Renforcement de la sécurité de l'usage des drones civils (Suite)

Discussion générale (Suite)

M. Jean-Jacques Filleul .  - On l'a dit, les drones ont des usages variés qui vont de la cartographie à la surveillance en passant par l'aide à l'agriculture. Le développement de drones civils de petite taille a démocratisé les usages amateurs - d'où la nécessité d'un encadrement en particulier pour assurer la sécurité aérienne, perturbée par des drones indétectables.

La loi du 2 juin 2015, relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires, a interdit le survol des sites nucléaires ; d'autres le sont également. Les vols de nuit sont interdits, de même que les vidéos et les photographies prises à partir de drones sans autorisation des personnes.

Ce texte complètera utilement notre arsenal juridique : immatriculation des drones, brevet de télépilote, notice d'information. C'est une première étape, il faudra bientôt légiférer sur d'autres points comme les assurances. Que nous exportions notre législation innovante sur les drones aussi bien que nos drones ! (Applaudissements)

M. Loïc Hervé .  - Entre 2014 et 2015, une vingtaine de drones avait survolé des centrales nucléaires. L'aéroport d'Heathrow a dû interrompre le trafic aérien, c'est dire le besoin de lever les coins d'ombre de notre législation.

Les drones ne sont plus seulement à usage militaire. Le marché pourrait atteindre 180 millions d'euros par an. Ces appareils seraient particulièrement utiles en montagne, dans les sites difficiles d'accès, pour assurer des tâches de surveillance, sans dommage pour l'environnement, repérer des zones de sauvetage, acheminer des vivres et des médicaments ; par exemple, aussi, pour déclencher des avalanches dans notre département de Haute-Savoie, monsieur le rapporteur Pellevat.

Les professionnels du secteur, conscients qu'un grave accident, fragiliserait l'essor des drones civils, sont favorables à ce texte.

Le groupe UDI-UC l'approuve, afin que la filière puisse se développer sereinement. (Applaudissements)

M. Yvon Collin .  - Le 31 octobre 2014, six sites nucléaires étaient survolés illégalement ; en 2015, la Maison blanche était survolée, la résidence du Premier ministre japonais aussi : oui, la question se pose de l'utilité des drones, le danger est bien là quand le risque d'attentat est élevé comme jamais ; certes, un drone ne transporte pas de bombes, mais il peut le faire de matières bactériologiques ou chimiques dangereuses.

Cette proposition de loi complète utilement notre réglementation, dans le bon sens : aussi, l'immatriculation est incontournable, de même l'information via la notice et la formation des télépilotes ; l'ignorance des règles explique bien des vols illicites - désormais, elles seront plus claires et les sanctions, plus sévères.

Comment neutralisera-t-on les drones illicites ? Notre arsenal vaut pour les drones lourds, pas pour les plus petits : où en est-on ? L'expérimentation prévue fin 2016 aura-t-elle lieu ?

Les arrêtés du 17 décembre 2015 n'encadrent pas suffisamment l'usage des drones, ce texte comble un vide, avec la souplesse requise pour ne pas brider un secteur où la France est leader avec la Chine : le RDSE le votera à l'unanimité. (Applaudissements)

M. Jacques Gautier .  - Le cinéma et la télévision nous ont fait découvrir les capacités ISR - information, surveillance, renseignement - des drones militaires, indispensables sur les théâtres d'opération. Dans le domaine civil aussi, les professionnels utilisent désormais des drones de taille plus modeste, immatriculés par la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). La réglementation pionnière de 2012, revue en 2015, est désormais insuffisante alors que le marché des drones de loisir explose et que des usages illicites ou dangereux se multiplient. Il nous faut réagir, sans pénaliser cette filière d'excellence française prometteuse d'emplois... aussi bien que de loisirs des jeunes et des moins jeunes.

Ce texte vise à mieux former et informer les télépilotes, à mieux les connaître grâce à une procédure de déclaration simplifiée, à repérer les drones grâce à un signal électronique et lumineux peu coûteux ; il renvoie au décret pour fixer les seuils et permettre aux pouvoirs publics de séparer l'immense majorité des utilisateurs de bonne foi de la poignée de ceux qui sont malveillants. Ceux-ci continueront de vouloir contourner les règles, mais s'exposeront à des sanctions pénales et à la confiscation de leur appareil.

Je salue les amendements utiles de notre commission. Les pouvoirs publics doivent désormais avancer sur la voie d'une réglementation européenne. (Applaudissements)

M. Didier Mandelli .  - Nous sommes à l'aube de l'ère des drones. Tout s'accélère, les performances des drones s'améliorent et leur prix diminue, les drones de loisirs constituent la majorité du marché mais ceux qui sont destinés à un usage civil professionnel ne sont pas en reste.

C'est le secteur audiovisuel qui, le premier, nous a habitués aux drones qui permettent de réaliser des prises de vue spectaculaires là où un hélicoptère ne passe pas, voire de capter des compétitions sportives. En agriculture, ils servent à surveiller des parcelles, à évaluer - grâce à une caméra multispectrale - l'état de santé des plantes et la quantité d'eau, de nutriments et de pesticides dont elles ont besoin, voire à larguer des oeufs de trichogramme, prédateur de la pyrale du maïs !

Les drones ont aussi fait leur entrée dans le domaine du spectacle : le Puy-du-Fou s'est doté d'une flotte capable de réaliser une chorégraphie aérienne synchronisée avec la musique. Ils ont des usages humanitaires : le Rwanda s'en dote pour livrer des vaccins ou des médicaments, comme l'avait fait Médecins sans frontières dès 2014 en Papouasie. Les professionnels du bâtiment les utilisent pour inspecter des toitures ou autres zones dangereuses, dresser des cartes en trois dimensions, traquer les déperditions énergétiques, et l'on commence à s'y intéresser pour le transport de colis.

Nous devons adapter notre droit à ces évolutions rapides.

M. Bruno Sido.  - Eh oui !

M. Didier Mandelli.  - Ce texte y pourvoit, en renvoyant certains points au décret pour conserver de la souplesse. Merci au rapporteur et aux auteurs de cette proposition de loi, qui accompagnera l'expansion du secteur sans la brider. Le groupe Les Républicains la votera. (Applaudissements)

M. Vincent Capo-Canellas .  - L'évolution de notre cadre réglementaire est indispensable, face aux évolutions techniques et commerciales du secteur des drones et aux menaces qu'ils présentent. Ce cadre doit être souple, pour préserver le développement du secteur, et réactif, face aux évolutions rapides : ce texte équilibré y parvient. En tant que rapporteur spécial du budget de l'aviation civile, j'y suis particulièrement sensible.

Cependant, cela ne règle pas la question des moyens de détection, d'identification et de neutralisation des drones de petite taille, qui peuvent être des armes par destination, frapper par impact direct ou transporter des armes radiologiques, bactériologiques ou chimiques, sans parler des risques de collision avec les avions. Nos armes sont inadaptées. Le SGDSN y consacre un programme de recherche pour protéger les sites sensibles, mais il faudra attendre encore plusieurs années sa traduction opérationnelle.

Le groupe UDI-UC votera ce texte, en appelant à poursuivre ces recherches ! (Applaudissements)

Mme Nicole Bonnefoy .  - Rapporteure de la mission budgétaire « Transport aérien », je constatais l'an dernier que le développement du marché des drones serait déterminé par notre capacité à adapter notre réglementation aux évolutions du secteur, à garantir la bonne insertion des drones dans le trafic aérien et à apporter une réponse équilibrée aux vols illicites. Ce texte y parvient, qui répond à l'impératif de sécurité sans freiner le développement d'une filière française hautement compétitive. La France, qui fut l'un des premiers pays à réglementer l'usage des drones, a su créer un écosystème dynamique de TPE et PME en s'appuyant sur son savoir-faire aéronautique : les opérateurs, qui étaient cinquante en 2012, sont aujourd'hui 1 800, et le secteur pourrait employer 20 000 personnes en 2020. Le marché des drones de loisirs connaît une rapide expansion : 100 000 appareils vendus en 2014.

L'objet de la réglementation adoptée en 2012 était de garantir la sécurité des personnes et des biens au sol comme dans les airs, tout en favorisant l'expansion du secteur et en assurant à tous un accès équitable aux aérodromes et à l'espace aérien. Pour cela, il fallait éviter d'être trop prescriptif, et définir des règles proportionnées. En reprenant les préconisations du rapport de 2015 du SGDSN, la présente proposition de loi poursuit cette démarche en la mettant à jour, nous la voterons. (Applaudissements)

M. François Bonhomme .  - En février 2015, après le survol par des drones de plusieurs sites sensibles, j'interrogerais le ministre de l'intérieur sur l'usage des drones et leur encadrement. Il m'avait répondu avoir confié au SGDSN une mission portant à la fois sur l'évaluation des risques, la réponse capacitaire et le cadre juridique. Depuis, le secteur a continué de se développer rapidement, tant celui des drones de loisir que celui des drones professionnels, destinés à des usages toujours plus techniques comme la surveillance des champs et le calcul des intrants en agriculture.

Pour accompagner ce développement, plusieurs aménagements s'imposaient : les arrêtés du 17 décembre 2015 ont distingué les drones de loisir ou de compétition des drones professionnels, rangés en catégories en fonction de leur poids, et la Direction générale de l'aviation civile a défini des règles d'utilisation des aéromodèles de catégorie A, telles que l'interdiction de survoler des zones peuplées ou des no-fly zones, l'interdiction de voler à proximité des aérodromes, etc... Mais la multiplication des incidents a révélé l'insuffisance de cette réglementation. En renforçant l'information et la formation des utilisateurs - car neuf incidents sur dix sont involontaires - en imposant l'enregistrement des drones et en facilitant leur repérage, cette proposition de loi apporte des réponses utiles, tout en laissant au pouvoir réglementaire le soin de fixer les seuils : approche pragmatique qui traduit la volonté d'avancer en bonne intelligence avec les représentants de la filière.

Il faudra très vite prendre en compte la législation européenne en cours de constitution. L'Agence européenne de sécurité aérienne envisage des règles différenciées en fonction du niveau de risque, avec un système de certification européenne. Se posera aussi la question de l'intégration des drones dans l'espace aérien européen. (Applaudissements)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Filleul et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. L. 6214-1.  -  Le télépilote est la personne qui contrôle manuellement les évolutions d'un aéronef circulant sans personne à bord ou, dans le cas d'un vol automatique, la personne qui est en mesure à tout moment d'intervenir sur sa trajectoire ou, dans le cas d'un vol autonome, la personne qui détermine directement la trajectoire ou les points de passage de cet aéronef.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Nous avons complété en commission la définition du télépilote, nous allons plus loin ici en distinguant les trois cas de figure à envisager : le vol manuel, le vol automatique et le vol autonome.

S'agissant du vol autonome, nous avons veillé à ce que les techniciens et ingénieurs qui conçoivent les logiciels de navigation ne soient pas considérés comme télépilotes, mais seulement ceux qui déterminent directement la trajectoire.

M. Cyril Pellevat, rapporteur.  - Je comprends vos craintes, mais songeons que nous sommes à l'aube d'une révolution où des robots sauront prendre des décisions. Qu'adviendra-t-il lorsque la trajectoire sera déterminée par l'intelligence artificielle ? À qui incombera la responsabilité ? Sagesse.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - Avis favorable à cet amendement qui complète utilement le travail de la commission, en veillant à ce que seule la personne qui détermine directement la trajectoire ait la qualité de télépilote. Les craintes du rapporteur pourront être levées au cours de la navette.

L'amendement n°1 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Pellevat, au nom de la commission.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

le télépilote

par les mots :

ce dernier

L'amendement rédactionnel n°3, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

L'article 3 est adopté.

L'article 4 est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Pellevat, au nom de la commission.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

du présent article

L'amendement rédactionnel n°4,

accepté par la commissionest adopté.

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par M. Filleul et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 8

Remplacer les mots :

des infractions prévues aux articles 223-1 et 226-1

par les mots :

de l'infraction prévue à l'article 223-1

M. Jean-Jacques Filleul.  -  L'usage des drones ne doit pas porter atteinte à la vie privée, c'est pourquoi la commission a adopté l'amendement de M. Pozzo di Borgo instituant une peine complémentaire de confiscation. Mais l'article 226-1 du code pénal, couplé à son article 226-31, permet déjà de la prononcer.

L'amendement n°2, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. Alain Fouché.  - Les centrales nucléaires sont couvertes contre les risques majeurs, comme la chute d'un avion. Comment les protéger contre les drones ? L'Agence nationale de la recherche a lancé un programme, Thalès et Airbus proposent des solutions, quelles suites leur donner ? N'est-ce pas aux opérateurs de détecter les drones hostiles, puis aux forces de l'ordre de les détruire ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d'État.  - La question de la sécurité des centrales nucléaires est cruciale. Je vous ferai une réponse complète lors du débat à l'Assemblée nationale.

M. Alain Fouché.  - Merci.

L'article 5, modifié, est adopté.

La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.

(Applaudissements)

La séance est suspendue à 16 h 10.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 16 h 45.