Revue stratégique de défense et de sécurité nationale

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la revue stratégique de défense et de sécurité nationale, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. L'organisation en est inédite : le président de la commission interviendra pour dix minutes ; le Gouvernement répondra pendant un temps équivalent. Nous aurons ensuite une séquence de questions-réponses, chaque orateur disposant de deux minutes.

M. Christian Cambon, président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ainsi que sur certains bancs des groupes RDSE et SOCR) C'est dans un monde de plus en plus dangereux, où les terroristes frappent à notre porte et où la guerre est de nouveau possible partout dans le monde, que mon prédécesseur, Jean-Pierre Raffarin, a suggéré, dès juin dernier, une revue stratégique pour passer sans attendre à une nouvelle loi de programmation militaire (LPM). Dans un monde instable et incertain, les tendances en germe dans le Livre blanc de 2013 se sont accélérées.

Il faut rendre hommage à M. Arnaud Danjean, député européen, qui n'a pas compté son temps et a su si bien s'entourer pour livrer un diagnostic imparable.

Les deux composantes de la dissuasion sont hors du champ du débat, puisque le président de la République a dit vouloir les maintenir. La commission souscrit à cette approche.

Ce qui frappe, c'est le hiatus entre l'aggravation de la menace et l'état de nos armées, saturées d'engagements, éreintées, fragilisées par des décennies de sous-investissement. Nous en sommes tous responsables.

Au Mali, un engin improvisé explose chaque jour sous les pieds de nos soldats. En RCA, nos soldats ont été confrontés à l'horreur. Une attaque nucléaire n'est plus impensable.

Les crises sont dispersées, la menace est hybride, les postures ambiguës sèment le doute. La menace se numérise, entre guerre informationnelle et cyberattaques.

La revue stratégique met l'accent sur la priorité euro-méditerranéenne-sahélienne, et notamment sur notre voisinage immédiat, la rive sud de la Méditerranée. Le danger n'est pas loin.

Le maintien d'un modèle d'armée complet et équilibré implique des efforts sur les moyens : notre modèle est bon, mais exsangue. Le maintien de certaines de nos capacités est un défi. Pouvoir entrer seul sur un théâtre d'opérations, c'est conserver notre autonomie stratégique, mais suppose de combler des lacunes capacitaires. Durer, c'est avoir suffisamment de masse, de chair, pour tenir. Or entre 2008 et 2015, nos armées ont perdu 50 000 postes. Les forces opérationnelles de l'armée de terre ont moins d'effectifs que la RATP et rentreraient toutes entières dans le Stade de France ; nos fusils d'assaut ont 60 ans ; 20 % des pilotes d'hélicoptères n'ont pas le nombre d'heures suffisant pour voler... Nos équipements vieillissent irrémédiablement. Pendant ce temps, la Chine produit chaque année l'équivalent du quart de la marine française ! Nos ravitailleurs, d'âge canonique, ne sont pas aux normes. Les hélicoptères Alouette volaient déjà au temps de Fantômas. C'est comme si nous acceptions de voyager en caravelle lorsque nous prenons l'avion.

Et je ne dis rien du soutien, éternel sacrifié, ou de l'état déplorable du parc immobilier. Après avoir bradé l'Hôtel de l'Artillerie, que ne garde-t-on le Val-de-Grâce pour loger les soldats de Sentinelle ?

M. Dominique de Legge.  - C'est vrai ! (On renchérit sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Nous devons augmenter la proportion des logements sociaux pour les militaires dans l'îlot Saint-Germain.

Et pourtant, nos armées gagnent, elles sont respectées, grâce aux hommes et aux femmes qui les servent. Je salue leur courage et leur compétence, les efforts et les sacrifices de leurs familles.

La montée en puissance des moyens est indispensable ; c'est l'enjeu de la LPM. Le Sénat avait chiffré les besoins à 2 milliards d'euros et 4 500 recrutements par an à partir de 2018. Nous n'y sommes pas, même si la courbe descendante s'inverse enfin, après dix ans de déconstruction. Il faudra payer les ardoises du passé, les conséquences de la régulation budgétaire de 850 millions d'euros... Quand seront dégelés les 700 millions d'euros ? Qui va payer les 360 millions restants pour clore le budget 2017 ?

La loi de programmation des finances publiques organise un transfert de charge. Attention danger ! La « sincérisation » des OPEX est un outil pour siphonner les hausses de crédits annoncées par le président de la République. Or la défense, c'est aussi 200 000 emplois non délocalisables, le premier budget d'investissement de l'État, 14 milliards d'euros d'exportations par an : c'est un enjeu économique de premier plan, sans parler de sa dimension sociale et territoriale.

Madame la ministre, vous pouvez compter sur notre vigilance et notre combativité pour ne pas laisser nos armées entre les mains des comptables. La sécurité des Français l'exige. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, LaREM et RDSE ; Mme Marie-Françoise Perol-Dumont et M. Rachel Mazuir applaudissent également.)

Mme Florence Parly, ministre des armées .  - Le président de la République a souhaité dès son élection une revue stratégique qui fasse une analyse fine et complète de la situation stratégique internationale et en tire les conséquences pour notre défense. Confiée à un comité d'experts présidé par Arnaud Danjean, elle a abouti à un constat lucide et ambitieux et fixe un cap clair pour la prochaine loi de programmation militaire. Je suis heureuse de répondre à vos interrogations selon une forme plus franche, plus libre, sans fausse pudeur.

La revue stratégique actualise le Livre blanc de 2013. Depuis quatre ans, le monde a changé plus vite et plus fortement que nous pensions. Il fallait identifier les intérêts de la France dans un contexte imprévisible et changeant. La revue stratégique prépare l'avenir, établit notre vision pour la défense en France et en Europe et les aptitudes requises pour atteindre notre ambition.

Aujourd'hui, la France est plus sollicitée et plus engagée que jamais. La menace djihadiste reste centrale. Nos ennemis ont changé de visage mais ils sont encore plus violents et plus déterminés. La prise de Raqqa et la défaite proche de Daech ne signifient pas la fin du terrorisme. L'instabilité s'accroît aux portes de l'Europe : Sahel, crise migratoire, mais aussi risques pandémiques, dérèglement climatique, criminalité organisée. À chaque menace, la France répond. Nos armées sont très sollicitées, à l'extérieur et sur le territoire national, ce qui met sous tension nos capacités.

La revue stratégique prend acte de ce que nous savions déjà : l'équilibre issu de la guerre froide a laissé sa place à une multiplication de pôles où chaque État cherche à affirmer sa puissance.

Nos forces sont plus contestées ; nos ennemis mieux équipés, mieux armés. Certains acteurs non étatiques disposent de capacités réservées jusqu'ici aux seuls États.

L'espace et le cyberespace sont devenus des terrains de conflit à part entière, qui impliquent des acteurs inconnus dont les actions ont des conséquences dramatiques.

Les nouvelles technologies sont une formidable opportunité. Intelligence artificielle, robotique, biotechnologies permettront des applications militaires mais la révolution technologique peut aussi être une source de vulnérabilité. L'espace numérique doit être au centre de nos priorités.

La France est et restera une puissance majeure, elle continuera à intervenir partout où ses intérêts sont menacés. Sa voix sera forte, écoutée et respectée. Notre autonomie stratégique n'est pas négociable. Nous la consoliderons avec le renouvellement des deux composantes de la dissuasion nucléaire.

Nous poursuivons nos efforts en matière de renseignement et assurerons les cinq fonctions stratégiques : dissuasion, prévention, protection, intervention, anticipation.

Notre modèle d'armée complet et équilibré est le gage de notre souveraineté et de notre liberté. Nous garantirons notre autonomie dans les domaines de la dissuasion, de la protection du territoire, du renseignement, du commandement des opérations, des opérations spéciales ou de l'espace numérique. Dans les autres domaines, nous mènerons les partenariats et les coopérations nécessaires.

Nous assumerons pleinement notre dimension européenne. Le président de la République l'a dit le 26 septembre, à la Sorbonne : la France sera à l'initiative de la dynamique de défense européenne. Nous avancerons avec ceux qui le souhaitent, en assumant nos responsabilités au sein de l'OTAN et en développant nos partenariats bilatéraux.

Nous devons accompagner et encourager le développement d'une industrie européenne de défense. Industrie et recherche doivent être au fondement de notre stratégie. Le même esprit d'innovation, d'audace doit inspirer le monde de la défense pour moderniser son action. C'est une condition sine qua non de l'attractivité, de l'efficacité, et donc de la sécurité et de la liberté.

Cette revue stratégique est un apport immense : identifier nos aptitudes prioritaires pour agir vite et fermement. C'est ce que fera la prochaine loi de programmation militaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes UC et RDSE ; M. Gilbert Roger applaudit également.)

M. Christian Cambon, président de la commission.  - Merci, madame la ministre, de ces engagements forts. Mais je vous mets en garde : il faut absolument que le Gouvernement obtienne que les militaires soient exonérés de la directive temps de travail.

Le service national universel est une belle idée mais les armées ne peuvent porter seules le fardeau. Soyons vigilants pour reconstituer une belle armée, dont notre sécurité a besoin. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC, LaREM et RDSE)

Mme Hélène Conway-Mouret .  - Dans le sillage du Livre blanc de 2013, cette revue stratégique traduit la volonté de jeter un regard lucide sur la situation. Retour des États-puissances, fragilisation croissante de certains acteurs étatiques, menaces terroristes ou cyber, fragilités climatiques ou sanitaires : face à ces défis, on ne peut que saluer la volonté de l'État de préserver un modèle de défense complet et équilibré.

Néanmoins, les intentions affichées se heurtent aux réalités des premières annonces. Coupe de 850 millions d'euros, budgétisation des OPEX : les contraintes sont nombreuses. Certes, le budget des armées est en hausse : 1,8 milliard d'euros en 2018, 1,7 milliard d'euros en 2019, autant en 2020. Mais la hausse est en réalité bien limitée.

Quelles garanties pouvez-vous nous apporter sur la question centrale des moyens, qui inquiète militaires et citoyens ?

Mme Florence Parly, ministre.  - La revue stratégique a insisté sur la double nécessité de conserver l'autonomie de la France et de construire des partenariats.

L'une des premières décisions du président de la République a été d'augmenter un budget malmené par l'écart croissant entre les engagements et des moyens en forte déflation. Par rapport au quinquennat précédent, ce ne sont pas moins de 30 milliards d'euros supplémentaires alloués au budget des armées.

Les 850 millions d'annulation de crédits étaient le prix collectif à payer pour régler un certain nombre d'impasses budgétaires - sur les OPEX, entre autres. C'est en quelque sorte le coût d'entrée dans le quinquennat. Je veillerai à ce qu'elles n'aient aucun impact sur nos forces en opération.

M. Joël Guerriau .  - La revue stratégique souligne à quel point nos armées sont de plus en plus sollicitées. La défense est une affaire d'hommes et de femmes qui s'engagent ; leurs familles en subissent les conséquences. Or, selon le récent rapport du Haut comité d'évaluation de la condition militaire, il est de plus en plus difficile de fidéliser les militaires. L'un des écueils tient à l'hébergement.

Malgré une hausse des crédits en 2018, le parc immobilier du ministère est très dégradé, tant la maintenance a été sacrifiée. Il manque 400 logements de militaires en région parisienne. L'îlot Saint-Germain subit une forte décote, des deux tiers de son prix, alors que seuls 50 logements sur 250 sont réservés aux militaires. Dès lors, peut-on vraiment se passer du Val-de-Grâce alors que les enjeux de protection du territoire vont durer, notamment en Ile-de-France ?

Mme Florence Parly, ministre.  - Je sais les difficultés qu'éprouvent les militaires et leurs familles. Selon le rapport du Haut comité, il n'y a pas de problèmes de recrutement mais bien de fidélisation. Le logement y contribue. L'immobilier est une de mes priorités. Pour preuve, l'augmentation du budget du ministère, en hausse de 1,2 milliard d'euros en 2017 et de 1,5 milliard en 2018. Le futur plan Famille comprendra un chapitre entier sur le logement.

Nos emprises ont fait l'objet d'une réorganisation en profondeur en Ile-de-France. Dans ce cadre, le Val-de-Grâce et l'îlot Saint-Germain ont été mis à la vente. Le premier sera cédé en bloc ; il fait l'objet d'un appel à projet géré par la Ville de Paris. L'îlot Saint-Germain sera cédé par sous-ensembles. Les décotes importantes sur les emprises déjà cédées sont la contrepartie des logements sociaux réservés aux militaires. À nous de trouver l'équilibre entre prix de cession et nombre de logements.

M. Joël Guerriau.  - Je regrette la décision concernant le Val-de-Grâce. Les questions immobilières doivent s'inscrire dans la durée. Nous serons attentifs à ce que le plan Famille corresponde bien aux annonces.

M. Jean-Noël Guérini .  - Dans un monde en mutation, de plus en plus dangereux, notre pays doit faire évoluer ses réponses en termes de défense et protection. Cette revue stratégique le fait avec mesure et intelligence.

L'Europe est notre histoire, notre identité, notre horizon, ce qui nous protège. Le Fonds européen de défense est un enjeu majeur. Les défis sont trop nombreux et complexes pour que la France les relève seule. Avec la création du Fonds européen de défense, annoncée le 7 juin dernier, il s'agira de coordonner intérêts nationaux et autonomie stratégique, industrielle et technologique de l'Europe, pour mettre en oeuvre une politique de coopération en matière de défense. Ce fonds sera financé selon le cycle budgétaire de l'Union, à partir de financement nationaux. Pouvez-vous préciser le calendrier de mise en activité de ce fonds et en estimer le coût et l'économie pour le budget national ?

Mme Florence Parly, ministre.  - Le FED est l'une des premières pierres du projet défini par le président de la République à la Sorbonne. Il faut saluer les avancées récentes vers l'Europe de la défense, liées sans doute à la prise de conscience de l'importance de la menace.

Le FED est une étape décisive, il financera la recherche de défense et les phases de développement de programmes capacitaires, notamment de prototypes, que l'Union européenne financera à hauteur de 20 %. C'est une proposition phare de la Commission, qui souhaite un programme européen de développement industriel de défense.

Le règlement permettant d'engager des dépenses sera adopté dans les prochaines semaines ; une réunion se tiendra à Bruxelles en novembre. Il est envisagé d'y consacrer 500 millions d'euros en 2019 et en 2020, puis un milliard d'euros par an.

Il faudra être attentifs aux modalités de mise en oeuvre et nous assurer que les États définissent eux-mêmes les projets financés, qui devront bénéficier à la base industrielle européenne.

M. Bernard Cazeau .  - La revue stratégique insiste sur la remise en cause des certitudes depuis la chute du mur de Berlin. Dans un monde complexe et incertain, notre diplomatie a besoin d'un cadre d'action clair. La revue stratégique préconise des axes forts : sécurité, indépendance, influence.

À cet égard, le renseignement économique et financier est un réel enjeu. Nos impératifs de sécurité nationale s'étendent à la défense du territoire et à la préservation des intérêts économiques de la nation. L'interdépendance et la concurrence à l'échelle mondiale sont sources de conflits. L'information est une condition essentielle de la compétitivité. Le développement de l'intelligence économique, qui reste sous-évalué en France, est primordial. Comment prenez-vous cela en compte ?

Mme Florence Parly, ministre.  - Oui, le renseignement économique et financier est un enjeu majeur pour la protection de nos intérêts vitaux. Ce sujet est à l'intersection de l'action de plusieurs ministères ; il recouvre le renseignement économique, concurrentiel, technologique, financier. Nous nous intéressons tout particulièrement à la lutte contre l'ingérence économique extérieure. La Direction du renseignement et de la sécurité de la défense décèle et intercepte les menaces ; l'état-major des armées joue un rôle central dans le combat cybernétique.

Nos moyens sont en constante augmentation en matière de cyberdéfense et de renseignement : 1 800 emplois supplémentaires depuis 2014 et une augmentation prévue de 848 emplois en 2018.

Nous poursuivrons cette dynamique dans la LPM.

Mme Christine Prunaud .  - Je reste perplexe sur le développement de programmes nucléaires en France. Au-delà du traité de non-prolifération, auquel la France a adhéré en 1992 seulement, 122 pays ont adopté en juillet un traité d'interdiction des armes nucléaires. Comment expliquer le refus de notre diplomatie de participer a minima aux discussions menées à l'ONU sur ce sujet ? Comment expliquer le poids croissant de la dissuasion dans notre budget ?

Mme Florence Parly, ministre.  - Le désarmement nucléaire reste un sujet de préoccupation majeur pour notre pays. Le principe est encadré par le traité de non-prolifération qui reste la norme fondamentale en la matière. Le traité d'interdiction récemment signé ne tient pas compte de la réalité géostratégique actuelle. La démonstration de force de la Corée du Nord ne doit pas être négligée. Elle traduit l'émergence d'une menace vitale. Ne vous méprenez pas : la France adhère au traité de non-prolifération et mettra toute son énergie à ce qu'il soit respecté et mis en oeuvre.

Mme Christine Prunaud.  - Merci de cette réponse, mais nous souhaitons que la France aille bien au-delà. Les superpuissances ont manqué une occasion historique avec le traité d'interdiction des armes nucléaires, qui a été signé par 122 pays. Bien sûr, le contexte joue. Malheureusement, l'escalade conduit toujours à renforcer la dissuasion... C'est cette logique que nous voulons remettre en cause.

Mme Sylvie Goy-Chavent .  - La présence de l'armée sur le territoire national est appelée à durer : menace terroriste mais aussi enjeux migratoires, protection des frontières, des grands évènements sportifs... Or l'évolution récente de Sentinelle reste homéopathique : si l'armée de terre sort du surrégime, le totem des dix mille soldats demeure.

Au-delà des effectifs, le rôle même de l'armée en matière de sécurité intérieure est contestable. Doit-elle assurer des missions de police aux frontières ? Les forces de police et de gendarmerie sont à bout de souffle, et l'armée sert de palliatif ! L'opération Sentinelle devait être provisoire, comme l'état d'urgence... Or la menace terroriste se renforce chaque jour davantage, notamment avec le retour prévisible des djihadistes français. L'armée doit-elle se consacrer aux opérations extérieures ou renforcer la sécurité intérieure ?

Mme Florence Parly, ministre.  - Chacun est dans son rôle lorsque l'armée apporte sa contribution aux forces de sécurité du ministère de l'intérieur. Savoir-faire et matériels spécifiques viennent en appui dans des situations particulières, comme la lutte contre les feux de forêt ou dans les Caraïbes après le passage de l'ouragan Irma ; la présence du bâtiment Tonnerre a été décisive.

L'opération Sentinelle a fait débat. Des moyens importants ont été accordés à l'armée de terre qui a vu ses effectifs croître pour répondre aux besoins. L'efficacité des interventions des hommes et des femmes engagés dans Sentinelle se passe de long discours : leur présence est sécurisante et dissuasive, ils font face à la menace avec professionnalisme.

Nous ne mélangeons pas les genres. Les soldats ont aussi une mission de protection du territoire national.

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Merci, mais j'attire l'attention sur l'état d'épuisement de nos forces armées qui se dévouent pour défendre nos valeurs et protéger nos vies.

M. Cédric Perrin .  - La revue stratégique est un document « solide », pour le président Christian Cambon. Il faudra définir des priorités et savoir quels pays européens peuvent agir et s'engager dans une coopération plus étroite. Je salue votre décision d'armer nos drones - je l'avais recommandé avec Gilbert Roger. La surveillance d'événements tels que Paris 2024 est à préparer dès à présent. Le matériel doit être renouvelé.

Quelle étape supplémentaire faut-il franchir ? Faut-il passer du drone armé au drone de combat ?

Mme Florence Parly, ministre.  - Les drones sont désormais incontournables. Ils sont durables et d'une grande discrétion. J'ai fixé trois priorités : conforter la collecte de renseignements grâce aux drones aériens Reaper ; élargir leur champ de capacité en les armant - ce sera le cas des drones MALE ; explorer la possibilité d'utiliser des drones dans le combat aérien - c'est le sens de notre programme en coopération avec les Britanniques.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - La revue stratégique dresse un tableau global. L'analyse de la sécurité en Europe paraît particulièrement juste, notamment à l'égard de la Russie. Elle évoque également le comportement unilatéral du président Trump, qui va à l'encontre des intérêts européens.

N'y a-t-il pas contradiction entre la valorisation de l'alliance avec les États-Unis et le nécessaire développement de l'Europe de la défense ?

Mme Florence Parly, ministre.  - Cette question est théorique. Aujourd'hui, les pays européens prennent conscience de la nécessité de se protéger et d'investir dans leur défense et l'OTAN appelle ses membres à participer davantage. Il y a là une grande cohérence. Il n'y a pas de contradiction mais des synergies. Être aux avant-postes de l'Europe de la défense ne signifie nullement un désengagement de l'OTAN. Nous étions présents cette année en Estonie ; nous le serons l'an prochain en Lituanie - toujours aux avant-postes de l'OTAN.

M. Raymond Vall .  - Nos armées sont confrontées à des défis : les menaces s'accroissent ; il faut ménager l'outil pour durer ; il faut chercher des soutiens en Europe où nos partenaires ne partagent pas notre tropisme sahélien, à l'ONU, mais aussi dans la société civile, car toute intervention qui dure, suscite des oppositions. Seule une approche globale, comme l'indique bien la revue stratégique, peut répondre à ces défis en reliant les aspects militaires à la diplomatie et au développement. Comment allez-vous coopérer avec le ministre des affaires étrangères pour sortir de la crise au Sahel et prévenir son aggravation au Maghreb ?

Mme Florence Parly, ministre.  - Il est effectivement plus difficile de faire la paix que de mener la guerre, on l'a vu en Afghanistan, en Irak - et on le craint au Sahel. Nos adversaires sont des groupes armés terroristes. La réponse ne peut pas être uniquement militaire : il faut de la diplomatie et de l'aide au développement pour prendre le mal à sa racine.

Sur le terrain, nous menons des actions civilo-militaires et délivrons une aide médicale partout où notre armée est présente. À l'échelle de la région sahélienne, nous agissons globalement avec l'Alliance pour le Sahel. Dans tout conflit, c'est l'État tout entier qui s'engage et non pas seulement l'armée.