Renforcement du dialogue social (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social.

M. Alain Milon, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire .  - La CMP, première de la législature, s'est réunie lundi et a abouti à un accord. Je salue la qualité du travail réalisé avec les députés et avec le rapporteur M. Laurent Pietraszewski. Loin des positions doctrinaires, nous sommes parvenus à rapprocher nos positions et à adopter un texte de compromis qui conserve l'essentiel des apports du Sénat.

Pour autant, comme le disait René Char, « L'essentiel est sans cesse menacé par l'insignifiant ». (« Très bien ! » à droite)

Si nous en approuvons la philosophie, ce projet de loi ne répond pas à toutes nos attentes et laisse de côté certains sujets comme la fixation par accord de la durée hebdomadaire du travail ou l'assouplissement du temps partiel. Nous avons toutefois souhaité rester dans le périmètre des habilitations demandées par le Gouvernement, encadrant et précisant ces dernières par l'adoption de 68 amendements.

À l'article premier, la CMP a précisé que les salariés licenciés pour avoir refusé un accord collectif bénéficieraient d'un droit à la formation accru. Nous avons invité le Gouvernement à définir des modalités pragmatiques de conclusion des accords dans les petites entreprises dépourvues de délégué syndical. Nous avons souhaité concilier souplesse et droits des syndicats. L'employeur pourra organiser un référendum, de même que les organisations représentatives.

Nous sommes très favorables à la création de l'instance unique de représentation du personnel, à l'article 2. Nous avons fixé à trois le nombre maximal de mandats de représentant du personnel, sauf exceptions, et renforcé le droit à la formation. Nous avons veillé à garantir la transparence des comptes et confirmé en CMP la possibilité de créer une commission spécifique chargée de l'hygiène, de la sécurité et des conditions de travail.

La cause économique d'un licenciement devra s'apprécier en prenant en compte le périmètre national. Toutefois, nous avons laissé au Gouvernement des marges pour déterminer d'éventuels aménagements à ce principe.

Mme Nicole Bricq.  - Très bien.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Nous avons invité le Gouvernement à mieux prendre en compte les besoins des travailleurs handicapés, notamment via le télétravail. La CMP a conservé nos apports sur le sujet, tout comme sur la sécurisation des contrats ou l'abaissement de l'ancienneté requise pour bénéficier des indemnités de licenciement.

À l'article 9, sur le report du prélèvement à la source, le Sénat a là aussi été entendu.

En revanche, nous n'avons pas été suivis sur la suppression des accords de maintien dans l'emploi (AME) dont l'échec est pourtant consommé. Ce sera la prochaine étape, une fois les ordonnances publiées...

Attention à ne pas trop accélérer le calendrier de la généralisation des accords majoritaires, afin de ne pas bloquer le dialogue social : il serait paradoxal que ce texte aboutisse à réduire le nombre d'accords signés !

La CMP est revenue sur l'attribution de plein droit de la compétence de négociation à l'instance unique ; elle s'imposera d'elle-même dans quelques années.

L'habilitation relative à la représentation des salariés dans les organes de gouvernance a été rétablie, avec deux garde-fous toutefois : les seuils d'effectifs ne seront pas modifiés et la formation des représentants du personnel sera améliorée. J'espère que le Gouvernement recourra avec parcimonie à ces habilitations, afin de ne pas aggraver l'instabilité juridique.

Enfin, la CMP n'a pas fixé d'objectifs précis sur la réduction des délais des recours en cas de licenciement, tout en souhaitant leur harmonisation.

Ce texte porte la marque du Sénat, qui a été fidèle à ses convictions tout en cherchant à accompagner le Gouvernement. Nous souhaitons le succès de cette réforme indispensable pour adapter notre droit social. Nous n'avons pas préempté les résultats de la négociation avec les partenaires sociaux qui va se poursuivre. Le Parlement doit pleinement jouer son rôle de législateur : la démocratie politique ne saurait s'effacer devant la démocratie sociale. Nous pouvons conjuguer ces deux légitimités.

Je veux dire à nos collègues députés la complexité de l'art d'agir, de légiférer. « La beauté naît du dialogue, de la rupture du silence, et du regain du silence », disait René Char. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Muriel Pénicaud, ministre du travail .  - « La pensée nait d'évènements de l'expérience vécue et doit leur demeurer liée comme aux seuls guides propres à l'orienter », écrivait Hannah Arendt. C'est ce qui nous a inspirés. Vous avez enrichi ce texte de votre expérience d'élus et apporté des éclairages techniques indispensables.

La discussion a été nourrie de la diversité de nos expériences professionnelles, chargée de notre expérience collective, de notre Histoire et des valeurs de la République qui fondent notre modèle social.

Il est urgent d'adapter notre modèle social. Changer le regard sur l'entreprise, instaurer un climat de confiance propice à la création d'emplois et au dialogue social, tel était le but.

Le pragmatisme est indissociable du dialogue : pour qu'une mesure soit opérationnelle, il faut avoir consulté ceux qui l'appliqueront au quotidien. L'accord en CMP est le fruit d'un dialogue, au Parlement et avec les partenaires sociaux. Ce processus, qui allie démocratie politique et démocratie sociale, se poursuivra avec les ordonnances et le projet de loi de ratification.

Cette méthode est le reflet de la philosophie du texte, qui fait confiance aux entrepreneurs, aux salariés et à leurs représentants pour trouver sur le terrain, par le dialogue, les moyens de répondre aux besoins de liberté et de protection, de faire converger compétitivité et justice sociale.

Merci à Dominique Gillot d'avoir porté les dispositions sur les personnes en situation de handicap. Les débats ont fait évoluer le texte. Ainsi la décentralisation des négociations a été accrue, renforçant à la fois l'accord d'entreprises et l'accord de branches, pour tenir compte du grand nombre de TPE.

Notre fil rouge a été de garantir les droits des salariés sans charge administrative supplémentaire pour les PME - d'où la simplification du compte professionnel de prévention.

Le nombre de mandats syndicaux a été limité à trois, avec des dérogations pour les petites entreprises.

Nous devons renforcer la formation et les parcours professionnels des représentants du personnel : c'est l'objet de la mission confiée à M. Simonpoli.

Nous avons voulu tenir compte de la taille, de la spécificité, du secteur d'activité des entreprises : une commission spécialisée dédiée à la santé et à la sécurité au travail pourra être créée au sein de la nouvelle instance fusionnée.

Enfin, sur la sécurisation des relations de travail, le texte lève les incertitudes juridiques qui brident l'embauche. Nous sécurisons la procédure de licenciement pour éviter le contentieux systématique. Nous encourageons la conciliation en amont mais nous augmentons aussi les indemnités légales de licenciement et clarifions le barème des dommages et intérêts.

Cette habilitation n'est pas un blanc-seing, c'est un mandat : le Gouvernement agira sous le regard du Parlement et des partenaires sociaux et, à travers vous, sous celui de nos concitoyens.

L'action du Gouvernement ne se terminera pas avec les ordonnances : réforme de l'assurance chômage, de la formation professionnelle, réforme de l'apprentissage, réforme des retraites, permettront d'obtenir une croissance porteuse d'emplois. Elles formeront le terreau sur lequel les entrepreneurs pourront faire prospérer leur potentiel d'innovation, de création d'emplois et d'excellence.

Plus de liberté, plus de protection grâce à un dialogue social renforcé au plus près du terrain, c'est le sens de ce texte et de notre action.

Je rends hommage à M. Milon pour sa maîtrise technique mais aussi son écoute et sa disponibilité. Merci à Albéric de Montgolfier, de la part de Gérald Darmanin. Je salue les présidents de séance qui ont permis que ce texte soit examiné dans de bonnes conditions - merci aux services du Sénat, aux huissiers, aux administrateurs des commissions.

Le mandat de certains d'entre vous touche à sa fin. Je sais que votre engagement se poursuivra sous des formes différentes. Tous nous sommes attachés à faire vivre la promesse républicaine de l'émancipation individuelle et collective. C'est pourquoi nous rénoverons notre modèle social en cherchant à concilier liberté d'entreprendre et égalité des chances, qui sont les fondements de la fraternité. Je sais que nous partageons l'ambition que la France, forte de son héritage et de ses valeurs, puisse trouver sa propre voie vers un modèle social ambitieux et rénové, en phase avec les enjeux de notre temps. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; Mmes Dominique Gillot, Claudine Lepage et M. Yves Daudigny applaudissent également.)

M. Jean-Louis Tourenne .  - La CMP a supprimé quelques amendements de la droite sénatoriale, mais le texte reste très libéral. Les licenciements plus faciles et moins chers, sacrifices supplémentaires pour les salariés : c'est une régression sociale car le salarié est avant tout un citoyen qui a droit à une juste rémunération et doit être un acteur du devenir de l'entreprise.

Malgré les promesses, seules des latitudes nouvelles sont octroyées aux entreprises, au détriment des salariés.

La fusion des instances représentatives du personnel est un moyen de réduire l'implication syndicale. La dilution des CHSCT est un danger pour les salariés, et partant, pour l'entreprise. La limitation du nombre de mandats va dans le même sens.

Confiance, dites-vous ? Mais elle se mérite. Les accords d'entreprises sans représentants syndicaux ni mandatements sont la porte à tous les abus, toutes les pressions.

Alors que 63 % des Français craignent de perdre leur emploi, quelle valeur aura un accord d'entreprise accepté dans l'angoisse ? Le vrai défi, la vraie grandeur aurait été de favoriser le développement de la représentation syndicale. Vous faites l'inverse.

Jusque-là, la consultation demandée par le patron n'avait pas valeur légale. Vous instituez le référendum à la main du patron, sur de vastes champs.

Le projet de loi va fabriquer de la précarité et de la régression sociale. Présomption de légalité de l'accord, réduction des délais de recours, plafonnement de l'indemnisation sont autant de déni de justice. La comparaison avec la justice pénale est sans fondement : il s'agit ici de victimes, qui seront privées de réparation pleine et entière ! Un licenciement est bien une tragédie pour le salarié et sa famille.

Difficile de tenir compte de la pénibilité, dites-vous, alors vous renoncez...

Les contrats de chantier, c'est la précarité sans la prime, le licenciement sans indemnité. Mon cauchemar, c'est sa généralisation au détriment du CDI, des millions de travailleurs précaires...

Vous chargez la France de tous les maux. Les étrangers qui investissent massivement en France seraient-ils masochistes ? Il ne peut y avoir de croissance sans confiance en l'avenir des citoyens, des salariés, des entreprises. Celle dont vous bénéficiez, je crains que vous ne l'érodiez. Vous récolterez la révolte des salariés et une économie à nouveau à la peine. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; MM. Jean Desessard et Michel Le Scouarnec applaudissent également.)

M. Jean Desessard .  - L'encre de la loi El Khomri à peine sèche, le gouvernement Macron s'en inspire, pour bousculer d'un trait de plume les « formidables garde-fous » dont l'ex-ministre du travail nous avait tant vanté la solidité.

La CMP a abouti : quoi de plus naturel qu'un accord entre une droite sénatoriale toujours aux avant-postes pour « libéraliser, toujours plus » et une ministre du travail dont la conception de la flexisécurité se traduit par la corvéabilité des salariés et la sécurité accrue des bénéfices et stock-options des dirigeants et actionnaires ! (Mme Nicole Bricq se récrie)

Les écologistes ne voteront pas ce projet de loi cher au Medef !

Mme Bricq, remarquable idéologue d'En Marche, nous vantait jeudi les mérites de la formation professionnelle. Qu'a fait, au juste, dans ce domaine l'ancien Gouvernement dont vous étiez une émérite défenseure ?

Mme Nicole Bricq.  - Pas assez !

M. Jean Desessard.  - Qu'a fait ce Gouvernement de la résolution, adoptée ici, sur ma proposition, à la quasi-unanimité, sur la création d'un GPS pour l'emploi, visant à recenser les offres d'emploi non pourvues et à proposer des solutions de formation ? Rien, rien de rien ! Quel gâchis...

C'est ma dernière intervention dans cet hémicycle, où j'ai aimé débattre pendant ces deux mandats. L'efficacité de l'action parlementaire me dépite. Le cadre de travail de notre institution est de haute qualité. Les sénateurs sont assidus dans l'ensemble, motivés, et intelligents, si si ! (Sourires) Mais quelle énergie dépensée pour un résultat législatif bien maigre : l'entonnoir de l'exécutif est trop étroit ; presque toutes les propositions sont écartées.

Chers collègues, je nous souhaite une réforme en profondeur de nos institutions. Sans cela, le discrédit du politique s'amplifiera, la déqualification du parlementaire perdurera. Bonne chance à la nouvelle assemblée ! (Applaudissements)

Mme Nicole Bricq .  - Monsieur Desessard, s'il est un grand moment d'efficacité de l'action parlementaire, c'est la participation à une CMP, a fortiori si elle est conclusive. Le parlementaire y est entièrement libre, face à ses responsabilités, loin des pressions du groupe ou de l'exécutif.

Ce texte, dont le groupe En Marche a débattu longuement, définit une articulation claire, franche et sécurisée entre accords de branches, accords d'entreprises et contrats de travail. La négociation collective est privilégiée par rapport à la décision unilatérale de l'employeur. Les TPE et PME - salariés comme employeurs - auront un meilleur accès au droit du travail.

Le dialogue dans l'entreprise est renforcé par la mise à niveau de la connaissance et l'appréciation pour les salariés de la stratégie économique et sociale de l'entreprise. Le calendrier des accords majoritaires est accéléré et la présence syndicale est confortée.

Dernier point, le plus difficile, le périmètre de l'activité pour le licenciement économique. Les rapporteurs ont su sortir de leurs couloirs respectifs. Monsieur Milon, vous avez su trouver une formule qui laisse une marge d'appréciation.

L'objectif du groupe La République en marche est atteint : l'exécutif garde sa possibilité de réagir et sa capacité d'agir face aux propositions des partenaires sociaux.

Cela laisse toute sa place, monsieur Desessard, à la formation professionnelle, cette véritable protection du salarié. C'est elle et non le statut ou les obstacles juridiques qui lui permettront d'évoluer dans un monde compétitif. La France, grâce à cela, retrouvera la confiance, car elle a la capacité d'être au premier rang. (Applaudissements sur les bancs du groupe La République en marche ; M. Richard Yung applaudit également.)

M. Dominique Watrin .  - L'accord trouvé en CMP ne nous a pas surpris. La convergence d'idées entre la majorité sénatoriale et La République en marche avait été annoncée par le président Alain Milon, dès l'examen en commission.

Nous sommes au coeur de ce qui oppose droite et gauche, tout en regrettant que cette dernière ait légitimé la loi El Khomri. Le groupe communiste républicain et citoyen est fier de ne pas avoir faibli. Nous serons toujours là pour rappeler les vérités qui fâchent, comme l'a fait notre présidente la semaine dernière.

En quarante heures de séance publique, la ministre a refusé de nous expliquer comment faciliter les licenciements améliorait l'emploi. Qui ne se souvient des promesses d'un million d'emplois de Pierre Gattaz en échange de l'exonération de charges ? Il y a eu le CICE. Où sont les emplois ?

Comparez de telles mesures avec celles de nos prédécesseurs, ayant libéré la France, qui inscrivaient dans le préambule de la Constitution de 1946 : « Tout travailleur participe, par la voix de ses représentants, à l'élaboration collective des conditions de travail ainsi qu'à la conduite des entreprises ».

Comparez vos mesures aux lois Auroux qui ont élargi les pouvoirs des délégués du personnel aux conditions de travail quand vous mettez à genoux le CHSCT !

Un progrès social, le périmètre national ? Des progrès sociaux, le plafonnement obligatoire des indemnités de licenciement sans cause réelle et sérieuse, la généralisation potentielle des contrats de chantier, le fait de confier aux branches ce qui relèverait de la loi et aux accords d'entreprises les conditions de travail et de santé ? On en connaît les conséquences à l'avance : licenciement économique pour les salariés qui refuseraient la dégradation de leurs droits, dumping social orchestré par les grands groupes !

Ne l'oublions pas, le code du travail est un outil de protection du salarié contre son employeur, pas un facilitateur de chômage.

Contre ce dernier, il faudrait plutôt parler de délais de paiement, de la difficulté à recruter des salariés qualifiés. L'entreprise est un bien commun.

Or votre projet s'adresse aux patrons du CAC 40 bien plus qu'aux salariés - dont le Smic ne sera pas revalorisé cette année.

L'Humanité de ce jour explique comment les rémunérations complémentaires des dirigeants des grands groupes sont fondées sur le strict intérêt des actionnaires. Ainsi, huit des dix membres du comité de direction de Danone ont bénéficié de 4,8 millions d'euros de plus-values. C'est indécent ! Les salariés n'en touchent pas, eux ! Notre combat n'est pas terminé. Nous le poursuivrons lors de la ratification des ordonnances et le 12 septembre dans la rue avec les syndicats contre un projet de loi que nous rejetons unanimement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Henri Cabanel applaudissent également.)

Mme Françoise Laborde .  - Si nous nous félicitons des débats constructifs et de l'adoption d'un texte commun, nous sommes plus circonspects quant à la méthode employée. Guillaume Arnell l'avait souligné en première lecture : les ordonnances constituent une législation déléguée qui restreignent les droits du Parlement, originellement réservées aux cas d'urgence. Le RDSE y est par principe réticent, surtout pour une réforme d'une telle ampleur et pendant que la concertation avec les partenaires sociaux se poursuit.

Sur le fond, la majorité du groupe RDSE partage vos principaux objectifs : offrir plus de souplesse aux entreprises tout en protégeant les salariés. Nous devons adapter notre droit du travail aux réalités, si nous voulons lutter contre le chômage de masse, cette souffrance, cette atteinte à l'estime de soi, qui peut conduire au suicide pour cette raison - entre 10 000 et 14 000 par an selon une étude de l'Inserm !

Les débats en CMP ont permis de dégager un consensus sur le calendrier des accords majoritaires, garant de leur légitimité. C'est également le cas de la réintroduction de la référence aux accords de maintien de l'emploi dans la liste des accords dont il est envisagé d'harmoniser le régime.

Je me réjouis que la CMP ait conservé une commission spéciale pour les questions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de l'instance unique de représentation du personnel.

Le groupe RDSE est partagé en revanche sur le plafonnement des indemnités prud'homales. Certains estimaient que le barème de la loi El Khomri était suffisant. Nous nous félicitons de votre promesse de revaloriser les indemnités de licenciement, parmi les plus faibles d'Europe.

Le groupe RDSE votera, dans sa majorité, ce texte, première étape de votre réforme, mais sera vigilant lors de la ratification.

M. Jean-Marc Gabouty .  - Ce texte s'inscrit dans un objectif plus large de rénovation de notre modèle social. L'allègement des contraintes des entreprises, la réorganisation des outils du dialogue social ne créent pas directement de l'emploi mais stimulent le désir d'entreprendre et d'investir, donc l'activité économique qui en est la base.

Tourner le dos à ces évolutions nous conduirait irrémédiablement sur la voie du déclin. Ce texte complète en conséquence la loi El Khomri ; mais à défaut d'une réécriture complète du code du travail, vous auriez bénéfice à un toilettage complet, en supprimant nombre de dispositions inopérantes, complexes, qui ne relèvent pas toujours de la loi avec des précisions excessives qui pourraient venir limiter de manière trop contraignante le champ des négociations de branches ou d'entreprises.

Le Gouvernement prévoit heureusement des mécanismes opérationnels, plutôt que des dispositifs fondés sur des objectifs louables, mais inapplicables, tels les AME.

Même si nous maintenons quelques réserves ponctuelles, la version actuelle de ce projet nous parait globalement satisfaisante. Les modes de conclusion des accords d'entreprises les rendront plus faciles à signer, en particulier dans les TPE-PME. La prise en compte du périmètre national pour apprécier les difficultés d'une entreprise mérite vigilance mais semble positive. Le traitement différencié des TPE nous convient également.

Je salue aussi les contrats de chantier, la fusion des IRP, le plafonnement des indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

L'Assemblée et le Sénat ont su faire des concessions mutuelles pour élaborer un texte équilibré. Le groupe Union centriste et une majorité de nos collègues se réjouiront d'une démarche positive du Parlement à l'égard de la procédure des ordonnances, qui aurait pu a priori donner le sentiment de nous écarter.

Nous souhaitons cependant, conformément à l'article 8 de ce projet, qu'un débat puisse très vite s'engager avant la fin de l'année dans le cadre de la loi de ratification.

Vous faites de ce texte un pari sur le dialogue social. Nous, nous faisons le pari que vous simplifierez le code du travail. C'est pourquoi nous vous accordons notre confiance et nous voterons ces conclusions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Union centriste)

M. René-Paul Savary .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Tout d'abord, merci au docteur Milon ! (Sourires) Toujours très pédagogique, il est l'homme de l'art au chevet du malade : le chômage en crise. Merci également à Mme la ministre pour ses réponses toujours très détaillées et courtoises.

Les parlementaires peuvent restreindre, mais non élargir le champ des ordonnances. C'est frustrant, mais le groupe CRC nous a aidés à animer des débats très ouverts ! (Sourires)

Face à notre taux de chômage, nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Cette loi tente de bouger les lignes. Merci, madame la ministre, d'avoir tenu bon sur l'instance unique, qui n'est pas une atteinte à l'action des délégués syndicaux, mais une simplification pleine de bon sens, les remontées du terrain en témoignent. Or la simplification est un facteur utile de compétitivité.

Autre point positif, les accords d'entreprises permettant d'adapter l'entreprise aux réalités.

La balle sera dans le camp des entrepreneurs. L'approche numérique - code du travail digital et télémédecine du travail - est aussi essentielle. Mais attention à la fracture territoriale !

Les promesses du haut débit pour tous en 2020, ne sont pas suffisantes. Il faut continuer le combat. L'égalité des chances pour chaque entreprise est à ce prix.

Je voterai ce texte en ayant le sentiment d'apporter une petite pierre à la politique de l'emploi - qui pourrait être d'ailleurs décentralisée au niveau régional. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et Union centriste)

M. Yves Daudigny .  - En cohérence avec l'appui apporté à la loi Travail présentée par Mme El Khomri en 2016, j'exprime à nouveau, au nom de collègues du groupe socialiste et à titre personnel, une approche favorable à votre méthode : il existe pour la France une voie de progrès apportant aux salariés des protections nouvelles pour mieux construire leur vie professionnelle, tout en armant nos entreprises face à la concurrence mondiale.

Oui, madame la ministre, il faut renforcer le dialogue social - mais cela suppose de faire des syndicats des partenaires forts, responsables et incontournables. Et notre modèle social, bâti sur le principe de solidarité, possède des valeurs profondes qui ne peuvent être remises en cause. Toutefois, malgré un engagement financier global de près de 750 milliards d'euros, il n'efface pas le cancer du chômage et la précarité pour plusieurs millions de nos concitoyens.

L'évolution vers des droits liés à la personne plus qu'au statut est sans doute une piste.

Si le sens du travail est d'être un facteur d'épanouissement et d'intégration sociale, il crée une contradiction lorsque le salarié ne peut s'approprier son outil de travail. N'ignorons pas les souffrances qui s'y déploient : suicide sur le lieu de travail, mises au placard, arrêts maladies successifs, procès, épuisement....

Les salariés doivent avoir confiance dans l'entreprise, ce qui est trop souvent négligé. Le dialogue social est un des éléments qui améliorent la qualité du travail et lui donnent du sens.

Plusieurs dispositions de l'article premier adoptées par la CMP appellent un avis favorable, telle la généralisation progressive des accords majoritaires ou les droits à formation renforcés d'un salarié licencié pour avoir refusé un accord d'entreprise.

Mais nous sommes opposés au recours à la consultation des salariés à la seule initiative de l'employeur.

À l'article 2, nous soutenons l'existence d'une commission spécifique au sein des IRP pour traiter des questions d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail.

À l'article 3, nous sommes favorables à la suppression, introduite au Sénat, de l'obligation de réduire d'au moins de moitié le délai de recours en cas de rupture du contrat de travail. Nous demeurons opposés à l'imposition d'un barème aux indemnités prud'homales en cas de licenciement abusif ; nous sommes sensibles au maintien de la liberté d'appréciation du juge, même si elle doit être encadrée.

Notre jugement définitif sur les ordonnances dépendra de leur rédaction. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Philippe Mouiller .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Quoiqu'opposé à la procédure des ordonnances, notre groupe approuve les principes essentiels de ce texte.

Nous soutenons ainsi la rationalisation des IRP ; la création d'un référentiel obligatoire des indemnités de licenciement sans cause réelle ou sérieuse, ou la simplification du compte personnel de prévention de la pénibilité.

Nous avons entrepris de préciser le texte, car s'il est opportun de garder la marge nécessaire aux négociations, il fallait s'assurer de l'ambition du texte, en dissipant certains flous.

L'employeur pourra demander un vote à ses employés contre l'avis des syndicats. Je m'en réjouis. Particulièrement à l'écoute des petites entreprises, je me félicite qu'une solution ait été trouvée pour mener des négociations, même en l'absence de représentation syndicale, avec les élus du personnel ou avec les salariés mandatés.

Autre ajout du Sénat, le choix du périmètre national d'appréciation du juge est important pour les investisseurs.

Nous avons encadré le fonctionnement de l'instance qui fusionnera les IRP, et sommes parvenus à un accord en CMP, pour maintenir sa capacité à participer aux négociations de l'entreprise.

Notre satisfecit ne va pas sans mise en garde concernant les seuils, déjà modifiés, ou sur la formation des salariés.

Nous n'avons pas obtenu le maintien d'un licenciement sui generis pour les salariés refusant d'appliquer un accord d'entreprise. Toutefois il est heureux que le régime du licenciement économique ne s'applique pas dans ce cas, car il est très contraignant pour les entreprises. (Mme Anne-Lise Dufour-Tonini proteste.)

La suppression du terme de « généralisation » des accords majoritaires n'éteint pas notre vigilance à l'égard de la rédaction de l'ordonnance concernée.

Nous avons hâte d'examiner avec attention les lois de ratification. Ces mesures ne constituent qu'un premier pas. Ainsi, la fixation par accord de la durée hebdomadaire du travail, le recours au temps partiel ou le relèvement des seuils sociaux sont absents du texte.

Le groupe Les Républicains votera ce texte.

La discussion générale est close.

Mme la présidente.  - Le président Guillaume demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 18 h 50, reprend à 18 h 55.

Mme la présidente.  - Il n'y a pas d'amendements. Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.

À la demande du groupe communiste républicain et citoyen, l'ensemble du texte est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente.  - Voici le résultat du scrutin n°142 :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l'adoption 225
Contre 109

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs des groupes La République en marche, Union centriste et Les Républicains)

En conséquence, le projet de loi est définitivement adopté.

Prochaine séance, vendredi 4 août 2017, à 15 heures.

La séance est levée à 19 heures.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus