Séjour des étudiants étrangers

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution relative au séjour des étudiants diplômés, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution.

Mme Bariza Khiari, auteur de la proposition de résolution.  - La France a une longue tradition d'accueil des étudiants étrangers, qui fut un pilier de notre diplomatie. Cela concerne la francophonie mais aussi la vitalité de notre économie. Le Gouvernement de Lionel Jospin avait mis en place une agence dédiée à ces étudiants : EduFrance, rebaptisée depuis Campus France. Le président de la République actuel semblait partager cette priorité, puisqu'il insistait, dans sa lettre de mission du 27 août 2007 au ministre des affaires étrangères, sur l'importance de développer notre influence culturelle à l'étranger. Nous sommes tous convaincus que la voix de la France doit se faire entendre dans la compétition mondiale.

Mme Cerisier-ben Guiga et M. Jacques Blanc avaient présenté un rapport d'information en 2005 qui plaidait pour une nouvelle politique d'accueil des étudiants étrangers. En 2006, une loi a été votée pour favoriser leur installation et leurs études. Il s'agissait ainsi, avec l'article 311-11 du code de l'entrée et des séjours des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), de permettre aux étudiants diplômés d'avoir une première expérience professionnelle en France sans que la situation de l'emploi puisse leur être opposée. M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, défendait une disposition qui, disait-il, illustrait sa conception d'une immigration choisie. Or voilà que la circulaire du 31 mai 2011 réduit ces années d'efforts à néant ; on est passé de l'immigration choisie à l'immigration zéro.

Ce texte a des conséquences qualifiées de stupides, d'aberrantes, d'infâmantes par tous les acteurs concernés. Personne dans vos rangs, monsieur le ministre, n'a pris la défense de cette circulaire. On a soutenu qu'il s'agissait d'un malentendu ou d'une maladresse, M. Wauquiez jouant dans les médias le rôle du gentil. En fait, vous voulez réduire les visas étudiants.

Les arguments que vous développez, monsieur le ministre, sont contestables et même contradictoires entre eux. Vous estimez que la mobilisation des étudiants est sans fondements car le nombre d'étudiants ayant changé de statut a augmenté de 35 % -17 % dites-vous aujourd'hui. Quoi de plus normal dès lors que notre pays a accueilli beaucoup plus d'étudiants étrangers ! L'immigration professionnelle est un rempart contre le racisme, disait Nicolas Sarkozy ; est-ce à dire que la limiter est une forme de capitulation devant le racisme ?

Vous dites que la crise nous impose de réserver l'emploi aux Français et aux résidents réguliers. Mais notre pays compte 285 000 étudiants étrangers, dont seuls 10 000, extracommunautaires, restent en France à la fin de leurs études ; et ils ne sont plus que 2 000 dix ans après leur arrivée. Votre immigration choisie ne concerne que très peu de personnes ! Il est en conséquence inexact de dire que les restrictions imposées à ces étudiants permettent de faire baisser le chômage. Pouvez-vous nous indiquer le nombre d'autorisations provisoires de séjour (APS) demandées et délivrées, ainsi que celui des cartes de séjour (CDS) ?

Enfin, vous parlez de pillage des cerveaux. Cet argument est infondé et dépassé. Plutôt que d'estimer que leur retour immédiat est nécessaire, il convient d'estimer que le travail dans notre pays est un juste retour sur investissement -c'est notre enseignement supérieur qui a formé ces étudiants. Les pays en voie de développement gagnent à la circulation de leurs diplômés. Comme l'a dit un spécialiste du sujet, le cerveau peut fuir plus vite en restant au même endroit. En l'espèce il n'y a pas pillage, mais gaspillage.

La semaine prochaine, nous allons légiférer sur les médecins étrangers exerçant en France. Parlera-t-on du pillage de cerveaux ? Non, car ils sont indispensables à notre système de soin ; nous les laissons néanmoins dans une grande précarité...

Vos arguments sont faibles alors que votre circulaire du 31 mai est dévastatrice. Vous demandez aux préfets d'instruire avec rigueur, d'appliquer une politique du chiffre en chassant des diplômés d'HEC, des polytechniciens, des centraliens. Une poignée d'étudiants a heureusement réussi à mobiliser des milliers d'artistes, d'intellectuels et d'universitaires contre votre circulaire.

L'attractivité de notre pays souffre alors que nous sommes passés du troisième au quatrième rang mondial pour l'accueil des étudiants étrangers. Ces derniers mois ont été un véritable cauchemar administratif pour ces derniers. La mal est fait : certains ont anticipé leur retour, d'autres ont choisi d'autres pays, d'autres enfin sont entrés dans la clandestinité.

Je veux me faire enfin l'écho d'une grande indignité pour notre République : le traitement des étrangers en France. Il est indigne de les contraindre à de longues heures de queue devant les préfectures. Il est anormal que les horaires d'ouverture et de fermeture de ces services changent sans cesse, que les décisions soient à ce point inconséquentes. Les agents préfectoraux sont transformés en agents de l'arbitraire, de l'humiliation et du détournement du droit. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Le parti socialiste ne veut pas d'une immigration dérégulée et n'a pas peur de le dire ; mais il ne peut accepter ces traitements indignes. Des critères simples, durables et clairs doivent être définis. L'arbitraire et l'injustice ne sauraient être la règle.

Il faut restaurer l'attractivité de la France, sécuriser les universités, les entreprises. La nouvelle circulaire n'est pas à la hauteur des enjeux ; toutes les ambiguïtés ne sont pas levées. Les étudiants de la nouvelle promotion peinent à trouver un stage de fin d'études, tant les entreprises ont été échaudées.

La nouvelle circulaire a un mérite, celui de répondre provisoirement au cas de centaines de diplômés concernés par une obligation de quitter le territoire français (OQTF). Mais il est incompréhensible que les étudiants aient si peu recours à l'article 311-11 qui est censé leur être favorable. Peut-être celui-ci a-t-il été rédigé pour ne pas être appliqué -à voir les conditions posées pour bénéficier d'une APS... De plus, la notion de « première expérience professionnelle » n'est pas définie -un changement d'intitulé de poste en marque-t-il par exemple la fin ? Résultat, les étudiants préfèrent demander un changement de statut plutôt que l'APS. L'application d'une politique du chiffre entraîne des situations aberrantes.

Votre circulaire n'est pas un malentendu, mais un calcul électoral. Elle saborde les intérêts de la France. Les dossiers sont-ils examinés au regard des attentes économiques ? Qu'en est-il des 700 étudiants qui n'ont pas obtenu de réponse ou ont reçu une réponse négative souvent injustifiée ? À qui doivent-ils s'adresser ? Doivent-ils recommencer toute la procédure et s'acquitter, à nouveau, des frais de dossier ? Qu'adviendra-t-il de ceux qui présenteraient une promesse d'embauche ? Les étudiants et les employeurs attendent des réponses précises. Pourquoi Pôle Emploi est-il désigné comme référent, alors que les entreprises, pour ces dossiers, n'y ont pas recours ? La deuxième circulaire ne règle rien. Au reste, la première continue-t-elle de s'appliquer ? Mieux vaut retirer les deux et revenir à l'application du 311-11.

Transformons la mondialisation qui, non régulée, est facteur de désordre, en civilisation ! L'accueil et la formation des étudiants étrangers et une politique d'immigration juste participent d'une mondialisation humanisée, d'une ambition plus forte pour la France. Les étudiants étrangers sont une richesse et non un fardeau. Avec cette proposition de résolution, nous disons notre attachement au rayonnement de la France et à la francophonie ; nous disons notre fidélité aux valeurs de la République. (Applaudissements à gauche)

Mme Françoise Laborde.  - La France a une longue tradition d'accueil. Elle compte 26 000 étudiants étrangers, qui l'ont choisie pour son histoire, sa culture, ses valeurs, la qualité de son enseignement. Leur présence est un facteur de développement et d'échanges -dans les deux sens ; elle contribue à la compréhension entre les peuples, mais cela ne peut se mesurer en euros.

Dans cette logique, nous devons développer les partenariats avec les universités étrangères. Il nous faut donc continuer à accueillir des étudiants étrangers ; leur interdire l'accès à une première expérience professionnelle en France porte un coup fatal à cette politique.

Les entreprises subissent, depuis la parution de la première circulaire, un réel manque à gagner.

Depuis la loi de 2006, ces étudiants disposent de six mois pour conclure un contrat de travail ou obtenir une promesse d'embauche ; la situation de l'emploi ne leur est pas opposable quand le salaire est supérieur à 1,5 Smic.

La circulaire du 31 mai devait éclairer la loi ; elle la dénature. Une nouvelle circulaire a été publiée le 12 janvier pour la corriger ; compléter une circulaire incohérente par une circulaire ambigüe ne règle rien... Quid des diplômés qui sont déjà rentrés chez eux ? De ceux qui ont perdu leur emploi ? Pendant cinq ans, les préfectures n'ont pas eu besoin de circulaire pour appliquer la loi de 2006, qui est d'une grande clarté ! Avec sa première circulaire, le Gouvernement a opposé à ces étudiants la situation de l'emploi, en contradiction avec le 311-11 ; pourquoi ne pas avoir présenté une modification législative, monsieur le ministre ? La loi de 2006 a été voulue par M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, qui jugeait qu'il était absurde que les étudiants étrangers -un potentiel de croissance inexploité, disait-il- retournent dans leur pays à l'issue de leurs études. Les étudiants concernés sont fragilisés par votre politique. Certains pays ne tarderont pas à renvoyer nos étudiants qui vont y étudier. Votre politique est à contresens de l'héritage des Lumières, elle attente au rayonnement culturel de la France.

Dans le respect des principes humanistes auxquels elle est attachée, la majorité du RDSE votera cette proposition de résolution. (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet.  - Il faut raison garder et ne pas se laisser aller à l'instrumentalisation. (Protestations à gauche)

M. François Patriat.  - ça commence mal !

M. François-Noël Buffet.  - Le Gouvernement a opté pour une immigration choisie, dans un contexte de crise, cela est reconnu par tous dans cet hémicycle. La loi dit que si une entreprise ne trouve pas le profil qu'elle recherche, elle peut recruter un salarié étranger. Il est vrai qu'il faut attirer les meilleurs étudiants, le Premier ministre a rappelé notre objectif d'attractivité. Il s'est passé que des diplômés hautement qualifiés n'ont pas pu obtenir un titre de séjour du fait d'une application extensive de la circulaire du 31 mai. Voilà la réalité. Il faut permettre à nos entreprises de les recruter. D'où la nouvelle circulaire. Mais il est non moins vrai que tous les gens qui viennent faire leurs études en France ne peuvent y occuper un emploi.

M. David Assouline.  - Nous parlons de diplômés bac+5 !

M. François-Noël Buffet.  - Parfois, on peut s'interroger aussi sur la réalité des études suivies...

Il y a eu peut-être la tentation d'instrumentaliser la situation. (Exclamations à gauche)

Mme Catherine Procaccia.  - Laissez-le parler !

M. François-Noël Buffet.  - Mais je reconnais que le ton de Mme Khiari était modéré.

Mme Dominique Gillot.  - Dans ce cas, quel est le problème ?

M. François-Noël Buffet.  - Je voulais, par mon intervention, rappeler la réalité des choses. (Applaudissements à droite)

Mme Esther Benbassa.  - Merci à Mme Khiari pour cette proposition de résolution. La France est en train de perdre son excellence dans le domaine de l'intelligence. Elle est en train de perdre des étudiants étrangers, mais aussi ses meilleurs étudiants qui s'expatrient, surtout aux États-Unis. Selon une étude de 2005, 17 % des post-doctorants partis dans ce pays ne rentrent pas. Le système universitaire américain a la réputation d'être le meilleur au monde. Voilà autant de jeunes perdus pour notre pays dans la compétition internationale.

Or il nous faut conserver ces jeunes qui contribuent à la réussite économique de notre pays. Les étudiants étrangers permettent aussi de nous implanter dans le monde. Mais ils sont tombés sous le couperet de votre première circulaire. La mobilisation du monde universitaire a permis d'en revenir à plus de sagesse et à la publication d'une deuxième circulaire qui, nous a-t-on dit, devait rétablir en partie les dispositions de la loi de 2006 et ne plus contredire l'esprit du 311-11.

Dans les faits, il n'en est hélas rien. J'ai reçu de matin un courriel d'un patron d'une PME de transport routier. Il a recruté en mars 2010 une jeune étudiante titulaire d'un mastère en économie et l'a formée à son métier, mais a dû la licencier à l'expiration de son titre de séjour. Elle a demandé un changement de statut, que la préfecture lui a refusé, lui délivrant une OQTF. Elle a déposé un recours. Alors que la décision du tribunal administratif est attendue pour le 20 janvier, elle a été arrêtée à son domicile... (Exclamations indignées à gauche) Tout cela est-il admissible ? Je m'interroge sur la façon dont seront traitées les nouvelles demandes.

Nombre d'étudiants qui ont choisi la France ont fait sa gloire et la feront encore demain. Misons sur eux, misons sur l'avenir, nous avons besoin de ces savoirs et de ces talents. Le groupe écologiste votera bien évidemment cette proposition de résolution. (Applaudissements à gauche et sur les bancs du groupe écologiste)

M. Jean-Yves Leconte.  - Nous nous félicitons que M. le ministre ait sous la pression modifié sa circulaire du 31 mai. Malheureusement, les précisions cosmétiques qu'elle contient ne changent rien sur le fond. Des centaines de jeunes étrangers étaient prêts à travailler en France ; les préfectures leur en ont refusé l'autorisation. Nombre d'entre eux sont partis vers des cieux plus cléments et des compétences irremplaçables se sont évanouies alors que nos entreprises avaient besoin de leurs talents. Pourquoi une telle politique ? Pour faire du chiffre, afin de récupérer les voix du Front national. Mais à stigmatiser les étrangers, vous devenez complice et agent du parti que vous prétendez combattre.

Au milieu des années 1970, la France était le premier pays destinataire ; aujourd'hui, elle est à la quatrième place. Dans l'enseignement supérieur, les taux d'étudiants étrangers diminuent d'autant qu'ils ne peuvent plus être recrutés par les entreprises.

Lionel Jospin avait créé EduFrance, devenue Campus France, pour accueillir les étudiants étrangers. Mais depuis, les conditions d'attribution des visas ont été durcies. Tel qui remplit les conditions de Campus France ne peut obtenir de visa. Un ministre djiboutien me l'a dit récemment : faute de visas, les étudiants de son pays se tournent vers la Belgique, mais aussi vers la Chine !

Pour nos écoles françaises à l'étranger, le signal est inquiétant. Pourquoi suivre une scolarité française à l'étranger si on ne peut poursuivre ses études en France. Lors de l'examen du budget, nous avons dénoncé les procédures en vigueur dans les préfectures, qui sentent le XIXe siècle... De nombreux témoignages illustrent des conditions d'accueil inadmissibles.

M. le président.  - Il faut conclure !

M. Jean-Yves Leconte.  - Cette politique est une erreur. Nous aurons perdu de nombreux talents.

Si des étudiants étrangers peuvent apporter leur contribution à la France, pourquoi les renvoyer chez eux ?

M. Alain Gournac.  - Le disque est rayé !

M. Jean-Yves Leconte.  - Vous l'aurez compris, c'est de la France, de sa tradition et de ses valeurs qu'il s'agit aujourd'hui. Votons le texte. (Applaudissements à gauche)

M. le président.  - Lorsque votre temps de parole est dépassé, je vous invite à raccourcir votre intervention. Il y va de l'équilibre politique.

Mme Éliane Assassi.  - Les étudiants étrangers sont une richesse pour la France. C'est même un honneur qu'ils nous aient choisis. Hélas, la droite, mais aussi l'extrême droite, poussent toujours à un durcissement de la politique d'immigration et agitent comme un trophée le nombre d'expulsions : 32 922 en 2011, un record. Mais il est des records qui font froid dans le dos !

Mme Colette Giudicelli.  - Quel ton nuancé !

Mme Éliane Assassi.  - Désormais, loi liberticide après loi liberticide, l'énarque marocain côtoie le plombier polonais. Voilà la triste réalité que la circulaire Guéant a créée : 1 000 étudiants interdits de travailler -des chantiers urbains ont même dû être arrêtés- à la seule fin de gonfler les chiffres des expulsions...

La circulaire honteuse du 31 mai est contraire à la loi de 2006 de M. Sarkozy et elle nuit à l'image de la France.

Les termes de la circulaire sont particulièrement clairs : elle traduit la volonté de s'aligner sur le programme du Front national. D'ailleurs, vous avez augmenté la taxe sur les visas accordés aux étudiants étrangers : elle est passée de 280 à 385 euros contre 55 à 70 euros auparavant.

Heureusement, à la suite de nombreuses protestations, le Gouvernement a dû reculer et mettre fin, avec la circulaire du 12 janvier, à cette aberration économique. Pour autant, l'autorisation reste donnée à titre provisoire, l'accent étant mis sur le retour. Cet assouplissement n'est en rien satisfaisant ; la France doit faire un geste fort pour reconnaître la richesse de ces travailleurs. Ce serait le cas si ces deux circulaires étaient abrogées.

Puisque l'époque est encore aux voeux, je forme le souhait que la gauche remporte les deux prochaines séquences électorales et supprime tous ces textes liberticides qui portent atteinte à la dignité humaine ! (Applaudissements à gauche)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Le sujet des étudiants étrangers me tient à coeur ; je vous avais interpellé sur ce thème en commission des affaires étrangères. Je me réjouis de la seconde circulaire du 12 janvier qui apporte des solutions aux problèmes posés.

Pour être sénateur représentant des Français de l'étranger, je sais toute la richesse de ces échanges d'étudiants. Cela dit, je ne voterai pas ce texte. Il y a peu, les autorités sénégalaises m'alertaient à Dakar sur le manque de médecins. Tous travaillent en France, après avoir bénéficié de bourses sénégalaises. Il est de notre responsabilité de ne pas encourager ce mouvement, même s'il faut se garder de toute généralisation.

S'il est normal de permettre une première expérience aux étudiants étrangers, il est légitime de prévoir une procédure de droit commun pour un séjour plus long.

Au reste, des pays tels le Canada ou les États-Unis, connus pour leur attractivité, ne font pas autrement.

J'invite le Gouvernement, pour renforcer notre attractivité, à simplifier nos procédures. Il y va de notre rang dans l'âpre compétition mondiale. Ces étudiants, revenus dans leurs pays, sont des vecteurs de l'influence française. Une telle évolution est indispensable : la France, qui n'est plus que quatrième pour l'accueil des étudiants étrangers, est talonnée par l'Allemagne. J'ai toute confiance en M. Claude Guéant pour mener à bien cette réforme. (Exclamations à gauche)

M. David Assouline.  - Mme Khiari a bien dit les raisons de ce texte. Il ne s'agit pas tant de coeur -nous n'attendons plus cela de vous- que de raison. Vous avez, dans l'engrenage d'une politique politicienne, brouillé le message. Autrefois, il était question de renforcer l'attractivité de la France ; désormais, vous agitez la peur que ne déferlent dans notre pays des hordes d'étrangers. En bon libéral, vous êtes le chantre de la libre circulation des biens et des capitaux. Cette vision, curieusement, devient étriquée dès lors qu'on aborde la circulation des personnes, donc l'immigration.

Avec ce texte, vous avez envoyé un message aux étudiants étrangers, les décourageant de venir. Tous nos concurrents vous en remercient. Souvent, dans les débats sur la politique universitaire, vous avez mis en avant les classements internationaux et nous avons dit nos réserves. Mais il y a un critère indiscutable : le nombre d'étudiants étrangers. Or il chute déjà. Pourquoi ? Parce que la première expérience est la concrétisation des études.

Tout cela, vous l'avez fait aux dépens de notre pays pour des raisons purement électorales. En tant que président de la nouvelle commission du suivi de l'application des lois, la circulaire du 31 mai 2011 est un cas d'école : elle va au-delà de la loi de 2006. Et les préfets en font une interprétation encore plus restrictive, suivant vos consignes. Ces dérapages seront sanctionnés, je n'en doute pas, de telle sorte que le vote de mai 2012 revienne sur ce texte adopté en mai 2011 ! (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Procaccia.  - Je me réjouis, chère madame Khiari, de ce débat. Cela dit, la solution trouvée depuis son inscription à l'ordre du jour a modifié, je l'avoue, ma position. (Marques de déception à gauche)

Contrairement aux orateurs précédents, je ne crois pas que les étudiants étrangers aient vocation à s'installer en France, de la même façon que les étudiants français n'ont pas vocation à travailler aux États-Unis ou en Grande-Bretagne. Un délai de six mois paraît court, mais il semble suffisant pour que des étudiants diplômés à ce niveau trouvent un emploi. Néanmoins, la circulaire du 12 janvier ne règle pas tout.

J'ai un dossier : celui d'un salarié embauché mi-2011 dans l'entreprise où j'ai travaillé 30 ans : son changement de statut n'a pas été renouvelé. L'État n'a pas à s'immiscer dans la politique de ressources humaines d'une entreprise privée ! (Mme Bariza Khiari applaudit)

Ce débat doit être l'occasion de revenir sur cette question et de mieux associer, comme cela se fait dans certains pays anglo-saxons, les partenaires privés à notre politique de recrutement ainsi que les universités ! (Applaudissements à droite, au centre et sur de nombreux bancs à gauche)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Très bien !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Notre vieux pays, situé sur un vieux continent, n'est jamais plus beau que lorsqu'il est fidèle à ses valeurs humanistes. La circulaire Guéant est un bien mauvais coup pour la France et témoigne d'une terrible étroitesse de vue. La France serait menacée par quelques milliers d'étudiants étrangers ? Les entreprises, vous les écoutez lorsqu'il s'agit de revenir sur le droit du travail. Pourquoi ne le faites-vous pas lorsqu'elles veulent recruter des étudiants ? (Applaudissements à gauche)

Manque de médecins ou d'ingénieurs dans les pays d'origine ? La raison n'est pas celle que vous avez dite : la vérité est que nous ne formons pas assez de personnes compétentes !

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Tout à fait d'accord !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La vérité est que ce sont ceux qui étudient et font fortune dans notre beau pays puis s'expatrient par refus de payer des impôts qui nuisent à notre pays ! (Bravo et applaudissements à gauche)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Le début était bon, la fin est moins bonne...

Mme Colette Giudicelli.  - Jamais les étudiants étrangers n'ont été si nombreux en France : 260 000 en 2011. Leur provenance a changé. Aujourd'hui, 24 % d'entre eux sont chinois et se dirigent davantage vers les filières sélectives que les universités.

L'important, pour nous, est que ceux-ci réussissent aussi bien que les étudiants français. Or leur taux de réussite est seulement de 40 %. M. Marini, dans un rapport, expliquait cette situation par un manque de sélection. Cette situation ne favorise pas le codéveloppement, ni le retour dans le pays d'origine, qui est un pilier de notre politique.

Parce que la circulaire du 12 janvier corrige utilement celle du 31 mai 2011, je ne voterai pas cette proposition de résolution. (Applaudissements à droite)

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - Ce débat illustre les progrès constitutionnels voulus par le président de la République : il y a cinq ans, Mme Khiari n'aurait pas pu déposer cette proposition de résolution.

Je suis heureux de dissiper les doutes autour de la circulaire du 31 mai 2011. Celle-ci, contrairement à ce qu'indique le titre du texte de Mme Khiari, concerne les ressortissants étrangers ayant obtenu un diplôme en France, non les étudiants étrangers.

On ne peut pas contester l'ampleur de la crise qui frappe notre pays : 2,8 millions de chômeurs, ce chiffre allant en augmentant d'après l'Insee.

Les jeunes sont plus particulièrement touchés par le chômage. Dans ces conditions, notre devoir est d'abord d'insérer la population déjà présente dans l'emploi, d'insérer les demandeurs d'emploi, Français ou étrangers. (Exclamations à gauche)

La circulaire du 31 mai 2011 ne traitait que de l'immigration professionnelle que le Gouvernement veut réduire. Peu de gens l'ont réellement lue. Merci à M. Buffet d'avoir rappelé quelques vérités. Au reste, comment un texte d'une telle nature pourrait-il modifier la loi ? À entendre certaines interventions, j'avais le sentiment que nous ne parlions pas du même texte.

Cette circulaire n'avait donc pas pour objet de traiter de la situation des étudiants récemment diplômés. Reste que certaines universités m'ont signalé des difficultés que je me suis efforcé, avec MM. Wauquiez et Bertrand, de résoudre. Pourquoi ai-je parlé de malentendu ? Le flux des étudiants étrangers n'a jamais été aussi important en France : 60 000 contre 50 000 en 2007 et en 2008. La description de M. Leconte était donc tout à fait inexacte. Que la majorité sénatoriale ne caricature pas en faisant preuve de mauvaise foi : le Gouvernement ne cherche pas à faire diminuer l'immigration avec les étudiants étrangers, les chiffres prouvent le contraire. Et les comparaisons internationales, Mme Garriaud-Maylam l'a montré, sont plutôt flatteuses pour notre pays.

Comme il subsistait quelques difficultés, avec Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez nous avons pris jeudi dernier des dispositions spécifiques concernant les diplômés étrangers. D'abord pour leur recrutement nous appliquons l'article 311-11, qui empêche qu'on leur oppose la situation de l'emploi. En 2011, 1 500 personnes en ont bénéficié. Nous vérifions le niveau du salaire, qui ne peut être inférieur à 1,5 Smic, et les étrangers concernés pourront produire une attestation de soutien du président de l'université et du chef d'entreprise, ce qui offre une solution, demandée par la Conférence des présidents, proche de celle demandée par Mme Procaccia. À ce sujet, madame, l'employeur ne saurait seul appliquer la loi...

J'en viens aux changements de statut, la deuxième procédure. Les critères sont désormais clairs ; ce qui permettra à l'administration d'instruire les dossiers cas par cas : connaissance approfondie par le diplômé du pays où l'entreprise est installée, prise en charge par l'entreprise des études, excellence du parcours universitaire, mobilité encadrée, études secondaires dans un établissement français à l'étranger. Et cette liste n'est pas limitative.

Dorénavant, la circulaire complémentaire s'applique. Elle lève définitivement les malentendus : 402 dossiers sur 674 (et non 900) réexaminés ont déjà reçu une réponse positive. Avant l'instruction, les mesures d'éloignement sont suspendues. Ce texte donne entière satisfaction aux présidents d'université, de grandes écoles et d'écoles d'ingénieurs.

M. David Assouline.  - Et le cas de Toulouse ?

M. Claude Guéant, ministre.  - Cette circulaire qui lève les malentendus ne signifie pas un renoncement à notre politique de maîtrise de l'immigration. Nous veillerons à ce que le recours à des ressortissants étrangers n'aboutisse pas à du dumping social. Nous continuerons également à vérifier que les entreprises qui veulent recruter de tels jeunes appliquent bien le droit du travail. Ce n'était pas le cas, madame Benbassa, de l'entreprise de transport dont vous avez parlé qui, au reste, n'a plus de licence de transport !

M. Alain Gournac.  - Et voilà !

M. Claude Guéant, ministre.  - Notre politique d'immigration est inchangée : nous ne voulons pas qu'il y ait plus de médecins béninois en France qu'au Bénin ! (Applaudissements à droite)

M. David Assouline.  - Ce n'est pas la même chose : ils sont formés au Bénin !

M. Claude Guéant, ministre.  - La circulaire du 31 mai a pu donner lieu à une interprétation restrictive.

Mme Bariza Khiari.  - C'est bien de le reconnaître !

M. Claude Guéant, ministre.  - Cela dit, la circulaire du 12 janvier, qui dissipe tous les malentendus, rend le texte de Mme Khiari caduc. (Applaudissements à droite)

À la demande du groupe socialiste, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 317
Nombre de suffrages exprimés 313
Majorité absolue des suffrages exprimés 157
Pour l'adoption 174
Contre 139

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements à gauche)