Conseil national d'évaluation des normes (Deuxième lecture)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen, en deuxième lecture, de la proposition de loi portant création d'un conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics et l'examen de la proposition de loi organique tendant à joindre les avis rendus par le Conseil national d'évaluation des normes aux projets de loi relatifs aux collectivités territoriales et à leurs groupements (procédure accélérée).

Discussion générale commune

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - S'il est une proposition de loi dont chacun espère l'adoption dans les meilleures conditions, c'est bien celle-ci. La simplification des normes, la chasse aux normes inutiles, obsolètes, coûteuses sont pur bon sens, réclamées depuis longtemps par les élus. Inlassablement, nombreux ont été les parlementaires à chercher les voies de la simplification : Claude Belot, Éric Doligé et, plus récemment, Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Pierre Sueur, dont la démarche répond à l'engagement pris par le président de la République aux états généraux de la démocratie locale de tordre le cou à la propension à toujours imaginer de nouvelles contraintes, pour nous prémunir même contre l'improbable.

Cette proposition de loi, votée ici à l'unanimité moins une abstention, répondait aux recommandations du rapport Lambert-Boulard, tandis que le Premier ministre prenait, au cours de l'année 2013, plusieurs circulaires visant la simplification. Notre volonté commune est de simplifier ce qui, au cours des ans, a pris un tel embonpoint qu'il n'entre plus dans son costume législatif.

Le Gouvernement souscrit à la voie que vous proposez, celle de l'efficacité et de la rapidité, qui a recueilli l'accord unanime de l'Assemblée nationale. Le Conseil national d'évaluation des normes (CNEN) sera un guetteur, un veilleur, qui donnera toute initiative aux élus dans la diversité de la représentation des territoires. Il donnera son avis sur toute norme ayant un impact et financier sur les collectivités territoriales ou leurs établissements publics, quel que soit son support. En accord avec Mme Valérie Fourneyron, le Gouvernement a fait adopter un amendement articulant le CNEN avec la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres), ce qui améliore le dispositif.

Je salue la perspicacité des auteurs de la proposition de loi, qui ont corrigé une imperfection : celle qui laissait toute latitude au Gouvernement de ne pas consulter le CNEN sur les projets de loi. C'est le sens de la proposition de loi organique que vous examinez conjointement.

Foin de la logorrhée normative, nous coupons les branches de l'arbre à palabres. Ce texte restera un texte fondateur, de bon sens et d'équilibre. Je fais mienne la conclusion du rapport Lamber-Boulard : ce texte secoue notre droit pour nous redonner la possibilité d'agir. (Applaudissements)

M. Alain Richard, rapporteur de la commission des lois .  - Nous repartons d'une excellente base. En première lecture, le Sénat avait déjà amélioré ces propositions de loi, qui transcrivaient les recommandations des états généraux de la démocratie territoriale. L'Assemblée nationale nous renvoie un texte avec quelques modifications que nous pouvons approuver. La composition du CNEN est équilibrée, les représentants des collectivités territoriales compteront des représentants d'exécutifs mais dans une définition suffisamment large pour pouvoir accueillir des élus disponibles. La composition sera paritaire et le mandat de trois ans.

L'Assemblée nationale a également retiré la faculté pour le CNEN de se prononcer sur les amendements. Une telle consultation, à chaud, pendant la discussion parlementaire, eût été en effet peu praticable. J'y ai renoncé. J'indique simplement que si l'amendement peut représenter une charge normative importante, rien n'empêche son auteur de consulter le CNEN.

L'Assemblée nationale a choisi de soumettre au CNEN les textes présentant un impact technique et financier pour les collectivités locales, les deux conditions n'étant pas cumulatives. Les possibilités de saisine sont les plus larges possibles. L'Assemblée nationale n'a pas retenu la faculté, pour les présidents de groupe, de saisir le conseil, estimant que les possibilités de saisine étaient déjà fort larges.

La procédure a également été un peu modifiée, comme la règle de publicité : l'insertion au Journal officiel peut paraître un peu datée, elle n'est plus, aujourd'hui, le seul canal possible. L'essentiel est que le public ait connaissance des avis du CNEN en temps utile.

L'Assemblée nationale a été plus rigoureuse que nous. Nous avions autorisé le CNEN à voter son propre budget et à se doter sur la DGF. Les députés ont estimé que seul le comité des finances locales pouvait approuver une telle décision.

Pour les normes sportives, un décret du 4 avril 2013 a instauré une procédure spécifique : les représentants des collectivités locales au sein de la Cerfres pourront saisir le CNEN d'une norme sportive. L'Assemblée nationale en a tiré les conséquences. Votre commission vous propose donc d'adopter ces textes sans modification, sachant que la proposition de loi organique précise que l'étude d'impact annexée à un projet de loi doit comporter l'avis du CNEN.

Nous avons mené ce travail dans un esprit de collaboration constructif avec le Gouvernement et je salue l'engagement fort du Premier ministre sur ce sujet : il a réorganisé le SGG pour dédier certains de ses membres à la démarche de simplification. Puisse le décret en Conseil d'État ne se faire pas longtemps attendre. (Applaudissements à gauche)

Mme Jacqueline Gourault, auteur de la proposition de loi .  - Cette proposition nous revient de l'Assemblée nationale après les ajustements qu'a rappelés le rapporteur. C'est pour moi une grande satisfaction de voir ce texte traverser la navette et j'espère qu'il sera adopté conforme pour une entrée en vigueur rapide.

Je salue tous ceux qui ont travaillé sur le sujet, notamment Éric Doligé. Tout ce qui a été fait, sous la précédente mandature et sous celle-ci, a aidé à la prise de conscience de la gravité de la situation. Cette question, on s'en souvient, a été centrale lors des états généraux.

Si nous votons ce texte conforme, la loi prendra effet sans délai. Les événements de fin de semaine dernière -le Haut conseil des territoires n'a pas été voté...- montrent que nous avons bien fait de conserver son autonomie à ce texte.

Le CNEN est attendu par tous : les collectivités locales, le législateur, l'État, décidé de son côté à faire évoluer ses pratiques.

Hommage soit rendu à MM. Lambert et Boulard pour leur rapport, assez décoiffant. « Le moment est venu de rompre avec une évolution qui conduit à la paralysie », écrivent-ils alors que les marges de manoeuvre des collectivités territoriales se rétrécissent. Le moment est décisif, aussi, pour les acteurs économiques

L'arrêté « saucisses » du 30 septembre 2011, définissant les équilibres nutritionnels dans la restauration scolaire, a beaucoup frappé. Le ministère de l'agriculture a, le 3 septembre, rappelé que, conformément aux décisions du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (Cimap) du 2 avril 2013, une évaluation des normes serait bienvenue. L'idée progresse, donc. La circulaire du Premier ministre du 18 juillet 2013 a décrété un moratoire ; celle du 1er septembre que toute nouvelle norme devra avoir pour contrepartie la suppression ou l'allégement d'une autre norme. Et le pouvoir réglementaire devra respecter un principe de proportionnalité, en laissant des marges de manoeuvre dans la mise en oeuvre des normes. Le coût des normes sera publié chaque semestre et un bilan dressé au 1er janvier 2014.

La délégation aux collectivités territoriales, que j'ai l'honneur de présider, a invité la Commission consultative à tenir une de ses réunions au Sénat. Nous avons pu mesurer combien le travail est fastidieux et réclame l'oeil de juristes. Je salue le travail d'Alain Lambert, qui sait faire preuve de patience, de conviction et d'autorité. Trois dossiers ont été traités, dont l'un sur l'accessibilité des bâtiments d'habitation temporaires ou saisonniers, comme les logements étudiants. Le Gouvernement a proposé que seuls 5 % soient rendus accessibles ; la Commission a donné un avis favorable. C'est dire que les choses peuvent bouger, sachant que l'échéance de 2015 arrive bientôt. Mme Vérot, directrice chargée de la simplification auprès du Secrétaire général du Gouvernement, nous a présenté la manière dont celui-ci entendait traiter les stocks ; nous pourrions mettre en place un groupe de travail sur l'accessibilité avec le secrétariat général du Gouvernement et le futur CNEN. Notre délégation pourra y être associée, comme l'ont souhaité notre président et le Premier ministre aux états généraux.

Puisse ce texte très attendu par les élus entrer rapidement en vigueur. Au congrès départemental des maires de la Sarthe, ce samedi, j'ai beaucoup entendu parler des rythmes scolaires, du PLUI et... des normes. (Applaudissements)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - Nombre d'élus locaux et de parlementaires se sont penchés sur cette question des normes. Si ce texte doit nous permettre d'aboutir enfin, c'est aussi grâce à eux. L'implication de Mme Gourault fut précieuse, comme les états généraux voulus par M. Bel, comme le travail accompli par M. Lambert, comme celui de M. Doligé, dont la proposition de loi est en cours de navette.

Pour nos 550 000 élus locaux, la question des normes est centrale. Nous avons besoin de normes car aucune société humaine ne peut fonctionner sans elles, mais il arrive un moment où l'abondance des règles aboutit à la paralysie, à l'embolie. Tel est le paradoxe. L'une des grandeurs de notre mission, c'est de faire des lois justes, utiles, nécessaires, et non des lois superfétatoires. Des normes qui arrivent à l'heure dite, mais sans surabondance. Et il en va de même pour le pouvoir réglementaire, que nous avons la tâche de contrôler.

Nos collègues députés ont bien travaillé, et notre rapporteur nous propose d'adopter conforme le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale. De même, sur l'action publique territoriale, nous pouvons nous réjouir de constater que le Sénat ne rendra pas page blanche.

Le CNEN n'est pas un organe de plus, son rôle sera très précieux : il travaillera en amont, il anticipera, il préviendra. Tout projet de norme nouvelle concernant les collectivités territoriales devra passer par son filtre ; il pourra solliciter une réécriture. C'est la bonne méthode. A la suite d'une remarque d'Alain Richard, nous avons écrit une proposition de loi organique. S'il y a des études d'impact jointes aux projets de loi, c'est parce qu'une loi organique l'a voulu. Si donc l'on veut que les avis de la CNEN y figurent, il faut une loi organique. Les conséquences n'en seront pas négligeables.

Si le CNEN estime, par exemple, que la mise aux normes de tous les équipements sportifs a un coût excessif, ce ne sera pas une parole en l'air. Nul parlementaire ne pourra ignorer son avis. C'est là une vraie innovation, et un progrès dans la méthode. Mieux vaut anticiper que dénoncer a posteriori.

Merci à tous ceux qui ont oeuvré pour que ce texte voie le jour. (Applaudissements à gauche)

Mme Hélène Lipietz .  - Le cumul des mandats doit permettre aux collectivités territoriales d'être représentées au Parlement, nous dit-on. Je regrette, sur ce texte qui les concerne au premier chef, que nos bancs soient si dégarnis...

Ce texte apporte une avancée notable et l'espoir d'un désengorgement, tant les normes sont pléthoriques. Comment simplifier ? Ne laisser au CNEN que la possibilité de proposer l'abrogation d'une norme est insuffisant. Nous avions proposé que l'adoption d'une nouvelle norme conduise à en faire disparaître une autre. Je pense que nous avons raté le coche...

Je suis pour un droit flexible, et non pour un droit rigide. Nos lois sont trop complexes, entrent dans trop de détails. Savons-nous encore créer le droit, trouver la quintessence juridique qui nous permettrait de vivre ensemble ? Tout se passe comme si nous n'avions plus le temps de faire simple, de faire court, comme si nous étions perdus. Ainsi de la saga de nos amendements sur la prévention des nuisances lumineuses : ni la ministre ni le rapporteur ne m'ont donné la bonne réponse. J'ai vérifié, c'est le maire qui est charge du contrôle, sauf quand il relève de la compétence de l'État. Mais il faut dix pages pour s'en expliquer ! Je proposerai donc, cet après-midi, la suppression d'une norme obsolète qui nous fera gagner bien du temps. (M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois, applaudit)

M. Éric Doligé .  - La présence, madame Lipietz, n'est pas liée au cumul. Vos collègues écologistes cumulent-ils donc, pour être absents cet après-midi ?

Il aura fallu près d'un an pour que ce texte nous revienne en deuxième lecture. En 2011, le président Sarkozy avait lancé la machine à simplifier et, en 2012, le président Hollande a dit, lors des états généraux, sa volonté d'aller vite.

Simplifier, c'est réduire les délais, supprimer les textes superflus, vérifier si une norme existe avant d'en créer une nouvelle dans le même domaine, mais aussi pouvoir expérimenter. Cela suppose l'existence d'une instance reconnue, dotée de vrais pouvoirs. Au fil du temps, nos règles constitutionnelles et normatives se sont complexifiées. Tandis que nous débattons en procédure accélérée de textes qui n'entreront en vigueur qu'en 2017, la raison eût voulu que cette proposition de loi fût adoptée en trois mois. Sans compter qu'une proposition de loi organique est venue s'y greffer.

La question de la gestion du stock de normes demeure -il y en aurait 400 000 ! Le chiffre est affolant. Dans ma proposition de loi, j'avais voulu un nouveau dispositif au sein du comité des finances locales pour éviter la création d'une instance supplémentaire. Vous avez préféré une autre voie, je vous ai suivis car il faut aboutir.

Jean-Noël Cardoux, dans son rapport sur les agences sanitaires et sociales, a constaté l'existence de nombreuses instances, pour un coût annuel de 1,4 milliard d'euros, avec 25 000 collaborateurs. On nous démontrera sans doute que chaque structure a sa place mais je ne puis m'empêcher de penser que cette multiplicité contribue à l'inflation des normes et que l'autonomie de gestion affaiblit les possibilités de contrôle du Parlement. Une structure nouvelle doit donc servir de gendarme. Le CNEN évaluera les normes et pourra proposer des adaptations pour éviter des coûts disproportionnés, ainsi que des abrogations.

Comme Pierre Morel-A-L'Huissier, j'estime que nous aurions dû aller plus loin vers les principes de subsidiarité et d'adaptabilité. Hélas, vous vous êtes montrés hermétiques. C'est d'autant plus regrettable que la grande loi de décentralisation est mort-née. Espérons que le CNEN arrivera à établir une jurisprudence sur l'expérimentation.

J'en viens à la composition du Conseil -36 membres, 7 collèges- qui doit respecter la parité et la présence des exécutifs locaux. Mais l'essentiel n'est pas là. Le monde économique, aussi, est entravé par la folie normative, qui bride la compétitivité et l'innovation. Les normes relatives aux 35 heures, au départ en retraite posent problème -tant que nous les aurons, la France ne sera pas compétitive. Autre exemple : les études de médecine, où 90 % des étudiants échouent en première année ; résultat, nos jeunes gens partent étudier en Belgique ou en Roumanie et reviennent exercer chez nous. Je ne reviens pas sur le fameux décret « saucisses », évoqué par Jacqueline Gourault.

Vous souhaitez une adoption conforme mais nous avons déposé, avec MM. Vial et Bas, un amendement autorisant l'expérimentation d'une évolution du cadre normatif pour des projets innovants. Nous verrons si vous nous répondrez positivement. Puissiez-vous vous montrer ouverts : notre vote dépendra de la qualité de nos échanges. (Applaudissements à droite)

M. Christian Favier .  - En 1991, le Conseil d'État, déjà, faisait part de son inquiétude face à la prolifération des normes, leur instabilité et leur dégradation. De nombreux rapports ont suivi. L'AMF estime le stock de normes à 400 000. Le désarroi des élus locaux est patent. Il s'est clairement exprimé lors des états généraux. Ce texte s'emploie à résoudre le problème. Le groupe CRC le soutiendra. La création d'un CNEN doté de pouvoirs et de moyens renforcés est indispensable pour agir sur le flux comme sur le stock. Sur sa composition, nous avons déposé, en première lecture, deux amendements dont nous nous réjouissons qu'ils aient été adoptés, pour une meilleure représentation des élus.

Les dispositions relatives à la publicité sont propres à responsabiliser les administrations centrales.

La rédaction initiale rendait les avis du conseil contraignants ; désormais, le Gouvernement pourra maintenir son texte en justifiant sa position. A lui seul, ce texte ne mettra pas fin à l'exaspération des élus, liée à la baisse des dotations et au manque de soutien technique de l'État. Le désengagement de l'État, depuis la précédente législature, est patent. Ainsi, les normes d'accessibilité ne posent problème que parce les moyens manquent pour les appliquer. Le CNEN pourrait proposer l'adaptation des normes en vigueur, si leur impact technique ou financier est disproportionné. Nous avons déjà dénoncé le principe de proportionnalité des normes, qui ouvre la voie à des inégalités en fonction des revenus des territoires. Nous veillerons à ce que cette loi ne se traduise pas par une déréglementation préjudiciable à l'égalité républicaine. Nous la voterons cependant, et je rends hommage à Mme Gourault et M. Sueur. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Claude Requier .  - Enfin, nous trouvons le temps d'examiner cette proposition de loi en deuxième lecture. Le prochain congrès des maires y est sans doute pour quelque chose... Tout a déjà été dit sur les effets pervers de l'inflation normative. Pourtant, ce débat est assez confus : pas moins de trois textes de loi nous ont été soumis sur l'avenir du CCEN. Tant de complexité pour simplifier ! Le texte de la commission des lois, en première lecture, nous laissait sceptique. Il paraissait mettre en cause le droit d'amendement des parlementaires. S'agissant du droit de saisine, il ne leur est finalement reconnu que pour les propositions de loi. Si le Parlement ne doit pas rester enfermé dans une tour d'ivoire, il ne saurait être dépossédé de ses prérogatives. Nous nous félicitons donc des modifications apportées par l'Assemblée nationale. Il est heureux que le Parlement dispose d'informations nécessaires avant de légiférer. Encore faudrait-il que l'agenda nous permît de travailler correctement ! Le CNEN se penchera à la fois sur le flux et le stock des normes. Je sais Mme la ministre attentive à couper court à la « logorrhée normative » et à couper les branches de « l'arbre à palabres ». Nous serons toujours prêts à la suivre dans cette direction ! (Applaudissements)

M. Edmond Hervé .  - Il y a plus de cinquante ans, le doyen Vedel nous avertissait que la norme commence par coloniser les textes, pour finir par acquérir son « indépendance » : belle perspicacité.

On ne compte plus les travaux sur la simplification des normes. Une directrice chargée de la simplification vient même d'être nommée. La lutte contre les normes est consensuelle. Nous n'avons pas le droit d'échouer.

Veillons à ce que les représentants des collectivités territoriales au Conseil soient d'authentiques praticiens et à ce que le conseil exerce pleinement ses compétences, en se prononçant sur l'utilité et l'efficacité des normes. Veillons aussi au respect des très larges conditions de saisine du Conseil. Je me réjouis de l'extension aux EPCI, prévue par l'Assemblée nationale.

La publicité d'un avis du CNEN et son rapport annuel nourriront le débat.

Si Claude Belot parlait de « maladie des normes », il faut souligner que la norme est utile lorsqu'elle favorise le progrès et protège. Elle est inutile lorsque son coût est disproportionné, ou qu'elle sert des intérêts particuliers.

L'évaluation est au coeur du processus démocratique. Je me suis penché sur les cahiers de doléance de 1789.

Mme Éliane Assassi.  - Excellente initiative.

M. Edmond Hervé.  - Ici, on accuse les règles de clôture des champs ; ailleurs, on les défend. Sur les protections commerciales, les drapiers de Lyon et ceux de Rouen étaient d'avis contraires, les uns plaidant pour la liberté du commerce tandis que les autres s'insurgeaient contre l'Angleterre « cette nation jalouse de la prospérité de la France et qui ne cherche que les moyens de l'épuiser ».

Le législateur ne doit pas oublier cet instant de liberté qu'est la codification. L'inflation normative a des raisons institutionnelles : la faiblesse du contrôle du Parlement, l'autonomie réglementaire et le phénomène bureaucratique, l'absence de transversalité dans l'appareil d'État : très attaché aux lois de 1981 et 1982, je pense néanmoins qu'il faut un facteur de transversalité comme le préfet... Il faut aussi mentionner la demande sociale, l'esprit de suspicion...

Le pacte de confiance entre l'État et les collectivités territoriales reposera désormais aussi sur ce texte. Le rapport Belot a fixé des lignes directrices : je vous renvoie notamment à sa onzième proposition sur la normalisation.

Pour illustrer l'esprit de suspicion, je citerai un extrait du rapport de la commission de contrôle de l'Exposition universelle de 1937 disant que seules des règles contraignantes pouvaient obliger un fonctionnaire à prendre soin d'un bien public comme de son bien privé. Cela vaut aujourd'hui pour les élus. (Applaudissements)

M. René Vandierendonck .  - Merci aux auteurs de cette proposition de loi, aux rapporteurs et aux services de l'État qui nous ont apporté leur concours.

La simplification est un travail de Sisyphe. Pensez à l'urbanisme : les Grenelle I et II ont ajouté 800 pages au code de l'urbanisme ! Comment les maires s'y retrouveraient-ils alors qu'il existe aussi des schémas régionaux d'aménagement des territoires, non opposables, des Scot, des PLU... ? Le Sénat tient à ce que l'aménagement des espaces relève du bloc communal. J'ai lu, hier dimanche, le rapport que le conseil d'État a consacré au droit souple : nouvelle incitation à assouplir. Une commission avait également préconisé des solutions pour limiter les recours pour excès de pouvoir en matière de permis de construire. N'en déplaise à Portalis, le droit dur doit s'accompagner d'un droit souple, qui laisse une possibilité d'adaptation aux collectivités territoriales... une antienne dans notre Haute assemblée. Autre lecture importante : le rapport Raffarin-Krattinger qui invite à reconnaître aux collectivités territoriales un pouvoir réglementaire d'adaptation. Je salue tous ceux qui ont voulu donner au CNEN un vrai pouvoir d'appréciation. (Applaudissements)

M. le président.  - Permettez-moi de vous féliciter pour vos lectures du dimanche. (Sourires)

La discussion générale est close.

Discussion des articles de la proposition de loi

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par MM. Vial, Bas, Hyest et Milon, Mmes Debré et Troendle et MM. Courtois, Reichardt, Béchu et Portelli.

Après l'alinéa 32

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Le conseil national, saisi d'une requête d'adaptation des mesures d'accessibilité aux personnes handicapées au plan local, demande au conseil départemental consultatif des personnes handicapées concerné d'expérimenter une évolution du cadre normatif pour un projet innovant adapté.

« Le conseil national établit un bilan des expérimentations ainsi effectuées et évalue la possibilité de généraliser ces expérimentations.

M. Jean-Pierre Vial.  - Cette proposition de loi est la bienvenue. Il y a une semaine, le ministre Martin s'étonnait qu'il ait fallu presque quatre ans... Les pouvoirs du CNEN sont-ils suffisants ? Il faut trouver un moyen simple d'appliquer les normes. Je pense aux règles d'accessibilité des bâtiments, sur les difficultés techniques desquelles les professionnels nous ont alertés. Il convient donc d'autoriser les expérimentations sur un plan technique ou financier. C'est la voie du bon sens.

M. Alain Richard, rapporteur.  - Avis défavorable. Il appartient à l'exécutif d'autoriser une expérimentation. Le CNEN, lui, n'aura pas le pouvoir réglementaire. En outre, pourquoi identifier le sujet de l'accessibilité plutôt qu'un autre ? Cela n'interdit pas au Gouvernement de nous dire comment il pense mettre en oeuvre la loi de 2005.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - C'est un problème récurrent, auquel nous sommes sensibles. Mais les CDCPH, qui peuvent déjà faire une proposition en la matière, n'ont pas le pouvoir réglementaire. En outre, il ne faudrait pas empiéter sur les prérogatives du CNEN. Ensuite, le conseil national pourra se prononcer sur les normes en vigueur. Enfin, sur la loi de 2005, nous voulons agir de manière concertée, dans le cadre de l'observatoire interministériel de l'accessibilité. Mme la sénatrice Campion a été chargée d'une mission à ce sujet. Retrait.

M. Jean-Pierre Vial.  - Mme la ministre veut me rassurer mais je n'entendais pas me limiter à la loi de 2005. Les élus et les acteurs concernés voient l'échéance comme une épée de Damoclès.

Cela dit, je retire l'amendement au bénéfice de ces assurances.

L'amendement n°1 est retiré.

L'article premier et l'article 2 sont successivement adoptés.

Intervention sur l'ensemble

M. Éric Doligé .  - Pour aller vite, votons ce texte conforme. Mais il faudra résoudre rapidement le problème posé par la loi de 2005, afin de trouver des solutions réalistes et consensuelles car les associations veillent.

La proposition de loi est définitivement adoptée.