Situation de l'hôpital

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la situation de l'hôpital.

Mme Laurence Cohen, au nom du groupe communiste républicain et citoyen .  - L'hôpital joue un rôle essentiel dans notre système de santé, comme l'actualité le montre. Or une avalanche de réformes s'est abattue sur lui depuis quelques années, la santé étant considérée comme une marchandise, le patient comme un consommateur, l'hôpital comme une entreprise. Le professeur Grimaldi a dénoncé cette tendance dans son ouvrage intitulé L'hôpital malade de la rentabilité.

Le plan d'économies de 3 milliards prévoit la suppression de 22 000 postes et de nombreux lits ; 57 000 ont déjà été supprimés ces dernières années, ce qui a un impact grave sur les soins délivrés - c'était l'objet de ma proposition de loi instaurant un moratoire sur les diminutions de lits en 2014, hélas rejetée.

Or la disparition d'un grand nombre de lits a pour effet un engorgement des urgences, dont la fréquentation a crû de 75 % en quinze ans. On en voit les conséquences en cette période d'épidémie de grippe. Quel aveu d'échec lorsque Mme Touraine demande aux hôpitaux, pour faire face à l'épidémie, de déprogrammer des opérations non-urgentes, ou lorsqu'elle reproche aux soignants et aux patients de n'être pas vaccinés.

Frédéric Valletoux confirme cette analyse. Cela devrait conduire le Gouvernement à l'autocritique !

Sur le terrain, cette politique génère une souffrance réelle, palpable. Non remplacement des départs en retraite, remise en cause des 35 heures, marche forcée vers le GHT... Les mauvais coups se multiplient à Bichat, à Beaujon, à Longjumeau, à Juvisy, à l'hôpital gériatrique Adelaïde Hautval de Villiers-Le-Bel, aux Bluets... les établissements fermés ou menacés sont de plus en plus nombreux.

Nulle opposition entre vision moderne et vision archaïque de l'hôpital dans cette dénonciation. Il s'agit plutôt de critiquer la logique qui réserve les soins rentables au privé et de défendre une couverture équilibrée du territoire en offres de soins.

Le regroupement de nos 1 100 hôpitaux en 150 groupements hospitaliers de territoire, effectué sans concertation, fait des directeurs d'agence régionale de santé de véritables préfets sanitaires et risque d'accentuer les inégalités sur les territoires.

Nous ne sommes pas opposés au virage ambulatoire, mais encore faut-il que l'on puisse en profiter. Le CHU de Bordeaux cible 60 % d'ambulatoire : le patient, pris en charge en hôpital-hôtel, doit bien sûr prendre à sa charge ses frais d'alimentation... Pour une économie attendue de 7,5 millions, quelle augmentation du reste à charge ?

Le débat s'est invité dans la campagne de la primaire, puisque le candidat de la droite veut réduire de 100 milliards les dépenses publiques et supprimer 500 000 fonctionnaires. Il veut aussi rétablir les 39 heures à l'hôpital. Or 90 % des Français ne veulent pas diminuer les dépenses publiques de santé et désapprouvent la suppression de 500 000 postes de fonctionnaires.

Il faut au contraire faire plus en matière de santé, s'attaquer aux dépassements d'honoraires, articuler les différentes offres plutôt que de les mettre en concurrence, augmenter le nombre de médecins et paramédicaux en supprimant le numerus clausus et remédier aux déserts médicaux. Il faudra aussi trancher la question du temps de travail et développer les crèches dans les hôpitaux.

L'avenir de l'hôpital est la question de toutes et tous. Notre pays a les moyens de le protéger, encore faut-il en avoir envie. Il y a urgence - sans jeu de mots. La France, rétrogradée en vingt-quatrième position dans le classement mondial des systèmes de santé, doit retrouver sa première place. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - La santé des Français est, assurément, un sujet important. Je ne dirais pas que notre système de santé va mal ; il a sans doute besoin de trouver un second souffle. Mais l'hôpital, lui, va mal.

En 2013, la Cour des comptes relevait que la répartition historique des hôpitaux sur notre territoire ne répondait pas aux besoins des bassins de population, non plus qu'aux exigences sanitaires ; 6,4 lits pour 1 000 habitants, c'est un tiers de plus que la moyenne OCDE et 14 hôpitaux pour un million d'habitants, c'est deux de plus qu'au Japon, et quatre de plus qu'en Allemagne : c'est trop.

Certains établissements sont aussi trop vieux et trop coûteux. C'est cela qui explique les déficits structurels, et non la T2A qu'on incrimine souvent. Notre commission avait proposé que les investissements lourds ne soient plus comptabilisés dans leurs budgets.

Premières victimes de cette situation : les patients et les soignants, dont les conditions de travail se sont dégradées du fait des 35 heures, qui ont désorganisé les services sans qu'il y ait eu de créations de postes à proportion, et de certaines tâches administratives.

La permanence des soins est défaillante surtout en médecine de ville. Celle-ci prend en charge 7 % des dépenses de permanence, contre 29 % en Allemagne : l'hôpital est trop sollicité dans notre pays ! Bref, la situation n'est pas bonne, et nous devons en débattre.

Il faut organiser la complémentarité entre public et privé sur le territoire, et garantir une médecine de qualité. Le GHT est une réponse intéressante mais son succès dépend du projet de territoire et du volontarisme de l'hôpital pilote.

Il faut redonner aux professionnels de santé leurs lettres de noblesse. Cela passe notamment par la formation - dont le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale a diminué les crédits...

Il est temps, en outre, de développer la télémédecine et les nouvelles technologies. Puissent ces sujets être érigés en priorité par le gouvernement qui sortira des élections. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Aline Archimbaud .  - Merci au groupe CRC pour son initiative. L'hôpital public est ouvert à tous ; il est gratuit, il délivre des soins de qualité et il est un lieu de recherche. D'où l'attachement des Français. Nombreux sont les hôpitaux publics endettés devant emprunter auprès des banques et réduire leurs coûts. Les conditions de travail des professionnels de santé, en conséquence, se dégradent. En sous-effectif, isolés, méprisés parfois, ils sont parfois conduits à des drames - souvenez-vous du suicide de cinq infirmières l'an dernier.

Le manque de médecins allonge les délais et engorge les urgences. Le manque d'information pousse au renoncement aux soins.

Moins de 20 % des personnes éligibles à la CMU-C par exemple, soit un million de personnes, ne demandent pas à en bénéficier. Le mécanisme de la T2A, quant à lui, pousse à réaliser des actes pas forcément utiles. L'hôpital privé, quant à lui, qui sélectionne ses patients et ne fait pas de recherche, se développe, ce qui laisse craindre un système hospitalier à deux vitesses.

Hôpital, étymologiquement, est apparenté à hospitalité. C'est sa mission depuis des siècles. Accueil de tous, formation de haut niveau et recherche, les trois composantes de son ADN doivent être préservées. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste)

Mme Catherine Génisson .  - Je veux à mon tour remercier le groupe CRC pour son initiative.

Le Gouvernement, sous l'impulsion du président de la République, a rétabli le service public hospitalier, garant de l'égalité d'accès aux soins. La loi de modernisation du système de santé a renforcé l'hôpital. En créant les GHT d'abord. Laissons-les se mettre en place, avant de les évaluer. Citons aussi la fin de la convergence tarifaire, le recrutement de 30 000 soignants.

Renforcer l'hôpital, c'est aussi le rendre attractif pour les professionnels. Prime d'engagement en faveur des jeunes diplômés qui optent pour la carrière hospitalière, renforcement des droits sociaux pour les contractuels, maintien à 100 % de la rémunération pendant le congé maternité, prime d'exercice territoriale quand l'activité est partagée entre plusieurs établissements : le Gouvernement a beaucoup fait pour améliorer les conditions de travail des médecins hospitaliers.

Pour ma part, je suis fière d'avoir exercé mon activité comme praticien hospitalier à temps plein. Pourtant, les conditions de travail sont de plus en plus difficiles : agressivité des patients, cadences de travail, perte de reconnaissance, au point de provoquer des suicides.

Le ministère a donc mis en place un plan pour prendre soin de ceux qui soignent, doté de 30 millions d'euros sur trois ans. Création d'un observatoire de la qualité de vie au travail et des risques psychosociaux, d'un médiateur, d'une charte de l'accompagnement des professionnels lors des restructurations, d'entretiens individuels annuels, concertations avec les syndicats pour valoriser les astreintes : tout cela va dans le bons sens. Nous souhaitons être informés de l'avancement de ce plan.

Nous sommes fiers de notre médecine, de nos hôpitaux. Les professionnels hospitaliers revendiquent une meilleure reconnaissance. La réorganisation de l'hôpital a beaucoup intensifié leurs conditions de travail. En hôpital de jour, les journées sont compliquées mais les week-ends libérés ; dans les services où l'activité est permanente et le travail organisé par poste, le personnel n'a qu'un dimanche de repos par mois...

Le service est l'élément structurant de l'hôpital, et les tâches administratives ne doivent pas prendre le pas sur les activités cliniques, de recherche et d'enseignement. Nous devons promouvoir la carrière clinique, développer les coopérations interprofessionnelles et la formation professionnelle. Stagiaire à Londres, j'avais rencontré un médecin anesthésiste qui avait débuté comme aide-soignante : c'est rare en France !

M. Alain Marc.  - Certes.

Mme Catherine Génisson.  - Les difficultés des urgences sont le miroir de celles de notre système de santé.

La tarification à l'activité n'est pas l'alpha et l'oméga du financement de l'hôpital public. La courroie de transmission avec la médecine de ville doit être renforcée, comme la complémentaire avec le secteur privé.

Je me réjouis que les débats, voire les combats à venir éclairent nos concitoyens sur ce sujet. (M. Jean Desessard applaudit)

M. Alain Marc .  - Soyons clairs, la loi HPST ne répond pas aux attentes des départements ruraux. Seul de mon groupe à l'Assemblée nationale, j'avais voté contre ce texte ; je ne le regrette nullement. L'éloignement de l'hôpital, en zone rurale, occasionne une perte de chance que l'hélicoptère ne suffit pas à réduire.

Reste le maillage des hôpitaux, et surtout l'implantation de médecins libéraux en milieu rural, qui interviennent souvent en première intention pour apporter des soins d'urgence.

À titre personnel, j'estime qu'il faut refuser le conventionnement à ceux qui s'installent sans une zone surdense. Après tout, leurs études sont gratuites jusqu'à la sixième année ! Il est normal que les médecins doivent quelque chose en retour à la Nation. (M. Jean Desessard applaudit)

Tout citoyen doit bénéficier du même accès aux soins urgents ou à une maternité, où qu'il habite. Parfois, la densité de population n'atteint pas la moitié de celle du Sahel et l'hôpital le plus proche est à plus d'une heure. Dans mon département de l'Aveyron, la maternité de Decazeville est provisoirement fermée, celles de Millau et de Saint-Affrique sont sur la sellette...

Il faut une réelle politique de différenciation des territoires, avec une exception géographique assumée, assurant le minimum vital dans les délais les plus brefs. L'équilibre budgétaire à tout prix ne saurait conditionner l'existence des hôpitaux ruraux. Donnons une validation législative à la notion d'exception géographique, afin qu'ils ne soient pas systématiquement remis en cause. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Annie David .  - Notre groupe a demandé ce débat car la situation de l'hôpital public est grave et qu'il y a urgence. À l'approche d'élections importantes, nous devons clarifier notre vision de l'avenir de notre système de santé. Nous avons maintes fois tiré la sonnette d'alarme face à des réformes dont nous observons aujourd'hui les conséquences néfastes : la loi HPST en 2009, la loi Santé en 2016. Le virus est connu : la logique libérale et austéritaire de l'hôpital-entreprise.

Le secteur psychiatrique illustre bien cette déshumanisation des soins : 0,5 % de son budget a été amputé en deux ans. Le centre hospitalier de Saint-Égrève en Isère perd des postes ; à l'hôpital de Saint-Cyr, un pôle entier de pédopsychiatrie est supprimé ; en Haute-Savoie, l'hôpital du Léman perd 43 lits en psychiatrie ; dans le Rhône, le CHS Le Vinatier doit réaliser 3,5 millions d'économies, ce qui implique, là encore, de supprimer des postes. Quant au pôle psychiatrique du centre hospitalier de Vienne, il a été transféré sur un centre privé à Bourgoin. La prise en charge s'en trouve dégradée, surtout celle des enfants. Les professionnels ne peuvent être la variable d'ajustement des logiques comptables que vous imposez, madame la ministre.

Ces nouvelles méthodes de gestion de la psychiatrie trouvent leur source dans le rapport Laforcade, qui consacre une approche scientiste et normalisatrice. Les protocoles de soins de la HAS, dénoncés par le collectif des 39, conduisent à une taylorisation désastreuse et manquent d'humanité.

Pourtant, la psychiatrie française avait su évoluer. Désormais, dans un hôpital psychiatrique devenu usine à patients, le pire peut se produire : patient devenant violent, burn-out, suicides... Malgré les alertes, le personnel soignant se heurte au silence des directeurs d'ARS tout puissants, obnubilés par l'aspect financier. Quant au plan « prendre soin des soignants », il n'est pas mis en oeuvre.

Il faut repenser le système de santé. Une médecine généraliste de qualité, avec des équipes pluridisciplinaires de quartier, reste à échelle humaine. En luttant contre les déserts médicaux, on permettra à l'hôpital de se concentrer sur ses fonctions de spécialité, de prévention, de recherche et d'enseignement. Le financement doit suivre, bien sûr, et l'État assumer ses responsabilités. Cette conception humaniste et citoyenne de la santé publique est indispensable pour éviter un système de soins à deux vitesses. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

M. Michel Amiel .  - Voilà longtemps qu'on dit que l'hôpital est malade. En quelques décennies il est passé d'une logique asilaire à l'hôpital donnant accès à l'excellence pour tous. Si la santé n'a pas de prix, elle a un coût. Depuis les années quatre-vingt, les conditions de travail se sont dégradées, le gestionnaire a pris le pas sur le sanitaire ; les 35 heures ont causé de vives tensions en matière de ressources humaines.

L'hospitalo-centrisme sévit ; l'hôpital devient le lieu de premier recours, non de premier secours, les urgences sont engorgées par des malades qui n'en relèvent pas. En aval, le virage ambulatoire laisse nombre de patients démunis. Il faut avoir le courage de fermer les services qui ne répondent plus aux besoins.

La régionalisation doit être renforcée pour un maillage plus efficace et une rationalisation de coûts. Pas d'hôpital d'ivoire : ouvrons l'hôpital sur la médecine de ville. La bonne santé n'est pas seulement l'absence de maladie, comme le rappelle l'OMS.

La carrière hospitalière doit être revalorisée, et même réenchantée. La formation des étudiants est trop concentrée sur l'hôpital. Dès le deuxième cycle, il faudrait faire des stages en médecine de ville. Sinon, le futur médecin est incité à diriger son patient vers l'hôpital.

Le personnel hospitalier mérite qu'on lui rende hommage. Pour l'avoir vécu de l'intérieur, je sais combien les conditions de travail se sont détériorées. Pas question de diminuer les effectifs des fonctionnaires hospitaliers, en particulier dans la filière soins !

L'hôpital psychiatrique, lui, est sinistré, alors que jamais la demande, si j'ose dire, n'a été aussi forte. Notre couverture en psychiatrie hospitalière est insuffisante. Et c'est pire encore en pédopsychiatrie.

Sur le plan financier, une approche comptable pluriannuelle doit prendre le pas sur l'Ondam ; la T2A, qui distingue entre activités rentables ou non, être revue.

C'est tout le système qu'il faut revoir, non pas en distinguant gros et petit risque mais en responsabilisant tout un chacun, en développant l'innovation, la télémédecine, en faisant participer plus ceux qui le peuvent ou en taxant davantage le tabac.

Mme Laurence Cohen.  - Plus d'Ondam !

M. Georges Patient .  - Ce débat est bienvenu : merci au groupe CRC. Il me permet de vous alerter sur l'état du système de santé très alarmant en Guyane.

Le service public hospitalier en Guyane est un grand corps malade, voire agonisant.

La ministre l'a constaté sur place l'an dernier. Elle a fait venir l'Igas et débloqué des fonds en urgence, mais cela ne suffit pas, face à l'ampleur des besoins.

L'hôpital de Cayenne couvre environ 150 000 habitants. Son déficit structurel est de 40,5 millions, et il a 25 millions d'euros de retards de paiements à ses fournisseurs. Un rattrapage s'impose.

Le centre hospitalier de l'Ouest guyanais couvre 60 % du territoire et un bassin de santé de plus de 100 000 habitants, si l'on compte les étrangers en situation illégale. Il manque 49 millions d'euros pour financer le nouvel hôpital, et le retard structurel pour 2016 est de 10 millions.

Le centre médico-chirurgical de Kourou est dans une situation similaire : déficit chronique, offre de soins défaillante, problème de ressources humaines et de gouvernance.

La ministre connaît la situation, mais nous n'avons pas obtenu le rapport de l'Igas. Pourquoi ne pas nous le communiquer ? Que faut-il faire pour être entendu ? En deux mois, cinq bébés prématurés sont décédés d'une infection nosocomiale à Cayenne. Un mois avant, c'était un patient brûlé vif dans sa chambre à l'Ehpad. L'hôpital de Cayenne est-il un mouroir ?

Les hôpitaux de Guyane sont indignes d'un pays moderne alors que la Guyane est confrontée à la forte prévalence de maladies infectieuses et parasitaires mais aussi de maladies chroniques. Devons-nous faire appel à Médecins sans frontières ?

Il serait bon que vous annonciez des mesures avant les premières assises de la santé en Guyane, le 19 janvier prochain. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Alain Milon .  - S'ils sont attachés à l'hôpital public, les Français partagent avec les professionnels le sentiment de sa fragilité. Celle-ci résulte de l'hyper-centralisme de la gestion de la santé et des politiques publiques bureaucratiques, décidées sans concertation.

Ainsi, les ARS, loin d'être les planificateurs et régulateurs espérés, deviennent des tutelles, et l'assurance maladie s'immisce dans la gestion hospitalière. Elles demandent des suppressions d'effectifs sans oser se lancer dans les réorganisations structurelles qui devraient être pensées sur le terrain, dans la co-construction.

Il faut d'abord rendre attractif les métiers hospitaliers, donc améliorer les conditions de travail et de rémunération des jeunes médecins. Le dialogue social est insuffisant et manque d'autonomie. Les prises en charge spécifiques aux hôpitaux publics doivent être reconnues.

Puis, le mode de financement de l'hôpital doit évoluer. Le rapport de la Mecss a esquissé des pistes. La T2A a structuré la politique hospitalière, mais il faut trouver un autre mode de régulation. Un choc de simplification s'impose. Expérimentons par exemple un financement au parcours. Le décloisonnement sera aussi un facteur de réussite des parcours de soins.

Nous devons remettre l'investissement au coeur des enjeux. Il se réduit comme peau de chagrin depuis des années, alors que le parc immobilier est vétuste et les besoins criants : 800 millions en Paca d'après l'ARS, pour une enveloppe de 10 millions...

Idem pour l'investissement médical. Le développement technologique doit être une priorité. Pourquoi ne pas confier l'investissement immobilier à un établissement financier dédié ?

Les CHU doivent être promus car ils contribuent au rayonnement de notre médecine. J'ai demandé au nom de la commission un rapport à la Cour des comptes sur leurs missions, entre activités de recours et de référence. Avec la loi NOTRe et la création des GHT, la territorialité doit être au coeur de la stratégie des CHU. Trop souvent, les maternités de niveau 3 dont ils disposent accueillent des parturientes qui relèvent du niveau 1...

Les enjeux de santé mentale ne doivent pas être oubliés, non plus que l'aspect médico-social. Dans les deux cas, il faut décloisonner.

Notre hôpital doit s'adapter à la transition démographique et à la transition épidémiologique et réduire les inégalités face à la santé. Hélas, notre système n'a pas fondamentalement changé. Et les règlementations l'empêchent de s'adapter, alors qu'il faudrait encourager progression et innovation, généraliser les bonnes pratiques. Bref, les hôpitaux doivent réussir la révolution de l'émergence de la territorialité et de la responsabilité populationnelle en santé. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Cyril Pellevat .  - Merci au groupe CRC d'avoir voulu ce débat. J'assure de mon soutien les personnels de santé, débordés en cette période de grippe.

À Thonon-les-Bains, l'hôpital du Léman est en situation critique : baisse d'activités, déficit de 9 millions d'euros. Certes, l'ARS a débloqué 3,5 millions d'euros en urgence. Mais les réorganisations prévues ne sont pas satisfaisantes. L'ARS envisage le transfert des lits de psychiatrie à La Roche-sur-Foron, à une heure de trajet. Ce serait malvenu, et les réactions se multiplient localement. Allez-vous intervenir, madame la ministre ?

Hélas, ce cas n'est pas exceptionnel. Les conditions de travail se dégradent, les 35 heures n'ont pas aidé, et les professionnels souffrent.

S'il y a un emploi à revaloriser, c'est bien celui des infirmières et aides-soignants, débordés. Face à la pénurie, certains hôpitaux recrutent des infirmiers étrangers ! C'est le cas en Haute-Savoie, où nous manquons cruellement d'aides-soignants, car ceux-ci vont travailler en Suisse, où les salaires sont plus attractifs.

Enfin, nous devons veiller au maillage territorial de l'offre de soins, selon le principe de l'égalité devant le service public.

M. Jean Desessard.  - Très bien !

M. Cyril Pellevat.  - Au besoin, les progrès technologiques, comme la télémédecine, peuvent apporter des solutions.

Les Français doivent aussi devenir acteurs de leur santé - en matière de responsabilisation et de prévention, il reste beaucoup à faire.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion .  - Ce débat est bienvenu, à la veille d'élections majeures. Notre Gouvernement n'a jamais changé de position depuis 2012, jamais varié dans son attachement à l'hôpital public et à ses valeurs, qui sont celles de la République.

Soignant tout le monde, sans exclusion, dans l'excellence, au quotidien ou lors de circonstances exceptionnelles, l'hôpital public incarne la République sociale, fondement de notre identité collective.

Dire que ce Gouvernement a marchandisé la santé, considéré l'hôpital public comme une entreprise, c'est faux !

Dire que nous avons supprimé 57 000 lits en onze ans, ce n'est pas tout à fait vrai. Ce chiffre s'étend depuis 2004 et pour des lits de chirurgie ou de soins de longue durée, pas de médecine. Depuis 2012, nous avons créé 2 500 lits de médecine supplémentaires, et 2 800 lits de soins de suite et de réadaptation.

Mme Laurence Cohen.  - Alors tout va bien !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Je ne dis pas cela.

Loin de marchandiser l'hôpital, c'est le contraire que nous avons fait. Nous avons réintroduit le service public hospitalier dans la loi. Non par idéologie, mais pour apporter aux patients et aux professionnels une garantie d'égalité dans l'accès aux soins, quels que soient leurs revenus ou leur pathologie. C'est une garantie de non sélection, de permanence des soins.

Sous le quinquennat précédent, la loi HPST avait démantelé le service public hospitalier, divisé entre différentes missions que les établissements pouvaient choisir à la carte. Nous l'avons rétabli comme un bloc indissociable qui engage pleinement les établissements et renforcé dès 2012 en mettant fin à la convergence tarifaire - car les hôpitaux publics assurent des missions spécifiques.

L'accueil des patients les plus précaires fait l'objet de financements fléchés. Le non recours à la CMU-C sera résolu par la modernisation de nos sites informatiques : la CMU-C sera bientôt automatique pour tout demandeur du RSA-socle.

M. Jean Desessard.  - Très bien.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Nous avons enclenché des réformes irréversibles, remis en cause le financement exclusif à l'activité et assuré le financement des activités isolées. Les établissements de proximité bénéficieront d'une part fixe de financement.

M. Jean Desessard.  - Très bien.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - La loi de financement de 2017 a pris certaines des mesures préconisées par le rapport d'Olivier Véran pour le financement des spécialités peu compatibles avec la T2A : mise en place d'une dotation modulée pour les soins critiques, prestations intermédiaires entre l'hospitalisation de jour et les consultations externes - sont ainsi valorisées dans la T2A les cas de consultations multiples à l'hôpital, par exemple d'un médecin puis d'un psychologue.

D'autres recommandations seront déployées dans la prochaine campagne tarifaire, notamment sur l'adaptation des soins palliatifs. La ministre a également oeuvré pour diminuer les inégalités de santé sur le territoire, en particulier avec la création de groupements de services hospitaliers de territoire...

Mme Éliane Assassi.  - Parlons-en.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Le service public hospitalier est plus fort quand les hôpitaux travaillent ensemble ! 135 groupements hospitaliers de territoire existent déjà. Ils ont jusqu'au 1er juillet 2017 pour finaliser leur projet. Les équipes seront ainsi complémentaires.

Mme Éliane Assassi.  - Venez un peu sur le terrain !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Je ne comprends pas vos attaques contre le rapport de Michel Laforcade, qui défend la création d'équipes mobiles de psychiatrie pour accompagner les personnes souffrant de troubles psychiatriques. Il existe déjà 120 équipes mobiles de psychiatrie de précarité.

Ce rapport préconise la généralisation de l'expérimentation « Un toit d'abord », nous la faisons. En logeant les personnes en difficulté qui ont des problèmes de santé mentale, on évite des hospitalisations. La création du Conseil national de la santé mentale permet le regroupement de professionnels de tous horizons - il est présidé, du reste, par un sociologue.

Depuis 2012, le Gouvernement a innové pour construire l'hôpital de demain. Les moyens de l'hôpital public ont augmenté de 10 milliards d'euros depuis 2010. Où est l'austérité, dès lors ?

Mme Annie David.  - L'Ondam n'a jamais été aussi faible !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Nous avons veillé à la soutenabilité financière des projets et mis fin à des dérives de projets surdimensionnés, dont les coûts n'étaient pas maîtrisés. La dette des hôpitaux, multipliée par trois entre 2003 et 2012, est désormais stabilisée.

M. Alain Milon.  - Il y a eu le plan Hôpital !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Dès 2012, Marisol Touraine a fixé une trajectoire d'investissement pour les dix prochaines années, quarante projets d'investissements ont été soutenus, pour 2 milliards d'euros, à quoi s'ajoute une enveloppe supplémentaire de 2 milliards et un fonds de 400 millions pour aider les hôpitaux en difficulté avec des emprunts toxiques.

Monsieur Milon, j'entends votre appel à plus d'investissements, mais je crains qu'il ne fasse pas bon ménage avec le cadrage budgétaire de votre candidat pour la présidentielle - à moins que, sur ce sujet encore, il ne change d'avis...

M. Jean Desessard.  - Les socialistes, eux, ne changent donc pas d'avis ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - L'hôpital s'approprie l'usage du numérique. Plus de 80 % des établissements ont informatisé les dossiers des patients ; 70 % d'entre eux ont dématérialisé les résultats des analyses biologiques. La télémédecine s'est développée. Une enveloppe de 80 millions d'euros a amplifié cette dynamique.

Nous avons lancé un programme unique au monde de 60 millions d'euros, qui permettra le séquençage des cancers, donc une personnalisation des traitements.

L'information des patients est essentielle, parce qu'ils sont aussi des citoyens qui veulent savoir, comprendre, participer. Nous avons renforcé leurs droits, augmenté le temps consacré à cette information avec la création de la lettre de liaison. Nous avons aussi renforcé leur représentation dans les conseils d'hôpitaux.

Malgré un contexte budgétaire contraint, 31 000 personnes de plus travaillent à l'hôpital public depuis 2012, dont 3 000 médecins. (Exclamations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen) Vous avez mentionné la suppression de 22 000 postes : je ne sais pas d'où sort ce chiffre mais il est faux.

L'augmentation du nombre de postes ne résout certes pas tous les problèmes.

Mme Laurence Cohen.  - Nous n'avons pas ces chiffres !

M. Jean Desessard.  - La ministre les avait réservés pour le débat !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Oui, travailler à l'hôpital est difficile, les professionnels le disent tous. Mais n'oublions pas qu'avant les 35 heures, les praticiens hospitaliers avaient cinq semaines de vacances par an : ils en ont désormais neuf, on ne peut pas dire que leur situation se dégrade ! Bien sûr, le travail est intense. Cependant, les améliorations sont réelles.

De même, n'oublions pas qu'avant 2003, il n'y avait pas de temps de récupération à l'issue des gardes de nuit.

Mme Annie David.  - C'est à cela que vous voulez revenir ?

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Nous avons révisé la grille des agents de catégorie C avec une revalorisation de 450 euros par an, pour 420 000 agents. Nous avons aussi revalorisé la rémunération des cadres, de 250 à 400 euros.

Marisol Touraine a présenté une stratégie nationale pour la qualité de vie au travail.

Soit dit en passant, les 35 heures à l'AP-HP n'ont jamais été supprimées, je tiens à le préciser.

La qualité de vie au travail est inscrite dans le règlement des établissements, et le renforcement de la sécurité des professionnels a été un point d'attention du ministère. Nous avons également oeuvré pour une meilleure détection des risques psychosociaux : la généralisation des services de santé pluridisciplinaires est en cours. Des services d'écoute dédiés aux professionnels de santé voient le jour.

L'hôpital public a fait partie des priorités de ce quinquennat. Cinq ans n'ont pas suffi à résoudre toutes les difficultés. L'hôpital public est plus fort qu'auparavant. Il s'est structuré, a développé sa capacité à innover et a contribué à rééquilibrer les comptes de la sécurité sociale.

Mme Laurence Cohen.  - Nous y voilà !

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État.  - Pour y avoir moi-même passé vingt ans de ma vie, j'ai une conscience aiguë des difficultés de l'hôpital public. Plus qu'un métier, c'est un engagement. Nous ferons tout pour renforcer l'hôpital public, pilier de notre système de santé.

Mme Laurence Cohen.  - Nous avons besoin d'actes, plutôt que de discours !

Prochaine séance, mardi 17 janvier 2017, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 35.

Marc Lebiez

Direction des comptes rendus