Sécurité sociale et mutualité (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à la gouvernance de la sécurité sociale et de la mutualité.

Discussion générale

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Je salue le travail de la commission, sur un texte qui fait désormais consensus et vise à une gestion plus efficiente du réseau de la sécurité sociale.

L'article premier fusionne les caisses régionales d'assurance vieillesse et d'assurance maladie d'Alsace-Moselle en une seule caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (Carsat), répondant ainsi au souhait exprimé par leurs conseils d'administration. C'est une mesure de bonne gestion.

L'article 2 proroge jusqu'au 30 novembre 2012 le mandat des administrateurs du régime social des indépendants (RSI), qui arrive à échéance le 7 avril prochain ; la tradition républicaine veut en effet qu'aucune élection ne se tienne en même temps que les échéances nationales.

L'article 3 modernise la gouvernance de la mutualité, en supprimant les comités régionaux de coordination tout en renforçant le Conseil supérieur de la mutualité.

Pour que ces sages dispositions entrent en vigueur le plus vite possible, nous avons besoin d'un vote conforme de la Haute assemblée. (Applaudissements à droite)

Mme Patricia Schillinger, rapporteure de la commission des affaires sociales.  - Cette proposition de loi porte sur des sujets techniques.

Pour des raisons historiques, l'Alsace-Moselle est aujourd'hui le seul territoire qui dispose d'une caisse régionale d'assurance vieillesse (Crav) en parallèle avec une caisse régionale d'assurance maladie (Cram). Leurs conseils d'administration ont voté en mars 2010 le principe d'une fusion. Entre temps, la loi HPST a transféré aux ARS certaines des compétences des Cram. La fusion prévue par ce texte donnera naissance à une Carsat, sur le modèle de celles existant ailleurs sur le territoire métropolitain : tel est l'objet de l'article premier.

Deuxième sujet : le champ territorial du régime local. C'est un exemple intéressant de couverture complémentaire obligatoire, dont un récent rapport de la commission des affaires sociales a détaillé les caractéristiques à la suite d'une enquête demandée à la Cour des comptes. La possibilité, pour les résidents Alsaciens-Mosellans travaillant hors des trois départements pour une entreprise qui y a cependant son siège, d'être affiliés au régime local, peu sollicitée, est supprimée.

J'en viens au conseil d'administration du régime social des indépendants, dont la composition proposée avait suscité des difficultés ; cette disposition a été abandonnée, mais a été maintenu le report de l'élection des administrateurs jusqu'au 30 novembre 2012.

Les comités régionaux de coordination de la mutualité (CRCM) sont des instances consultatives élues pour six ans par les mutuelles, mais ils ne se sont pas réunis depuis plusieurs années et leur activité est très faible. La restructuration du secteur conjuguée à l'ordonnance de janvier 2010 a encore réduit leur intérêt. En conséquence, l'article 3 les supprime. Leurs membres élisant cependant ceux du Conseil supérieur de la mutualité, le même article remplace l'élection par une désignation par les organisations professionnelles. C'est une mesure de simplification et d'allègement des coûts. Il faut noter que la Fédération nationale de la mutualité française représente 95 % des mutuelles ; le dialogue avec les autorités publiques est déjà une réalité.

Ces trois articles ont déjà été adoptés par le Sénat dans la loi Fourcade avant d'être censurés par le Conseil constitutionnel. À l'initiative de sénateurs socialistes, l'article premier a été une deuxième fois approuvé lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, avant d'être à nouveau invalidé...

La commission des affaires sociales a adopté ce texte sans modification et invite le Sénat à faire de même. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Dominique Watrin.  - La loi HPST a étatisé notre système de santé au détriment de la démocratie sanitaire de proximité, ce dont témoigne la transformation des Cram, qui ont perdu certaines compétences majeures au profit des directeurs d'ARS, superpréfets sanitaires bénéficiant d'une concentration inédite des pouvoirs.

Cette proposition de loi s'inscrit dans cette évolution, en organisant la fusion de deux caisses régionales d'Alsace-Moselle. Certes, leurs conseils d'administration l'ont souhaitée, mais d'autres exemples de fusion montrent que l'expérience est synonyme de baisse des effectifs, de retards, de désorientation des usagers. Elle illustre la volonté de réduire les coûts plutôt que de renforcer les droits et la protection des usagers. On voit mal les avantages concrets pour les salariés et les retraités d'une fusion qui fera ou a déjà fait disparaître plus de 200 postes. Nous craignons, au contraire, une détérioration du service rendu. Le groupe CRC s'abstiendra.

Le mécanisme d'adhésion prévu à l'article premier est d'autre part ambigu. Aujourd'hui, les personnes vivant et travaillant dans l'un des trois départements sont affiliées au régime local, de même que celles travaillant à l'extérieur pour une entreprise alsacienne ou mosellane. Cette dernière faculté disparaîtrait, pour des raisons de simplicité, alors qu'un dispositif analogue est maintenu dans l'agriculture ! Et quel paradoxe à l'heure où l'on entend tant vanter le régime d'Alsace-Moselle, présenté comme un modèle pour la France entière.

J'en viens au Conseil supérieur de la mutualité (CSM), en pratique une coquille vide : en mai 2007, il a tenu... sa deuxième réunion après celle de 1967 ! Pourquoi, cependant, le Gouvernement ne l'a-t-il pas consulté lorsqu'il a doublé la taxe sur les mutuelles responsables ?

Certes, 95 % des mutuelles adhèrent à la Fédération nationale de la mutualité française mais nous sommes attachés à l'élection et au principe « un adhérent, une voix » ; on ne saurait invoquer des arguments économiques pour la supprimer. N'ouvrons pas de brèche dans la démocratie ! Là aussi, le groupe CRC s'abstiendra, tout comme sur l'ensemble de la proposition de loi. (Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales, applaudit)

M. Gilbert Barbier.  - Ce texte intéresse tous ceux qui, comme moi, appellent à une gestion plus efficiente du réseau de la sécurité sociale. En l'occurrence, nous saluons la fusion volontaire des deux caisses régionales, le texte entérinant le processus qu'elles ont lancé. Nous serions bien inspirés de suivre cet exemple dans bien d'autres domaines.

L'article premier simplifie d'autre part le régime d'affiliation au régime local d'assurance maladie. Financé par les seules cotisations salariales, ce régime de complémentaire obligatoire est très solidaire et -fait exceptionnel- excédentaire, au point que pour 2012 le taux de cotisation a baissé de 0,1 point. Ce qui n'empêche pas les soins d'être remboursés à 90 % et les frais hospitaliers à 100 %... Les représentants des salariés, qui le gèrent seuls, adaptent les cotisations en fonction des besoins...

Ce régime local éclaire le débat national sur le financement de la sécurité sociale. Est-il judicieux d'entretenir un système dont le financement exigera tôt ou tard un complément de CSG ? Pour pouvoir protéger, un État doit avoir des finances saines. Il y a sans doute des leçons à tirer du régime local d'Alsace-Moselle.

L'article 2, relatif à la gouvernance du régime des indépendants, ne pose plus de problème. Enfin, l'article 3 diminue les coûts de gestion pour la mutualité.

Le groupe RDSE votera dans son ensemble cette proposition de loi largement consensuelle.

M. Alain Milon.  - Un texte identique a été déposé en octobre 2011 par des sénateurs UMP alsaciens ou mosellans.

Cette proposition de loi tend à supprimer une particularité du régime local d'Alsace-Moselle, en fusionnant les deux caisses régionales d'assurance maladie et d'assurance vieillesse. La loi HPST du 21 juillet 2009 a créé les Carsat sur l'ensemble du territoire, à compter du 1er juillet 2010, dans la foulée de la création des ARS -qui exercent désormais certaines attributions antérieures des Cram. L'Alsace-Moselle avait jusqu'à présent conservé un double système de caisses : ce texte, en les fusionnant en une Carsat, conformément au souhait de leurs conseils d'administration, la ramène au droit commun.

S'agissant du régime complémentaire d'Alsace-Moselle, je rappelle qu'il est géré par les seuls représentants des salariés. Largement redistributif et en excédent, ses coûts de fonctionnement sont minimes : il pourrait servir de modèle au niveau national.

L'article 2 proroge les mandats des administrateurs des caisses de base du régime social des indépendants jusqu'au 30 novembre 2012. Enfin, l'article 3 simplifie et modernise le fonctionnement du Conseil supérieur de la mutualité, et supprime les comités régionaux de coordination. Pléthorique, le Conseil supérieur n'a guère été réussi. Comme les Drass ont disparu avec la création des ARS, l'élection qu'elles organisaient n'est plus envisageable ; le passage à la désignation s'inscrit dans un mouvement bienvenu de simplification.

On sait que ce texte, très technique, n'est pas une nouveauté pour notre assemblée... Il permet une organisation nationale homogène, ce dont le groupe UMP se félicite. (Applaudissements à droite)

Mme Aline Archimbaud.  - L'article premier de la proposition de loi organise la fusion de la Cram et de la Crav d'Alsace-Moselle. Les Crav ont disparu en France, sauf en Île-de-France et en Alsace-Moselle, pour fusionner avec les Cram en devenant des Carsat. Il nous est ainsi proposé de créer une Carsat en Alsace-Moselle, après le rapprochement engagé par les deux caisses régionales en décembre 2008. Le groupe écologiste n'y voit aucun inconvénient, mais j'observe qu'aucune évaluation n'est venue prouver l'efficacité de la création des Carsat... Un suivi de celles-ci serait bienvenu.

L'article premier restreint d'autre part les conditions d'affiliation au régime local, mais l'existence d'une clause de sauvegarde nous convient.

L'article 2 modifie la composition de la Caisse nationale du régime social des indépendants.

Enfin, l'article 3 supprime l'élection des membres du Conseil supérieur de la mutualité par les comités régionaux de coordination, ceux-ci étant supprimés, en lui substituant une désignation par les fédérations les plus représentatives du secteur. Le groupe écologiste n'y voit pas d'inconvénient, mais il s'étonne de l'argument fondé sur le coût d'organisation des élections. La démocratie a un prix.

Malgré quelques réserves, les Écologistes voteront le texte. (Applaudissements sur les bancs de la commission)

M. le président.  - Au nom du Sénat tout entier, c'est avec émotion et respect que j'accueille notre collègue Guy Fischer après de trop longs mois d'absence. (Applaudissements). Il nous a beaucoup manqué. Je veux ici saluer son courage, en même temps que je lui exprime, en notre nom à tous, notre solidarité. (Applaudissements)

Mme Gisèle Printz.  - La proposition de loi tend principalement à fusionner la Crav et la Cram d'Alsace-Moselle. Cette fusion aurait dû intervenir plus rapidement, mais les particularités locales ont ralenti ce processus. Nous approuvons ce texte, qui reprend d'ailleurs un amendement qu'avec plusieurs de mes collègues de groupe j'avais déposé au PLFSS pour 2012, amendement qui reprenait une disposition introduite dans la proposition de loi Fourcade en juillet 2011. La censure du Conseil constitutionnel est intervenue deux fois... Nous avions également déposé une proposition de loi sur le sujet en début d'année.

La nouvelle entité issue de la fusion aura un fonctionnement analogue à celui des Carsat, tout en respectant les spécificités du droit local, héritier du droit allemand du temps de Bismarck.

Aujourd'hui, un organisme autonome gère un régime d'assurance complémentaire obligatoire, géré par les seuls salariés, qui perçoit une surcotisation assurant le remboursement de 90 % des actes médicaux et des médicaments et couvrant le forfait hospitalier. En décembre, il a baissé les cotisations de 0,1 %, car les résultats de 2011 étaient excédentaires... Notre commission des affaires sociales a demandé à la Cour des comptes une enquête pour ouvrir le débat sur une éventuelle extension de ce régime à l'ensemble du territoire.

L'affiliation au régime local de salariés travaillant à l'extérieur de l'Alsace-Moselle pour une entreprise y ayant son siège était difficile à mettre en oeuvre ; elle disparaît logiquement. S'agissant du conseil d'administration de la nouvelle instance, je regrette la voix seulement consultative des représentants des familles et des personnels. La démocratie sociale y perd.

Les autres articles ne posent guère de difficultés : le report de l'élection des administrateurs de la caisse nationale du régime social des indépendants au 30 novembre 2012 est une mesure de sagesse. Il en va de même pour le remplacement de l'élection au Conseil supérieur de la mutualité par une désignation, malgré l'objection de principe.

Le groupe socialiste votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Ronan Kerdraon.  - Je remercie Mme Schillinger pour son rapport instructif, qui s'inscrit dans la continuité du travail de Mme Printz et de M. Todeschini lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Cette proposition de loi tend à améliorer la gouvernance de la sécurité sociale et de la mutualité, en Alsace-Lorraine et au plan national.

Mon intervention portera sur le régime local d'Alsace-Moselle, dont l'assurance complémentaire obligatoire est particulièrement généreuse pour ses affiliés. Les salariés versent une cotisation égale à 1,5 % de leurs revenus ; le régime est géré par les seuls représentants des salariés ; il est excédentaire.

Une gestion saine a même permis de baisser la cotisation en 2012. Quelque 2 300 000 personnes sont couvertes, soit 90 % de la population, avec les chômeurs et retraités. Tout cela en fait un régime unique en France. Il serait bon d'approfondir la réflexion sur ce particularisme. Comment expliquer sa bonne santé ? Par une situation de l'emploi meilleure qu'ailleurs, mais aussi par des frais de gestion très modérés. Face aux déficits abyssaux de notre protection sociale, il y a de quoi réfléchir à une éventuelle généralisation, surtout en cette période de campagne. Il reste que la généralisation de ce régime à toute la France me semble délicate. Le succès du régime d'Alsace-Moselle tient à des raisons culturelles, sociologiques, historiques et économiques. Une hausse de 1,3 point de CSG permettrait de financer la fin du ticket modérateur. Il faut faire preuve d'imagination, en évitant toute décision hâtive, sans oublier de consulter les partenaires sociaux. Pourquoi pas une expérimentation ? (Applaudissements à gauche)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

Article premier

M. Roland Ries.  - Cet article crée la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail d'Alsace-Moselle, issue de la fusion de la Cram et de la Crav. Cette mesure est consensuelle, travaillons à la faire entrer en vigueur rapidement : plusieurs fois adoptée, elle s'est chaque fois heurtée à la censure du Conseil constitutionnel, comme « cavalier ». D'où l'initiative, partagée sur tous les bancs, d'une proposition de loi. C'est à l'intervention de notre rapporteur auprès du président du Sénat pour obtenir la procédure d'examen abrégé que nous devons de discuter de ce texte avant la fin de la session.

Pour des raisons historiques, l'Alsace-Moselle dispose d'un régime local d'assurance maladie. D'où la persistance de deux caisses jusqu'à présent. Localement, la fusion avait été engagée par les deux caisses régionales. Il s'agit ici de renforcer la cohérence territoriale du système, dans le respect des spécificités de l'assurance maladie, tout en créant des synergies au service des usagers.

Le champ géographique d'application du régime complémentaire est opportunément clarifié. Le groupe socialiste votera cet article. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. André Reichardt.  - Comme sénateur alsacien, je me félicite de ces dispositions, maintes fois reportées. Souhaitons que ce texte apporte une solution définitive.

Si ce texte a pu mettre à jour les qualités de notre droit local, je m'en félicite, comme président de la commission d'harmonisation du droit local alsacien-mosellan. Souhaitons qu'à l'avenir on ne songe plus à le modifier sans consulter les premiers intéressés. (Applaudissements à droite)

L'article premier est adopté.

L'article 2 est adopté.

L'article 3 est adopté.

La proposition de loi est adoptée.

La séance, suspendue à 15 h 40, reprend à 15 h 50.