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Table des matières



Débat sur le bilan des 35 heures à l'hôpital

M. Jean Arthuis, pour le groupe UDI-UC

Mme Catherine Génisson

Mme Aline Archimbaud

M. Gérard Larcher

M. Jean-Marie Bockel

Mme Laurence Cohen

M. René-Paul Savary

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Laïcité (Questions cribles)

M. Hervé Marseille

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

M. Claude Domeizel

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation

Mme Éliane Assassi

Mme Esther Benbassa

Mme Françoise Laborde

M. Roger Karoutchi

Mme Delphine Bataille

M. André Reichardt

Mme Catherine Génisson

Formation professionnelle (Conclusions de la CMP)

Discussion générale

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Mme Françoise Laborde

M. Jean Desessard

M. Jean-Noël Cardoux

Mme Chantal Jouanno

Mme Laurence Cohen

Mme Catherine Génisson

Discussion du texte élaboré par la CMP

ARTICLE PREMIER

ARTICLE 4

ARTICLE 9 TER

ARTICLE 12

Interventions sur l'ensemble

M. René-Paul Savary

Mme Isabelle Debré

Saisine du Conseil constitutionnel

Renvoi pour avis

Ordre du jour du mardi 8 avril 2014

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 27 février 2014

80e séance de la session ordinaire 2013-2014

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

Secrétaires : M. Jean Boyer, Mme Odette Herviaux.

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Débat sur le bilan des 35 heures à l'hôpital

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le bilan des 35 heures à l'hôpital.

M. Jean Arthuis, pour le groupe UDI-UC .  - L'hôpital est au coeur de notre système de santé. Son coût, 65 milliards d'euros par an, est toujours l'objet d'interrogations ; les frais de personnel pèsent entre 65 et 75 %. La situation est suffisamment grave pour rompre avec les conventions de langage habituelles et sortir des clivages traditionnels qui nous cantonnent dans l'absence de décisions et de réformes structurelles. D'où ce débat qui pourrait d'ailleurs être élargi à la question des 35 heures dans la fonction publique. Il est symptomatique qu'il se tienne à l'heure où le président de la République entend réduire la dépense publique de 50 milliards...

Il est temps d'évaluer les bénéfices attendus et supposés de cette grande réforme que le gouvernement Jospin avait mise en oeuvre dès son arrivée aux responsabilités : partager le travail comme on partage un gâteau et tirer parti des gains de productivité.

La fonction publique hospitalière représente 1,15 million de personnes sur 6 millions de personnes employées directement ou indirectement par les institutions publiques. À l'hôpital, la situation est alarmante, les dysfonctionnements se multiplient. Dans le domaine de la santé, rien ne peut remplacer la présence humaine. Le constat est aveuglant : les agents des hôpitaux sont en souffrance, un malaise profond affecte les établissements sanitaires comme les Ehpad ; la sécurité dans nombre de services est en danger ; les résidents et leurs familles se plaignent ; faute de temps, les agents espacent le rythme de la toilette et le nettoiement des chambres. A-t-on oublié le facteur humain ?

La réduction du temps de travail était une utopie, un pari intellectuel destiné au secteur concurrentiel. Certains économistes de l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) estimaient qu'elle créerait 2 millions d'emplois. La loi a mis fin à toute démarche conventionnelle ; les salaires n'ont subi aucune correction à la baisse : c'était travailler moins pour gagner autant...

Ces prévisions mirifiques ont vite été revues à la baisse. En 1998, Jean-Paul Fitoussi déclarait l'idée généreuse, mais avouait une pointe de regret : en devenant loi, l'utopie est devenue réalité... et les espérances ont été divisées par cinq : seuls 400 000 emplois ont été créés, au lieu des 2 millions attendus.

Faisant fi de tous les arguments économiques et sociaux, des enjeux de compétitivité comme des risques de délocalisations, la majorité de l'époque a voté les 35 heures. La suite est hélas connue : après une baisse éphémère, le chômage n'a cessé de progresser, les chiffres d'hier le prouvent encore.

À l'origine, il n'était pas question d'étendre la réduction du temps de travail à la sphère publique. Ce fut fait par décret en août 2000. Le nombre d'agents publics est passé de 4,83 millions en 1998 à 5,36 millions fin 2011, celui du personnel hospitalier de 930 000 à 1,13 million, soit plus 21,5 %. La hausse s'est poursuivie depuis.

Sur le terrain, des réponses diverses ont été apportées en fonction des cultures locales et de la nature du dialogue social. Au centre hospitalier de Château-Gontier, dont je préside le conseil d'administration, la direction et les représentants du personnel ont été responsables ; grâce au gel discret des salaires, ils ont tenu le cap.

Les 8 heures sont devenues 7 h 45 pour permettre aux équipes de s'informer réciproquement. La multiplication des jours de RTT a perturbé l'organisation des services au détriment des patients et des agents eux-mêmes. Dans les maisons de retraite et les Ehpad, les établissements pour personnes handicapées, les centres d'aide sociale à l'enfance, le prix de journée est devenu difficilement supportable. Les gestionnaires tentent de contenir la masse salariale, les contrats précaires se multiplient - une sorte de sous-fonction publique se développe, un espace de précarité se forme fait d'emplois d'avenir et de contrats précaires.

Pour réduire les dépenses, on pousse le personnel à renoncer à ses journées de RTT, ce qui crée un climat fait de tension et d'incompréhension. Si tous les droits acquis au titre des RTT étaient comptabilisés dans la dette des établissements, nombre de ces derniers seraient déficitaires... C'est dire que la réalité des charges est masquée.

Dans le secteur marchand, la désindustrialisation s'est poursuivie, les délocalisations se sont accélérées, le chômage de masse a continué à croître. L'extension des 35 heures à la fonction publique a certes créé 650 000 emplois, mais aggravé la dérive budgétaire : comble de l'hypocrisie politique ! À l'hôpital, les conditions de travail se sont dégradées au point de mettre en péril la sécurité et le respect dû aux patients. C'est un fiasco.

L'heure est venue pour le Gouvernement de sortir du déni de réalité. Pour réduire de 50 milliards d'euros la dépense publique tout en maintenant la qualité de l'accueil et des soins, les 35 heures doivent être remises en cause dans toute la fonction publique, ce qui rapporterait une vingtaine de milliards d'euros.

Faisons taire tout dogmatisme et tout esprit partisan et lançons courageusement des réformes structurelles pour redresser la France. À défaut, les 50 milliards d'économies seront un mirage.

Le projet de loi sur l'autonomie, qualifié de grand chantier du quinquennat, est annoncé pour la fin 2014. Pour répondre aux attentes, qui sont vives et légitimes, de nouveaux moyens devront être trouvés. Combien de milliards ? Quel financement ?

Le retour aux 39 heures dans la fonction publique hospitalière ne peut plus être différé, dont les modalités doivent faire l'objet d'un dialogue. C'est affaire de lucidité et de courage pour les responsables politiques comme pour les partenaires sociaux.

L'utopie, c'était l'idée que les 35 heures pouvaient mettre fin au chômage. Le mirage, c'est l'idée que l'on peut trouver 50 milliards d'économie sans abandonner cette utopie. Ne revenir ni sur l'une ni sur l'autre, cela s'apparenterait à une lâcheté politique. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Catherine Génisson .  - Le réquisitoire de M. Arthuis était sévère, je ne peux pas y souscrire. Je tiens d'abord à saluer le travail des agents hospitaliers, l'accueil qu'ils font aux patients, mais aussi à souligner leurs fortes attentes. Les 35 heures ont été mises en oeuvre pour la fonction publique hospitalière en application du protocole d'accord du 27 septembre 2001 ; le personnel médical, lui, était visé par celui du 22 octobre 2001.

Pour le personnel paramédical, la RTT n'a pas été facile à concrétiser, en raison de l'inadéquation aux besoins - trop peu d'infirmières étaient formées, par exemple - et d'une mise en oeuvre rapide. L'application de la RTT par filière professionnelle a produit des dysfonctionnements.

Pour les praticiens médicaux, la RTT a été menée concomitamment avec la transposition d'une directive européenne. Les gardes et astreintes à domicile ont enfin été comptabilisées comme temps de travail ; un temps de repos a été garanti après les gardes. Ce sont davantage ces dispositions qui ont créé des difficultés que la mise en place des 35 heures. Un compte épargne temps a été créé pour le personnel paramédical et médical. Tandis que le premier y a peu recours, il a fallu adapter la réforme pour tenir compte de l'usage qui en est fait par le second : avec le décret de 2012, un maximum de dix jours par an peuvent être intégrés au compte, avec un plafond de soixante jours.

L'application des 35 heures à l'hôpital est plébiscitée, quel que soit le personnel concerné. On ne peut cependant ignorer les tensions, notamment au regard de l'intensification des rythmes de travail. Elles ont des causes endogènes : adaptation permanente aux évolutions de la médecine et des modes de prise en charge - chirurgie ambulatoire, hôpital de jour -, non-dissociation des postes de jour et de nuit. Les raisons sont aussi exogènes. Les insuffisances de la permanence des soins en liaison avec la médecine de ville provoquent l'encombrement des urgences ; vous avez fait des propositions à ce sujet, madame la ministre, ainsi que sur la médecine de premier recours.

Le groupe socialiste réaffirme son attachement aux 35 heures dans la fonction publique hospitalière, tout en reconnaissant les difficultés rencontrées.

M. Jean Arthuis.  - Euphémisme !

Mme Catherine Génisson.  - Il faut redonner sens et cohérence au service public hospitalier, adapter la gouvernance, revaloriser les carrières, envisager de créer par exemple des infirmières cliniciennes. Nous comptons sur votre détermination, madame la ministre, et serons à vos côtés. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Arthuis.  - Et les 50 milliards d'économies ?

Mme Laurence Cohen.  - On les trouvera en supprimant les exonérations de charges !

Mme Aline Archimbaud .  - Je ne suivrai pas non plus le réquisitoire de M. Arthuis. Les écologistes ont toujours été favorables à la réduction du temps de travail ; ils préconisent même une négociation sociale urgente pour traiter la question tout au long de la vie...

M. Jean-François Husson.  - À quand les 32 heures ? C'est consternant !

Mme Aline Archimbaud.  - Les tâches du personnel hospitalier sont lourdes. La réduction du temps de travail avait, pour eux, un sens particulièrement fort. Le protocole dédié au personnel non médical a proposé d'améliorer l'organisation du travail, de plafonner les heures supplémentaires et prévu 45 000 recrutements. Quant au personnel médical, 3 500 recrutements étaient prévus, ainsi qu'un effort de rationalisation. Un assouplissement est intervenu pour introduire la possibilité de payer les jours de congé non pris et créer un compte épargne temps.

Avouons que les choses n'ont pas été aussi simples que prévu. Les recrutements se sont étalés jusqu'en 2004 et ont été moins nombreux qu'annoncé, faute de candidats et surtout de crédits. Le rapport de la Cour des comptes de mai 2006 montrait que les créations de postes envisagées ne suffisaient déjà pas...

La réforme prévoyait aussi des gains de productivité. Au lieu de cela, le service public s'est dégradé. Beaucoup de médecins ont dû renoncer à leurs heures de RTT : plus de 2 millions d'heures ont été thésaurisées entre 2002 et 2012, date à laquelle on a proposé de les payer, de les convertir en points retraite ou en jours de congé. Résultat, un surcoût pour les hôpitaux de 600 millions d'euros - qui n'avait pas toujours été provisionné...

La mise en oeuvre des 35 heures n'a pas été sans mal. Inutile cependant de se rejeter la faute, l'insuffisance des Ondam successifs comme le poids des déficits sociaux a rendu l'application de la réforme complexe. Celle-ci n'était ni utopique ni démagogique. L'examen du projet de loi de santé publique sera l'occasion de réfléchir plus globalement à notre système de santé publique, tout en développant la démocratie sanitaire. (Applaudissements sur les bancs CRC et socialistes)

M. Gérard Larcher .  - Merci au groupe UDI-UC d'avoir demandé ce débat. Après dix ans, il est temps de faire le point, sans fard, sur cette réforme qui a bouleversé l'hôpital public et, plus largement notre économie. Un seul exemple : en 2004, nous avions la première industrie agroalimentaire d'Europe, nous aurons bientôt chu à la quatrième place...

À l'hôpital, dans un contexte d'évolution des modes de prise en charge, la réduction du temps de travail a désorganisé les soins. Un Ondam hospitalier faible, une pénurie d'infirmières et de médecins hospitaliers dans certaines spécialités ont ajouté aux difficultés.

Les 35 heures ont été l'occasion d'un dialogue au sein des établissements et aussi, disons-le, un facteur de paix sociale, grâce à de nouveaux avantages individuels. Mais il est dommage que la loi ait fait du temps de travail le coeur des discussions, en oubliant l'organisation du travail ; les accords furent souvent déséquilibrés.

Depuis 2002, les fermetures de lits se sont généralisées pendant l'été : voilà une réalité concrète que nous constatons sur nos territoires ! La continuité des soins est devenue une variable d'ajustement. Les divergences d'organisation se sont accentuées entre établissements, certains ont accordé de nombreuses RTT sans revoir l'organisation du travail ; à activité constante, les créations de postes ont été insuffisantes pour compenser. Avec les résultats que l'on sait sur les cadres de santé : noyés dans les plannings, ils sont davantage des gestionnaires déconcentrés de la réduction du temps de travail que des animateurs des unités de soins, ce qui est leur mission. Ils doivent tenir compte du changement des mentalités : le temps individuel prime désormais sur le temps collectif.

Et puis, parlons finances. La RTT a alourdi la charge des établissements, les obligeant à recruter 35 000 personnels médicaux et 3 500 personnels non médicaux, occasionnant des frais de gestion et un alourdissement sans précédent de la masse salariale ; les 32 heures de nuit ont eu un coût élevé. Entre 2002 et 2012, deux millions d'heures de RTT ont été stockées, et les hôpitaux ont finalement dû dépenser 600 millions d'euros pour les payer - 767 millions d'euros si l'on tient compte du recours à l'intérim. La réorganisation du travail et les gains de productivité sont restés lettre morte.

Alors, que faire ? La question dépasse le cadre de la fonction publique hospitalière, elle se pose pour tout le pays. Aidons d'abord les établissements à revoir leurs accords locaux, parfois très généreux. Le redressement financer est à cette condition. Et gardons-nous de toute uniformisation.

L'organisation doit être pensée autour du patient. Le coeur du process, c'est le malade ! Depuis douze ans, on planifie le temps de travail puis la prise en charge, alors qu'il faudrait faire l'inverse. L'organisation du travail du personnel médical et celle du personnel non médical doivent être rapprochées. Il est temps aussi de s'intéresser au personnel senior à l'hôpital : la RTT doit servir une politique managériale adaptée. Le cumul du compte épargne temps sur trois ans pourrait permettre des départs progressifs à la retraite et encourager la transmission des compétences.

Une meilleure organisation des soins est nécessaire au niveau territorial ; comment parler, sinon, de communautés hospitalières de territoire ?

Enfin, un choc de simplification pour reprendre un mot à la mode, est devenu indispensable. La réglementation est devenue très complexe - souvenons-nous des débats sur le temps d'habillage et de déshabillage, de passation de consignes et j'en passe...

Un système d'information performant réduira ce que j'appelle la pénibilité d'application des 35 heures.

Le management, un mot que l'on entend trop peu à l'hôpital, doit être réinventé pour une gestion des ressources humaines plus ouverte, responsabilisante, fondée sur les pratiques professionnelles.

Oui, il va falloir repenser le statut de l'hôpital, mettre en place des organisations du travail modernes, adaptées aux besoins des patients, au développement de l'hospitalisation à domicile, aux nécessités de la prévention.

Naguère président d'une grande fédération hospitalière, j'estime que la RTT, telle quelle a été menée, a considérablement affaibli l'hôpital public, alourdi la facture, mis en péril la continuité des soins. L'hôpital doit continuer à évoluer, tout en garantissant la qualité des soins et l'égalité d'accès à ceux-ci. Comment fait-on pour économiser dans le même temps 50 milliards d'euros de dépenses publiques ? Voilà l'enjeu. (M. Jean Arthuis le confirme) Si l'on veut répondre autrement que par la pénurie, alors que les institutions européennes doutent de nous, il faut revoir nos organisations, faire preuve d'imagination et de sens du dialogue. À défaut, le réveil sera douloureux pour les Français. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Marie Bockel .  - Le bilan des 35 heures à l'hôpital est globalement décevant, sinon négatif. Les 35 heures ont coûté cher, trop cher. Dès 2012, un plan d'apurement a été mis en place sur quatre ans. Mais il est très difficile de trouver des données précises sur le bilan de la RTT à l'hôpital, comme s'il s'agissait d'un tabou.

Dans le secteur marchand, la RTT est au mieux décevante. Député de la majorité à l'époque, j'avais organisé un colloque intitulé : Comment réussir les 35 heures ? ; en bon soldat, j'espérais faire prévaloir le pragmatisme dans la seconde loi... Ce n'a pas été le cas... Les 35 heures ont créé 350 000 emplois marchands, bien loin des deux millions promis.

Dans le secteur public et parapublic, 650 000 postes, presque le double, après que la réforme en a été étendue pour des raisons politiques, mais pas seulement : c'était aussi un moyen, pour le gouvernement Jospin, de créer des emplois publics, donc de tenir tant bien que mal ses promesses

À l'hôpital, le problème n'est pas celui de la compétitivité, mais des effectifs et des coûts. Seule une partie des postes promis ont été pourvus ; le manque de personnel qualifié n'a pas permis de mettre en place la réforme sans graves dysfonctionnements. Les cadres et praticiens ont dû accumuler jusqu'à 2 millions de jours de RTT non consommés ; les autres personnels, 1,2 million. En 2012, il a été décidé que ces jours pourraient être convertis, outre en congés, en points supplémentaires de retraite ou en argent : c'est toujours à l'hôpital de payer. Président du conseil de surveillance de l'hôpital de Mulhouse depuis 25 ans, je sais qu'il lui en a coûté 18 millions, 5 % de son budget. Fin 2011, les hôpitaux avaient provisionné 260 millions, bien loin du nécessaire ; comble de l'ironie, certains ont dû supprimer des postes pour financer le paiement des jours de RTT.... Peut-on avoir un premier bilan de ce dispositif ?

Qu'ont choisi les personnels concernés ? Qu'a coûté la réforme aux établissements ? Ceux-ci ont-ils dû réduire leur masse salariale ? Sans vouloir être insistant, j'espère des réponses. La situation est particulièrement préoccupante depuis 2006 : une dette de 710 millions des hôpitaux en 2007, qui est encore de 488 millions en 2010. Soit le coût prévisionnel de la RTT ...

Et que dire des établissements médico-sociaux ? Le prix de la journée est devenu insupportable pour les personnes et leurs familles. Comment, dans ces conditions, mener la réforme de la dépendance ? Les 35 heures sont un boulet, un fil à la patte, un handicap comme on dit en sport, pour conduire des réformes structurelles. L'OFCE le dit, la CFDT parle d'une réforme « court-termiste », Lionel Jospin a lui-même reconnu que la réforme des 35 heures aurait dû être introduite de manière plus progressive. Il ne s'agit pas de mettre le bazar à l'hôpital, les personnels ne sont pas en cause, (Mme Catherine Génisson s'exclame) mais il faudra, tôt ou tard, se saisir de cette question. Madame la ministre, j'espère que vous nous donnerez des réponses tournées vers l'avenir, et non vers le passé ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Laurence Cohen .  - Le groupe CRC veut d'abord rendre hommage aux personnels médicaux. Le dixième baromètre de la Fédération hospitalière de France, publié en mai dernier, le montre : pour les Français, l'hôpital reste un pilier du service public. Et pourtant, ces personnels sont mis à rude épreuve de restructurations en fermetures d'établissements.

Contrairement à M. Arthuis, je crois que les 35 heures ne sont pas une utopie : elles sont une voie vers une société plus humaine. Malheureusement, la réforme a connu des difficultés d'application. Un exemple : 3,3 millions d'heures stockées pour l'ensemble du personnel en 2011, le Gouvernement de l'époque ayant fait le choix d'un coûteux accord : monétiser ces heures.

La tendance est plutôt au rappel des personnels durant leurs heures de travail. En réalité, les 35 heures ont généré du stress. Il faut donc embaucher. Comment le faire quand l'Ondam hospitalier est si faible ? Je propose, puisque le secteur privé a bénéficié d'exonérations de charges, d'accorder aux hôpitaux publics une réduction de la taxe sur les salaires à ceux qui embauchent ? (M. Jean Arthuis ironise)

Pour autant, l'essentiel des difficultés à l'hôpital ne réside pas dans les 35 heures, mais plutôt dans le recrutement de médecins temporaires, véritables mercenaires, payés le triple pour un coût de 500 millions d'euros - soit l'équivalent du déficit des établissements. Et que dire de cette tendance à instaurer la journée de douze heures à l'hôpital ? Tout cela confirme le refus de la loi de financement de la sécurité sociale par le groupe CRC.

Pour nous l'hôpital n'est pas une entreprise comme une autre. Nous ne voulons pas alourdir le poids des gestionnaires comme vous, monsieur Larcher, pour réaliser des économies sur les soins ; assez d'hypocrisie : on ne peut répondre aux besoins sans abroger la loi HPST et sans aller chercher l'argent là où il est, non pas à l'hôpital mais dans les profits des grandes entreprises... (Exclamations à droite) Assez de ces larmes de crocodile. (On signale à l'oratrice, à droite, qu'elle a dépassé son temps de parole) J'ai été moins polémique que M. Larcher et je n'ai dépassé mon temps de parole que d'une minute ; lui de trois !

M. René-Paul Savary .  - Je veux apporter mon témoignage de membre du conseil de surveillance d'un hôpital sur les difficultés d'application des 35 heures et, cela n'a pas été beaucoup abordé, de leurs effets sur l'absentéisme.

Une dotation était prévue pour appliquer les 35 heures ; insuffisante, il a fallu rogner sur les temps de pause et de passation des consignes. Une aide-soignante m'a dit son quotidien : elle devait entrer à 5 h 38 sortir à 11 h 12 et, d'autres jours à 12 h 38, quitte à suspendre des soins pour passer le relais. (Mme Catherine Génisson en doute)

Cette réorganisation a été très variable, reposant sur des accords locaux, issus de rapports de force avec les syndicats. La désorganisation, donc, s'est ajoutée aux coûts non compensés. Les infirmières et les aides-soignantes, à cause de cette vision purement comptable du temps de travail, ont vu leurs tâches concentrées sur les équipes du matin. Il a fallu recruter des personnels venant d'autres pays, qu'il a fallu former... La T2A, en revanche, n'a pas bouleversé la situation, mais apporté une vision productiviste du soin liée à la progression de l'activité.

Il est bon de rappeler les chiffres, concernant notre système de soins qui vit à crédit. La France compte 17,8 agents hospitaliers pour 1 000 habitants - proportion parmi les plus élevées d'Europe - avec un taux de remplissage des plus faibles - 75 % - pour un déficit de 400 millions d'euros...

Les effets des 35 heures sur l'hôpital sont bien connus : les personnels se sont mis à compter leur temps à la minute près. Quels avantages pour les patients ? Ils ont simplement vu les équipes se relayer de plus en plus vite. Quels avantages pour le personnel ? Plus de temps encore, mais un travail où l'on se sent moins investi, un travail plus pénible et un compte épargne temps où les heures sont stockées, année après année, formant une dette sociale qu'il faudra résorber. L'absentéisme, dont les orateurs ont peu parlé, n'a pas diminué : un jour sur huit, soit 12 % du temps de travail. Avec la RTT, la solidarité est moins bien acceptée. Heureusement, la loi HPST a redonné des pouvoirs au chef de pôle. Outre l'absentéisme, on note un turn-over important. La suppression de la journée de carence n'est pas un bon signe. En 2011, pour la première fois depuis dix ans, le nombre d'arrêts d'un jour a chuté de 41 % hors CHU, une économie de 63 millions d'euros.

En un mot, la RTT a encouragé les comportements individualistes ; d'ailleurs, aucun pays n'a retenu ce modèle. Rendons hommage aux personnels, sans oublier toutefois les témoignages des malades sur la dégradation de la prise en charge à l'hôpital.

Pour conclure, un seul mot : lucidité.

Notre modèle social est à bout de souffle. Il y a des mesures à prendre, y compris le relèvement du numerus clausus, je ne manque pas de le rappeler à chacune de mes interventions. Là où il fallait deux médecins de campagne autrefois, il en faut trois aujourd'hui. Il y va de l'égalité des territoires. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé .  - Au coeur du débat et de l'affrontement politiques entre la droite et la gauche, figurent assurément les 35 heures ! Ayant écouté avec attention les intervenants et, en particulier, M. Arthuis, j'ai entendu cette vieille antienne de la droite selon laquelle les 35 heures seraient à l'origine de toutes les difficultés de notre société. Pourtant, le temps de travail n'a cessé de se réduire tout au long du XXe siècle et le gouvernement Jospin a voulu poursuivre une longue série de conquêtes sociales. Il portait un projet de société, disait Mme Aubry, pour que « le temps de la vie soit un peu plus celui de la liberté », pour mieux articuler « le temps de travail, le temps pour soi et le temps pour les autres, tout en créant des emplois ». Il s'agissait, non de partager le travail, mais de vivre mieux au travail. C'est à l'aune de ce projet de société que nous devons évaluer les 35 heures à l'hôpital. Je le dis à ceux qui prônent leur suppression, la réponse aux difficultés de l'hôpital n'est pas là. (On se gausse à droite) Oui, des réformes sont nécessaires, c'est pourquoi le Gouvernement a proposé un pacte de responsabilité et une stratégie nationale de santé. Recherche d'économie et réorganisation de notre système de santé, je veux le dire avec force, se croisent sans doute, mais on ne saurait les superposer.

Mme Archimbaud l'a bien dit : les personnels de l'hôpital ont plébiscité les 35 heures parce qu'ils exercent dans des conditions difficiles, parce que leur temps de travail est un temps d'engagement, parce que leurs horaires sont discontinus. Monsieur Savary, les 35 heures n'ont pas encouragé la démobilisation. Rendons grâce au personnel hospitalier de son dévouement.

À propos du numerus clausus, tordons le cou à cette idée qu'il suffirait de former plus de médecins pour combler les manques sur nos territoires. La France compte 300 médecins pour 100 000 habitants, contre 214 dans les années 1990. Aussi le choix du Gouvernement est-il d'encourager les médecins à s'installer dans les territoires où ils n'allaient plus, plutôt que de grossir les rangs de ceux qui rejoignent les cabinets en centre-ville.

La mise en oeuvre des 35 heures pour les médecins a été concomitante de la transposition de la directive européenne sur le temps de travail, qui incluait les gardes dans le temps travaillé et a confirmé le repos compensateur. C'est cette coïncidence qui a suscité des difficultés, que nous avons surmontées.

La RTT a bien créé des emplois (M. Jean Arthuis s'exclame) : 37 000 emplois dans le secteur sanitaire, 8 000 emplois dans le médico-social.

Je ne peux pas laisser dire qu'il s'agissait de sous-emplois : d'abord parce qu'en dix ans, ceux qui ont été recrutés en emploi jeune ont bien dû acquérir des compétences, ensuite parce que l'on n'a recouru à ce type de contrat que pour les postes administratifs. Évidemment, on ne remplace pas une infirmière facilement. Il a fallu revoir l'organisation, réduire les chevauchements d'équipe. Dans certains cas, cela a amélioré la coordination entre équipe médicale et non médicale. M. Larcher a fait une critique nuancée des 35 heures à l'hôpital, il ne saurait cependant oublier que l'accord à l'hôpital de Rambouillet a été généreux.

M. Gérard Larcher.  - Il a été revu depuis !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Oui, le dialogue social doit être mené, établissement par établissement. C'est le bon niveau : les directeurs des ARS ne doivent pas se substituer aux directeurs d'hôpitaux.

Le format du compte épargne temps a été adopté au fil du temps, générant une diversité de situations selon les lieux et les catégories professionnelles.

Certains n'ont pas modifié leur manière de travailler, d'où des dysfonctionnements et la formation d'une dette sociale : 300 jours stockés sur le compte épargne temps, dans certains cas.

Le décret du 6 décembre 2012 a fixé de nouvelles règles : un maximum de dix jours épargnés par an, un plafond global de soixante jours, et la comptabilisation des jours accumulés sur un compte de provision, appartenant aux comptes financiers de l'établissement et rendu public. Vous, les apôtres de la transparence, qui n'avez rien fait pendant dix ans pour qu'elle soit effective, vous en serez satisfaits !

J'ai pris un deuxième décret qui prévoit la mise sous contrôle de l'application des comptes épargne temps.

Ainsi, les chefs de pôle sont pleinement responsables de la gestion prévisionnelle des congés et des CET.

Dans les dix années à venir, la médecine ambulatoire va profondément modifier l'organisation du travail à l'hôpital. Nous réglerons le recours aux médecins que certains appellent des mercenaires dans la prochaine loi de santé publique ; nous ne pouvons pas laisser prospérer ce phénomène. Meilleur parcours de soins, articulation renforcée entre médecine ambulatoire et médecine hospitalière, voilà comment nous résorberons la dette de l'hôpital, non par la suppression des 35 heures.

La réforme de l'autonomie ? Elle est financée par la Casa, une nouvelle contribution qui ne vous a pas échappé.

M. Jean Arthuis.  - Un nouvel impôt !

Mme Marisol Touraine, ministre.  - Pour apaiser les tensions dans la fonction publique hospitalière, qui ne sont pas plus fortes qu'ailleurs, j'ai lancé un pacte de confiance pour l'hôpital renforçant les compétences des comités techniques d'établissement, des commissions médicales d'établissement et des commissions régionales paritaires, qui renforceront ainsi leurs échanges sur l'organisation du travail. L'absentéisme varie plus d'un service à l'autre qu'entre établissements ou entre la fonction publique hospitalière et le reste de la fonction publique.

Une négociation est d'ailleurs en cours sur les conditions de travail à l'hôpital. C'est dans ce cadre que sera discutée la journée de douze heures, prévue à titre dérogatoire, qui tend à devenir la règle. Il faut bien constater que souvent les jeunes la réclament. Le conseil supérieur de la fonction publique hospitalière s'en saisira.

Mme Lebranchu a engagé des discussions sur la prévention de la pénibilité dans la fonction publique. Des avancées seront réalisées dans ce cadre.

Les 35 heures ont représenté un progrès social considérable pour des millions de Français. Toutefois, il faut poursuivre nos efforts pour mieux organiser le temps de travail, indissociable de la prise en compte de la pénibilité. Je veux dire ma confiance en la communauté hospitalière ! (Applaudissements à gauche)

La séance est suspendue à 11 h 55.

présidence de M. Jean-Claude Carle,vice-président

La séance reprend à 15 heures.

Laïcité (Questions cribles)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions cribles thématiques sur la laïcité, thème choisi par le groupe UMP.

M. Hervé Marseille .  - Le mot « laïcité » fait l'objet d'interprétations multiples aboutissant in fine à une confusion. Lors du débat sur la loi Falloux, Victor Hugo disait : « Je veux l'Église chez elle et l'État chez lui ». Selon le vice-président du Conseil d'État, la laïcité n'est pas la négation du fait religieux par l'État mais le respect des convictions religieuses ; la liberté est la règle, la restriction l'exception. La loi de 1905 a imposé à l'État la seule neutralité religieuse. Aujourd'hui, selon Philippe Portier, professeur à l'École pratique des hautes études, une tentation s'exprime de prolonger l'espace de l'État plutôt que celui du privé. Voyez l'affaire Baby-Loup.

Le Gouvernement entend-il légiférer pour consacrer la jurisprudence ?

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Vous avez rappelé la séparation des espaces privé et public. Certains espaces se situent à leur croisement : ainsi la rue ou certaines entreprises. Certains espaces de travail, relevant du service public, sont bien publics et les principes de la laïcité s'y appliquent dans toute leur force. Baby-Loup est une entreprise privée, dont certains salariés sont cependant en contact avec le public. Fallait-il interdire les signes religieux distinctifs à tous les salariés ou à ces derniers seulement ? Les décisions judiciaires successives se contredisent. La cour d'appel de Paris s'étant dernièrement « rebellée », la Cour de cassation tranchera une seconde et dernière fois.

M. Hervé Marseille.  - Il faudra compléter la réglementation. Les problèmes actuels résultent aussi de l'échec de notre système éducatif à faire vivre l'esprit de tolérance.

M. Claude Domeizel .  - Le 31 mai 2011, le Sénat a, au terme de débats riches et sereins, voté une résolution instituant une journée annuelle de la laïcité le 9 décembre. Une résolution semblable avait été déposée par Mme Joissains, à qui je souhaite un prompt rétablissement.

La laïcité, c'est comme un air qu'on respire sans s'en apercevoir, disait quelqu'un. L'actualité nous incite cependant à rappeler que la France est une République laïque. Quelles suites seront données à cette résolution ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - M. Valls aurait aimé vous répondre mais il est retenu par une réunion avec ses collègues belge et néerlandais.

Le Gouvernement est tout à fait favorable à votre initiative et il apprécie beaucoup cette définition : « un air qu'on respire sans s'en apercevoir ». En 2013, l'Observatoire de la laïcité a plaidé dans le même sens. Tout doit être mis en oeuvre pour faire comprendre ce que recèle le mot « laïcité ». L'administration territoriale est chargée de relayer ce message, via des « correspondants laïcité ». La laïcité est une action de chaque jour ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Claude Domeizel.  - Merci de cette réponse. J'espère célébrer la première journée nationale de la laïcité le 9 décembre prochain, pour l'anniversaire de la loi de séparation des Églises et de l'État.

Mme Éliane Assassi .  - Composante du pacte républicain, la laïcité est aujourd'hui dévoyée par l'extrême-droite qui en fait un outil de stigmatisation pour alimenter le communautarisme. Le législateur est tenu à la rigueur intellectuelle. Faut-il pour autant légiférer ? Pour ne pas toucher à l'équilibre de notre droit, distinguons ce qui relève de la loi et du débat politique ou philosophique.

À la suite des arrêtés de mars 2013 de la Cour de cassation, le Défenseur des droits a réclamé une clarification de la loi après le parcours judiciaire de l'affaire Baby Loup ; la commission nationale consultative des droits de l'homme est claire : la neutralité ne s'impose qu'aux personnes qui exercent des activités de service public. Si des problèmes se posent actuellement, cela tient plus, finalement, au fait qu'on a délégué à des entreprises privées l'exercice du service public...

Une séance de question cibles thématiques ne suffira pas. Nous avons besoin d'un débat approfondi et rigoureux.

M. Michel Sapin, ministre.  - Le sujet exige en effet de la sérénité. En 1905, Aristide Briand réclamait du sang-froid et qu'on se garde des surenchères. La laïcité, c'est effectivement le sang-froid, l'apaisement.

Vous avez parfaitement décrit l'état de la question juridique. La Cour de cassation dira le droit : nous verrons s'il doit évoluer.

Le code du travail autorise les restrictions à la liberté religieuse dans les entreprises privées, justifiées par la nature de la tâche et proportionnées : ainsi, si la sécurité est en jeu, ou si un salarié est en contact avec de très jeunes enfants ou des personnes vulnérables. Il faut donc, avant toute chose, faire connaître la loi.

Mme Éliane Assassi.  - Merci de cette réponse. La laïcité est en péril, dévoyée par les extrêmes et mal défendue par les républicains. La Haute Assemblée pourrait se voir confier une mission à ce sujet.

Mme Esther Benbassa .  - En 2004-2005, Jean Baubérot rédigeait une déclaration universelle de la laïcité fondée sur trois principes fondamentaux - liberté de conscience comme liberté publique, autonomie de l'État et des institutions publiques à l'égard de toute religion, égalité dans l'exercice des droits - et définissait la laïcité comme l'harmonisation des trois. « Après avoir raconté la séparation des Églises et de l'État d'une manière uniquement conflictuelle, écrit-il, le discours social dominant effectue un virage à 180 degrés lors du centenaire de la loi en 2005. On insiste maintenant sur son irénisme. »

Selon lui, d'une loi permettant le vivre-ensemble, on est passé à un culte de la laïcité, une vulgate républicaine qui nous enferme dans un débat binaire, opposant les bons Français aux mauvais musulmans, au premier chef. La machine à exclure est en marche.

Est-il sage que l'État dicte les principes de la laïcité abstraite aux entreprises privées ? Celles-ci s'en chargent beaucoup mieux, sans tracas ni vaines polémiques.

M. Michel Sapin, ministre.  - Un « culte de la laïcité », c'est en effet une antinomie.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un oxymore !

M. Michel Sapin, ministre.  - Je reconnais bien là votre goût pour les mots. (Sourires)

De même, la laïcité s'oppose à l'intégrisme : c'est le respect de l'autre, dans la sphère publique comme dans la sphère privée. (M. Alain Fouché approuve) Je l'ai dit, le code du travail autorise des restrictions proportionnées. Un guide de bonnes pratiques destiné aux entreprises privées a été édité par l'Observatoire de la laïcité. Oui, dans beaucoup d'endroits, ces problèmes ont été résolus sereinement.

Mme Esther Benbassa.  - Je suis pour une laïcité harmonieuse, et pas celle qui frise une sorte de religiosité. Elle peut être gérée dans l'entreprise privée. Il serait temps de réfléchir aussi aux discriminations dans l'entreprise.

M. Alain Fouché.  - Très bien !

Mme Françoise Laborde .  - L'Observatoire de la laïcité, où M. Garrec et moi-même représentons le Sénat, a participé à la rédaction de la Charte de la laïcité à l'école : une laïcité qui rassemble et tient à l'écart de l'école de la République tout prosélytisme et tout communautarisme. Six mois après, il serait bon de disposer d'un premier bilan. Avec la morale laïque, cet ensemble est la pierre angulaire de la refondation de l'école. Où en est la préparation des enseignants ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - M Vincent Peillon, vous connaissez ses convictions, aurait été heureux de vous répondre : il a dit sa détermination à voir afficher la Charte de la laïcité dans toutes les écoles. L'enseignement moral et civique est destiné à transmettre les valeurs et les règles qui fondent notre vivre-ensemble et à former le sujet moral afin que l'enfant apprenne à penser par lui-même.

Le Conseil supérieur des programmes doit proposer ce printemps une nouvelle définition du socle des connaissances et des compétences, et un programme d'enseignement moral et civique. À destination des enseignants, un plan de formation continue est en cours d'élaboration, la formation initiale étant dispensée par les nouvelles écoles supérieures du professorat.

Mme Françoise Laborde.  - La journée nationale de la laïcité sera l'occasion de parler de cette valeur dans les écoles. J'ai participé à une journée de formation qui a montré tout l'intérêt et les attentes des enseignants concernant la laïcité.

M. Roger Karoutchi .  - La laïcité, j'ai pour elle beaucoup de respect, n'est pas l'air qu'on respire. Beaucoup de pays, notamment anglo-saxons, ne sont pas laïques. Une spécificité française donc.

La laïcité est une action qui se construit au jour le jour. De quelle laïcité voulons-nous ? Celle du début du XXe siècle ou bien une laïcité positive qui consiste à dire que l'État est au-dessus des religions à l'heure où celles-ci ressurgissent ?

J'ai lu l'ouvrage de M. Peillon sur Ferdinand Buisson. Il y dit que la laïcité est une religion d'État, ce n'est pas mon avis. Quelle est votre vision, monsieur le ministre ?

M. Michel Sapin, ministre.  - Difficile de répondre en deux minutes à cette question débattue depuis un siècle et demi... (Sourires)

La laïcité, ce n'est peut-être pas vrai partout, mais ça l'est en France, est bien l'air qu'on respire. Elle est au coeur de notre vivre-ensemble ; d'autres pays ont choisi d'autres valeurs. La laïcité n'est pas la négation des religions, c'est le respect de toutes, sans qu'il faille hiérarchiser entre elles...

M. Alain Fouché.  - Très bien !

M. Michel Sapin, ministre.  - ... sans que l'une l'emporte sur l'autre, à condition que ces religions se déploient dans le cadre républicain. Voilà l'état d'esprit du Gouvernement. Il n'est pas forcément besoin de légiférer, mais de mieux expliquer.

M. Roger Karoutchi.  - La laïcité oui, c'est le respect de la liberté de conscience. La journée nationale de la laïcité, pourquoi pas. Mais ne faut-il pas organiser un débat au Parlement ? Ainsi, les Français verraient que nous nous intéressons à ce qu'ils vivent.

Mme Delphine Bataille .  - Jaurès disait que démocratie et laïcité sont deux termes identiques. Le second est remis en cause par la crise sociale et la montée des extrêmes. Le gouvernement précédent n'avait pas hésité à le remettre en cause, parlant de « laïcité positive ». Des groupes minoritaires la menacent en boycottant des journées d'école, en organisant des prières dans les stades. L'Observatoire de la laïcité est à l'oeuvre. Que compte faire le Gouvernement pour faire vivre concrètement cette valeur fondamentale ?

M. Michel Sapin, ministre.  - La laïcité est un principe, c'est aussi une pratique. Elle se passe de tout adjectif.

Elle est un équilibre délicat, d'où la nécessité d'informer à l'école comme dans l'entreprise. Le Gouvernement accorde beaucoup d'importance à l'Observatoire de la laïcité et à son guide de bonnes pratiques de la laïcité dans l'entreprise, qui est excellent.

L'information sera le meilleur moyen de faire vivre concrètement les grandes valeurs de notre République.

Mme Delphine Bataille.  - Vous estimez, comme le Conseil économique, social et environnemental, que la législation actuelle suffit. Certains membres de l'Observatoire de la laïcité le contestent, au vu de l'affaire Baby Loup ou de l'assignation en justice de Charlie-Hebdo pour des caricatures dénoncées comme blasphématoires. Nous avons besoin d'un cadre juridique clair.

M. André Reichardt .  - Le 29 janvier dernier a été déposée à l'Assemblée nationale une proposition de loi étendant la loi de 1905 à tout le territoire, abolissant le statut concordataire de l'Alsace-Moselle. Or celui-ci assure une complète séparation de l'État et des Églises, une concorde entre les religions.

Mme Françoise Laborde.  - C'est bien que vous en soyez convaincu...

M. André Reichardt.  - Ce statut a perduré à travers tous les régimes depuis 1870, hormis lors de notre annexion forcée par l'Allemagne nazie. Le 21 février 2013, le Conseil constitutionnel a estimé ce droit local des cultes conforme à la Constitution. C'est grâce à notre statut concordataire que nous avons pu intégrer les musulmans, en créant des lieux de culte et des cimetières confessionnels. Comme les précédents gouvernements, celui-ci maintiendra - t-il le Concordat ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Rassurez-vous, le Concordat, issu d'une histoire tragique, ne sera pas mis en cause. Le Conseil constitutionnel, donnant rang constitutionnel au principe de séparation de l'Église et de l'État, a reconnu l'exception historique de l'Alsace-Moselle. C'était le voeu du Gouvernement, conformément aux engagements du président de la République durant la campagne présidentielle. En Alsace-Moselle, l'État, je le dis avec force, est neutre et la liberté de culte est totale. Les régions concordantes sont des régions de tolérance où règne un dialogue fructueux entre les confessions.

M. André Reichardt.  - Merci. Nous n'avons pas compris la proposition de loi du député Candelier qui s'attaquait à la laïcité apaisée que nous connaissons dans les trois départements de l'est.

Quant à moi, je veux rappeler que toute modification du droit local doit se faire avec les acteurs locaux, et non provenir d'un député d'un autre territoire appartenant, qui plus est, à un courant politique loin du nôtre.

Mme Catherine Génisson .  - La laïcité à l'école, question importante que celle-là. C'est aux enseignants qu'il appartient d'expliquer cette valeur fondamentale aux enfants. La charte de la laïcité insiste sur la culture de l'égalité entre les filles et les garçons, dont la loi de juillet 2013 fait un principe cardinal. C'est heureux. Si cette culture se propageait, les femmes seraient peut-être plus nombreuses dans cet hémicycle.

M. Alain Gournac.  - Quel rapport avec la laïcité ?

Mme Catherine Génisson.  - Que donnent les ABCD de l'égalité ?

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - La Charte de la laïcité est fondamentale, vous l'avez bien dit. Les ABCD de l'égalité inscrivent la culture de l'égalité dans nos écoles. Loin des caricatures, ce ne sont en aucun cas des séances d'éducation sexuelle ou de théorie du genre, mais de véritables cours où les enfants sont invités à réfléchir aux valeurs d'égalité et de respect mutuel : mot forts et que l'on se plaît à entendre, après les polémiques récentes. Il s'agit aussi de préparer une meilleure insertion professionnelle des jeunes filles.

Une expérimentation a été menée dans dix académies volontaires. Nous attendons les retours d'expérience pour dresser un bilan. Les inspecteurs de terrain sont totalement mobilisés, vous aurez les conclusions de ces travaux aussi tôt que possible.

Mme Catherine Génisson.  - Il s'agit bien d'égalité entre garçons et filles. Nous attendons les conclusions de l'expérimentation en cours.

La séance, suspendue à 15 h 55, reprend à 16 h 5.

Formation professionnelle (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale.

Discussion générale

M. Claude Jeannerot, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - Après trois jours de débats, le Sénat a adopté un projet de loi fidèle à l'accord des partenaires sociaux, fidèle à la transcription qu'en a fait le Gouvernement, fidèle enfin aux avancées dues à l'Assemblée nationale. Il l'a complété sur plusieurs points essentiels. À l'initiative de la commission et du groupe UDI-UC, nous avons mis l'accent sur la qualité de la formation. Le compte personnel de formation (CPF) sera amélioré pour les salariés à temps partiel ; les abondements complémentaires devront cibler les salariés les moins qualifiés.

À l'article 11, nous avons ouvert la voie à un transfert gratuit, aux régions qui le souhaitent, des biens que l'État met à disposition de l'Afpa.

Sur le volet formation professionnelle, aucun désaccord majeur n'existait avec l'Assemblée nationale ; j'ai travaillé en bonne entente avec mon homologue de l'autre chambre. La CMP a procédé à des coordinations, amélioré la cohérence du texte et approfondi plusieurs points. En ce qui concerne les garanties collectives offertes en matière d'accès à la formation professionnelle aux salariés à temps partiel, la CMP a décidé d'un abondement du CPF de 130 heures pour ceux qui, pendant six ans, n'auraient pas bénéficié d'une formation ou promotion. Le mécanisme reste inchangé pour les salariés à temps plein. Alors que le temps partiel subi est une réalité, les salariés à temps partiel ne doivent pas être partiellement formés...

Les excédents devront être reversés chaque année par les OPCA au Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels pour financer des actions de formation destinées aux publics prioritaires. Les fonds seront consacrés au financement des actions de formation en direction des salariés des entreprises de 10 à 49 salariés. Toute ambiguïté a également été levée en ce qui concerne l'achat de formations collectives par Pôle Emploi : ce ne sera possible que dans le cadre d'une convention conclue avec la région.

Nous avons garanti la sécurité juridique du transfert aux régions du patrimoine occupé par l'Afpa ; si l'affectation à une mission de service public d'un bien cesse avant vingt ans à compter du transfert, ce bien retournera dans le patrimoine de l'État ou pourra être racheté par la région, afin d'éviter que certains biens ne soient convoités que pour leur valeur marchande.

À l'article 14, un compromis a été trouvé sur la représentation des chambres consulaires, qui participeront aux travaux du Cnefop et aux Crefop, mais non à leur bureau, qui regroupe avant tout les financeurs.

La CMP a repris la version du Sénat sur la mesure de la représentativité des organisations patronales agricoles, l'association à la gouvernance du fonds paritaire de toutes les organisations qui bénéficient de ses crédits. Elle a conservé, à l'article 19 bis, l'autorisation à titre expérimental d'une négociation unique dite de qualité de vie au travail, conformément à l'ANI du 19 juin 2013.

La CMP n'a pas voulu réintroduire l'article 20 portant réforme de l'inspection du travail, que le Sénat avait supprimé grâce à l'opposition conjointe des groupes UMP, UDI-UC, écologiste et CRC. (Mme Isabelle Debré s'en félicite) À titre personnel, je le regrette, car cette réforme, courageuse et équilibrée, donnait de nouveaux pouvoirs aux agents de contrôle et garantissait leur indépendance. Le rapporteur de l'Assemblée nationale et moi-même avons estimé plus sage de dissiper les malentendus avant de légiférer et de ne pas prendre le risque de retarder la réforme de la formation professionnelle qui fait, elle, l'objet d'un large consensus. Il faudra faire oeuvre de pédagogie...

Je suis heureux que le Sénat ait sensiblement enrichi le texte, et que ses choix aient été entérinés, en me félicitant du dialogue noué avec le Gouvernement et l'Assemblée nationale. C'est pourquoi je vous invite à adopter les conclusions de la CMP. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Sapin, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Je reviens devant vous avec plaisir, au terme d'un examen parlementaire rapide mais approfondi - preuve que cela est possible. Merci à tous de ces échanges riches ; au-delà des postures et de l'affirmation des convictions, j'ai ressenti une appréciation globalement positive sur tous vos bancs.

Au moment d'aboutir, je mesure le chemin parcouru... À l'été 2013, lors de la deuxième conférence sociale, tout restait à décider. Les pièces du puzzle ont pris place progressivement. Les partenaires sociaux, que je salue, sont parvenus le 14 décembre à un accord difficile et ambitieux. J'ai présenté le projet de loi en conseil des ministres le 22 janvier. Le dialogue social a une nouvelle fois porté ses fruits.

Notre système de formation professionnelle n'était plus adapté. La réforme change radicalement la donne. C'est un moyen de relancer l'ascenseur social. La loi Delors avait entraîné promotions individuelles et hausse collective des compétences, mais les résultats n'étaient plus au rendez-vous depuis de trop nombreuses années.

La réforme apporte de grands changements. Le CPF est attaché à la personne tout au long de sa vie professionnelle - jusqu'ici, la formation professionnelle était surtout destinée aux salariés, financée payée par les employeurs dans le cadre de plans de formation. Qui peut dire que ce changement de paradigme est malvenu ?

Qui peut dire que le passage d'une obligation de payer à une obligation de former n'est pas pertinent ? Ni ceux qui croient à la formation comme facteur de compétitivité, ni ceux qui font le pari de la connaissance...

Qui peut croire que la réorientation des fonds de la formation en direction des chômeurs et des moins formés n'est pas juste ? Ni ceux qui croient au mérite, ni ceux qui croient à la solidarité - et je suis des deux.

La réforme ouvre un nouvel espace de dialogue social sur la formation professionnelle. Le système de collecte sera simplifié pour les personnes comme pour les entreprises, rendu plus lisible, plus simple d'accès. Là encore, qui dira que ce n'est pas nécessaire ?

Surtout, c'est une réforme globale, qui traite des savoirs de base et de pointe, de la sécurisation des parcours, de la simplification des démarches, de l'envie de se former comme du contrôle de la formation, de la formation des plus fragiles comme de la montée générale du niveau de connaissances.

Les conditions de la réussite de cette réforme, ce sont son ancrage territorial régional, les garanties collectives, au niveau des branches et au niveau des interprofessions, la régulation. La réforme donne corps au conseil en évaluation professionnelle et élargit l'accès à la validation des acquis de l'expérience - le diplôme n'est plus tout. La mutualisation est renforcée au bénéfice des TPE et PME.

Le projet de loi réforme aussi les règles du paritarisme. C'est la mécanique vertueuse du dialogue social à la française, il nous faut des acteurs reconnus et légitimes. Nous leur rendons service en fondant leur représentativité sur des bases claires et en rendant leur financement, de même que celui des comités d'entreprises, plus transparent. En bref, ce texte clôt un cycle, celui d'une démocratie sociale parvenue à maturité.

Les délais courts, que vous avez acceptés avec bonhomie, n'ont pas permis de conserver l'article 20 portant réforme de l'inspection du travail, adopté à l'Assemblée nationale avec des modifications utiles, mais rejeté ici : certains craignaient la remise en cause de l'indépendance des inspecteurs, d'autres leur toute-puissance... Je regrette ce rejet, tout en notant que beaucoup d'entre vous ont émis le souhait d'y revenir. Je suis déterminé à mener à bien cette réforme : salariés et entreprises ont besoin d'une inspection du travail forte, protectrice des salariés comme des entreprises respectueuses des règles qui n'ont pas à subir la concurrence déloyale de celles qui ne les respectent pas. Je préciserai ma méthode et mon calendrier dans les prochains jours. Nous en reparlerons.

J'ai eu grand plaisir à débatte de ce texte. Le Parlement l'a largement amélioré, grâce à des amendements issus de tous les groupes, particulièrement ici. Tous les rapporteurs ont été remarquables, ainsi que les présidentes et présidents de commissions saisies au fond et pour avis.

Ce texte restera, je le dis sans emphase, l'un des plus importants du quinquennat en ce domaine. Il imprimera une marque profonde et bénéfique pour le dialogue social et notre système de formation professionnelle. Je vous invite à le voter. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

Mme Françoise Laborde .  - En 1792, Condorcet écrivait : « L'instruction doit assurer aux hommes dans tous les âges de la vie la facilité de conserver leurs connaissances et d'en acquérir de nouvelles ». Voilà le sens véritable de la formation professionnelle. La loi de 1971 a modernisé notre économie en élevant le niveau de formation des Français. Quarante ans plus tard, le bilan est pourtant mitigé : le système est devenu illisible, inefficace et opaque, la formation s'apparente à un parcours du combattant. Comme l'a rappelé Jacques Delors devant le Cese, la simplicité est un gage d'efficacité. Seuls les plus grandes entreprises ont développé la formation, seuls leurs salariés en ont vraiment profité. Le gaspillage des fonds a souvent été critiqué car il est presque impossible d'évaluer les formations. Il fallait y remédier.

Une fois de plus, je salue la méthode du Gouvernement, fondée sur le dialogue social. Respectant l'esprit de l'ANI du 14 décembre 2013, ce texte révolutionne notre système de formation professionnelle. Grâce au compte personnel de formation, les droits seront attachés à la personne tout au long de sa vie professionnelle et non plus à son statut. Chacun pourra bénéficier d'un entretien et de conseils pour élaborer un projet professionnel. Je me félicite aussi de la transparence apportée aux règles de représentativité ainsi qu'au financement des partenaires sociaux et des comités d'entreprises.

Nos échanges ont été riches. Je salue la disponibilité et le sens de l'écoute du rapporteur comme du ministre. La Haute Assemblée a tenu compte de la situation des salariés à temps partiel et des moins qualifiés. Nous avons été particulièrement attentifs à la qualité des formations.

Nous nous réjouissons que la CMP ait conservé nos amendements sur la formation professionnelle des artistes-auteurs et sur la prévention des dérives sectaires dans le champ de la formation. Aucun membre du RDSE ne s'opposera à ce texte, la grande majorité l'approuvera. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Desessard .  - Nous y voilà ! Je suis satisfait, monsieur le rapporteur, que l'article 20 n'ait pas été réintroduit. Vous avez promis de la pédagogie ; je l'attends... Il en faudra beaucoup pour me persuader que cet article ne portait pas atteinte à l'indépendance des inspecteurs du travail...

Avec la suppression de la réforme de l'inspection du travail, les écologistes sont libres d'apprécier les articles sur la formation professionnelle et la démocratie sociale. Le compte personnel de formation, attaché au salarié dès le début de sa carrière, est une avancée notable par rapport au droit individuel à la formation ; c'est un pas en avant vers le droit universel à la formation tout au long de la vie.

Habilement, pédagogiquement, le ministre nous a montré que le plafond n'était... qu'un socle et qu'un abondement supplémentaire était possible pour les publics les plus fragiles. Il fallait tenir compte de la précarité, du temps partiel, du chômage : c'est fait. Nous nous réjouissons aussi des droits ouverts aux intermittents du spectacle, aux travailleurs des Esat et bientôt, après négociation, aux agents publics. Les biens immobiliers de l'Afpa ont heureusement été sécurisés.

Le rôle de la région est renforcé, mais le Conseil national de l'emploi, de la formation et de l'orientation professionnelle (Cnefop) jouera un rôle de prospective au niveau national sur les métiers de demain.

Nous estimons aussi que la formation professionnelle doit être un levier pour la transition écologique et avons fait des propositions en ce sens - nous avons eu plus de chance à l'Assemblée nationale qu'au Sénat... Sur la démocratie sociale, l'Assemblée nationale a traité de la représentativité des acteurs « hors champ », économie sociale et solidaire, agriculture, professions libérales.

La CMP s'est grandie en ne rétablissant pas l'article 20. Le groupe écologiste, dans son ensemble, je dis bien dans son ensemble, votera en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Jean-Noël Cardoux .  - Le groupe UMP a apprécié ce débat respectueux et constructif, hélas trop rapide : urgence et approfondissement ne vont pas de pair... Et en CMP, la cadence s'est encore accélérée ! La présidente comptabilisait les votes avant même que nous levions la main... Les deux rapporteurs ont heureusement permis de trouver des terrains d'entente. Mais une deuxième lecture n'aurait pas été de trop.

Pour des raisons diamétralement opposées à celles exposées par M. Desessard, nous sommes satisfaits du maintien de la suppression de l'article 20. C'est sage. J'espère que le dialogue qui va se poursuivre aboutira à une solution de compromis. Le parallèle avec M. Desessard s'arrête là. (Sourires) Lui savoure le reste du texte, le groupe UMP un peu moins... La plupart de nos amendements ont été rejetés : évaluation financière, rôle des OPCA, seuil retenu pour la mutualisation, situation des demandeurs d'emploi, « hors champ », temps partiel, représentativité patronale... Nous voulions donner une nouvelle chance au dialogue social.

Quant à la réforme de l'apprentissage, un cavalier hors ANI, on se demande comment le président de la République compte tenir son engagement de faire signer 500 000 contrats d'ici 2017... La suppression brutale des contrats d'objectifs et de moyens État-région va en freiner le développement. Réorienter les fonds des CFA vers les régions posera vite des problèmes. La réforme aurait au moins pu être étalée sur trois ans.

Malgré des avancées incontestables, aucun sénateur de l'UMP ne pourra voter ce texte examiné dans la précipitation. Je le dis sans animosité aucune : je crains qu'il ne faille remettre l'ouvrage sur le métier dans quelques mois...

Enfin, les sanctions imposées aux entreprises qui n'ont pas honoré leurs obligations en matière de contrats de génération, autre cavalier, ajoutée à la loi Florange, est un très mauvais signal à l'heure du pacte de responsabilité. Je comprends mieux pourquoi vous demandez un an de plus pour inverser la courbe du chômage... (Applaudissements à droite)

Mme Chantal Jouanno .  - Merci à tous nos collaborateurs de nous avoir assistés sur ce texte très technique.

Nous sommes un peu déçus que l'organisation de la formation professionnelle n'ait pas été entièrement clarifiée. Il aurait fallu donner plus de poids au législateur. La formation professionnelle est une seconde chance ; si ce texte traite peu des chômeurs, c'est parce que les partenaires sociaux s'en sont désintéressés.

Nous ne craignons guère la décentralisation de l'apprentissage vers la région, davantage les effets des lois de finances... Nous aurions aimé que les régions se voient confier un rôle de pilote plus affirmé et que soient mieux distingués définition des orientations et pilotage - le risque de conflits d'intérêt n'est pas totalement expurgé. Au moins notre amendement sur les achats de formations collectives a-t-il été repris.

Nous aurions souhaité un doublement de l'enveloppe du CIF. Les PME bénéficient trop peu de la formation professionnelle. Cette loi comporte malgré tout des avancées, sur la qualité des formations ; avec le compte personnel de formation, droit attaché à la personne, comme devraient l'être tous les droits sociaux - il n'est pas sûr que nous soyons totalement d'accord sur le rôle des partenaires sociaux...

Sur la démocratie sociale, nous constatons aussi des avancées et nous sommes très satisfaits que l'article 20 n'ait pas été réintroduit.

À une abstention près, le groupe UDI-UC votera ce texte.

Mme Laurence Cohen .  - Lors des débats, nous avons dressé un constat commun : donner un plus large accès à la formation professionnelle pour assurer le maintien dans l'emploi ou la reconversion et anticiper les évolutions du monde du travail.

Si nous avons apprécié l'accord sur la nécessité de garantir la qualité des formateurs, le groupe CRC continue de défendre une autre position. Nous voulons que les salariés utilisent leur droit à la formation professionnelle pour suivre des formations qualifiantes et diplomantes, et qu'ils ne se limitent pas au socle commun de compétences pour s'adapter à leur poste. De même, persistent des critiques sur les modalités d'abondement et d'utilisation du compte personnel de formation. Nous avons plaidé en vain pour la suppression de la proratisation de la formation pour les travailleurs à temps partiel, ce dont les femmes seront les principales victimes. Nous avons défendu une formation pendant le temps de travail, en vain aussi. Surtout, comment croire que l'on fera mieux quand l'obligation de financer diminue de 2,5 milliards ? Cela répond aux attentes du Medef, pas des salariés.

Parce que la CMP a maintenu la suppression de l'article 20, le groupe CRC s'abstiendra. Pour nous, c'était un point central : c'est parce que les inspecteurs du travail sont indépendants qu'ils sont le réceptacle des plaintes des salariés ; c'est parce qu'ils sont indépendants qu'ils peuvent y répondre. Nous avons reçu des dizaines de courriels saluant la suppression de cet article. Puissiez-vous ne pas le reprendre, monsieur le ministre, sous une autre forme.

Cette position d'abstention, loin des caricatures qu'on fait du dogmatisme du groupe CRC, prouve notre démarche d'ouverture. Oui, nous pouvons élaborer, ensemble, des lois utiles à nos concitoyennes et à nos concitoyens. (Applaudissements à gauche)

Mme Catherine Génisson .  - Ce texte consacre la méthode du Gouvernement puisqu'il est issu de l'ANI du 14 décembre 2013, qui adapte la loi de 1971 aux besoins du monde contemporain.

Nous devions en urgence réformer la formation professionnelle pour tous les actifs et les plus fragiles d'entre eux, comme il était urgent de réformer la démocratie sociale.

Mesure phare de ce texte, le compte personnel de formation. Les propositions de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale ont été acceptées aux articles premier bis, 6, 8 et 12. Je m'en réjouis. Avancée majeure, l'accent mis sur la qualité des formations aux articles premier bis A, 14 et 21.

Merci au groupe UDI-UC : les abondements complémentaires du compte seront ciblés prioritairement sur les plus fragiles.

Le Sénat a clarifié le circuit de collecte des sommes dédiées au CPF, la répartition de la fraction hors quota de la taxe d'apprentissage ; nous avons encore, ce qui ne déplaira pas à Mme Procaccia, posé une obligation de désigner un trésorier dans les comités d'entreprise. Chaque groupe politique a apporté sa pierre à l'édifice.

Je prends acte de la suppression de l'article 20, tout en le regrettant. La CMP a procédé à des modifications, parmi lesquels le fait que la consultation du compte devra être autorisée par le salarié lui-même. La CMP n'a pas retenu l'article 41, estimant que les garanties obtenues par ailleurs sur la qualité des formations étaient suffisantes ; le ministre nous a donné des assurances, nous pouvons nous en satisfaire.

Point important, la CMP a confirmé qu'une formation professionnelle devait être comptabilisée comme du temps de travail effectif ; l'article l. 6221-2 du code du travail le veut.

S'agissant des salariés à temps partiel, le volume de 130 heures nous paraît correspondre à leurs besoins et répond à une demande de la Délégation aux droits des femmes de l'Assemblée nationale.

Nous avons clarifié le transfert des biens de l'Afpa aux régions qui le souhaitent, assuré la participation des chambres consulaires aux travaux du Cnefop et des Crefop.

Enfin, comme je l'ai dit, la CMP a préféré maintenir la suppression de l'article 20 sur la réforme de l'inspection du travail pour ne pas retarder la mise en oeuvre des avancées majeures que comporte ce texte pour nos concitoyens. Ce dernier s'inscrit dans la démarche de redressement de notre économie qu'a engagée le Gouvernement depuis 2012. Merci au ministre et au rapporteur de leur écoute. Le groupe socialiste votera ce texte au service de la justice et de l'emploi ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

La discussion générale est close.

Discussion du texte élaboré par la CMP

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Les députés ont adopté six amendements de coordination et de précision, approuvés par le Gouvernement, qui amélioreront la qualité légistique du texte.

M. Michel Sapin, ministre.  - J'ai effectivement donné mon accord à tous les amendements.

M. le président.  - En application de l'article 44, alinéa 12 du Règlement, le Sénat se prononcera par un seul vote sur l'ensemble du texte, modifié par les amendements présentés ou acceptés, par le Gouvernement.

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Jeannerot.

Alinéa 116

Après la référence :

I

insérer la référence :

, I bis A

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Défendu.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Jeannerot.

Alinéa 26

Après le mot :

salariés

insérer les mots :

, selon le cas,

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Jeannerot.

Alinéa 47

Supprimer cet alinéa.

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Jeannerot.

Alinéa 49

Remplacer la référence :

235 ter H

par la référence :

235 ter H ter

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Défendu.

ARTICLE 9 TER

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Jeannerot.

Alinéa 1

I. Remplacer les mots :

La section 3 du

par le mot :

Le

II. En conséquence, remplacer le mot :

modifiée

par le mot :

modifié

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Défendu.

ARTICLE 12

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Jeannerot.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

de la formation

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Défendu.

Interventions sur l'ensemble

M. René-Paul Savary .  - Ce texte comporte des avancées mais j'aurais voulu encore plus de simplifications pour faciliter le parcours des chômeurs et des titulaires du RSA vers l'emploi. Il ne donne pas de signal sur l'apprentissage, ce qui est très dommage, et prévoit de nouvelles sanctions à l'encontre des entreprises.

C'est pourquoi je m'abstiendrai.

Mme Isabelle Debré .  - Je veux saluer très sincèrement les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale et la qualité de notre débat, spécificité du Sénat, dont je souhaite qu'elle dure longtemps.

Je salue moi aussi des avancées, comme la création du CPF et le renforcement du contrôle des comités d'entreprise. Je déplore toutefois les inégalités introduites entre les salariés des services à domicile selon la date de leur contrat, l'oubli des Scop, l'apprentissage sacrifié, alors que c'est une priorité du Gouvernement, et les nouvelles sanctions à l'encontre des entreprises, un très mauvais signal au moment où le président de la République leur propose un pacte de responsabilité..

C'est pourquoi je voterai contre ce texte.

À la demande des groupes socialiste et écologiste, les conclusions de la CMP, modifiées, sont mises aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°160 :

Nombre de votants 347
Nombre de suffrages exprimés 321
Pour l'adoption 188
Contre 133

Le Sénat a définitivement adopté.

(Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE)

M. Claude Jeannerot, rapporteur.  - Je me réjouis de ce vote qui ouvre le renouveau et la refondation de notre système de formation professionnelle et de démocratie sociale. Nous le devons à l'engagement de tous les groupes, le débat a été d'une grande hauteur de vues. Merci à la présidence, merci au ministre pour son écoute, merci à nos équipes sans lesquelles nous ne serions que des rois nus...

M. Michel Sapin, ministre.  - Les remerciements sont de tradition, mais je les adresse avec la plus grande sincérité en raison de la richesse de ce débat, auquel chacun a participé en apportant la contradiction et des propositions dont beaucoup ont été retenues. Je remercie tous ceux qui nous ont permis de ne pas apparaître comme des rois nus.

Je m'engage devant le Sénat à ce que toutes les mesures s'appliquent dès le 1er janvier 2015, en particulier celles sur la formation professionnelle. Évidemment, ce n'est pas cela seul qui inversera la courbe du chômage mais notre souci est d'agir en profondeur. Je viendrai vous rendre compte de l'application de cette loi, comptez sur ma détermination ! (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et du RDSE )

Saisine du Conseil constitutionnel

M. le président.  - M le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi le 27 février 2014 en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de 60 sénateurs, de la loi visant à reconquérir l'économie réelle et, par plus de 60 députés, de la loi relative à la géolocalisation.

Renvoi pour avis

M. le président.  - Le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises et inscrit à l'ordre du jour des mardi 15, mercredi 16 et jeudi 17 avril, a été envoyé pour examen à la commission des affaires économiques.

J'informe le Sénat que les commissions des lois et de la culture ont demandé qu'il leur soit également renvoyé pour avis.

Dans la mesure où la Conférence des présidents, normalement compétente en vertu de l'article 17 de notre Règlement, ne se réunira pas avant que ces deux commissions ne rendent leur avis, je propose au Sénat d'autoriser ce renvoi pour avis.

Il en est ainsi décidé.

À tous les candidats aux municipales, je souhaite le succès qu'ils méritent.

Prochaine séance, mardi 8 avril 2014 à 9 h 30.

La séance est levée à 17 h 40.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 8 avril 2014

Séance publique

À 9 heures 30

Présidence : M. Jean-Patrick Courtois, vice-président

Secrétaires : Mme Odette Herviaux - Mme Catherine Procaccia

1. Questions orales

À 14 heures 30 et le soir

Présidence : M. Jean-Patrick Courtois, vice-président

2. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant la ratification de l'accord-cadre entre la République française et le Royaume d'Espagne sur la coopération sanitaire transfrontalière (n° 698, 2012-2013)

Rapport de M. Raymond Couderc, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 304, 2013-2014)

Texte de la commission (n° 305, 2013-2014)

3. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt (n° 279, 2013-2014)

Rapport de MM. Didier Guillaume et Philippe Leroy, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 386, 2013-2014)

Texte de la commission (n° 387, 2013-2014)

Avis de Mme Brigitte Gonthier-Maurin, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 344, 2013-2014)

Avis de M. Pierre Camani, fait au nom de la commission du développement durable (n° 373, 2013-2014)

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 160 sur l'ensemble du projet de loi relatif à la formation professionnelle, à l'emploi et à la démocratie sociale dans la rédaction du texte proposé par la commission mixte paritaire, modifié par les amendements du Gouvernement

Résultat du scrutin

Nombre de votants :347

Suffrages exprimés :321

Pour :188

Contre :133

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe UMP (131)

Contre : 127

Abstentions : 4 - MM. Gérard Larcher, Christian Poncelet, Mme Catherine Procaccia, M. René-Paul Savary

Groupe socialiste (127)

Pour : 127

Groupe UDI-UC (32)

Pour : 31

Abstention : 1 - M Hervé Maurey

Groupe CRC (20)

Abstentions : 20

Groupe du RDSE (19)

Pour : 18

Abstention : 1 - M. Gilbert Barbier

Groupe écologiste (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 6