je remercie la commission des lois d'avoir modifié les deux premiers alinéas.

Après avoir écouté le ministre et nos collègues, je ne puis les suivre : il n'est pas plus grave de tuer un policier qu'on soit Français de naissance ou naturalisé depuis moins ou plus de dix ans. Ces alinéas sont contraires à la Constitution.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°278, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. David Assouline.  - Le ministre ne nous explique pas pourquoi il faudrait étendre la déchéance de la nationalité. Les meurtriers de policier ont toujours existé ; on sait bien que la déchéance de nationalité ne les dissuadera pas.

Qui a étendu la déchéance ? Vichy, rupture avec la République. Qui la propose ? Le Front national, rupture encore. Pas la droite républicaine. Mais en jouant sur ce registre, vous donnez de la légitimité aux thèses antirépublicaines. Vous jouez contre vous-mêmes, au lieu de tracer un cordon sanitaire et de dire « on ne mange pas de ce pain-là ».

L'amendement n°269 rectifié est retiré.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le principe de la déchéance de nationalité n'est pas remis en cause par la commission des lois. Nous avons d'abord tenu à limiter le champ prévu par l'Assemblée nationale, afin de nous tenir au plus près du discours de Grenoble et de ne viser que ceux qui ont à charge l'ordre public. Puis, deuxième ajustement : l'exigence de proportionnalité, dont les magistrats devront tenir compte. Ce point a été perçu comme positif par un certain nombre de collègues ; je les en remercie.

La France décide d'octroyer à un étranger la nationalité française.

M. David Assouline.  - Comme depuis deux siècles.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ce n'est pas rien ! En quoi serait-il choquant qu'il perdît la nationalité si, volontairement, il a porté atteinte à la vie de personnes chargées de faire respecter l'ordre public ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Il ne s'agit pas de créer une situation nouvelle mais de prendre acte du fait qu'existent des procédures de déchéance de la nationalité. Les crimes en cause ne sont pas seulement gravissimes, ils sont symboliques ; il n'est pas illogique que quelqu'un qui se retourne contre un symbole de la Nation française puisse perdre la nationalité française.

Voilà pourquoi je suis défavorable à ces amendements : il faut que, dans ces cas précis, dont je vous donne acte qu'ils ne sont pas nombreux, la déchéance de la nationalité puisse être prononcée.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous avons hélas visiblement du mal à nous faire comprendre... Le crime est horrible, cela va de soi. Il ne s'agit pas d'accepter l'intolérable. Un Français dit de « souche » -je hais ce terme- ne pourra pas voir sa nationalité lui être retirée ; un Français « de papier » pourra être déchu. Ce n'est pas une question de nombre, mais de différence de traitement. Un Français est un Français ; un point, c'est tout !

M. Richard Yung.  - Nous approuvons la rédaction de la commission pour les alinéas 1 et 2. L'article 25 du code civil, à le lire, doit dater de l'entre-deux-guerres, lorsque les questions d'espionnage se posaient vraiment. Il faudrait se poser la question de la suppression de l'article 25, sauf peut-être l'alinéa 2.

M. Louis Mermaz.  - Bernanos, ce grand chrétien, disait : « Si le ridicule tuait, l'Église serait morte depuis longtemps ». Le film Le Dictateur de Charlie Chaplin montre l'abjection de l'arbitraire. Tuer un policier, un gendarme, un être humain, c'est un crime horrible, qui doit être sévèrement sanctionné. Je remarque qu'on a laissé en route les gardiens d'immeuble et beaucoup d'autres bonnes gens ; et qu'il faudra surtout ne pas tuer de gendarme avant d'avoir dix ans de nationalité... C'est grotesque. Et comme souvent, de la propagande. Vous avez bien, monsieur le ministre, quoi que vous en disiez, 2012 dans le viseur.

Mme Catherine Tasca.  - Le Gouvernement, comme à son habitude, traite de questions sérieuses avec démagogie, opportunisme politique et instrumentalisation. Il est incapable de chiffrer le nombre de personnes qui auraient pu être déchues de leur nationalité au titre de l'extension qu'il propose. La mesure sera évidemment peu dissuasive. Le meurtre doit être sévèrement puni. Ce qui nous distingue, c'est votre volonté de confondre criminalité et immigration. Vous prenez la lourde responsabilité de pousser la France sur une pente dangereuse, que ne doivent emprunter ni la République ni la justice. Les alinéas 3 et 4 doivent être supprimés ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. David Assouline.  - Parfois, nous peinons à nous comprendre. La déchéance, n'en déplaise au rapporteur, n'aura aucun effet dissuasif. En revanche, l'aspect symbolique de cette disposition est extrêmement négatif. Lors d'un débat télévisé avec le député Myard, je lui ai posé la question suivante à quatre reprises : « Arrivé Marocain en France, j'ai été naturalisé : me considérez-vous comme Français autant que vous ? » Il ne m'a pas répondu. J'étais abasourdi ! Imaginez la situation de qui n'est pas comme moi parlementaire ! Ce sont des brèches ouvertes dans la conscience de tous les Français. Souvenez-vous du débat sur la peine de mort, dont plus personne ne demande le rétablissement, et ayez un peu d'audace !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce texte, comme tant d'autres, participe de la stigmatisation des étrangers. Monsieur le ministre, vous justifiez ce nouveau cas de déchéance par des actes très graves au regard de l'appartenance à la communauté nationale. Quid de l'assassinat du préfet Erignac par un nationaliste corse ? Mieux vaut s'abstenir que de diviser les Français...

La dissuasion ne fonctionne pas. La preuve en a été faite pour la peine de mort. Assez de l'affichage ! (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Éliane Assassi.  - Puisque certains veulent établir des comparaisons européennes, rappelons qu'une convention internationale limite la déchéance de nationalité à la trahison et l'exclut formellement pour les crimes qui relèvent du pénal ! La France ne l'a pas ratifiée...

A la demande des groupes UC et du RDSE, les amendements identiques n°s108 rectifié, 30 rectifié et 278 sont mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 338
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 182
Contre 156

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)

L'article 3 bis, modifié, est adopté.

Mme la présidente.  - À l'unanimité !

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°279, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 3 bis insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement présente au Parlement un rapport sur les perspectives de ratification de la Convention de New York de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie.

Mme Catherine Tasca.  - C'est un amendement d'appel. De nombreux textes internationaux cherchent à réduire le nombre d'apatrides, telle la convention de New York du 30 août 1961. La France est signataire de cette convention des Nations unies. Quand la ratifiera-t-elle ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission est contre la multiplication des rapports : défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - La France est très attachée à la réduction du nombre d'apatrides. Mais la ratification de la convention obligerait à modifier l'article 27-2 du code civil ainsi que l'article 21-4 du même code. Le Gouvernement ne compte pas le faire.

L'amendement n°279 n'est pas adopté.

Article 3 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°109, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Cet article, introduit à l'Assemblée nationale, étend le délai durant lequel un décret de naturalisation ou de réintégration de la nationalité française peut être rapporté en cas d'erreur ou de fraude. Les douze mois prévus actuellement sont suffisants. Le délai doit, en outre, être proportionné, selon qu'il s'agit de la fraude ou de l'erreur.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°280, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Cette extension du délai crée une instabilité juridique. Revenons-en au délai initial d'un an.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission a supprimé l'extension du délai pour la fraude. En outre, la procédure est bien encadrée avec un arrêt du Conseil d'État du 13 février 1974. Rejet.

M. Philippe Richert, ministre.  - L'allongement est justifié. L'avis est également défavorable.

Les amendements identiques n°s109 et 280 ne sont pas adoptés.

L'article 3 ter est adopté.

Article 4

Mme la présidente.  - Amendement n°9, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Supprimer cet article.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet article consacre un allongement d'un an du délai d'enregistrement des déclarations acquisitives de nationalité française à raison du mariage, afin de l'aligner sur celui du délai d'opposition par le Gouvernement.

Rien ne justifie une telle inégalité de traitement des conjoints de ressortissants français dont l'intégration est par définition présumée par rapport aux candidats à la naturalisation. Le maintien des deux délais d'opposition ne se justifie pas plus, et rend la situation juridique du déclarant conjoint de français au regard de la nationalité française définitivement provisoire et imprévisible. Ne créons pas de discriminations supplémentaires !

Mme la présidente.  - Amendement identique n°31 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Ce nouveau durcissement n'est pas justifié puisque nous voulons que les étrangers soient mieux intégrés, et plus vite.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°110, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Un délai de deux ans est excessif et place le conjoint en situation d'insécurité juridique. Il est vrai que vous aimez laisser planer le soupçon sur les mariages mixtes et que vous avez multiplié les contrôles. En tout, il faut sept à neuf ans pour que les conjoints obtiennent la nationalité, contre cinq pour les candidats à la naturalisation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission est défavorable à ces amendements. L'harmonisation des délais est nécessaire. Sinon, l'administration pourra enregistrer la déclaration alors que le Gouvernement compte s'y opposer. Il faut se donner les moyens de lutter contre la fraude.

M. Philippe Richert, ministre.  - La mesure est nécessaire pour faire respecter la loi, sans que cela remette en cause les conjoints de Français dans leur ensemble.

Les amendements identiques n°s9, 31 et 110 ne sont pas adoptés.

L'article 4 est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°281, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 27 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Cette décision ne peut être fondée sur les articles L. 622-1 à L.622-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un flou juridique permet aujourd'hui de prendre, sur le fondement des articles L. 622-1 à L. 622-4 (délit d'aide au séjour notamment) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, des sanctions administratives contre les demandes d'acquisition, de naturalisation ou de réintégration dans la nationalité.

Cet amendement humaniste clarifie le droit et réaffirme le principe de la proportionnalité des peines.

Le code civil prévoit que les réponses de l'administration à ces demandes soient motivées. Elles l'ont été parfois sur le fondement du « délit de solidarité » créé par la loi Ceséda. Il serait logique de le supprimer puisque le mot « fraternité » figure au fronton de nos mairies. Tendre la main, est-ce un crime ? Peut-on refuser la nationalité a qui a bénéficié de l'aide au séjour ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'article 21-77 prévoit qu'un étranger ne peut être naturalisé s'il a été condamné à six mois de prison ferme. Or l'aide au séjour est sanctionnée de cinq ans de prison et de 30 000 euros d'amende. Pour ne pas remettre en cause cette règle générale, la commission a donné un avis défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Je souscris à la logique du rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Que l'administration refuse la nationalité pour des raisons légitimes, soit. Pouvez-vous m'éclairer : l'exercice par autrui du délit d'aide au séjour est-il un motif de refus ? La générosité d'autrui -comme cela s'est produit dans quelques cas- peut-elle justifier une réponse négative ?

M. Philippe Richert, ministre.  - Dans le cas de l'aide au séjour, seul l'aidant est sanctionné ; le cas que vous soulevez n'est possible que si l'aidant n'est pas de nationalité française.

L'amendement n°281 n'est pas adopté

Mme la présidente.  - Amendement n°282, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article 55 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Dans la collectivité de Guyane, les déclarations sont faites dans les quinze jours de l'accouchement. Un décret en Conseil d'État détermine la zone géographique où cette disposition s'applique au regard de l'éloignement entre le lieu de naissance et le lieu où se situe l'officier de l'état civil. »

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Cet amendement propose de déroger à la limite de trois jours fixée par le code civil pour la déclaration de naissance à l'officier d'état civil pour certaines parties de la Guyane, compte tenu de l'immensité de ce territoire. Pour remédier à ce problème, le procureur de la République organise parfois des audiences foraines pour les familles amérindiennes mais l'on parle de recourir à la visioconférence. Adaptons la loi à la spécificité de la Guyane.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement ne présente pas de lien direct avec le texte : l'avis est donc défavorable. L'ordonnance du 8 juillet 1998 fixait un délai de 30 jours pour la déclaration d'état civil ; elle a été abrogée par la loi du 9 mars 2004 car elle favorisait le trafic d'enfants.

M. Philippe Richert, ministre.  - Monsieur Antoinette, je comprends votre préoccupation, mais le trafic d'enfants est une question trop sérieuse. Je vous propose une étude d'impact afin de prendre les précautions nécessaires avant l'adoption d'une telle disposition. Au bénéfice de cet engagement, retrait ?

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Le lien est direct : ces enfants naissent sur le sol français et ne sont pas enregistrés comme tels. J'accepte la proposition.

L'amendement n°282 est retiré.

Article 5

L'amendement n°32 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°111, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Plutôt que de restreindre les conditions de renouvellement de la carte de séjour, interrogeons-nous sur notre modèle d'intégration et la richesse que l'immigration apporte à la France. Assez de défiance.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°283, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cet article lie le renouvellement des cartes de séjour aux respects des engagements du contrat d'accueil et d'intégration. Or, il n'est pas toujours facile pour les étrangers de participer aux formations car ils travaillent. Cette situation doit être prise en compte. En outre, puisque la maîtrise du français est légitimement une condition d'intégration, on pourrait en faire une partie intégrante du droit individuel à la formation pour les étrangers.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article ne crée pas de règles nouvelles. L'absentéisme, lorsqu'il est injustifié, est déjà un motif de refus. Donc, l'avis est défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - Quand l'État consacre 50 millions à cette action, il est légitime qu'il exige de l'assiduité.

Les amendements identiques n°s111 et 283 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°33 rectifié bis, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Rédiger ainsi cet article :

Les articles L. 311-9 et L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le Conseil d'État a toujours permis à un préfet d'accorder un titre de séjour au vu d'une situation concrète.

Cet article est redondant et inutile. Le contrat d'intégration, je l'ai mis en place avant même que la loi le crée. La pratique est maintenant courante, d'examiner de près les situations. Les étrangers sont en situation difficile et douloureuse, ne serait-ce qu'à cause de l'obstacle de la langue.

Mme la présidente.  - Amendement n°493, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 3

Après les mots :

stipulation du contrat d'accueil

insérer les mots :

et d'intégration

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement est rédactionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°284 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer cinq alinéas ainsi rédigés :

bis. - Avant le dernier alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'Office français de l'immigration et de l'intégration a une obligation de moyen relative aux formations et aux prestations dispensées dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration. Les formations se déclinent sur tout le territoire. Les modalités de leur organisation tiennent compte des obligations auxquelles sont astreints les signataires du contrat, notamment l'exercice d'un travail, les temps de déplacement ou l'entretien d'enfants à charge. »

ter. - Après le 13° de l'article L. 6313-1 du code du travail, il est inséré un 14° ainsi rédigé :

« 14° Les actions de formations linguistiques prévues par le contrat d'accueil et d'intégration tel que défini aux articles L. 311-9 à L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. »

quater. - Au second alinéa de l'article L. 6111-2 du code du travail, après le mot : « française », sont insérés les mots : « et les formations linguistiques prévues dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration tel que défini aux articles L. 311-9 à L. 311-9-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ».

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je l'ai défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'obligation de moyens est garantie par le budget de l'Ofii, avec ses 45 millions d'euros et ses 870 agents. Ne confondons pas la formation professionnelle, financée par l'employeur, et celle que finance l'État, au titre du contrat d'intégration.

Défavorable aux amendements n°s33 rectifié bis et 284 rectifié.

M. Philippe Richert, ministre.  - Favorable à l'amendement n°493 ; défavorable aux autres.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - J'ai défendu l'amendement n°32 rectifié bis : je suis pour le contrat d'intégration.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je suis défavorable à l'amendement n°32 rectifié bis.

L'amendement n°33 rectifié bis n'est pas adopté.

L'amendement n°493 est adopté.

L'amendement n°284 rectifié n'est pas adopté.

L'article 5, modifié, est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°285, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - L'article L. 211-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est abrogé.

II. - La perte de recettes résultant pour l'Office française de l'immigration et de l'intégration du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

M. Richard Yung.  - Nous voulons supprimer la taxe perçue en faveur de l'Office français de l'immigration et de l'intégration lors de la demande de validation d'une attestation d'accueil.

Celui qui accueille un étranger doit en demander l'autorisation en mairie, et acquitter une taxe destinée à l'Ofii, dont le montant est passé de 15 à 30 euros en 2007, puis à 45 en 2008. Cette revalorisation a été rendue nécessaire par la baisse de la subvention versée à l'Anaem, ancêtre de l'Ofii. En 2011, la taxe retomberait à 30 euros... J'arrête là. Le plus logique est de supprimer purement et simplement cette taxe : celui qui accomplit son devoir d'hospitalité n'a pas à renflouer les caisses de l'État.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette taxe ne représente pas une charge excessive. Défavorable.

M. Philippe Richert, ministre.  - L'Ofii a besoin de cette taxe, que nous avons déjà réduite pour 2011.

L'amendement n°285 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°286, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre II du Titre II du livre Ier du code civil est complété par une section 4 ainsi rédigée :

« Section 4

« Du parrainage républicain

« Art. 62-2. - Tout citoyen français peut demander à l'officier d'état civil de sa commune de résidence de célébrer son parrainage républicain.

« Pour un enfant mineur, le père ou la mère de l'enfant peut demander à l'officier d'état civil de la commune de résidence de l'enfant de célébrer ce parrainage. L'accord des deux parents est nécessaire.

« L'officier d'état civil est tenu de célébrer publiquement le baptême, et ce dans le délai de trois mois à compter de la demande du parrainage. »

M. Richard Yung.  - Nous voulons codifier le parrainage républicain, bon moyen d'intégration, qui dépend aujourd'hui du bon, ou du mauvais vouloir du maire.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable : cela n'a pas de lien direct avec ce projet de loi.

M. Philippe Richert, ministre.  - Nous comprenons que certains souhaitent promouvoir cette cérémonie symbolique. Mais cet amendement vise à offrir une tribune à des étrangers en situation irrégulière. (On se récrie à gauche)

L'amendement n°286 n'est pas adopté.

La séance est suspendue à 19 heures 20.

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

La séance reprend à 21 heures 30.

M. le président.  - Amendement n°287, présenté par M. Patient et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement remet, avant le 31 décembre 2011, un rapport sur la non-scolarisation importante en Guyane et ses effets sur les finances des collectivités.

M. Jean-Etienne Antoinette.  - En Guyane, le nombre d'étrangers en situation irrégulière est estimé à 40 000, soit 20 % de la population : cela pose d'importants problèmes d'intégration. La scolarisation est un premier levier d'intégration. Or, d'après l'Observatoire de la non-scolarisation, trois millions d'enfants d'immigrés clandestins ne sont pas scolarisés. Des constructions de nouveaux établissements sont nécessaires, les collectivités locales n'en ont pas les moyens. La mission sénatoriale a souligné ce problème. Nous souhaitons un rapport sur le sujet dont la mission sénatoriale sur les DOM avait souligné toute l'importance.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le sujet est important, mais il relève plus du contrôle de l'action gouvernementale que d'un rapport supplémentaire : avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargée de l'outre-mer.  - Le problème est important, je l'ai constaté à Saint-Laurent-du-Maroni. C'est pourquoi 5 millions d'euros supplémentaires iront à la construction d'établissements scolaires. Pourquoi demander un rapport supplémentaire, alors que cette question peut être abordée dans le cadre de la commission nationale de l'évolution des politiques outre-mer, à laquelle participe M. Patient ? Retrait ?

L'amendement n°287 est retiré.

Article 5 bis

M. le président. - Amendement n°290, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le mot :

discriminations

insérer les mots :

directes et indirectes

Mme Bariza Khiari.  - Les discriminations ne sont pas nécessairement directes, comme celles fondées sur la race ou la couleur de peau. La discrimination indirecte consiste par exemple à freiner l'avancement professionnel : c'est le fameux « plafond de verre », dont les femmes ont si souvent été victimes. Certaines de ces discriminations courent sur des dizaines d'années ; elles sont très difficiles à établir. Nous voulons y sensibiliser les entreprises.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette précision est inutile. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Retrait ?

L'amendement n°290 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°289, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Remplacer les mots :

de la diversité

par les mots :

des diversités

Mme Bariza Khiari.  - L'usage du singulier risque de restreindre la portée de cet article : mieux vaut promouvoir les diversités qui vont bien au-delà de la diversité ethnoculturelle.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Les concepts s'écrivent et sont plus efficaces au singulier.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Je comprends l'objectif : avis favorable.

Mme Nathalie Goulet.  - On nous a fait voter un texte sur « les outre-mer » : pourquoi pas « les diversités » ? (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Mettons tout au pluriel !

L'amendement n°289 est adopté.

L'amendement n°290 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°288, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le sixième alinéa du même article sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Des informations erronées ou lacunaires, susceptibles d'induire une mauvaise appréciation sur les activités et les risques de l'entreprise, sont fautives et engagent la responsabilité des dirigeants et du conseil d'administration. Ces fautes sont sanctionnées par le juge et, pour les sociétés cotées, par l'Autorité des marchés financiers.

« Lorsque le rapport annuel ne comprend pas les mentions prévues par le présent article ou des informations inexactes, les associations minoritaires d'actionnaires visées à l'article L. 225-120, les syndicats professionnels visés à l'article L. 2132-3 du code du travail, le comité d'entreprise et les association agréées de protection de l'environnement au plan national au titre de l'article L. 141-1 du code de l'environnement, peuvent demander au tribunal d'enjoindre sous astreinte au conseil d'administration ou au directoire, selon le cas, de leur communiquer ces informations, de supprimer les informations inexactes, de compléter le rapport annuel avant l'assemblée générale et de procéder à une nouvelle diffusion auprès des actionnaires. Cette mesure peut être ordonnée par le président du tribunal statuant en référé en application de l'article L. 238-1 du code de commerce. »

Mme Bariza Khiari.  - Le groupe socialiste se réjouit que la lutte contre les discriminations franchisse enfin les portes de l'entreprise. Cependant, notre joie est tempérée par le fait que cet article est peu contraignant : il suffit à l'entreprise de prévoir d'écrire un rapport ; dans le cas contraire, aucune sanction n'est prévue.

Nous proposons en conséquence qu'en l'absence de rapport, on puisse contraindre l'entreprise à agir, sous peine de sanction de l'AMF.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - C'est courir le risque d'inconstitutionnalité, car la sanction n'est pas définie. Mieux vaut utiliser les mécanismes internes de responsabilité des dirigeants devant l'assemblée générale des actionnaires. Défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°288 n'est pas adopté.

L'article 5 bis, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°291 rectifié, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le code du travail est ainsi modifié :

1° À l'article L. 1132-1, après les mots : « nom de famille », sont insérés les mots : « , de son lieu de résidence » ;

2° Le chapitre III du titre III du livre Ier de la première partie est complété par un article L. 1133-5 ainsi rédigé :

« Art. L. 1133-5. - Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l'égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

II. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° L'article 225-1 est ainsi modifié :

a) Au premier alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « de leur lieu de résidence, » ;

b) Au second alinéa, après le mot : « patronyme, », sont insérés les mots : « du lieu de résidence, » ;

2° L'article 225-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les mesures prises en faveur des personnes résidant dans certaines zones géographiques et visant à favoriser l'égalité de traitement ne constituent pas une discrimination. »

Mme Bariza Khiari.  - La loi doit protéger les individus de tous les processus discriminatoires, donc nommer -dans une liste souple- les différents vecteurs de discrimination. Les analyses montrent que l'adresse est un facteur de discrimination, lorsqu'on habite un quartier relégué : les habitants des cités en sont venus à ruser, à dissimuler leur adresse, pour ne pas être exclus de l'embauche. Nous faisons de la discrimination géographique un délit.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le fait existe bien, mais l'objectif est satisfait par le droit en vigueur : l'article L. 225-1 du code pénal punit déjà la discrimination en fonction de l'origine. Défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Le lieu de résidence est une notion trop imprécise. Défavorable.

L'amendement n°291 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°293, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 30 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Sauf le cas de fraude manifeste dont la preuve incombe à l'autorité administrative, la nationalité française d'une personne titulaire d'une carte nationale d'identité ou d'un passeport est réputée définitivement établie. »

M. Richard Yung.  - Les Français de l'étranger essuient très souvent un refus de renouvellement de leur carte d'identité ou de leur passeport : l'administration leur demande un certificat de nationalité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est là que le bât blesse !

M. Richard Yung.  - C'est parti pour une croisade sans retour, puisque les requérants doivent s'adresser au greffe du tribunal d'instance du 1er arrondissement, le célèbre Château des rentiers : un véritable trou noir dans lequel toutes les demandes ou presque disparaissent ! Parfois, à titre exceptionnel, une réponse arrive au bout de deux ans...

Le problème est connu, le président de la commission y est sensibilisé puisque nous avons fait un rapport, avec M. Cointat ; comme tous les rapports, il a disparu dans un tiroir et n'a été suivi d'aucun effet. Enfin, pas tout à fait : il y a un an, une circulaire a été adressée aux consuls et aux préfets, rappelant que la présentation d'un titre d'identité régulier évitait de devoir présenter un certificat de nationalité. Nous proposons d'inscrire ce principe dans le marbre de la loi.

M. le président.  - Amendement n°294, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 5 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 30 du code civil est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« La première délivrance d'une carte nationale d'identité ou d'un passeport certifie l'identité et la nationalité de son titulaire. Les mentions relatives à l'identité et à la nationalité inscrites sur ces derniers font foi jusqu'à preuve du contraire par l'administration.

« L'alinéa précédent est applicable aux demandes de renouvellement de carté d'identité et de passeport en cours d'instruction, ainsi qu'aux recours administratifs et contentieux pour lesquels une décision définitive n'est pas encore intervenue. »

M. Richard Yung.  - C'est le même but que l'amendement précédent.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le détenteur d'un certificat de nationalité est réputé avoir la nationalité, jusqu'à preuve du contraire. Vous remplacez une présomption simple par une présomption irréfragable, contraire à l'esprit de l'article 30 du code civil : avis défavorable à l'amendement n°293.

L'amendement n°294 est satisfait par le décret du 26 décembre 2000, selon lequel la détention d'une pièce d'identité ou d'un passeport prouve la possession de la nationalité ; les difficultés qui subsistent résultent d'une mauvaise application de la réglementation. La loi sur la simplification du droit y remédiera. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Effectivement, un décret de mai 2010 et deux circulaires ont précisé ces points : avis défavorable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Les Français nés à l'étranger sont concernés, au-delà des Français établis à l'étranger. Les rapports de la commission des lois ne finissent pas dans les tiroirs ! Nous avons constaté, au Château des rentiers, -avec mon nom à consonance étrangère, bien qu'il vienne du Gâtinais, on m'a demandé un certificat de nationalité- que la délivrance d'un certificat pouvait prendre jusqu'à trois ans. C'est absurde ! Nous avons demandé le déplacement des services au tribunal de Nantes. Mais ce dernier, paraît-il, connaît des problèmes. M. le garde des sceaux s'est engagé à régler ce problème... comme tous ses prédécesseurs : nous commençons à trouver le temps long !

Mme Nathalie Goulet.  - Je voterai ces amendements.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Cela ne règlera pas le problème !

Mme Nathalie Goulet.  - Dans mon département, j'ai des exemples très précis de situations kafkaïennes : une décision s'impose ! Ce n'est pas si difficile puisque ces personnes ont déjà eu un titre de nationalité.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je les voterai aussi. La situation est inadmissible, intolérable. M. Hortefeux m'a confirmé qu'une nouvelle circulaire avait été envoyée avant-hier, mais les préfectures n'en tiennent pas compte ! Il faut un signal fort, il y a trop de situations ubuesques de Français qui ont le malheur de naître à l'étranger ; j'ai même l'exemple d'un ancien élu décoré de la Croix de guerre et la Légion l'honneur à qui on a demandé la preuve de sa nationalité ! Cette situation est inacceptable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Je vous supplie de ne pas voter le premier ! Avec la présomption irréfragable, même les fraudeurs échapperaient à la sanction ! Le premier amendement, soit, même s'il est imparfait, mais le second, non !

M. Richard Yung.  - Je propose de rectifier l'amendement n°293 en supprimant le premier membre de la phrase.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est pire !

M. Richard Yung.  - Dans ce cas, je le maintiens.

M. Christian Cointat.  - Le président de la commission des lois a parfaitement expliqué la situation, mais l'affaire est politique plutôt que juridique : humainement, la situation est intolérable ! On touche à l'essence même de la citoyenneté. Cependant, le terme « définitivement » ne me convient pas. Si M. Yung le retire de l'amendement n°293, je le voterai, ainsi que le suivant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Je demande la priorité sur le vote de l'amendement n°294. Si vous distinguez le juridique du politique, nous pouvons partir ! (Exclamations)

M. David Assouline.  - Entre vous et les finances, on ne peut plus rien faire...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - La commission demande la priorité.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Il faut certes améliorer les choses, mais la dernière circulaire date du 1er février. Et nous devons faire attention aux fraudes. D'accord pour la priorité.

La priorité est de droit.

M. David Assouline.  - Les tracasseries administratives imposées à nos compatriotes, effectivement, sont insupportables, même si vous paraissez réserver l'insupportable aux seuls Français. A force de durcir la loi, au nom de la lutte contre quelques fraudeurs, vous rendez la vie insupportable à bien de nos concitoyens : c'est la même chose pour l'ensemble du texte que nous examinons, qui va rendre plus difficile la vie de millions d'étrangers en situation régulière.

L'amendement n°294 est adopté et devient un article additionnel.

M. Richard Yung.  - Je veux bien supprimer de l'amendement n°293 l'adverbe « définitivement », comme me le suggère M. Cointat.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Vous avez largement satisfaction avec l'adoption de votre amendement n°294. Faites attention : des milliers de Français sont privés de leur identité du fait de fraudes ou d'usurpations d'identité ! Je vous supplie de retirer votre amendement n°293.

M. David Assouline.  - Vous étiez contre les deux tout à l'heure !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - J'étais beaucoup plus opposé à l'amendement n°293.

M. Richard Yung.  - Réduit en cendres, je baisse la garde...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Merci.

M. Christian Cointat.  - Un tiens vaut mieux que deux tu l'auras ! (Sourires)

L'amendement n°293 est retiré.

Article 6

M. Louis Mermaz.  - Nous assistons à une véritable valse de ministres au banc du Gouvernement, à une distribution des rôles digne du Chatelet, comme s'ils se refilaient le mistigri. (Sourires)

La loi de 2003 est venue au secours d'un préfet qui avait créé une zone d'activité illégale, loin d'un port ou d'un aéroport : on a pu alors créer toute zone d'attente à proximité d'un point de débarquement. Dix réfugiés kurdes ont été retenus dans un gymnase : le juge, une fois encore, a condamné l'administration pour illégalité de ce lieu privatif de liberté.

Cet article 6 vient au secours de l'administration, pour autoriser la création d'une zone d'attente ad hoc ou, si vous préférez, « sac à dos » quasiment partout.

Cet article aura un impact direct sur la procédure du droit d'asile. J'ai constaté moi-même à Roissy que si le migrant ne prononce pas la phrase magique « Je demande à bénéficier du droit d'asile », il ne peut pas bénéficier du recours suspensif.

Dans ces zones d'attente ad hoc, le demandeur ne pourra pas communiquer avec un avocat ou bénéficier de l'assistance d'un médecin et d'un interprète. D'autant que l'article 7 rend encore plus difficile l'exercice de ces droits. La création de ces zones entraînera un recul des droits des étrangers.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien !

Mme Bariza Khiari.  - Je souscris pleinement à cette argumentation. Puisque vous avez eu l'élégance de ne pas interrompre M. Mermaz, monsieur le président, je renonce à mon intervention sur l'article. (« Très bien ! »)

M. David Assouline.  - L'Assemblée nationale a précisé le nombre de groupe d'étrangers : le groupe commence à dix personnes. La loi prévoit le cas d'arrivée d'au moins 100 personnes, alors que le cas s'est produit deux fois en une décennie. Pourquoi fixer à dix le nombre d'étrangers pour constituer un nombre de personnes « exceptionnellement élevé » ? Cessez d'ajouter des restrictions aux restrictions ! J'ai entendu M. Hortefeux justifier des mesures nouvelles au nom de ce qu'il a appelé un afflux exceptionnel de demandeurs d'asile.

La France, certes, est une terre d'accueil, les étrangers s'y présentent nombreux, mais elle refuse bien plus l'asile que d'autres pays occidentaux !

L'Allemagne, également, oppose proportionnellement moins de refus. Autrement dit, le problème n'est pas l'afflux de demandes ! Progressivement, la France est en train de renoncer à l'image qu'elle s'était forgée aux yeux des peuples. Hier, nous refusions les Tunisiens ; aujourd'hui, les Afghans ! Arrêtons d'être frileux !

M. le président.  - Amendement n°34 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, M. Baylet, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Chaque année, nous légiférons sous le coup d'événements ponctuels. Il faut que cela cesse. Cet article 6 ne respecte ni la lettre ni l'esprit de la directive « Retour » ; il rend permanentes les zones temporaires. Et la rétention de devenir un instrument banal de gestion des flux migratoires, disait à raison la CNCDH dans son avis.

M. le président.  - Amendement identique n°112, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Le droit existant sur les zones d'attente est déjà suffisamment souple. Pourquoi ce régime dérogatoire ? Chaque zone du territoire pourrait se transformer en lieu d'enfermement pour les étrangers, aux dépens des droits des primo-arrivants, notamment ceux en quête de protection.

M. le président.  - Amendement identique n°296 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Cet article fait partie du volet autonome de cette loi ; il n'est aucunement exigé par la directive. Ces zones « sac à dos » ne sont pas acceptables : dix personnes, est-ce un afflux massif ? Plus grave, ces personnes seraient soumises à la procédure de demande d'asile à la frontière. Un délai maximum de 48 heures pour faire un recours, sans pouvoir saisir l'Ofpra, c'est laisser bien peu de temps à un Somalien qui voudrait demander l'asile. Et je ne parle pas des mineurs isolés, nous sommes nombreux à nous inquiéter ici de leur sort.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article a pour but de faire face à des situations exceptionnelles, comme l'arrivée d'une centaine de Kurdes sur une plage de Corse en janvier 2010. La commission des lois a encadré le dispositif dans l'espace et dans le temps. Les étrangers, dans ces zones temporaires, jouiront de tous les droits reconnus dans les zones d'attente ordinaires, y compris celui de demander l'asile. L'Ofpra, s'il n'est pas présent physiquement, est consulté et ses avis sont le plus souvent suivis. J'ajoute que le directive « Retour » n'est pas applicable aux étrangers placés en zone d'attente. Rejet des trois amendements.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Nous ne faisons qu'élargir le dispositif de la loi de juillet 1992. Tous les droits des migrants sont respectés. Le juge administratif, le juge des libertés et de la détention interviendront et le contrôleur général aura accès à ces lieux de privation de liberté.

M. David Assouline. - Bref, c'est le paradis !

Mme Bariza Khiari.  - En quoi dix personnes constituent-elles un groupe de migrants exceptionnellement élevé ? Cet article porte atteinte aux droits des personnes ; en rendant moins efficient l'exercice du droit d'asile, il paraît contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Il pose plus de problèmes qu'il n'en résout.

M. Louis Mermaz.  - Quand nous demandions l'application du mécanisme de protection temporaire pour des centaines de personnes dans le Calaisis, on nous disait que les migrants n'étaient pas assez nombreux... Et voici qu'on nous parle de zones d'attente ad hoc qu'on créerait pour dix personnes. L'arbitraire est patent.

A la demande du groupe UMP, les amendements n°s34 rectifié, 112 et 296 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 336
Majorité absolue des suffrages exprimés 169
Pour l'adoption 153
Contre 183

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°300, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsqu'un nombre exceptionnellement élevé de ressortissants de pays tiers vient d'arriver en France en dehors d'un point de passage frontalier, les articles L. 811-1 à L. 811-8 s'appliquent. »

M. Richard Yung.  - Les amendements n°s300, 299, 298 et 297 sont dans le fil du débat que nous venons de tenir. Le premier vise à mettre en oeuvre la protection temporaire en cas d'afflux massif de migrants, qui apporte davantage de garanties à ces derniers. Le deuxième vise à encadrer les zones d'attente ad hoc aux situations exceptionnelles, comme le veut la législation communautaire. Le troisième revient au droit communautaire et au « nombre exceptionnellement élevé » -le nombre dix a été introduit par les députés, ce qui ne nous étonnera pas. Le dernier concerne les limites géographiques ; il faut éviter de transformer par exemple tout le Calaisis en zone d'attente spéciale.

M. le président.  - Amendement n°299, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Au début de cet alinéa, ajouter les mots :

Dans une situation exceptionnelle,

M. Richard Yung.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°298, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

groupe d'au moins dix

par les mots :

nombre exceptionnellement élevé d'

M. Richard Yung.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°297, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

ou sur un ensemble de lieux distants d'au plus dix kilomètres

M. Richard Yung.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Lier la création d'une zone d'attente ad hoc à la protection temporaire pose problème : les deux dispositifs relèvent de deux logiques différentes. Je précise toutefois que la création de la zone ad hoc ne fait pas obstacle à la protection temporaire si les conditions d'engagement de celle-ci sont réunies. Avis défavorable à l'amendement n°300. La zone ad hoc vise des situations exceptionnelles, point n'est besoin de le préciser : rejet de l'amendement n°299. L'expression « nombre exceptionnellement élevé » est incertaine, mieux vaut fixer un seuil : défavorable à l'amendement n°298, d?autant que la création des zones spéciales n'est pas soumise à la directive « Retour ». Enfin, la rédaction de l'article permet aux autorités de prendre en compte les stratégies des passeurs : avis défavorable à l'amendement n°297.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Le dispositif de protection temporaire n'est pas adapté à l'article 6 : rejet de l'amendement n°300. Les amendements n°s299, 298 et 297 établissent des critères subjectifs : rejet.

L'amendement n°300 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°299.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je suis un peu déçu de voir que les efforts opiniâtres de M. Yung ne sont pas récompensés. Surtout, insistons sur les conséquences de cet article. En cas de situation exceptionnelle, on peut imaginer, comme le prévoit la législation européenne, une réponse exceptionnelle. Mais votre dispositif est si imprécis que tout point du territoire pourra devenir une zone d'attente de même qu'il existe des ersatz de tribunaux à côté des centres de rétention. C'est une certaine conception de la société, du droit, de l'accueil, du respect des droits. Vous créez des institutions floues, ad hoc, opportunistes, pour les besoins de la cause. C'est défaire notre État de droit. C'est votre choix, non le nôtre !

L'amendement n°298 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°297.

L'article 6 est adopté.

Article 7

M. Louis Mermaz.  - Cet article est le frère jumeau du précédent : la notification des droits doit avoir lieu « dans les meilleurs délais possibles », de même que les droits notifiés s'exercent « dans les meilleurs délais possibles ». Bien malin celui qui dira à combien de temps cela correspondra... Le but est de régulariser des pratiques arbitraires illégales quotidiennes comme dans la loi de 2003 du ministre de l'intérieur Sarkozy qui remplaçait l'information « immédiate » par une information « dans les meilleurs délais ». Nous en sommes aux meilleurs délais possibles : Molière a fait école !

Un régime d'exception se met en place. Fort heureusement, il y a un risque d'inconstitutionnalité...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Si le droit devient vague, où va-t-on ? Voilà ce qu'ont dit en substance le rapporteur et la ministre à M. Yung à l'article 6. Cet article 7 est un monument de non-droit à faire visiter aux générations futures, l'exemple de ce que peut faire le droit pour pulvériser le droit !

Derechef, vous refuserez de participer à sa construction. Un nombre « important », « les meilleurs délais possible »... Qu'est-ce à dire ? La référence à Molière était justifiée. Compte tenu du nombre d'agents de l'autorité administrative disponibles, des interprètes disponibles... Que de précautions ! La fin de l'article est à graver au fronton de l'hémicycle.

M. Louis Mermaz.  - Bientôt, nous aurons des ministres dans les meilleurs délais disponibles ! (Rires à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Disons une fois pour toutes que la loi s'applique de façon aléatoire, en fonction de la disponibilité des uns ou des autres et dans des circonstances particulières... Si nous votons ce chef d'oeuvre de non-loi, nous renonçons à notre dignité de législateur et à notre office, comme disait Jean-Baptiste Poquelin ! (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Au moment où nous sommes contraints de modifier les dispositions relatives à la garde à vue, nous ne pouvons laisser passer cet article : nous serons sanctionnés par la Conseil constitutionnel ou la CEDH.

M. le président.  - Amendement n°35 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Les orateurs précédents ont souligné le caractère aléatoire de cet article. Les droits des migrants ne seront pas pleinement respectés, contrairement à ce qu'a dit le rapporteur... Enfin, permettez que je cite, non Molière, mais Grévisse : l'adverbe « possible » ne prend pas de « s » ! (« Bravo ! » à gauche)

M. le président.  - Amendement identique n°113, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Jean-François Voguet.  - Cet article est dangereux, qui permet à l'autorité administrative de mener la procédure comme bon lui semble. Rien ne saurait justifier la privation de liberté.

M. le président.  - Amendement identique n°301, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Louis Mermaz.  - Avec cet article, on fragilise encore les garanties essentielles dont doit bénéficier tout étranger. L'approche pragmatique que vous mettez en avant dans l'étude d'impact -c'est Diafoirus !- dissimule un risque de vide juridique et d'arbitraire. L'article n'a d'autre justification que de réduire le risque d'invalidation des procédures par le juge. Oui, c'est bien un texte contre les migrants et contre les juges. Ceux-ci sont en grève à Nantes pour protester contre une énième mise cause de leur travail par le président de la République, qui n'a pas l'air décidé à leur donner davantage de moyens...

A cause de la pénurie de moyens, on peut craindre une application systématique du régime dérogatoire. Il faut supprimer cet article. Vous ne le ferez peut-être pas mais au moins nous l'aurons demandé !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article est conforme à la décision du 20 novembre 2003 du Conseil constitutionnel : la notion de « meilleurs délais » s'appréciera in concreto. Avis défavorable aux amendements n°s35 rectifié, 113 et 301.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - On peut faire confiance au juge pour faire respecter les droits des personnes. Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En quoi cela répond-il à nos objections ?

M. Christian Cointat.  - Tout à l'heure, on a opposé la rigueur juridique à la nécessité politique. Cet article presque poétique n'est guère rigoureux. Je le voterai en regrettant sa rédaction. Madame Escoffier, mettre un « s » à possible est justifié car le possible a de multiples facettes !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je ne comprends pas... Quand je suis arrivée au Sénat, il y a six ans, on m'a dit : il faut être précis dans la loi, éviter les « notamment »... Monsieur Hyest, j'en appelle à votre vigilance !

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un droit vaporeux !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Un amendement de la commission vient ensuite qui supprime le mot « possible » ; et nous avons déjà supprimé un « notamment ». Je m'étonne que les sénateurs ayant participé aux travaux de la commission des lois ne s'en souviennent pas !

M. David Assouline.  - Vous exigez d'ordinaire davantage de rigueur. Que signifie le terme « les meilleurs délais » ? L'imprécision de l'article 7 a pour seul objet de laisser toute sa place à l'arbitraire : c'est inacceptable.

Mme Nathalie Goulet.  - La zone d'attente est une zone de non-droit...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Ne dites pas cela !

Mme Nathalie Goulet.  - On n'y trouve ni interprète, ni fonctionnaire, ni délai... Acceptez au moins nos réserves, l'exercice des droits est moins que clair !

Les amendements identiques n°s35 rectifié, 113 et 301 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°302, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

important

par les mots :

exceptionnellement élevé

M. Louis Mermaz.  - Repli. Le qualificatif « important » est trop imprécis : l'interprétation de ce texte guimauve aura plus d'importance que la lettre. En fait, c'est presque un refus de légiférer ! Tenons-nous en au moins à l'article 18 de la directive « Retour » (que la gauche n'a pas approuvé à Strasbourg) qui évoque un nombre « exceptionnellement élevé ».

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cette notion serait trop restrictive. (Exclamations à gauche) C'est la situation de fait qui va commander la solution à prendre : 50 personnes là où il n'y a rien, c'est beaucoup, mais pas où il y a des structures d'accueil.

Dans les zones d'attente temporaire, il n'y a pas de dérogation au regard des droits des personnes. Elles sont placées sous le contrôle de la juridiction administrative, le juge administratif instruit : rien à voir avec le non-droit ! Défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°302 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°494, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 2

Supprimer deux fois le mot :

possibles

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous supprimons l'adjectif « possibles », qui n'ajoute rien.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Favorable.

M. Jean-François Voguet.  - Cette suppression démontre que la situation dans les zones d'attente est si variable que l'on ne sait même pas si les droits pourront y être garantis. C'est un nouveau coup porté à la jurisprudence et malgré la rédaction plus policée de notre commission, une nouvelle atteinte aux droits des étrangers.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je ne comprends pas la notion de « meilleurs délais » : quelques heures ? Le prochain avion pour le retour ? Pourquoi êtes-vous gênés pour indiquer une durée précise ?

M. le président.  - L'amendement est rectifié pour viser les deux occurrences.

L'amendement n°494 rectifié est adopté.

L'article 7, modifié, est adopté.

Article 8

Mme Bariza Khiari.  - Cet article déclare irrecevable le vice de procédure en appel : à l'article 3 bis, les citoyens d'origine étrangère sont des Français de seconde zone ; ici les étrangers sont des justiciables de seconde zone.

Vous parlez de pragmatisme là où il y a déni de justice, alors que l'étranger doit pouvoir se défendre normalement. Le juge d'appel devrait fermer les yeux sur des irrégularités de procédure, alors que dans les faits, les conditions sont déjà très difficiles pour la défense ! Les avocats disposent de très peu de temps pour prendre connaissance du dossier et éventuellement relever des irrégularités.

L'appel, pourtant, doit statuer en fait et en droit : c'est le code de procédure pénale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Rien à voir !

Mme Bariza Khiari.  - Vous en soustrayez le droit des étrangers, alors que rien je le justifie. Votre texte est contre les avocats, les juges et les migrants : nous supprimons cet article que le Conseil constitutionnel ne manquera pas de censurer.

M. le président.  - Amendement n°36 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°114, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Cet article exclut qu'on soulève des irrégularités lors de la deuxième audience : c'est une restriction des droits de la défense et des pouvoirs du juge de la liberté et de la détention.

M. le président.  - Amendement identique n°303, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Nous n'aimons pas cet article, qui, pour purger les nullités, dicte au juge ce qu'il doit faire, alors qu'il faut le laisser juger en conscience, librement.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Le juge doit appliquer la loi !

M. Richard Yung.  - Vous ne cherchez qu'à accélérer la procédure, ce qui ne convient pas à un État de droit : le Conseil constitutionnel se prononcera. Cette exclusion, venue du droit civil, n'est guère applicable dans le droit des étrangers, où les délais très courts peuvent empêcher de relever des irrégularités dès la première audience. Cet article contrevient à l'article 13 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article ne concerne pas l'appel, visé à l'article 12 que nous avons supprimé, et il est conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, qui juge que les moyens d'irrecevabilité ne peuvent être soulevés lors du prolongement de la rétention. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Pourquoi vous méfier à ce point du juge des libertés et de la détention, monsieur le ministre ? Les principes d'appréciation et d'individualisation sont mis en cause.

M. David Assouline.  - Le président de la République, aujourd'hui même, vient de tenir des propos provocateurs envers les juges qui sont dans le collimateur, avec les avocats -au nom d'une prétendue efficacité. La loi est floue pour que l'administration dispose de toutes les marges d'interprétation, mais très encadrée pour le juge afin de lui dicter ce qu'il doit faire. On n'est plus là dans une société confiante, ouverte, démocratique.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La Cimade estime que cet article va contre le code de procédure civile, dans ses articles 561,563 et 565. Dans un arrêt du 1er juillet 2009, la Cour de cassation a précisé qu'un moyen non soulevé devant le juge des libertés et de la détention était parfaitement recevable. Monsieur le président de la commission, qu'en faites-vous ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Je l'accepte en cas d'appel ! C'est pourquoi nous avons supprimé l'article 12. Ici nous ne traitons que de la seconde prolongation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je le confirme. S'agissant du prolongement du maintien en zone d'attente, nous nous conformons à la jurisprudence, c'est-à-dire à la décision des juges.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela ressemble pourtant beaucoup à un appel...

Les amendements n°s36 rectifié, 114 et 303 ne sont pas adoptés.

L'article 8 est adopté.

Article 9

M. Louis Mermaz.  - Cet article interdit au juge -ah, si vous pouviez lui passer les menottes !- de fonder l'élargissement d'une personne sur le fait qu'elle présente toute les garanties de représentation, alors que cette possibilité est reconnue avec constance par la Cour de cassation. La retenue n'est qu'une faculté. Ici encore, vous mettez à mal un principe. Billet de retour, réservation d'un hôtel sont pourtant des garanties de représentation reconnues par la deuxième chambre civile comme motif de refus du maintien en zone d'attente. Bref, c'est toujours la même chose : moins de pouvoir pour les juges, moins de garanties pour les étrangers !

M. le président.  - Amendement n°115, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - À défaut de passer les menottes aux juges, on les tient en laisse ! Cet article a pour seule raison d'être que les juges refusent la prolongation en zone d'attente lorsque l'étranger présente des garanties suffisantes de représentation. Vous maintenez l'étranger en zone d'attente, en rétention, qui est une forme de prison, pour l'empêcher d'entrer sur notre territoire.

M. le président.  - Amendement identique n°304, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le maintien obligatoire en zone d'attente pour une durée équivalente à celle de la garde à vue pour les terroristes est contraire à la jurisprudence et le refus des garanties de représentation va contre la jurisprudence de la Cour de cassation et porte atteinte aux droits des personnes.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le délai de 24 heures supplémentaires donné au juge confortera son pouvoir d'appréciation. L'administration peut être parfaitement fondée à s'opposer à l'entrée sur le territoire, qu'autorise ipso facto la seule prise en compte des garanties de représentation. Cet article apporte une clarification opportune. Avis défavorable à l'amendement.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Avis également défavorable.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Vous faites l'amalgame entre le sans-papiers ainsi retenu, le délinquant, voire le terroriste.

Les amendements n°s115 et 304 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°305 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer les mots ;

dans les vingt-quatre heures de sa saisine

par les mots :

dans un délai raisonnable

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cette notion de délai raisonnable est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le droit actuel est imprécis ; nous précisons que le juge disposera d'un délai supplémentaire de 24 heures si les nécessités de l'enquête l'exigent, pour bien exercer son contrôle en matière de respects des droits. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°305 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Cet article remet en cause une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Il vise à contrecarrer, une nouvelle fois, les pouvoirs du juge judiciaire. Même si celui-ci constate qu'il n'y a pas de risque à laisser entrer la personne sur le territoire, il ne pourra fonder une décision de refus du maintien en zone d'attente sur cette seule constatation. D'où cet amendement de suppression.

L'amendement n°10, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Article 10

M. Louis Mermaz.  - Cet article introduit l'idée qu'une irrégularité formelle non substantielle -qui nous éclairera sur ce que c'est ?- ne pourrait fonder un refus de maintien en zone d'attente. La commission veut encadrer le pouvoir du juge, mais on discutera sans fin sur le caractère formel ou substantiel de l'irrégularité. L'absence de signature de l'interprète serait une irrégularité formelle tandis que l'absence d'interprète serait une irrégularité totale. Et dire que ce texte, écrit en commission des lois, prétend renforcer la sécurité des procédures... Drôle de société qui préfère protéger les procédures plutôt que les hommes !

Mme Bariza Khiari.  - Cette distinction byzantine des irrégularités selon qu'elles sont formelles ou plus ou moins substantielles, ceci à la charge de l'étranger, vise à empêcher le juge de procéder à des remises en liberté pour vice de forme. Le président de la République sera content, lui qui vitupère contre les juges -ainsi que les avocats et les journalistes ! La loi pourtant doit protéger les individus : cet article viole l'article 66 de la Constitution. Soyez raisonnables, avant que le Conseil constitutionnel ne le soit pour vous !

M. le président.  - Amendement n°37 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Cet article n'ajoute qu'à la confusion et à la complexité, source nouvelle de contentieux !

M. le président.  - Amendement identique n°116, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - Les irrégularités formelles ne feront plus obstacle à la rétention, sauf si elles sont dites substantielles. Or, la Cour de cassation, s'agissant de la privation de liberté, considère qu'il faut examiner les irrégularités avec la plus grande rigueur et que la charge de la preuve revient à l'administration. La procédure doit être respectée pour garantir l'effectivité des droits.

M. le président.  - Amendement identique n°306, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - Beaucoup a été dit... Pour autant, que signifient des irrégularités formelles et non substantielles ?

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Relisez Aristote...

M. Richard Yung.  - Si l'on fournit un interprète tamoul pour une personne qui parle l'ourdou, est-ce une irrégularité substantielle ? En créant une hiérarchie des causes de nullité, nous affaiblissons la loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - « Pas de nullité sans grief » : l'article 10 vise à transcrire cet adage ; il appartient au juge ou à l'administration de démontrer que l'irrégularité n'a pas fait grief. Les irrégularités formelles ne portent évidemment pas sur le fond, soit celles relatives à l'effectivité des droits des étrangers. Au reste, notre amendement n°495 fournit la solution en supprimant la référence au caractère substantiel de l'irrégularité.

M. le président.  - Amendement n°495, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

présente un caractère substantiel et

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défendu.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Défavorable aux trois amendements n°s371, 116 et 306.

Nous aurions préféré conserver l'adjectif « substantiel » qu'utilise la Cour de cassation : sagesse sur l'amendement n°495.

M. David Assouline.  - Mme la ministre pourrait-elle être plus loquace ? Le rapporteur ne peut pas la remplacer, et nos débats éclaireront le juge.

Les amendements n°s37 rectifié, 116 et 306 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°495 est adopté.

L'article 10, modifié, est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°203 rectifié, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du même code est ainsi rédigé :

« Art. L. 221-5. - Un mineur ne peut être placé en centre de rétention, ni être séparé de ses parents ou de ses collatéraux. »

M. Jean-François Voguet.  - Les mineurs étrangers doivent bénéficier d'une attention particulière. L'enfermement dans des centres de rétention est considéré par les juges comme un traitement inhumain et dégradant au sens de la Convention européenne des droits de l'homme. Il faut donc l'interdire, de même que la séparation d'avec leurs parents.

M. le président.  - Amendement n°309 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 221-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger mineur non accompagné d'un représentant légal ne peut être renvoyé. »

M. David Assouline.  - Si vous voulez prouver que vous êtes attentifs aux droits des mineurs, vous devez accepter cet amendement. La législation française prohibe toutes les mesures d'éloignement pour les enfants. Le placement de mineurs en centres de rétention et en zones d'attente est interdit dans les pays européens qui connaissent des flux migratoires équivalents à la France. Cette pratique est contraire à l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant et de la Convention européenne des droits de l'homme. Pour les mineurs isolés, l'intérêt supérieur de l'enfant doit prévaloir, ce qui suppose de donner du temps au juge.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement n°203 rectifié vise à la fois le placement en centre de rétention, qui est interdit, et celui en zone d'attente. L'administration s'efforce de ne pas séparer les parents des enfants ; d'où la présence d'enfants en centre de rétention. Avis défavorable à l'amendement n°203 rectifié.

Pour les mineurs isolés, un administrateur ad hoc est désigné sans délai. Notre droit positif apporte de nombreuses garanties. L'amendement est trop systématique : n'encourageons pas les passeurs !

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Tout d'abord, je suis intervenue longuement quand la question le méritait. Nul besoin de répéter les propos du rapporteur... J'en viens aux amendements : il n'y a pas de violation des conventions : les mineurs accompagnent les parents et sont accueillis dans des centres prévus à cet effet. Rejet des amendements n°s203 rectifié et 309 rectifié.

L'amendement n°203 rectifié n'est pas adopté.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Parfois, ce sont les services médicaux qui déterminent si la personne est mineure ou non. Or, la méthode utilisée, celle du bilan osseux, pose problème. Où en est ce dossier ?

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - J'ai déposé un amendement sur cette question et j'espère votre soutien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Merci, madame Hermange, de soulever cette question. À chaque fois que je suis intervenue sur ce dossier, on m'a dit qu'on allait réfléchir à la question... Espérons que cette fois-ci sera la bonne !

L'amendement n°309 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°90 n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je le reprends !

M. le président.  - Amendement n°515, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 222-4 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger est maintenu à disposition de la justice dans des conditions fixées par le procureur de la République, pendant le temps strictement nécessaire à la tenue de l'audience et au prononcé de l'ordonnance. »

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Saisi d'une demande de prolongation du maintien en zone d'attente, le juge des libertés et de la détention ne bénéficie aujourd'hui d'aucun délai pour statuer.

L'article 9 lui accorde 24 heures, voire 48 heures lorsque les nécessités de l'instruction l'imposent. Il importe de sécuriser la situation de l'étranger pendant ce délai.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Avis favorable à cet amendement de précision.

L'amendement n°515 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°117, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l'article L. 751-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le mineur isolé ne peut être éloigné avant d'avoir rencontré l'administrateur ad hoc qui lui a été désigné. »

M. Jean-François Voguet.  - Près de 40 % des mineurs restent moins de 24 heures dans la zone d'attente. Ils sont éloignés avant même d'avoir rencontré leur administrateur ad hoc. Le respect des droits humains doit primer sur l'efficacité administrative.

M. le président.  - Amendement identique n°308 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. David Assouline.  - Conformément à l'article L.221-5 du Ceseda, le mineur isolé doit bénéficier de la désignation d'un administrateur ad hoc. Or, cette disposition fait l'objet de nombreux dysfonctionnements : de nombreux mineurs isolés sont déjà renvoyés avant de rencontrer leur administrateur. Qu'en sera-t-il avec les zones d'attente ad hoc ? Ne vont-elles pas démultiplier le risque, comme l'écrit la CNCDH dans son avis sévère du 5 juillet dernier ? Vous reconnaissez ce droit aux mineurs ; rendez-le effectif !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement n°117 a un objet contraire au dispositif : un mineur isolé ne peut pas faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Le droit existant vous satisfait. L'avis est donc défavorable aux amendements identiques n°s117 et 308 rectifié.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

Les amendements identiques n°s117 et

308 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 10 bis demeure supprimé.

Article 11

M. Louis Mermaz.  - Cet article prolonge de quatre à six heures le délai dans lequel le procureur peut faire appel suspensif de la mise en liberté décidée par le juge des libertés et de la détention. Rien ne le justifie, si ce n'est la volonté de limiter les prérogatives du JLD, accusé d'être laxiste. De surcroît, cet article 11 renforcera un dispositif très défavorable à l'étranger : l'appel est réservé au procureur. Il n'y a pas l'égalité des armes exigée par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme. On peut faire beaucoup de reproches à l'Europe mais souvent la CEDH est en avance sur la France.

M. le président.  - Amendement n°38 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Vous allez accentuer l'angoisse ressentie par l'étranger et compliquer le travail des avocats.

M. le président.  - Amendement identique n°118, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - L'allongement du délai est inacceptable ! Il renforce l'inégalité qui résulte de cet appel suspensif réservé au seul procureur de la République.

M. le président.  - Amendement identique n°307, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ces dispositions sont contraires à la Convention européenne des droits de l'homme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Actuellement, le délai est de quatre heures ; souvent, le procureur n'est pas présent à l'audience et doit se faire communiquer le dossier. Cet allongement du délai améliorera sans doute le fonctionnement de la justice. Toutefois, il faudrait accompagner ce dispositif d'une circulaire incitant le ministère public à assister plus systématiquement aux audiences du juge des libertés et de la détention. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - L'appel suspensif concerne seulement 6 % des cas. Cette proposition est issue du rapport Mazeaud. Rejet.

Les amendements identiques n°s38 rectifié, 118 et 307 ne sont pas adoptés.

L'article 11 est adopté.

Article 12 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°270, présenté par M. J. Gautier.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre II du titre II livre II du même code est complétée par un article L. 222-6-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 222-6-1. - À peine d'irrecevabilité, prononcée d'office, aucune irrégularité formelle antérieure à la décision du premier juge ne peut être soulevée pour la première fois en cause d'appel. »

M. Jacques Gautier.  - Compte tenu des explications du rapporteur à l'article 8, je m'incline.

L'amendement n°270 est retiré.

L'article 12 demeure supprimé.

Article 12 bis

M. le président.  - Amendement n°496, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement de coordination : nous transformons cet article 12 bis en article additionnel après l'article 21 ter.

L'amendement n°496, accepté par le Gouvernement, est adopté et l'article 12 bis est supprimé.

Article 13

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Mon intervention vaudra pour les amendements n°s119, 120, 121 et 122.

Les articles 13, 14, 15 et 16 visent à transposer la directive « carte bleue européenne ». Tant que les étrangers coûtent moins cher que les nationaux, ils sont les bienvenus ! Ainsi, les médecins étrangers sont payés 50 % de moins que les nationaux. Cette logique de marché, qui sous-tend votre politique de l'immigration choisie, est scandaleuse. Ne vous en déplaise, les migrants rapportent plus qu'ils ne coûtent ! L'État dépense pour eux 47,9 milliards et les migrants versent à l'État 61 milliards. D'après les économistes Bob Hamilton et John Whalley, une libéralisation intégrale des mouvements migratoires conduirait à doubler le PIB mondial.

L'immigration choisie est un leurre. Nous en demandons la suppression !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La « carte bleue européenne » facilitera le séjour des étrangers qualifiés. La transposition de la directive, qui doit beaucoup à la France, est une bonne chose. Rejet.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°310, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4, première et seconde phrases

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

quatre

M. Richard Yung.  - La carte est bleue car européenne mais moins généreuse que la carte verte américaine : trois ans de séjour contre dix ans ! La carte bleue ouvre sur un droit à résidence, la carte verte, sur un droit à la citoyenneté. Nos amendements améliorent l'attractivité de notre dispositif. L'amendement n°310 porte la durée de la carte bleue à quatre ans.

M. le président.  - Amendement n°312, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Après le mot :

enfants

insérer les mots :

majeurs à charge ou

M. Richard Yung.  - Nous faisons bénéficier de la « carte bleue » les enfants majeurs à charge, ce qui est conforme à la directive. Les critères d'attribution de la carte sont très sélectifs : il y aura peu d'élus ! L'amendement ne présente donc pas de difficultés.

M. le président.  - Amendement n°311, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par deux phrases ainsi rédigées :

« Celle-ci est délivrée au plus tard dans les six mois suivant la date de dépôt de la demande. À défaut, un récépissé de demande de titre de séjour est délivré aux membres de la famille. »

M. Richard Yung.  - Nous améliorons la procédure, quoique l'on puisse regretter ces procédures simplifiées pour l'élite quand on fait tant de problèmes aux couples binationaux.

M. le président.  - Amendement n°313, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le conjoint titulaire de la carte de séjour mentionné au 3° de l'article L. 313-11 bénéficie de plein de droit, lorsqu'il justifie d'une durée de résidence de trois ans, du renouvellement de celle-ci indépendamment de la situation du titulaire de la carte de séjour temporaire "carte bleue européenne" au regard du droit de séjour, sans qu'il puisse se voir opposer l'absence de lien matrimonial.

M. Richard Yung.  - Cet amendement réduit la durée de résidence à trois ans. Il s'agit d'aligner les conditions exigées pour les conjoints des titulaires de la « carte bleue européenne » avec celles exigées pour les conjoints de Français.

M. le président.  - Amendement n°314, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le calcul de ces cinq années de résidence prend en compte les durées des séjours effectués en France et dans un ou plusieurs autres États membres.

M. Richard Yung.  - Nous précisons que le calcul des années de résidence tienne compte des séjours effectués dans l'Union européenne, puisque la carte est européenne.

M. le président.  - Amendement n°315, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Le conjoint titulaire de la carte de mentionnée au 3° de l'article L. 313-11 bénéficie de plein droit du renouvellement de celle-ci indépendamment de la situation du titulaire de la carte de séjour "carte bleue européenne" au regard du droit de séjour, sans qu'il puisse se voir opposer l'absence de lien matrimonial en cas de rupture de la vie commune consécutive à des violences conjugales.

M. Richard Yung.  - En cas de séparation conjugale pour cause de violences, les conjoints de français ou les conjoints de ressortissants étrangers entrés dans le cadre du regroupement familial bénéficie de la possibilité du renouvellement de leur carte de séjour en vertu des articles L. 313-12 et L431-2 du Ceseda. Cet amendement étend cette protection administrative aux conjoints de titulaires de la « carte bleue européenne » dont la vie familiale a été brisée par des violences conjugales.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La durée de trois ans est celle prévue pour les salariés en mission et de la carte « compétences et talents » : rejet de l'amendement n°310. L'extension aux enfants majeurs à charge paraît opportune : quel est l'avis du Gouvernement ? La précision apportée à l'amendement n°311 ne relève pas de la loi mais du règlement : rejet. Avis défavorable à l'amendement n°313 : le texte prévoit déjà des conditions très favorables pour les conjoints. Autoriser l'acquisition d'un droit au séjour autonome pour des personnes ayant résidé moins de cinq ans est possible : sagesse sur l'amendement n°314, mais il faudrait le rectifier pour l'insérer après l'alinéa 10.

M. Richard Yung.  - Je le rectifie en ce sens.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - L'amendement n°315 est satisfait par le droit en vigueur, très protecteur : défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Défavorable à l'amendement n°310. Défavorable à l'amendement n°312 : les enfants majeurs pourront recevoir un titre de séjour en fonction des situations individuelles. La précision apportée par l'amendement n°311 relève du domaine réglementaire : rejet ; un décret sera publié. Défavorable à l'amendement n°313. Sagesse sur l'amendement n°314. Rejet de l'amendement n°315.

M. Richard Yung.  - Je ne comprends pas la réponse du Gouvernement sur l'amendement n°312 : il faudra étudier la situation de chaque enfant majeur à charge ? Quel travail bureaucratique ! Ce n'est pas très attractif...

L'amendement n°310 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s312, 311 et 313.

L'amendement n°314 rectifié est adopté.

L'amendement n°315 n'est pas adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Article 14

M. le président.  - Amendement n°120, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

L'amendement n°120, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 14 est adopté.

Article 15

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

L'amendement n°121, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté.

Article 16

M. le président.  - Amendement n°122, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

L'amendement n°122, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°123, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 5 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, les mots : « Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne ou d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France » sont remplacés par les mots : « Les ressortissants des États membres de l'Union européenne autres que la France, les ressortissants des États parties à l'accord sur l'Espace économique européen autres que la France, ou les ressortissants des autres États établis régulièrement en France ».

Mme Éliane Assassi.  - Avec cet amendement, nous débattons de l'accès aux emplois publics des étrangers non communautaires.

À diplôme égal, un étranger non communautaire devrait accéder aux mêmes emplois que les étrangers communautaires : les discriminations légales nourrissent les discriminations illégales et elles entravent l'intégration. Les étrangers non européens sont deux fois plus au chômage ; on estime que 7 millions d'emplois leur sont inaccessibles, dont 5,2 millions dans la fonction publique non régalienne -où ces étrangers, cependant, peuvent être recrutés sous statut précaire. Des brèches ont été ouvertes dans la recherche et l'enseignement supérieur. Nous en faisons un principe, en autorisant l'emploi dans la fonction publique non régalienne.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. L'ouverture aux étrangers communautaires résulte de nos engagements européens.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Le Gouvernement n'a pas l'intention d'aller au-delà de ce qui se pratique aujourd'hui, le Premier ministre l'a dit l'an passé. Et il serait bon de connaître ce qu'en pensent les organisations syndicales.

L'amendement n°123 n'est pas adopté.

L'article 16 bis demeure supprimé.

M. le président.  - Amendement n°124, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Avant l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le Gouvernement présente, avant le 31 décembre 2011, un plan de régularisation des sans-papiers présents sur le territoire français qui justifient d'attaches familiales en France ou détenir une promesse d'embauche ou être inscrits dans un établissement scolaire ou universitaire.

« Les conditions d'application de cet article sont définies par un décret en Conseil d'État. »

M. Jean-François Voguet.  - La régularisation des sans-papiers est nécessaire, sur des critères objectifs et clairement énoncés. La pratique administrative actuelle rend la régularisation quasiment impossible, condamnant les étrangers à la clandestinité alors qu'ils sont entrés le plus souvent régulièrement sur notre territoire, au seul profit des employeurs sans scrupule et autres marchands de sommeil.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable : l'amendement est contraire au principe constitutionnel selon lequel le Parlement ne peut pas adresser d'injonction au Gouvernement.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Le Gouvernement est très défavorable à une régularisation massive ; il a fait le choix d'un examen au cas par cas.

L'amendement n°124 n'est pas adopté.

Article 17 AA

M. le président.  - Amendement n°317, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 2 et 3

Supprimer ces alinéas.

Mme Bariza Khiari.  - Le quatrième alinéa de l'article L. 313-12 dispose que l'accès à la majorité de l'enfant ne fait pas obstacle au renouvellement de la carte « vie privée et familiale ». La suppression de cet alinéa va à l'encontre du respect de la vie privée et familiale.

En supprimant l'avant-dernier alinéa de l'article L. 431-2 le projet de loi revient sur les avancées de la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites aux femmes. Les associations de défense des femmes ne comprennent pas ce recul. En 2010, la lutte contre les violences faites aux femmes a été déclarée grande cause nationale ; à peine entré en 2011, le Gouvernement oublie ses engagements !

M. le président.  - Amendement n°129, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Après le mot : « et », la fin de la première phrase du dernier alinéa de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi rédigée : « en accorde le renouvellement ».

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Le renouvellement de la carte de séjour aux femmes victimes de violences conjugales est laissé à l'appréciation du préfet. Mais l'appréciation de ces violences varie d'un département à l'autre : le préfet ne doit plus interférer, le renouvellement doit être automatique pour que ces femmes puissent se protéger.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet article simplifie, à droit constant, le dispositif de la loi du 9 juillet 2010. Vos inquiétudes n'ont pas lieu d'être. Retrait de l'amendement n°317. Avis défavorable à l'amendement n°129, le droit existant paraît suffisamment protecteur.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Retrait de l'amendement n°317, sinon avis défavorable. Concernant l'amendement n°129, auquel le Gouvernement est défavorable, je précise que la loi de 2010 fera prochainement l'objet d'une évaluation.

Les amendements n°s317 et 129 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°126, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

bénéficie

par les mots :

a bénéficié

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Cet amendement est simple et indispensable. L'ordonnance de protection n'est valable que quatre mois ; il convient de ne pas pénaliser les femmes qui en ont bénéficié et peuvent être en attente de renouvellement.

M. le président.  - Amendement n°318, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 5, première phrase

Remplacer le mot :

bénéficie

par les mots :

a bénéficié il y a trois ans maximum

Mme Bariza Khiari.  - Droit constant ? Plutôt en recul, car le renouvellement de la carte supposera désormais une ordonnance de protection. La rédaction actuelle exclura nombre de femmes battues.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je comprends l'intention de protéger les victimes, mais l'amendement n°126 revient à offrir un droit au séjour permanent quelles que soient la date de l'ordonnance et l'issue de la procédure judiciaire. Avis défavorable. Même avis à l'amendement n°318.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis. La loi de 2010 a créé un droit protecteur, mais il ne saurait ouvrir un droit automatique au séjour.

L'amendement n°126 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°318.

L'article 17 AA est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°130, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° Au début, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'étranger, pour lequel il existe des motifs raisonnables de croire qu'il est victime des infractions mentionnées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du Code pénal, bénéficie, s'il le souhaite d'un délai de réflexion de trois mois pendant lequel il est autorisé à séjourner sur le territoire, afin de lui permettre de se rétablir, de se soustraire à l'influence des auteurs de l'infraction et de décider en connaissance de cause de coopérer ou non avec les autorités compétentes. »

2° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Sauf si sa présence constitue une menace à l'ordre public, une carte de séjour temporaire portant le mention « vie privée et familiale » est délivrée à l'étranger qui coopère avec les autorités publiques concernant les infractions visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et à 225-5 à 225-10 du code pénal soumises à son encontre. »

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La condition prévue à l'article 311-7 n'est pas exigée. »

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La convention du Conseil de l'Europe, ratifiée par la France, sur la lutte contre la traite des êtres humains affirme la nécessité d'offrir un délai de réflexion à la victime, suffisant pour lui permettre d'échapper à l'influence des trafiquants et de décider de sa coopération avec la justice en toute connaissance de cause.

M. le président.  - Amendement n°339 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article L. 316-1 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être » sont remplacés par le mot : « est ».

M. Richard Yung.  - Les mesures contre l'éloignement des victimes de la traite des êtres humains sont insuffisantes et le dispositif de protection est aujourd'hui peu utilisé. Les victimes de la prostitution ou de l'exploitation de la mendicité sont dans une grande précarité ; il faut leur délivrer de plein droit un titre de séjour pérenne.

M. le président.  - Amendement n°341 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au second alinéa de l'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les mots : « peut être délivrée » sont remplacés par les mots : « est délivrée ».

M. Richard Yung.  - Je l'ai défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le code des étrangers permet déjà de délivrer un titre de séjour à ces victimes et, en cas de condamnation définitive, une carte de résident. Le droit actuel est protecteur : aller plus loin risquerait d'encourager les démarches dilatoires ou les dépôts de plainte au seul motif de l'obtention d'un titre de séjour. Avis défavorable à l'amendement n°130. Même avis sur l'amendement n°339 rectifié et sur l'amendement n°341 rectifié.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°130 n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s339 rectifié et 341 rectifié.

M. le président.  - Amendement n°338 rectifié, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Au premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale, après le mot : « pénale », sont insérés les mots : « , et ce sans condition de nationalité ou de régularité de séjour, ».

II. - Après le 10° de l'article L. 511-4 du code d'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un 10° bis ainsi rédigé :

« 10° bis L'étranger qui se présente dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer plainte pour des faits de violences ; ».

M. Richard Yung.  - Nous prenons en compte le risque pour les personnes étrangères en situation irrégulière victimes de violence de se faire interpeller lorsqu'elles décident de porter plainte. Le droit de porter plainte est un droit général. Feue la CNDS a souligné que faire primer l'irrégularité du séjour interdit de fait le dépôt de plainte et empêche de sanctionner les auteurs de violence. Il est pourtant de l'intérêt de la société que policiers et gendarmes puissent remonter les filières et les réseaux.

M. le président.  - Amendement n°127, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale, après les mots : «  à la loi pénale », sont insérés les mots : « , et ce sans condition de nationalité ou de régularité de séjour ».

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Toutes les victimes d'infractions pénales doivent pouvoir porter plainte, mais c'est loin d'être le cas en pratique pour les personnes en situation irrégulière, comme l'a constaté en son temps la CNDS.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements. L'officier de police judiciaire est tenu d'enregistrer la plainte et le plaignant ne peut pas être éloigné du territoire.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

Les amendements n°s338 rectifié et 127 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°131, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 17 AA, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La carte de séjour temporaire prévue à l'article 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peut être délivrée pour un an à un étranger qui justifie d'une démarche de réinsertion, attestée par la participation à un programme de réinsertion, en accord avec les personnes concernées, organisée par les services de l'État ou par une association figurant sur une liste établie chaque année par arrêté préfectoral dans le département concerné, et qui se propose, par son statut, d'aider les victimes.

Cette carte donne droit à l'exercice d'une activité professionnelle. Elle est renouvelable à deux reprises dans les mêmes conditions et pour la même durée.

À l'expiration de ce délai, la carte de séjour temporaire peut être renouvelée si l'étranger apporte la preuve qu'il peut vivre de ses ressources propres.

Un décret en Conseil d'État détermine les conditions d'application du présent article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je proposais déjà ce dispositif en 2002 dans une proposition de loi.

Les personnes prostituées sont majoritairement d'origine étrangère. Soumises à des violences terribles de la part de leurs exploiteurs, elles sont privées de tout droit et de toute dignité. La prostitution va de pair avec la violence et l'humiliation.

La loi de 2003 n'a fait qu'accentuer les difficultés, sous prétexte de vouloir atteindre les proxénètes. Nous proposons la délivrance d'un titre de séjour d'un an, renouvelable, à toute prostituée étrangère qui justifie d'une démarche de réinsertion, qu'elle ait ou non dénoncé son proxénète. Il est contraire à nos principes de conditionner la sécurité d'une personne à sa coopération avec les forces de l'ordre et la justice.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le code des étrangers permet déjà à une victime de proxénétisme la délivrance d'une carte temporaire et d'une carte de résident si le proxénète est condamné. Avis défavorable.

Mme Marie-Luce Penchard, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°131 n'est pas adopté.

La séance est levée à 2 heures 5.

Prochaine séance, mardi 8 février 2011, à 14 heures 30.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

MARDI 8 FÉVRIER 2011

À 14 HEURES 30

1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 27, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 239, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 240, 2010-2011).

DE 17 HEURES À 17 HEURES 45

2. Questions cribles thématiques sur l'aggravation des inégalités sociales dans le système scolaire.

À 18 HEURES :

3. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 27, 2010-2011).

LE SOIR ET, ÉVENTUELLEMENT, LA NUIT

4. Conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Rapport de M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour le Sénat (n° 261, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 262, 2010-2011).

5. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n° 27, 2010-2011).