Questions d'actualité

M. le président.  - Monsieur le Premier ministre, l'ordre du jour appelle les questions d'actualité au Gouvernement, retransmises en direct sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

Je salue les nouveaux ministres et secrétaires d'État pour leur première séance de questions d'actualité. (Applaudissements)

Au nom du Bureau, j'appelle chacun de nos collègues, dans des échanges qui doivent être directs et sincères, à conserver nos valeurs et notamment le respect des uns et des autres.

TGI de Bobigny (I)

Mme Aline Archimbaud .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste) Monsieur le garde des sceaux, les magistrats, fonctionnaires et avocats du tribunal de grande instance (TGI) de Bobigny, deuxième juridiction de France, dans un département de plus d'un million et demi d'habitants, ont lancé hier un cri d'alarme face à la pénurie financière et humaine qui y règne.

Le tribunal est en sous-effectif de 15 % pour les procureurs et substituts et de 20 % pour les juges. Et 75 postes de fonctionnaires sur 367 ne sont pas occupés. Cette situation a des conséquences très lourdes, à la fois pour les équipes - qui sont épuisées - et pour les justiciables !

Une justice sans moyens est une justice cruelle : il faut attendre, par exemple, plus d'un an pour une audience devant le juge aux affaires familiales, le juge du surendettement` ou le juge d'instance, ou encore pour une mesure d'assistance éducative ; il n'est pas rare qu'une affaire soit jugée cinq ou six ans après les faits. Une audience devant le tribunal d'instance dure en moyenne moins de dix minutes.

Combien de temps encore les élus et la population de Seine-Saint-Denis devront-ils protester contre cette inégalité dans l'accès à la justice, ce pilier de la République ? Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre à court terme ? (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Merci pour cette question ! (Exclamations à droite) Ce qui est accentué de façon spectaculaire à Bobigny est vrai aussi à Chartres, où j'étais vendredi, ou ailleurs dans les juridictions de notre pays. Comment justifier qu'une sanction soit prononcée trois ans après la commission des faits ? Comment expliquer à une victime qu'il faille attendre des années pour voir son préjudice reconnu ?

M. Gérard Cornu.  - Posez donc la question à Mme Taubira ? (On renchérit sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Ce Gouvernement agit. (Exclamations ironiques à droite) Cette année ont été accueillis 366 auditeurs à l'École nationale de la magistrature (ENM), soit la promotion la plus nombreuse depuis 1958 ! Mais il faudra attendre pour former ces magistrats et pour qu'ils puissent prendre leurs postes.

Le TGI, lui, ne peut pas attendre, et c'est pourquoi je recevrai vendredi le président du TGI et la procureure de la République pour prendre rapidement des mesures d'urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

Mme Aline Archimbaud.  - Merci d'y rester attentif et de comprendre le sentiment d'injustice dont j'ai tenu à porter ici l'écho. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste ; M. Vincent Capo-Canellas applaudit aussi)

Pénurie d'enseignants

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - Les fermetures de classes annoncées pour la prochaine rentrée scolaire suscitent bien des inquiétudes. En Seine-et-Marne, 200 classes risquent d'être fermées. Dans les Hauts-de-Seine, 50 postes ont été créés mais 116 classes disparaissent alors qu'il n'y a que 77 ouvertures. La question du remplacement est un véritable casse-tête : la crise du recrutement touche désormais aussi le premier degré, à l'échelle nationale. Pourquoi ? 80 000 postes d'enseignants ont été supprimés sous le quinquennat de M. Sarkozy. (Protestations à droite) Et le même nous promet le rétablissement en 2017 du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, et 100 milliards d'euros de coupes dans les dépenses publiques ! (Même mouvement)

Autre raison : vos atermoiements sur les pré-recrutements. Au lieu des emplois d'avenir, abandonnés en rase campagne, nous réclamons inlassablement de véritables pré-recrutements professionnels. Les enseignants stagiaires ne doivent pas être une variable d'ajustement. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes écologiste et RDSE)

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Merci pour votre question ! (Vives exclamations à droite) Oui, il est bon de sortir du brouhaha qui marque trop souvent les débats sur l'éducation... (On s'exclame derechef et plus fortement sur les mêmes bancs) La rentrée 2015 s'est très bien passée (Même mouvement). La rentrée 2016 se prépare dans de bonnes conditions. Des classes ferment là où la démographie est en baisse, d'autres s'ouvrent là où le nombre d'élèves augmente...

M. Alain Néri.  - Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - Sans notre action résolue, les choses ne se seraient pas aussi bien passées et vous auriez sans doute eu à coeur de le souligner (Vives protestations à droite ; applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE) En vérité, jamais nous n'avons créé autant de postes : 450 postes dans l'académie de Montpellier, 300 dans l'académie de Grenoble, 1 113 dans l'académie de Créteil... (Exclamations à droite) Oui, c'est sans précédent !

M. Jean-Pierre Caffet.  - Très bien !

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre.  - L'engagement pris par François Hollande en 2012 de créer 60 000 postes dans l'éducation nationale sera tenu. (Protestations à droite) Il est vrai que la suppression de 80 000 postes sous la présidence précédente a eu de lourds effets (Vives protestations sur les mêmes bancs), en asséchant le vivier des remplaçants, que nous nous employons à reconstituer. Nous y remédions, en particulier, dans les Hauts-de-Seine, où 40 nouveaux postes de remplaçants sont créés cette année. Rien n'est encore parfait, sans doute, mais nous avons redonné la priorité au primaire et aux recrutements. La rentrée 2016 s'annonce bien. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; nouvelles protestations à droite)

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - N'empêche que nous payons les conséquences d'une cure d'austérité ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et républicain et sur plusieurs bancs à droite) Et je ne parle pas du secondaire : dans mon département des lycées et collèges seront à nouveau en grève jeudi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mesures européennes en faveur de l'agriculture

M. Henri Cabanel .  - Ma question s'adresse au ministre de l'agriculture, Stéphane Le Foll (Exclamations à droite). Crise laitière, crise de l'élevage, grippe aviaire, fièvre catarrhale ovine, sécheresse ; nos agriculteurs sont prêts à tout, y compris, hélas, au pire. En tant que parlementaire, je condamne toute violence, en tant qu'agriculteur je comprends le désarroi de ces entrepreneurs et travailleurs de la terre qui ne peuvent plus vivre dignement de leur travail. La question dépasse de loin les frontières françaises : aux difficultés sanitaires propres à l'agriculture sont venus s'ajouter la crise de surproduction, l'embargo russe, l'effondrement du marché chinois. La suppression des outils de régulation européenne aggrave encore cette situation, les prix continuent de baisser et l'on ne peut laisser jouer la seule loi du marché.

Beaucoup d'efforts ont été faits par le Gouvernement, sous votre égide en particulier, monsieur le Ministre, depuis le début de cette crise. Le 8 février, vous avez, avec le ministre de l'économie, indiqué aux entreprises de la distribution et de la transformation qu'il n'était pas acceptable que les négociations commerciales conduisent en 2016 à des baisses de prix pour les filières en difficulté, alors même que la majorité des consommateurs français se déclare prête à soutenir ces dernières.

Plus de 4,6 milliards d'euros de baisse de charges sociales sont déjà prévues pour l'agriculture en 2017 et le 11 février, le président de la République a annoncé de nouvelles baisses. Certains seront tentés par la surenchère. Est-ce raisonnable ? Ne faut-il pas plutôt redonner confiance aux agriculteurs en faisant de l'agriculture une grande cause nationale ?

Monsieur le Ministre, quelles pistes avez-vous ouvertes hier en ce sens avec vos collègues européens ? (Exclamations à droite ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Vous êtes un exploitant agricole, vous en connaissez toutes les difficultés. La crise de l'élevage est forte, elle se double de celle sur le lait, où la production continue de croître fortement en Europe alors que les prix continuent de baisser, de 5 à 7 %.

Nous avons débattu hier à l'échelle des vingt-huit car nous avons, en effet, besoin d'une stratégie européenne pour contrer cette situation. Une douzaine de pays ont rejoint nos positions. Le commissaire européen a lui-même évolué depuis le sommet de septembre, demandé, je le rappelle, par la France. L'Europe doit renforcer sa coopération et sa coordination, nous devons agir ensemble, comme je ne cesse de le plaider auprès de mes collègues européens, ou bien nous irons au désastre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Didier Guillaume.  - Très bien !

Accueil des réfugiés par les collectivités locales

M. Yves Détraigne .  - À quelques semaines de la fin de l'hiver, les migrations sont en recrudescence en provenance de l'autre côté de la Méditerranée ou du Levant, avec les drames humains qui s'ensuivent, la crise n'est pas conjoncturelle et les collectivités territoriales sont démunies face à ces tragédies.

Le 12 septembre, le ministre de l'intérieur avait évoqué une aide de 1 000 euros par personne hébergée, une assistance pour l'ouverture de centres d'hébergement. Il avait aussi parlé d'assistance administrative et d'aide à la construction ou à la mise en oeuvre de solution d'hébergement, mais six mois après ces annonces, force est de constater que les actes n'ont pas suivi, que l'aide de l'État reste très insuffisante.

Les collectivités territoriales ne peuvent pas se retrouver seules, alors qu'elles sont des acteurs obligés d'une tragédie qu'elles n'ont ni les compétences, ni les moyens de résoudre.

Quel sera donc l'effort financier, logistique et humain de l'État, aujourd'hui et plus encore demain, face à l'amplification de cette crise migratoire ? (Applaudissements au centre et à droite)

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - (Exclamations sur divers bancs) La France prend toute sa part dans l'accueil de ceux qui sollicitent notre protection, c'est notre tradition. Six cents réfugiés ont été accueillis dès l'automne, et le 12 septembre, le ministre de l'intérieur, qui se trouve actuellement à l'Assemblée nationale et m'a demandé de porter ici sa réponse, avait reçu les maires pour leur présenter les moyens mis à disposition par l'État. Depuis, 600 réfugiés ont trouvé un logement pérenne, et j'en remercie les élus locaux - à commencer par vous-même, monsieur Détraigne, dans votre commune de Witry-lès-Reims, à la satisfaction générale.

En début d'année, 135 personnes ont été accueillies en provenance de Grèce, d'Italie.

Le dispositif d'accompagnement des communes, précisé par une circulaire du 9 novembre, prévoit une aide de 1 000 euros pour chaque bénéficiaire de protection, pour chaque place d'hébergement, ainsi que pour les bailleurs ; cette mesure est semestrielle et les premiers versements auront lieu en juin. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Crise de l'agriculture

M. Daniel Chasseing .  - La crise agricole appelle des réformes structurelles. Le manque à gagner lié à la grippe aviaire qui frappe durement les éleveurs de palmipèdes et de volailles sera de 2 millions d'euros rien qu'en Corrèze. Ce sont six mois d'élevage qui ont été perdus ! Les indemnisations ne suffiront pas. Des baisses de charges sont nécessaires. Or de nouvelles normes frappent les filières courtes.

Les filières d'élevage bovin et porcin, les producteurs de lait souffrent aussi, en raison du prix de vente inférieurs aux coûts de production. Au lieu de suivre la proposition de loi adoptée par le Sénat, pour mettre en oeuvre rapidement des baisses de charges sociales et foncières, qui n'a malheureusement pas été suivie par l'Assemblée nationale, le Gouvernement accorde aux éleveurs une aide de 1 200 euros - pour 4 000 euros de charges sociales - qui peut même être ramenée à 150 euros pour les agricultures au forfait... C'est dérisoire !

Alors que le président de la République a repris une mesure phare de la proposition du Sénat, en annonçant des baisses de charges sociales pour les agriculteurs, et que le sommet de Bruxelles n'a pas abouti, qu'entend faire le Gouvernement pour prendre les mesures structurelles qui s'imposent pour redonner compétitivité à notre agriculture et vie à notre milieu rural ? (Applaudissements à droite et au centre ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Vous abordez plusieurs sujets distincts. La grippe aviaire, tout d'abord. Face à une crise sanitaire, ne rien faire aurait conduit à un désastre majeur. Des aides seront apportées aux agriculteurs.

Quant à la crise de l'élevage, la crise porcine en particulier, c'est, en effet, une crise liée aux prix. C'est pourquoi nous avons organisé une table ronde avec tous les acteurs. Ce n'est pas le Gouvernement qui n'a pas tenu ses engagements !

Je vous rappelle que la loi de modernisation de l'économie a donné beaucoup de pouvoirs à la grande distribution. Des perquisitions sont en cours, vous le savez, pour les forcer à tenir leurs engagements.

Les baisses de charges étaient de 600 millions d'euros en 2012, elles sont de 1,9 milliard d'euros aujourd'hui. De nouvelles suivront. (« Quand ? » à droite ; applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Daniel Chasseing.  - Réagissez vite ! Les baisses de charges sont indispensables. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et républicain, où l'on fait observer que le temps de parole de l'orateur est épuisé)

M. le président. - Pardon pour ce très léger dépassement !

Moyens accordés à la justice

M. Philippe Esnol .  - La justice souffre de deux maux concomitants : les juges s'inquiètent du rôle dévolu à l'autorité judiciaire par l'évolution récente du droit ; elle manque de moyens pour accomplir sereinement sa mission.

Avocats et magistrats, parmi les plus importants - voyez les récentes déclarations du Premier président de la Cour de Cassation - tous s'inquiètent du recul du juge judiciaire, gardien des libertés individuelles, par rapport au juge administratif ; vous connaissez bien également, monsieur le garde des Sceaux, le manque de moyens humains, matériels et financiers de la justice. Vous ne l'avez pas découvert en arrivant place Vendôme.

La Justice a moins besoin de nouvelles lois que de moyens pour appliquer les lois existantes et surtout exécuter les décisions rendues par les juridictions. Aujourd'hui, ce sont les avocats et magistrats de Bobigny qui appellent à l'aide.

Que comptez-vous faire, monsieur le Ministre, face à l'urgence d'une situation qui signe aussi le bilan de votre prédécesseur, pour rétablir la confiance de nos concitoyens en la justice ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Le budget de la justice atteint 8 milliards d'euros, montant sans précédent, certes ; même si nous l'avons fortement augmenté, ce sont 61 euros par citoyen, contre 136, par exemple, pour la redevance télé !

M. Roger Karoutchi.  - Supprimons la redevance ! (Sourires et mouvements divers)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux.  - Je compte sur vous pour donner plus de moyens à notre justice, asphyxiée. S'il est une loi sur laquelle nous devons, en effet, faire porter tous nos efforts, c'est la loi de finances. Certaines juridictions sont au bord de l'asphyxie. Nous devons augmenter leurs moyens de fonctionnement. Nous avons déjà créé des postes de greffiers. Il faut aller plus loin.

Quant aux juges judiciaires, nous n'avons nulle intention de l'affaiblir : nous veillerons à ce que l'article 66 de la Constitution soit respecté, à ce que son autorité soit préservée, vous aurez bientôt l'occasion de le constater à propos des projets de loi qui vous seront soumis, c'est nécessaire à nos libertés ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Brexit

M. Daniel Raoul .  - L'Europe a fait face ces derniers temps à des crises majeures : après la crise financière de 2008, voici la crise des réfugiés et la crise agricole... Elle doit aussi, bien sûr, se préoccuper de sa sécurité et faire face aux attaques terroristes.

La France plaide pour que soient respectés les principes fondateurs de l'Union, de solidarité et de responsabilité. Ils doivent aussi prévaloir dans les négociations avec le Royaume-Uni.

L'Union européenne a une monnaie unique : l'euro. La France défend l'approfondissement de la zone euro, et il n'est pas question que des États non membres de cette zone puissent s'y opposer.

Il ne serait pas non plus acceptable de remettre en cause la liberté fondamentale qu'est la liberté de circulation, ni qu'un pays puisse s'exonérer des règles financières communes...

M. le président. - Votre question ?

M. Daniel Raoul.  - Monsieur le Ministre, sur ces points quelle sera la position portée par la France au sommet européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Harlem Désir, secrétaire d'État auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé des affaires européennes .  - L'intérêt de l'Europe, celui de la France et du Royaume-Uni lui-même, est que le Royaume-Uni reste dans l'Europe, mais les principes européens que vous rappelez à juste titre doivent bien évidemment être respectés. Nous souhaitons que les discussions aboutissent à la satisfaction de tous, sur la gouvernance économique, la compétitivité, la souveraineté, l'immigration. Tel est le sens des propositions que fera le président du Conseil européen Donald Tusk, au sommet des 18 et 19 février.

Nous serons vigilants sur le droit de regard des États non membres de la zone euro, qui ne sauraient empêcher un approfondissement.

L'intégrité du marché commun doit être garantie - les règles financières communes en font partie. Parmi les règles qui doivent aussi s'imposer dans l'ensemble de l'Union, figurent la liberté de circulation et l'accès aux prestations sociales des résidents européens au Royaume-Uni.

Si un mécanisme de sauvegarde est envisagé pour les pays qui font face à un afflux de migrants, il n'est donc pas question de remettre en cause les principes de libre circulation et de non-discrimination. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

TGI Bobigny (II)

M. Philippe Dallier .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Au TGI de Bobigny, deuxième juridiction de France après Paris, on dénombre 40 000 nouvelles affaires pénales par an, autant de civiles. Sur le papier, les moyens sont là. En réalité, 20 % des postes de magistrats, au siège comme au parquet, ne sont pas pourvus.

Les délais d'audiencement sont insupportables : quatorze mois d'attente pour une audience de conciliation dans une affaire de divorce, contre trois mois à Paris et cinq mois à Lyon ; 400 mesures éducatives en attente d'exécution relatives à des mineurs - ce n'est pas bon pour le sentiment d'impunité qui peut en résulter, ni pour la prévention de la récidive ! Les affaires de délinquance organisée ou de trafic de stupéfiants mettent six ans à être jugées. Les audiences, elles, durent six minutes en moyenne, plaidoirie comprise.

Le président du TGI a donc eu raison de décider de réduire de 20 % le nombre d'audiences, mais cela augmentera encore les délais d'audiencement, dans un département déjà fragile, qui a tant besoin d'une justice et d'une réponse pénale efficaces.

Que compte faire le Gouvernement pour rétablir l'égalité devant la loi ? (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Je l'ai dit, le TGI est en effet en souffrance : 177 magistrats sur le papier mais 154 en fonction. Nous recrutons, je l'ai dit aussi, mais il faut trente et un mois pour former un magistrat. Je vais en parler avec le président du TGI et la procureure pour voir avec eux les mesures à prendre d'urgence.

Autre conséquence, l'attractivité : les magistrats et greffiers qui viennent à Bobigny n'y restent pas, il faut réfléchir à une solution indiciaire et j'y travaille.

Il y a aussi l'environnement : j'ai débloqué 14 millions d'euros pour créer des vacations et décharger les greffiers, afin qu'ils puissent se consacrer pleinement à leur métier.

Les réponses urgentes seront données. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Dallier.  - En 2011, le Gouvernement avait créé des postes de magistrats et greffiers et la situation s'était améliorée. Depuis, elle s'est dégradée. La Seine-Saint-Denis a vraiment besoin d'une aide urgente. (Applaudissements à droite et au centre)

Situation à Alep

Mme Christiane Kammermann .  - (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) La situation à Alep est dramatique. Hier, des tirs de missiles ont tué 50 civils, dont des enfants ; de 50 000 à 70 000 personnes ont fui, la moitié sont bloquées à la frontière turque. Ces populations piégées vivent l'horreur, il faut les aider.

Quelles mesures envisagez-vous pour que la France pèse diplomatiquement ? Allez-vous infléchir les choix de votre prédécesseur ? (Applaudissements à droite)

M. Jean-Marc Ayrault, ministre des affaires étrangères et du développement international .  - (Exclamations sur divers bancs) Vous n'exagérez pas le drame, il est là : un hôpital géré par Médecins sans frontières a reçu des bombes plusieurs fois de suite - l'urgence humanitaire est la priorité.

Cependant, nous sommes dans l'impossibilité d'aider les populations.

Alep compte un million d'habitants, dont 50 000 réfugiés qui cherchent désespérément, en vain, à fuir. Les engagements pris le 11 février sont clairs : stopper les bombardements, de tous les côtés, dans un délai d'une semaine. La solution militaire s'inscrit dans une solution globale, politique, - c'est l'objet de négociations à Genève, sous l'égide de l'ONU, et nous devons faire de la lutte contre Daech sur le terrain notre priorité militaire. (Applaudissements à gauche, sauf sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Christiane Kammermann.  - Notre politique, devenue illisible, conduit à l'impuissance... Nous nous alignons sur les États-Unis, plutôt que de développer, dans l'indépendance, notre propre voie ! (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

Agenda d'accessibilité programmée

Mme Claire-Lise Campion .  - La loi du 11 février 2005 avait donné dix ans aux établissements recevant du public pour se rendre accessible à tous. Mais au 1er janvier 2015, seules 30 % des établissements, soit 300 000 environ, s'étaient conformés à leurs obligations. Après une large concertation, la loi du 5 août 2015 a mis en place les Agendas d'accessibilité programmée (Ad'AP), qui précisent le calendrier des travaux et les engagements financiers des responsables, qui avaient jusqu'au 27 septembre 2015 pour déposer leur contribution.

Environ 380 000 établissements se sont engagés : autant que ceux qui se sont rendus accessibles en dix ans. Cela ne suffit pas, cependant. Qu'envisagez-vous, madame Neuville, à l'égard des retardataires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe RDSE)

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Voici, en toute transparence, les derniers chiffres au 1er février 2016. Il y a en France un million d'établissements recevant du public : 300 000 étaient accessibles au 1er janvier 2015, 405 000 se sont depuis engagés dans la démarche des agendas d'accessibilité programmée, qui vous doit beaucoup, madame la sénatrice, il en reste un peu moins de 300 000. J'ai demandé aux préfets, qui ont joué un rôle important et que j'ai rencontrés hier, d'aiguillonner les retardataires.

Le décret sur les contrôles et sanctions, car il en faudra, sont à l'étude au Conseil d'État. Il sera publié en mai, et les préfets auront instruction de ne pas hésiter à appliquer lesdites sanctions. Le Gouvernement est déterminé ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. le président.  - Les prochaines questions d'actualité au Gouvernement auront lieu le mardi 1er mars 2016 de 16 h 45 à 17 h 30 et seront retransmises sur Public Sénat et sur le site internet du Sénat.

La séance est suspendue à 17 h 30.

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

La séance reprend à 17 h 45.