Commerce extérieur (Questions cribles)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur le commerce extérieur. L'auteur de la question et le ministre pour sa réponse disposent chacun de deux minutes. Une réplique d'une durée d'une minute au maximum peut être présentée par l'auteur de la question ou par un membre de son groupe politique.

M. Aymeri de Montesquiou .  - L'augmentation totalement anti-économique des impôts et des charges obère la situation dont vous héritez. Je crains que notre déficit commercial ne s'aggrave. Quels sont les appuis fiscaux d'aide au commerce extérieur ? Quelles sont les aides pratiquées par nos concurrents européens ?

Vous avez raison de cibler un nombre limité de pays, tous les produits français ne sont pas exportables partout. Votre méthode s'apparente au laser beaming du Japon, mais quelle est votre ligne directrice ? Comment négliger le Kazakhstan pour la famille « Mieux vivre en ville », alors qu'Astana a été choisie comme site de l'exposition universelle de 2017 et que son thème sera précisément celui-là ?

Quelle politique fiscale incitative comptez-vous mener ? Les soldats de l'An II se battaient contre l'Europe entière, ils avaient au moins pour eux l'enthousiasme. Dans la guerre économique mondiale, la France envoie des soldats démoralisés se battre contre le monde entier. (Exclamations à gauche)

M. Yannick Vaugrenard.  - Honteux !

Mme Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur .  - Le rapport que Mme Revel m'a remis ce matin - dont vous aurez la primeur - aborde justement le problème de stratégie et de benchmarking que vous soulevez. En Europe, il faut être présent dès le début des négociations sur les normes et ne pas se les laisser imposer.

Le Kazakhstan que vous connaissez bien, fait partie des 47 pays identifiés comme porteur de 80 % de la demande mondiale sur dix ans. En face, il faut aligner une offre commerciale performante pour atteindre l'objectif ambitieux, fixé par le président de la République, d'équilibre de la balance commerciale d'ici la fin du quinquennat. Nous aurons, le 7 mars, une commission mixte avec le Kazakhstan, où seront identifiés tous les sujets. Dans la famille « Mieux vivre en ville », nous avons une offre de qualité. Il faut anticiper sur nos concurrents. (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Aymeri de Montesquiou.  - Je me réjouis que le Kazakhstan n'ait pas échappé à votre sagacité. Encore faut-il prévoir des crédits pour l'Exposition universelle d'Astana en 2017.

M. Claude Bérit-Débat .  - Le déficit de notre balance commerciale n'est pas une fatalité. Vous avez l'objectif de mettre en place un guichet unique avec les régions pour faire prospérer nos PME-PMI à l'international. Il faut aussi, afin de réussir, une organisation institutionnelle. La convention d'export, passée par la Chambre de commerce et d'industrie (CCIR) de la région Aquitaine est encourageante. Comment articulerez-vous votre politique avec les expérimentations existantes ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Les régions, je l'ai dit dès mon arrivée au ministère du commerce extérieur, doivent être pilotes dans l'exportation. J'ai fait un déplacement dans votre belle région d'Aquitaine comme dans dix autres régions. L'idée est que chacune établisse un plan « innovation et exportations » car l'Île-de-France n'est pas la Bretagne ni le Nord. Chacun doit s'organiser selon ses caractéristiques régionales : tantôt c'est la complémentarité, tantôt la fusion avec la CCIR, le tout pour améliorer notre balance commerciale.

M. Claude Bérit-Débat.  - Merci pour votre détermination à réduire le déficit commercial. Il faut effectivement jouer la carte de la proximité au côté des régions pour booster nos entreprises à l'export. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Notre commerce extérieur est déficitaire et s'effectue à plus de 60 % avec nos partenaires européens. Une analyse plus fine fait apparaître que notre déficit tient pour beaucoup à l'inégalité de nos rapports avec l'Allemagne, avec qui notre déficit dépassait les 17 milliards d'euros en 2011. Nous n'avons pas attendu la loi de finances rectificative pour 2013, et le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour prendre conscience du problème.

Sanofi, première capitalisation boursière de la place de Paris, fait fabriquer à l'étranger 50 % de ses génériques vendus en France ; Peugeot réimporte la majorité des modèles vendus dans l'Hexagone ; Renault réalise à l'étranger 70 % de ses équipements et les deux tiers de ses voitures vendues en France. Ces choix guidés par la rentabilité financière sont mortifères pour l'emploi industriel. (Applaudissements sur les bancs CRC)

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Dans la nouvelle phase de mondialisation engagée depuis les années 1990, la France n'a pas trouvé sa place. Elle peut néanmoins le faire. Votre question pose celle de la stratégie : se contenter de vouloir vendre le meilleur produit ne suffit plus, les pays émergents exigent davantage d'échanges. L'implantation internationale de Sanofi profite au territoire national, je peux le démontrer chiffres à l'appui. À la France de demander des contreparties, notamment en matière de sous-traitance, aux aides qu'elle a accordées aux entreprises pour leur internationalisation.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Vous avez parlé de contreparties. L'État doit faire entendre sa voix quand il est encore actionnaire. J'en profite pour dire que nous devons accorder plus de droits dans ces secteurs stratégiques aux syndicats et aux travailleurs.

Mme Leila Aïchi .  - Le constat est sévère : notre pays, naguère exportateur, est devenu importateur net. Je salue l'ambitieux plan lancé par le Gouvernement pour redresser le déficit de notre balance commerciale, qui atteignait 52 milliards d'euros en 2010. La part de la France sur le marché mondial est passée de 6 % dans les années 80 à 4 %. Plutôt qu'un millefeuille administratif, où Oséo certes joue un rôle moteur, ne faudrait-il pas des structures ad hoc, proches du terrain ? Que faire pour les entreprises du secteur écotechnologique ? (Applaudissements sur les bancs écologistes et du centre)

Mme Nicole Bricq, ministre.  - La création de la BPI obligera les acteurs territoriaux à se positionner dans l'unité. Trop souvent, nous, Français, ne savons pas travailler ensemble.

M. Aymeri de Montesquiou.  - Très juste !

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Hier, avec M. Montebourg, nous avons lancé la marque « France » que je qualifie de marque ombrelle.

Dans la famille « Mieux vivre en ville », je classe l'écohabitat, le transport durable, l'efficacité énergétique. La Chine et l'Inde en sont très demandeuses.

M. Yvon Collin .  - Le rapport Gallois fait de la reprise des exportations une priorité pour notre économie et contre le chômage. Je me réjouis donc de vos premières annonces, madame la ministre, et de la définition de quatre familles prioritaires. N'oublions pas pour autant les grands contrats, je pense notamment à l'aéronautique.

L'été dernier, les Chinois ont annoncé vouloir exporter des avions Airbus depuis la chaîne de Tianjin. C'est inquiétant ! (Applaudissements à gauche)

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Les grands contrats recouvrent les secteurs du luxe, du nucléaire et de l'aéronautique, dont les résultats sont meilleurs qu'en 2011. Il faut exporter plus, c'est mon challenge car, derrière les grands contrats, il y a des PME sous-traitantes. Idem pour le nucléaire, qui draine 85 PME-ETI.

Ne faisons pas de la Chine la cause de nos difficultés. J'ai eu avec les Chinois un dialogue franc ; nous avons abordé la question aéronautique. N'oubliez pas que, dans un avion, 7 % seulement sont de la valeur ajoutée chinoise ; tout le reste vient de chez nous. (Applaudissements à gauche)

M. Yvon Collin.  - Merci de votre détermination à redresser notre balance commerciale et de votre soutien à l'aéronautique. J'ai parlé de la Chine mais les États-Unis nous ont également taillé des croupières avec des aides d'État déguisées sous forme d'avances remboursables.

M. Alain Fouché .  - La part de la France dans le commerce extérieur est passée de 8,1 à 4,7 % de 2000 à 2011, quand celle de l'Allemagne progressait de 11,5 à 13,6 %. Nous sommes trop peu présents dans les pays émergents : seulement 3 % en Chine, contre 7 % pour l'Allemagne et 8 % pour l'Italie. Les PME-ETI exportatrices sont quatre fois moins nombreuses en France qu'en Allemagne. Leur nombre est passé de 120 000 à 95 000 en dix ans. Il faut absolument travailler à l'export en escadrille, comme savent le faire les Allemands. Notre modèle social et fiscal pénalise notre compétitivité, notamment dans l'automobile. Qu'en pensez-vous ?

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Relativisons, même si cela ne nous exonère pas d'agir. Il s'agit de pourcentages : la part de la France dans le commerce extérieur s'est réduite du fait du rôle grandissant des pays émergents. Des marchés difficiles et lointains mais qui représenteront demain 80 % de la demande mondiale. Aussi, j'ai déterminé quatre grandes familles de produits : « Mieux vivre en ville », « Mieux se soigner », « Mieux se nourrir » et « Mieux communiquer », que nous destinons à 47 pays, auxquels il s'agit d'adapter notre offre. Outre le crédit d'impôt de 20 milliards, le Gouvernement a instauré cinq dispositifs pour aider les entreprises. Il a ainsi réaménagé le CIR et créé le CICE car un milliard de plus à l'export, ce sont 10 000 emplois créés en France.

M. Alain Fouché.  - L'industrie, c'est aussi du travail.

M. Jean-Yves Leconte .  - L'objectif de revenir à l'équilibre de la balance commerciale en 2017 est très ambitieux. Pour le remplir, vous avez établi un partenariat audacieux avec les régions, abandonné la politique du chiffre d'UbiFrance et créé la BPI.

Après le rapport très critique de la Cour des comptes en 2011, j'insiste sur la nécessaire complémentarité entre UbiFrance et les acteurs de terrain. Ne faut-il pas densifier notre réseau d'UbiFrance dans les pays qui le nécessitent plutôt que de créer de grands pôles ? Quel rôle pour les ambassadeurs nommés en Chine et ailleurs dans notre service public à l'export ?

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Monsieur Leconte, vous parcourez le monde comme moi. UbiFrance se consacre aux PMI pour les aider à exporter. En accord avec le Premier ministre, nous avons décidé, plutôt qu'une réforme structurelle dont nous n'avons pas le temps, de redéployer la manière de travailler d'UbiFrance afin qu'elle accompagne 1 000 PME-ETI durant trois ans. Une démarche qualitative, donc. Nous devons aussi augmenter le nombre de volontariat international en entreprise, et de le porter de 7 400 à 9 000. Tout le monde doit se mobiliser, grandes et petites entreprises, pour y réussir.

Oui, il faut être au Kenya et en Birmanie ; cela suppose un redéploiement car nous sommes, comme les autres, soumis à l'impératif de maîtrise de la dépense. Quant aux nominations par le ministre des affaires étrangères, j'y vois une aide au commerce extérieur.

M. Jean-Yves Leconte.  - Une civilisation qui ne produit plus est condamnée à disparaître car il n'y aura pas d'emplois sans production. C'est donc une révolution culturelle qu'il faut mener. Je sais que la ministre est sur le front !

M. André Ferrand .  - Je me réjouis de cette séance entièrement consacrée au commerce extérieur. Merci à Mme Bricq, notre ancienne collègue et rapporteure générale, de son volontarisme pour rassembler toutes les énergies autour de l'objectif de rééquilibrer notre balance commerciale. Hélas, tout le monde au Gouvernement ne suit pas cette voie : quand la maison brûle et que nos chefs d'entreprise fuient la France pour créer richesses et emplois ailleurs, faut-il se préoccuper autant d'occuper le champ médiatique par des débats moins urgents ?

Comment obtenir, enfin, un jeu collectif - je n'ose pas parler d'équipe de France ! J'espère que l'expérience du Comité Asie pourra servir de modèle.

À ma deuxième question, je n'ai pas de réponse. Il s'agit de l'articulation entre l'aval du processus, notre dispositif à l'étranger, et l'amont, c'est-à-dire, en France, les filières professionnelles et les régions.

Il est bon que nos ambassadeurs coordonnent l'action de nos acteurs à l'étranger afin d'en assurer la synergie. Que pensez-vous, alors, de l'idée d'une cosignature par vous-même de la partie économique des lettres de missions de nos ambassadeurs ?

Madame la ministre, je vous souhaite de réussir car il y va de l'intérêt supérieur de notre pays. (Applaudissements unanimes)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Voilà une excellente question !

Mme Nicole Bricq, ministre.  - Le chiffre du commerce extérieur est le juge de paix de nos faiblesses. Le tocsin de 2011 a sonné la mobilisation générale, je l'ai vu dans mes déplacements dans onze régions et dans le monde. Le jeu collectif ? La référence à l'équipe de France n'est pas forcément la bonne... Attendons le prochain match France-Allemagne de football ! (Sourires) Je me méfie de ce type de grandes formules, il faut du concret. Et le concret est de partir groupés à l'export pour déployer collectivement notre intelligence économique. Le commerce extérieur est une priorité de ce gouvernement. La stratégie que j'ai proposée dès août, le Premier ministre l'a faite sienne immédiatement.

Le pacte pour l'innovation et l'exportation ne se limite pas au crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi. La modernisation de l'action publique, à laquelle le président de la République tient beaucoup, est la véritable réforme de l'État ! (Applaudissements)

La séance, suspendue à 15 h 45, reprend à 16 h 5.