Situation des hôpitaux (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la situation des hôpitaux.

M. Alain Milon .  - Le dispositif d'emplois d'avenir n'est pas contraignant en termes d'objectifs chiffrés pour les services publics hospitaliers. L'objectif affiché est d'offrir à des jeunes peu ou pas qualifiés de véritables qualifications professionnelles. Envisagez-vous d'ouvrir les emplois d'avenir aux instituts de formation d'aides-soignants ? Les écoles de formations paramédicales, depuis la loi du 13 août 2004, ont été décentralisées au profit des régions, tandis que l'État demeure responsable du contenu et de la délivrance du diplôme qui donne lieu à une équivalence universitaire. Comptez-vous conserver à ces écoles leur caractère professionnel ou les intégrer au cursus universitaire ?

M. Alain Fouché.  - Très bonne question ! (M. Alain Gournac renchérit)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Comme toujours de la part de M. Milon... (Marques de satisfaction à droite) L'hôpital est engagé dans l'effort de formation des jeunes. Nous avons besoin de personnels à l'hôpital et dans le secteur médico-social. D'ici 2015, 9 500 emplois d'avenir seront créés et déjà 1 600 emplois l'ont été. Mais il faut, évidemment, garantir une mise ou une remise à niveau des jeunes pour qu'ils s'insèrent durablement. Le Gouvernement a prévu 13 millions pour leur formation en 2013. La formation universitaire permettra-t-elle de garantir la qualification ? Oui, et le lien avec le secteur professionnel sera renforcé. Les écoles paramédicales garderont leur caractère professionnel.

M. Alain Milon.  - Il est nécessaire que la professionnalisation sur le terrain soit maintenue pour que les hôpitaux n'aient pas à la prendre en charge.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - La situation financière des hôpitaux est préoccupante. Ils sont déficitaires depuis 2006. De plus, ils ont désormais beaucoup de mal à obtenir des crédits. Or des économies sont encore possibles : avec les maisons médicales de garde, où la consultation revient à 62 euros contre 240 à l'hôpital, soit un gain de 1,5 milliard, avec l'informatisation du système et le dossier médical personnalisé, avec la fin du remboursement des actes inutiles, estimé par la Mecs - ce que confirme le dernier rapport de l'Académie de médecine - à 12 milliards, sans parler du coût des 35 heures, d'environ 500 millions par an en heures supplémentaires. Enfin, la réforme du médicament passe par la promotion du générique.

Il faut un plan global pour l'hôpital et nous le réclamions au précédent gouvernement. Un tel plan sera-t-il mis en oeuvre ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - L'hôpital et son avenir sont une préoccupation majeure du Gouvernement et je veux rendre hommage à tous ceux qui y travaillent.

Des efforts importants ont été accomplis et la situation s'est améliorée. Les déficits sont concentrés sur des établissements bien particuliers. L'accès au crédit a été récemment facilité. Il faut également que les patients soient mieux pris en charge en ville.

Il faut aussi informatiser et mutualiser les coûts, améliorer la gestion des achats.

La question des génériques doit être posée car elle est difficile. À l'hôpital sont prescrits des médicaments non disponibles en ville. Il faudra poursuivre la réflexion.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe.  - Merci pour votre réponse, mais vous n'avez rien dit sur les actes superfétatoires alors que ceux-ci représentent une source considérable d'économies.

M. Yves Daudigny .  - En moins d'un an, les changements ont été nombreux. Le décloisonnement, voulu par la loi HPST, n'a pas abouti. En supprimant le service public hospitalier Mme Bachelot a privé notre système de santé de ce qui en fait le socle, l'hôpital.

Cette loi a cru pouvoir soumettre l'hôpital à une hiérarchie quasi césarienne alors qu'on ne peut le conduire contre les professionnels.

Vous vous êtes préoccupée en priorité de réintroduire le secteur public hospitalier en supprimant la convergence tarifaire et en rétablissant la confiance par le dialogue. Suite au rapport Couty, dans le cadre d'un pacte de confiance vous avez retenu treize orientations majeures.

Ce projet s'inscrit dans la durée. Pouvez-vous préciser l'état d'avancement de vos objectifs ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Merci d'avoir rappelé la place de l'hôpital dans notre système de santé. J'ai lancé un pacte de confiance sur la base du rapport Couty après une longue concertation. J'ai pris treize engagements à l'issue de ce travail.

Une concertation suivie d'une négociation permettra d'améliorer les conditions de travail du personnel : l'hôpital public, c'est surtout des hommes et des femmes qui veulent accueillir nos concitoyens dans les meilleures conditions possibles.

Je vais publier cet été des décrets et des circulaires pour mieux définir la gouvernance à l'hôpital et déterminer les schémas régionaux d'investissements en santé.

Ensuite viendra le temps de la loi avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui actera la fin de toute tarification à l'activité et, en 2014, une loi sur l'organisation des soins.

Le Gouvernement est pleinement engagé pour faire de l'hôpital public un acteur au service des citoyens et des territoires.

M. Yves Daudigny.  - Merci pour cette réponse qui démontre l'engagement du Gouvernement. Rapporteur général de la commission des affaires sociales, je veux souligner que les dépenses de santé reviennent progressivement à une bonne trajectoire, même si l'aspect financier n'était pas le coeur de ma question.

Mme Laurence Cohen .  - Le précédent gouvernement avait réduit les moyens des hôpitaux. La loi HPST et la T2A ont des conséquences négatives pour les médecins et les patients. Beaucoup d'hôpitaux sont au bord de l'explosion. À l'Hôtel Dieu, la situation est intenable. Il faudrait décréter un moratoire sur toutes les restructurations et fermetures. Le rapport Couty contient des propositions intéressantes mais ne répond pas à toutes les inquiétudes.

Comptez-vous proposer une suppression de la taxe sur les salaires, ce qui ne serait que justice puisque le secteur privé en bénéficie déjà ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Le secteur public hospitalier fait partie de notre patrimoine, il est au coeur de notre pacte social. Il mérite d'être renforcé, mais aussi d'être adapté aux réalités de la société.

Le service public hospitalier est intangible. La loi HPST avait bafoué l'hôpital public. Il est temps de tourner la page...

M. Alain Fouché.  - On va voir !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - ... et d'ancrer les hôpitaux dans nos territoires.

La taxe sur les salaires permet de financer la branche famille et la branche vieillesse ainsi que le budget des hôpitaux. Sa suppression représenterait un manque à gagner de 3,5 milliards. Les tarifs appliqués aux hôpitaux publics tiennent compte du surcoût de cette taxe.

L'avenir de l'hôpital n'est pas seulement un enjeu de financement mais aussi de prise en compte des réalités sociales.

Mme Laurence Cohen.  - Je vous remercie de dire que l'hôpital public est au coeur de vos préoccupations.

M. Alain Gournac.  - Allez voir à l'Hôtel Dieu !

Mme Laurence Cohen.  - C'est une rupture par rapport au gouvernement précédent. (Exclamations à droite)

M. Alain Fouché.  - Que des belles paroles.

Mme Laurence Cohen.  - Des moyens nouveaux doivent être apportés à l'hôpital public. Il y a des choix politiques à faire, en rupture avec les choix précédents.

Mme Aline Archimbaud .  - Les crédits relatifs à la mission d'intérêt général et d'aide à la contractualisation (Migac) permettent de financer de nombreuses mesures. Or les crédits sont en stagnation aujourd'hui. Depuis 2009, la régulation des dépenses est passée par la mise en réserve des Migac, ce qui s'est notamment traduit par des réductions de postes.

Le fonds d'intervention régional a vu ses crédits augmenter en 2013, par transfert des crédits des Migac. Or ce fonds est géré de façon opaque par les ARS.

Les Migac constituent un ensemble hétéroclite, ai-je entendu dire. Que compte faire le Gouvernement pour améliorer la répartition des Migac ? (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je partage votre volonté de sanctuariser les ressources des Migac. L'hôpital est financé de deux façons : ce qui vient rémunérer l'activité et les missions d'intérêt général qui sont l'essence du service public. De fait, elles servent à financer la formation, la recherche, l'accueil des plus démunis. C'est pourquoi, à mon arrivée, j'ai mis fin au gel des Migac et augmenté leur dotation de 190 millions en 2013, soit une hausse de 2,3 %. Concernant la transparence que vous souhaitez, j'ai demandé une mission afin d'aboutir à une répartition la plus équitable possible des Migac. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit)

Mme Aline Archimbaud.  - Merci de votre engagement. Les Migac ne doivent pas servir de variable d'ajustement pour compenser un manque de dotations. Les professionnels de santé comme les élus demandent plus de transparence sur la distribution des fonds Migac et les priorités des hôpitaux.

M. Gilbert Barbier .  - Refonder l'hôpital ? Oui, pour le recentrer sur les urgences et les pathologies lourdes. Consolider l'hôpital? Oui pour ajuster son financement car la T2A, malgré ses mérites indéniables, pose problème, en particulier dans les petits hôpitaux. Réformer la gouvernance, pourquoi pas ? Pour autant, à ces grandes lignes du rapport Couty, j'ajouterai la nécessaire restructuration car qualité et sécurité des soins ne riment pas toujours avec proximité. Mme Bachelot avait, en son temps, lancé la suppression des 127 plateaux techniques après un rapport de l'Igas. Nous n'irions pas spontanément nous faire soigner dans certains de ces établissements, mes chers collègues. Il faut poursuivre ce travail de restructuration en fixant un seuil minimal d'activité par plateau technique. Quelle est votre position ? (MM. Jean-Pierre Sueur et Jacques Mézard applaudissent)

Mme Marisol Touraine, ministre.  - L'enjeu est de consolider l'hôpital et de mieux l'intégrer dans le système de santé. L'hôpital n'est pas seul, suspendu en l'air ; il doit travailler de concert avec la médecine de ville et de campagne et le secteur médico-social. La proximité doit s'accompagner de la sécurité. J'ai procédé à des fermetures d'établissements depuis mon arrivée. Cela dit, il n'existe pas de modèle rationnel qui s'impose. Comment voulez-vous que des pharmaciens, des médecins, des kinésithérapeutes, des infirmiers s'installent si l'État ferme un hôpital de proximité ? D'accord pour restructurer sans renoncer aux exigences conjointes de sécurité et de proximité ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gilbert Barbier.  - Pour la chirurgie orthopédique ou cardiaque, ce qui compte c'est la première prise en charge, nous le savons tous. Les défaillances en la matière ont un coût pour la société.

M. René-Paul Savary .  - Après le rapport Couty, je veux intervenir sur le conseil de surveillance unique des groupements hospitaliers. La Marne et l'Aube ont formé un tel groupement entre les établissements de Sézanne, Romilly et Nogent-sur-Seine, qui donne satisfaction. L'inconvénient, c'est l'éloignement de la structure décisionnelle. La loi ne nous autorise plus à créer des structures formelles ou informelles dans chaque établissement, pour tenir compte des élus et des associations.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Je suis consciente de la nécessité d'ancrer nos hôpitaux dans les territoires. Un établissement de santé est plus qu'un lieu où l'on soigne, c'est aussi un lien entre les communes. Dans le pacte de santé que j'ai lancé en décembre dernier, j'ai voulu des rencontres territoriales qui remportent un grand succès. Faut-il, comme vous le voulez, créer une nouvelle structure à l'heure où nous cherchons à simplifier une organisation souvent perçue comme trop complexe ? En revanche, les ARS doivent organiser des débats avec les élus, les associations et les habitants.

M. René-Paul Savary.  - Soit, il est inutile de créer une structure supplémentaire. En revanche, les décisions ne doivent pas revenir aux ARS mais aux acteurs des territoires. Sans quoi, les élus se détourneront de leur hôpital.

M. Maurice Antiste .  - L'hôpital est en crise. La fermeture du service d'urgence du Lamentin, en Martinique, le 21 mars dernier s'est faite aux dépens des patients. D'autant que les autres services d'urgence sont déjà engorgés : à Fort-de-France, il faut désormais attendre six à huit heures pour voir un médecin dans une salle qui n'est pas aux normes. J'ajoute que l'établissement du Lamentin était aux normes parasismiques, ce qui n'est pas le cas de celui de Fort-de-France. Ne faut-il pas réorganiser les urgences en Martinique ?

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Le service du Lamentin est situé à sept kilomètres de l'hôpital de Fort-de-France. La distance n'est pas longue à parcourir et, surtout, il manquait des médecins, dans le service aujourd'hui fermé pour assurer un accueil de qualité.

L'ARS, engagée dans un travail de restructuration des urgences, a créé trois maisons de garde.

Au-delà, le Gouvernement a mobilisé 111 millions pour résorber le déficit de 163 millions des trois hôpitaux martiniquais fusionnés et l'ARS accordera une aide exceptionnelle de 40 millions. Le Gouvernement, vous le voyez, est très attentif à la situation en Martinique.

M. Maurice Antiste.  - Merci ; pensons au personnel qui doit être heureux d'aller au travail chaque matin, pour soigner les malades.

M. René Teulade .  - Le nombre de visites aux urgences a doublé de 1990 à 2004, passant de 7 à 14 millions. Les urgentistes se sentent désarmés même si des filières spécifiques ont été créées pour la gériatrie.

Les urgences sont la vitrine de l'hôpital public, elles jouissent d'une bonne image dans la population. Ne faut-il pas renforcer les liens avec la médecine de ville et la permanence des soins pour les désengorger ? La Cour des comptes l'a préconisé dans un rapport de 2007. Il faut envisager un système de garde obligatoire pour les médecins libéraux...

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. René Teulade.  - ... et accroître le nombre de maisons de garde.

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Oui, les urgences sont la vitrine de l'hôpital ; c'est souvent par elles que les patients y entrent pour la première fois. On constate une hausse régulière de leur fréquentation.

Grâce à la qualité de nos personnels, la prise en charge est bonne dans la majorité des cas. Pour autant, il est déplorable de voir dans certains cas des patients attendre des heures dans des couloirs sur des brancards. J'ai demandé au professeur Carli de procéder à un audit précis.

Au-delà, il faut en amont augmenter le nombre de maisons de garde et en aval mobiliser le secteur hospitalier tout entier pour placer les malades. C'est pourquoi j'ai créé la fonction de gestionnaire de lits d'aval pour mieux coordonner les urgences avec l'hôpital.

M. René Teulade.  - « Les urgences sont au carrefour des drames de la vie courante comme des catastrophes » a dit le conseiller d'État Didier Tabuteau. Elles ne sont pas là « pour prendre le relais d'une médecine de ville en mutation ».

La séance est suspendue à 15 h 45.

présidence de M. Charles Guené,vice-président

La séance reprend à 16 heures.