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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Questions d'actualité

Police et justice

M. Cyril Pellevat

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Situation d'Air France (I)

Mme Mireille Jouve

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Dérèglement climatique et géopolitique

Mme Leila Aïchi

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Situation d'Air France (II)

M. Pierre Laurent

M. Manuel Valls, Premier ministre

Manifestations de policiers

Mme Annie Guillemot

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

L'écologie est-elle une priorité gouvernementale ?

Mme Chantal Jouanno

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Vérité budgétaire

Mme Pascale Gruny

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Compte personnel d'activité

Mme Sylvie Robert

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Aéroport Notre-Dame-des Landes

M. Joël Guerriau

M. Manuel Valls, Premier ministre

Situation financière des collectivités territoriales

M. Rémy Pointereau

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

Formation en alternance

M. Maurice Antiste

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Ruralité

M. Daniel Chasseing

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Candidatures à une éventuelle CMP

CMP (Demande de constitution)

Mise au point au sujet d'un vote

Débat sur la politique étrangère

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères

M. Robert Hue

Mme Nathalie Goulet

M. Michel Billout

Mme Hélène Conway-Mouret

Mme Leila Aïchi

M. Henri de Raincourt

M. Jacques Legendre

M. Daniel Reiner

M. Robert del Picchia

Mme Josette Durrieu

M. Cédric Perrin

Mme Éliane Giraud

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international

Dépôt de rapport

CMP (Nominations)

Ordre du jour du mardi 20 octobre 2015




SÉANCE

du jeudi 15 octobre 2015

9e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Gérard Larcher

Secrétaires : M. François Fortassin, M. Jean-Pierre Leleux.

La séance est ouverte à 15 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement.

Je vous rappelle que cette séance est retransmise en direct sur France 3, Public Sénat et le site internet du Sénat.

Les auteurs de questions du groupe Les Républicains, du groupe socialiste et républicain et du groupe UDI-UC disposent chacun de deux minutes, y compris la réplique.

Ceux des groupes CRC, RDSE et écologiste disposent, quant à eux, de deux minutes et demie, y compris la réplique, au titre de l'équité.

La durée des réponses des membres du Gouvernement ne doit pas excéder le temps maximal imparti à l'auteur de la question, même si M. le Premier ministre bénéficie d'une « horloge spéciale »...

Police et justice

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ils sont venus, très nombreux, devant votre ministère, vous les avez vus et entendus. Madame la garde des sceaux, réagissez maintenant : on n'avait pas connu une manifestation policière d'une telle ampleur depuis quatorze ans. Salaires, temps de travail, manque de moyens, les revendications matérielles pourraient être nombreuses et justifiées. Cependant, ce n'est pas à ces sujets qu'ils vous ont interpellée mais sur votre politique pénale laxiste : suppression des peines planchers, réductions de peines systématiques : « à peine interpellé, tout de suite relâché » déplorent les policiers, qui constatent, médusés, que les délinquants ne craignent plus ni la police ni la justice. Vous incarnez, madame la ministre, cette politique (Vives protestations à gauche ; approbation à droite). Quelque 80 000 peines par an ne sont pas exécutées : Quand allez-vous réagir ? Le dialogue police-justice doit être rétabli, pour le bien de nos concitoyens et de notre République. Allez-vous enfin mettre en place une politique pénale qui ait pour priorité la sécurité des Français par l'exécution rapide des peines prononcées ? (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Les circonstances dramatiques qui ont déclenché cette réaction appellent de la dignité et du sérieux.

Manifestement, vous éprouvez quelque difficulté à prendre de la hauteur. (Applaudissements à gauche ; Protestations à droite) Quand d'autres ont jeté les magistrats en pâture à l'opinion publique et supprimé des postes de policiers, nous veillons à ce que les conditions de travail des forces de sécurité et des magistrats français permettent d'assurer la sécurité des Français.

Plusieurs voix à droite.  - C'est faux ! Démission !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous veillons à améliorer les informations dont disposent les juges chargés de l'application des peines, en gardant à l'esprit qu'ils sont également responsables de la protection des libertés individuelles et publiques. C'est dans la relation de confiance, établie sur le terrain, au quotidien, entre justice et police que nous progresserons. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes CRC et écologiste ; M. François Grosdidier s'exclame)

M. Cyril Pellevat.  - Rien ne sert de revenir au passé. (Protestations à gauche) Votre réponse était prévisible, c'est toujours la même...Commencez par assurer la sécurité des Français ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Situation d'Air France (I)

Mme Mireille Jouve .  - Ma question porte sur l'avenir d'Air France et le rôle de l'État actionnaire à hauteur de 17,6 %.

Le Gouvernement a son mot à dire sur l'organisation du trafic aérien, le montant des taxes aéroportuaires et la stratégie de l'État face à la concurrence des compagnies agressives.

Air France contribue en effet à plus de la moitié des taxes aéroportuaires. Roissy et Orly sont les plateformes les plus coûteuses d'Europe ! L'aéroport d'Amsterdam-Schiphol a baissé ses taxes de 7,7 % en 2015 ; Aéroports de Paris (ADP), dont l'État est actionnaire à 50 %, les a augmentées de 2,4 %. Air France souhaitait qu'elles soient gelées cette année mais le contrat de régulation entre ADP et l'État prévoit une hausse de 1,25 % entre 2017 et 2020.

Certes, ces taxes servent à financer de nombreux investissements, mais ne faudrait-il pas lier leur montant à la situation des compagnies ? Celles du Golfe, dont la concurrence est de plus en plus sensible, sont gavées de subventions publiques : près de 35 milliards d'euros de d'aides directes et indirectes ces dix dernières années !

Un rapport parlementaire récent l'a suggéré : il faut moduler les taxes et rééquilibrer la situation si déséquilibrée en faveur d'Air France dans la concurrence mondiale. L'État le peut-il ? Le souhaite-t-il ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - L'émergence des compagnies low cost, la concurrence de celles du Golfe et un déficit de compétitivité expliquent les pertes de parts de marché d'Air France : 44,4 % en 2014 contre 53 % en 2003.

L'État promeut une concurrence loyale. En 2013, des décisions de justice ont visé des compagnies low cost, dont Ryanair. Dans son principe, celui-ci n'est pas condamnable et le Gouvernement a soutenu la création de Transavia.

En février 2015, la France avec le soutien de l'Allemagne, a pris l'initiative de négociations entre la Commission européenne et les compagnies du Golfe. Sur les charges spécifiques, le Gouvernement a suivi le rapport Le Roux en baissant la taxe sur les passages en correspondance, soit une économie de 90 millions d'euros pour 2015-2017. Air France bénéficie en outre du CICE : 65 millions d'euros en 2014.

L'État régulateur reste aux côtés d'Air France, de ses salariés, et promeut une concurrence loyale. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Dérèglement climatique et géopolitique

Mme Leila Aïchi .  - Hier s'est tenu, sur une initiative sénatoriale, qui a germé il y a trois ans, le sommet international des ministres de la défense sur « la défense et le climat ». Le monde entier était réuni à Paris pour traiter de ce sujet qui m'est cher depuis longtemps. Ce fut une première ! J'adresse mes remerciements sincères à Jean-Yves Le Drian, à vous-même, monsieur le ministre des affaires étrangères, qui avez ouvert les débats, amicaux à Nicolas Hulot pour avoir sensibilisé les hautes sphères (Exclamations à droite), et ma reconnaissance à la hiérarchie militaire et au général de Villiers.

Le lien entre les conflits et le dérèglement climatique est reconnu, avéré, indiscutable : manque de nourriture, d'eau, de terres, sécheresse, autant de facteurs qui sont la source de nombreux conflits, présents et à venir. Sans parler des millions de réfugiés climatiques !

Hier, le ministre de la défense a reconnu que le Livre blanc de la défense avait sous-estimé ces aspects. Dont acte. Comment le Gouvernement compte-t-il intégrer concrètement les conclusions du sommet du Paris dans la COP 21 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - Après tous vos remerciements, je vous remercie à mon tour, madame la sénatrice. (Exclamations à droite) Oui, cette idée avait germée au Sénat, sur votre initiative. Le Gouvernement l'a reprise. Quand on pense au climat, il faut aussi penser à la sécurité. L'accès à l'eau et aux terres, comme à d'autres ressources naturelles, renouvelables ou non, crée des conflits, aggravés par les mouvements migratoires.

Au plan national, il appartient aux différents ministres de la défense d'appliquer les conclusions de cette réunion. Ils en ont la capacité, c'est ce que l'on appelle la défense verte. Elle sera, soyez en sûre, au coeur de la COP 21. Il nous faut aussi une vision de long terme : c'est l'objet de l'agenda pour l'action que nous proposerons le 5 décembre au Bourget. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste, RDSE, ainsi que sur plusieurs bancs au centre et à droite)

Mme Leila Aïchi.  - Cette question est transpartisane, et je tiens à remercier également Éliane Giraud du groupe socialiste et républicain et Cédric Perrin du groupe Les Républicains, car les questions liées à la santé et l'environnement sont l'affaire de tous : citoyens, administrations, institutions. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste, ainsi que sur de nombreux bancs à gauche, au centre et à droite)

Situation d'Air France (II)

M. Pierre Laurent .  - Monsieur le Premier ministre, un plan de 2 900 suppressions de postes est annoncé chez Air France et vous prétendez n'avoir qu'un seul cap : le dialogue social ! Où est-il, alors qu'on voit des syndicalistes arrêtés au petit matin, devant leur famille, au motif allégué qu'ils pourraient se soustraire à la justice, alors qu'ils sont poursuivis sur la seule base d'images télévisuelles, sans que leur culpabilité ne soit établie. (On s'indigne à droite)

Êtes-vous prêt aujourd'hui, pour apaiser la tension, à appeler à la levée de poursuites disproportionnées, au risque sinon de transformer le procès du 2 décembre et la menace de prison qui plane sur la tête de ces salariés en un outrage ressenti par des milliers de syndicalistes et de salariés inquiets pour leur emploi, comme a pu le constater le président de la République à Saint-Nazaire?

Allez-vous enfin, dans cet esprit, encourager une négociation tripartite, entre la direction, les syndicats et l'État, en mettant toutes les options sur la table ?

Que pense l'État actionnaire du triplement du ratio d'endettement de la compagnie entre 2011 et 2013 après le rachat de KLM ? Combien de revenus financiers les banques créancières d'Air France, BNP-Paribas et la Société générale notamment, ont-elles tiré de cette flambée de la dette ?

Allez-vous continuer de verser le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) à Air France ? Cela a représenté 109 millions d'euros en 2013 et en 2014.

Pourquoi votre Gouvernement a levé le moratoire qui bloquait la cession de lignes aériennes long courrier aux compagnies du Golfe, qui s'apprêtent à racheter une partie des cinq lignes long courrier que le plan d'Air France prévoit de fermer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Les violences qui ont eu lieu à Air France sont inacceptables et doivent être condamnées. (On approuve vivement sur les bancs du groupe Les Républicains) Rien, absolument rien, ne justifie ces actes graves.

La justice est indépendante, et vous le rappelez parfois vous-mêmes. Pas de faux débat ! Ce n'est pas le Gouvernement qui décide des interpellations ni de leurs modalités. Il ne peut pas y avoir d'impunité.

Songez aussi à l'impact de ces images dans le monde entier ! Pensez aux hommes qui ont souffert ces humiliations, ces outrages, et que j'ai rencontrés. Parmi eux, des dirigeants mais aussi des vigiles.

Le désarroi est réel. Cependant, on avancera, non par la violence, mais par le dialogue. Chacun doit fournir des efforts au sein de l'entreprise. Le blocage est venu des pilotes. Le plan de repli qui prévoit la suppression de 2 900 postes n'est pas une fatalité. À chacun d'assumer les responsabilités et de regarder la situation d'Air France avec lucidité. Le dialogue doit continuer, nous avons besoin d'une grande compagnie qui porte le drapeau français. Le dialogue social, qui vous est si cher, c'est d'abord de ne pas refuser de serrer la main tendue... (Brouhaha à droite)

M. Roger Karoutchi.  - Excellent !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - ...c'est de toujours accepter de de se parler, pour avancer ensemble, en assumant chacun sa part de responsabilité. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, ainsi que sur la plupart des bancs au centre et à droite)

M. Pierre Laurent.  - Dans le peu de temps imparti, je n'ajouterai que ceci : vous pouvez compter sur nous, monsieur le Premier ministre, pour que le plan de suppression de 2 900 postes ne soit pas une fatalité. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Catherine Tasca.  - Très bien !

Manifestations de policiers

Mme Annie Guillemot .  - Il y a un an, monsieur le ministre de l'intérieur, vous appeliez policiers et gendarmes à la vigilance face aux attentats terroristes. Puis, des attentats ont eu lieu et le plan Vigipirate a été déployé. Je veux saluer le dévouement remarquable de nos forces de sécurité, qui ne comptent plus leurs heures et sacrifient leur vie personnelle pour notre sécurité. Le 11 janvier, les Français ont applaudi le travail exemplaire accompli par ces femmes et ces hommes.

Surtout, nous sommes enfin passés du discours aux actes. Chacun se souvient en effet de l'état d'affaiblissement dans lequel nos forces se trouvaient en 2012, avec plus de 6 500 postes supprimés dans la gendarmerie nationale, 7 000 dans la police nationale, entre 2007 et 2012.

Le Gouvernement a accompli un effort indispensable en augmentant effectifs et moyens de nos forces de sécurité. Cette année encore, le budget de nos forces sera en augmentation. (Exclamations à droite)

M. Alain Gournac.  - La question ?

Mme Annie Guillemot.  - Cependant le malaise est bien présent après le drame du 5 octobre. Quelles initiatives le Gouvernement, au-delà de cet effort, compte-t-il prendre pour nos forces de sécurité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Vous avez parfaitement mesuré les contraintes qui pèsent sur les forces. (Exclamations à droite) En ce moment même, un policier lutte, dans sa chambre d'hôpital, entouré de ses proches et de ses collègues, pour sa vie : ayons, malgré le bruit et le vacarme, une pensée pour lui et sa famille. (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe socialiste et républicain et RDSE)

Nous avons parfaitement conscience que beaucoup de policiers et gendarmes se trouvent durement exposés. 13 000 emplois avaient été supprimés avant 2012. Nous en avons créé 500 par an ; nous en créons en outre 1 400 supplémentaires, principalement dans les services de renseignement. Depuis la crise migratoire, nous avons augmenté de 900 postes ; des forces supplémentaires seront encore mobilisées.

Nous travaillons aussi à la simplification de la procédure pénale. Par respect pour la charge qui leur incombe, nous leur donnerons les moyens de remplir leur mission. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

L'écologie est-elle une priorité gouvernementale ?

Mme Chantal Jouanno .  - Nous sommes d'accord avec le président de la République - une fois n'est pas coutume - lorsqu'il annonce devant les Nations Unies que la COP 21 sera la dernière étape cruciale pour lutter contre le dérèglement climatique et prôné une solidarité internationale exceptionnelle.

Mais quelle surprise de constater que le budget du ministère de l'écologie a encore baissé en 2016, de même que l'aide publique au développement de près de 117 millions d'euros !

Depuis 2012, 2 300 postes ont été supprimés au ministère de l'environnement, surtout dans les territoires ; la baisse des crédits a été de 1,75 milliard d'euros...

Certes, la ministre prétend qu'elle fera plus avec moins... Mais les faits sont têtus. Assumez-vous que l'écologie n'est plus une priorité du Gouvernement, en cette année de COP 21 ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Oui le budget de fonctionnement du ministère est en baisse. Mais, la droite de l'Assemblée nationale, le mardi et le mercredi, réclame des économies et le jeudi au Sénat demande plus de dépenses... Avec vos 150 milliards d'économies, il faudra bien un jour que vous sortiez de l'ambiguïté. (Mouvements divers à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

L'écologie est une priorité. L'effort sur le fonctionnement ne remet pas cause notre action : le crédit d'impôt pour la transition énergétique passe à 1,4 milliard - contre 0,6 milliard auparavant ; la TVA à taux réduit est maintenue ; l'enveloppe de l'éco-prêt écologique est augmentée. Un fonds aide les collectivités territoriales dans les territoires à énergie positive. Et la contribution du service public de l'électricité passe de 4,1 à 4,8 milliards d'euros, sept fois la baisse des dépenses de fonctionnement.

Le Gouvernement assume les efforts de réduction des dépenses et la politique qu'il mène en faveur de l'écologie.

Mme Chantal Jouanno.  - Donc vous assumez que le ministère de l'écologie n'est pas prioritaire. Merci de mettre fin à l'hypocrisie. En 2010, sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy, que vous caricaturez si souvent, le crédit d'impôt était 45 % supérieur à ce qu'il est aujourd'hui et le plafond de dépenses, supérieur de 3 milliards...

Vérité budgétaire

Mme Pascale Gruny .  - La présentation du budget a suscité beaucoup d'attente car les enjeux sont cruciaux. Mais les attentes ont bien vite laissé la place au doute...

Monsieur le ministre des comptes publics, où est le discours de vérité que vous vous vantez de tenir quand la rapporteure générale de l'Assemblée nationale se demande où seront effectuées 3,45 milliards d'économies ? Où est la vérité, où est le courage quand vous prétendez faire des économies en réduisant les dotations des collectivités territoriales, méthode inacceptable qui revient à transférer la fiscalité nationale sur la fiscalité locale ? Où est la vérité, quand vos discours favorables aux entreprises sont contredits par les faits ?

Les Français en ont assez, ils attendent du concret et du courage. Quand mettrez-vous vos actes en accord avec vos paroles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics .  - Le budget 2016 est solide et sérieux. Solide parce que fondé sur des hypothèses qui se vérifient. La vérité est que cette année nous aurons 1 % de croissance et 3,8 % de déficit. Vous disiez l'an dernier que ces prévisions étaient mensongères. Pour l'année prochaine, nous faisons l'hypothèse de 1,5 % de croissance et 3,3 % de déficit. Et elle se vérifiera.

Nous tiendrons pareillement nos objectifs en termes de baisse des impôts pour les ménages et de charges pour les entreprises. Douze millions de foyers verront leur impôt baisser.

M. François Grosdidier.  - Vous transférez l'impôt sur les collectivités territoriales !

M. Michel Sapin, ministre.  - Et nous finançons nos priorités. Je suis très impatient d'avoir ce débat avec vous au Sénat. Vous refusez nos économies, mais vous en demandez pour 150 milliards d'euros. Dites-nous où vous les ferez ! C'est cela, le courage politique ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Mme Pascale Gruny.  - Nous ne condamnons pas les économies. Le problème, c'est que vous les faites toujours sur le dos des mêmes : nos communes, nos départements et la classe moyenne ! (Applaudissements au centre et à droite)

Compte personnel d'activité

Mme Sylvie Robert .  - « Ce sera la grande réforme sociale du quinquennat », a annoncé le président de la République à propos du compte personnel d'activité (CPA). Ce ne sera ni un gadget ni une mesure technique de plus, mais une véritable avancée sociale. Il renforcera l'accessibilité et la lisibilité des droits. (Mouvements divers à droite)

Combien de nos compatriotes ignorent les prestations, les formations auxquelles ils ont droit, dans un monde où les transformations sont toujours plus nombreuses et plus rapides ? Foin de mots, il fallait des actes.

Le CPA sécurisera ainsi les parcours et les transitions professionnelles ; il sera ainsi un outil de liberté et de responsabilité dont chacun a besoin.

M. Philippe Dallier.  - On n'y comprend rien !

M. le président.  - Votre question !

Mme Sylvie Robert.  - C'est un instrument de justice sociale. (Brouhaha à droite) Pensez à ces jeunes qui quittent chaque année le système scolaire. Ils ont droit à une seconde chance pour se former. (Marques d'impatience à droite)

La Conférence sociale de la semaine prochaine concrétisera-t-elle les dispositifs ? Quelle sont les prochaines étapes ?

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - Vous l'avez dit, les parcours professionnels sont faits de ruptures, de reconversions, de mutations ; on passe désormais d'un emploi à un autre, on n'entre plus dans une entreprise à 16 ans pour en sortir à 60 ans. Le compte personnel d'activité permettra de mieux se projeter, d'anticiper, de gérer ses évolutions de carrière.

Les entreprises ont besoin, elles aussi, de faire évoluer les compétences et les emplois, notamment dans la perspective de la transition énergétique.

Le compte personnel d'activité est une ambition partagée depuis longtemps par de nombreux partenaires sociaux. Ce sera, lundi, le sujet de la première table ronde, que j'animerai, de la Conférence sociale. Comment comprendre que la CGT ne soit pas présente alors que nous passons aux actes ? (« Bonne question » à droite)

Vous pouvez compter sur ma détermination pour que le compte personnel d'activité soit une réussite collective. Je présenterai un projet de loi, fondé sur la concertation et les travaux de la Conférence sociale, au premier semestre de l'année 2016. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Aéroport Notre-Dame-des Landes

M. Joël Guerriau .  - Notre-Dame-des-Landes est devenu une enclave de non-droit. Samedi, les opposants ont pris possession d'une nouvelle maison sur le site. L'autorité de la République est bafouée au quotidien. En réponse à M. Retailleau qui demandait au président de la République de clarifier la situation, celui-ci, pourtant garant de l'intégrité du territoire, a déclaré à Saint-Nazaire qu'il faudrait faire cesser ces occupations « à un moment donné ou à un autre »...

M. Alain Gournac.  - Ce sera à un autre ! (Rires à droite)

M. Joël Guerriau.  - ... ce qui signifie que l'État est impuissant. Cette situation encourage les vols, le racket, les exactions. Le Gouvernement est incapable de faire respecter la loi.

Le projet d'aéroport à Notre-Dame-des-Landes date de 1963. Il est soutenu par les deux régions, sept départements, tous les acteurs économiques et sociaux et le Gouvernement lui-même. La justice s'est prononcée. Monsieur le Premier ministre, qu'attendez-vous pour faire appliquer la loi et garantir aux entreprises l'accès au chantier ?

M. Manuel Valls, Premier ministre .  - Le tribunal administratif de Nantes a rejeté en juillet tous les recours déposés contre les arrêtés préfectoraux qui autorisent le lancement des travaux de l'aéroport. Ce projet, déclaré d'utilité publique en 2008, soutenu par toutes les collectivités territoriales, peut donc reprendre. Il est bon pour l'économie de cette région, pour la protection de l'environnement, l'actuel aéroport étant au contact des trois zones Natura 2000, et pour la protection des populations qui sont survolées aujourd'hui par les avions.

La décision du tribunal est d'application immédiate. Le projet va se poursuivre normalement. Dans un souci d'exemplarité écologique, les concertations se poursuivent.

Je l'ai dit devant les élus, la France est un État de droit. Le Gouvernement ne peut accepter qu'une minorité radicalisée et ultraviolente fasse obstacle à l'intérêt général. Il ne cèdera pas. L'agression fin août d'une patrouille de gendarmerie qui apportait son concours à un huissier est inacceptable, comme les vols de marchandises.

Une procédure de référé a été lancée dans le cas de l'occupation de la maison que vous évoquez et l'ordonnance d'expulsion sera exécutée dès qu'elle aura été prononcée.

M. Gérard Longuet.  - Mme Taubira s'en assurera !

M. Manuel Valls, Premier ministre.  - Il n'était pas utile de polémiquer sur les propos du président de la République. Nous ferons respecter la loi. Nous soutenons le projet, qui se fera. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Situation financière des collectivités territoriales

M. Rémy Pointereau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le 13 octobre dernier, la Cour des comptes a publié un rapport en forme de cri d'alarme devant la baisse des dotations des collectivités territoriales - relayant les alertes nombreuses de l'Association des maires de France, je le dis en présence de son président, François Baroin.

La chute de l'investissement local se poursuit en 2015 et pourrait atteindre 25 % ou 30 % en 2017, avec des conséquences sur le BTP, sans parler du coût des normes de 1,5 milliard, de celui de la réforme des rythmes scolaires et de la revalorisation de 4 % de la grille des agents de catégorie C sans compensation aucune.

Les élus sont désespérés, les collectivités sont asphyxiées. Allez-vous leur porter secours et non vous défausser sur elles ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Nous avons agi. Le coût des normes passe de 700 millions d'euros par an à 13 millions cette année. Les dotations baissent mais elles représentent seulement 1,5 % des recettes des collectivités territoriales. Nous aidons les collectivités les plus en difficulté. Nous mettons en place un fonds de soutien à l'investissement local d'un milliard d'euros pour financer les grandes priorités locales. La dotation d'équipement des territoires ruraux a augmenté. Nous proposons aussi un élargissement de FCTVA. Le Gouvernement compense en outre au mieux les charges nouvelles.

Autant de mesures de justice et de solidarité. Tout cela est à comparer avec les annonces de votre formation politique... (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Rémy Pointereau.  - Ce sont surtout des annonces pour les prochaines élections régionales ! Ce que nous demandons, c'est un gel de la réduction des dotations et un moratoire sur les normes. (Applaudissements au centre et à droite)

Formation en alternance

M. Maurice Antiste .  - Les jeunes rencontrent, dans tous les territoires mais surtout en outre-mer, des difficultés pour accéder à des stages ou à l'apprentissage. Celui-ci a reculé de 3,2 %. En outre-mer, le tissu économique est fait de très petites entreprises, peu outillées pour accueillir des jeunes. Des initiatives locales se sont développées comme la fondation Agir ensemble pour la formation et l'emploi en Martinique.

Le Cese a fait des propositions pour impliquer davantage les universités et développer les troisièmes cycles.

Les familles sont plongées dans le doute et l'angoisse du chômage de leurs enfants. Que comptez-vous faire, madame la ministre, pour inciter les entreprises à accueillir des jeunes ? L'accès aux stages et aux formations en alternance est en grande souffrance en France.

Mme Myriam El Khomri, ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social .  - J'entends vos inquiétudes et partage votre conviction sur l'utilité de l'apprentissage, voie d'excellence. Il est utile aux entreprises qui forment aux compétences dont elles ont besoin et aux jeunes - 70 % des apprentis trouvent un emploi à l'issue de leur formation, et beaucoup dans l'artisanat sont les chefs d'entreprises de demain. Nous avons dégagé 200 millions d'euros supplémentaires pour les CFA en 2015 ; l'aide « jeunes apprentis » pour les TPE est opérationnelle depuis le 1er juin. Sur les derniers mois, Le nombre d'entrées en apprentissage n'a jamais été aussi haut depuis quatre ans.

Ces mesures sont particulièrement adaptées à l'outre-mer. En Martinique, j'ai constaté les difficultés et le manque d'informations des chefs d'entreprises. Nous nous appuyons sur des jeunes en service civique pour faire la promotion des dispositifs en vigueur auprès des chefs d'entreprises. En outre, la Martinique compte 2 100 jeunes en emploi d'avenir et 385 jeunes bénéficient de la garantie jeune.

En 2016, nous comptons développer le parrainage des jeunes diplômés des quartiers populaires. Une plateforme mettra en contact jeunes apprentis et entreprises demanderesses. Vous pouvez compter sur ma mobilisation.

Ruralité

M. Daniel Chasseing .  - Le fossé entre la France des villes et des campagnes se creuse.

La crise agricole - lait et viande sont vendus en dessous de leur prix de production - conduit les agriculteurs au découragement. La baisse de 30 % des dotations aux petites communes les empêche d'attirer des jeunes, tout comme la disparition des services publics. La fracture numérique est loin d'être refermée, les déserts médicaux toujours présents et les règles administratives pour la construction plus tatillonnes que jamais.

Comment attirer les actifs, les familles et les touristes dans ces conditions ? Nos territoires se désertifient. L'État va-t-il enfin renforcer les centres-bourgs ? Installer des guichets uniques en zone rurale ? À quand une politique fiscale incitative ? Des zones franches et des exonérations de charges pour les TPE et PME ? Une simplification des normes, notamment agricoles, et une simplification de la PAC pour aider les petites exploitations familiales ?

Il est tard, mais si vous avez une volonté, il peut encore y avoir un chemin. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - Le Gouvernement est, comme vous, attaché à défendre la ruralité, qui est un atout pour l'aménagement du territoire.

Les Assises de la ruralité ont proposé plusieurs mesures, que vous semblez ignorer et que nous mettons en oeuvre : partenariat avec La Poste pour des maisons de service public - mille seront installées fin 2016 ; développement des maisons pluridisciplinaires de santé et incitations à l'installation des jeunes médecins. Nous luttons aussi contre les inégalités numériques avec le plan très haut débit. Nous voulons aussi simplifier les zones de revitalisation rurales, rendues plus justes et plus efficaces avec les seuls critères de densité de population et de revenu par habitant.

Le Gouvernement partage vos préoccupations sur la ruralité. Les territoires ruraux sont partie intégrante de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La séance est suspendue à 16 h 5.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 16 h 20.

Candidatures à une éventuelle CMP

M. le président.  - J'informe le Sénat que la commission spéciale chargée d'examiner la proposition de loi renforçant la lutte contre le système prostitutionnel a désigné des candidats à une éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de cette proposition de loi.

Cette liste a été publiée conformément à l'article 12, alinéa 4, du Règlement et sera ratifiée si aucune opposition n'est faite dans le délai d'une heure.

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l'organisation de la manutention dans les ports maritimes.

Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Nathalie Goulet.  - Lors du scrutin n°25 sur l'ensemble de la proposition de loi sur la lutte contre le système prostitutionnel, M. Joël Guerriau souhaitait voter contre.

M. le président.  - Acte est donné de cette modification. Elle figurera au Journal officiel et dans l'analyse politique du scrutin.

Débat sur la politique étrangère

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur le thème : « La politique étrangère de la France : quelle autonomie pour quelle ambition ? », à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission des affaires étrangères .  - Merci, monsieur Fabius, de votre présence à ce débat important pour le Sénat. Au fond, quelle est l'autonomie de notre politique étrangère pour quelle ambition ? Au terme d'un an de travail, la commission des affaires étrangères vous présentera ses quatre rapports : l'Iran, la Russie, la Chine et le climat. Dans un monde à la fois apolaire et omni-crise, une addition de positions ne fait pas une politique. Une guerre pose autant de problèmes qu'elle en résout. Le président Bush me disait en 2004 à propos de la guerre d'Irak « The game is over ». Je lui ai répondu : « Not a game, not over ! » (On apprécie)

Il faut une ligne directrice. Celle que nous vous proposons pourrait se dire : « Osons l'indépendance pour mieux servir nos objectifs ! ». Ou encore : « Ayons l'autonomie de notre ambition ! ».

Notre politique étrangère peut s'appuyer sur deux grands atouts : nos fondamentaux, et notre indépendance. Le paradoxe du XXIe siècle, c'est que l'indépendance crée les alliances.

Nos fondamentaux, c'est d'abord, le développement économique. Le match entre la Chine et les États-Unis est bien une guerre de croissance. Celui qui donnera de la croissance économique aux autres sera le vainqueur. Comment la France peut-elle avoir une influence si elle n'est pas capable de surmonter sa crise ?

« C'est parce que nous ne sommes plus une grande puissance qu'il nous faut une grande politique ». Cette phrase, prononcée en 1969 par le général de Gaulle, résume la vocation de la politique étrangère française, qui l'avait conduit à reconnaître la Chine populaire dès 1964. Dans ce monde turbulent, quelle doit être notre boussole ? Nos intérêts ! La politique étrangère, c'est une question d'intérêt, pas de morale. Il est de l'essence même de la diplomatie de parler avec des gens infréquentables.

Quels sont nos principaux intérêts dans le monde ? D'abord, défendre la sécurité des Français et de la France, qui est menacée y compris sur notre sol par Daech et les autres organisations terroristes. Ensuite, stopper l'escalade des tensions entre, pour simplifier, la Russie et les États-Unis. Ne soyons les vassaux ni de l'un, ni de l'autre, et ne nous laissons pas enfermer dans un choix réducteur. Je vois monter avec inquiétude, entre la Chine, la Russie et l'Iran, une sorte de coalition des émergents qui s'opposerait à l'ordre occidental. La France doit faire vivre sa singularité pour sortir de cette tension binaire. Troisième priorité, la résolution des crises, en Syrie, en Libye, au Mali mais aussi au Yémen, au Soudan du Sud, en Érythrée, ce pays dont on n'évoque jamais la situation dramatique. La France doit porter son message : indépendance, résistance et espérance.

Avec l'Iran, une ère nouvelle s'ouvre depuis la signature de l'accord nucléaire de juillet. Nous appelons à rééquilibrer nos alliances et à ne pas sous-estimer l'Iran. Jouer les sunnites contre les chiites serait une grave erreur. Interrogeons-nous sur nos liens un peu trop exclusifs avec les monarchies sunnites du Golfe : les amis de nos amis ne sont pas nos amis.

La France a habilement tiré profit du froid entre l'Arabie saoudite et les États-Unis. Pourquoi pas, si nous pouvons conclure quelques contrats au passage. Mais l'Iran va avoir demain un rôle régional majeur, un rôle économique considérable, et a besoin de diversifier ses alliances. Une feuille de route dense et précise pourrait être le délivrable de la visite du président Rohani à Paris. Passons aux actes, aussi bien économiques que culturels et artistiques, pour renouer les liens avec cette civilisation millénaire.

Avec la Russie, ce « mystère enrobé d'une énigme » comme disait Churchill, la commission souhaite éviter l'impasse. Sans renier nos principes, fondés sur le refus de la violence et le respect du droit international, sachons considérer ce pays pour ce qu'il est : un partenaire stratégique à part entière, membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies, notre voisin que nous avons peut être échoué à arrimer à l'Europe, mais avec lequel la France a toujours eu une relation dense et singulière. Nous devons allier l'indispensable fermeté à une posture de dialogue. La spirale de l'isolement ne fait qu'empirer les choses. Les sanctions ont une logique prémilitaire ; elles ne font pas une politique : on vise les dirigeants mais l'on atteint la fierté des peuples, ce qui alimente les nationalismes.

La Chine achève son émergence pacifique. Son poids est devenu tel qu'elle ne peut plus rester discrète : quand Shanghaï manque d'oxygène, les banques du monde entier s'essoufflent. La nouvelle croissance chinoise, réorientée, moins massive, moins quantitative, moins menaçante pour l'environnement, mondialement compatible, ouvre des portes. Engagée sans retour possible dans son match avec l'Amérique, la Chine se refusera à se laisser enfermer dans la Chinamerica. L'Europe doit assumer son indépendance et ne pas oublier qu'elle est un cap à l'ouest de l'Asie. La montée en puissance de la Chine forcera le monde à mieux maîtriser les équilibres

Alliés des États-Unis, auxquels une histoire ancienne nous lie, nous conservons toutefois notre autonomie.

Monsieur le ministre, votre ambition est grande pour la France et chacun ici reconnait votre engagement. Sur le climat, vous avez jeté votre énergie et votre talent au service d'une cause qui nous concerne tous. Nous savons à quelle concurrence ministérielle vous faites face ! (M. le ministre feint de ne pas saisir l'allusion ; sourires entendus). J'espère que le débat de cet après-midi vous aidera, ainsi que nos diplomates, à qui je dis notre estime et notre reconnaissance, à porter toujours plus haut la voix de notre pays. (Applaudissements)

M. Robert Hue .  - En qualité de membre permanent du Conseil de sécurité, la France a toujours pris ses responsabilités dans les crises internationales. On peut s'interroger sur l'ampleur de son influence dans le monde actuel mais, du fait de son histoire et de son implantation sur quatre continents, notre pays est un médiateur écouté. C'est ainsi que le sommet au « format Normandie » a permis la reprise du dialogue et la conclusion des accords de Minsk II. Oui la France est attendue. Le président Traoré lui a fait appel pour repousser les groupes terroristes au Mali.

La France, forte de ces attentes, a un rôle à jouer. Mais avec quelle autonomie ? Pour quelle ambition ?

Dans un monde multipolaire, nous devons nous inclure dans un cadre légal. La France s'est toujours adossée à une décision du conseil de sécurité de l'ONU. C'est tout à l'honneur du président Chirac d'avoir refusé de s'engager en Irak en 2003.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Robert Hue.  - On peut douter, en revanche, de la justesse de notre intervention en Libye.

La France ne sort jamais grandie quand elle se soumet aux pressions. Aussi, de l'annulation de la vente des Mistral à la Russie.

Attention à ne pas surestimer la capacité diplomatique des Américains : par leur guerre de 2003 et leur soutien au Gouvernement Al-Maliki, ils ont contribué à l'émergence de Daech en Irak. Contrairement à l'espoir du président Obama, ils ne parviennent pas à solder la question israélo-palestinienne. Je suis heureux que le Gouvernement français dénonce l'opacité des négociations du traité transatlantique.

Notre autonomie doit aussi nous conduire à ne pas dédaigner les politiques bilatérales avec la Russie. Faisons abstraction du nationalisme assumé de Vladimir Poutine : ce n'est que la réaction naturelle à une avancée de l'Otan vers son pays, contraire aux engagements pris après la chute du mur de Berlin. En effet, le secrétaire d'État américain James Baker avait alors promis à M. Gorbatchev que l'Otan n'avancerait pas vers l'Est.

L'accord de Vienne concernant l'Iran est un progrès incontestable, même si son application devra être surveillée. Le repositionnement de l'Iran sur la scène internationale devrait aussi favoriser un règlement du dossier syrien.

Si nos interventions militaires peuvent ralentir les crises, elles ne peuvent pas installer durablement la paix sans l'implication des plus concernés. En attendant, reconnaissons que nos destins sont liés à ceux de ces populations, ne serait-ce que si l'on songe à la crise des réfugiés en Europe.

Il convient de donner à notre politique étrangère, pour qu'elle soit porteuse d'un message clair, une dimension indépendante, équilibrée et cohérente avec notre histoire. (Applaudissements)

Mme Nathalie Goulet .  - Réfugiés, Syrie, Libye, Israël, Palestine... Jamais la planète n'a connu ce cortège de conflits non maîtrisés avec ses larmes et ses drames. Jamais l'insécurité n'a été aussi forte. On se rend compte que la charte de l'ONU a été rédigée par des gens qui avaient peu de pensée prospective puisqu'elle ne prévoit aucun mécanisme de révision. Monsieur le ministre, il est peut-être temps de reprendre votre bâton de pèlerin pour faire modifier cette charte. Ce monde a changé.

La Syrie est la preuve de la faillite de nos mécanismes de sécurité collective. Au groupe UDI-UC, nous pensons que la priorité va à la lutte contre Daech. Le départ de Bachar Al-Assad n'est pas la priorité du moment, ce qui ne signifie aucunement que nous passerions par perte et profit son comportement génocidaire sur son propre peuple

Autre aspect de notre faillite de la sécurité collective : Azerbaïdjan, Ossétie, Haut-Karabagh, Ukraine, tous ces conflits gelés qu'il faudrait résoudre car dans les États en faillite, le djihadisme prospère. On le voit en Ukraine.

La Palestine n'est pas occupée, la Palestine a disparu de nos écrans radar. Ni François Hollande ni Barack Obama n'ont mentionné son nom à la tribune de l'ONU. Et voici une nouvelle intifada des couteaux. Les frontières d'Israël doivent être reconnues aussi bien que l'État palestinien. Vous avez assisté, monsieur le ministre, au levée du drapeau palestinien devant l'ONU. Beau symbole mais ce n'est pas assez pour un pays où le désarroi est si fort.

Une prière personnelle : abrogez la scandaleuse circulaire du 12 février 2010 qui assimile l'action politique de boycott à de l'antisémitisme.

Votre venue à Téhéran a été un très grand succès. Vous savez que j'ai pour l'Iran les yeux de Chimène. La France devrait préparer un mariage de raison entre l'Arabie Saoudite et l'Iran.

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international.  - Ils ne s'aiment pas !

Mme Nathalie Goulet.  - Ce serait un pari pour la sécurité du Golfe. « S'ils ne s'aiment pas, faisons en sorte qu'ils se supportent », disait M. Kouchner. Il y a des motifs d'équilibre entre ces deux pays. Ne mettons pas tous nos oeufs dans le même panier diplomatique.

Je suis choquée par le bashing constant des pays du Caucase et du Golfe. Faites passer le message : notre pays s'il est celui des droits de l'homme, doit être aussi un partenaire commercial à part entière. Arrêtons de clouer au pilori les compagnies du Golfe et pensons à notre industrie. (Applaudissement au centre, à droite, sur quelques bancs à gauche)

M. Michel Billout .  - Quelle autonomie de la politique étrangère pour quelle ambition ? Vaste question... Je m'en tiendrai à l'actualité du Proche-Orient. Nos ambiguïtés en Syrie sont peut-être le reflet de notre manque d'autonomie. Je connais vos efforts pour faire entendre la voix de la France en Syrie. Cependant, nous ne faisons pas preuve d'assez d'audace. Nous sommes sur la défensive face à Bachar Al-Assad, faute de position claire. Quand nous sommes écartelés entre notre désir de combattre les djihadistes et d'abattre Bachar Al-Assad, la Russie et l'Iran n'hésitent pas. Rouvrons le dialogue avec ces deux pays devenus incontournables.

Dénonçons fermement la politique suicidaire de division menée par le président Erdogan. Assez de prudence et de frilosité ! Après le récent attentat d'Ankara, nous ne pouvons plus rester silencieux devant le sort fait au peuple kurde.

Sans faire de bashing, ne peut-il pas tenir un langage de fermeté envers l'Arabie Saoudite ? La Grande-Bretagne n'a-t-elle pas renoncé à participer à un appel d'offres dans ce pays, alors qu'elle est aussi un fournisseur d'armes important ? (Mme Nathalie Goulet s'exclame)

Ne laissons pas les États-Unis poursuivre leurs tractations en tête-à-tête. Pensons à une solution sous l'égide de l'ONU. Le groupe 5+1 peut trouver une solution politique au conflit syrien.

Je ne peux pas terminer sans évoquer la Palestine. Le droit et les conventions internationales doivent être respectés.

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Michel Billout.  - C'est à ces conditions que la France retrouvera toute sa place dans le concert des Nations ! (Applaudissements)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Notre groupe de travail sur la croissance chinoise a été l'occasion d'étudier ce que vous appelez, monsieur le ministre, la diplomatie économique. Depuis 2012, vous avez redéployé nos effectifs diplomatiques dans cet objectif. Vous l'avez dit, notre ambassade en Chine sera la première en effectif d'ici 2017.

Nous avons été frappés, lors de notre voyage à Pékin, par le développement des nouvelles technologies. Malgré la censure, ce pays compte 500 millions d'internautes. Les entrepreneurs français se plaignent parfois de certaines lenteurs bureaucratiques qui les entravent. Comment les lever ? Comment faire mieux accepter les investissements chinois en France ? On les craint, comme on s'inquiétait naguère des « dragons asiatiques ». Quelle approche de la France par rapport aux nouvelles marges que crée la Chine pour réinventer sa croissance ?

Mme Leila Aïchi .  - Qu'il s'agisse de promouvoir la démocratie libérale, les droits humains ou la protection de l'environnement, notre pays a un rôle à jouer. Ainsi, je parlerai d'ambitions au pluriel. Plus que jamais, nous devons avoir une vision de long terme.

Le décalage est criant entre le temps long de la réflexion, de la prospective, de la solution des crises et des grands rééquilibrages pour le climat, et l'immédiateté de la politique et des médias, qui nous empêche de nous projeter.

Ainsi à propos du réchauffement climatique. Selon le Giec, 4 milliards de personnes seraient, dès 2050, en situation de stress hydrique ; 250 millions de personnes seront, d'ici 2050, des réfugiés climatiques ; 810 millions souffriront de faim chronique et les pays pauvres abriteront non plus 5,3 mais 7,8 milliards d'habitants.

Il nous faut développer une politique étrangère prospective et ambitieuse ; pour cela, il faudra renforcer la recherche en techniques innovantes, en matière d'efficacité énergétique, de recherche climatique, de gestion des crises dans la durée et de recherche relative à la biodiversité et à la protection du littoral.

Hier, les ministres de la défense de nombreux pays se sont réunis en amont de la COP 21. Le dérèglement climatique n'est plus secondaire, il devient central. Preuve est faite que nous pouvons faire dialoguer tous les acteurs autour de cette cause. (Applaudissements)

M. Henri de Raincourt .  - La Chine a connu ces trente dernières années, une croissance exceptionnelle, résultat des réformes engagées dès 1978 par Deng Xiaoping. Sa croissance est selon la Banque mondiale inédite : en 2005, son PIB était à 2 200 milliards de dollars, égal à celui de la France. Il est désormais de 11 000 milliards de dollars, et le nôtre de 3 000. L'effet masse et l'effet volume ont joué à plein dans cette multiplication par cinq en dix ans.

Toutefois, ce modèle, qui repose sur des exportations à faible coût grâce à une main d'oeuvre bon marché, n'est pas soutenable. La Chine en a pris conscience. Or lorsque l'État décide, il a les moyens de faire appliquer ses décisions, quand les 90 millions de membres du parti communiste quadrillent le pays. Une classe moyenne a éclos, plus sensible aux problèmes écologiques et sanitaires. Il n'est pas anodin que les autorités aient lancé une campagne contre la corruption.

L'optimisme des chinois n'est pas ébranlé. Ils sont confiants dans leur capacité à relever les défis à venir. La France détient des atouts dans cette évolution. La Chine ne doit pas être perçue comme un concurrent commercial, mais comme un partenaire. Il est de notre intérêt de discuter avec elle sur des sujets aussi importants que le développement. (Applaudissements)

M. Jacques Legendre .  - J'ai coprésidé avec M. Reiner le groupe de travail sur l'Iran, où je me suis rendu avec Michelle Demessine et Joël Guerriau. Grâce à l'accord de Vienne, l'Iran fait son retour dans le concert des nations. Espérons que cela changera la donne au Moyen-Orient.

Certes, cet accord ne résout pas tout. La levée effective des sanctions est conditionnée au rapport de l'Agence internationale de l'énergie atomique. L'intérêt de l'Iran toutefois est d'oeuvrer à la paix internationale. L'intérêt de la France est de restaurer nos relations avec ce pays, avec lequel nous avons une histoire ancienne. Notre image y demeure bonne : faisons fructifier ce capital. Au plan économique, mais aussi au plan diplomatique : je salue la venue à Paris du président Rohani en novembre.

Ne négligeons pas la dimension culturelle. Obtenons l'accord de l'Iran pour développer notre présence en Iran : pour transformer le centre de langues françaises en institut français, pour développer les missions archéologiques, revitalisons la recherche française sur l'Iran, organisons de grandes expositions sur la Perse. De notre côté, accroissons le nombre d'étudiants iraniens accueillis chaque année en France : on ne peut en rester à 1 800 !ce n'est pas assez.

Surtout, la France ne doit pas choisir entre monde sunnite et monde chiite, mais avoir une politique équilibrée pour le bien du Moyen-Orient. (Applaudissements)

M. Daniel Reiner .  - J'aborderai à mon tour la situation de l'Iran, où je me suis rendu avec M. Legendre, Mme Demessine et M. Guerriau. L'accord de Vienne du 14 juillet met fin à douze années de crise sur le programme nucléaire iranien.

Votre ligne de fermeté, Monsieur le Ministre, a payé : le dialogue a été rétabli avec l'Iran. Espérons qu'il sera durable. La visite du Parlement iranien est de bon augure.

La qualité de la coopération française avec l'Égypte et l'Arabie saoudite, ainsi qu'avec les monarchies du Golfe, est un atout pour la lutte contre le djihadisme. Mais il faut aussi travailler avec les chiites. L'Iran cherchera-t-elle à coopérer avec l'Occident pour résoudre les conflits en Syrie, en Irak, au Yémen ? Elle l'affirme. Ce serait son intérêt. La « feuille de route » franco-iranienne en préparation, Monsieur le Ministre, comportera-t-elle un volet politique en ce sens ?

Pourquoi, Monsieur le Ministre, ne pas conclure des coopérations pour soutenir nos grands groupes, mais aussi aider nos PME à exporter et à s'implanter dans ce grand pays de 80 millions d'habitants, riche en hydrocarbures et en ressources naturelles? Elles y vont, prudemment, puisque les sanctions n'ont pas encore été totalement levées.

L'Iran attend le concours de notre expertise pour restaurer son circuit bancaire, lutter contre la corruption ; soutenir techniquement sa candidature à l'OMC. Développons aussi le tourisme entre nos deux pays, domaine où nous disposons d'un savoir-faire reconnu et que connaît bien Michèle Demessine, ainsi que la coopération décentralisée au moyen de jumelages entre nos chambres de commerce et d'industrie.

Plus nous progresserons en ce sens, plus nous pourrons exercer une influence positive, notamment en matière de droits de l'homme. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Robert del Picchia .  - Russie-France : éviter l'impasse, tel est le titre du rapport que nous avons rédigé avec Josette Durrieu pour la commission des affaires étrangères.

Il est vrai que les tensions et conflits se multiplient : annexion de la Crimée, crise au Donbass, démonstration de force en Syrie, déclaration de Vladimir Poutine à Ankara... Notre intérêt n'est pas d'encourager les ruades violentes de la Russie, mais de renouer le dialogue avec M. Poutine.

Voici nos modestes recommandations : d'abord, la fermeté. Adepte d'une conception classique des relations internationales, fondée sur les rapports de force, la Russie poussera ses pions tant qu'elle ne rencontrera pas de résistance. Ensuite, nous devons nous doter d'une politique cohérente. La Russie recherche avant tout la reconnaissance. La France doit l'aider à reprendre une place sur la scène internationale, dans le respect du droit. Comment faire ? En poursuivant nos efforts pour régler la crise ukrainienne dans le format Normandie, conformément aux accords de Minsk. Annonçons aussi qu'il est temps de lever progressivement les sanctions.

De même, la Russie doit être associée à la politique de sécurité et de développement économique en Europe. L'Allemagne, mais aussi la Pologne, doivent y être évidemment associées. Il est souhaitable de faciliter les contacts avec la Russie, en assouplissant par exemple, la politique de visas.

Avec la fermeté et le dialogue, nous pourrons éviter l'impasse. La France a tout pour y parvenir : le génie de sa diplomatie et l'indépendance de son analyse. À vous de jouer, Monsieur le Ministre ! (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain jusqu'à la droite)

Mme Josette Durrieu .  - M. del Picchia a bien présenté les conclusions de notre rapport. La question se pose après la crise ukrainienne : la Russie peut-elle encore être une partenaire fiable ? En Syrie, la Russie montre ses muscles.

La Russie a toujours eu une politique extérieure indépendante, déclarait Poutine en 2007. Écoutons-le ! Il poursuit dans cette voie pour rendre à la Russie son rang, conforter son espace, affirmer sa puissance, tester ses adversaires. Il n'est nullement imprévisible, comme on le prétend parfois. Par la rapidité de l'action, il gagne ses positions. L'état de fait est ensuite irréversible. On l'a déjà vu en Géorgie en 2008.

Mais Gorbatchev regrettait que la Russie ait été humiliée : bombardements en Serbie en 1991, élargissement de l'OTAN, etc.

Est-il trop tard ?

La Russie considère l'OTAN comme sa première menace, mais les pays de l'Est ont peur de la Russie. Après la chute de l'URSS, la Russie n'a été ni accueillie ni récompensée par l'Europe. Elle était alors si faible que nous n'y avons pas vu un partenaire. À présent, la sécurité de l'Europe est en jeu. Ni confrontation, ni éloignement : le dialogue et la fermeté s'imposent.

La Russie joue le jeu de la force : réactive des foyers de tensions dans les zones russophones, en Géorgie, en Moldavie, ou aux Balkans.

Je salue l'action de la France qui a pris beaucoup d'initiatives. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi qu'au centre et à droite)

M. Cédric Perrin .  - L'enjeu du réchauffement climatique et de la COP21 est qu'il faut éviter toute récupération partisane. Le défi est mondial.

Selon les études les plus optimistes, à l'horizon 2080, 93 millions de personnes seraient victimes d'inondations tous les ans. J'ajoute que 200 millions de réfugiés climatiques seront dénombrés en 2050 ; les catastrophes naturelles causeront 1 000 milliards de dollars de dommages annuels.

Comment l'Europe fera-t-elle face alors qu'elle peine actuellement à accueillir quelques millions de migrants ? Les États seront affaiblis, à commencer par les plus vulnérables.

Le changement climatique est un multiplicateur de menaces. Des conflits risquent d'éclater, comme pour la maîtrise de l'Arctique.

Dans notre société de l'immédiateté, l'enjeu paraît lointain. Malheureusement, il faut anticiper, sensibiliser, prévenir.

Pourtant la loi de programmation militaire ne mentionne nullement le changement climatique. M. Raffarin a raison de regretter cette absence de vision stratégique.

Le combat pour le climat sera long. De ce marathon, la COP21 est une étape nécessaire où l'échec n'est pas permis, mais où le succès ne sera pas suffisant.

Contenir le réchauffement à moins de 2 degrés, c'est bien ; il faudra aussi anticiper sur les crises géopolitiques et prévoir les mouvements de réfugiés. (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain jusqu'à la droite)

M. Jean-Pierre Raffarin, président de la commission.  - Très bien !

Mme Éliane Giraud .  - Je ne vous demanderai pas, monsieur le ministre, de prendre votre bâton de pèlerin. Je sais que vous l'avez bien en main, je l'ai constaté hier à l'occasion de la conférence « Climat et défense ».

Le rapport d'information de Leïla Aïchi, Cédric Perrin et moi-même analyse les conséquences du réchauffement climatique en Arctique, région très sensible.

Selon les chercheurs, l'océan arctique sera libre de glace à la fin de l'été 2050, pour la première fois depuis 125 000 ans, avec des conséquences géopolitiques lourdes : émergence de nouvelles voies navigables, exploitation de nouvelles terres, de nouvelles ressources minières, risque de nouveaux conflits entre pays riverains transformeront durablement ce nouvel espace, longtemps perçu comme une inhabitable périphérie glacée.

La Conférence de Paris, la COP21, fait figure de « conférence pour la paix », comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre. Que ce soit l'occasion de fixer les objectifs français pour l'Arctique, de discuter de l'usage durable de la haute mer et de renforcer la coopération sur l'Arctique.

Notre prochain Livre blanc sur la défense devra inclure cette problématique. Bref, nous devons réinventer notre politique de défense et des affaires étrangères. Dans cette perspective, la France a de nouveaux atouts. Elle doit les mettre en avant. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE, ainsi qu'au centre)

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - Merci au président Raffarin et à tous les orateurs pour ce débat.

Quatre thèmes, traités par autant de rapports de votre commission, sont revenus : les relations avec la Russie, le rôle de l'Iran après l'accord sur le nucléaire, la croissance chinoise, le climat. J'élargirai néanmoins, si vous le permettez, le tour d'horizon de notre politique étrangère car, dans un monde globalisé et interconnecté, tout se tient.

Monsieur le président Raffarin, vous avez réalisé une synthèse forte, et, je dois l'avouer sans le compromettre, je me retrouve largement, en particulier dans vos propos relatifs à notre indépendance.

J'y vois en effet le principe essentiel de notre action extérieure, qui nous permet d'identifier ce que nous considérons comme juste. C'est une clé de notre influence. Certes, nous avons des alliés, des amis, mais le monde sait que face aux grandes questions internationales, notre jugement, et non quelque protecteur que ce soit, commande notre position. Soyons précis : ni les États-Unis, ni la Russie, ni la Chine, ni les pays du Golfe, ni l'Allemagne, quelle que soit la qualité de nos relations avec chacun de ces pays, mais seuls notre vision du monde et l'intérêt de la France et des Français nous dictent nos choix.

Ma fréquentation du Conseil d'État et du ministère des affaires étrangères me prédispose sans doute aux litotes. (Sourires) D'où mes nuances d'appréciation à l'égard des critiques formulées par MM. Billout et Hue, jugeant que notre politique manquerait d'ambition, serait trop timide, peu claire - mais celles de M. Hue étaient-elles adressées au Gouvernement précédent ? (Sourires à droite)

Il est vrai que nous refusons, dans un monde chaotique, secoué par les crises, cette diplomatie girouette, diplomatie par à-coups et par coups, au verbe haut mais aux actions incertaines, résumée par ce beau mot de Danton envers Vergniaud : « Il parle et il croit qu'il a agi ».

M. Alain Joyandet.  - Cela au moins ne vise pas le Gouvernement précédent... (Rires à droite)

M. Laurent Fabius, ministre.  - Je vous remercie de le préciser. (Sourires) Eh bien, telle n'est pas notre politique. Quatre principes la guident et déterminent concrètement mon action : paix et sécurité, organisation et préservation de la planète, renforcement de l'Europe, redressement économique. Ce sont les points cardinaux de notre boussole.

Paix et sécurité d'abord. C'est le sens de la fermeté constructive qui a abouti, dans le dossier iranien, à l'accord, robuste, du 14 juillet 2015. Nous jugerons sur pièces, si l'Iran s'implique concrètement et positivement sur trois sujets : la démarche de réconciliation menée en Irak par le Premier ministre al-Abadi ; la sortie de l'impasse institutionnelle au Liban ; le soutien aux efforts de Staffan de Mistura, l'Envoyé spécial des Nations Unies en Syrie, pour mettre en oeuvre le communiqué de Genève de 2012. Bref, l'accord de Vienne peut ouvrir la voie à un monde plus sûr, l'Iran, pays important et grande civilisation, doit y prendre sa part, mais rien n'est acquis et nous jugerons ce pays à travers les actions, pas les proclamations.

M. Reiner nous invite à établir une feuille de route en prévision de la visite de M. Rohani : nous y travaillons. Nous serions dans l'expectative et devrions renforcer notre coopération économique ? C'est ce que nous faisons.

Certaines autres affirmations ne correspondent pas à la réalité. La situation en Syrie est un drame. Les atrocités terroristes s'ajoutent à la barbarie de Bachar al-Assad. Monsieur Billout, notre diplomatie s'articule autour de plusieurs points fixes et d'abord sur la lutte contre Daech. Nous participons à une coalition depuis un an en Irak de plus de 60 États et intervenons depuis septembre en Syrie contre des cibles identifiées. Que n'aurait-on entendu si nous n'avions pas réagi face aux menaces qui visent directement nos ressortissants ! Tous ceux qui veulent nous rejoindre dans cette lutte sont les bienvenus, à condition que leurs frappes soient effectivement dirigées contre les terroristes. La Russie, qui est intervenue, cible marginalement Daech. Or sa progression vers Alep est due à la déstabilisation des opposants modérés par ces frappes russes.

La France demande aussi l'arrêt du bombardement des civils syriens par le régime au moyen d'explosifs - ou barrel bombing -, qui alimente l'essentiel du flux des réfugiés, et soutient l'adoption d'une résolution des Nations Unies sur ce point.

Nous favorisons une indispensable transition politique. Le responsable de 80 % des 250 000 morts en Syrie ne peut pas être l'avenir de ce pays. Bachar n'est pas l'antidote au chaos, comme on l'entend parfois, il en est le principal responsable ! Au-delà de la faute morale, s'allier avec lui serait une erreur politique. Comment aller vers une Syrie unie avec Bachar al-Assad ? Les paramètres sont connus, ce sont ceux du communiqué de Genève de 2012.

Nous en connaissons les acteurs. Nous en discutons, sans exclusive, avec les États-Unis, qui s'intéressent, semble-t-il, plus à la zone Pacifique qu'au Proche-Orient et à l'Europe (M. le président de la commission approuve) ; avec les Européens bien sûr, les Arabes, les Turcs, les Russes, les Iraniens. Nous sommes prêts à l'action avec tous, mais aux conditions que je viens d'évoquer, notamment la transition de sortie, qui seules garantiront l'efficacité.

Partout, pas seulement en Syrie, l'action militaire doit être accompagnée d'avancés politiques : en Irak, mais aussi au Mali ; en Libye, des erreurs ont été commises après 2011. La leçon est partout la même : rétablir la paix et lutter contre le terrorisme passe par une solution politique.

Nous agissons aussi pour la paix dans l'imbroglio israélo-palestinien. La recrudescence des violences en Cisjordanie, à Jérusalem, à Gaza nous préoccupe grandement. Voilà des mois que nous mettions en garde contre l'embrasement. Nous y sommes. L'on nous accuse en France de ne pas intervenir assez ; à l'étranger, l'impression est inverse. Prenons garde que Daech ne récupère pas ce conflit ; la réaction en chaîne serait terrible.

À l'assemblée générale de l'ONU, j'avais appelé à l'élargissement du quartet aux pays arabes clés et aux pays européens.

Le groupe international de soutien se fixe trois buts précis : des mesures de confiance à objectif immédiat pour apaiser les tensions ; un soutien collectif à la réconciliation palestinienne sous l'autorité de Mahmoud Abbas ; l'élaboration de garanties et de compensations internationales dont chacune des parties aura besoin pour signer l'accord.

En novembre dernier, j'avais dit devant l'Assemblée nationale que si cette ultime tentative de solution négociée n'aboutissait pas, alors la France prendrait ses responsabilités en reconnaissant l'État palestinien. Je renouvelle cet engagement. La France n'abandonnera ni l'exigence de sécurité pour Israël, ni celle de justice pour les Palestiniens. (Mme Nathalie Goulet applaudit ; on applaudit aussi sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, du groupe socialiste et républicain)

Il ne s'agit pas de prendre parti pour un camp ; nous continuerons de défendre l'existence d'Israël. Notre politique est dictée par l'exigence de paix.

En Ukraine également. D'où notre dialogue singulier avec la Russie et l'Ukraine dans le cadre du format Normandie. L'application des accords de Minsk II progresse. Les élections voulues par les séparatistes dans le Donbass ont été reportées, mais il reste beaucoup à faire. Notre position face à la Russie est claire : dialogue et fermeté. Fermeté, car nous ne pouvons accepter des violations du droit international comme l'annexion de la Crimée. Dialogue, car l'engagement russe fait partie de la solution. Sur la question ukrainienne comme sur les autres, nous travaillons avec les partenaires-clés afin de servir la sécurité et la paix. Si je devais - puisque c'est l'objet d'un de vos quatre rapports - résumer notre position à l'égard de la Russie, à laquelle une longue histoire et une évidente géographie nous lient, j'emploierais les termes de « coopération vigilante » : nous continuerons à discuter avec les Russes de tous les sujets, sans jamais renoncer à notre lucidité ni à nos principes. Je me retrouve, à cet égard, entièrement dans les propos de M. del Picchia.

Vous ne l'avez pas fait, mais l'on critique parfois notre diplomatie sur la question des droits de l'homme. C'est oublier l'accent mis dans toutes les enceintes multilatérales sur l'abolition de la peine de mort et notre action, dans l'ensemble de notre réseau diplomatique, loin des caméras et des micros - car j'ai acquis la conviction que c'était parfois ce qu'il y avait de plus efficace.

Nous agissons aussi en faveur de l'État de droit, et j'ai reçu les acteurs de la transition démocratique tunisienne, lauréats du prix Nobel de la paix. Le combat en faveur des droits de l'homme, ce ne sont pas seulement les protestations nécessaires face à telle situation individuelle ou à tel régime : c'est aussi l'engagement sans faille que je viens de décrire pour la paix et la sécurité, car la guerre et le chaos constituent les premières atteintes aux droits de l'homme.

Deuxième axe de notre politique : l'organisation de la planète et sa préservation. La société internationale doit être mieux régulée ; c'est pourquoi nous apportons notre soutien constant à l'ONU. Certes, après 70 ans, elle doit être réformée. Cependant, elle demeure, malgré ses insuffisances, ce lieu unique où la communauté internationale s'efforce de résoudre les crises, de faire respecter les droits de l'homme et le droit international humanitaire, de s'accorder sur une vision commune du développement et de l'avenir de la planète.

Nous souhaitons un élargissement des membres permanents du Conseil de sécurité. Nous proposons que les cinq membres permanents, en cas de crimes de masse, suspendent volontairement leur utilisation du droit de veto, afin d'éviter une paralysie du Conseil. Le droit de veto n'est pas un privilège, c'est une responsabilité. Le président de la République a annoncé lors de la récente assemblée générale des Nations Unies que la France s'engageait à ne plus faire usage de son veto dans ce cas.

Nous agissons pour la préservation de la planète. Mme Aïchi a raison d'en appeler à une vision longue, M. Perrin et Mme Giraud de pointer les risques des migrations et des catastrophes climatiques. La préservation de la planète, c'est précisément l'objet de la COP21, ou plutôt de la conférence de Paris, comme le monde entier l'appelle désormais. Elle se tient dans 50 jours.

Pourquoi la France, par la décision du président de la République, s'est-elle portée candidate pour l'accueillir ? Non parce que l'histoire internationale des conférences climatiques serait une longue suite de triomphes...(Sourires) mais parce que l'enjeu est littéralement vital. L'accord devra d'abord être ambitieux : viser une limitation de la hausse des températures de 2 degrés, ou au moins de 1,5°C.

Des progrès ont été accomplis ces dernières semaines : Pas moins de 90 % des émissions sont couvertes par les 150 contributions nationales qui ont été déjà reçues à l'ONU -  le fameux protocole de Kyoto n'en concernait que 15 %...

Une clause de révision périodique à la hausse des différents engagements internationaux sera indispensable.

L'accord devra ensuite être juridiquement contraignant -  legally binding disent les Anglais - et le suivi des engagements fermement encadré. L'objectif n'est pas d'adopter une simple déclaration politique. La forme juridique exacte reste à déterminer : il faut que cet accord ait la force du droit international.

Il devra s'accompagner de moyens financiers et technologiques. Le chiffre de 100 milliards à l'horizon 2020 a été avancé à Copenhague ; nous avons demandé à l'OCDE de nous dire précisément où nous en étions ; 62 milliards de dollars ont été versés aux pays du sud, pour le climat, en 2014, mais trop peu pour l'adaptation aux effets du changement climatique. Si l'on ajoute les contributions des banques multilatérales et celles du secteur privé, les 100 milliards devraient être atteints.

Du côté des technologies, sujet fondamental pour les pays du sud, nous travaillons avec plusieurs acteurs privés, dont Bill Gates, pour accroître les dépenses de recherche, les investissements publics et privés consacrés aux énergies renouvelables. Les choses avancent.

Si l'accord est ambitieux, juridiquement contraignant, accompagné ; si des progrès sont accomplis sur le prix du carbone, sur une ambition pour 2050 ; si des mesures rapides et concrètes sont prises, comme l'électrification de l'Afrique, projet porté notamment par le nouveau président de la Banque africaine de développement, l'ancien ministre nigérian de l'agriculture, nous pourrons parler de succès le 11 décembre.

Nous redoublons d'efforts dans la dernière ligne droite. Je réunirai bientôt une centaine de pays à une pré-COP21 informelle, pour préparer le terrain, car il est toujours difficile d'avancer sur tous les sujets, avec 20 000 délégués présents, si on n'a pas entamé les discussions auparavant.

Votre rapport sur le climat insiste sur les risques que font peser la montée des eaux et le dérèglement climatique sur notre sécurité collective - c'est la question des déplacés climatiques ; vous avez raison. On peut même parler de dérèglement sécuritaire...

J'en viens à la troisième priorité de notre politique : l'Europe. Elle traverse une crise multiple, la dernière étant évidemment humanitaire. Le fonctionnement de l'Union est associé par nombre de nos compatriotes à la bureaucratie, au chômage, au dumping social. Tout cela crée un contexte propice aux tensions et aux discours populistes. Nous agissons en fonction de quelques principes, solidarité, responsabilité, fermeté. La priorité du jour est la réponse aux crises. Et les risques de désunion sont nombreux : ceux nés de la crise migratoire, du référendum britannique... Sur tous les points, il faudra apporter des réponses organisées autour de quelques mots d'ordre, simplifier, mieux protéger, développer l'économie européenne, avoir une politique ambitieuse dans les domaines-clé que sont l'énergie ou le numérique, promouvoir l'équité fiscale et sociale. Il est illusoire de vouloir d'abord réviser les traités. Cela suppose une meilleure convergence économique, en particulier, dans la zone euro.

Notre position face au référendum britannique est simple : oui à l'amélioration de l'Union, non à son démantèlement. Je l'ai dit à nos amis britanniques, la place du Royaume-Uni est dans l'Europe, mais une Europe ambitieuse et fidèle à ses principes fondateurs.

Nous agissons avec tous nos partenaires, au premier chef avec les Allemands ; nos visions et intérêts divergent parfois mais notre entente est un levier puissant d'action.

Dernier pilier : le rayonnement de la France. La diplomatie économique est une priorité qui ne fait plus débat. Rapprochement avec les entrepreneurs, représentants spéciaux dans les pays stratégiques, élargissement du périmètre du ministère des affaires étrangères au tourisme et au commerce extérieur, opérateurs unifiés, opération mondiale de promotion de la France... Les premiers résultats sont là, il faut persévérer. Abandon de nos valeurs que tout cela ? « Il ne faut pas prendre toutes les mouches qui volent pour des idées », répondait François Mitterrand à ce type de critiques. Entretenir des relations économiques avec un pays n'est pas donné un blanc-seing à son régime. Quand la situation l'impose, nous savons poser des limites à notre diplomatie économique - voyez la suspension de la livraison des Mistral à la Russie. Ce qui n'est pas une attaque contre les Russes, croyez-vous qu'ils auraient accepté un accord contraire à leurs intérêts ?

Un mot sur la Chine. Nos relations avec ce géant sont excellentes. Le nouveau rythme de croissance moindre, les autorités chinoises l'avaient anticipé, traduisant le passage d'une économie tirée par ses exportations à une économie tirée par son marché intérieur. Le président chinois parle de nouvelle normalité. C'est une bonne nouvelle pour le monde. Ce que l'on appelle les marchés y ont vu une rupture. Mais le rythme antérieur était insoutenable, notamment sur le plan environnemental. Le cinquième plénum du Comité central du PCC insistera bientôt sur la nécessité de poursuivre les réformes structurelles.

Dans cette situation, nous devons tirer le meilleur parti de nos relations, notamment de la prochaine visite du président de la République en Chine. Accompagné d'industriels, il se rendra en province, comme l'ont voulu les autorités chinoises ; nous aurons l'occasion de nouer des partenariats, y compris sur les marchés tiers.

Dans de nombreux secteurs, notre priorité est d'être présents dans cette nouvelle économie chinoise. J'espère que des résultats encore peu médiatisés se concrétiseront bientôt. Nos entreprises ont vu croître leurs exportations de 14 % en Chine au 1er semestre 2015, alors que les importations chinoises reculaient de 15 %. Elles répondent ainsi aux besoins d'une classe moyenne forte de 500 millions de personnes.

Au-delà, je souhaite que notre diplomatie investisse l'ensemble des champs de l'action extérieure de l'État, la culture, l'éducation, la langue, les valeurs, la francophonie - bientôt 750 millions de locuteurs  - et le tourisme, véritable trésor national. Quel autre secteur fournit 2 millions d'emplois, plus de 10 milliards d'euros d'excédent commercial, 7,5 % du PIB ? Cessons de le considérer comme un secteur marginal, il est central. Je me réjouis que la Caisse des dépôts ait débloqué plus d'un milliard d'euros pour le développer.

J'ai le souci d'une diplomatie globale, avec des moyens contraints qui permettent cependant d'avancer. Notre réseau se réforme. En 2025, 25 % de nos effectifs diplomatiques se trouveront dans les pays émergents. En 2017, notre première ambassade sera celle de Pékin... Nos mesures d'organisation sont en ligne avec nos grandes orientations, servies par une grande administration : regroupements d'ambassades avec nos voisins européens ; nominations auprès des préfets de région de conseillers consulaires ; consulats numériques à l'horizon 2020 ; neutralité carbone totale du Quai d'Orsay à cette même date.

La France n'est pas arrogante. Mais partout où je vais, sa voix est attendue et entendue, notre diplomatie tient son rang. Une majorité de Français en tirent satisfaction, voire de la fierté. Mais il faut être lucide. Des défis restent à relever. Sachons, comme l'a dit Mme Aïchi, concilier temps court et temps long. Je sais pouvoir compter sur l'action des parlementaires et suis honoré de votre soutien. Je sais qu'au-delà des clivages partisans, vous êtes tous des défenseurs de ce bien précieux qu'est l'intérêt de la France. (Applaudissements)

Dépôt de rapport

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur la mise en application de la loi du 13 novembre 2014 renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme.

Acte est donné du dépôt de ce rapport qui a été transmis à la commission des lois ainsi qu'à la commission des affaires étrangères.

CMP (Nominations)

M. le président.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer la lutte contre le système prostitutionnel et à accompagner les personnes prostituées.

La liste des candidats a été publiée. N'ayant reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 12 du Règlement, je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire en tant que titulaires : M. Jean-Pierre Vial, Mmes Michelle Meunier, Catherine Troendlé, M. Mathieu Darnaud, Mmes Annick Billon, Maryvonne Blondin, Laurence Cohen; et en tant que suppléants : M. Bernard Fournier, Mme Éliane Giraud, M. Gérard Roche, Mmes Claudine Lepage, Brigitte Micouleau, MM. Jean-Claude Requier et Michel Savin.

Prochaine séance, mardi 20 octobre 2015 à 14 h 30.

La séance est levée à 18 h 40.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mardi 20 octobre 2015

Séance publique

À 14 h 30

1. Proposition de loi visant à rendre effective l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu'une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur (n° 437, 2014-2015).

Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois (n° 54, 2015-2016).

Texte de la commission des lois (n° 55, 2015-2016).

À 16 h 45

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

À 17 h 45 et le soir

3. Suite de la proposition de loi visant à rendre effective l'interdiction d'exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs lorsqu'une personne a été condamnée pour des agressions sexuelles sur mineur (n° 437, 2014-2015).

Rapport de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois (n° 54, 2015-2016).

Texte de la commission des lois (n° 55, 2015-2016).