Engagement des forces aériennes en Syrie

M. le président.  - L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur l'engagement des forces aériennes au-dessus du territoire syrien, en application de l'article 35, alinéa 2, de la Constitution.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - Le président de la République a annoncé le 7 septembre dernier que la France procèderait à des vols de reconnaissance au-dessus de la Syrie. En application de l'article 35, alinéa 2 de la Constitution, j'ai souhaité organiser le présent débat afin de clarifier les enjeux de cette décision.

Pourquoi agir en Syrie ? Parce que le chaos qui y règne déstabilise le Proche-Orient, fait du pays le repaire des terroristes de Daech et Jabhat Al-Nosra, et alimente le drame des réfugiés réfugiés qui fuient Daech mais surtout la barbarie du régime de Bachar Al-Assad.

Les groupes djihadistes n'ont cessé d'étendre leur emprise sur le sol syrien, conséquence d'un calcul cynique de Bachar Al-Assad pour prendre l'opposition modérée en étau, puis l'écraser. Ce fut, aussi, pour le régime, la terrible justification de crimes, de l'emploi d'armes chimiques, contre sa propre population.

Dorénavant, tout le grand est syrien constitue pour Daech un bastion terrible. La première conséquence funeste de cette situation, c'est la menace que fait planer Daech sur notre propre sécurité. Les camps d'entrainement se multiplient en Syrie : 1 880 Français ont été enrôlés par Daech ; 491 sont sur place ; 133 ont trouvé la mort, dont beaucoup dans des attentats suicides.

Deuxième conséquence : dans cet immense espace, Daech impose sa domination. Daech, c'est un totalitarisme d'un genre nouveau, qui dévoie l'islam, massacre, torture, asservit, vend des êtres humains et détruit le patrimoine culturel de l'Humanité dans cette région.

La troisième conséquence, c'est bien sûr le drame des réfugiés. Le peuple syrien est décimé. Plus de 250 000 morts en quatre ans, dont 80 % sous les coups du régime et de sa répression. C'est un peuple déplacé. Des millions de Syriens sont pris en étau sur le territoire, entre la répression de Bachar Al-Assad et la barbarie de Daech. C'est un peuple réduit à l'exil. Quatre millions de Syriens se sont réfugiés dans les camps du Liban, de Jordanie et de Turquie. Ils ont souvent un seul espoir : atteindre l'Europe, pour y trouver l'asile. La crise des réfugiés est la conséquence directe et immédiate du chaos syrien.

Comment agir en Syrie ? La campagne de survol de la Syrie, entamée le 8 septembre, est d'abord de reconnaissance. Elle durera le temps nécessaire pour mieux identifier et localiser les installations de Daech, afin de les frapper ensuite, en application du principe de légitime défense posé par l'article 51 de la Charte des Nations Unies. Cette campagne de renseignement est menée en pleine autonomie. Douze Rafale et Mirage 2000, un Atlantique 2 et un ravitailleur C135 sont engagés. Je veux d'ailleurs rendre hommage à l'action de nos soldats mobilisés dans la zone.

Sera-ce suffisant ? D'aucuns plaident pour une intervention au sol. Nous l'avons fait il est vrai au Mali, mais dans d'autres circonstances. Avec qui interviendrions-nous en Syrie ? Si l'on se fie aux précédents historiques dans la région, plusieurs dizaines de milliers d'hommes seraient nécessaires.

C'est d'ailleurs le piège qui nous est tendu par les djihadistes : nous contraindre à intervenir sur leur terrain pour nous enliser ; pour invoquer contre nous un soi-disant esprit de croisades pour susciter une solidarité devant une prétendue invasion. Toute intervention directe serait en l'état inconséquente ; aucun de nos partenaires ne l'envisage. Si toutefois, les pays de la région se coalisaient, alors les choses seraient tout à fait différentes ; nous les soutiendrions.

Mener une guerre, ce n'est pas faire de grandes déclarations, fixer des échéances irréalistes. Mener une guerre, c'est se fixer des objectifs et se donner les moyens de les atteindre.

Nous entendons faire preuve de constance dans notre action. Nous luttons contre les terroristes, et adoptons nos moyens aux circonstances. Dans la bande sahélo-sahérienne, nous agissons aux côtés des forces africaines ; en Irak, nous sommes engagés à la demande des autorités irakiennes. Lutter contre les terroristes est un combat de longue haleine. Nous appuyons aussi les combattants locaux, tels les Peshmergas kurdes.

Toutes ces actions sont nécessaires, mais non suffisantes. Sans solution politique durable, pas de stabilisation. L'impératif, c'est d'arrêter la dislocation du Proche-Orient. Il faut tout faire pour stopper cette mécanique infernale : les fractures régionales qui réapparaissent, la tectonique des rivalités ancestrales, celles en particulier entre chiites et sunnites, qui se réveillent, les appétits de puissance qui transforment la Syrie en champ clos des ambitions régionales, et empêchent l'Irak de se relever des conséquences de l'intervention de 2003.

Nous voulons intensifier nos efforts pour refonder la stabilité de la région et l'unité de ces nations. En Irak, le gouvernement doit rassembler toutes les communautés du pays. Ne pas respecter la minorité sunnite continuerait de la précipiter dans l'étreinte mortelle de Daech.

En Syrie, nous ne ferons rien qui puisse consolider le régime. L'urgence, c'est, au contraire, d'aller vers un accord qui tourne la page des crimes de Bachar Al-Assad. Il est une grande part du problème. Il ne peut en aucun cas être la solution. Avec un homme responsable de tant de morts, de crimes de guerre et contre l'humanité, aucun compromis. Pactiser avec lui serait une faute morale mais aussi politique et stratégique. Dès août 2013, nous étions prêts à réagir, mais les États-Unis et la Grande-Bretagne n'étaient finalement pas au rendez-vous.

Les combattants ne reposeront les armes que lorsque que l'État syrien garantira leurs droits et ne sera plus aux mains d'une bande criminelle. C'est pourquoi, il faut travailler sans relâche à accélérer cette transition politique. Elle devra rassembler, dans un gouvernement de transition, les forces de l'opposition - encore trop affaiblies - et les éléments les moins compromis du régime. Mais en aucun cas, cette transition ne peut remettre dans le jeu les factions terroristes. Il y a là une ligne qui ne peut pas être franchie.

Les paramètres d'une solution sont connus depuis les réunions de Genève de 2012. La France parle à tous et je salue l'action du ministre des affaires étrangères - c'est, je vous le rappelle, le Premier ministre qui parle par ma voix. (Sourires et applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Nous parlons, bien sûr, aux autres membres permanents du Conseil de sécurité, et en particulier avec la Russie. J'ai d'ailleurs eu samedi, à Berlin, un long entretien avec M. Lavrov. Nos positions, hélas, demeurent éloignées. Nous avons tous un devoir de responsabilité : tout soutien militaire au régime de Bachar Al-Assad ne fait qu'alimenter la spirale de la violence. Nous devons d'autant plus parler à la Russie qu'il faut surmonter la défiance née de l'intervention en Libye.

Nous parlons également aux pays arabes sunnites ainsi qu'à la Turquie. Nous parlons à l'Iran, où je me rendrai bientôt. Et le président Rohani sera reçu à Paris en novembre. L'Iran doit peser pour trouver une solution dans la région.

Notre action, militaire et politique, doit être aussi humanitaire. La survie de communautés entières - chrétiens, yézidis - est en jeu. J'ai reçu récemment le patriarche de l'Église chaldéenne d'Irak, Mgr Raphaël Sako. C'est un cri d'alarme qu'il m'a lancé, un appel à l'aide, mais il m'a dit aussi sa confiance en la France. Le 8 septembre dernier, j'ai organisé une conférence internationale consacrée aux victimes de persécution ethnique et religieuse au Proche-Orient. Les participants ont été bouleversés par le témoignage de Jinan, cette jeune Yézidie. Le plan d'action de Paris a été adopté. Notre devoir est d'en assurer la mise en oeuvre. Et dans l'attente d'un retour de la Syrie à la stabilité, nous devons venir en aide au peuple syrien. La France organisera une conférence internationale sur les réfugiés.

Nous devons dégager des ressources pour le Haut-commissariat aux réfugiés et le programme alimentaire mondial, et soutenir l'accueil des réfugiés, y compris les pays pauvres.

La France est en guerre contre le terrorisme, le djihadisme et l'islamisme radical. Le combat sera long. Il est décisif, car il y va de notre propre avenir. Nos concitoyens sentent bien qu'il se passe là quelque chose de fondamental. Nous avons la ferme conviction que nous en sortirons vainqueurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que sur les bancs des groupes RDSE, UDI-UC et quelques bancs du groupe Les Républicains).

M. Jeanny Lorgeoux .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain) Le 8 septembre, nos forces ont mené leur première mission de reconnaissance au-dessus de la Syrie. Deux Rafales, appuyés par un C135 du groupe de ravitaillement Bretagne, ont mené une mission de six heures. Le lendemain, un appareil doté d'outils de surveillance électromagnétique a poursuivi le travail d'information. Tournant stratégique ? Que nos soldats soient ici remerciés pour leur dévouement, car l'ennemi est violent, volatile, sans pitié. Daech mutile et trahit l'islam mais il bafoue aussi nos valeurs. Nous sommes en guerre contre Daech, qui menace la sécurité du Proche-Orient, de l'Europe et de la France.

En Irak, nous agissons à la demande des autorités. Le Conseil de sécurité a appelé à combattre Daech par tous les moyens. La montée en puissance des frappes de la coalition a donné de l'air aux combattants irakiens sur le terrain, voire leur a permis d'amorcer la reconquête. Belle démonstration du bien-fondé de la stratégie choisie : un soutien aérien aux forces irakiennes. Car nous ne comptons pas nous substituer à l'Irak et à ses voisins.

Daech se nourrit des divisions qu'elle sème entre les hommes ; son action ne sera véritablement contrecarrée que lorsque le gouvernement irakien aura rétabli la confiance dans l'État. Daech, c'est un changement de donne par le nombre de ses combattants, par ses équipements qui vont des chars aux missiles.

Daech est capable de mener à la fois des opérations conventionnelles, terroristes, de guérilla. L'organisation a recruté 10 000 étrangers, venus du Maroc à l'Extrême-Orient, sur 40 000 combattants : c'est un phénomène radicalement nouveau.

Le président de la République l'a dit : les attaques terroristes en France ne sont pas déconnectées de la situation en Syrie et en Irak, raison supplémentaire d'intervenir. Il est indispensable de recueillir les renseignements nécessaires sur le vaste territoire syrien. Le renseignement est affaire de souveraineté, nous agissons donc en toute indépendance, ce qui n'exclut pas la loyauté avec nos alliés.

Concrètement, 700 militaires et une quinzaine d'appareils, dont six Rafale, sont engagés. Le porte-avion Charles de Gaulle peut venir en renfort. Nous sommes les deuxièmes en nombre après les États-Unis.

Le contexte stratégique a changé. L'accord avec l'Iran a modifié la donne ; vous avez eu raison d'être ferme, monsieur le ministre, afin que la paix au Moyen-Orient soit consolidée dans la durée. Cet accord rouvre le champ des possibles, en réinsérant l'Iran dans la communauté internationale.

Tandis que les desperados de Daech mettent au point leurs machines infernales, pouvions-nous rester les bras ballants ? Non. Est-ce un changement de cap ? Non plus : la France continue à ne reconnaître que le Conseil national syrien pour autorité légitime du pays et travaille d'arrache-pied à une solution politique. Avec pour point de mire, des élections libres et un processus de réconciliation. Certes il y a loin de la coupe aux lèvres.

Aujourd'hui, c'est le chaos en Syrie, l'instabilité dans les pays voisins. Il est difficile de démêler l'écheveau politique. Dans « l'Orient compliqué », quelques considérants cependant : il faut une solution politique en Syrie, qui associe toutes les communautés ; en attendant, il faut combattre Daech et éloigner Bachar, sans abandonner les minorités. Imagine-t-on la Syrie sans Palmyre, sans le sanctuaire de Saint-Siméon, sans Alep et sa citadelle, sans le Krak des chevaliers, sans Damas et la splendeur Omeyyade ? Combattons la barbarie de Daech et n'oublions pas notre histoire, celle des hommes. (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain jusqu'au centre)

Mme Leila Aïchi .  - Le lancement d'opérations aériennes au-dessus de la Syrie revient à étendre à ce pays l'opération Chammal. Il est vrai que Daech, cette organisation obscurantiste qui cherche à prendre les allures d'un État, se joue des frontières. Qu'il faille le combattre, nous y souscrivons. Cela dit, des questions demeurent et la politique française manque de clarté. Nous vous avions alerté en janvier dernier : nous avions raison, l'on ne peut pas se cantonner à l'Irak. Nous avons perdu des mois précieux, durant lesquels nous n'avons pu stopper la progression de Daech, qui concerne à la fois l'Irak et la Syrie.

L'absence de défense européenne est criante, c'est une chance de plus pour les terroristes. Le point central pour les écologistes - comme nous l'avions déjà souligné lors des débats sur l'opération Chammal - consiste à ne pas s'enfermer dans une logique court-termiste. Une intervention de cette nature doit impérativement s'accompagner d'une stratégie de reconstruction de la zone afin de mettre un terme au cercle vicieux des États faillis.

L'invasion américaine de l'Irak et la destruction du parti Baas, laïc et défenseur des minorités religieuses, a précipité le chaos. (M. Jacques Mézard approuve) La dimension humanitaire du conflit ne peut être passée sous silence. Nous regrettons vivement, monsieur le ministre, l'absence d'une stratégie régionale.

L'antagonisme de la Turquie et de la Russie bloque toute solution. Se pose aussi la question du rôle de l'Iran. Il faut associer les pays du Golfe et Israël. On peut aussi s'interroger sur l'instrumentalisation de la crise par la Turquie pour écraser les Kurdes. Comment prétendre combattre Daech sans nous attaquer aux sources même de cette organisation ? D'où vient l'armement ? D'où vient le financement ? Qui sont les intermédiaires ? Qui sont les clients ?

La France a-t-elle une vision globale, monsieur le ministre ? Comment mener une politique étrangère sérieuse sans vision d'ensemble ? Nous avons perdu trop de temps ! Loin de nous toute mystique du multilatéralisme ; cependant, on ne peut éviter de dialoguer avec Bachar Al-Assad. Il y a deux ans déjà, je vous mettais en garde : punir Bachar précipitera le massacre des minorités religieuses et en particulier chrétiennes.

Quelle forme prendrait un Gouvernement d'union nationale ? L'opposition syrienne est-elle capable de l'étayer ? Donner le pouvoir à une opposition sans relais sur le terrain ne ferait qu'accélérer la fragmentation et l'embrasement du pays. Notre action contre Daech ne doit pas occulter le sort des réfugiés, prendre prétexte de ces frappes aériennes pour refuser l'accueil de ces personnes qui fuient la guerre. Aussi, le groupe écologiste soutient la proposition de la commission Juncker de réduire les fonds structurels des pays européens qui ne prennent pas leur part dans l'accueil des réfugiés. Les citoyens, par leurs initiatives, nous rappellent que l'accueil, la générosité et l'ouverture font partie de l'âme de la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, socialiste et républicain ainsi que sur plusieurs bancs des groupes RDSE, UDI-UC et Les Républicains)

M. Jean-Marie Bockel.  - Très bien !

M. Pierre Laurent .  - A l'initiative du président de la République nous voilà une nouvelle fois saisi de l'insupportable tragédie subie par la Syrie. Nous nous félicitons de ce débat devant la représentation nationale, que nous réclamions. La France a plus que jamais le devoir d'agir, face au chaos en Syrie, à l'exode, à l'emprise de Daech.

Hélas, ce débat a lieu alors que la décision d'engager nos forces en Syrie a déjà été prise. Le président de la République a enfin déclaré que la France devait accueillir les réfugiés après avoir tardé. Je le dirai demain : les mesures prévues sont loin d'être à la hauteur. Qu'il faille aussi agir contre les causes de cet exode et contre le terrorisme de Daech, d'accord, mais comment ?

Daech contrôlerait 40 % du territoire syrien, le régime 30 %, où vivent les deux tiers de la population, douze des dix-huit millions de Syriens restés en Syrie. Beaucoup plaident pour une intervention terrestre. Où allons-nous ? Encore une fois, on fait précéder la solution politique d'une confrontation militaire. Quelle erreur ! Tirons les leçons des guerres d'Afghanistan, d'Irak, de Libye. Loin de le réduire, elles n'ont fait qu'accroître le risque terroriste.

Toute action militaire devrait se faire sous mandat de l'ONU, avec des objectifs clairs, débarrassée des ambitions prédatrices des puissances régionales, avec en point de mire une solution politique. Rien de cela n'est fait. (M. le ministre le conteste) Pourquoi continuer à soutenir le régime turc, dont les liens avec les groupes terroristes sont troubles, et maintenir le PKK sur la liste européenne des organisations terroristes alors qu'il est le seul, sur le terrain, à combattre efficacement Daech ? Je l'avais souligné l'an dernier en rentrant de Kobané. Des vols de reconnaissance au-dessus des circuits de la finance internationale ne seraient pas non plus superflus. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Il faut parler avec tous, y compris avec la Syrie. Bachar, qui porte une très grande responsabilité dans l'enclenchement de la guerre, devra certes répondre de ses crimes. Mais la France devrait travailler à une conférence globale sur la paix au Moyen-Orient car tout se tient - qu'attend d'ailleurs le président de la République pour reconnaître l'État palestinien, comme le Parlement l'y a invité ?

Mme Éliane Assassi.  - Très bien !

M. Pierre Laurent.  - La France doit renverser ses priorités en retrouvant sa liberté d'initiative et de parole, et soumettre toutes ses conditions d'engagement militaire à la construction de processus de règlement politique dans un cadre multilatéral sous l'égide de l'ONU.

Ne laissons pas le champ libre aux forces obscurantistes qui cherchent la confrontation et la guerre. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ainsi que sur quelques bancs du groupe écologiste)

M. Jacques Mézard .  - Il y a un an, le Gouvernement informait le Parlement de sa décision d'engager nos forces aériennes en Irak. Le 13 janvier, les Parlementaires, dans un large consensus, ont approuvé l'opération Chammal. Il est logique de l'élargir aujourd'hui à la Syrie. Nos réserves demeurent. Les frappes aériennes étaient certes indispensables en Irak, pour mettre un terme à la progression de Daech, à la demande du Gouvernement irakien.

Al-Baghdadi a réussi là où Ben Laden avait échoué, Daech constitue désormais une menace pour le monde entier, y compris pour la France - les attentats de janvier l'ont tragiquement démontré. Je n'oublie pas le drame humanitaire des réfugiés qui pose des problèmes d'accueil et de cohésion politique.

Nous saluons l'engagement de nos soldats. Pas moins de sept cents militaires mènent depuis douze mois des opérations aériennes et des frappes ciblées. La situation ne s'est guère améliorée. Daech fait preuve d'une résilience étonnante, le califat irako-syrien semble avoir de beaux jours devant lui. La perte de Tikrit en mars dernier constitue sa dernière défaite majeure. Depuis, l'organisation terroriste a conservé Faloudja à l'est, Mossoul au nord et s'est installée à Palmyre à l'ouest en Syrie.

Nous sommes au pied du mur. Le président de la République a annoncé des vols de reconnaissance préalables à des frappes en Syrie, question qui était taboue jusqu'à cet été. Nous y sommes favorables, tout en sachant que la solution militaire a nécessairement des limites. Jean-Pierre Chevènement, grand connaisseur du Proche-Orient, dont nous apprécions la lucidité, l'a souvent déclaré à cette tribune, au nom de notre groupe.

Un minimum de coordination est indispensable avec le régime syrien, ce qui n'excuse rien. Il est plus que temps de méditer les leçons du passé et de nous garder de toute intervention militaire intempestive. À chaque pays son histoire, ce n'est pas à nous d'imposer notre modèle politique. Les interventions américaines en Afghanistan et en Irak furent un désastre, chaque jour en apporte la preuve et il faut saluer la clairvoyance de Jacques Chirac en 2003.

M. Bruno Sido.  - Exact.

M. Jacques Mézard.  - Notre groupe ne s'est jamais fait remarquer par son attachement au gaullisme de la Ve République, mais force est de s'interroger sur la pertinence du principe de non-ingérence et de reconnaître que prétendre imposer nos conceptions démocratiques par la force est une profonde erreur. Pourquoi avoir éliminé le parti Baas en Irak et en Syrie, seul parti laïc de cette importance dans la région ? Quant aux printemps arabes, ces bourgeons ont été tôt coupés par le sécateur de l'islamisme et du djihadisme avant d'avoir fleuri... Que dire de la Lybie, où Kadhafi fut achevé dans un tunnel ? N'ayant plus rien d'un État, elle est devenue le couloir d'émigration de l'Afrique. Il est vrai qu'une politique étrangère inspirée par un philosophe doré ne peut que mener à une aporie.

Une stratégie diplomatique claire est nécessaire, associant toutes les parties. Hélas, la position française évolue au gré des mois. Vous parlez désormais, monsieur le ministre, non plus du départ de Bachar, mais de sa neutralisation. Qu'est-ce à dire en langage diplomatique ? En termes militaires ? Comme disait Clausewitz, « il ne faut pas faire le premier pas sans être prêt à faire le dernier »... On veut associer les « islamistes modérés » : oxymore ! Les États-Unis jouent à présent un jeu bien dangereux avec Al-Nostra, autre nom d'Al-Qaïda...Veillons aussi, en éteignant un incendie ici, à ne pas en allumer un autre ailleurs. Je pense à la question kurde.

Enrayer la progression de Daech, bien sûr, mais nous aimerions, monsieur le ministre, que vous nous proposiez un scénario de sortie de crise associant toutes les parties - j'y insiste -, sous l'égide de l'ONU ? Il y va de la sécurité nationale et internationale. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains )

M. David Rachline .  - Le chef des armées a décidé d'étendre au territoire de la Syrie l'engagement des forces françaises dans l'opération Chamal. Ce pays étant, que je sache, un État souverain, j'ai du mal à voir où est la légalité d'une intervention, à laquelle ses autorités légitimes n'ont pas donné leur accord. En Libye, sur les conseils d'un pseudo philosophe en chemise blanche, nous n'avons fait que favoriser le pullulement des terroristes.

S'il s'agit de combattre Daech, de rétablir la paix, nous vous suivrons. Mais vous n'avez pas de stratégie et vous avez transformé la France en valet des États-Unis. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain), pays qui porte une lourde responsabilité dans la situation actuelle.

Appliquons le principe de réalité : en Syrie, nous ne pouvons rien faire sans Bachar Al-Assad - qui fut accueilli naguère à Paris par une majorité à laquelle mon parti n'appartient pas. Ne refusons pas de parler à la Russie pour de basses raisons idéologiques.

M. le président.  - Veuillez conclure.

M. David Rachline.  - Toute solution passe par un dialogue avec la Russie de Vladimir Poutine et le régime de Bachar Al Assad.

M. François Zocchetto .  - Jamais depuis la fin du nazisme, une telle menace n'avait plané sur l'humanité. L'urgence est humanitaire, avec 200 000 morts, migratoire, avec 4 millions de Syriens déplacés et sécuritaire. Oui, notre sécurité se joue à cinq heures d'avion de Paris.

Quel bilan tirer de l'opération Chammal ? C'est la question que je posais lors d'une visite parlementaire à Damas, avec Jean-Pierre Vial et deux collègues députés, il y a six mois, qui avait suscité beaucoup de critiques. Or Daech continue à prospérer. Une opération aérienne, même massive, n'est efficace qu'en soutien à une intervention au sol.

Celle-ci devrait reposer sur la plus large coalition, et non sur la seule initiative des occidentaux. N'opposons pas non plus sunnites et chiites, Arabes et Perses, Turcs et Kurdes.

Quand bien même la France en aurait les moyens, je ne plaiderais pas pour une intervention de notre part sur le sol syrien. Les États-Unis sont absents. Les peshmergas kurdes, eux, sont en première ligne, sur le terrain, face à Daech ; leur situation est devenue intenable car la Turquie profite de son engagement contre Daech pour les attaquer. Cette position trouble ne fait pas de la Turquie le meilleur candidat pour une opération au sol. Il en va de même de l'Arabie saoudite, du Qatar. Israël se fait discret. L'Égypte paraît mieux placée, car elle a une armée et un rôle militaire dans la région, ainsi que l'Iran.

Enfin, nous avons réévalué notre position vis-à-vis du pouvoir syrien, malgré les précautions de langage. Dans cette guerre contre Daech, la Syrie n'est pas notre ennemi. L'armée syrienne libre a été réduite à néant. Il ne s'agit pas de soutenir la personne de Bachar mais l'État syrien, son administration et son armée. Ne répétons pas l'erreur commise par les États-Unis en Irak : détruire l'État. (M. Jacques Mézard approuve) La France n'est pas non plus au-dessus de tout soupçon en Libye.

La diplomatie française doit encourager la constitution d'une coalition de tous les ennemis de Daech sous mandat des Nations-Unies. Puisque les yeux sont désormais ouverts, il est urgent de s'engager vraiment. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Gérard Longuet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous sommes là parce qu'il y a cinq ans notre majorité a modifié la Constitution pour y introduire un article 35 qui oblige le Gouvernement à informer le Parlement dans les trois jours de l'engagement de forces à l'étranger. Nous serons également appelés, en conséquence, à nous prononcer par un vote, sur la prolongation de l'intervention dans quatre mois. Espérons que la France aura, d'ici là, clarifié sa position. Nous le devons à nos soldats, pour qu'ils sachent ce que nous attendons d'eux, nous le devons aussi aux victimes, et à tous ceux qui au Moyen-Orient, voient en la France une référence, un pays sur lequel on peut compter.

Nous avons donc le devoir de vous interroger, monsieur le ministre, sur cette guerre civile, devenue un conflit régional, mais aussi un défi à l'ordre mondial à l'ère de la mondialisation. La France doit être, à cet égard, à la hauteur de son statut de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations-Unies.

Depuis son indépendance, la Syrie, pays de vieille tradition, ne s'est jamais dotée d'une gouvernance heureuse, d'une vie publique. La France, dois-je rappeler, ne doit rien au régime militaire de Damas, responsable depuis 1971 de l'assassinat de notre ambassadeur Louis Delamarre, des 58 parachutistes tombés dans l'attentat du Drakkar, puis de Rafik Hariri, qui représentait un véritable espoir pour le Liban, proche de nous et auquel nous sommes si attachés. Toutefois, ce régime minoritaire était le régime des minorités.

Quant à Daech, cette organisation trahit l'islam. Nous sommes face à une guerre civile, devant laquelle la Ligue arabe a échoué, de même que Genève 1 et 2.

Faut-il, pour autant, baisser les bras ? Certes non. La France doit prendre en compte le rôle des pays voisins : la Turquie, qui ne veut pas d'un État kurde ; l'Iran chiite qui protège l'Irak à majorité chiite et s'efforce, via la Syrie, d'établir un lien avec le Liban, bloquant ainsi les initiatives de l'Arabie saoudite sunnite.

Chacun des acteurs de la région porte sa part de responsabilité. J'espère vous en convaincre, il faut tenir compte de la Russie. Cet acteur mondial se comporte comme une puissance régionale. (M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères, en doute) Après Rome et Byzance, elle se veut la protectrice des minorités chrétiennes - et craint de voir se développer dans les anciennes républiques de l'URSS un islamisme radical.

Mais la Russie est aussi un membre permanent du Conseil de sécurité, qui n'hésite pas à user de son droit de veto. Nous avons le devoir de respecter les formes, car la démocratie, c'est d'abord le formalisme et le respect de la parole des autres.

Je veux vous poser quatre questions, monsieur le ministre : militaire d'abord. Une surveillance aérienne suffit-elle pour empêcher la progression de Daech ?

Une question humanitaire ensuite : l'Europe ne pourrait-elle aller au-devant, là où sont les millions de réfugiés en Turquie, au Liban, en Jordanie, plutôt qu'à ses frontières où elle cultive l'incertitude, l'équivoque, le baroque et parfois le honteux ?

Un volet rarement invoqué malgré son importance : la pénalisation du terrorisme. Avez-vous l'intention, quand des combattants français ou résidant en France reviennent de Syrie, d'actionner la CPI, de les présenter pour examen devant elle ? Avec la certitude d'un appui international, cela changerait la donne.

Nous l'avons bien compris : dans votre discours, désormais, Damas existe. Faut-il lui retirer ses soutiens que sont l'Iran et la Russie ? Je ne le crois pas. Mais la situation est une impasse, ce serait l'honneur de la diplomatie française de le démontrer à ces deux pays sans l'engagement desquels aucun résultat n'est possible. Si le Gouvernement de Damas est assurément minoritaire, absolument infréquentable, la Syrie est un pays qui compte dans la région : il a su rallier la coalition de 1990, les chrétiens du Liban l'ont appelé à l'aide - mal leur en a pris. Les États-Unis sont absents, la Grande-Bretagne nous suit.

Enfin, soyons humains sur place, évitons de vider le Proche-Orient de sa tradition chrétienne. Depuis la capitulation de 1536, ce serait un déshonneur de la trahir ; nous avons toujours dialogué avec le monde arabe et l'Islam. Nous avons quatre mois, quatre mois pour agir. Avec ce débat, j'ai le sentiment qu'exécutif et législatif ont su faire vivre l'unité nationale en réhabilitant la politique. (Applaudissements prolongés sur les bancs du groupe Les Républicains, au centre et sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères .  - Comment faire la guerre à ceux qui s'en nourrissent ? Le président Chirac nous avait protégés de la guerre en Irak, qui est la source du terrorisme. Nous le savons désormais : là où on casse l'État, on crée le terrorisme.

Personne ne conteste la nécessité de frapper Daech dans sa profondeur stratégique, c'est-à-dire en territoire syrien. La situation d'entre-deux, de ni-ni n'a pas de sens au plan militaire. Le président de la République propose aujourd'hui d'en sortir. Dont acte. Cette inflexion vient de l'émotion ressentie à la vue du corps d'un petit garçon de trois ans échoué sur une plage turque, un petit garçon qui ressemblait trop à nos propres enfants. L'émotion ne doit cependant pas guider notre diplomatie.

Daech, hydre djihadiste, est l'ennemi principal, l'ennemi absolu. Il s'enrichit avec le pétrole, le racket, le trafic d'antiquités. Sa rencontre avec d'autres forces dans la bande de Gaza serait explosive. Daech a fait entrer la guerre dans nos sociétés. Mais une nouvelle initiative militaire doit tenir compte de la surchauffe opérationnelle de nos forces : 10 000 hommes sont déployés à l'étranger, la sous-budgétisation des Opex reste chronique. Le Sénat a fort heureusement introduit une clause de sauvegarde dans la loi de programmation militaire.

Notre intervention sera-t-elle efficace ? L'imbroglio sur le terrain impose des frappes ciblées. Nous avons frappé 200 fois en Irak. Mais nous mesurons avec effarement la capacité de résilience de Daech avec des recrutements par milliers, dont beaucoup d'étrangers. Mesurons donc ce que représentent ces frappes aériennes. Elles ne suffiront pas car une guerre se gagne au sol. Ce n'est pas à la France de la mener. Quels seraient ses points d'appui ? Les leçons de la guerre en Irak doivent être tirées. Ne nous laissons pas enfermer dans une guerre entre les musulmans et les « croisés ».

La situation impose une solution politique. Il faut dissocier les terroristes de la population. En Irak, la mainmise chiite a produit du ressentiment qui nous prive du soutien des tribus sunnites et des cadres de l'armée baasiste. En Syrie, le régime est responsable de plus de 200 000 morts, la culpabilité de Bachar est géante.

Mais notre politique doit être ambitieuse ; nous devons replacer notre diplomatie en tenant compte de l'axe Syrie-Russie-Iran. J'observe un certain glissement dans le discours de nos responsables, sur le moment du départ de Bachar, sur les éléments du régime qui pourraient être conservés, sur la Russie aussi. L'accord avec l'Iran peut faire revenir cet acteur majeur à la table des négociations, même si cela sera difficile. Travaillons à créer des espaces pour négocier une solution politique. Notre politique étrangère doit guider notre politique de défense. Et surtout conservons notre indépendance, misons sur notre génie de parler à tous et de parler sans relâche. C'est seulement alors qu'une action militaire trouvera son sens. (Vifs applaudissements à droite)

M. Laurent Fabius, ministre .  - Merci à tous les orateurs.

J'apprécie le soutien de M. Lorgeoux à la politique du Gouvernement. Il a dit juste, il faut trouver une solution politique, notamment avec l'Iran. Son analyse est pertinente de ce que représente Daech.

Mme Aïchi a eu des formules auxquelles je ne peux souscrire quand elle a estimé que nous n'avions pas de vision globale. Vous avez des informations, nous aussi ; vous avez une conviction, nous aussi... J'ai parfois le sentiment que certains orateurs considèrent que la politique internationale de la France serait plus facile à mener si la France était seule. (Sourires) Soit, mais ce n'est guère le cas... Vous avez eu raison d'insister sur le rôle de l'Iran.

Monsieur Laurent, il n'y a pas de changement de cap mais une adaptation aux circonstances. Il serait fou de faire autrement. C'est la sécurité de la France qui est en jeu. Quand nous constatons que les attentats qui ont touché le sol français ont été planifiés en Syrie par Daech, le président de la république doit prendre les décisions qui s'imposent.

Rechercher une solution politique, c'est exactement ce à quoi je m'attache. Qui a été le Premier ministre des affaires étrangères à se rendre en Iran ? Celui de la France. Qui a donné le la sur l'accord nucléaire avec l'Iran ? C'est moi. Qui était à Berlin pour s'entretenir avec M. Lavrov ? Moi encore. Ce n'est pas par une opération du Saint-Esprit que la Russie, l'Iran et les autres se rangent à nos arguments - même s'ils sont très bons. Vous avez raison sur la Palestine. Je reverrai bientôt Mahmoud Abbas à Paris. Il le dit : si un pays se préoccupe de la Palestine, c'est bien le nôtre.

Monsieur Mézard l'opposition d'alors avait soutenu le président Chirac dans son refus de s'engager en Irak. Il faut en effet avoir de la suite dans les idées.

Monsieur Rachline, vous soutenez que la France est le valet des États-Unis : je n'avais pas remarqué - et eux non plus. En revanche, j'ai noté que vous défendiez avec beaucoup de vigueur la Russie de Poutine et la Syrie de Bachar Al-Assad. Le droit international nous empêcherait d'intervenir ? Non pas ; nous intervenons au titre de la légitime défense, consacrée à l'article 51 de la Charte des Nations unies... C'est notre droit et notre devoir.

MM. Zocchetto et Longuet, hommes de culture, entendent promouvoir le dialogue avec l'Iran et la Russie. Soit. Quand je discute avec mon collègue russe, il me dit refuser le chaos en Syrie. Ce à quoi je réponds : si le chaos ne règne pas déjà en Syrie, qu'est-ce que c'est ? Bachar est responsable de 80 % des départs de Syrie. On a évoqué ce petit garçon de 3 ans mort sur une plage turque, mais savez-vous que son père avait été dans les geôles de Bachar et qu'il y avait été torturé ? Au-delà de l'argument moral, je vous demande d'entendre un argument d'efficacité. Accepter que Bachar reste, comme le suggèrent les Russes, c'est s'interdire une Syrie unie, respectueuse des minorités, redevenue territoire de paix. Il faut un régime de transition doté de tous les pouvoirs exécutifs - c'est Genève I et II. Est-ce à dire que Bachar doit se délester de ses pouvoirs ? Nous n'en sommes pas là... Et il n'est pas question de contester les intérêts russes en Syrie, de les bouter hors de Tartous. Quant à l'Iran, sa position est encore plus dure : elle veut le maintien de Bachar quoi qu'il arrive.

Alors que faisons-nous ? Nous travaillons au sein de l'Onu et nous travaillerons encore en format P5 lors de la prochaine assemblée générale. La Turquie ? C'est bien qu'elle s'engage contre Daech, mais la question kurde n'en sera pas résolue pour autant. Les pays du Golfe ? Quand il faudra engager des forces au sol, l'armée syrienne devra être secondée par d'autres troupes arabes. Et la France parle avec les pays du Golfe.

Oui, M. Raffarin a raison : la clé, c'est l'indépendance. La clé, c'est de parler à tous, de faire le lien. Les choses ont basculé sur la Syrie après les attaques chimiques, il faut le rappeler.

Monsieur Longuet, la France s'est engagée à juger les criminels qui relèvent de sa compétence -  la Cour pénale internationale intervient alors à titre subsidiaire. C'est elle qui a introduit la résolution relative à la CPI au Conseil de sécurité -  la Russie s'y est opposée. Oui, l'Europe doit faire davantage sur le plan humanitaire, y compris sur place. Nous allons faire des vols de reconnaissance en Syrie ; s'il apparaît que des opérations menacent la sécurité de la France, nous nous réservons le droit d'intervenir. Le respect des minorités, vous avez raison sur ce point, sera une clé pour un nouveau régime syrien solide.

Monsieur Raffarin, je dirai plutôt « et-et » que « ni-ni », contre Daech et contre Bachar. Vous avez eu cette formule sur la « géante culpabilité » de celui-ci. Certes, il y a un élément moral mais l'argument d'efficacité doit prévaloir. À l'époque de Genève I, il n'y avait pas de terroristes en Syrie...

L'indépendance de la France est un principe essentiel, au nom de l'efficacité, des valeurs, d'une certaine vision du Proche-Orient. Nos partenaires le comprennent parfois mal - au nombre desquels les États-Unis. C'est pourtant elle qui donne à notre pays son influence, en dépit de son faible poids démographique. Nous continuons d'aller de l'avant. Dans les domaines qui nous occupent, il est important que la représentation nationale soit, autant que possible, unie. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 18 h 10.

présidence de Mme Isabelle Debré, vice-présidente

La séance reprend à 18 h 15.