Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la réponse du Gouvernement à des questions d'actualité.

Grève dans les ports

M. André Trillard .  - Le premier port français n'est ni Marseille, ni le Havre... mais Anvers. La concurrence est acharnée et la compétitivité française est en jeu. La loi de juillet 2008 sur les infrastructures portuaires a modernisé le régime de 1976. Les grèves en série, nées du refus de certains de contribuer à l'effort national sur les retraites, mettent en péril les adaptations nécessaires et l'avenir de 215 000 entreprises. En Loire-Atlantique, le terminal fruitier a subi une chute vertigineuse de son trafic. Les dommages causés à l'économie et à l'image de nos ports par les grèves sont irréversibles.

Le détournement de l'activité vers d'autres ports est inquiétant. La réforme portuaire sera-t-elle menée à son terme ? Quelle est la position du Gouvernement sur l'accord du 27 octobre permettant à 5 000 agents de partir en retraite quatre ans avant l'âge légal ? Qu'en est-il réellement de la pénibilité du travail dans les ports ? Les salariés bénéficient de nombreux avantages.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports .  - La réforme portuaire sera menée à son terme, dans l'intérêt de notre pays. Nous en sommes à la dernière étape. La loi sur les retraites s'applique à tous les Français, dockers compris. La pénibilité peut être reconnue mais à raison de deux années.

M. Guy Fischer.  - Trahison de la parole donnée !

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État.  - Il y a eu discussions mais aucun accord n'a été signé car il manquait un partenaire essentiel... l'État, auquel on demandait de payer ; depuis, la loi sur les retraites a été votée et elle s'applique à tous les Français. Un départ à la retraite à 58 ans, contre 62 ans pour tous les autres salariés est-il envisageable ? Les négociations se déroulent actuellement, Nous avons tendu la main pour la pénibilité, je souhaite que nous parvenions à un accord. (Applaudissements à droite)

Concurrence dans le domaine ferroviaire

M. Jean-Pierre Chevènement .  - Eurostar, pourtant filiale à 55 % de la SNCF, a commandé à Siemens dix rames à grande vitesse « à motorisation répartie », dont les moteurs sont répartis sous les voitures de passagers, ce qui contrevient aux règles de sécurité dans le tunnel sous la Manche, lesquelles imposent des motrices aux extrémités des trains pour pouvoir évacuer les voyageurs cas d'incendie, un système d'évacuation des passagers en cas de sinistre. Alstom a déposé un recours devant la Commision intergouvernementale et devant la Commission européenne.

Pourquoi Eurostar a-t-il pu être autorisé à passer cette commande ? Pouvez-vous assurer que les règles de sécurité ne seront pas altérées sans étude confirmant que ces rames sont sûres ?

Avez-vous mesuré les conséquences pour Alstom Transport qui va perdre un an et demi de production, soit 1 300 emplois directs, sans compter les sous-traitants ? L'ouverture du marché à la concurrence impose le respect de règles, notamment de sécurité.

Le marché allemand des TGV s'ouvre-t-il à filière ferroviaire française ? L'industrie française des trains a-t-elle les moyens de son développement ? La concurrence doit être loyale.

M. Thierry Mariani, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable, des transports et du logement, chargé des transports .  - Que se passerait-il si une commune ayant passé un marché n'allait vérifier qu'après-coup le respect des règles ? C'est à peu près cela.

Les rames à motorisation répartie concernées n'avaient pas été imaginées lors de la mise en service du tunnel et elles ne sont pas actuellement autorisées à emprunter le tunnel. On a déjà connu des incendies et le Gouvernement est particulièrement attentif à la sécurité. Il a demandé à la Commission intergouvernementale franco-britannique une étude de sécurité des nouveaux trains préalable à toute modification des règles. Nous attendons la réponse courant mars. Alors nous saurons s'il faut autoriser ces nouveaux matériels. Nos alliés allemands crient au protectionnisme, mais nous voulons uniquement vérifier que la sécurité est préservée. Si ce n'est pas le cas, je ne vois pas comment ce marché pourrait être passé. (Applaudissements à droite)

Démographie médicale

M. Jean Arthuis .  - La loi HPST visait à répondre à l'insuffisance de la présence médicale sur certains territoires. Les étudiants en médecine pourront être rémunérés dès la deuxième année s'ils s'engagent à exercer dans une région médicalement dépourvue. Les nouvelles dispositions sont difficiles à appliquer car la régulation est effectuée au niveau national. Il faut dissiper des malentendus et des doutes sur les affectations possibles des futurs médecins. C'est dès la deuxième année que l'étudiant doit être orienté vers la région qu'il a choisie. Allez-vous territorialiser ces contrats pour faire le pari de la réussite ?(Applaudissements à droite et au centre)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé .  - Je crois à l'incitation. La coercition n'est pas compatible avec l'exercice libéral de la médecine. (Approbations à droite) Mais il faut faire preuve de bon sens sur le terrain.

Les ARS y pourvoiront. Il n'est pas normal que certaines régions ne soient pas pourvues, en dépit de demandes d'étudiants. Mais il faut de la visibilité. Les directeurs généraux d'ARS recevront des consignes claires avant la fin du mois. Je suis élu d'une région qui a le plus faible taux de médecins généralistes. Des outils ont été créés, utilisons-les avec bon sens. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il ne sert à rien de donner des consignes s'il n'y a pas de règles !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Il ne sert à rien de prendre des postures idéologiques !

Services publics

M. Yves Krattinger .  - Les services publics de l'État dans les territoires s'effondrent : 16 000 suppressions de postes dans l'éducation nationale, malgré le nombre en hausse d'écoliers, lycéens et étudiants. Notre pays est à la traîne, les rapports de l'OCDE le confirment ! L'avenir de la jeunesse est hypothéqué. On supprime des postes à l'hôpital, on peine à entretenir les bâtiments et les matériels. Le monde hospitalier tire en vain la sonnette d'alarme. Quant à la sécurité, elle se dégrade, vos ruses pour masquer les statistiques de la délinquance n'y changeront rien : tous, policiers, gendarmes et citoyens, partagent la même inquiétude quant aux suppressions de postes. Les élections cantonales sont l'occasion de nombreux débats sur la situation. Professeurs, médecins, policiers sont les soldats de la République. Acceptez-vous un moratoire pour la règle de non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux ? (Applaudissements à gauche)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement .  - Non, car la RGPP a un objectif, une méthode, un calendrier. Moins de fonctionnaires, mais mieux payés. (Sarcasmes à gauche)

M. Guy Fischer.  - Parlons-en !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Des primes pour les chefs performants dans l'application de la politique gouvernementale !

M. François Baroin, ministre.  - Le non-remplacement d'un départ sur deux a permis de redistribuer 2 milliards d'euros de bonifications indiciaires. Ce sont 100 000 postes qui ont été supprimés dans la première vague, 100 000 le seront dans la deuxième.

M. Guy Fischer.  - Qui dit mieux ?

M. François Baroin, ministre.  - Nous reviendrons ainsi aux effectifs de 1990, date à laquelle la gauche gouvernait : qui irait dire que le pays ne fonctionnait pas ?

Il y a une mutualisation des services avec les collectivités locales.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Prestidigitation !

M. François Baroin, ministre.  - Le non-remplacement d'un départ sur deux se pratique dans les services financiers, ceux de la douane par exemple, et les résultats de l'activité n'ont jamais été aussi bons ! (Applaudissements à droite, protestations à gauche)

La Poste

M. Jean-Claude Danglot .  - Une consultation a été organisée pour sauver le service public postal. Plus de 2 millions de personnes ont demandé un référendum. Vous avez crié à la manipulation et arraché une majorité parlementaire pour privatiser La Poste. M. Estrosi avait inventé un mot : « imprivatisable ». Résultat, 6 000 bureaux de poste et 6 600 emplois ont été supprimés. Le contrat de présence postale est un leurre. Foin des points contact !

Le président de la République, dans le Cher, a insulté les maires ruraux en leur proposant de distribuer le courrier eux-mêmes, s'ils n'étaient pas contents... Et que dire de la souffrance au travail, des 70 suicides provoqués par les pressions assassines des dirigeants ?

Convoquerez-vous le PDG de La Poste, M. Bailly, que vous venez de reconduire, afin qu'il respecte la conception et la gestion d'un véritable service public ?

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique .  - Nous avons non pas affaibli mais consolidé La Poste, face à la concurrence, notamment d'internet. Le capital doit être détenu par des personnes publiques : pas d'actionnaires privés, pas de privatisation, c'est la loi. Une augmentation de capital de 2,7 milliards d'euros va intervenir. Le transport du courrier, la distribution de la presse, le Livret A et l'aménagement du territoire sont inscrits comme missions de La Poste. Celle-ci recrute 4 000 personnes par an, ce n'est pas rien ! Pour la première fois, le maintien de 17 000 points de contact est assuré. Le président de La Poste suit personnellement la question des conditions de travail et du stress à la suite de drames individuels.

Les bureaux de poste sont modernisés, le service amélioré. L'État apporte 170 millions d'euros au prochain contrat de présence postale. Nous sommes tous attachés à La Poste mais ce sont ce gouvernement et cette majorité qui lui donnent les moyens de son développement. (Applaudissements à droite)

Restructuration des armées

M. Jacques Gautier .  - En 2008, notre armée était implantée sur 471 communes et faisait surtout face au nord-est. A la suite du Livre blanc et de la loi de programmation militaire, le Gouvernement a entrepris une réforme ambitieuse et difficile ; la réorganisation du format des armées et la mutualisation des services génèrent des économies qui bénéficient au personnel et à l'équipement. Cette restructuration s'accompagne d'une réduction des emprises. Chacun de nous connaît l'importance de l'implantation d'une unité militaire. La semaine dernière, monsieur le ministre d'État, vous étiez à Cambrai pour la fermeture d'une base aérienne ; quelles sont les compensations prévues pour limiter l'impact de ces fermetures sur les collectivités locales et pour préserver l'avenir ? (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Alain Juppé, ministre d'État, ministre de la défense et des anciens combattants .  - Depuis 2008, nous avons engagé une transformation radicale : les fermetures visent à rendre l'outil plus compact et plus opérationnel ; les économies serviront à l'équipement des troupes. D'ici 2015, la réforme aboutira à fermer 82 unités, 22 régiments, onze bases aériennes, une base aéronavale et six centres de la DGA.

M. Simon Sutour.  - Massacre à la tronçonneuse !

M. Alain Juppé, ministre d'État.  - La fermeture d'une unité sur un territoire peut être traumatisante. Nous avons donc prévu 320 millions pour accompagner ces transformations. Je suis effectivement allé à Cambrai à l'invitation de M. Legendre et j'y ai signé un contrat de revitalisation ; à Toulouse Francazal, un aéroport civil sera créé. Il faut aussi accompagner les personnes : je suis présent sur le terrain -ce sera le cas demain à Toulon-, pour mobiliser l'ensemble de nos armées. (Applaudissements à droite)

Conflits d'intérêt

Mme Nicole Bricq .  - Le 26 janvier, la commission Sauvet a remis son rapport pour une nouvelle déontologie de la vie publique. Le Premier ministre a été sévère : selon lui, l'interdiction par un membre du Gouvernement d'être responsable d'un parti politique serait « le contraire de la démocratie ». C'est pourtant le cas de l'ancien ministre du budget, également trésorier de l'UMP, qui avait motivé la demande du président de la République.

Une nouvelle affaire a précipité les choses ; lors du conseil des ministres du 9 février, le Premier ministre a envisagé de mettre en oeuvre une des 29 mesures du rapport : l'obligation pour les ministres et leurs collaborateurs de remplir des déclarations d'intérêts. Une mesure pour discréditer les autres, c'est une vieille ficelle !

Le rapport Sauvet doit devenir un texte de loi. Le Gouvernement y est-il prêt, et dans quel délai ? (Applaudissements à gauche)

M. François Baroin, ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement .  - Le président de la République a sollicité M. Sauvet, et le Premier ministre a annoncé un texte sur les conflits d'intérêts au Gouvernement et dans la fonction publique. Nul doute que la représentation nationale s'intéresse à son propre cas... Il faut entendre l'opinion et ses exigences de transparence. Mais dans une démocratie, les responsables publics assument naturellement des fonctions politiques ! Les élus de la Nation doivent dire quelle est leur conception de l'intérêt public : nous ferons donc des choix et présenterons un texte le plus consensuel possible pour avoir une démocratie vivante dans laquelle tout le monde peut participer aux affaires du pays. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Formation en alternance et apprentissage

M. Serge Dassault .  - Il faut développer massivement la formation en alternance et l'apprentissage, mais le nombre des CFA est insuffisant, et très peu d'entreprises acceptent de prendre des apprentis. L'accompagnement intensif des chômeurs est une excellente mesure, mais comment les chômeurs seront-ils accompagnés, et par qui ? (Exclamations à gauche) Pôle Emploi est débordé, tout comme les missions locales. Les contrats aidés sont d'une efficacité toute relative.

Le meilleur moyen de réduire le chômage est d'augmenter la flexibilité des emplois intérimaires et les contrats de mission ; cela ne coûterait rien à l'Etat ! Qu'en pensez-vous ?

Enfin, si le service militaire n'avait pas été supprimé, en serions-nous là ? (Exclamations à gauche)

M. Didier Boulaud.  - Demandez à Chirac !

Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle .  - Oui, il faut développer l'alternance et l'apprentissage : nos entreprises emploient peu d'apprentis, alors qu'en Allemagne (Exclamations à gauche), on ne craint pas de les utiliser.

M. Didier Boulaud.  - Dites « employer » ! Ce ne sont pas des kleenex !

Mme Nadine Morano, ministre.  - La France s'est trompée de stratégie pendant des années, à cause des gouvernements de gauche (rires et exclamations à gauche) qui ont négligé la formation duale. Ce fut une erreur gigantesque. Les entreprises manquent de personnel formé.

Les 500 millions d'euros du Grand emprunt permettront de moderniser les CFA, et il y aura 15 000 places supplémentaires d'hébergement pour les apprentis. Cet objectif figurera aussi dans les COR avec les régions : un euro dépensé par l'État pour un euro par les régions. Chacun doit prendre sa part ; c'est une nécessité pour tous ! (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)

IVG

M. René-Pierre Signé .  - Les militants du planning familial s'inquiètent de l'accès des femmes à l'IVG : elles sont renvoyées d'hôpital en hôpital à la suite des restructurations de la loi Bachelot. Les temps d'attente s'allongent, les délais expirent et celles qui en ont les moyens doivent aller à l'étranger.

La loi Aubry avait porté le délai à douze semaines pour les mineurs. L'IVG est un acte médical à part entière, même si des médecins refusent de le pratiquer. La faiblesse du forfait de la sécurité sociale rend son accès difficile à certaines femmes. Quid des mineurs ? Du délai de douze semaines ? Des moyens hospitaliers ? (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, de l'emploi et de la santé .  - Vous avez oublié l'IVG médicamenteuse, (exclamations à gauche) qui explique le recul des interventions chirurgicales. Les restructurations ? En fait, 5 % des établissements pratiquent 23 % des IVG, et si des services ont été fermés, c'est pour la sécurité des patients, non pour des raisons d'économie ! Ce droit doit être garanti sur tout le territoire.

Le tarif doit être juste. L'hôpital doit reposer sur le T2A et les Migac. Nous veillerons à ce que ce droit -car c'est un droit- soit garanti sur tout le territoire. (Applaudissements à droite ; exclamations à gauche)

Dotations aux départements pour les dépenses sociales

M. Philippe Adnot .  - Quelle est la méthode d'attribution des dotations de l'État pour la PCH, le RSA ou l'ANA ? L'écart avec les dépenses des départements se creuse.

Une dotation de 75 millions d'euros a été répartie entre 30 départements. Or, d'après un rapport de Dexia, le reste-à-charge diffère beaucoup d'un département à l'autre ! La solidarité suppose la transparence. Quelles règles de calcul ont fondé la répartition des dotations pour les trois prestations obligatoires ? L'État s'engage-t-il à compenser les prestations sociales ? (Applaudissements)

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales .  - Pour les départements les plus fragiles, 75 millions d'euros ont été débloqués, d'après les critères retenus dans la loi : revenu par habitant, potentiel financier et proportion des personnes âgées de plus de 75 ans.

Une péréquation des DMTO a été mise en place, car les départements ont été à cet égard touchés par la crise, pour un montant d'environ 350 millions d'euros.

Certains départements sont cependant dans une situation délicate, d'où un fonds supplémentaires de 75 millions d'euros.

Enfin, le débat sur la dépendance est ouvert. C'est la relation entre générations qui est en jeu. Les départements sont associés. Nous verrons comment, demain, en toute transparence, sera compensée l'APA. (Applaudissements à droite)

La séance, suspendue à 15 heures 55, reprend à 16 heures 5.