Disponible au format PDF Acrobat


Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Mise au point au sujet de votes

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

Calcul du potentiel fiscal des communautés d'agglomération (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales

M. Charles Guené, rapporteur de la commission des finances

M. Joseph Castelli

M. Bernard Delcros

M. Jean Desessard

M. Vincent Éblé

M. Bernard Vera

M. Philippe Dallier

M. Claude Raynal

M. Alain Richard

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État

Discussion des articles

ARTICLE 3

Intervention sur l'ensemble

Mme Nicole Bricq

Sécurité publique (Conclusions de la CMP)

M. François Grosdidier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur

M. Yves Détraigne

Mme Esther Benbassa

M. René Vandierendonck

Mme Éliane Assassi

Mme Mireille Jouve

Demande de modification à l'ordre du jour

Ratification d'ordonnances relatives à la Corse (Nouvelle lecture)

Discussion générale

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois

M. Jean Desessard

M. Philippe Kaltenbach

M. Christian Favier

M. Joseph Castelli

M. Jean-Jacques Panunzi

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales

Interventions sur l'ensemble

M. Jean-Pierre Sueur

M. Philippe Kaltenbach

Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois

M. Hugues Portelli, rapporteur

M. Jean Desessard

Ordre du jour du mardi 21 février 2017

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 16 février 2017

57e séance de la session ordinaire 2016-2017

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaire : M. Jackie Pierre.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Mise au point au sujet de votes

M. Bernard Delcros.  - Lors du scrutin public n°99 sur la proposition de loi relative au délit d'entrave à l'IVG, MM. Olivier Cigolotti et Pierre Médevielle souhaitaient s'abstenir, et non voter contre.

M. le président.  - Acte vous est donné de cette mise au point, qui sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Conventions internationales (Procédure simplifiée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de trois conventions internationales examinées selon la procédure d'examen simplifié.

L'article unique du projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif aux échanges de jeunes actifs est adopté.

L'article unique du projet de loi autorisant la ratification du protocole additionnel à la convention du Conseil de l'Europe pour la prévention du terrorisme est adopté définitivement.

L'article unique du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant l'adhésion de la France au deuxième protocole relatif à la convention de La Haye de 1954 pour la protection des biens culturels en cas de conflit armé est adopté définitivement.

Calcul du potentiel fiscal des communautés d'agglomération (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d'agglomération issues de la transformation de syndicats d'agglomération nouvelle.

Discussion générale

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État auprès du ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales, chargée des collectivités territoriales .  - Les Syndicats d'agglomération nouvelle (SAN), créés au début des années quatre-vingts pour accompagner le développement des villes nouvelles, principalement en Île-de-France, ont bénéficié d'un soutien financier de l'État multiforme. Avec l'adoption de la loi Chevènement de 1999, leur potentiel fiscal a été pondéré pour tenir compte de leurs charges particulières et de leur endettement supérieur à la moyenne nationale. Le Gouvernement a souhaité maintenir cette dérogation au-delà de la loi NOTRe de 2015, qui a supprimé le statut des SAN au 1er janvier 2017, pour les EPCI ayant intégré un SAN, comme il a voulu l'étendre en 2013 aux dotations de péréquation horizontale, qui ont augmenté de manière inédite sous ce quinquennat.

Lors des débats sur la loi de finances rectificative pour 2016, un amendement de l'Assemblée nationale, repris par le Sénat, a restreint la pondération du potentiel fiscal à la seule cotisation foncière des entreprises (CFE). Déposé tardivement, ses conséquences financières n'avaient pas pu être évaluées - ce qui interroge sur le processus de fabrication de la loi. Parce qu'il était dénué d'impact sur le budget de l'État et rendait, selon ses auteurs, la loi plus conforme à l'intention du législateur, le Gouvernement lui avait donné un avis de sagesse.

Après analyse, ses effets sont trop importants pour ces territoires. Le Gouvernement soutiendra donc cette proposition de loi qui leur évitera une perte brutale de recettes. Nous savons la demande des élus d'un cadre fiscal et financier stable comme leur exigence, tout aussi légitime, d'être associés aux décisions qui les concernent et de disposer de simulations.

Toutefois, j'entends l'argument selon lequel le maintien de cet avantage a des conséquences mécaniques sur les autres territoires. Vaste sujet que la juste répartition des dotations, on se souvient des débats sur la réforme de la DGF... La montée en puissance des instruments de péréquation, notamment du FPIC qui est passé de 150 millions d'euros à 1 milliard d'euros entre 2012 et 2017, rend nécessaire de regarder précisément les critères fondant les contributions de chacun.

La disparition des SAN et leur intégration dans des EPCI plus vastes justifient un retour au droit commun mais ce retour au droit commun ne peut s'envisager que de manière progressive. À l'Assemblée nationale a été prévu un rapport grâce auquel nous pourrons faire le point et trouver une solution pérenne pour 2018.

À l'initiative du Gouvernement, nous reportons à 2018 la désignation des parlementaires membres des commissions départementales des dotations d'équipement des territoires ruraux (DETR) afin de tenir compte des élections parlementaires. Sans cela, nous pourrions observer des retards dans le versement de cette dotation, très appréciée, qui atteint 1 milliard d'euros cette année.

Le Gouvernement est favorable à l'adoption conforme de ce texte équilibré.

M. Claude Raynal.  - Bravo !

M. Charles Guené, rapporteur de la commission des finances .  - Cette proposition de loi concerne les villes nouvelles, constituées sous la forme de SAN, une catégorie temporaire appelée à se transformer en EPCI de droit commun, notamment en communauté d'agglomération. Tenant compte de leur endettement élevé, dû aux investissements considérables qu'elles ont dû réaliser, la loi de 1999 a divisé leur potentiel fiscal environ par deux, pour qu'elles reçoivent des dotations plus importantes. En 2013, cet avantage a été étendu au calcul du potentiel fiscal agrégé, utilisé pour le FPIC.

L'Assemblée nationale a réduit cet avantage dans la loi de finances rectificatives pour 2016, par un amendement passé inaperçu, présenté comme une correction d'erreur. Ses conséquences financières considérables ne peuvent pas être absorbées en un an par les collectivités concernées. Cet avantage ne peut pas être perpétué indéfiniment, le Sénat l'avait dit à l'automne dernier. Cette proposition de loi le maintient uniquement pour 2017 pour le supprimer en 2018 - en ce sens, elle va plus loin que le collectif.

Selon les auteurs de ce texte, l'article adopté à l'automne dégrade la situation des EPCI à hauteur d'environ 26 millions pour 2017, soit 3,2 % à 8,5 % des recettes de fonctionnement des communautés d'agglomération concernées.

La situation économique et financière a changé depuis 1999. Alors que la péréquation augmente et que les dotations baissent, cet avantage paraît difficilement acceptable. Ce texte y met fin dans des conditions équilibrées, c'est pourquoi la commission des finances vous invite à le voter conforme. C'est sa seule chance d'être adopté durant cette session. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et socialiste et républicain)

M. Joseph Castelli .  - Six communautés d'agglomération bénéficient d'un avantage qui majore leurs ressources aux dépens des autres collectivités. Vingt ans après, ce régime dérogatoire ne se justifie plus, surtout dans l'état actuel de nos finances publiques. Il interroge sur le caractère péréquateur du FPIC.

Le report d'un an de la participation des parlementaires aux commissions départementales chargées de la DETR est nécessaire en raison du calendrier électoral. Néanmoins, notre groupe déplore que la notion de cavaliers législatifs fasse l'objet d'une interprétation à géométrie variable : cette mesure a un lien tout aussi indirect avec le texte que mon amendement sur l'assainissement cadastral qui a été rejeté lors de l'examen du projet de loi ratifiant des ordonnances concernant la Corse.

Les membres du groupe RDSE voteront à une très large majorité contre.

M. Bernard Delcros .  - S'il y a un principe sur lequel nous sommes tous d'accord, c'est celui du besoin de cohérence et de lisibilité de l'action publique. Où est la cohérence, où est la lisibilité quand l'on revient sur la suppression utile, quoique tardive, d'un avantage voté il y a deux mois à peine ?

Les communes nouvelles avaient besoin de dispositifs financiers adaptés, en raison de leurs lourdes charges d'infrastructure lors de leur création. Il était déjà plus discutable, en 2013, d'appliquer cet avantage au potentiel fiscal agrégé, qui sert de base de calcul aux dotations et contributions du FPIC. C'était créer une inégalité de traitement entre les territoires, contraire à la péréquation horizontale. Le potentiel fiscal de ces territoires est largement supérieur à la moyenne nationale : 81 % pour les bases de la CFE, 65 % pour la CVAE, 205 % pour l'IFER, 469 % pour la dotation de compensation de la taxe professionnelle ! Comment justifier le maintien d'un dispositif dérogatoire, qui plus est aux dépens des autres collectivités de France ?

Les temps ont changé. La DGF qui augmentait de 3 % par an a été réduite de 11,5 millions d'euros ces quatre dernières années. Les neuf communautés d'agglomération qui bénéficiaient de cet avantage ont désormais intégré des intercommunalités plus vastes, qui obéissent à d'autres logiques.

Vous l'aurez compris, je voterai contre cette proposition de loi ; le groupe UDI-UC s'abstiendra à une large majorité. Au-delà de l'attachement à nos territoires, veillons à la cohérence et à la lisibilité de l'action publique. Le souci d'équité doit inlassablement guider nos décisions.

M. Jean Desessard .  - L'apparition de villes nouvelles était le résultat d'un grand projet national, leur statut dérogatoire se justifiait par un développement contraint et voulu par l'État. Il n'est pas illégitime, aujourd'hui, de normaliser leur situation. Leur spécificité sera prise en compte, non plus en fonction de leur histoire, mais de critères socio-économiques qu'elles partagent avec d'autres collectivités.

Cette proposition remédie, à titre conservatoire, aux conséquences indésirables d'un travail parlementaire sans doute trop rapide. L'Assemblée nationale a adopté sans débat ce fameux amendement au PLFR, déposé à la dernière minute. Notre rapporteur général à qui rien n'échappe, a noté qu'il n'était pas sans effets mais le Sénat l'a adopté conforme en commission comme en séance. Ce dysfonctionnement n'est pas le fait de tel ou tel parlementaire. Il est le symptôme de problèmes structurels, soulignés par notre collègue Gattolin, dans l'examen automnal des lois financières. Le PLFR est devenu une espèce de voiture-balai fiscale. Le Sénat, attaché à la qualité de la production législative, devrait conduire une réflexion approfondie à ce sujet.

À ce problème de procédure s'ajoute l'absence d'évaluation. Aucune simulation lors du vote ! Il y a de quoi s'interroger aujourd'hui encore : les seules simulations dont nous disposons ont été réalisées par des cabinets privés.

Le simple fait que nous n'ayons pas légiféré dans des conditions satisfaisantes justifie le vote conforme de ce texte. Une proposition de loi votée en deux semaines, un record sous la Ve République !

Le groupe écologiste, favorable à une extension progressive de cette dérogation, votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Dallier.  - Une fois n'est pas coutume, je suis sur la même ligne !

M. Vincent Éblé .  - Sur les sept communautés d'agglomérations bénéficiant de cette fiscalité dérogatoire, trois se situent dans le département que je représente, la Seine-et-Marne. Dans des conditions contestables, la LFR de 2016 a abrogé ex abrupto le régime institué par la loi Chevènement de 1999 pour compenser l'endettement extrêmement important de ces collectivités qui devaient construire massivement des logements sociaux, créer des équipements publics et des infrastructures. Cette suppression représenterait une perte considérable : 12 millions de pertes pour Saint-Quentin-en-Yvelines dès cette année.

Ces communautés d'agglomération sont de véritables pôles urbains, facteurs d'équilibre et de croissance. Le statut dérogatoire de ces villes nouvelles était indispensable pour ces territoires qui ne partaient de rien ; certains ont dû réaliser jusqu'à 15 000 logements par an durant les périodes les plus soutenues.

Certes, le potentiel fiscal de ces entités est élevé, mais leur dette l'est également d'autant que des dotations stagnantes, voire baissières, annulent les effets de cette richesse trompeuse. Oui, elles doivent sortir de cet état d'exception mais pas en payant la facture salée d'un aménagement voulu par l'État - qui délivre les permis de construire, dans le cadre des opérations d'intérêt national. Travaillons dès maintenant à une sortie en sifflet comme nous en avions prévu une, dans la loi Rocard de 1983, pour les ZAN et les territoires hors ZAN, en concertation avec les élus. Le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste)

M. Bernard Vera .  - Quelle remarquable célérité ! Le Sénat propose l'adoption conforme de ce texte quand d'autres propositions de loi n'ont toujours pas trouvé le chemin de l'ordre du jour... L'actualité récente nous rappelle l'urgence de la politique de la ville. Pourquoi, ne pas avoir fait preuve de la même rapidité pour le droit de vote des étrangers aux élections locales ?

La grande aventure des villes nouvelles, voulue et pensée par l'État, a transformé de petits villages, en région parisienne, en véritables villes dotées de routes, de voies ferrées, de gares, d'équipements publics et de programmes massifs de logements sociaux : ainsi d'Évry, de Melun-Sénart dans l'Essonne et de Cergy passé de 2 500 à 60 000 habitants ! Dans le Val d'Oise, depuis 1975, 40 % des nouveaux habitants s'installent dans ces villes nouvelles. La dissolution des SAN a entraîné une recomposition des territoires par-delà les limites des départements : la nouvelle communauté d'agglomération Grand Paris Sud Essonne-Sénart compte 330 000 habitants.

Les frontières urbaines ont évolué, le cadre des finances locales également : la taxe professionnelle a été réformée puis remplacée par la CET, dont une partie, la CFE, bénéficie aux communes et intercommunalités. Le développement économique des villes nouvelles a fait de ces territoires des contributeurs nets potentiels du FPIC. Avec la réforme de la carte intercommunale par les lois Maptam et NOTRe, la facture apparaît particulièrement salée : avec la suppression du potentiel fiscal minoré, Saint-Quentin contribuerait à hauteur de 3 à 15 millions d'euros. La charge de la péréquation horizontale, alors que le nombre d'EPCI à fiscalité propre diminue, est de plus en plus lourde. Pourquoi avantager les ex-SAN ? Des villes doivent-elles être pénalisées pour avoir su conserver leur industrie et une population à caractère populaire ? En définitive, ce texte pose la question de la péréquation : quand un fonds de 1 milliard d'euros pose problème, c'est sans doute qu'il faut y réintroduire de la verticalité. L'intérêt des populations au sens strict doit être notre seule motivation.

Le groupe CRC, très réservé sur cette proposition de loi, s'abstiendra.

M. Philippe Dallier .  - Cette proposition de loi a été déposée à l'Assemblée nationale il y a quinze petits jours et voici que nous sommes prêts à l'adopter conforme. Quelle célérité exceptionnelle ! Elle s'explique sans doute parce que le texte est porté par des parlementaires d'Île-de-France, mais surtout parce qu'il est cosigné par des députés de droite et de gauche. Nous ne pouvons pas l'écarter d'un revers de main. L'affaire est plus compliquée que le clivage traditionnel entre l'urbain et le rural, nous devons apporter des solutions à des collectivités dans l'urgence financière à cause d'un amendement, déposé à la dernière minute, adopté en séance de nuit et sans débat, à l'Assemblée nationale, et surtout, sans étude d'impact.

Les villes nouvelles ont été créées à marche forcée, sous l'effet d'une volonté de l'État qui, compte tenu des charges très lourdes qu'il leur imposait, a minoré leur potentiel fiscal. Les fusions d'EPCI en cours justifiaient des dispositions spécifiques pour éviter la dilution de l'avantage accordé aux anciens SAN. Pour autant, la suppression est brutale. Les élus sont inquiets, on comprend pourquoi : comment absorber une perte de recette de 10 % ? C'est ce que subira Quentin-en-Yvelines si nous n'adoptons pas ce texte ; ce sera 8,9 millions à l'horizon 2020 pour Marne-la-Vallée et 14,2 millions pour Grand Paris-Sud.

Une sortie en sifflet est préférable à ces baisses brutales ; c'est pourquoi la majorité du groupe Les Républicains soutient cette proposition de loi qui démontre l'importance, pour le Parlement, de se doter de ses propres outils de simulation. Notre commission des finances y travaille depuis longtemps, sans succès... Merci au rapporteur d'avoir demandé le vote conforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Claude Raynal .  - Je n'y comprends vraiment rien. Je lis partout que le travail parlementaire serait trop lent. Ici, deux semaines du dépôt à l'adoption. Quel talent ! Le fait que les territoires concernés soient principalement franciliens n'y est bien entendu pour rien...

Cette proposition de loi a pour objet de revenir sur un amendement voté en décembre dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2016. Cet amendement, à juste titre, limitait les dérogations fiscales et supprimait la pondération du potentiel fiscal pour le FPIC, aboutissant au transfert de 30 millions des SAN vers les autres collectivités. Il n'y a eu aucune simulation ? Mais il n'y en a pas eu davantage en 2016 lorsque cet avantage a été créé !

Le rapporteur de l'Assemblée nationale indique que cet amendement avait des effets importants pour les ex-SAN, mais il ne dit rien sur les effets des changements de périmètre sur le FPIC pour les autres collectivités territoriales. J'aurais donc toute raison de voter contre ce texte.

Néanmoins, je m'abstiendrai. La première raison est que la contribution de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines serait alourdie de 12 millions d'euros d'une année sur l'autre. La seconde est que le texte ne revient sur cet amendement que pour 2017 : à partir de 2018, tout nouvel avantage accordé aux ex-SAN devra faire l'objet d'un article en loi de finances. Une telle mesure, vous pouvez y compter, fera l'objet de mon attention sourcilleuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Alain Richard .  - La méthode a été légère, c'est le moins que l'on puisse dire. Les connaisseurs des finances locales savent que l'on ne doit pas prendre de telles dispositions sans réflexion.

Le rapporteur général du Sénat a dû se prononcer sur l'article alors qu'il n'en avait pas encore le texte écrit ! Il importe de changer nos manières de légiférer. J'étais au Conseil d'État dans la réforme de la taxe professionnelle : un article de 80 pages de Journal officiel la première année, avec 20 pages de rectifications l'année suivante.

J'étais stagiaire de l'ENA lorsque les SAN ont été créés. L'avantage fiscal était la contrepartie d'investissements considérables dus à une augmentation rapide de la population. La contribution est plafonnée alors que la population continue d'augmenter.

Cette proposition de loi est justifiée. Ses délais d'examen courts sont dus au fait que nous ne siégeons pas les mois prochains.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État .  - Nous sommes tous d'accord. Le cadre fiscal des collectivités territoriales doit être stable, et les dotations de péréquation solidaires.

Ce texte vise à revenir sur un dispositif créé en 2016 tout en garantissant la soutenabilité des finances de ces collectivités territoriales.

Il me semble que nous sommes tous d'accord sur la nécessité d'adopter en la matière une solution provisoire.

Mme Nicole Bricq.  - Très bien !

La discussion générale est close.

Discussion des articles

À la demande du groupe socialiste et républicain, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°100 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 275
Pour l'adoption 257
Contre 18

Le Sénat a adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Beaufils et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Rédiger ainsi cet article :

Le Gouvernement remet au Parlement avant le 30 septembre 2017 un rapport sur le niveau d'endettement des collectivités territoriales et l'alimentation du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales.

Ce rapport présente des simulations portant sur le maintien des dispositifs en vigueur, l'extinction progressive des régimes dérogatoires existants, la prise en compte de la réalité des charges pesant sur les collectivités et liées à la situation économique et sociale.

Ces simulations comprennent également une mesure des effets d'une péréquation fondée sur la distribution d'un nouveau produit fiscal.

M. Bernard Vera.  - Le FPIC est un instrument de péréquation horizontale créé après la suppression de la taxe professionnelle. Pour pallier une perte de ressources, les collectivités territoriales ont été sollicitées pour organiser elles-mêmes la solidarité et partager les ressources. Les territoires sont ainsi mis en opposition les uns aux autres. On ne peut faire comme si la situation des villes nouvelles était déconnectée de celle de l'ensemble des collectivités.

Aucune péréquation horizontale n'est suffisante. La péréquation doit être avant tout verticale.

M. Charles Guené, rapporteur.  - Je comprends l'esprit de cet amendement qui pose quelques grands principes... pour une réforme complète des finances locales à laquelle je serais volontiers favorable. Mais je ne vois pas, quel que soit le résultat des élections, comment une telle réforme pourrait aboutir avant le 30 septembre. Et vous disposez déjà du rapport que j'ai rédigé avec Claude Raynal.

Avis défavorable.

Mme Estelle Grelier, secrétaire d'État.  - Le FPIC garantit une péréquation entre communes aisées et moins riches : il représentait 150 millions d'euros en 2012, 1 milliard d'euros en 2017. Vous souhaitez un rapport d'évaluation sur ses effets : le Gouvernement en présente déjà un à l'occasion du PLF. Il montre la soutenabilité de l'effort pour les contributeurs et l'effet de la péréquation pour les bénéficiaires. Avis défavorable.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté.

Intervention sur l'ensemble

Mme Nicole Bricq .  - Cette solution est provisoire. Il faudra trouver une sortie en sifflet. Les élus qui ne sont pas d'Île-de-France ont souvent l'impression que tout est fait pour notre région. C'est oublier la redistribution par l'impôt sur le revenu et la TVA.

La moitié des communes de Seine-et-Marne ont été classées en zones sinistrées après les inondations de juin. Elles ont été indemnisées par le mécanisme de la DETR, ce qui signifie que certaines communes ont été avantagées et que d'autres ont contribué par solidarité. C'est la logique de la péréquation.

Le FPIC est né ici, au Sénat, chambre des collectivités territoriales, dans la douleur. L'Île-de-France a été la première région à mettre en oeuvre un mécanisme de solidarité.

Les avantages dont on parle visent à dédommager les communes qui ont accueilli de nouvelles populations venant du sud de la Loire. À cet exode rural, il faut ajouter le fait que beaucoup ont été chassés de Paris par la hausse des prix de l'immobilier. Il est normal de soutenir ces collectivités territoriales.

À la demande du groupe socialiste et républicain, la proposition de loi est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°101 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 275
Pour l'adoption 257
Contre   18

Le Sénat a adopté.

Sécurité publique (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la sécurité publique.

M. François Grosdidier, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La commission mixte paritaire a abouti. J'en suis heureux. C'était prévisible car le climat d'examen a toujours été excellent, tant avec le Gouvernement qu'avec l'Assemblée nationale.

La plupart des avancées du Sénat ont été retenues, celles de l'Assemblée nationale aussi. Les divergences sur l'extension aux polices municipales du cadre d'usage du port d'armes, sur le champ du droit à l'anonymat et sur l'intervention des agents de l'administration pénitentiaire aux alentours immédiats des prisons, ont été levées.

À l'article premier, les préoccupations du Sénat sur le troisième et le quatrième alinéas - il s'agit d'arrêter après sommation quelqu'un qui s'enfuit - ont été entendues. Il était impossible de prouver l'imminence d'une atteinte à la vie d'autrui. La rédaction retenue pour la prévention de ces atteintes est la meilleure.

Il fallait aussi doter l'administration pénitentiaire des moyens d'assurer ses nouvelles missions à l'extérieur de l'enceinte, comme le transfèrement.

Le code de sécurité intérieure a été enrichi afin que les policiers municipaux puissent s'en prévaloir, notamment pour l'interruption d'un périple meurtrier. Quant à l'inclusion de la police municipale dans une véritable boucle d'information, nous pourrons aller plus loin dès que la chose sera techniquement possible.

L'anonymat des enquêteurs sera garanti pour des délits punis d'un quantum de peine supérieure à trois ans et sinon à cause de circonstances particulières liées à la personnalité de l'individu ou à des menaces.

Le licenciement du salarié, dont le comportement est incompatible avec ses fonctions, sera possible, ce qui évite de pénaliser les entreprises de sécurité privée.

Sur la surveillance privée, la CMP a retenu la rédaction du Sénat, comblant un vide juridique depuis 1983. Nous avons étendu une disposition aux agents embarqués sur des navires.

Je regrette toutefois que la notion d'emprise foncière ait prévalu pour l'administration pénitentiaire.

Il est bon que la CMP ait refusé de ratifier par un amendement une ordonnance de trente pages qui aurait mérité un examen approfondi par la commission des finances.

Nous avons aussi adopté des articles additionnels de l'Assemblée nationale sur la mutualisation des polices municipales, sur l'accès des parties aux dossiers à l'instruction dans certains cas, sur l'ordonnance de 1945 sur l'enfance délinquante.

Nous avons aussi précisé le délit de consultation habituelle de sites terroristes : il ne doit être constitué que s'il y a manifestation d'adhésion aux thèses terroristes. (Applaudissements)

M. Bruno Le Roux, ministre de l'intérieur .  - Je salue l'esprit de compromis qui a prévalu en CMP. Le texte a été adopté à une large majorité dans les deux Assemblées. Ce n'est pas étonnant vu la qualité du débat qui a précédé. Merci aux rapporteurs.

L'équilibre du texte a été préservé, dans la continuité de ceux qui ont été votés ces dernières années pour renforcer les moyens humains et juridiques de nos forces de sécurité. Nul doute qu'il faudra sans cesse y revenir, toujours dans un esprit républicain. Les violences à l'égard des forces de l'ordre ont franchi un palier que nul ne saurait contester. Il fallait agir.

Tous les engagements en faveur des forces de l'ordre, tant humains et juridiques que pour le matériel, seront tenus dans le cadre du plan pour la sécurité publique. Je parle de 250 millions pour le matériel, de ce texte-ci pour l'aspect juridique. Je dévoilerai très bientôt de nouvelles mesures pour marquer aux forces de l'ordre notre reconnaissance pour la qualité du travail qu'elles accomplissent dans des conditions difficiles. Ces mesures seront d'application immédiate.

À Aulnay-sous-Bois, des actes d'une exceptionnelle gravité ont été commis sur un jeune homme. J'ai suspendu les policiers concernés. Justice a été saisie et il lui appartiendra d'établir les conditions dans lesquelles ces actes inacceptables ont été commis et de les qualifier juridiquement. Je rappelle le devoir d'exemplarité des policiers. Tout écart doit être sanctionné. Toutefois attention à ne pas faire d'amalgame ; ne jetons pas l'opprobre sur les 250 000 policiers et gendarmes qui font leur travail, dans le respect de l'État de droit, dans des circonstances éprouvantes, parfois au péril de leur vie. Les violences urbaines qui sont intervenues sont intolérables. J'ai demandé la fermeté pour interpeller les auteurs. Laissons la justice se prononcer dans la sérénité. La violence ne l'aide en rien.

Équilibré, c'est le mot définissant ce texte qui repose sur plusieurs axes. D'abord la modernisation et l'uniformisation du cadre d'usage des armes, y compris aux polices municipales - c'est une bonne chose. Le renforcement des peines pour outrage et atteinte aux dépositaires de l'autorité publique, ensuite. L'adaptation de notre cadre juridique en matière de lutte contre le terrorisme - sans cesse nous devons y revenir et l'évaluer. L'évolution des missions de l'administration pénitentiaire et enfin la complémentarité accrue entre les forces de sécurité intérieure.

Le Gouvernement réitère sa confiance dans l'action des polices municipales qui concourent à l'objectif de sécurité. Il n'est pas certain qu'un autre Gouvernement aurait une autre approche !

En dépit de nos différences, nous avons su nous retrouver autour d'une définition commune du socle de sécurité. Je m'en félicite. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que sur celui de la commission)

M. Yves Détraigne .  - Nos forces de sécurité sont particulièrement exposées. Certains ont perdu la vie, comme ce couple de policiers à Magnanville, le 13 juin 2016, ou cette policière municipale, Clarissa Jean-Philippe, tuée à Montrouge par Amédy Coulibaly le 7 janvier 2015.

Face à cette menace terroriste, le cadre d'usage des armes devait être revu, sans toutefois sacrifier toute règle, et dans le respect des principes fondamentaux de la Constitution.

La réflexion sur le sujet a été marquée par deux rapports, celui de M. Guyomar en juillet 2012 et surtout celui de Mme Cazaux-Charles en novembre 2016. Leur analyse est convergente pour regretter l'absence d'uniformisation du régime d'usage des armes et l'absence d'un cadre commun aux policiers et aux gendarmes.

Dans le feu de l'action, ceux-ci doivent décider en quelques instants. Il fallait préciser le cadre de leur action. Les régimes d'usage des armes sont très hétérogènes. Alors que les policiers s'inscrivent dans le cadre de la légitime défense, les gendarmes peuvent, grâce à des dispositions de 1903 héritées du XIXe siècle, utiliser leur arme de manière plus large.

L'an dernier, les dispositions sur le périple meurtrier ont accru les facultés d'usage des armes des policiers. Le texte va plus loin et apporte une uniformisation, dans le respect de la jurisprudence. C'est bienvenu.

L'article 10 ter, passé inaperçu, relance l'expérimentation sur la protection électronique des victimes de violences conjugales.

Je vous ai écrit, monsieur le ministre, ainsi qu'à Mme Rossignol, à ce sujet, sans obtenir de réponse.

J'espère que cette expérimentation, dont le périmètre n'a pas changé depuis 2010, sera cette fois-ci réellement mise en oeuvre sur le terrain, car le système proposé répond à la demande des victimes : empêcher leurs agresseurs de s'approcher d'elles. D'autres pays l'ont adopté avec succès.

Notre groupe se réjouit que la CMP ait confirmé la réduction du nombre d'assesseurs en cour d'assises spéciale.

L'opportunité de réprimer la consultation régulière de sites djihadistes ne fait pas de doutes à nos yeux. Je me félicite que la CMP ait réintroduit cette disposition, censurée par le Conseil constitutionnel.

Mme Catherine Troendlé.  - Très bien !

M. Yves Détraigne.  - Le dispositif voté en CMP répond aux objections du Conseil. Vous l'aurez compris, le groupe UDI-UC votera ce texte, indispensable pour protéger les agents en charge de notre sécurité dans un contexte de plus en plus périlleux. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Esther Benbassa .  - L'examen de ce texte, réponse législative du Gouvernement à la mobilisation policière qui a fait suite aux évènements de Viry-Châtillon, intervient dans un contexte particulier. Il y a quinze jours, Théo, 22 ans, a été victime, à Aulnay-sous-Bois, d'insultes racistes, de coups et, selon lui, d'un viol lors d'une opération de contrôle ; à la clé, 60 jours d'incapacité totale de travail.

Cette affaire ne doit pas nous conduire à jeter l'opprobre sur une profession elle-même en butte à des attaques souvent violentes. Toutefois, ses répercussions nous interpellent : avons-nous fait ce qu'il faut pour protéger nos concitoyens des violences policières et restaurer la confiance entre la population et la police ? Notre responsabilité collective est engagée.

Les attentats, le tout-sécuritaire ont rendu tabou toute évocation des défaillances des forces de l'ordre. Ne pouvons-nous plaider pour le récépissé aux contrôles d'identité, pour une vraie police de proximité, pour une transparence accrue concernant l'usage des armes, sans être taxés de défiance vis-à-vis des forces de l'ordre ?

Éric Ciotti, connu pour sa mesure...

M. Roger Karoutchi.  - Pour sa modération. (Sourires)

Mme Esther Benbassa.  - ... a demandé l'interdiction des manifestations contre les violences policières. L'ONG ACAT France, dans un rapport intitulé L'ordre et la force, analyse 89 cas d'utilisation excessive de la force par la police et la gendarmerie : l'association préconise un encadrement de l'usage du flash-ball et du Taser et souligne l'impunité des forces de l'ordre : seuls six de ces cas ont débouché sur des condamnations.

Difficulté à déposer plainte, disparition de preuves, déclarations mensongères des forces de l'ordre, menace de condamnation pour outrage et rébellion : obtenir justice est un parcours du combattant. Et quand les agents sont condamnés, les sanctions sont faibles... Beaucoup reste à faire pour endiguer la violence de part et d'autre et rétablir la confiance. Ce texte n'y contribue pas, pas plus qu'il ne garantira la protection des forces de sécurité et des citoyens. Par conséquent, la majorité du groupe écologiste s'y opposera.

M. René Vandierendonck .  - Mon premier mot sera pour témoigner, monsieur le ministre, que vous avez constamment recherché le consensus républicain dans l'examen de ce texte, alors même que survenaient de graves événements à Viry-Châtillon, au Carrousel du Louvre et à Aulnay.

La loi est la même pour tous, rappelle la Déclaration des droits de l'Homme. Cela vaut pour les policiers comme pour les hommes politiques, qui doivent être exemplaires.

Je salue aussi l'oeuvre des rapporteurs en faveur de ce consensus. L'évolution du régime d'usage des armes était nécessaire et très attendue par les forces de police, très sollicitées et exposées à des risques croissants. Le projet de loi répond à une demande légitime de protection.

Cette évolution, ainsi que la protection de l'identité des enquêteurs prend tout son sens dans le cadre de l'augmentation continue des moyens matériels et humains des forces de sécurité. Le Gouvernement a ainsi annoncé le 26 octobre dernier 250 millions d'euros supplémentaires.

Les organisations syndicales de policiers et de magistrats que nous avons reçues avec Jacques Bigot ont souligné l'équilibre des dispositions issues du débat parlementaire. Je salue au passage la qualité de l'étude d'impact.

L'article premier sur l'usage des armes me paraît équilibré et conforme aux attentes des policiers ; le Conseil d'État a considéré que le rapprochement des conditions d'intervention des différentes forces de sécurité justifiait cet alignement du cadre d'usage. Il présente toutes les garanties exigées par la Cour européenne des droits de l'homme et la Cour de cassation puisqu'il reprend le principe d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité.

Une fois le texte voté, il conviendra d'insister sur la qualité de la formation des agents, et notamment sur la bonne compréhension du cadre juridique de l'usage des armes.

Notre groupe est favorable à l'extension du régime de légitime défense aux policiers municipaux. C'est reconnaître leur rôle. La mission d'information menée par François Pillet en 2012 avait souligné la diversité des contextes : la doctrine d'emploi étant arrêtée par le maire, elle ne peut être uniforme. L'armement se justifie quand la police municipale intervient ponctuellement à titre supplétif des forces de police et de gendarmerie, dans le cadre d'une convention de coordination et d'une autorité fonctionnelle unique.

Des policiers municipaux m'ont demandé pourquoi ils ne pouvaient procéder à des palpations de sécurité, contrairement aux agents de sécurité privée. Un amendement du groupe socialiste leur ouvre cette possibilité.

Avec l'aval du Gouvernement, l'Assemblée nationale a en outre adopté un amendement de Francis Vercamer qui facilite la mutualisation de polices municipales dans le cadre intercommunal - ce sera précieux pour les petites communes.

Plus important et plus consensuel que le récépissé, un décret de décembre organise l'expérimentation de caméras individuelles par les policiers municipaux en intervention ; cela va dans le bon sens.

Sur la protection de l'anonymat des enquêteurs, le compromis trouvé en commission mixte paritaire est bon. Il concilie respect des droits de la défense, protection de l'enquêteur et simplicité de la procédure.

L'Assemblée nationale a apporté plusieurs ajustements à la loi de 1955 sur l'état d'urgence, notamment sur les modalités de l'assignation à résidence.

Sur proposition du président Bas, la CMP a rétabli le délit de consultation habituelle de sites faisant l'apologie du terrorisme, censuré de manière péremptoire le 10 février par le Conseil constitutionnel dans le cadre d'une question prioritaire de constitutionnalité, en définissant l'infraction et en l'assortissant d'une condition de manifestation d'adhésion à l'idéologie ainsi que d'une définition précise des conditions légitimes de consultation. L'opinion n'aurait pas compris que nous ne rétablissions pas cette mesure.

Enfin, le volontariat militaire d'insertion a été consolidé ; les premiers retours sont très positifs avec des taux d'insertion en sortie de formation de 75 %.

Mme Catherine Troendlé.  - Excellent dispositif.

M. René Vandierendonck.  - Le groupe socialiste et républicain, vous l'avez compris, votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et UDI-UC)

Mme Éliane Assassi .  - L'examen expéditif de ce projet de loi dicté par la grogne policière, dans un contexte pré-électoral et de menace terroriste, nous laisse songeurs.

Désormais, les policiers pourront ouvrir le feu dans cinq situations jusque-là réservées aux gendarmes.

La ligue des droits de l'homme et d'autres associations ont pointé le risque d'augmentation des bavures. Le syndicat de la magistrature craint que les forces de l'ordre ne se pensent dotées d'un véritable permis de tuer.

Le défenseur des droits et la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) s'inquiètent eux-aussi de ce projet de loi. L'association des « Policiers en colère », créée après les violences de Viry-Châtillon, dénonce quant à elle une fausse bonne mesure pour répondre au malaise policier. En effet, les principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité, posés par la jurisprudence, continueront à s'appliquer.

L'anonymisation des enquêteurs remet en question le respect du contradictoire et l'exercice des droits de la défense. Pour la ligue des droits de l'homme, le principe d'une police anonyme, corps étranger à la Nation, n'est pas acceptable en démocratie.

Notre groupe reste opposé au renforcement des prérogatives de la police municipale en matière de sécurité publique : elle n'est pas placée sous la même autorité, n'a pas les mêmes missions que les policiers et gendarmes, et n'a pas de corps d'inspection.

Enfin, fait inédit, une disposition censurée par le Conseil constitutionnel a été immédiatement réintroduite. Le délit en question nous parait dangereux pour le respect des droits fondamentaux, à commencer par la liberté d'information.

Les faits d'Aulnay-sous-Bois montrent l'urgence de restaurer une police de proximité soucieuse du vivre-ensemble, et de mettre en place le récépissé comme garde-fou contre les dérives policières. Avec ce texte comme avec les autres, le Gouvernement n'aura fait que promouvoir la politique bien peu progressiste du tout-sécuritaire. Nous voterons contre. Le consensus ne saurait se réduire à un accord entre le parti socialiste et la droite ! (Applaudissements sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et écologiste)

M. Bernard Vera.  - Très bien.

Mme Mireille Jouve .  - Les 270 000 agents qui constituent nos forces de l'ordre sont, depuis 2015, exposés à des risques croissants. Améliorer leurs conditions de travail et réduire leur vulnérabilité, tel est l'esprit de ce projet de loi.

Cette finalité est justifiée, mais le contenu du projet de loi, qui plus est examiné selon la procédure accélérée, nous laisse circonspects.

Le drame de Magnanville illustre la nécessité de protéger les agents hors service et leur famille. La possibilité de recourir à l'anonymat dans les procédures judiciaires et administratives est bienvenue.

En revanche, l'augmentation du quantum de peine pour outrage et rébellion n'est pas de nature à apaiser les tensions entre la population et les forces de l'ordre. Pour lutter contre les perceptions infondées, il faut d'abord restaurer la confiance.

Notre groupe n'est pas plus convaincu par la réforme du régime d'utilisation des armes. Elle ne lèvera pas l'impression diffuse d'insécurité juridique qui dissuade les agents d'user de leurs armes.

Le régime de responsabilité n'est pas réellement modifié et la jurisprudence de la CEDH et de la Cour de cassation continuera de s'appliquer. D'autres solutions auraient pu être envisagées, pour une utilisation plus sereine des armes : renforcement des moyens pour la formation au maniement des armes ou spécialisation de certaines brigades, sur le modèle britannique. À quand une réforme du régime de responsabilité pour les dommages causés ?

Dans sa très grande majorité, le groupe RDSE s'abstiendra.

La discussion générale est close.

M. le président.  - En application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Le projet de loi est définitivement adopté.

M. Bruno Le Roux, ministre.  - Je remercie les sénateurs et sénatrices. Il y a, sinon un consensus, un très large partage des enjeux : merci à tous ceux qui y ont pris leur part, par le soutien ou par le débat !

Mme Éliane Assassi.  - Très bien.

La séance est suspendue à 13 h 5.

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 45.

Demande de modification à l'ordre du jour

Mme la présidente.  - Par lettre en date de ce jour, M. Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains, a demandé le retrait de l'ordre du jour du jeudi 23 février 2017 de la proposition de loi permettant un exercice territorialisé de compétences au sein des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre de cinquante communes au moins.

L'ordre du jour est réglé en conséquence.

Ratification d'ordonnances relatives à la Corse (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la nouvelle lecture du projet de loi ratifiant les ordonnances n°2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n°2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n°2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse.

Discussion générale

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Le 26 janvier dernier, vous avez rejeté ce projet de loi de ratification lors d'une séance sur laquelle je préfère ne pas revenir.

M. Jean Desessard.  - Dommage !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - L'intérêt des Corses n'a pas été, me semble-t-il, au coeur des préoccupations... Après que l'Assemblée nationale eût pour sa part adopté le texte le 9 février, la commission mixte paritaire, réunie lundi dernier, n'a pu que constater l'ampleur des désaccords. Hier, les députés ont confirmé leur vote en nouvelle lecture. J'ose encore espérer, même si l'espoir s'amenuise (Mme Isabelle Debré sourit), vous convaincre d'adopter à votre tour ce beau projet de loi utile et nécessaire pour la Corse.

Les ordonnances ne font que mettre en oeuvre la création de la collectivité unique de Corse prévue par l'article 30 de la loi NOTRe, et dont l'Assemblée de Corse avait approuvé le principe à une large majorité, toutes tendances politiques confondues, dès le 12 décembre 2014.

M. Philippe Kaltenbach.  - À 80 % !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Elles ont été préparées avec l'ensemble des élus concernés et intègrent la quasi-totalité des modifications souhaitées par les députés et sénateurs corses. Les précisions rédactionnelles, adoptées par votre commission des lois en première lecture, ont été reprises par l'Assemblée nationale. L'institution d'une chambre des territoires située à Bastia est un gage de coordination de l'action publique et de solidarité financière entre la collectivité de Corse, les intercommunalités et les communes. Les garanties au sujet de l'emploi et du statut du personnel ont également été renforcées, et je rends hommage aux présidents des trois collectivités d'avoir rassuré les agents par une déclaration commune. Rassurez-les donc tout à fait en votant ce projet de loi...

Je ne comprends pas comment on peut être favorable au principe de la collectivité unique et refuser ces ordonnances. On me dit que la collectivité créée n'est pas celle que l'on souhaitait. L'argument ne vaut pas : l'article 30 de la loi NOTRe entre déjà dans le détail, et vous l'avez voté ! Ces ordonnances en constituent seulement la déclinaison. Si vous rejetez aujourd'hui ce que vous approuviez hier, pourquoi ne pas le dire clairement ? Il est vrai que les élus corses auront du mal à expliquer à leurs électeurs qu'ils ont sacrifié l'intérêt de leur île à des intérêts électoraux...

Le Gouvernement, pour sa part, n'entrera pas dans le débat politicien. Il est au travail jusqu'au dernier jour et prend ses responsabilités. Il est indispensable de ratifier ces ordonnances pour que la collectivité unique puisse voir le jour, renforçant l'efficacité de la gouvernance de l'île et la qualité des services publics à moindre coût. Je vous demande donc de voter ce projet de loi, afin que les élus corses puissent assurer l'avenir de l'île et de son peuple. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois .  - En créant la collectivité unique de Corse, la loi NOTRe a renoué avec la tradition : pendant 165 ans, la Corse n'a compté qu'une seule collectivité territoriale, le département. Dès 1811, en effet, avaient été réunis les deux départements créés en 1790. Puis, en 1970, vit le jour la région, ce qui conduisit quelques années plus tard à recréer deux départements.

Cette réforme a un air de famille avec celle que j'avais contribué à préparer en 2003, mais qui fut repoussée par un référendum consultatif à quelques milliers de voix près et rangée dans les tiroirs.

Il nous est aujourd'hui proposé de clore un processus entamé en 1981 avec le transfert massif de compétences départementales à la région, poursuivi lors de la création de la collectivité territoriale de Corse puis de la loi Jospin de 2002, si bien qu'il ne reste plus grand-chose des compétences des départements corses.

En première lecture, la commission des lois avait adopté le texte en n'y apportant que quelques modifications de pure forme, jointes à un amendement de la commission des finances. Par un miracle du scrutin public sénatorial, il fut ensuite rejeté en séance publique. J'ai toujours été contre le scrutin public, et ce n'est pas parce qu'il s'agit de la Corse qu'il faut laisser décider les absents !

Après l'adoption du projet de loi par les députés, la CMP est rapidement parvenue à un constat d'échec. Votre commission des lois réunie ce matin a cependant approuvé le texte à l'unanimité, et j'espère qu'elle sera cette fois-ci suivie par le Sénat. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Jean Desessard .  - Comme l'ensemble des parlementaires, je constate que le Gouvernement a parfaitement l'habilitation qui lui était donnée par l'article 30 de la loi NOTRe, quant à l'objet et aux délais des ordonnances. Garantir la neutralité budgétaire, comptable et financière de la réforme, maintenir les conditions d'emploi et le statut du personnel, assurer la continuité de l'action publique après le 1er janvier 2018, tels étaient les objectifs poursuivis.

Ces ordonnances parachèvent le processus de Matignon, engagé il y a vingt ans par le Gouvernement Jospin. La loi du 22 janvier 2002 était, en effet, restée au milieu du gué, et la création d'une collectivité unique fut rejetée en 2003 par un référendum consultatif à l'issue très serrée. Sept ans plus tard, l'assemblée de Corse relançait le projet, avant d'adopter le 12 décembre 2014 une délibération en ce sens. Elle a trouvé sa concrétisation dans la loi NOTRe de 2015, puis dans les ordonnances dont nous débattons, lesquelles ont fait l'objet de mois de concertation et ont été avalisées par une délibération de l'Assemblée de Corse du 7 septembre 2016.

C'est donc un travail de longue haleine, mené à l'initiative des élus de l'île et en association avec le Parlement, qu'il nous est demandé d'approuver. Le groupe écologiste votera pour. (Applaudissements sur les bancs des groupes écologiste, RDSE et socialiste et républicain ; Mme Isabelle Debré applaudit également)

M. Philippe Kaltenbach .  - L'échec de la CMP était prévisible, les positions de l'Assemblée nationale et du Sénat étant pour le moins antagonistes. J'espère que les opposants du 26 janvier auront changé d'avis...

Ce projet de loi achève un processus de simplification des structures institutionnelles corses tout en tenant compte des spécificités de l'île. Le texte est le fruit d'une concertation transpartisane : 80 % des élus corses ont approuvé la création d'une collectivité unique, sans juger nécessaire une consultation de la population. Voilà pour répondre à ceux qui réclament la tenue d'un référendum.

Il y a plus de dix ans que l'on parle de cette collectivité unique. Statuts Defferre en 1982, Joxe en 1991, Vaillant en 2002, il est temps d'aboutir, pour adapter les structures institutionnelles aux spécificités de la Corse : l'insularité, mais aussi une forte identité culturelle. Cette réforme s'inscrit parfaitement dans le mouvement de décentralisation et de rationalisation administrative, qui vise à rapprocher la décision de la population, à réduire les coûts et à promouvoir une gouvernance plus solidaire, qui réponde aux attentes des habitants et résorbe les déséquilibres territoriaux.

Alors que nous étions d'accord en 2015, la majorité sénatoriale a changé de pied et voté contre ce projet de loi en première lecture.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Incompréhensible !

M. Jean Desessard.  - S'agissait-il d'hologrammes ? (Sourires)

M. Philippe Kaltenbach.  -  « Le Sénat ne peut qu'être favorable à la fusion de deux départements avec une région pour en faire une collectivité unique », disait le rapporteur Jean-Jacques Hyest en 2015... Il est évident que la Corse est sur-administrée avec plus de 300 communes, deux départements, une région, sans compter les multiples syndicats et agences.

Les évolutions statutaires de la Corse ont aussi aidé à réintégrer dans le débat démocratique des mouvements indépendantistes et autonomistes qui avaient versé dans la violence politique, on ne saurait l'oublier.

Le groupe CRC reste fidèle à sa position jacobine, c'est compréhensible. Cependant, qu'il s'agisse de l'outre-mer ou de la Corse, on peut être attaché à la République tout en acceptant de voir les institutions évoluer pour s'adapter aux réalités locales.

Il est dommage d'opposer à ce projet mûri pendant plus de dix ans des arguments politiciens ou des calculs boutiquiers. C'est mal servir l'intérêt de la Corse et des Corses.

Soyons raisonnables. Dégageons la voie pour que cette collectivité unique devienne réalité. L'Assemblée nationale bien sûr, qui aura le dernier mot, s'en chargera. Le Sénat s'honorerait cependant à tenir les engagements pris dans la loi NOTRe et à achever une simplification administrative qui pourrait nous inspirer en Île-de-France.

Le groupe socialiste et républicain votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

M. Christian Favier .  - Le 26 janvier, j'ai eu l'occasion d'expliquer notre opposition à ce projet. Loin des clichés, la Corse n'est pas un territoire favorisé. Le revenu par habitant est le plus faible du pays ; un Corse sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, et les inégalités progressent. Alors que l'on accorde 194 millions d'euros de réfaction de TVA aux leaders de la distribution, les produits alimentaires sont 9 % plus chers que sur le continent. Un sous-investissement chronique conduit à un quasi-monopole dans le secteur du tourisme, où l'emploi se précarise et où les saisonniers sont payés 15 % de moins que dans le reste du pays. L'État a liquidé la SNCM, fleuron de l'économie corse. Le sous-investissement touche aussi le secteur énergétique, puisque 87 % de la consommation d'énergie en Corse est issue d'approvisionnements extérieurs et qu'un tiers de l'électricité est importée d'Italie. Sous-investissement numérique enfin : seuls 23 % des foyers ont accès au très haut débit contre 50 % dans l'Hexagone.

En trente ans, on ne compte plus les réformes institutionnelles, sans que jamais l'on s'intéresse au développement économique et à la situation sociale.

La disparition des départements nous fait craindre le pire : qui assurera la solidarité sur le territoire, qui s'occupera des personnes âgées, handicapées, des enfants en danger ?

La concentration des pouvoirs et le recul du contrôle citoyen favoriseront l'affairisme, déjà bien présents. Nous n'acceptons pas ce glissement vers l'Europe des régions au détriment des nations, cette mise en concurrence des territoires qui appauvrira les Corses, voués à être dévorés comme les Grecs par les directives bruxelloises. Seuls les oligarques peuvent se réjouir.

Est-il d'ailleurs admissible de procéder à une telle réforme dans le dos de la population, en faisant l'impasse sur le référendum ? Quelle défiance à l'égard des citoyens corses ! Ce n'est pas en catimini, dans un hémicycle presque désert à quelques jours de la fin de la session, que nous pouvons prendre une telle décision. Le groupe communiste républicain et citoyen, lui, n'a pas peur de la démocratie, et il confirmera son vote négatif.

M. Joseph Castelli .  - Ces ordonnances doivent être ratifiées avant la fin de la session pour que la collectivité unique soit installée dans les meilleures conditions et dans les délais impartis. Plus de 80 % des élus corses, gauche, droite et nationalistes, l'avaient appelée de leurs voeux dès 2014.

Très concrètement, il reste peu de temps pour qu'elle soit opérationnelle au 1er janvier 2018.

La déspécialisation du reliquat de l'enveloppe de dotation de continuité territoriale normalement dévolu aux ports, aux aéroports et aux routes dégagera des marges de manoeuvre pour lutter contre la désertification des territoires de l'intérieur et de montagne en Corse.

Rien n'est figé, il sera toujours possible de voter bientôt une loi spécifique à la Corse, qui précise par exemple l'articulation entre les intercommunalités et la collectivité unique. Mais la collectivité unique est en passe de devenir réalité, et ces ordonnances sont nécessaires à sa mise en oeuvre. Le groupe RDSE votera à l'unanimité ce projet de loi, qui aidera la Corse à relever les défis qui sont devant elle. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et écologiste, ainsi que sur le banc de la commission)

M. Jean-Jacques Panunzi .  - (Mme Isabelle Debré applaudit) Vous connaissez notre position depuis le 26 janvier. Ces ordonnances ne nous conviennent pas. En disant cela, je ne remets pas en cause le principe d'une collectivité unique. Mais ces ordonnances imposent un centralisme qui met à mal les équilibres locaux et ne règlent pas les problèmes institutionnels, administratifs et financiers qui se présentent à la Corse.

Je regrette que l'idée d'une loi spécifique, que nous avions proposée avec d'autres parlementaires, n'ait pas été préférée à ces ordonnances contraintes et étriquées.

Monsieur le ministre, vous êtes un homme de terrain, un homme de bon sens. La chambre des territoires, vous le savez, n'aura ni pouvoir, ni représentativité.

En novembre, monsieur le ministre, vous nous informiez de la désaffectation partielle du reliquat de l'enveloppe de la dotation de continuité territoriale, qui pourrait financer - outre les ports et aéroports - des infrastructures routières et ferroviaires. Pourquoi donc l'étendre aujourd'hui aux politiques en faveur des territoires de montagne et de l'intérieur, alors même qu'une étude indique que la remise à niveau de nos ports et aéroports coûterait plus de 200 millions d'euros ? On ne pourra pas tout faire. Ce reliquat est d'ailleurs très volatile et lié aux cours du pétrole.

Je ne suis pas aussi optimiste que nos collègues de l'Assemblée nationale, qui parlent d'une avancée historique. Je crains plutôt un recul. Cette réforme ne correspond pas à ce que souhaitent les Corses. Ils sont déterminés, vous le savez, et quelle que soit la majorité présidentielle qui sortira des élections, vous me reverrez pour parler d'une grande loi spécifique à la Corse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

M. Jean-Michel Baylet, ministre de l'aménagement du territoire, de la ruralité et des collectivités territoriales .  - Sans emphase, c'est un événement historique : fusionner trois collectivités, cela ne s'est jamais fait ! Merci à M. le rapporteur pour son implication sur ce sujet qu'il connaît ô combien.

Merci au groupe écologiste de son soutien, qui ne m'étonne pas, de la part d'une formation politique qui défend le renforcement des pouvoirs locaux, la décentralisation et la rationalisation des structures.

Merci aussi au groupe socialiste et républicain et à M. Kaltenbach d'avoir rappelé que la crédibilité du législateur, dont j'ai longtemps exercé les fonctions, lui impose d'être cohérent.

Monsieur Favier, vos convictions sont fortes ; mais cette position n'est pas celle que défendait le groupe CRC en 2015. Vous voulez un référendum ? Il a eu lieu il y a déjà longtemps. Je suis, moi, un ardent partisan de la démocratie représentative, et je sais que les électeurs ne répondent jamais à la question posée. L'arme est à manier avec prudence même si la démocratie participative est à la mode.

M. Castelli l'a dit : la décision de créer une collectivité unique a été prise de manière transparente, non pour faire plaisir aux nationalistes mais à l'initiative de la majorité précédente à l'Assemblée de Corse. Dans une île de 300 000 habitants, il faut un pouvoir régional fort.

Monsieur Panunzi, je sais que vous ne remettez pas en cause le principe de la collectivité unique. Mais il est trop facile, dans l'opposition, de dire : « d'accord, mais pas comme ça ». Vient un moment où il faut trancher !

Je ne suis pas hostile à une loi spécifique à la Corse. Seulement, comment aurais-je pu en préparer une en quelques mois, alors même que certaines évolutions proposées par les élus corses exigeraient une révision constitutionnelle ? Chaque chose en son temps ! La politique est l'art du possible...

Peut-être fallait-il une chambre des territoires dotée de pouvoirs plus larges. Je rappelle cependant qu'elle n'existait pas dans la première version du texte. J'ai confiance dans les élus corses : ils se saisiront du pouvoir qu'on leur donne et de la meilleure façon qui soit.

Je m'étais engagé à ouvrir l'affectation de la dotation de continuité territoriale, et j'ai l'habitude de tenir mes promesses. Lors des premières discussions, la Corse n'avait pas encore été reconnue comme « île montagne », et il n'était pas acquis que l'excédent de dotation de continuité territoriale resterait à la Corse. J'ai plaidé pour que ce soit le cas, et j'ai eu gain de cause. Sachant les difficultés des massifs corses, il m'a paru légitime que ce reliquat puisse être employé à financer des politiques en faveur des territoires de l'intérieur et de montagne. Je n'avais aucune raison de m'opposer à cette demande des élus corses. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE et écologiste)

L'article premier est adopté, ainsi que les articles 2, 3 et 4.

Interventions sur l'ensemble

Mme la présidente.  - Je suis saisie, par le groupe Les Républicains, d'une demande de scrutin public sur l'ensemble du texte.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Un scrutin public ? Mais l'assemblée a voté chacun des articles du projet de loi.

Mme la présidente.  - Je le sais. Pour autant, le Sénat doit se prononcer sur l'ensemble.

M. Philippe Kaltenbach .  - Adopter les quatre articles d'une loi pour revenir ensuite sur son vote en rejetant le projet de loi, ce serait parfaitement incohérent.

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Nous ne revenons pas sur nos votes !

M. Philippe Kaltenbach.  - J'invite Les Républicains, qui est un groupe sérieux, à faire preuve de cohérence politique.

Mme Catherine Troendlé, vice-présidente de la commission des lois .  - Vous savez pertinemment qu'un scrutin public nous permet de nous démarquer les uns des autres. Ce n'est pas une question de cohérence.

M. Hugues Portelli, rapporteur .  - À titre personnel, et alors que je quitte le Sénat en septembre prochain, je veux lancer un message dont j'espère qu'il parviendra au Conseil constitutionnel.

Le scrutin public, tel qu'il existe au Sénat, est contraire à la Constitution : on fait voter des personnes qui ne sont pas présentes. Ses modalités ne figurent pas dans le Règlement du Sénat pour des raisons purement tactiques : on ne peut pas censurer ce qui n'est pas écrit.

Le Conseil constitutionnel doit être saisi de cette anomalie. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

Mme Éliane Assassi.  - Tout le monde en use...

M. Jean Desessard .  - J'approuve les propos du rapporteur. Il est écrit clairement dans la Constitution qu'un parlementaire ne peut être porteur que d'un mandat en plus du sien.

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Article 27 !

M. Jean Desessard.  - Les absents ne devraient pas pouvoir voter. S'ils avaient assisté à nos discussions, peut-être auraient-ils modifié leur position : c'est tout l'intérêt du débat parlementaire. (Exclamations à droite) Ce n'est pas la première fois que j'interviens sur ce point, je l'ai fait dès mon arrivée au Sénat en 2004. L'Assemblée nationale, elle, a fait du chemin ; depuis, ils sont plus nombreux en séance publique. (M. François Pillet lève les bras en signe de dénégation) Soit, les sénateurs, plus vaillants, sont encore une dizaine dans l'hémicycle à 4 heures du matin quand les députés ne sont plus que neuf. En tout cas, eux respectent la Constitution ! (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et RDSE)

M. Philippe Dominati.  - Revenons à notre sujet...

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - En effet ! La Corse donne lieu à des lois spécifiques et des débats d'une grande originalité... Le 26 janvier, le groupe centriste a annoncé qu'il était favorable au texte par la voix de son orateur avant de disparaître, comme par enchantement, au moment du vote. Aujourd'hui, il est absent.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Bizarre !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Un groupe politique qui disparaît en un mois, c'est du jamais vu !

Quant à vous, messieurs les sénateurs du groupe Les Républicains, vous avez voté l'article premier ; vous avez voté l'article 2...

M. Jean-Jacques Panunzi.  - Je n'ai pas voté l'article 2 !

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Certes, MM. Panunzi et Dominati n'ont voté ni l'article 3 ni l'article 4. Reste que le Sénat a adopté à main levée les quatre articles constituant le texte. Dans ces conditions, comment voulez-vous que les Français s'y retrouvent s'il vote contre l'ensemble ? Encore un petit effort, votez pour ; vous ferez oeuvre utile pour le débat parlementaire et pour la Corse. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, écologiste et RDSE)

Mme la présidente. - Voici le résultat du scrutin n°102 :

Nombre de votants 306
Nombre de suffrages exprimés 305
Pour l'adoption 145
Contre 160

Le Sénat n'a pas adopté.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas glorieux...

M. Jean-Michel Baylet, ministre.  - Merci, mesdames et messieurs les sénateurs, pour ce vote serré qui reflète une grande confusion au sein du groupe Les Républicains. Moi qui suis entré au Parlement en 1978, je n'ai jamais vu une assemblée rejeter l'ensemble d'un texte dont elle a approuvé chacune des parties. C'est la première fois, et il a fallu que ce soit pour la Corse....

Mardi, l'Assemblée nationale votera naturellement ce texte. Le Sénat ne sort pas grandi d'une telle affaire, c'est ainsi. Je vous remercie pour ce débat respectueux qui a mis en lumière la nécessité d'oeuvrer pour la Corse. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE et socialiste et républicain)

Prochaine séance, mardi 21 février 2017, à 9 h 30.

La séance est levée à 16 h 5.

Marc Lebiez

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mardi 21 février 2017

Séance publique

À 9 h 30

1. Vingt-six questions orales

À 14 h 30

2. Proposition de résolution visant à agir avec pragmatisme et discernement dans la gestion de l'eau, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution

3. Débat sur le thème : « Économie circulaire : un gisement de matières premières et d'emploi »

À 17 h 45

4. Débat sur le bilan de l'application des lois (en salle Clemenceau)

Le soir

5. Débat sur le thème : « Entre réforme territoriale et contraintes financières : quels outils et moyens pour les communes en zones rurales ? »

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°100 sur l'article premier de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d'agglomération issues de la transformation des syndicats d'agglomération nouvelle (ex SAN).

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :275

Pour :257

Contre :18

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (108)

Pour : 102

Abstentions : 6 - MM. Henri Cabanel, Jacques Chiron, Jacques-Bernard Magner, François Marc, Daniel Raoul, Claude Raynal

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 4 - MM. Michel Canevet, Bernard Delcros, Yves Détraigne, Jean-François Longeot

Abstentions : 38

Groupe communiste républicain et citoyen (21)

Abstentions : 21

Groupe du RDSE (17)

Contre : 14

Abstentions : 3 - MM. Michel Amiel, Jean-Noël Guérini, Mme Mireille Jouve

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n°101 sur l'ensemble de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative aux modalités de calcul du potentiel fiscal agrégé des communautés d'agglomération issues de la transformation de syndicats d'agglomération nouvelle (ex SAN)

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :275

Pour :257

Contre :18

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (108)

Pour : 102

Abstentions : 6 - MM. Henri Cabanel, Jacques Chiron, Jacques-Bernard Magner, François Marc, Daniel Raoul, Claude Raynal

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 4 - MM. Michel Canevet, Bernard Delcros, Yves Détraigne, Jean-François Longeot

Abstentions : 38

Groupe communiste républicain et citoyen (21)

Abstentions : 21

Groupe du RDSE (17)

Contre : 14

Abstentions : 3 - MM. Michel Amiel, Jean-Noël Guérini, Mme Mireille Jouve

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier

Scrutin n°102 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, ratifiant les ordonnances n° 2016-1561 du 21 novembre 2016 complétant et précisant les règles budgétaires, financières, fiscales et comptables applicables à la collectivité de Corse, n° 2016-1562 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures institutionnelles relatives à la collectivité de Corse et n° 2016-1563 du 21 novembre 2016 portant diverses mesures électorales applicables en Corse

Résultat du scrutin

Nombre de votants :306

Suffrages exprimés :305

Pour :145

Contre :160

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 6 - MM. Alain Chatillon, Jean-Pierre Grand, Hugues Portelli, Bernard Saugey, Mme Catherine Troendlé, M.  Jean-Pierre Vial

Contre : 136

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (108)

Pour : 108

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 4

Contre : 1 - M. Yves Pozzo di Borgo

N'ont pas pris part au vote : 37 - Mme Annick Billon, MM. Jean-Marie Bockel, Philippe Bonnecarrère, Olivier Cadic, Michel Canevet, Vincent Capo-Canellas, Olivier Cigolotti, Vincent Delahaye, Bernard Delcros, Yves Détraigne, Mme Élisabeth Doineau, MM. Daniel Dubois, Jean-Léonce Dupont, Mme Françoise Férat, M. Jean-Marc Gabouty, Mmes Françoise Gatel, Jacqueline Gourault, Sylvie Goy-Chavent, MM. Joël Guerriau, Loïc Hervé, Mme Chantal Jouanno, MM. Claude Kern, Jean-Jacques Lasserre, Nuihau Laurey, Mme Valérie Létard, MM. Jean-François Longeot, Hervé Marseille, Hervé Maurey, Pierre Médevielle, Michel Mercier, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Christian Namy, Gérard Roche, Henri Tandonnet, Mme Lana Tetuanui, MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, François Zocchetto

Groupe communiste républicain et citoyen (21)

Contre : 20

Abstention : 1 - Mme Gélita Hoarau

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier