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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

CMP (Candidatures)

Engagement de procédure accélérée

Question prioritaire de constitutionnalité (Renvoi)

Régions ultrapériphériques (Propositions de résolution européennes)

Discussion générale commune

M. Roland du Luart auteur de la proposition de résolution européenne relative à la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l'horizon 2020

M. Georges Patient, auteur de la proposition de résolution européenne sur l'Union européenne et le financement des régions ultrapériphériques françaises, au nom de la commission des affaires européennes

M. Serge Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques sur les deux propositions de résolution européennes.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes

M. Jean-Claude Requier

M. Joël Labbé

M. Jacques Gautier

M. Gérard Le Cam

M. Joël Guerriau

M. Thani Mohamed Soilihi

M. Jacques Cornano

M. Jacques Gillot

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer

Discussion du texte des propositions de résolution européennes

CMP (Nominations)

Débat sur le crédit à la consommation et le surendettement

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.

Mme Muguette Dini, rapporteure de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.

Mme Aline Archimbaud

M. Alain Fouché

M. Gérard Le Cam

Mme Françoise Laborde

M. Joël Guerriau

Mme Françoise Cartron

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation

Débat sur les inondations dans le Var et le sud-est

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la mission commune d'information

M. Louis Nègre, président de la mission commune d'information sur les inondations dans le Var.

M. Jacques Berthou

Mme Isabelle Pasquet

M. Yves Pozzo di Borgo

M. Ronan Dantec

M. François Trucy

M. Robert Tropeano

M. Alain Dufaut

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie

Hommage au directeur général des Missions institutionnelles




SÉANCE

du lundi 19 novembre 2012

22e séance de la session ordinaire 2012-2013

présidence de Mme Bariza Khiari,vice-présidente

Secrétaires : M. Jean Desessard, M. François Fortassin.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Décès d'un ancien sénateur

Mme la présidente.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue Maurice Ulrich, qui fut sénateur de Paris de 1993 à 2004.

CMP (Candidatures)

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

La commission des affaires sociales a désigné les candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire. Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 12 du Règlement.

Engagement de procédure accélérée

Mme la présidente.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen du projet de loi relatif à la mobilisation du foncier public en faveur du logement et au renforcement des obligations de production de logement social, déposé sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 14 novembre 2012.

Question prioritaire de constitutionnalité (Renvoi)

Mme la présidente.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 16 novembre 2012, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 268 du code des douanes (taxation des tabacs dans les départements d'outre-mer). Le texte de ces décisions de renvoi est disponible à la direction de la séance.

Régions ultrapériphériques (Propositions de résolution européennes)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la proposition de résolution européenne relative à la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l'horizon 2020 et la proposition de résolution européenne relative à l'Union européenne et au financement des régions ultrapériphériques françaises.

Discussion générale commune

M. Roland du Luart auteur de la proposition de résolution européenne relative à la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l'horizon 2020 .  - Après une initiative de notre délégation à l'outre-mer sur la pêche, qui a donné lieu à un débat dans l'hémicycle le 12 juillet, nous abordons aujourd'hui un dossier crucial, concernant la stratégie européenne sur les régions ultrapériphériques à l'horizon 2020. Le 20 juin, la Commission européenne publiait une communication en ce sens. Notre délégation a décidé de prendre position sur les perspectives financières d'une part et sur la politique de cohésion et l'octroi de mer, d'autre part.

L'accueil réservé à la communication de la Commission européenne par les régions ultrapériphériques elles-mêmes a été pour le moins mitigé. Les deux députés européens que nous avons auditionnés pensaient de même. Pour être globalement acceptables, les grandes orientations stratégiques de la Commission n'en prêtent pas moins le flanc à la critique. Si la Commission reconnaît que les régions ultrapériphériques constituent un atout, ce leitmotiv incantatoire ne débouche sur rien de concret. Elle ne fixe pas d'orientation majeure, se contentant de citer cinq axes pour les régions ultrapériphériques : l'accessibilité maritime, l'accroissement de la compétitivité, le renforcement de l'intégration, l'amélioration du tissu social et la lutte contre le changement climatique.

Sa définition arrive tardivement dans le processus de négociation, à un moment où le processus de révision du paquet réglementaire et des perspectives financières 2014-2020 est largement engagé. Le contenu de la communication est en décalage avec les attentes et les besoins des régions ultrapériphériques. Les présidents de celles-ci ont manifesté leur préoccupation face à la faiblesse de la stratégie européenne rénovée, regrettant « l'insuffisance manifeste » des mesures proposées. Ils contestent la pertinence de s'appuyer uniquement sur le droit commun. La Commission donne une interprétation minimaliste de l'article 349 du Traité, en refusant les régimes dérogatoires et les instruments propres aux régions ultrapériphériques : « Aide-toi, l'Europe t'aidera ! » Les références de l'article 349 sont rares, sachant que cet article, déjà insuffisant, fait l'impasse sur la spécificité de la Guyane. La sous-utilisation délibérée de cet article est aussi dénoncée par le Parlement européen.

La communication de la Commission accentue la contradiction en fixant des objectifs ambitieux qui, axés sur la compétitivité et l'innovation, sont en décalage avec le retard de développement des régions ultrapériphériques. Elle oublie les secteurs traditionnels, indispensables sur le plan économique et social.

Enfin, l'intégration européenne des régions ultrapériphériques est un objectif difficile à atteindre... Nous espérons que notre position sera prise en compte dans les négociations en cours. (Applaudissements)

M. Georges Patient, auteur de la proposition de résolution européenne sur l'Union européenne et le financement des régions ultrapériphériques françaises, au nom de la commission des affaires européennes .  - La stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques n'a qu'un objectif : imposer, de façon encore plus stricte, aux territoires ultramarins les règles et les normes européennes, quand bien même celles-ci ne leur sont pas adaptées et sont cause de leur sous-développement. Elle ne prend nullement en compte la diversité et les contraintes de ces régions, malgré les déclarations incantatoires.

Cette communication est en décalage avec les attentes. L'article 349 du Traité est insuffisamment utilisé et n'apparaît qu'en filigrane dans la stratégie 2020. Rien ou presque sur la politique de rattrapage. Pis, cette position de la Commission se traduit déjà dans les négociations sur les perspectives financières. La consommation des crédits sera rendue plus difficile par le fléchage inadapté des crédits.

D'où nos deux propositions de résolution, qui prônent le maintien du financement européen et l'assouplissement de la concentration thématique. La Commission voulait concentrer 50 % des crédits du Fonds européen de développement régional (Feder) sur trois objectifs : la recherche et l'innovation, la compétitivité, la promotion d'une économie faiblement productive de CO2.

Quid de la politique de rattrapage, qui devrait être prioritaire ? La France avait demandé un quatrième choix. C'est indispensable pour combler le fossé entre les propositions de la Commission et la réalité des besoins.

Il faut un meilleur usage de l'article 349. Mayotte doit pouvoir bénéficier des aides européennes, ce qui suppose des dérogations. Les taux actuels d'éligibilité doivent être maintenus.

Il faut mettre en cohérence les politiques de l'Union européenne pour les régions ultrapériphériques, à commencer par la politique commerciale. Les marchés de la banane, du sucre, du rhum et du riz sont concernés.

La Commission européenne propose une baisse de 43 % de la dotation complémentaire pour les régions ultrapériphériques, qui passerait de 35 euros à 20 euros par habitant. C'est inacceptable. Les handicaps des régions ultrapériphériques n'ont pas diminué ! Il faut également supprimer tout fléchage de ces dotations.

Enfin, l'octroi de mer représente une recette importante pour l'outre-mer français, et favorise les produits locaux. L'échéance de 2014 approche et le précédent gouvernement ne l'a pas suffisamment anticipée. Les propositions -reconduction de l'octroi de mer, TVA régionale ou scénario hybride- devront être validées par la Commission. Or celle-ci attend qu'on lui fasse des propositions afin de conserver son pouvoir d'appréciation. Au Gouvernement de s'atteler à cette tâche, les régions ultrapériphériques ne peuvent vivre avec cette épée de Damoclès au-dessus de la tête !

Je sais pouvoir compter sur vous, monsieur le ministre. Il est dans l'intérêt de l'Union européenne de soutenir les régions ultrapériphériques, qui sont une chance pour toute l'Europe. Surface maintenue, biodiversité, situation géographique, gisements de pétrole sont autant d'atouts. (Applaudissements)

M. Serge Larcher, rapporteur de la commission des affaires économiques sur les deux propositions de résolution européennes.   - Pour la troisième fois en deux ans, le Sénat examine une proposition de résolution européenne concernant l'outre-mer. La Commission a publié ses propositions sur le nouveau cadre financier 2014-2020 et une communication sur les régions ultrapériphériques. L'échéance de 2014 pour l'octroi de mer approche.

Les avancées obtenues fin octobre à Bruxelles sur la pêche illustrent la mobilisation de la Délégation sénatoriale à l'outre-mer.

Les deux propositions de résolution européennes vous ont été présentées. La commission des affaires économiques les a adoptées à une large majorité. J'ai sollicité les présidents des quatre conseils régionaux d'outre-mer ; leurs contributions figurent en annexe de mon rapport.

Les négociations sur le cadre financier pluriannuel de l'Union européenne sont capitales pour nos régions ultrapériphériques : 3,2 milliards d'euros sont en jeu. Les régions ultrapériphériques sont un atout pour tous les Européens, répète la Commission. L'Union européenne doit donc passer des paroles aux actes, en maintenant l'allocation spécifique au niveau actuel et en assouplissant la concentration thématique. Les régions ultrapériphériques espagnoles sont sur la même ligne. Je me félicite de la volonté du président de la République de préserver la politique de cohésion.

Les deux propositions de résolution européennes s'appuient sur un constat bien connu : l'insuffisante prise en compte des spécificités des régions ultrapériphériques par Bruxelles. L'article 349, véritable Graal des régions ultrapériphériques, existe pourtant. Mais la Commission en fait une interprétation très restrictive. Il faut un cadre global, approprié, pour que l'article 349 soit vraiment appliqué. Je vous y sais sensible, monsieur le ministre. Ces deux propositions de résolution européennes seront un soutien utile à votre démarche.

Comment admettre que la politique commerciale pour les régions ultrapériphériques soit déconnectée de la politique de la pêche ou de la PAC ? Il faut plus de cohérence. Cette problématique ne concerne d'ailleurs pas que l'outre-mer.

Sur l'octroi de mer, la commission des affaires économiques a modifié la proposition de résolution européenne. L'octroi de mer représente un milliard d'euros de recettes par an pour les DOM. L'échéance du 1er juillet 2014 marquera la fin de ce régime dérogatoire ; je regrette que le précédent gouvernement ne se soit pas davantage mobilisé. Heureusement, vous avez pris le sujet à bras-le-corps : l'octroi de mer doit être pérennisé.

Ainsi modifiée par la commission des affaires économiques, la proposition de résolution sera un soutien de poids pour le Gouvernement dans la négociation à Bruxelles, où il faudra présenter un dossier solide, pas lacunaire. Comptez sur nous, nous serons vigilants !

La commission des affaires économiques vous invite à adopter ces deux propositions de résolution, à l'unanimité je l'espère. Il s'agit de contribuer à « une Europe plus pragmatique, plus efficace ». (Applaudissements)

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes .  - L'adoption du cadre financier 2014-2020 est un rendez-vous majeur. Si tant est que l'on trouve un compromis, il devra encore être accepté par le Parlement européen.

La politique de cohésion est un enjeu essentiel pour les régions ultrapériphériques, à commencer par les régions « intermédiaires », proposées par la Commission. Les régions ultrapériphériques françaises sont les seules à bénéficier de l'objectif « convergence ». C'est un combat difficile qui s'engage, sur l'allocation spécifique notamment, que l'on veut faire passer de 35 à 20 euros.

La position française est heureusement équilibrée. La France n'est plus prête à sacrifier la politique de cohésion à la PAC, comme le précédent gouvernement. La politique de cohésion joue un rôle essentiel dans nos territoires, et dans les régions ultrapériphériques en particulier. Je me réjouis que nous ayons un débat public sur la question.

Nous partageons tous les objectifs des deux propositions de résolution européennes : préserver la politique de cohésion, pérenniser l'octroi de mer, entamer un vrai dialogue avec la Commission européenne. Il faut adapter les règles européennes à la spécificité des régions ultrapériphériques, notamment pour la mise en oeuvre des normes. L'application mécanique est absurde. La Guyane a quasiment cessé de produire du riz en raison des normes européennes, et importe désormais son riz du Surinam où ces normes ne sont pas appliquées.

Beaucoup d'Européens ne mesurent pas l'atout que représentent les régions ultrapériphériques pour toute l'Union. Pourquoi avoir fermé la délégation de l'Union européenne au Surinam, pays frontalier de l'Union ? On se dit que trois États membres seulement ont des régions ultrapériphériques ; c'est ne pas raisonner assez en Européens, ne pas voir que les régions ultrapériphériques françaises, espagnoles et portugaises sont une chance pour toute l'Europe.

Je me réjouis de la coopération entre la Délégation pour l'outre-mer, créée par le président Bel, la commission des affaires économiques et la commission des affaires européennes. C'est d'ailleurs la première fois que des sénateurs d'outre-mer siègent dans la commission des affaires européennes, dont Georges Patient est vice-président. J'espère que ces deux propositions de résolution seront adoptées à l'unanimité. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Requier .  - Tous les élus de l'Hexagone s'intéressent aux territoires ultramarins. À force que j'intervienne en faveur de ces régions, on va finir par croire que j'y ai élu domicile ! (Sourires) Je salue la mémoire de Gaston Monnerville, né en Guyane de parents martiniquais, qui fut député puis sénateur radical de Guyane, avant d'être le président du Sénat : l'histoire de notre assemblée et de l'outre-mer sont étroitement mêlées.

La crise économique frappe fortement les régions ultrapériphériques, où le chômage progresse, où les entreprises sont atones, où le PIB par habitant est bien inférieur à la moyenne nationale. La crise a mis en évidence leur fragilité. Le précédent gouvernement prônait le développement endogène, ce qui ne servait qu'à masquer le désengagement de l'État. Le nouveau gouvernement a heureusement pris des mesures bienvenues. Son action commence à porter ses fruits. L'extension du régime de compensation des coûts additionnels supportés par les pêcheurs et les aquaculteurs ultramarins est encourageante. Mais il faut aller plus loin.

Or les communications de la Commission européenne sont loin de répondre aux attentes, oubliant la nécessité d'une politique de rattrapage. Il faudra faire preuve de persuasion, monsieur le ministre, pour inverser la tendance. Selon leur situation géographique, nos outre-mer peuvent développer des échanges avec le Brésil, la Caraïbe ou la Chine.

L'application des normes européennes est souvent absurde. La Guyane, qui est adossée à la plus grande forêt du monde, est obligée d'importer du bois de hêtre pour fumer le poisson ! Du fait d'accords bilatéraux signés par l'Union européenne, les producteurs de banane, de sucre et de rhum sont en concurrence avec des pays qui produisent à bas coût. Il faut une compensation ! D'autant que la politique commerciale de l'Union européenne n'est pas cohérente avec les autres politiques communautaires... Quand une banane antillaise subit six ou sept traitements sanitaires, une banane colombienne en subit soixante !

L'Union européenne doit renouveler son pacte d'intégration en donnant corps à l'article 349.

Notre groupe apporte un soutien sans réserve à ces deux propositions de résolution. (Applaudissements à gauche)

M. Joël Labbé .  - Je salue la délégation de ma commune bretonne de Saint-Nolff, dans le Morbihan, et en particulier Sarah et Benoît, représentants du conseil municipal des enfants. Mes concitoyens vont nous entendre parler des « RUP » -les technocrates de Bruxelles manquent parfois de poésie...

On connaît les difficultés des régions ultrapériphériques, les enjeux qu'elles affrontent. Les axes de la stratégie européenne ont été présentés. Les députés écologistes européens ont réagi aux propositions de coupes budgétaires sur l'allocation, qui passerait de 35 à 20 euros par habitant, soit 46 % de moins. La Commission reste frileuse face à nos propositions sur le changement climatique.

Les régions ultrapériphériques doivent affronter des crises nombreuses : sociales, économiques, environnementales. Elles ont besoin d'un soutien fort de l'Union européenne, pour un développement exemplairement soutenable. Le transport privilégie la voiture sur le transport collectif : il faut mettre en place un réseau fiable de transports interurbains. Deuxième défi : l'utilisation des pesticides dans l'agriculture ; après le drame du chlordécone, dont il semble que l'on parvienne enfin à se débarrasser, les épandages aériens doivent cesser. Des alternatives reposant sur l'agro-écologie existent. La pêche constitue un enjeu économique vital pour ces territoires. Ce sont les pratiques durables qui protègeront les ressources halieutiques ; il faut les promouvoir, pour l'environnement et pour l'emploi.

De manière générale, nous déplorons l'insuffisante prise en compte des défis écologiques auxquels ces territoires sont confrontés. Le « retard de développement » est aussi l'occasion de faire des choix de développement innovants, soutenables, intelligents, sans multiplier à l'infini les dérogations. Nous voterons les deux propositions de résolution européennes. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Gautier .  - Nous approuvons ces deux propositions de résolution européennes car les problématiques sont majeures pour les outre-mer français, mais aussi européens. Les problèmes à régler sont urgents.

D'abord un constat : les réalités de l'outre-mer ne sont pas assez prises en compte par les instances de l'Union européenne. Aboutissement des travaux de la Délégation, dont je salue l'engagement, la première résolution concerne la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l'horizon 2020. Il s'agit de sensibiliser le Gouvernement à la nature des enjeux et de lui apporter notre appui vigilant et notre soutien dans le cadre des négociations à venir sur le cadre financier pluriannuel de l'Union. J'espère que M. le ministre des affaires européennes se rendra dans les régions ultrapériphériques et réunira les parlementaires de l'outre-mer. Le dossier doit être pris à bras-le-corps. Cette première résolution est en outre un avertissement à l'Union européenne : sa communication de juin dernier est tardive et décevante ; elle ne prend pas en compte les problématiques spécifiques et les attentes des régions ultrapériphériques. Que de distance entre les mots et les réalités ! Comment accepter une réduction des crédits des fonds structurels, qui sont essentiels au développement de l'outre-mer ?

Les régions ultrapériphériques doivent être soutenues par l'Union européenne. Nous sommes à la veille du Conseil européen qui élaborera le cadre financier 2014-2020. La négociation sera difficile, parce que le contexte budgétaire est tendu et parce qu'elle se déroulera pour la première fois à 27 -l'unanimité est requise. Le Sénat doit donc dire quelles sont les priorités politiques : la PAC, l'efficacité de la dépense, la cohésion sociale et régionale -c'est affaire d'équité et de justice. Les régions ultrapériphériques sont une chance pour l'Europe, (M. Roland du Luart approuve) mais il semble que l'Union européenne ne veuille pas tenir compte des spécificités de ces territoires. L'article 349 doit être mis en oeuvre concrètement, ce qui n'est pas le cas actuellement ; la commission a le devoir d'appliquer le traité.

Il faut intégrer les régions ultrapériphériques dans leur environnement géographique. La politique commerciale de l'Union européenne est une menace pour l'économie des régions ultrapériphériques et leur intégration régionale.

La proposition de résolution de la commission des affaires européennes concerne le financement des régions ultrapériphériques : fonds structurels et octroi de mer. Là encore, l'Union européenne ne prend pas suffisamment en compte les spécificités de l'outre-mer et l'importance tant des fonds structurels que de l'octroi de mer pour leur développement. L'allocation spécifique de la politique de cohésion doit être maintenue.

L'octroi de mer est une ressource majeure pour l'outre-mer ; l'échéance du 1er juillet 2014 est décisive. Il faut lever les incertitudes actuelles, justifier la pertinence de ce système aux yeux de la Commission ; les Canaries ont trouvé une solution grâce à une forte mobilisation du gouvernement espagnol. La balle est dans votre camp, monsieur le ministre.

Notre groupe votera à l'unanimité ces deux textes, certain que ces initiatives ne resteront pas sans effet. (Applaudissements)

M. Gérard Le Cam .  - Qui mieux que notre collègue Paul Vergès pouvait s'exprimer sur les régions ultrapériphériques ? Je prononce cette allocution en son nom. Nous ne sommes ultrapériphériques qu'aux yeux des autres, le centre, c'est là où nous vivons et projetons notre avenir...

Je veux saluer le travail accompli par nos collègues : ce débat arrive à point nommé puisque se discutent actuellement des réformes essentielles pour l'avenir de nos régions, la PAC, la politique commune des pêches, la politique de cohésion, l'octroi de mer... La mobilisation de tous est requise ; le Sénat n'a pas failli à sa mission et doit dire sa position à la veille du Conseil européen des 22 et 23 novembre. Chacun sait l'importance des décisions qui seront prises dans le cadre des négociations sur le cadre financier 2014-2020. Les discussions seront tendues mais les compromis très attendus. Les propositions des présidents Van Rompuy et Barroso nous inquiètent : une baisse du budget global, des coupes sombres dans celui de la PAC et de la politique de cohésion, si importante pour les régions ultrapériphériques.

La France ne doit pas transiger sur ces dossiers : aucun arbitrage ne devra se faire au détriment des régions ultrapériphériques. Les sacrifier dans le cadre d'un marchandage ne serait pas acceptable. Les crédits aux régions les plus en retard de développement doivent être sanctuarisés.

Sur la politique de cohésion, les propositions européennes ont soulevé l'indignation de nombreux parlementaires européens ; il s'agit, de l'aveu même du commissaire en charge, d'un changement de politique radical. C'est inacceptable : nous devons nous placer du côté des amis de la cohésion. Des coupes sombres sont déjà à l'oeuvre : comment accepter la réduction de 40 % de la dotation spécifique destinée à compenser les surcoûts, alors que la Commission prétend aider les régions ultrapériphériques ? La France doit refuser ce double langage.

Les accords commerciaux de l'Union européenne sacrifient les intérêts de l'outre-mer. Voyez ce qui se passe pour la banane ou le critère des 150 kilomètres... L'article 349 doit être à la fois notre bouclier et notre fer de lance, mais il n'est pas retenu par la Commission européenne comme base juridique du programme Poséi. Il doit trouver à s'appliquer avec un plein effet.

Il appartient au Gouvernement de faire connaître sa position sur le maintien de l'octroi de mer.

Nous voterons les deux propositions de résolution. (Applaudissements)

M. Joël Guerriau .  - Lors du dernier Forum européen des régions ultrapériphériques en juillet, M. Barroso déclarait que chacune de ces régions faisait partie de l'Union européenne et contribuait à son dynamisme et à son rayonnement. La position de la Commission européenne se résume à une déclaration de bonnes intentions : nous avons le sentiment d'entendre des discours plus incantatoires qu'efficaces. Je salue le travail de la Délégation et remercie mes collègues d'avoir voulu ce débat.

Les régions ultrapériphériques ont une grande importance pour l'Europe, mais doivent faire face à de vraies contraintes. Depuis longtemps, la France mène une politique spécifique en faveur de l'outre-mer. Il est temps que l'Union européenne fasse de même en ayant recours à l'article 349 du Traité.

Les institutions européennes doivent adapter leurs règlements aux spécificités ultramarines, et non l'inverse. Il faut continuer à défendre les programmes spécifiques sectoriels, dans les transports, les télécommunications, les énergies renouvelables. Les expériences menées en matière énergétique à la Réunion pourront servir à l'Europe tout entière. Aidons les régions ultrapériphériques à développer ces innovations.

Avec ces deux propositions de résolution, le Sénat demande à la Commission européenne de mettre en oeuvre concrètement la politique qu'elle prône. Les propositions de résolution de mai 2011 sur l'agriculture et de juillet 2012 sur la pêche dénonçaient déjà l'incohérence de la politique commerciale de l'Union, et plaidaient pour une évaluation systématique et préalable de tous les accords commerciaux.

Les propositions de résolution adoptées par le Sénat aideront le Gouvernement à défendre nos régions ultrapériphériques. Nous sommes attentifs au sort réservé à Mayotte, qui a souhaité devenir une région ultrapériphérique à partir de 2014. Les aides qui lui seront accordées ne devront toutefois pas venir en déduction de celles accordées aux autres régions ultrapériphériques françaises.

Depuis 2004, nous sommes en période de transition. Comme l'a dit M. Sutour, soyons clairs sur l'octroi de mer ; la France doit proposer avant 2014 un régime fiscal dérogatoire pour l'outre-mer. Le Gouvernement doit engager sans tarder le dialogue avec la Commission comme avec les élus locaux et les parlementaires intéressés.

Nos débats sont passionnants. J'espère que nous serons entendus à Bruxelles. Le groupe UDI-UC votera ces deux propositions de résolution. (Applaudissements)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Le 12 juillet dernier, le Conseil européen a décidé que Mayotte deviendrait la neuvième région ultrapériphérique au 1er janvier 2014. Si Mayotte doit encore se mettre au niveau communautaire, je remercie mes collègues d'avoir introduit une mention pour tenir compte des spécificités de ce tout jeune département, notamment en matière de droit d'asile au regard du grave problème d'immigration clandestine qu'il connaît. À ma grande satisfaction, Mayotte pourra accéder aux financements européens, ce qui autorisera des progrès rapides en matière d'infrastructure, d'équipements collectifs et de développement économique et social. Le montant des subventions qui pourraient lui être accordées varie selon les sources ; à combien se monteront-elles ? Il ne faudrait pas que cette aide vienne en déduction de celles qui vont aux autres régions ultrapériphériques françaises.

MM. Sueur, Desplan et Cointat, avaient déploré en mars dernier, à leur retour de mission à Mayotte, qu'aucune aide technique à la gestion des fonds n'ait été apportée aux élus locaux et aux fonctionnaires : une formation spécifique est indispensable. Il semble d'ailleurs que les fonds européens dédiés soient sous-utilisés.

Si le Gouvernement repousse la date du 1er janvier 2014, quelles seront les aides apportées à Mayotte ? Si tel n'est pas le cas, comment y moderniser l'imposition, sachant que le chantier du cadastre n'est toujours pas bouclé et qu'aucun crédit à cette fin n'est prévu au budget 2013 ? L'octroi de mer doit être maintenu et étendu à Mayotte. (Applaudissements)

M. Jacques Cornano .  - L'identité socio-économique des régions ultrapériphériques est placée sous le signe de la mixité : appartenance à l'Union européenne et ancrage dans des régions éloignées confrontées à la mondialisation.

La Commission européenne semble vouloir prendre des mesures pour aider les régions ultrapériphériques à s'inscrire dans l'économie mondiale. Pourtant, sa communication sur le sujet est tardive et décevante. Je salue l'initiative sénatoriale ; il est en effet nécessaire de mettre en cohérence les différentes politiques communautaires à l'égard des régions ultrapériphériques et étudier toutes les possibilités d'adaptation offertes par les textes européens.

Ces dernières années, la politique commerciale de l'Union européenne a constitué à une menace pour nos économies : ce fut par exemple le cas de l'accord de libre échange entre l'Union européenne et l'Amérique latine portant sur la banane, le sucre, le rhum et autres produits de l'agriculture tropicale -nos principales exportations !

M. Patient a posé les bonnes questions sur l'octroi de mer : il faut pérenniser cette taxe ou trouver une solution alternative. Je ne suis pas défavorable à l'idée de la Cour des comptes d'affecter davantage les recettes d'octroi de mer au financement des investissements des collectivités, mais il faudra trouver d'autres ressources pour le fonctionnement. Ce ne sera sûrement pas chose facile...

Les régions ultrapériphériques françaises sont entrées dans une nouvelle étape de leurs relations avec l'Union européenne. Il me reste à espérer que leur appartenance à l'Union constituera bien un accélérateur à leur développement, et non un frein. (Applaudissements)

M. Jacques Gillot .  - Ces propositions de résolution sont particulièrement importantes pour nos territoires. Il est d'abord indispensable que l'octroi de mer, ressource essentielle pour les budgets locaux, soit maintenu. Le Conseil européen a autorisé la France à le maintenir jusqu'en juillet 2014. Sa disparition se traduirait par une crise économique. Inutile de vous dire l'inquiétude qui est la nôtre devant la menace de sa suppression... Il faut absolument le pérenniser ou, à défaut, trouver un dispositif de substitution qui ait les mêmes avantages et le même dynamisme.

Deuxième enjeu : la coopération régionale et le renforcement des liens commerciaux des régions ultrapériphériques avec les pays voisins. Malgré la proximité géographique, nos relations commerciales avec les Caraïbes sont faibles : 10 à 15 % des échanges seulement, du fait de la pauvreté des liaisons, des barrières douanières élevées et de l'euro fort.

Le problème de l'approvisionnement en carburant est préoccupant ; les règles actuelles coûtent 100 millions aux consommateurs antillais. Pourquoi ne peut-on importer du pétrole du Venezuela ou de Trinidad ?

Le Gouvernement doit saisir la Commission européenne pour obtenir des précisions sur les principes et le champ des dérogations ; et enquêter sur le degré de conformité aux exigences européennes des produits en provenance de la Caraïbe. (Applaudissements)

M. Victorin Lurel, ministre des outre-mer .  - Une fois de plus, c'est un grand plaisir de me présenter devant vous pour défendre un sujet qui me tient particulièrement à coeur, la place des régions ultrapériphériques dans les politiques européennes. Je n'ai pas à vous convaincre, je le sais. Mon rôle est de faire admettre qu'un traitement spécifique n'est ni privilégié ni indu.

Vous contribuez à la reconnaissance des régions ultrapériphériques : c'est une aide précieuse pour le Gouvernement. Le travail de sensibilisation que vous avez effectué sur la pêche n'est pas étranger à la décision prise par le Conseil européen sur ce dossier.

Je suis néanmoins perplexe : l'Europe est un plébiscite de tous les jours pour les habitants des régions ultrapériphériques mais l'Europe est réticente à attribuer à ces régions des moyens suffisants pour asseoir leur développement. Je veux vous dire ma préoccupation sur les négociations qui s'engagent. Que la France souhaite limiter sa contribution nette est une préoccupation légitime, que chacun doive faire des efforts est une évidence, mais pas au détriment du développement des régions ultrapériphériques, qui doivent combler un retard de développement.

L'enveloppe de la politique de cohésion fera l'objet de toute mon attention. La feuille de route que j'ai fixée devant la Conférence des présidents des régions ultrapériphériques sera difficile à mettre en oeuvre, mais elle est justifiée. Le Premier ministre m'a encouragé dans cette voie en confiant à ma demande à M. Letchimy une mission sur l'intégration des régions ultrapériphériques aux politiques européennes. Mes services sont déjà à l'oeuvre pour présenter des solutions concrètes.

Plusieurs chantiers sont prioritaires et d'abord l'élaboration d'un cadre global pour les interventions européennes. Les filières bénéficiaires pourraient être les énergies renouvelables, les transports et les télécommunications, le tourisme, le bois en Guyane. Un plan d'action pourrait être validé sur la base d'un programme annuel -sur le modèle du Poséi.

Il faut en outre une déclinaison sectorielle de l'article 349 ; le débat doit être ouvert sur l'augmentation des aides d'État aux entreprises, la création d'une catégorie spécifique au sein du RGEC, l'encouragement aux aides à l'investissement dans les pays tiers. Il convient de maintenir les plafonds des aides aux investissements, de même que l'octroi de mer et les mesures d'adaptation spécifiques dans les secteurs essentiels que sont l'agriculture et la pêche. La coopération entre les régions ultrapériphériques et les pays voisins doit être développée avec l'objectif de consolider les productions locales. Plus généralement, le régime juridique opposable aux régions ultrapériphériques doit être renforcé.

Merci à M. du Luart pour ses propos. Oui, les spécificités des régions ultrapériphériques ne sont pas assez prises en compte et la Commission européenne s'enferme dans un discours incantatoire. La violence de la crise ne permet pas de continuer ainsi. C'est pourquoi j'ai répondu à la demande espagnole avec enthousiasme : les possibilités offertes par l'article 349 doivent être mieux utilisées. Je regrette comme vous tous que la communication de la Commission européenne ait été si décevante et si tardive.

M. Patient s'est doublement mobilisé sur les propositions de résolutions... Nous sommes tous un peu crispés dans l'attente des ajustements à venir. La Guadeloupe et la Réunion risquent d'être particulièrement affectées par les baisses de crédits. C'est donc maintenant qu'il faut agir. Je suis inquiet des négociations en cours, mais vous pouvez compter sur la totale détermination du Gouvernement. Et je confirme que M. Cazeneuve recevra les parlementaires et se rendra dans les régions ultrapériphériques.

Sur l'octroi de mer, je comprends votre souhait de le voir reconduit. Le dossier a pris du retard. Nous avons demandé des simulations avant d'engager le débat avec les élus et la Commission européenne. Faut-il se battre pour une reconduction pure et simple ou engager des pourparlers avec la Commission autour d'une alternative ? Aura-t-on le temps de parvenir à une solution efficace qui puisse rassurer les collectivités ? Il faut maintenir le produit final et préserver l'autonomie fiscale des collectivités, mais aussi favoriser la compétitivité économique des entreprises. C'est un peu la quadrature du cercle... Une réflexion doit porter sur l'assiette : peut-on l'étendre aux services ? Faut-il abaisser le seuil d'assujettissement ? Faut-il repenser le mécanisme de déduction ? Tout cela est-il faisable pour les petites entreprises et pour les services ? Des simulations sont en cours, je ne manquerai pas de vous tenir au courant de l'évolution de notre réflexion.

Je partage l'analyse de M. Serge Larcher sur la communication de la Commission. Oui, je constate avec étonnement la réticence de celle-ci, pour ne pas dire sa résistance à recourir à l'article 349. Sur la fiscalité, à la faveur de la reconduction de l'octroi de mer, il y a une réflexion à mener sur les territoires douaniers.

Comme vous, monsieur Sutour, je pense qu'il n'est pas acceptable de passer de 35 à 20 euros par habitant ; nos régions vont souffrir.

Merci, monsieur Requier, d'avoir rendu hommage à Gaston Monnerville ; sénateur du Lot pendant 30 ans, c'est une belle performance ! Merci pour le fidèle soutien des radicaux à la cause des régions ultrapériphériques.

Monsieur Labbé, nous sommes d'accord avec votre conception du développement soutenable et d'une agriculture durable. Oui, il faudra mettre fin à l'épandage aérien à terme, mais il n'est pas sûr qu'un traitement alternatif existe : apparemment, le traitement terrestre ne marche pas.... Attention à ne pas pénaliser les petits planteurs. Oui, un tracteur chenillé avec mât télescopique surplombant la canopée de la bananeraie pourrait être très rapidement opérationnel... Idem pour la pêche.

M. Gautier a rappelé que le contexte était difficile. Le Gouvernement a besoin de l'implication de chacun. Nous ne fléchirons pas sur l'octroi de mer !

M. Le Cam a évoqué les relations avec les pays voisins. Là aussi, il faut tout revoir. Les dérogations aux normes européennes sont indispensables, en matière de carburant, notamment. Il est aberrant que nous ne puissions pas importer le carburant raffiné par nos voisins ! Nous sommes encore dans un pacte colbertiste monodirectionnel...

Je réaffirme notre détermination à réussir la rupéisation, y compris à Mayotte : 450 à 475 millions d'euros devraient y être affectés sur la période 2014-2020. La négociation du cadre financier pluriannuel, le maintien de l'octroi de mer seront difficiles, mais nous ne lâcherons pas ! (Applaudissements)

Discussion du texte des propositions de résolution européennes

La proposition de résolution européenne relative à la stratégie européenne pour les régions ultrapériphériques à l'horizon 2020 est adoptée.

(Applaudissements)

Mme la présidente.  - C'est une très belle unanimité !

La proposition de résolution européenne sur l'Union européenne et le financement des régions ultrapériphériques françaises est adoptée.

(Applaudissements)

Mme la présidente.  - Là encore, belle unanimité ! En application de l'article 73 quinquies, alinéa 7, ces deux propositions de résolution européennes seront transmises au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire : titulaires, Mme Annie David, MM. Yves Daudigny, Jean-Pierre Godefroy, Ronan Kerdraon, Alain Milon, René-Paul Savary, Jean-Marie Vanlerenberghe ; suppléants, Mmes Catherine Deroche, Muguette Dini, Catherine Génisson, M. Jacky Le Menn, Mmes Michelle Meunier, Isabelle Pasquet, Catherine Procaccia.

La séance, suspendue à 16 h 40, reprend à 17 heures.

Débat sur le crédit à la consommation et le surendettement

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le crédit à la consommation et le surendettement.

M. David Assouline, président de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.   - Je me réjouis d'intervenir à cette tribune pour la quatrième fois dans le cadre d'un rapport présenté par la commission sénatoriale de contrôle de l'application des lois.

La loi du 1er juillet 2010, dite loi Lagarde, portait sur le crédit à la consommation et le surendettement -qui touche nombre de nos concitoyens. La commission pour le contrôle de l'application des lois a publié un excellent rapport, signé par Mme Escoffier et Mme Dini, sur cet important sujet. Seule Mme Dini présentera ce rapport, Mme Escoffier ayant été nommée au Gouvernement il y a six mois.

Ma commission s'efforce toujours de confier ses rapports à un binôme majorité-opposition. C'est une méthode qui a fait ses preuves, en diversifiant les analyses et en enrichissant le contrôle.

Sur beaucoup de sujets, les faits parlent d'eux-mêmes. Le surendettement, c'est d'abord une détresse que le législateur de 2010 a tenté de prévenir et guérir. Y sommes-nous parvenus ? En partie seulement. La réforme ambitieuse de 2010 reste à compléter, selon nos deux rapporteures, et doit être mieux mise en oeuvre. Position partagée par les associations, qui débouche sur des propositions de réformes. J'y souscris, car notre évaluation doit déboucher sur un meilleur rendement législatif. Mieux contrôler pour mieux légiférer, tel est notre credo. Mme Dini détaillera les vingt recommandations du rapport, qui rejoignent sur certains points des positions du Gouvernement, notamment sur le crédit renouvelable qui doit être mieux encadré. Nous aurons préparé le terrain pour les futures avancées, en apportant notre contribution aux commissions permanentes qui seront saisies des prochaines réformes. Tel est l'esprit de notre commission : c'est un progrès dans nos méthodes parlementaires.

Mme Muguette Dini, rapporteure de la commission sénatoriale pour le contrôle de l'application des lois.   - Mme Escoffier et moi-même avons procédé à une évaluation de la loi dite Lagarde. Nous avons auditionné vingt personnes et effectué quatre déplacements, à Lyon, à Lille, à Strasbourg et en Seine-Saint-Denis.

Trois constats : le premier concerne la mise en application de la loi : 31 mesures d'application ont été prises, quatre autres, secondaires, restent à prendre. Avec un taux de publication de 90 %, cette situation témoigne de la maîtrise de la mise en application de la loi par le Gouvernement, d'autant qu'il a largement consulté les acteurs concernés. Les textes d'application ont été publiés en trois étapes, depuis la promulgation de la loi jusqu'au printemps 2011.

Deuxième constat : les avancées ont été importantes. La loi Lagarde a encadré le crédit à la consommation, via l'encadrement des publicités, la refonte des contrats, l'information des vendeurs, l'informatisation lors de la souscription des crédits, la vérification de la solvabilité de l'emprunteur.

Figure désormais obligatoirement sur les contrats la formule : « Un crédit vous engage et doit être remboursé. Vérifiez vos capacités de remboursement avant de vous engager ». Les termes de crédit revolving ou permanent, de « réserve d'argent » ont été proscrits, au profit du terme de crédit renouvelable. La durée maximale de remboursement est de 36 mois pour les montants inférieurs à 3 000 euros, de 60 mois au-delà.

Les contrats doivent être plus lisibles. Les cadeaux et offres promotionnelles associés au crédit ont été limités à 80 euros. La formation des responsables de ventes, des vendeurs de crédit et des vendeurs en magasin a été renforcée.

L'informatisation du traitement de la vie du crédit est particulièrement importante pour un crédit renouvelable, d'autant qu'elle s'applique, selon la loi, au stock des crédits en cours, d'où un important chantier pour les établissements de crédit.

Pour mieux responsabiliser les acteurs, la loi du 1er juillet 2010 a introduit la vérification de la solvabilité de l'emprunteur, qui passe par la consultation obligatoire du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) et par l'établissement d'une fiche de dialogue pour évaluer sa situation. Pour un crédit de plus de 1 000 euros, des pièces justificatives sont exigées.

Le surendettement a changé de nature : d'actif, dû à l'excès de crédits, il est devenu, depuis dix ans, passif et touche les particuliers aux ressources trop faibles pour faire face aux charges de la vie courante. Le premier objectif de la loi Lagarde était d'accélérer le traitement des dossiers, afin d'éviter que la dette augmente durant leur examen. Avec la crise, le nombre de dossiers a progressé de 6 % entre 2010 et 2011, pour un total de 232 000 dossiers, auxquels il convient d'ajouter les procédures en cours, soit un total de 746 000 dossiers ; 5 % des ménages payant l'impôt sur le revenu. La loi a imposé aux commissions de surendettement, dont le secrétariat est assuré par la Banque de France et la présidence par le préfet ou son représentant, un délai d'examen de trois mois de la recevabilité des dossiers, contre six mois auparavant. La dette peut être rééchelonnée ou les intérêts effacés sans procédure judiciaire.

La loi Lagarde a voulu mieux protéger le débiteur : suspension des mesures d'exécution, rétablissement du droit aux aides personnalisées au logement (APL), réduction à cinq ans de la durée maximale d'inscription au FICP. Le budget « vie courante » est harmonisé et fixé à 700 euros en moyenne, hors logement, impôts, frais de garde, de scolarité et pension alimentaire, tout en permettant de tenir compte des spécificités géographiques.

En dépit de ses avancées, la loi Lagarde doit être améliorée. L'encadrement du crédit reste inachevé. La publicité passive que constitue le démarchage commercial n'est pas assez encadrée. Nous proposons de l'interdire pour le crédit renouvelable, et de prohiber les lots promotionnels liés à l'entrée dans le crédit. Les cartes « confuses », à la fois carte de fidélité et de paiement, sont également dangereuses. Elles demeurent la principale porte d'entrée dans le crédit. Il faut les interdire en découplant cartes de fidélité et cartes de paiement.

La commission doit être la même pour un crédit renouvelable ou amortissable. Nous proposons d'interdire toute rémunération du vendeur en fonction du type de crédit. Jusqu'à présent, seuls les revenus étaient examinés et non les charges. C'est pourquoi nous proposons de rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés de compte. Le regroupement de crédits allonge les durées de remboursement jusqu'à dix ans ; il convient de limiter la durée de ces opérations. Les découverts bancaires progressent au fur et à mesure que diminue l'utilisation des crédits renouvelables. Nous proposons d'allonger à cinq ans la durée du comité de suivi de la réforme de l'usure et d'élargir sa compétence aux découverts bancaires.

La loi Lagarde a amélioré et accéléré le déroulement du traitement des situations de surendettement. Nous recommandons que le total des créances figurant dans l'état définitif du passif comprenne les intérêts échus entre la décision de recevabilité et la date d'arrêt du passif. Il faut éviter que les sommes inscrites dans le passif génèrent des intérêts.

Le délai d'un an est trop court quand plusieurs recours judiciaires ont été lancés. Nous préconisons d'allonger à 18 mois la durée maximale de suspension des mesures d'exécution et de fixer un délai précis pour la négociation du plan conventionnel. Attention à la limitation à cinq ans de l'inscription au FICP, qui peut inciter à conclure de nouveaux crédits...

La présence de représentants du conseil général et de la caisse d'allocations familiales (CAF) à la commission en surendettement apporterait de l'humanité à la procédure. Jusqu'à présent, les surendettés n'ont aucun contact avec la commission, à l'exception de l'employé de la Banque de France qui reçoit le dossier. Une expulsion du logement alors que le débiteur pouvait payer ajoute à la détresse. Il est essentiel de permettre au juge d'autoriser le débiteur à payer ses dettes de loyer ou les charges d'acquisition de son logement, afin qu'il soit maintenu dans son logement. Il faut un accompagnement social obligatoire en cas de nouveau dépôt de dossier de surendettement -ce qui n'est pas rare, loin s'en faut. Le « redépôt » signale une forme d'échec : il doit comporter un suivi personnalisé. Il faut prévoir un module d'éducation à la gestion d'un budget familial.

Sur le terrain, nous avons entendu beaucoup de choses, souvent contradictoires, sur la création du fichier positif. Il n'apportera qu'une partie des informations nécessaires sur la situation de l'emprunteur. Il poursuit un objectif de prévention et pourrait faciliter l'accès au crédit des personnes qui en sont exclues, salariés en CDD ou jeunes.

Le fichier proposé est assez maximaliste. Nous proposons d'en limiter l'ampleur en ne recensant que les crédits actifs, avec des encours restant dus supérieurs à 200 euros, qui ne conserverait les données que quelques mois.

Ma position personnelle a évolué : je suis moins favorable à ce fichier positif que je ne l'étais. Il n'est pas la solution miracle. Le problème du coût et de la protection des données personnelles sont à prendre en compte.

Si la loi du 1er juillet 2010 a amélioré la protection du consommateur, elle n'est pas allée au fond des choses. Avec Mme Escoffier, nous avions envisagé une proposition de loi pour la compléter. Sa nomination au Gouvernement m'a conduite à la déposer seule, avec son accord. J'espère, monsieur le ministre, que nous pourrons y travailler ensemble, pour mieux protéger et responsabiliser les emprunteurs et leurs interlocuteurs.

Mme Escoffier étant entrée au Gouvernement, je l'ai fait seule. J'espère que nous pourrons améliorer ces situations difficiles.

Mme Aline Archimbaud .  - Merci à nos collègues pour leur rapport précis et utile. Les avancées de la loi Lagarde sont réelles. En juin 2012, le nombre de ménages surendettés était de 757 000, pour un endettement moyen de 37 500 euros, sachant que 82,3 % de ce surendettement correspond à des dettes financières.

La Banque de France est engagée dans un projet de restructuration qui met en danger son traitement des dossiers de surendettement et donc la cohésion sociale. La création des plates-formes régionales marque un premier désengagement territorial : un portail internet va se substituer à l'accueil individuel en Seine-Saint-Denis. C'est inadapté : la proximité des interlocuteurs est indispensable, monsieur le ministre, quand il s'agit de gens en grande précarité, déjà malmenés par la vie.

Les crédits à la consommation sont les principaux éléments qui expliquent le surendettement, notamment les crédits renouvelables : ils sont présents dans 88 % des dossiers de surendettement. Ces crédits sont théoriquement accordés pour financer l'achat de biens durables, 31 % de ménages en détiennent un. Certains magasins de distributeurs proposent aussi des crédits renouvelables, à des taux d'intérêt souvent plus élevés qu'une banque : 97 % des crédits renouvelables proposés par les établissements spécialisés ont un taux supérieur à 16 %, la proportion n'étant que de 58 % pour les prêts bancaires.

La loi Lagarde devait encadrer le crédit sans entraver la consommation. Qu'il faille aller plus loin, je n'en prendrai qu'un exemple. Ceux qui possèdent une carte Visa reçoivent une « lzicarte » lors du renouvellement de leur carte, leurs conseillers bancaires n'hésitant pas à leur mentir en disant que c'est obligatoire. Avec cette carte, il faut presser sur le bouton « crédit » ou « comptant » du terminal de paiement. On voit comment beaucoup appuient sur le mauvais bouton et s'engagent sans l'avoir voulu dans un crédit renouvelable

Il est urgent d'encadrer le démarchage, de découpler les cartes de crédit et de fidélité. On ne peut admettre que des organismes financiers s'enrichissent en piégeant nos concitoyens. Nous proposons de limiter le montant des prêts, de mieux les encadrer. Une enquête menée dans le Maine-et-Loire montre que dans 57 % des cas, la fiche récapitulative n'existe pas. Les contrats, compliqués à plaisir, doivent être simplifiés. (Applaudissements)

M. Alain Fouché .  - La précédente majorité avait voté la loi Lagarde qui devait mettre fin aux abus et aux excès des crédits à la consommation.

La majorité avait voulu protéger les consommateurs sans décourager le crédit à la consommation, qui est un outil utile pour les petits et les gros achats, sachant que la consommation soutient la croissance. Dans la vente par correspondance, 40 % du chiffre d'affaires sont liés au crédit à la consommation -un secteur qui emploie 20 000 personnes dans le Nord. Deux voitures sur trois sont achetées de cette manière.

Encadrer n'est pas interdire. La loi Lagarde peut se résumer ainsi : moins d'excès, plus d'accès. Il fallait recentrer le crédit renouvelable sur les petits crédits, mettre fin aux excès de la publicité, éviter que le consommateur ne tombe dans le crédit à son insu. Nous voulions protéger les consommateurs en transférant les responsabilités aux prêteurs. Les établissements de crédit ont modifié leurs pratiques et le rapport de forces a été rééquilibré pour éviter les excès. Le consommateur peut désormais avoir le choix entre crédit renouvelable et achat comptant.

Cette réforme a conduit les prêteurs à changer leurs pratiques, la loi leur ayant transféré de nouvelles responsabilités. Les emprunteurs sont loin de tous maîtriser la portée de leurs engagements dans un crédit à la consommation. Les principales avancées de la loi Lagarde sont encore mal connues. Les études de solvabilité ne sont pas systématiquement réalisées alors qu'elles sont obligatoires. Les consommateurs ne savent pas qu'au-delà de 1 000 euros une offre alternative doit leur être faite sur le lieu de vente. Il faudrait donc s'interroger sur les supports de communication et les moments opportuns pour informer les consommateurs.

La création d'un registre national, dit fichier positif, est souhaitable afin de prévenir le surendettement actif. L'excès de crédit est directement responsable de 20 % du surendettement ; les accidents de la vie ne conduisent au surendettement que dans la mesure où une surconsommation de crédit a servi à compenser momentanément la perte de revenus. En limitant le surendettement actif, un registre national des crédits réduirait à la fois le nombre de dossiers de surendettement et le montant moyen des dettes dans chacun. En France, l'endettement moyen des surendettés est de 38 200 euros contre 28 200 euros en Allemagne, qui dispose d'un fichier privé, et de 15 000 euros en Belgique qui dispose d'un fichier public.

La loi Lagarde répondait à l'urgence économique et sociale. Son application a recomposé le paysage du crédit à la consommation. Cependant, il aurait fallu aller plus loin dans la protection du consommateur en encadrant mieux le démarchage commercial et en interdisant les cartes confuses, à la fois cartes de paiement et de fidélité. (Applaudissements)

M. Gérard Le Cam .  - Le 14 novembre, des millions de personnes descendaient dans la rue partout en Europe pour manifester contre l'austérité. Le rapport Gallois, comme naguère le rapport Attali, propose de relever la croissance par l'offre et non par la demande, ce qui laisse peu d'espoir pour les mois à venir. Les prix de l'énergie ne cessent d'augmenter. L'étude du Secours catholique montre que de plus en plus de ménages doivent faire face à des impayés : d'abord le loyer, puis le gaz et l'électricité... Le rapport souligne la hausse du nombre de dossiers de surendettement. La Cour des comptes note que le surendettement est surtout actif et qu'il est largement dû aux crédits renouvelables. La loi est insuffisante, Mme Dini le reconnaît à demi-mot. Dans l'exposé des motifs d'une proposition de loi centriste déposée à l'Assemblée nationale, on lit que réglementer la publicité et garantir l'information restent des mesures très insuffisantes. Nous sommes très heureux que certaines de nos propositions, rejetées hier, soient désormais jugées intéressantes. Je pense à l'avancement de la date de l'arrêté du passif au moment de la décision de recevabilité dans le cadre des procédures de redressement, ou à l'interdiction des cartes confuses. Les cartes de crédit adossées permettent de ne pas vérifier la solvabilité des emprunteurs. Il faut y mettre un terme. L'UFC-Que choisir fait apparaître que, dans 85 % des cas, aucune demande n'est faite sur la solvabilité des emprunteurs pour des crédits renouvelables.

Nous avons proposé d'améliorer l'information des citoyens en cas de surendettement et de modifier le calcul du taux d'usure. Nous avions également défendu l'interdiction du démarchage pour un crédit renouvelable et l'interdiction de toute rémunération du vendeur en fonction des modalités de paiement. Je pourrais aussi dénoncer le fait que le crédit sur internet se développe sans contrôle ; les sites de simulations de crédit aboutissent à des sites offrant des crédits renouvelables.

On ne saurait trop insister sur l'importance pour une telle loi des services d'accompagnement, d'information et de contrôle. Dans son rapport spécial pour la mission « économie », Mme Didier remarquait l'an dernier que la DGCCRF est face à un effet de ciseau entre l'extension de ses missions et la fonte de ses effectifs. En 2011, deux enquêtes ont été menées par cette direction sur les crédits à la consommation et les assurances emprunteur. Pour 2012, trois enquêtes nationales sont programmées, notamment sur les crédits renouvelables. La Banque de France devrait être plus présente dans le suivi des surendettés, mais le plan Noyer met en péril cette mission. En Bretagne, la situation est particulièrement grave, la présence sur tout le territoire doit être renforcée et les moyens de la DGCCRF doivent être abondés.

Mme Odette Herviaux.  - Très bien !

présidence de M. Jean-Pierre Raffarin,vice-président

Mme Françoise Laborde .  - Le surendettement des ménages est un fléau, dont les causes et les effets ont évolué. La loi Lagarde a constitué une avancée sur un chemin qui reste encore long. Je salue le travail de Mmes Dini et Escoffier qui met en évidence la pertinence de la loi de 2010, tout en appelant d'autres réformes.

En Midi-Pyrénées, l'augmentation du nombre de surendettés a été de 40 % ces cinq dernières années. Les antennes de la Banque de France ne peuvent plus faire face, d'autant que certaines ferment.

Le surendettement n'est plus dû principalement à une consommation excessive de crédits mais aux difficultés croissantes de ménages frappés par la crise et confrontés à des charges fixes qui ne diminuent pas ; loyer, énergie, téléphonie, carburant... Plus de huit millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté.

Le surendettement doit être articulé avec le droit au logement afin qu'il ne donne pas lieu à expulsion. La notion d'un référent social va dans le bon sens.

La lutte contre le surendettement passe par l'éducation. La loi de 2010 a encadré les pratiques des professionnels. Cependant la mise en conformité avec ses très nombreuses obligations a eu un coût très important pour les acteurs du marché. Or le législateur doit penser à la fois à la protection des consommateurs et à celle de l'emploi.

Les propositions concernant la DGCCRF vont dans le bon sens. Il faut aller plus loin que la loi de 2010 pour le regroupement des crédits. Un encadrement de la publicité s'impose, ainsi que la suppression des cartes confuses. N'oublions pas, en nous focalisant sur les cartes de crédit, l'importance de la dématérialisation.

Quelques mots enfin sur le fichier positif. Les formes de surendettement ont évolué, et ce fichier devra respecter les libertés individuelles, comme l'a rappelé la Cnil. Sa consultation devra être très encadrée.

Le groupe RDSE soutiendra les efforts à venir pour juguler le surendettement. (Applaudissements à gauche)

M. Joël Guerriau .  - Je me réjouis de ce débat. Nous sommes à mi-chemin entre deux lois : celles de Mme Lagarde et la future loi promise pour 2013. Le Sénat contrôle l'application des lois. Je salue le travail de Mmes Dini et Escoffier ; leur rapport pourrait être un excellent support pour la loi que vous projetez, monsieur le ministre.

La prévention du surendettement est depuis longtemps une préoccupation majeure pour mon groupe. Notre pays traverse une crise économique profonde. Nous devons protéger les plus vulnérables. Le nombre de dossiers atteint 746 000. Les crédits à la consommation peuvent apporter une compensation de revenus provisoire, mais le recours abusif plonge les ménages dans une situation inextricable. Le crédit à la consommation doit être mieux encadré.

Ma famille politique s'est toujours battue pour que le crédit renouvelable soit plus et mieux encadré, pour que le consommateur de crédit soit protégé tant des établissements prêteurs que de lui-même. Mme Dini y a beaucoup oeuvré lors de l'examen du projet de loi de 2010. En 2005, Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin déposaient à l'Assemblée nationale une proposition de loi ; en 2008, Mme Dini et M. Mercier en déposaient une au Sénat ; début 2012, c'est Valérie Létard qui proposait d'instaurer un répertoire national du crédit.

Il est primordial que les établissements d'emprunts s'assurent de la solvabilité des emprunteurs. Certes, grâce à la loi Lagarde, certains documents sont obligatoires mais pas toujours fournis... Seule la création d'un répertoire national répondrait à ces problèmes et responsabiliserait tous les acteurs : c'est un ancien directeur de banque qui vous le dit ! M. le ministre n'est pas favorable à ce répertoire, je le regrette car il offrirait une protection aux consommateurs. Son utilisation ne devrait évidemment pas être dévoyée. Pourquoi ne pas mieux encadrer cette consultation ? Pourquoi ne pas prévoir un système de points, sur le modèle du permis de conduire ? Bien sûr, le coût de la confection de ce fichier serait élevé, mais pourquoi ne pas faire payer les consultations ? Nous sommes ouverts à des dispositifs concrets et efficaces.

La loi de 2010 peut être améliorée. Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'elle avait amélioré la situation. Nous sommes rassurés par vos déclarations sur le crédit renouvelable, que vous voulez encadrer et non supprimer. Quel sera le calendrier de l'examen de votre future loi ? Comprendra-t-elle des dispositions en faveur des class-actions ?

Mme Muguette Dini.  - Très bien !

Mme Françoise Cartron .  - Le 21 juin 2010, la loi Lagarde était adoptée au Sénat, vingt ans après la loi Neirtz. Il s'agissait de mieux encadrer les pratiques du crédit à la consommation et d'accompagner les surendettés, en intervenant à la fois en amont et en aval. Au Sénat, nous avions regretté à l'époque certaines insuffisances, notamment en matière sociale. Le Gouvernement voulait obtenir un vote conforme, ce qui nous avait interdit d'améliorer le texte en deuxième lecture.

Je salue le rapport que nous présente Mme Dini : si la loi a été correctement appliquée, des problèmes demeurent. La législation doit donc intervenir en amont et mieux accompagner les débiteurs. Il faut trouver un juste équilibre entre la préservation du recours au crédit et la protection des consommateurs, en particulier des plus modestes qui, exclus de l'accès aux crédits traditionnels, se dirigent plus facilement vers des crédits renouvelables. Que l'on dise prêt revolving, prêt-relais ou réserve d'argent, c'est toujours le même instrument terrible de surendettement aux effets dévastateurs sur les plus fragiles

Afin de satisfaire aux demandes des associations de consommateurs, il faut découpler cartes de fidélité et cartes de crédit. Mme Bricq l'avait, en son temps, demandé, Mme Dini le fait aujourd'hui. Quand 60 % des cartes proposées en magasin associent fidélité et crédit, le consommateur entre dans le crédit à son insu. Jusqu'à 1 000 euros, point besoin de justificatif pour obtenir un crédit : la seule déclaration suffit. Ne faudrait-il pas exiger des pièces justificatives et prévoir un abaissement du plafond ?

Si les publications sont mieux encadrées, les sollicitations commerciales perdurent, laissant penser aux emprunteurs que ce type de crédit peut améliorer leur situation, ce qui fragilise les plus modestes. La question des contrôles est donc posée.

Avec la crise, le crédit amortissable se substitue au crédit renouvelable. Cette amélioration ne doit pas faire oublier que 250 000 dossiers de surendettement ont été déposés au dernier trimestre 2011, soit une augmentation de 7 % par rapport à 2010. La hausse est de 21 % entre 2007 et 2011. Derrière ces 750 000 dossiers de surendettement, il y a des ménages qui souffrent, des risques de décrochage social. Ce ne sont pas forcément des accidentés de la vie mais des ménages qui disposent de revenus trop faibles pour répondre aux charges courantes. Certaines offres adaptées à la recomposition du marché du travail doivent être envisagées.

Si le profil des surendettés a évolué, les pratiques des commissions de surendettement n'ont pas évolué, l'accompagnement social manque toujours à l'appel. La loi de 2010 n'a pas assez pris en compte cet aspect devenu prioritaire. Un renforcement des moyens humains au sein de la banque de France ne peut tenir lieu d'unique solution. Les procédures ont été rendues plus rapides et simplifiées, par la déjudiciarisation des démarches et la création d'une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire pour les situations irrémédiablement compromises. C'est une avancée même si, en rendant la procédure uniquement administrative, on a banalisé le parcours du débiteur sans vraiment le rapprocher de l'information nécessaire.

L'articulation entre surendettement et droit au logement est indispensable. Lorsque le paiement permet la conservation du logement, il faudrait que le débiteur puisse payer son loyer pour éviter l'expulsion. Un travail de détection des ménages en difficulté est indispensable, avec un référent social.

Quelles mesures entendez-vous mettre en oeuvre, monsieur le ministre, pour prévenir l'entrée dans les crédits dangereux et améliorer le suivi social des débiteurs engagés dans des procédures lourdes, l'objectif étant le rebond le plus rapide et le plus durable possible des personnes concernées ? (Applaudissements à gauche)

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation .  - Je salue le rapport de Mmes Dini et Escoffier. La commission du contrôle et de l'application des lois est particulièrement utile : elle permet au Sénat d'apprécier le bien-fondé des choix politiques passés et de vérifier que les lois sont mises en oeuvre conformément à la volonté du législateur ; elle illustre l'intérêt qu'il y a pour un nouveau gouvernement de tirer le meilleur de ce qui a été fait, sans faire table rase de tout ! Je m'inspirerai des travaux déjà réalisés, notamment au Sénat, pour élaborer le texte « consommation » que je vous soumettrai en 2013.

Vous avez été plusieurs à évoquer la Banque de France. En dépit des contraintes budgétaires actuelles, l'objectif n'est pas de réduire l'accueil des personnes surendettées, qui reste une priorité : dès lors qu'il y a plus de 1 000 dossiers déposés par an, le guichet sera maintenu. La dématérialisation des procédures ne se fera pas au détriment de cette mission fondamentale d'accueil.

Je veux rassurer M. Le Cam : la DGCCRF a vu ses moyens diminués par la RGPP et la réforme de l'administration territoriale, alors que ses missions ont évolué ; elle ne compte plus que neuf agents dans 30 % des départements. La polyvalence a ses limites. Si nous ne voulons pas nous retrouver face à de graves problèmes de santé publique, il faut maintenir les effectifs, car la DGCCRF a une mission essentielle de service public sur le terrain. C'est ce que prévoit le projet de loi de finances pour 2013.

M. Guerriau a évoqué les class actions -à la française, dit-on, pour prendre ses distances avec le modèle américain, qui a surtout enrichi les cabinets d'avocats... Je vous confirme que nous voulons protéger la partie au contrat la plus vulnérable, c'est-à-dire le consommateur. L'action de groupe à la française, annoncée par les présidents Chirac et Sarkozy, figurera bien dans le projet de loi consommation que je vous présenterai l'année prochaine. Avec Mme Taubira et M. Moscovici, nous souhaitons en limiter le champ à la réparation des préjudices économiques et matériels. Quelle procédure ? Opt in ou opt out ? Faut-il systématiquement passer par des associations agréées ? Un filtrage par le juge est-il souhaitable ? Sur toutes ces questions, j'ai déjà engagé la concertation avec les acteurs, associations consuméristes, Medef et CGPME. Je connais les inquiétudes et les réticences ; nous essayerons de les surmonter et d'aboutir à un consensus, non pour pénaliser l'activité mais pour protéger les consommateurs et redistribuer la rente économique à leur profit lorsqu'elle procède de pratiques anticoncurrentielles.

Parmi les autres mesures de la future loi, il conviendra d'élargir la palette de sanctions administratives de la DGCCRF, de permettre à ses agents d'intervenir en « client mystère ». Seront aussi traitées les identités géographiques des produits manufacturés, à la suite de l'affaire Laguiole, ou les clauses abusives des contrats.

Je co-présiderai, dans le cadre de la conférence de lutte contre la pauvreté, une table ronde sur l'inclusion bancaire et la lutte contre le surendettement. Les travaux de M. Soulage, président du Secours catholique, nourrissent la réflexion du Gouvernement ; M. Moscovici déposera bientôt un projet de loi bancaire qui reprendra plusieurs de vos propositions sur le crédit à la consommation, dont l'encours atteint 150 milliards et qui concerne 8 millions de ménages. Le crédit à la consommation est utile, il permet aux ménages de s'équiper et met de l'huile dans l'un des moteurs de la croissance : la consommation, les exportations et les investissements étant en grande partie en panne. Mais on ne peut se contenter d'une vision macro-économique. Dans les dossiers de surendettement, il y a toujours plusieurs crédits à la consommation et souvent plusieurs crédits renouvelables. Comment mieux appliquer la loi Lagarde ? Comment lutter plus efficacement contre le drame du surendettement qui précipite des familles dans des situations inextricables, quand ce n'est pas dans le suicide ? Notre responsabilité est à la fois économique et sociale. Le travail du Gouvernement s'articule autour de cet équilibre.

Mme Dini et Mme Escoffier estiment que la loi de 2010 est ambitieuse mais inachevée. Le Gouvernement partage cet avis, et salue l'apport du Sénat à l'époque. L'interprétation de la loi par les professionnels a été trop restrictive : le crédit à la consommation n'est pas devenu aussi responsable qu'espéré.

La loi a atteint plusieurs de ses objectifs : le fait que le paiement au comptant soit devenu l'option par défaut a permis de diviser par trois en quelques années les transactions avec recours au crédit. La part des crédits renouvelables a baissé et leurs taux ont diminué, passant en moyenne de 15,41 % à 14,9 %. Cette baisse est certes faible, mais réelle. La nouvelle règle de l'amortissement minimum a également été bénéfique.

Néanmoins, toutes les pratiques ne sont pas encore responsables. L'alternative crédit amortissable/crédit renouvelable n'est pas toujours effectivement proposée, les contrats sont trop volumineux et peu lisibles, la fiche de dialogue récapitulative des ressources et des charges est largement déclarative. La souscription du crédit « de trop » doit relever pour nous de la responsabilité du prêteur, pas de celle de l'emprunteur.

Le repositionnement du crédit renouvelable est également un point positif. Son encours a baissé, il se recentre sur des prêts de faible montant, la durée de remboursement et les taux baissent. C'est heureux. Sans ignorer les difficultés des établissements de crédit, je souhaite qu'ils gagnent moins d'argent sur les consommateurs mal informés, mal avisés, voire abusés.

Il faut aller plus loin, dites-vous. Vous proposez le découplage des cartes de paiement et de fidélité -ce que plusieurs grandes enseignes font déjà ; l'interdiction du démarchage pour les crédits renouvelables ; la possibilité de contrôles « mystère » par les agents de la DGCCRF. Les trois relevés de compte pour vérifier la solvabilité ? C'est beaucoup... Je préférerai le registre national du crédit, qui éviterait cette mise à nu du consommateur. Vous proposez également d'interdire que la rémunération du vendeur soit liée au placement d'un crédit et que des rabais soient proposés en échange de l'acceptation d'un crédit.

Sur l'obligation de proposer un crédit amortissable à la place d'un crédit renouvelable au-delà d'un certain montant, sur les formules « n fois sans frais », sur les cartes de fidélité, la réflexion doit être poursuivie. Il faut utiliser tous les instruments à notre disposition pour renforcer la protection du consommateur.

La loi Lagarde a rendu la procédure de traitement du surendettement plus fluide mais elle n'a pas atteint son objectif de prévention. Les commissions de surendettement peuvent désormais imposer des mesures comme le rééchelonnement du paiement des dettes sans intervention du juge. Une procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, qui débouche sur l'effacement des dettes du débiteur, a été instaurée. Mais la loi n'a pas réussi à infléchir la tendance : 232 493 dépôts de dossiers en 2011 et un stock de dossiers extrêmement important. En cette période de crise, les consommateurs entrent dans la spirale du surendettement : on souscrit un crédit à la consommation pour rembourser le précédent... Mais les dossiers déposés aujourd'hui contiennent peu de crédits contractés après l'entrée en vigueur de la loi.

Je soutiens certaines de vos propositions : l'avancement de la date d'arrêté définitif du passif au moment de la décision de recevabilité ou la dispense, pour les commissions, de passer par un plan amiable lorsque la recherche d'un accord est voué à l'échec. Je suis en revanche plus réservé sur l'allongement à dix-huit mois de la durée maximale de suspension des procédures d'exécution après la déclaration de recevabilité ; et sur l'alignement de la durée d'inscription au Fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) sur celle des mesures de traitement, soit huit ans. Revenir sur la possibilité de radiation anticipée après cinq ans serait défavorable aux personnes surendettées.

J'en viens au fichier positif -le registre national du crédit. Un comité de préfiguration a été créé le 2 août 2011 : son rapport souligne le rôle qu'aurait un tel fichier pour mieux renseigner sur la solvabilité des emprunteurs et responsabiliser davantage les prêteurs -78 % des ménages surendettés ont contracté plus de huit crédits ; 54 %, plus de dix. Ce registre existe dans la majorité des pays développés. Pour approfondir la réflexion, j'ai saisi la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Outre les questions de libertés publiques, sur lesquelles la Cnil se prononcera en dernier ressort, il faut apprécier le coût du dispositif -entre 40 millions et 800 millions, très certainement en deçà de ce dernier chiffre- et faire le choix de l'identifiant, qui n'est pas neutre. Il faut encore y travailler ; une concertation sera menée d'ici la fin de l'année pour inclure, le cas échéant, une mesure dans le projet de loi « consommation ».

Des propositions seront faites au Parlement dès la loi bancaire, d'autres le seront dans le texte « consommation ». Le travail du Sénat sera très utile au Gouvernement pour améliorer la protection des consommateurs et mettre en place un ordre public économique qui leur soit plus favorable. (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 19 h 5.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 21h 30.

Débat sur les inondations dans le Var et le sud-est

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur les inondations qui se sont produites dans le Var et, plus largement dans le sud-est de la France, au mois de novembre 2011.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur de la mission commune d'information .  - Le Var a vécu en juin 2010 et novembre 2011 deux catastrophes majeures. La première a entraîné 23 morts, deux disparus, 1,2 milliard d'euros de dégâts ; la seconde, qui a touché plusieurs départements du sud-est de la France, quatre morts, 500 à 800 millions d'euros de dégâts.

Ces événements régionaux nous ont appelés à réinterroger notre politique en matière d'inondations, seule manière de comprendre son efficacité réelle dans certains domaines et ses maigres résultats dans d'autres. Le rapport est épais et s'il glisse des spécificités varoises, méditerranéennes ou cévenoles à des préconisations générales, c'est en raison d'une accumulation de surprises. Si certaines de nos conclusions fleurent l'hérésie, je vous prie de nous en absoudre.

Globalement, le dispositif de crise fonctionne de façon satisfaisante. Il faut donc que la collectivité y mette le prix : 5,7 milliards d'euros pour la protection civile, dont 4,7 milliards à la charge des collectivités territoriales.

En revanche, nous avons été surpris de constater qu'il y avait deux sortes de crises : celle que l'on attend et... les autres.

L'inondation de 2010 a été brutale et imprévisible, bien loin du schéma de gestion de crise pilotée par le préfet et ses services. Il a fallu réagir dans l'urgence, sans communication, l'essentiel des moyens étant sous l'eau. Dix-huit mois plus tard, la nature a eu le bon goût de respecter ce qui avait été prévu par le règlement. Faut-il se contenter de ces deux types de crises ? Certes non. Sans remettre en cause le rôle du préfet, il faut associer les élus locaux à la gestion des crises, mais aussi les organisations de volontaires, comme cela se fait en Italie et comme cela s'est fait spontanément dans le Var en 2010. Sans remettre en cause le rôle du préfet, spécificité française, il faut diffuser la culture du risque. Pour le reste, l'effort doit porter sur l'équipement des départements en stations de mesure et de surveillance, sur le renforcement de la coordination et de la communication. L'amélioration de la fiabilité et de la qualité des messages est également nécessaire. S'appuyer sur le seul téléphone portable est un peu léger... Plus la prévision est sûre, moins elle est précise : savoir que l'on est en alerte orange ne vous avance guère.

Améliorer la gestion de l'immédiate après-crise est indispensable. Les critiques révèlent un déficit de communication. Une fois la crise passée, les choses reprennent leur cours, le tempo de l'administration éternelle se remet à battre. Nous proposons de créer des comités de suivi post-inondation, de les réunir régulièrement et de renforcer le système d'indemnisation, essentiellement assurantiel et complété notamment par le Fonds national de garantie des calamités agricoles (FNGCA), le programme 122, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac)...

Le régime « catnat », c'est 530 millions d'euros d'indemnisation par an et 775 millions de cotisations. Le programme 122, c'est 15 millions d'euros au projet de loi de finances 2012. Il convient d'améliorer la situation des collectivités sinistrées en rendant automatique le remboursement anticipé de la TVA pour les travaux de reconstruction.

Ce soir, les communes du Var inondées en 2011 ne savent même pas comment elles seront indemnisées ! Nous proposons de responsabiliser davantage les assurés et les assureurs. Pour le détail, je vous renvoie au rapport.

J'en viens à la prévention : elle est inexistante. On ne peut appeler politique un amas de mesures ponctuelles, aléatoirement financées, qui parfois se neutralisent. Les piles de rapports de retour d'expérience qui suivent les catastrophes disent tout. Sans catastrophe majeure, pas de prévention. La première raison est financière. La prévention active coûte 250 à 300 millions d'euros, à comparer aux chiffres que j'ai cités plus haut. Elle est prise en charge aux deux tiers par les collectivités locales et leurs établissements publics. La contribution de l'Etat est financée pour un tiers par les assurés et pour un autre tiers par les agences de l'eau, c'est-à-dire le consommateur : bel exercice de camouflage !

Les plans de prévention du risque inondation (PPRI), c'est beaucoup de papiers administratifs, de réglementations et peu d'aménagements.

La deuxième raison, c'est l'absence de visibilité des élus et des services de l'État sur leurs responsabilités. Les propriétaires riverains se défaussent sur les collectivités. Le bon sens voudrait qu'il y ait une définition légale de la force majeure, comme aux Pays-Bas, et que la loi donne une définition du cours d'eau.

En outre, le dispositif est autobloquant. L'inondation est traitée comme un risque aléatoire et secondaire, alors qu'elle concerne plus de la moitié des communes françaises, 40 % de l'emploi et provoque un milliard d'euros de dégâts par an. Il n'y a pas de responsabilité unique au sein de l'État, ce qui explique sans doute le nombre de bâtiments publics en zone inondable... Autobloquant aussi, car les administrations s'opposent les unes aux autres, les PPRI ne sont pas toujours élaborés et mis en place. Le préfet parle prévention et responsabilité, les élus opposent à ces risques le développement économique, le logement et l'emploi...

Dans le meilleur des cas, on assiste à des compromis entre diverses demandes -qui n'est pas satisfaisant.

Il n'y a, en théorie, aucune opposition entre la police de l'eau et les responsables chargés de la prévention. Le moulin à prières répète qu'empêcher d'intervenir dans le lit des cours d'eau est le meilleur moyen d'empêcher les inondations. La réalité est tout autre. Lorsqu'il y a accord, cela a demandé beaucoup de temps, mais, en général, l'affrontement entre les deux domine.

Dispositif autobloquant aussi car sa gouvernance locale et nationale est évanescente.

Comment sortir de cette situation ? Une politique d'aménagement territoriale doit être définie, comme cela existe aux Pays-Bas, ou à Sommières, en France -qui vit depuis le Moyen Âge dans le lit majeur du Vidourle, mais aussi dans les cités de Nantes métropole ou d'Ajaccio : protéger pour mieux habiter, plutôt qu'empêcher d'habiter pour protéger.

La lutte contre l'inondation doit être une priorité et être intégrée dans une politique plus vaste de développement économique. Il s'agit de définir un niveau d'aléa clair : il faut créer un établissement public par bassin versant, responsable des inondations. La région devrait jouer le rôle de chef de file.

Le suivi du financement de la politique de prévention est indispensable.

Les PPRI doivent pouvoir évoluer, en associant davantage les élus et la population. Les collectivités territoriales ne sauraient accepter des compétences nouvelles sans les moyens juridiques, financiers et humains correspondants.

Ne serait-il pas temps de cesser de se renvoyer la balle ? Les Néerlandais ont mis au point un système particulièrement performant, en définissant par voie législative le niveau de sécurité de leur population, pour 2 000 à 10 000 ans, alors qu'à Paris, c'est 100 ans. La compétitivité passe aussi par la sécurité.

Alors, la suite à la prochaine catastrophe, à moins que... (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Louis Nègre, président de la mission commune d'information sur les inondations dans le Var.   - Je me félicite du travail constructif que nous avons réalisé avec le rapporteur. Nos convictions politiques sont différentes, mais nous avons fait primer l'intérêt général, et le rapport a été approuvé à l'unanimité.

Les inondations sont un phénomène météorologique aléatoire, dangereux et coûteux. La mission a constaté que les inondations étaient plus importantes sur un territoire donné que l'inconscient collectif ne le croit. En juin 2010, les inondations ont pourtant fait 23 morts et ont coûté plus d'un milliard d'euros.

Les surprises de ce dossier ? Nous avons découvert que, malgré l'existence d'inondations récurrentes, il existe une amnésie collective. Entre 1948 et 1969, il y a eu plus de treize inondations significatives dans le Var. Ni la mémoire collective, ni les pouvoirs publics n'ont intégré cette occurrence. C'est étonnant.

En 1637, Descartes écrivait que l'homme peut se rendre « comme maître et possesseur de la nature ». Cet orgueil démesuré, nous le retrouvons dans un discours de Napoléon III, qui déclarait en 1857 : « Je tiens en honneur qu'en France, les fleuves restent dans leur lit ».

Dès 1989, le rapport du conseil général des Ponts-et-Chaussées indiquait que la catastrophe de Nîmes pouvait se reproduire ailleurs et citait que Vaison-la-Romaine et Draguignan étaient particulièrement exposés. On connaît la suite : inondation dramatique à Vaison-la-Romaine en 1992, à Draguignan en 2010.

Cette attitude de déni du risque ne permet pas de mettre en oeuvre une politique réaliste pour lutter contre les inondations. Il existe aujourd'hui des contre-exemples qui montrent que l'on peut bâtir des politiques de grande efficacité. En France, à Sommières, on voit l'efficacité d'un plan d'intervention gradué. Aucune victime n'y est à déplorer depuis 1933, alors qu'il y a une inondation importante tous les quatre ans et demi. Aux Pays-Bas, la politique de lutte contre les inondations a fait une place majeure à la politique de prévention avec un horizon de 10 000 ans, alors que chez nous, il est de dix à cent ans. Cette démarche repose sur une vision d'ensemble. L'État a dégagé les moyens nécessaires pour éviter que la catastrophe de 1953, qui avait tué 1 800 personnes, ne se reproduise.

Nous avons donc défini cinq orientations principales, deux propositions concrètes et 100 recommandations. Je ne retiendrai ici que trois préconisations particulièrement importantes pour une politique plus efficace face aux inondations. D'abord, il faut développer la culture du risque en associant la population et les maires, comme cela se fait à Sommières, et en améliorant parallèlement le dispositif de prévention et d'alerte. Des indicateurs de crues doivent être installés sur les bâtiments publics. Ma ville de Cagnes-sur-Mer est jumelée avec Passau, en Bavière, où sont indiquées les crues du Danube depuis le XVIe siècle sur la façade même de l'hôtel de ville.

Ensuite, les pouvoirs publics, donc le Parlement, doivent définir une véritable politique de lutte contre les inondations, reposant sur un financement adéquat, à l'image du modèle néerlandais.

Enfin, il convient de créer des Établissements publics territoriaux de bassin (EPTB) et des Établissements publics d'aménagement et de gestion de l'eau (Epage), que nous proposons de rendre obligatoires, à l'initiative des collectivités locales ou du préfet, dans un délai de trois ans sur tous les bassins versants, afin de mettre en place des mesures de lutte contre les inondations.

Je souhaite que ces propositions soient mises en place par le Gouvernement pour donner une suite tangible à ce rapport. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Jacques Berthou .  - Le Sénat débat ce soir des inondations qui se sont produites dans le sud-est. Ces événements, d'exceptionnels, deviennent récurrents. Je salue la qualité du travail de la mission commune d'information. Après les événements de 2010 et 2011, le Sénat devait tirer les conséquences de ces catastrophes. La mission a auditionné 64 acteurs et établi avec précision les faits : les deux inondations ne sont pas comparables. La violence des inondations de juin 2010 était imprévisible, contrairement à celle de novembre 2011. La gestion de l'immédiate après-crise a retenu toute notre attention. Il faut une véritable politique d'aménagement du territoire, assortie de moyens financiers et d'une vraie gouvernance. Comment améliorer le dispositif d'alerte lors d'une inondation ? Le rapport propose plusieurs pistes. Des radars, des stations de surveillance. Comme le rapporteur, je pense qu'il faut une logique globale pour mener une politique cohérente. L'exemple des Pays-Bas, qui a consacré 1 % de son PIB à la prévention des inondations, montre qu'il est possible de lutter efficacement contre celles-ci.

Près de 25 ans après les inondations de Nîmes, les travaux d'aménagement viennent enfin de s'achever...

Un territoire doit avoir subi une inondation pour mettre en oeuvre une politique efficace. Mon territoire, le département de l'Ain, a connu des pluies torrentielles occasionnant en une heure des dégâts considérables.

Les dédommagements doivent retenir toute notre attention : ils sont trop faibles et surtout trop lents. Le remboursement du FCTVA doit intervenir très rapidement, il en va du pacte de confiance entre l'État et les collectivités. La recommandation de la mission à cet égard est bonne.

Je regrette le désengagement de l'État en matière de prévention, car la lutte contre les inondations impose la mobilisation de tous.

Les travaux devront être réalisés selon un échéancier pluriannuel, du fait de l'ampleur des crédits nécessaires.

La population, enfin, doit être mobilisée et associée, en toute transparence.

Les catastrophes naturelles touchent toutes les classes sociales, elles sont inscrites dans notre mémoire collective. Nous avons tous en tête les images des inondations du Var, de l'Aude, de Nîmes et de Vaison-la-Romaine.

Je salue les recommandations du rapport qui contribuent à refonder la politique menée en la matière, en la rendant plus cohérente, plus transparente, plus concertée et plus efficace. (Applaudissements)

Mme Isabelle Pasquet .  - Le Var est régulièrement victime d'inondations qui tuent. J'y ai habité et je peux en témoigner. Je partage l'analyse de M. Nègre sur l'amnésie collective de notre population et de l'administration face à ce mal chronique.

Le rapport estime -non sans ambigüité- qu'il faut se donner les moyens de ses ambitions. Quelles ambitions ? Faut-il toujours plus dépenser ? Améliorer les prévisions, donner des moyens à la recherche, former les élus... Tout le monde est d'accord, mais les moyens financiers sont limités et les territoires sont toujours aussi vulnérables.

Certes, les indemnisations doivent être rapidement versées, mais la préconisation de la mission de créer un malus sur les primes d'assurance ne me paraît pas pertinente : certains pourraient être pénalisés à tort. À l'inverse, le bonus inciterait aux comportements vertueux. Surveiller les réseaux sociaux pour lutter contre les rumeurs serait un exercice coûteux et compliqué. Ils peuvent être utilisés, en revanche, pour atteindre des populations insuffisamment touchées par les médias traditionnels.

La proposition de loi adoptée par le Sénat à la suite de la tempête Xynthia n'a toujours pas été inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale.

Créer une commission chargée de donner un avis sur les arrêtés de catastrophes naturelles, un comité de suivi post-inondation, un Epage par bassin versant et un EPTB pour les coordonner me semblent discutable. Je ne suis en effet pas convaincue qu'il faille généraliser ces instances, inspirées des lacunes constatées en région Paca, au territoire national. En revanche, la création d'un observatoire national des risques naturels me semble pertinente. Oui à la pédagogie ; les programmes scolaires doivent aborder cette question.

Pour le reste, il faut insister sur la prévention, d'autant que les populations nouvelles de ces territoires ne sont guère conscientes des dangers. Protection de l'environnement et gestion des risques doivent aller de pair. L'assouplissement de la loi littoral, l'étalement urbain portent une part de responsabilité.

L'État doit garantir la sécurité des biens et des personnes, mais ce sont les collectivités territoriales qui sont chargées, dans les faits, de le faire. C'est une charge de plus qui, avec l'agonie de l'ingénierie publique, contribue à leur étranglement financier. La future loi de décentralisation devra définir les compétences des uns et des autres.

Il serait bon d'impliquer certains concessionnaires, comme la Compagnie nationale du Rhône (CNR), dans la prévention. Sa concession ne devant être révisée que dans onze ans, l'État devrait fixer les règles dès aujourd'hui.

Nous partageons la douleur des victimes, mais il n'est pas nécessaire d'ajouter des normes aux normes sous le coup de l'émotion. Commençons par appliquer la législation actuelle. L'invulnérabilité est un mythe, qui nous expose et tue chaque année. (Applaudissements)

M. Yves Pozzo di Borgo .  - Je suis élu d'une ville qui attend la crue centennale, suspendue au-dessus de la tête des Franciliens comme une épée de Damoclès. Il faut penser la prévention, notamment en matière d'inondation. Les deux inondations du Var ont coûté fort cher. Le risque inondation dans le Var est de même ampleur qu'en région Île-de-France. On voit encore les traces de la crue de 1910, elles sont indiquées sur l'édifice du Palais Bourbon.

Nous connaissons tous les évaluations : la catastrophe à venir coûterait 15 milliards d'euros et toucherait 850 000 personnes en Île-de-France ; 508 communes seraient sous les eaux, dont 31 pour plus de la moitié de leur territoire.

À Paris, comme dans le Var, la question de la prévention est centrale. Or les infrastructures ne sont pas à la hauteur.

La surveillance du bassin méditerranéen est essentielle. Parallèlement, la politique de prévention en Île-de-France n'a connu aucune amélioration substantielle. Chaque année, Paris repousse les investissements nécessaires, alors que le projet de la Bassée, porté par les Grands Lacs de Seine, prévoit dix gigantesques casiers en amont, capables de stocker 55 millions de mètres cubes, ce qui permettrait de réduire la crue de 50 centimètres. Or, faute de financement, il n'est envisagé qu'un réservoir permettant de réduire la crue de... 5 centimètres !

Ce projet ne doit pas rester dans les limbes, sous prétexte de contexte budgétaire tendu. J'interpelle donc ce soir le Gouvernement, comme je l'ai fait, en vain, au Conseil de Paris, pour l'appeler à investir dans ce projet. Paris n'est pas le Var, mais les problèmes sont identiques ! (Applaudissements)

M. Ronan Dantec .  - « Nos ancêtres construisaient de manière concentrée en zone non inondable » ...

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - C'est faux !

M. Robert Tropeano.  - En effet !

M. Ronan Dantec.  - « Il n'y a que nous pour avoir, bêtise absolue, construit dans la vallée du Var », a dit le préfet Carenco.

M. Pierre-Yves Collombat, rapporteur.  - Il a tort ! Je le lui ai dit !

M. Ronan Dantec.  - Zut...

Les inondations de 2010 et 2011 ont rappelé notre vulnérabilité. Il faut créer une culture du risque, difficile challenge. Fidèle à ses habitudes, le Sénat a pris le temps du travail de fond. Nous approuvons globalement les préconisations de la mission commune d'information. Les crues intenses et rapides sont sorties de la mémoire collective, mais ont été répertoriées dans les archives varoises depuis 1378. Cela rappelle Fukushima, où le niveau des tsunamis était indiqué sur les collines... M. Nègre a eu raison de dénoncer notre orgueil démesuré et coupable.

Pour les écologistes, le principe de prévention doit primer. Point de politique de prévention sans clarification et simplification des compétences. Le rapport prône la création obligatoire d'un Epage ou d'un EPTB. Il est logique de lier préservation du milieu naturel -amortisseur des crues- et gestion du risque. Les nouveaux établissements publics devront être financés par des ressources fiscales pérennes. La question du budget de l'eau est toujours délicate...Le comité national de l'eau se réunit prochainement.

À quelques jours de la conférence de Doha, je tiens à rappeler que la lutte contre le dérèglement climatique doit être la première des politiques de prévention. Or on y consacre moins de moyens que ce que coûtent les réparations : Sandy aura ainsi occasionné 20 milliards de dollars de dégâts...

La maîtrise financière est un enjeu important. Le Var est une zone attractive : la population a augmenté de 43 %...

M. Alain Néri.  - Et la surface des toits ! (M. François Fortassin s'exclame)

M. Ronan Dantec.  - En plus du défaut d'entretien des cours d'eau, le ruissellement urbain et l'imperméabilisation des sols accroissent le risque. Il faut lutter contre l'étalement urbain et l'artificialisation. Actuellement, les maires, en première ligne, manquent de moyens et gèrent seuls la pression foncière. C'est pourquoi nous préconisons le transfert des compétences d'urbanisme au niveau intercommunal.

L'aménagement des zones inondables appelle toute notre vigilance. Il doit être abordé au niveau régional, avec les schémas régionaux d'aménagement et de développement du territoire (Sradt). Clarifier les compétences entre l'État et les collectivités locales et assurer à chaque niveau les ressources nécessaires à l'exercice de ses compétences, voilà la préconisation majeure du rapport. Nous y veillerons, dans la prochaine loi d'aménagement territorial. (Applaudissements)

M. François Trucy .  - Vous dites « MCI », je dis enquête. C'est une initiative parlementaire utile, bien menée. Les prérogatives des commissaires donnent à leurs travaux beaucoup de force et d'efficacité. L'exercice était difficile. Il fallait rappeler que le contrôle parlementaire est une partie essentielle de notre mission, même si nos concitoyens ne le savent pas toujours.

Cette enquête était indispensable, vu les conséquences dramatiques des événements en question. En tant que Varois, je félicite le président Nègre et son équipe. J'ai apprécié les échanges musclés de Pierre-Yves Collombat avec des personnes haut placées mais enfermées dans leurs certitudes. Madame la ministre, vous assistez ici à la conclusion d'un très beau travail. (Applaudissements)

M. Robert Tropeano .  - Les inondations de 2010 et 2011 nous rappellent que personne n'est à l'abri d'une catastrophe naturelle. La vie locale a été balayée. En dépit de la rapidité des secours, des bénévoles qu'il faut saluer, les inondations ont entraîné des drames.

Le rapport de la mission commune d'information vise à empêcher l'amnésie collective.

Ma commune, Saint-Chinian, a connu le 13 décembre 1875 une terrible inondation : 97 victimes, 149 maisons détruites, 200 familles condamnées à vivre dans la misère par la perte de leur emploi. Le simple fait d'indiquer le niveau de la crue sur les bâtiments publics permet de garder ce drame en mémoire. Seule la culture du risque épargnera la répétition des mêmes erreurs. Il faut tirer les leçons de la politique des inondations. Or l'action préventive n'est pas à la hauteur des enjeux, alors que le changement climatique rend ces événements plus fréquents.

Le rapport de la Cour des comptes est éloquent : malgré les dangers de l'artificialisation des sols, la pression démographique a favorisé l'étalement urbain. Les PPRI ne s'imposent qu'en théorie, les pressions locales conduisent à les ignorer. J'ai récemment refusé un permis de construire en zone inondable ; le solliciteur dépose un recours devant le tribunal administratif ! En l'absence de PPRI, les assurances relèvent les franchises. La Cour des comptes recommande de rendre contraignante l'actualisation des documents d'urbanisme.

La mission commune d'information a constaté l'implantation de services départementaux d'incendie et de secours en zone inondable. L'entretien des infrastructures de protection est indispensable, mais coûteuse. La police de l'eau ne dit pas interdire le curage des cours d'eau non domaniaux. Les collectivités locales se substituent aux propriétaires, alors qu'elles manquent de moyens.

Le risque inondation a certes un coût élevé pour les finances publiques mais il est toujours plus économique de financer la prévention. Il faut clarifier la responsabilité de chacun des acteurs : État, collectivités locales et compagnies d'assurance. (Applaudissements)

M. Alain Dufaut .  - À mon tour de féliciter MM. Nègre et Collombat pour leur excellent travail. J'ai participé aux déplacements dans le Vaucluse et le Gard, et peux témoigner du sérieux des investigations.

Les inondations sont toujours un traumatisme terrible pour les populations qui voient leurs biens, leurs souvenirs, et parfois des êtres chers, disparaître dans les flots. J'ai vécu les inondations de Vaison-la-Romaine en 1992, avec les 40 victimes de l'Ouvèze. L'île de la Barthelasse sur le Rhône, la plus grande île fluviale d'Europe, est très vulnérable. Avignon est aussi victime des crues du Rhône : 2,5 mètres en 2003. Élu du Vaucluse, je connais les attentes de la population.

Le fameux plan Rhône a été préparé pendant cinq ans. J'ai participé aux réunions, comités, etc. qui ont régulièrement réuni les parlementaires, les élus, les maires, les syndicats riverains. Or le 24 janvier dernier, le préfet de bassin annonçait que le projet ne serait pas mis entre oeuvre entre Viviers et Beaucaire. Cinq ans de réunions pour rien, sinon le confortement des digues de Camargue ! Aucune mesure préventive, comme le dragage du Rhône, la vidange préventive des barrages de la CNR, les transferts de zones d'expansion de crues.

Il est désormais quasi impossible d'amender les PPRI, qui devaient être évolutifs. Nous organisons des débats, nous nourrissons les espoirs, pour au final ne rien faire. Comme si les riverains n'avaient qu'à déménager ou assumer les risques ! Laisser des territoires peuplés être inondés fréquemment pour éviter des crues me paraît inconcevable quand des zones agricoles inhabitées sont, elles, protégées.

Il faudra légiférer sur la base de certaines préconisations de la mission commune d'information. Nous y sommes prêts. (Applaudissements)

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie .  - La mission commune d'information du Sénat a rendu un rapport dense et précis. Au nom du Gouvernement, je remercie le Sénat pour ce travail important et utile, au moment où l'État est en train d'élaborer une stratégie nationale de prévention. Je remercie MM. Collombat et Nègre.

Un mot me vient à l'esprit : celui de responsabilité. La prévention des risques naturels majeurs est une mission essentielle de mon ministère. Je pense d'abord aux victimes, aux 23 morts de juin 2010, aux quatre morts de novembre 2011, aux deux étudiants qui, fin octobre, ont perdu la vie à la suite d'une montée des eaux de ruissellement... Le Gouvernement travaille à ce que les mêmes causes n'entraînent pas les mêmes effets. C'est un chantier difficile, mais nous sommes déterminés.

Ces crises ne se ressemblent pas, vous l'avez dit. En 2011, les conséquences des inondations ont été limitées ; je salue l'action des agents des services de secours, des pompiers, des agents de l'État, des élus locaux.

Culture du risque ? La France est en effet soumise à un risque inondation important : si seulement 5 % du territoire est inondable, 17 millions de Français y sont exposés, et le nombre de logements en zone inondable a augmenté de 8 % de 1999 à 2006. En outre, 9 millions d'emplois sont en zone inondable et risquent d'être paralysés. Le coût des inondations représente 650 à 800 millions d'euros par an ; la prévention de ce risque coûte, elle, 250 millions.

Difficile de savoir comment le changement climatique va influer sur les risques de crues dans un lieu précis, à un moment précis. Les incertitudes ne doivent pas conduire à l'inaction, mais à l'élaboration d'une politique responsable.

La politique de prévention des risques de l'État repose sur plusieurs piliers : connaissance des risques ; prise en compte de l'aménagement, via les PPR ; vigilance et précision des alertes ; réduction de la vulnérabilité avec les digues, les programmes d'action de prévention des inondations (Papi) ; information des populations ; gestion de crise ; retour d'expérience. L'histoire législative a été marquée par l'analyse des catastrophes passées.

J'ai entendu les interpellations adressées à l'État. Il est vrai que les compétences sont partagées. Oui, il faut une stratégie transversale, des moyens financiers et organisationnels adaptés. Cette stratégie nationale doit se décliner au niveau territorial, en s'appuyant sur la directive européenne. Il faut un plan de gestion des risques au niveau des bassins. Cet outil doit être mieux connu qu'il ne l'est actuellement. Le choix des territoires à risques est arrêté ; reste à élaborer les plans. La direction générale de la prévention des risques est mobilisée, pour que cette stratégie nationale soit adoptée d'ici juin. Les préfets aussi sont mobilisés.

Le dispositif de vigilance d'abord : l'État surveille un linéaire de 20 000 kilomètres de cours d'eau. Mais les limites de l'état de l'art de la prévision n'ont pas permis à Météo-France de cibler précisément le phénomène de juin 2010. Les élus seront dorénavant alertés en cas de prévision de fortes précipitations.

En matière d'alerte, les sapeurs-pompiers sont chargés de communiquer avec le préfet, ainsi que les maires.

Il faut aussi connaître l'historique des événements. Des référents départementaux seront la mémoire des crises auprès du préfet. L'alerte reste une priorité : 44,7 millions d'euros sont inscrits dans le projet de loi de finances pour rénover les systèmes de sirènes et mettre au point des alertes par SMS. Ce dispositif suppose un partenariat avec les acteurs. Les maires pourront le déclencher, ils seront acteurs de la gestion de crise. Dans le Var, 64 sirènes seront ainsi installées.

La compétence accordée au maire a tout son sens pour un événement qui touche une seule commune mais, en situation de crise, il faut éviter une rupture dans la direction des actions de secours. Le sous-préfet a là tout son rôle. L'unicité du commandement est le gage de l'efficacité de la réponse. L'accent est mis sur la dimension opérationnelle du plan Orsec.

Dans le Var, le risque incendie était jusqu'à présent beaucoup mieux pris en compte que le risque inondation ; il faut saluer le rôle des bénévoles, qui doivent être mieux reconnus. L'implication des citoyens contribuera à construire une société résiliente.

Le Grenelle II a permis d'élaborer des règles de prévention des risques. Nous en ferons usage. Le plan de prévention des risques naturels prévisibles doit s'inscrire dans une approche plus large, une logique de développement durable du territoire intégrant les inondations non comme une contrainte mais comme un élément de contexte. Ainsi, l'artificialisation des sols doit être mieux prise en compte, vu ses conséquences sur le ruissellement. Plus de 8 000 PPRI ont été approuvés et de grandes agglomérations comme Toulon, Nîmes et Nancy viennent d'en adopter un. Je partage l'objectif d'une meilleure appropriation de ces plans par les élus et les habitants. Les contraintes sont réelles mais proportionnées au risque.

Vous demandez une clarification des compétences en matière de gestion des cours d'eau et de l'entretien. C'est un enjeu clé. Un premier projet de décret sur l'encadrement de la responsabilité des gestionnaires des digues est en cours de discussion. La question est délicate, notamment en matière de financement. Une piste serait de permettre de lever une taxe additionnelle dans la zone protégée par la digue... Notre réflexion s'appuiera sur le rapport sénatorial.

Il faut se pencher plus largement sur la gestion des cours d'eau. La généralisation des Epage et des EPTB mérite d'être versée au débat. Chaque territoire doit trouver l'organisation qui lui convient.

L'État soutiendra les actions contractuelles globales sans attendre les stratégies locales. Le premier projet de programme d'action de prévention des inondations dans le Var sera bientôt présenté. Soyez assurés de la volonté du Gouvernement de travailler avec détermination sur ce sujet. Le rapport du Sénat sera une contribution précieuse, et je serai heureuse de vous présenter la stratégie nationale définie par le Gouvernement. (Applaudissements)

Hommage au directeur général des Missions institutionnelles

M. Louis Nègre, président de la mission commune d'information.  - Je veux rendre hommage à M. Jacques Rauline, directeur général des missions institutionnelles, qui va prendre sa retraite dans deux jours : c'est ce soir sa dernière séance. (Applaudissements unanimes)

M. le président.  - La présidence s'associe, bien sûr, à cet hommage.

Prochaine séance demain, mardi 20 novembre 2012, à 9 h 30.

La séance est levée à 23 h 25.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 20 novembre 2012

Séance publique

À 9 HEURES 30

Questions orales

DE 14 HEURES 30 À 18 HEURES 30

Proposition de loi relative à la représentation communale dans les communautés de communes et d'agglomération (n° 754, 2011-2012)

Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois (n° 108, 2012-2013)

Texte de la commission (n° 109, 2012-2013)