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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Dénomination d'un groupe

Conseil constitutionnel (Nomination)

Cour de justice de la République (Prestation de serment)

Intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux

M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants - République et Territoires, auteur de la demande

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique

M. Joël Labbé

M. Gérard Longuet

M. André Gattolin

M. Fabien Gay

Mme Catherine Morin-Desailly

M. Franck Montaugé

M. Emmanuel Capus

M. Jean-Noël Guérini

M. Cédric Perrin

M. Arnaud de Belenet

M. Pierre Ouzoulias

M. Olivier Cadic

M. Marc Daunis

M. Michel Raison

Mme Michèle Vullien

M. Ronan Le Gleut

M. Jean-Michel Houllegatte

M. Jérôme Durain

M. Jacques Grosperrin

M. Cédric Perrin

Participation dans l'entreprise, outil de croissance et perspectives

M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants  - République et Territoires

M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants  - République et Territoires

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Mme Nathalie Delattre

Mme Chantal Deseyne

M. Dominique Théophile

M. Dominique Watrin

M. Michel Canevet

M. Xavier Iacovelli

M. Jean-Pierre Decool

M. Jean-Claude Requier

Mme Pascale Gruny

Mme Patricia Schillinger

Mme Pascale Gruny

Mme Laurence Cohen

M. Jean-Claude Luche

Mme Florence Lassarade

Mme Catherine Fournier

Mme Nicole Duranton

Mme Agnès Canayer

M. Marc Laménie

Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

M. Frédéric Marchand

M. Guillaume Gontard

M. Michel Dagbert

M. Daniel Chasseing

M. Raymond Vall

M. Jean-François Husson

M. Jean-Claude Luche

M. Rémy Pointereau

M. Didier Rambaud

M. Pierre-Yves Collombat

M. Pierre Médevielle

M. Claude Bérit-Débat

M. Jean-Claude Requier

M. Philippe Pemezec

M. Pierre Louault

M. Olivier Jacquin

M. Olivier Paccaud

Mme Angèle Préville

M. René-Paul Savary

M. Sébastien Leroux

Mme Marie Mercier

Ordre du jour du jeudi 26 octobre 2017




SÉANCE

du mercredi 25 octobre 2017

9e séance de la session ordinaire 2017-2018

présidence de M. Jean-Marc Gabouty, vice-président

Secrétaires : Mme Agnès Canayer, M. Victorin Lurel.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Dénomination d'un groupe

M. le président.  - Par courrier en date du mardi 24 octobre 2017, M. le président Claude Malhuret a informé M. le président du Sénat du changement de dénomination du groupe qu'il préside et qui s'appelle désormais : « Les Indépendants - République et Territoires ».

Conseil constitutionnel (Nomination)

M. le président.  - Conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article 13 et de l'article 56 de la Constitution, la commission des lois a fait connaître qu'elle a émis, lors de sa réunion du mercredi 25 octobre 2017, un vote favorable (39 voix pour, 1 voix contre et 1 bulletin blanc) à la nomination de Mme Dominique Lottin aux fonctions de membre du Conseil constitutionnel.

Cour de justice de la République (Prestation de serment)

M. le président.  - Mme Agnès Canayer, élue juge titulaire à la Cour de justice de la République le 18 octobre dernier, va être appelée à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l'article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Je vais donner lecture de la formule du serment. Je vous prie de bien vouloir vous lever et de répondre, en levant la main droite, par les mots :

« Je le jure ».

Voici la formule du serment :

« Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

Mme Agnès Canayer se lève et prête serment.

M. le président.  - Acte est donné par le Sénat du serment qui vient d'être prêté devant lui.

M. Charles Revet.  - Bravo !

Intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat : « Intelligence artificielle, enjeux économiques et cadres légaux » (demande du groupe Les Indépendants  - République et Territoires).

M. Claude Malhuret, président du groupe Les Indépendants - République et Territoires, auteur de la demande .  - La troisième révolution industrielle, celle des technologies NBIC (nano, bio, informatique et cognition), a commencé avec ce siècle. Elle ne ressemblera pas aux deux précédentes. Son objet n'est plus la maîtrise de la matière inanimée, mais la transformation de l'homme ; elle dote les machines d'une intelligence propre et d'une véritable autonomie.

Premier constat, alarmant : la France et l'Europe sont distancées, pour la première fois depuis deux siècles, peut-être irrémédiablement, par le duopole de niveau mondial Chine-États-Unis, les BATX (Baidu, Alibaba, Tencent et Xiaomi) et les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft).

Le Gouvernement a annoncé son intention de mettre en place une République numérique, avec une feuille de route en dix points, comportant notamment la couverture numérique complète du territoire et la création d'un fonds de soutien de 10 milliards d'euros. Au salon Viva Tech le président de la République a précisé ses intentions en insistant notamment sur le développement des clean techs et des green techs, puissants gisements d'emplois et de richesses pour notre pays.

À Angers se tient en ce moment la vingt-deuxième édition du World Electronics Forum, le rendez-vous mondial des leaders de l'électronique, de retour en Europe pour la première fois depuis 2005. Allons-nous rattraper notre retard ? Pensons cette révolution numérique, avant que le vide juridique entourant ces nouvelles technologies ne nous dépasse !

Le deuxième défi est social : contrairement aux prédictions pessimistes, les deux premières révolutions industrielles ont créé des millions d'emplois. Or la troisième, avec l'automatisation, risque de détruire plus d'emplois qu'elle en crée et de mettre en place un marché du travail à deux vitesses, comportant une minorité d'emplois surqualifiés et une majorité de travailleurs précaires, sans compter les chômeurs. Les médecins, chirurgiens et radiologues notamment, sont, à 30 ou 40 ans, les plus menacés par l'intelligence artificielle -  pas seulement les chauffeurs ou les métiers les moins qualifiés.

Troisième défi, sans doute le plus redoutable : l'éducation. La France est à la traîne dans tous les classements internationaux, pour l'école primaire, comme pour l'enseignement secondaire ou l'université, pour l'enseignement des mathématiques, de la langue maternelle ou des langues étrangères, comme pour les inégalités dans l'accès à la connaissance, ce qui nous place en situation d'extrême faiblesse face à la révolution des nouvelles technologies. Le nouveau ministre de l'éducation nationale semble bien conscient du problème.

En 2017, 17 % des jeunes de 15 à 29 ans sont des NEETs (young people not in education, employment or training). Il faudra pourtant les former à un monde ou cohabiteront intelligences biologique et artificielle.

Le quatrième défi est juridique : quel statut pour les machines, à qui les droits d'auteur, la propriété des données, la responsabilité en cas d'accident ?

Dernier enjeu, celui de l'éthique et de la morale. Les données de santé, collectées massivement par des entreprises privées, menacent le respect de la vie privée. Comment s'assurer qu'elles ne seront pas vendues à une compagnie privée ou à un futur employeur ?

Qu'en est-il du transhumanisme, de cette idée de l'homme « augmenté » ou « amélioré », qui pourrait être réservée à ceux qui pourront se le permettre ? L'hybridation entre l'intelligence artificielle et l'homme doit être encadrée juridiquement et faire l'objet d'un débat public.

Michel Foucault écrivait à la fin de Les Mots et les choses que : « à la figure de l'homme s'efface peu à peu, comme à la surface de la mer un visage de sable ».

Reste la dimension européenne. Prenons garde au duopole américano-chinois sur l'intelligence artificielle et trouvons une juste mesure prenant en compte la protection des droits. Le Parlement européen a pris en janvier une résolution en ce sens.

L'intelligence artificielle entraîne de formidables opportunités tout en posant de nombreuses questions. Anticipons et n'agissons pas en réaction au quotidien !

Qu'envisage le Gouvernement pour mettre en place un cadre juridique et légal, national et européen, qui permettra à la France et à notre continent de garder son rang dans un monde où le changement ne cesse de s'accélérer ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants ainsi que sur plusieurs bancs des groupes UC et LaREM)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé du numérique .  - Votre Assemblée est la première à m'inviter à m'exprimer sur ce sujet, qui est encore émergent, notamment sur les plans scientifique et économique. Il est pourtant essentiel que tous en comprennent les enjeux, et que les politiques, en particulier, prennent des décisions.

Nous Français, Européens, n'avons rien à subir de ces transformations, économiques, technologiques, scientifiques, mais au contraire tout à apporter. La voix de la France est entendue et attendue sur ce sujet.

Pour la première fois, l'intelligence artificielle a été mentionnée dans le discours de politique générale du Premier ministre, qui m'a confié l'élaboration d'une véritable stratégie nationale dans ce domaine.

C'est dans cet esprit que Cédric Villani a été chargé de travailler sur un ensemble de propositions destinées à servir de base à cette stratégie.

Ces deux dernières années ont vu une hyper-accélération des capacités de calcul. Longtemps, les ordinateurs se sont cantonnés au traitement des données ; désormais, ils s'attaquent à la compréhension des contextes, de l'espace, de l'utilisation de ces données multiples, qui peuvent être sensibles.

L'intelligence artificielle repose aussi sur l'intelligence des algorithmes. Bonne nouvelle, les Français sont en pointe dans ce domaine. Ces voies de recherche convergent pour produire des avancées majeures, en particulier, pour ne citer que cet exemple, dans le secteur de la santé.

Encore faut-il savoir où nous voulons aller. Un premier rapport rendu cet été, France intelligence artificielle, a servi de point de départ à la réflexion en identifiant nos points forts et nos manques. Cédric Villani, sur certaines questions, se tournent vers les Français plutôt que d'élaborer lui-même les réponses, en particulier dans le champ de l'éthique. Ainsi en ira-t-il de la décision administrative autonome, voire des robots capables de tuer. Ce code des algorithmes de décisions administratives, a-t-on arrêté, doit être ouvert, mais cela suffit-il ? Nous y réfléchissons.

Muriel Pénicaud et moi-même avons saisi France Stratégie pour l'élaboration de scénarios sur les effets de l'intelligence artificielle sur l'emploi. Nous avons pour responsabilité de renforcer la résilience des Français face à ces phénomènes.

Je vous donne rendez-vous en janvier ou février pour la remise du rapport de Cédric Villani ; en attendant, débattons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Les Indépendants et SOCR)

M. le président. - Je précise que si le premier orateur a jugé bon de s'exprimer de la tribune, les suivants pourront s'exprimer depuis l'hémicycle.

M. Joël Labbé .  - L'intelligence artificielle me donne le vertige. C'est à la fois le plus fantastique progrès humain et, potentiellement, le plus abominable. Rien ne doit être tabou dans un tel débat et je vous remercie, monsieur le ministre, d'avoir cité les robots tueurs.

Le premier véhicule autonome sera mis sur le marché début 2020, avec une généralisation en 2030. C'est une opportunité extraordinaire en matière de sécurité et d'environnement. Elle entraîne aussi de profondes inquiétudes, puisque plusieurs millions d'emplois risquent d'être remplacés par quelques centaines de milliers, hautement qualifiés.

Quel avenir pour l'aide aux personnes ? Allons-nous impulser les dynamiques nécessaires au niveau international, notamment sur l'éthique ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe RDSE)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - C'est à l'homme de décider où va l'intelligence artificielle. Il y a plusieurs chemins possibles. Plus je voyage, plus je distingue une manière bien française de penser le numérique, associant performance et humanité, c'est-à-dire la capacité à prendre en compte les conséquences humaines des évolutions à l'oeuvre.

Il existe néanmoins d'autres conceptions qui privilégient l'innovation coûte que coûte. Il appartient à la France d'orienter la réflexion au niveau européen, en rappelant ses valeurs. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM)

M. Gérard Longuet .  - Ce débat est important. Je remercie Claude Malhuret, président du nouveau groupe Les Indépendants, de l'avoir proposé, la conférence des présidents de l'avoir inscrit à l'ordre du jour et le ministre d'y participer. Je tiens aussi à remercier tout particulièrement l'office parlementaire des choix scientifiques et technologiques pour sa contribution à notre réflexion.

Avez-vous défini un calendrier pour coordonner la sortie du véhicule autonome et la mise en place du cadre juridique qui encadrera son usage ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Le véhicule autonome pourra être généralisé en 2020 ou en 2030. De nombreux choix restent à imaginer et à définir : le véhicule autonome sera-t-il une voiture que je possèderai et qui me transportera où et quand je le souhaiterai sans que je la conduise ? Sera-t-il un véhicule que je louerai ? A qui appartiendra-t-il ? Aux villes ? Les modalités sont, à l'évidence, multiples et nous devons prendre la mesure de leurs conséquences.

Que deviendra le transport en commun en 2030 ? Les taxis, les VTC ? Ainsi, si l'on arrêtait la circulation de tous les véhicules personnels à Paris, on gagnerait collectivement 2,5 milliards d'euros. Nous devons réfléchir à toutes ces possibilités et nous poser les bonnes questions sur ce que nous souhaitons. C'est l'enjeu de notre travail.

M. Gérard Longuet.  - Pour avoir vécu de près la coexistence du minitel et de l'Internet, je souhaiterais que le pouvoir politique reste modeste à l'égard de ces évolutions plus ou moins prévisibles et laisse l'initiative au secteur privé, aux experts et aux citoyens. Place à la liberté plutôt qu'à une réglementation de nos modes de vie. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes Les Indépendants, UC et RDSE)

M. André Gattolin .  - L'intelligence artificielle est un sujet à la mode. Les grands groupes ne cessent de faire des annonces spectaculaires dans ce domaine. Notre rôle à nous, politiques, est d'encadrer le débat.

Le secteur privé peut-il, à lui seul, organiser le développement de l'intelligence artificielle ? La France et l'Europe sont-elles en mesure de tenir une place dans le développement de l'intelligence artificielle ? Comment réguler ce développement ?

Dans son discours à la Sorbonne, le président de la République a annoncé la création d'une agence européenne de l'innovation dans deux ans. Où en est-on ? Avancerons-nous rapidement à l'échelon européen ou faudra-t-il passer par une étape franco-allemande ? Quel sera le rôle de l'Inria, organisme très actif pour l'innovation et les réseaux ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - L'intelligence artificielle établit de nouveaux usages. Nous disposons d'outils pour maîtriser le développement du véhicule autonome : standardisation des protocoles, délégations de service public sur la partie infrastructure du réseau. La question posée est celle du rôle respectif du public et du privé. Est-ce le rôle des collectivités territoriales de porter les plateformes de ces réseaux ? Il serait dangereux de ne pas accompagner les acteurs privés dans la gestion de ces réseaux. Les données sont un enjeu de poids à l'aune de ces transformations numériques. En dépit des ressources existantes, prometteuses, la France manque encore de chercheurs sur ce sujet.

M. Fabien Gay .  - Les enjeux notamment économiques du développement de l'intelligence artificielle sont proportionnels aux progrès spectaculaires en la matière. Même si la destruction d'emplois pourrait être moins étendue que ce que nous avions envisagé, la transformation du travail sera radicale. Il faudra placer l'information au coeur du travail. Chaque travailleur devra alterner formation évolutive et période de travail. Êtes-vous d'accord pour utiliser l'intelligence artificielle pour libérer le travailleur de tâches fastidieuses et répétitives ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Davantage que les chiffres, c'est la capacité de résilience de notre société qui compte et la préservation de notre modèle social. Être français, c'est ne laisser personne sur le bas-côté. Cela nous rassemble tous, même si nous pouvons diverger, de part et d'autre de l'hémicycle, sur la répartition et la proportion des moyens, des mesures à prendre pour y parvenir. Comment concilier une telle exigence avec la menace de la suppression d'un grand nombre d'emplois ?

La question du revenu universel est trop précoce ; en revanche, celle d'une allocation de chômage ouverte à tous est urgente. Dans les quinze ans à venir, chaque citoyen devra se former pour évoluer dans son travail. À nous de développer un outil de solidarité pour rendre cette transformation possible.

Mme Catherine Morin-Desailly .  - Lors de son audition par notre commission, le président de l'Inria a déclaré : « pendant que la France fait des rapports, les autres pays investissent ». C'est significatif.

Au-delà tous les experts s'accordent à le dire : au niveau français comme européen nous n'avons ni l'ambition ni la stratégie appropriées au développement des nouvelles technologies. Les cerveaux fuient aux États-Unis qui ont fait depuis longtemps preuve de volontarisme dans ce domaine, permettant ainsi le développement de géants technologiques tels que Tesla, l'entreprise d'Elon Musk. Pas une technologie de l'iPhone n'a été développée sans aide active de l'État américain, y compris par des exemptions fiscales.

L'État doit absolument innover et faire évoluer la règlementation européenne de la concurrence, contre-productive. Tel est l'enjeu à un moment clef où nous mesurons le potentiel et les risques liés à l'intelligence artificielle.

Comment comptez-vous nous faire demeurer dans la compétition mondiale ? (Applaudissements nourris sur les bancs du groupe UC, ainsi que sur de nombreux bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - M. Villani a bien conscience qu'il ne doit pas nous faire un énième rapport mais nous proposer des orientations concrètes. Jusqu'à présent, nous nous sommes contentés de photographier la réalité dans des rapports. Il est temps de développer une véritable stratégie d'action. Relations avec les grands groupes compétitifs à l'export, financement : tels sont notamment les principaux enjeux.

En matière d'intelligence artificielle ou de cybersécurité, nous n'avons pas de pilotage national et nous manquons d'un regard stratégique. Je sais pouvoir compter sur le Sénat pour y travailler ; vous pouvez aussi compter sur moi.

M. Franck Montaugé .  - Le rapport qui vient d'être remis au Gouvernement sur l'intelligence artificielle préconise un financement de la recherche pour soutenir des projets collaboratifs à cinq ans. Il propose aussi la mise en place de fonds d'investissement en capital.

Comment le Gouvernement financera-t-il concrètement le développement de l'intelligence artificielle dans le projet de loi de finances 2018 ? Je note que l'agriculture n'est guère prise en compte alors que l'intelligence artificielle pourrait parfaitement s'y appliquer.

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - La French Tech s'est transformée ces derniers mois. Elle a massivement mobilisé ses moyens au service des métropoles.

La création des réseaux French Tech a ensuite touché les territoires en y introduisant des innovations majeures, comme par exemple celle des drones. Je serai à Angers vendredi et samedi. En trente ans, cette ville a développé un écosystème de l'électronique compétitif au niveau international. Elle est la première de la classe dans ce domaine.

Angers se distingue aussi en matière de FoodTechs, de GreenTechs et d'AgriTechs, c'est-à-dire d'alimentation. Nous souhaitons favoriser la diversité des entreprises, mais aussi la diversité spatiale avec des start-up déployées sur tout le territoire.

C'est ainsi que l'on pourra raconter et vivre de belles histoires françaises.

M. Franck Montaugé.  - Merci pour cette réponse. J'aurais aimé avoir des précisions sur l'aspect financier, notamment dans le projet de loi de finances 2018. Nous y reviendrons bientôt.

M. Emmanuel Capus .  - Enjeux économique, juridique, éthique : l'intelligence artificielle touche beaucoup de domaines. Le World Electronics Forum, le forum mondial de l'électronique, à Angers, est une occasion extraordinaire de mettre en avant le savoir-faire français : industrie, écosystème, numérique français, vie digitale. Faire venir les décideurs du monde entier à Angers est le résultat d'une volonté politique forte.

Face aux géants américains et chinois, nous devons développer une stratégie de souveraineté numérique. Quels moyens le Gouvernement donnera-t-il au développement d'une filière française de l'intelligence artificielle ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Il faudrait aussi souligner le dynamisme de Dijon dans la FoodTech.

Nous avons la volonté d'identifier les secteurs où il faut de l'investissement privé ou public, et à quelle hauteur.

M. le Maire a annoncé 10 milliards d'euros pour le fonds pour l'innovation, par la valorisation des titres déjà détenus ; ce seront des centaines de millions d'euros pour les technologies de rupture. L'urgence est-elle plutôt à investir dans la santé, l'agriculture ? Nous n'avons pas les mêmes retards, ni les mêmes opportunités, selon les technologies...

Le PIA 3 est aussi important, avec des programmes de recherche labellisés sur des sujets de rupture. Le dernier appel à projets illustre bien la complexité des sujets ! La France est dans une dynamique, nous investissons, nous finançons. Le choix des priorités est stratégique.

J'aborderai tout à l'heure le co-financement européen. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jean-Noël Guérini .  - Merci à M. Malhuret d'avoir initié ce débat. Les technologies fondées sur l'intelligence artificielle ont, depuis le milieu du XXe siècle déjà, des effets sur l'individu, l'économie et la société et suscitent des inquiétudes sur le plan éthique comme sur le plan de l'emploi.

En Suède, 6 % des salariés exercent dans le secteur de la communication électronique, contre 1,2 % en Grèce. La France, avec 3,6 %, est dans la moyenne européenne.

Le rapport de l'Opecst a émis une cinquantaine de recommandations pour réguler les bouleversements sociaux qu'entraîne l'intelligence artificielle, comme le risque de destruction et de dénaturation des emplois. Les politiques publiques envisagées en matière de formation professionnelle seront-elles suffisantes pour former et reconvertir ceux qui en ont besoin ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Notre vision est très pragmatique. La formation, c'est d'abord l'acquisition de la literacy numérique. Ce sont 30 à 40 heures indispensables pour maîtriser les compétences de base qui manquent encore à environ 20 % de la population.

Viennent ensuite les compétences professionnelles, les emplois nouveaux à créer et à conquérir. Pour ceux qui savent déjà utiliser un ordinateur, un accompagnement de quelques mois suffira pour s'adapter à la transformation de leur emploi. D'autres, hors de l'emploi, iront vers de nouveaux métiers. Pour la très haute compétence, les universités proposent de nouvelles formations, en LMD, pour former les ingénieurs de demain. Entre les deux, il y a des centaines de milliers de techniciens à former, et là, nous ne sommes pas prêts.

Il faut des outils flexibles, d'un type nouveau. Nous y travaillons avec la ministre de l'enseignement supérieur, avec notamment la Grande école du numérique qui propose une centaine de formations, de six mois à deux ans, sur tout le territoire.

Nous avons besoin de former des techniciens de réseaux, de e-commerce. C'est une opportunité ! J'ai été pendant neuf ans technicien réseau dans une hotline, et c'est une fierté d'accompagner les Français dans cette voie. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et LaREM)

M. Cédric Perrin .  - Avec Gilbert Roger, je suis l'auteur d'un rapport intitulé « Drones d'observation et drones armés : un enjeu de souveraineté ». L'enjeu est le même pour l'intelligence artificielle, qui a des applications dans des domaines tels que l'aéronautique, la sécurité et la défense. Le rapport Gillot-de Ganay prône l'émergence de champions européens en matière d'intelligence artificielle et de robotique pour faire face aux géants américains et chinois. Quelle place pour l'Europe et la France dans ce domaine ? Comment le Gouvernement conçoit-il le rôle de l'intelligence artificielle dans le secteur de la défense ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - En matière d'infrastructures de télécommunications, nous avons un déficit de fournisseurs européens d'éléments matériels centraux qui nous rend dépendants. La France doit identifier les technologies dans lesquelles investir.

La ministre de la défense a annoncé la création d'un fonds d'investissement pour les entreprises stratégiques de défense doté de 50 millions d'euros, à destination des PME. Il faut savoir identifier nos forces et nos lacunes, par exemple en matière de cybersécurité, à l'image d'Israël qui suit constamment le nombre de chercheurs et de programmes industriels, pour savoir où orienter les investissements...

M. le président.  - Il faut conclure, monsieur le ministre.

M. François Patriat.  - Il est trop bon !

M. Arnaud de Belenet .  - J'apprécie votre fougue, monsieur le ministre.

J'ai entendu nos collègues qui soulignent les interrogations, les défis à relever. J'entends que le Gouvernement s'est saisi pleinement du sujet et que de nombreux dispositifs répondent aux enjeux.

La première des libertés, c'est celle de s'aliéner. Encore faut-il décider à qui nous voulons nous aliéner ! La question du contrat social doit être posée.

J'aurai pu aussi soulever des questions plus juridiques : la propriété intellectuelle, par exemple, avec des créations rendues possibles sans participation humaine, la transparence ou le droit de la responsabilité... (Applaudissements sur les bancs des groupe LaREM et Les Indépendants)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Ce sujet interroge en effet notre façon d'être citoyens ensemble.

Nous ne devons rien subir. C'est au politique de décider vers où doivent aller ces technologies, et de traiter des conséquences. Le financement de la solidarité est un élément central du contrat social en France et en Europe.

Vous posez aussi la question de notre rapport à la politique, à la décision, à l'autorité. Dubaï annonce la mise en oeuvre de robots policiers. Si j'insulte un robot policier, est-ce la même chose que si j'insulte un policier humain ? Le programmateur du robot est-il responsable de ses actes ? Vous souriez mais il faut y réfléchir selon la méthode des scénarios, en envisageant aussi les plus extrêmes.

M. Pierre Ouzoulias .  - Le Gouvernement a demandé à Cédric Villani un rapport, moins de six mois après la publication du rapport Gillot-de Ganay. D'ailleurs, n'est-il pas étrange, déontologiquement, de commander un tel rapport à un parlementaire qui est par ailleurs président de l'Opecst ?

M. Villani défend dans la presse une approche globale de l'intelligence artificielle. De ce point de vue, nous ne pouvons qu'être d'accord.

Le sujet ne peut être dissocié de celui de la diffusion de la culture mathématique et de la scolarité. Or les disciplines scientifiques sont à la peine : 375 postes non pourvus au Capes de mathématiques, absences non remplacées... Un quart des collégiens a des difficultés en mathématiques.

En outre, les femmes sont très largement exclues : 90 % des programmeurs et développeurs sont des hommes. Pourquoi l'intelligence féminine serait-elle incompatible avec l'intelligence artificielle ? (Mme Marie-Pierre Monier et M. Marc Daunis applaudissent.)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - La diversité des profils est liée à la culture et à la pédagogie des sciences. En dix ans, on a vu disparaître de l'audiovisuel public tous les programmes de sensibilisation aux sciences, qui trouvaient un écho dans les classes. On a perdu le goût heureux de la pratique des sciences. On a peu à peu réservé ces matières aux experts. En maths, le problème n'est pas celui de la formation mais du manque de candidats ! Sur tout notre territoire, nous avons des musées des sciences, dont la fréquentation est en berne.

Pour ce qui est de la place des femmes, les pays qui font mieux que nous s'adressent aux filles dès le collège. Je vous invite au prochain évènement StartHer : c'est l'occasion de parler avec des femmes de leurs technologies, et de comment elles vont transformer le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LaRem et sur certains bancs du groupe UC)

M. Olivier Cadic .  - Quelle sera la place de l'intelligence artificielle dans le marché du travail ? Visions malthusienne et schumpetérienne s'affrontent. Selon la première, il n'y aura plus de destruction créatrice : la moitié des emplois aux États-Unis seront remplacés à terme par des machines, ce qui justifie la théorie du revenu universel. Ce n'est pas la mienne. Certes les métiers changeront. Les cols blancs seront remplacés -  comme jadis les cols bleus  - par la creative class, comme on dit à l'université de Columbia.

Ils seront remplacés par les cols d'or. Selon Laurent Alexandre, les métiers de demain devront être complémentaires de l'intelligence artificielle. Il y a là un fantastique gisement pour l'avenir. Le défi, pour la puissance publique, est de les identifier, pour informer et pour former. Comment notre pays s'y prépare-t-il ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Vous opposez deux visions. Nous voulons que chacun adapte ses compétences, sa formation pour créer des entreprises compétitives sur tout le territoire, dans des conditions de juste concurrence.

Comment éviter la création de méga-monopoles, monstres économiques et démocratiques, dirigés par des « cols de diamant » qui évoluent dans un ordre nouveau ? Serons-nous légitimes aux yeux de leurs salariés-citoyens, quand certaines entreprises emploieront un million de salariés sur des îles flottantes dans les eaux internationales ? À nous de préciser l'avenir, d'investir dans nos valeurs, pour éviter un tel monde qui oublie la moitié de l'humanité. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Olivier Cadic.  - En 1995, le ministère de l'industrie avait publié un livre sur les cent technologies clés pour l'an 2000. Il ne citait nulle part Internet... Il s'agit donc bien d'identifier correctement les nouveaux métiers.

M. Marc Daunis .  - Nos échanges témoignent de la richesse des questionnements du législateur et du Gouvernement. On touche à l'essence même de l'humanité ! Vous souhaitez « ne jamais subir », soit. Mais comment pouvez-vous affirmer que l'intelligence artificielle ne sera jamais supérieure à l'intelligence humaine, à l'inverse de ce que prédisent la plupart des scientifiques, qui assurent que d'ici vingt-cinq à trente ans, les capacités de la machine dépasseront celles de l'homme ?

À Sophia Antipolis, des questions se posent à partir des expériences de terrain en matière d'éducation : devenir des données d'apprentissage, notion de propriété intellectuelle, plateformes coopératives et collaboratives, notion même d'open source... Comment éviter que des acteurs privés ne captent les cerveaux des enfants ? Comment voyez-vous la complémentarité entre la machine et l'humain en termes d'éducation et de formation ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Cela fait longtemps que la machine calcule plus vite que les hommes, qu'elle sait traiter un plus grand nombre de données ; mais l'intelligence artificielle qui pourra décider ce qui est juste n'est pas encore née ! Ce qui fait l'intelligence ne peut naître que du débat, la capacité à décider ce qui est souhaitable pour l'homme restera le monopole des hommes et des femmes.

Vous posez la question des rapports entre numérique et éducation : quel enseignement à l'heure de la transformation numérique de la société et des emplois, quels outils pour penser le moment éducatif ? Et, au-delà des moocs et des tablettes, comment former nos enfants à l'appréhension d'un monde nouveau ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Michel Raison .  - L'intelligence artificielle est là - comme l'intelligence humaine aussi, dans l'hémicycle... (On apprécie sur divers bancs.)

M. André Gattolin.  - Bravo !

M. Michel Raison.  - Les programmes peuvent dépasser les hommes aux échecs, au jeu de go, au poker. Il faut accompagner l'essor de ces technologies car le progrès, incontestable, est aussi source de risque. Comment assurer la bonne gouvernance de l'intelligence artificielle, quels principes éthiques imposer sans que des contraintes juridiques trop fortes ne viennent paralyser l'innovation ?

Le rapport Gillot-de Ganay propose d'élaborer une charte et de créer un institut national de l'éthique de l'intelligence artificielle et de la robotique chargé d'animer le débat public. Quelles suites comptez-vous donner à ces recommandations ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - J'ai lu ce rapport et en ai parlé avec Mme Gillot ; il problématise bien les choses. Les quinze recommandations finales font partie des questions qui seront posées à l'issue de la mission de Cédric Villani.

La loi pour une République numérique a chargé la CNIL d'une réflexion sur l'éthique dans la technologie ; le rapport sera rendu prochainement. Comme en matière de bioéthique, la science va plus vite que la capacité d'analyser ses conséquences : il faut des outils pour maîtriser les inquiétudes. Nous savons l'océan d'opportunités que le numérique apporte au vivre ensemble.

Avant de créer une telle instance, il faut que collectivement, le Parlement vérifie que les Français se posent les questions au bon niveau. Je souhaite que le rapport Villani déclenche un débat politique long, qui débouchera sur la France numérique de demain.

Mme Michèle Vullien .  - L'intelligence artificielle est une chance pour l'organisation du territoire, mais il faut remettre l'homme au centre du débat. De quoi nos concitoyens ont-ils besoin ? Quelle qualité d'usage ?

En matière de transport publics, les navettes autonomes peuvent être une formidable opportunité pour mailler le territoire, en centre-ville ou dans la ruralité, où les transports à la demande fonctionnent mal. Elles permettraient une continuité du service public dans l'espace mais aussi dans le temps, en horaires atypiques, en apportant des réponses aux 20 % qui ont besoin d'autres solutions.

Il existe déjà de telles navettes, comme les Navly dans le quartier de la Confluence, à Lyon. Mais la réglementation actuelle ne permet pas aux collectivités locales d'expérimenter librement. Comment les Assises de la mobilité et le projet de loi d'orientation qui en découlera prendront-ils en compte ces évolutions technologiques ? Les collectivités ont besoin d'un droit à l'expérimentation, voire d'un droit à l'erreur. Tout ne sera pas facile. Mais, comme on dit à la métropole de Lyon : aimons l'avenir ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UC)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - On ne peut qu'aimer cette devise. Chaque territoire, chaque usage aura besoin de solutions différentes, personnalisées, ce qui nécessite la multi-modalité du transport, intelligente, adaptative et personnalisée. Le transport des personnes en situation de handicap, des malades, des collégiens et lycéens est imparfait, coûteux et incomplet. L'innovation sera un facteur de mieux-être pour ces publics. Ainsi le taxi médical en zone rurale pourrait être remplacé par des solutions plus adaptées.

Aujourd'hui, les véhicules autonomes ne sont autorisés que sur des espaces d'expérimentation restreints ; demain, avec la maturité de la technologie, ce sera des espaces sécurisés ouverts au public, puis des territoires entiers d'expérimentation - en zone rurale je l'espère.

Les technologies ne valent que si elles sont utiles ; c'est ainsi que l'on crée la confiance.

M. Ronan Le Gleut .  - Ces technologies vont révolutionner nos vies et celles de nos enfants. Or elles sont aux mains des Américains, avec les Gafa, et des Chinois, avec Alibaba ou Xiaomi : aucun leader européen dans le domaine de l'intelligence artificielle. Il est urgent de rattraper notre retard.

Nous pouvons mettre de l'intelligence artificielle dans tous les domaines, y compris dans les politiques publiques, pour prendre des décisions plus affutées. Ce n'est pas l'intelligence artificielle qui apporte des solutions mais son association avec l'intelligence humaine. L'État en a-t-il pris conscience ? Comment faire émerger une vraie industrie de l'intelligence artificielle en France où les acteurs privés et publics auraient leur part ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Mon secrétariat d'État est aussi en charge de la transformation numérique de l'État. Cela recouvre les outils, les modes de fonctionnement, la recherche de la performance mais aussi l'innovation et l'hyper-innovation.

Dans les enquêtes pénales, l'intelligence artificielle pourra aider le policier ou le juge à traiter des dossiers comprenant des milliers de pièces. Même chose pour la médecine, les transports, notamment dans la distribution optimisée au dernier kilomètre. Faudra-t-il travailler avec des prestataires ? Nationaliser ? Tous les scénarios sont sur la table, il s'agira d'un choix politique.

Une équipe technologique spécifique que j'ai renforcée et qui continuera à recruter au plus haut niveau travaillera sur le sujet avec toutes les composantes de l'État.

M. Ronan Le Gleut.  - N'oublions pas les collectivités territoriales ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Daniel Chasseing applaudit également.)

M. Jean-Michel Houllegatte .  - Le rapport Gillot-de Ganay démystifie l'intelligence artificielle face à laquelle nous nous sentons parfois comme l'homme de Neandertal face à homo sapiens. Mais il en évoque aussi les risques : sûreté, sécurité, robustesse des systèmes, boîtes noires du deep learning. La Chine investit massivement dans le secteur mais ne se soucie guère des questions éthiques. Vous promettez un débat public à l'issue de la mission de Cédric Villani, mais n'annoncez rien de bien coercitif.

Pourquoi ne pas, dès maintenant et comme dans d'autres domaines - alimentation, pharmacie, sûreté nucléaire - instaurer un institut national d'éthique, doté de pouvoirs étendus comme l'autorisation de mise sur le marché ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Nous n'avons pas encore de réponses sur les technologies dont vous parlez. Mais sur les applications sensibles, nos régulateurs sont très actifs.

S'agissant des réseaux ou des infrastructures stratégiques, comme la santé, il y a des procédures de certification ou de protection. Idem pour les transports.

Personnellement, je ne crois pas qu'il faille une autorité unique, mais chacun des régulateurs qui certifie et garantie la sécurité doit prendre en compte l'intelligence artificielle dans son domaine de compétence : santé, transport, télécommunications, renseignement, etc. Cela pose la question de l'expertise de nos agents : saura-t-on les former, les garder sur le territoire...

M. Jérôme Durain .  - S'il faut se garder des visions prophétiques d'un Philip K. Dick, dans Minority Report, le développement du champ de la justice prédictive interpelle. Au Royaume-Uni, un outil de définition de modèles de jugement a rendu des décisions qui étaient à 79 % similaires à celles de la Cour européenne des droits de l'homme. Les juges et les avocats ne vont pas pour autant être remplacés par des robots, mais cette justice prédictive pourrait favoriser les accords à l'amiable et désengorger les tribunaux.

Les cours d'appel de Douai et de Rennes ont commencé une expérimentation de solutions numériques en ce sens. La presse s'est fait l'écho de retour d'expériences très différentes. Qu'en est-il ? Le Gouvernement va-t-il poursuivre l'ouverture des données publiques, actée dans la loi pour une République numérique ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Minority Report, c'est la police prédictive et la condamnation immédiate. Dans ce dont nous parlons, le juge compare son raisonnement avec ce que propose la machine. Aujourd'hui, l'enjeu est d'assister les citoyens, les greffiers, les juges dans le traitement de la masse d'informations plutôt que dans la prise de décisions.

La justice, c'est la capacité à interpréter ; la jurisprudence s'adapte à un contexte. Les juges n'appliquent pas le droit de manière automatique. Des hommes qui jugent des hommes, voilà ce qui est au coeur de notre société. Mais dans les enquêtes financières ou de l'Autorité de la concurrence, il faut analyser des téraoctets de données...

Une équipe du ministère de la justice travaille sur l'innovation. Parmi les projets, le portail Justice.fr, qui permettra au justiciable de suivre son affaire, au juge d'interagir... Il faut avoir confiance dans les outils.

M. Jacques Grosperrin .  - Les jeunes générations vont grandir avec ces avancées technologiques qui suscitent de nouveaux comportements et de nouveaux besoins. Il faut l'anticiper dans l'enseignement, la recherche en favorisant notamment les exercices de curiosité, de stratégie.

À Besançon, un professeur de mathématique a utilisé le jeu Mathador pour entraîner ses élèves au calcul, avec de bons résultats. Edgar Morin nous en a prévenu : ce que l'on vise, ce n'est pas un humain augmenté mais amélioré. Je crois et j'espère que le plus puissant des algorithmes restera le cerveau humain. Il manquera toujours à la machine le chaînon de la pensée complexe.

Quelle place, donc, de l'intelligence artificielle dans la formation et l'enseignement ? Quel est votre sentiment sur le devenir des métiers manuels les plus répétitifs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Oui, l'intelligence artificielle peut adapter et personnaliser le contenu pédagogique pour l'élève, ce qui est le rôle traditionnellement dévolu au professeur. L'enseignant doit faire face à une complexité croissante ; certains dispositifs d'accompagnement l'y aident. N'opposons pas l'enseignement purement humain, à l'enfant placé dans une bulle numérique.

Quel avenir pour les métiers dont les tâches sont répétitives et qui n'impliquent aucun geste créatif ? Je crois qu'ils vont disparaître avec les progrès de la robotisation - et que la seule question est de savoir quand. Comment préparer nos concitoyens aux nouvelles compétences ? Ne forme-t-on pas trop de personnes dans des métiers dont on peut se dire qu'ils vont disparaître ?

M. Cédric Perrin .  - Le rapport de M. Claude de Ganay et Mme Dominique Gillot distingue deux approches de l'intelligence artificielle : l'approche symbolique et l'approche collectionniste. La transparence des algorithmes de deep learning pose problème.

Quelles mesures le Gouvernement prendra-t-il face à ces difficultés ? Quelle gouvernance pour l'intelligence artificielle ? Le gouvernement précédent a annoncé en mars la création d'une mission de stratégie France Intelligence artificielle, confiée à notre collègue député Cédric Villani. Quelles suites y donnerez-vous ?

M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d'État.  - Les algorithmes de deep learning sont une méthode mathématique à travers laquelle l'ordinateur se comporte comme le cerveau d'un enfant, créant des capacités de compréhension autonomes, plutôt que de reproduire, comme dans les algorithmes, des séquences dont on connaît par avance le résultat et qui sont transparents. Le problème est que ces algorithmes reproduisent les biais des données elles-mêmes, ils intègrent dans leur propre réalité, comme normales, toutes les données sans hiérarchie autre que leur récurrence, leurs liens entre elles - et si, par exemple, les propos sont violents ou injurieux, ces algorithmes les intègrent comme tout à fait ordinaires.

Comme président du Conseil national du numérique, j'avais eu à travailler sur le sujet. Des outils existent, je pense en particulier à TransAlgo, qui permet de tester la loyauté des algorithmes, en vérifiant s'ils introduisent eux-mêmes des biais et la façon dont ils reproduisent les biais des données. L'enjeu est donc celui des technologies pour surveiller les moteurs de recherche et les algorithmes, nous devons être compétents : pour être un bon régulateur à l'avenir, il faudra être un très bon technicien, un très bon chercheur. Mobilisons-nous massivement sur les compétences - car nous n'avons pas à subir les nouvelles technologies.

À nouveau, je vous donne rendez-vous en janvier ou février pour le lancement de notre stratégie nationale sur l'intelligence artificielle. (Applaudissements sur tous les bancs sauf sur les bancs du groupe CRCE)

Participation dans l'entreprise, outil de croissance et perspectives

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat : « Participation dans l'entreprise, outil de croissance et perspectives ».

M. Jean-Pierre Decool, pour le groupe Les Indépendants  - République et Territoires .  - La participation correspond parfaitement aux valeurs du groupe Les Indépendants - République et Territoires. Le président de la République a récemment remis à l'honneur ce qu'il a qualifié de « belle invention gaulliste », qui est partiellement entrée dans notre droit par son volet financier.

Il en va autrement du volet social, évoqué par Charles de Gaulle dès 1948 devant les mineurs de Saint-Étienne : il s'agissait bien, pour le Général, que les salariés participent très concrètement à la définition de leurs conditions de travail. L'ordonnance de 1967 n'en est qu'un succédané.

Les gouvernements ont exonéré de cotisations les sommes bloquées en participation et épargne salariale. La loi sur l'égalité des chances a apporté des avancées notables, avec une épargne salariale clés en main, le retour à la négociation de branche et une révision à la baisse du forfait social.

Cependant, dire que la moitié des salariés bénéficie d'une participation financière à l'entreprise, c'est dire que l'autre moitié n'en bénéficie pas. Le bilan est en demi-teinte. Ne baissons pas les bras pour autant. Méconnaissance par les salariés, suspicion de fraude ne doivent pas nous décourager.

La participation doit être la composante principale de la stratégie financière et économique. C'est un idéal, un élan, un espoir permettant à l'homme de garder sa dignité en exerçant sa responsabilité !

Monsieur le ministre, quelle place ferez-vous à la participation et à l'épargne salariale dans la loi que vous annoncez sur l'entreprise pour l'an prochain ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Les Républicains et Les Indépendants)

M. Dany Wattebled, pour le groupe Les Indépendants  - République et Territoires .  - La participation financière des salariés aux résultats de l'entreprise assure une convergence d'intérêts entre patronat et salariat. Le principe est ancien, puisqu'il remonte à l'ordonnance du 7 janvier 1959 et qu'il incarne l'alliance souhaitée par le général de Gaulle entre le capital et le travail.

L'épargne salariale a connu une accélération, mais aussi une complexification dans les années 1970, avant une véritable prolifération de textes dans les deux décennies suivantes.

Notre pays est aujourd'hui le champion européen de l'actionnariat salarial : 76 % des entreprises disposent d'un plan actionnariat, contre 47 % pour la moyenne européenne et 36 % des salariés participent à ces dispositifs, contre 22 % des salariés européens.

Les salariés ont désormais le pouvoir de participer directement à la gouvernance de l'entreprise mais des freins demeurent, à commencer par la complexité du dispositif et l'instabilité fiscale.

Il convient de revenir sur la hausse du forfait social décidée en 2012. À la fin du mois, le salarié doit pouvoir lire sur sa fiche de paie le retour de son effort au service de l'entreprise.

Monsieur le ministre, comment le Gouvernement entend-t-il lever les freins au développement de cette participation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Muriel Pénicaud aurait aimé participer à ce débat, sur lequel nous reviendrons dans les prochaines semaines.

Le président de la République a annoncé, le 15 octobre, une grande réflexion sur le financement des entreprises.

Un salarié sur deux bénéficie de la participation : nous sommes à mi-chemin. Malgré ses 50 ans, c'est une idée plus moderne que jamais.

Notre économie du savoir ne correspond plus aux rapports traditionnels du capital et du travail.

Trois enjeux marquent ce débat. D'abord, l'équité : si le salarié, dans notre monde, assume une part de risque de plus en plus importante, avec plus de ruptures de carrière, il convient qu'il perçoive aussi les fruits de la réussite. Aujourd'hui, la participation moyenne est de 2 500 euros par an, soit plus, en moyenne qu'un treizième mois.

Ensuite, un enjeu d'efficacité économique : un salarié bénéficiant de la participation est un salarié plus motivé, plus efficace - et l'ensemble des mécanismes d'épargne salariale représentent un encours d'environ 130 milliards euros, au service du développement des entreprises.

Troisième enjeu, culturel celui-là : la réconciliation du capital et du travail, déjà engagée par les ordonnances sur la réforme du marché du travail et le projet de loi de finances pour 2018. Sans capital, il n'y a pas d'investissement, pas de travail : il faut le dire, c'est une bataille culturelle, longue et difficile, tant nous nous sommes construits sur l'antagonisme entre les deux - puisse ce débat faire avancer cette réconciliation, au service de notre économie ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, UC, Les Indépendants ; M. Jean-Paul Émorine applaudit aussi.)

M. Jean-Pierre Decool.  - Votre attention à ce dispositif ancien, visionnaire, ô combien moderne, éminemment humaniste, initié par le général de Gaulle, nous réjouit. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

Mme Nathalie Delattre .  - Les dispositifs de participation et d'intéressement, vieux de cinquante ans, demeurent essentiels comme complément de rémunération, facteurs de motivation pour les salariés et de compétitivité pour les entreprises. Ils représentent un total de 16,9 milliards d'euros, soit 2 422 euros par salarié.

Le nombre de salariés concernés a tendance à stagner ou diminuer : ils étaient 8,6 millions de salariés concernés en 2015, soit 54,9 % du secteur marchand et agricole. Si la part de l'épargne salariale progresse, le dispositif s'essouffle.

La contribution patronale est passée de 2 à 20 % entre 2009 et 2012. Pour relancer le dispositif, il faudrait revoir le montant du forfait social, en particulier pour les entreprises de moins de 50 salariés. Êtes-vous prêt à le faire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - L'intéressement est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés, et en dessous de ce seuil, elles peuvent toujours passer un accord d'intéressement : 16 % des salariés concernés en bénéficient - ce n'est certes pas assez, mais ce n'est pas rien, nous aurons à le répéter dans ce débat.

Des incitations fiscales existent, il ne faut pas perdre de vue qu'elles représentent un coût fiscal de 1,7 milliard d'euros, ce qui est significatif dans la période que nous connaissons.

Mme Chantal Deseyne .  - Les dispositifs dont nous parlons sont surtout présents dans les grandes et moyennes entreprises. La volonté d'étendre cette « belle invention gaulliste » est louable. Cependant, je ne crois pas à la coercition pour les PME : ce serait alourdir leurs contraintes, car de tels dispositifs exigent le recours à un expert-comptable. En revanche, d'autres outils incitatifs sont possibles. Christophe Castaner, alors vice-président du Conseil d'orientation de la participation, de l'intéressement, de l'épargne salariale et de l'actionnariat salarié (Copiesas) avait, en 2014, présenté 31 propositions pour réformer l'épargne salariale - toutes incitatives, puisqu'il se prononçait contre une obligation pour les PME. Parmi ces propositions, une exonération du forfait social pour les PME, ou encore celle d'un nouveau support d'épargne, avec un Livret E, pour les entreprises : qu'en pensez-vous ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Il faudra effectivement réfléchir à des moyens spécifiques pour les TPME. Je ne crois pas à la coercition, qui est contraire à la philosophie d'une liberté encadrée propre au projet du président de la République - « La liberté des Anciens ne contredit pas celle des Modernes » écrivait Benjamin Constant.

Il ne faudrait pas qu'un nombre de salariés très restreint gêne la mise en place d'un dispositif de participation.

Les ordonnances Travail pourraient prévoir des dispositions spécifiques pour les PME et inventer des boîtes à outils pour les aider.

M. Dominique Théophile .  - La participation des salariés aux résultats des entreprises est une forme d'intéressement. Environ 8 millions de salariés sont concernés. En 2015, 55 % des salariés du privé avaient accès au dispositif d'intéressement de leur entreprise. Le président de la République a souhaité relancer ce dispositif. Il souhaite transformer en profondeur le monde du travail. Son cap est clair : l'entreprise n'est pas seulement un point de ralliement pour des actionnaires, comme la définit le droit, elle est d'abord un lieu où des femmes et des hommes sont engagés, que ce soit du côté du travail ou du capital. Le ministre de l'économie a expliqué que l'obligation de la participation pourrait être étendue aux PME.

Comment le Gouvernement entend-t-il mettre en oeuvre la volonté du président de la République ? Dans ma région, la Guadeloupe, 96 % des entreprises sont des PME. Quels seront les grands axes notamment dans les régions les plus fragiles ? Quel calendrier ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Nous avons lancé la consultation il y a 48 heures : je ne saurais vous en donner les conclusions.

De mes années d'études, j'ai retenu la notion de l'affectio societatis : l'entreprise est un lien, avant d'être une perspective de profit.

La consultation que nous venons de lancer comporte six chantiers, donc six groupes de travail. L'un d'eux porte sur l'intéressement : nous l'avons confié à Stanislas Guerini et Agnès Touraine.

Ils présenteront leurs propositions le 10 décembre à Bruno Le Maire et moi-même. Nous ouvrirons une consultation citoyenne mi-janvier. Au printemps, les deux assemblées pourront examiner le projet que nous leur présenterons.

M. Dominique Watrin .  - À tous ceux qui veulent réaffirmer la place des travailleurs dans l'entreprise, nous répondons : « Chiche ! ». L'entreprise, c'est avant tout l'ensemble des travailleurs qui la font vivre et créent des richesses. Alors que les aspirations démocratiques progressent partout, l'entreprise reste une institution monarchique. Plutôt que de fusionner les instances représentatives du personnel, au lieu de réduire les pouvoirs du comité des entreprises, donnons-leur un pouvoir de contre-proposition économique effectif. Chaque fois que je visite une entreprise dans mon département du Pas-de-Calais, je constate que les intérimaires constituent jusqu'à la moitié des salariés : on atteint ici la dignité même des salariés. Ne faudrait-il pas donner plus de pouvoirs à leurs représentants dans la gestion de l'entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Le terme « participation » est polysémique. La participation des salariés dans l'entreprise est reconnue de longue date et prend des formes différentes : participation financière mais aussi dialogue dans lequel les salariés sont engagés dans les organes de direction des entreprises.

La loi de 2002 puis celle de 2006 ont rendu obligatoire cette participation des salariés aux organes de direction des entreprises. Le sujet que vous ouvrez concerne plus largement la gouvernance des entreprises. Il est hors du champ d'étude du groupe de travail que nous avons créé, mais vous pouvez lui soumettre votre question.

M. Michel Canevet .  - Les centristes sont très attachés à la participation et aux dispositifs d'intéressement. L'ordonnance de 1957 a été enrichie de texte en texte, l'ensemble progresse. La participation a augmenté de 25 % entre 2000 et 2015 et l'intéressement de 200 %.

Nous sommes, ensuite, défavorable à une obligation pour les PME ; nous préfèrerions des incitations, via une exonération ou un allègement du forfait social, ou encore un dispositif spécifique, plus simple, tout en assouplissant celui qui existe pour les plus grandes entreprises : qu'en pensez-vous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Nous sommes tous d'accord pour considérer que la participation est un dispositif très lourd pour les entreprises. La mise en place de la participation représente une hausse du coût du travail alors que le Gouvernement s'emploie à réduire ce coût ; elle requiert de l'ingénierie administrative et sociale dont toutes les entreprises ne disposent pas. Une boîte à outils les y aiderait.

M. Xavier Iacovelli .  - « Je veux que tous les salariés aient leur juste part quand leur entreprise va mieux. » Tel est le souhait du président de la République, qui poursuit le chemin dans lequel s'était engagé François Hollande en baissant le forfait social de 20 % à 8 %.

M. Castaner a partagé la pensée du président de la République en indiquant qu'il fallait transformer la gouvernance des entreprises en faisant entrer les salariés au conseil d'administration. Le 18 octobre, le ministre de l'économie s'est en revanche montré réservé sur l'octroi d'un pouvoir aux salariés.

Irons-nous vers une codécision à l'allemande ou raterons-nous le coche ? Ne nous inspirons pas uniquement des mauvais côtés du modèle allemand ! Donner du pouvoir aux salariés dans les conseils d'administration, c'est redonner de la justice et de l'équité.

Pouvez-vous clarifier les intentions du Gouvernement ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - La philosophie du président de la République est claire : il faut que le travail paie mieux qu'il n'a payé. La participation de salariés aux conseils d'administration ou les directoires des entreprises n'est pas une terra incognita en France : la participation d'administrateurs salariés au conseil d'administration est déjà une obligation pour les grandes entreprises de plus de 5 000 salariés. Dès 2018, l'entrée en vigueur de la loi Rebsamen de 2015 favorisera cette participation dans les entreprises de moins de 1 000 salariés.

Nous avons engagé notre consultation sans idée préconçue. Considérer que la codécision à l'allemande fonctionnerait en France c'est faire fi d'une culture entrepreneuriale très différente des deux côtés du Rhin. Je ne crois pas au copier-coller. (M. François Patriat applaudit.)

M. Jean-Pierre Decool .  - Il faut faire la publicité de la participation des salariés à l'entreprise. Il faut que le travail paie, comme vous le dites, monsieur le ministre. Nous pourrions ajouter une ligne sur le bulletin de paie. Nous changerions ainsi le regard des salariés. Nous sommes tous d'accord sur l'idée que les administrateurs salariés doivent défendre leur activité. Le bilan reste en demi-teinte. Nous devons redoubler d'efforts.

Renforcement de la participation et sensibilisation des salariés à la pertinence de cet outil : cette politique doit tenir sur deux jambes.

Comment comptez-vous améliorer la communication au sein de l'entreprise ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je suis prêt à rajouter une ligne consacrée à la participation sur le bulletin de paie puisque nous en supprimons deux pour les cotisations. (Sourires) Une règle nouvelle pour deux règles supprimées, conformément à ce qui a été convenu avec le Premier ministre. Tout ce qui permettra d'identifier davantage les apports de la participation, pour gagner la « bataille culturelle » sur cette question, sera bienvenu et accueilli favorablement par le groupe de travail piloté par Agnès Touraine et Stanislas Guerini.

La semaine de l'épargne salariale qui a été organisée pour la première fois cette année m'a un peu échappé. Sans doute pouvons-nous améliorer la communication sur les bienfaits de la participation et l'intéressement. Nous sommes ouverts à l'organisation d'une campagne sur ce sujet, ciblée sur les réseaux sociaux, sur les non-lecteurs de la presse économique. Toute idée innovante en la matière sera bienvenue.

M. Jean-Claude Requier .  - L'accès des salariés à l'intéressement et la participation est directement lié à la taille de l'entreprise. Pour inciter les TPE et PME à s'engager dans ces dispositifs, il faudrait leur proposer des mesures incitatives, voire obligatoires pour les entreprises de 20 à 50 salariés. Elles pourraient être exonérées du forfait social les trois premières années, puis bénéficier d'un taux de 8 %, puis de 16 %.

Quelles mesures compte prendre le Gouvernement pour qu'un plus grand nombre de TPE et de PME accèdent à la participation et à l'épargne salariale ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je vous renvoie au débat sur la maîtrise de la trajectoire des finances publiques. C'est un engagement présidentiel. Il existe déjà des mécanismes incitatifs. Nous sommes prêts à y réfléchir à nouveau, avec précaution. Tel est le sens du travail engagé avec Bruno Le Maire.

Mme Pascale Gruny .  - Le mécanisme obligatoire de participation pourrait être élargi aux entreprises de moins de 50 salariés. J'émets de fortes réserves : vous qui prônez la simplification, voilà une complication nouvelle pour les TPE et PME.

Le forfait social, de 2 %, est passé à 20 % en 2012. La loi Macron du 6 août 2015 l'a fait revenir à 8 %, mais seulement pour les TPE.

Pourquoi ne pas aller plus loin, monsieur le ministre, et étendre ce taux à toutes les entreprises de moins de 50 salariés, voire - chiche ! - supprimer ce forfait social pour toutes les entreprises ?

Quid des travailleurs indépendants ? Allez-vous ponctionner leur rémunération, constituée par leur résultat net, pour la participation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je ne suis pas favorable à la coercition ni à l'obligation. Je plaide pour la liberté du chef d'entreprise quant à la répartition des fruits du travail, et pour l'incitation.

Je me félicite avec vous de la baisse du forfait social de 20 % à 8 %. Toutefois, le coût, de 2,9 milliards d'euros, est important pour les finances sociales. Il faut trouver un équilibre pour les finances publiques. Les indépendants, dont je pourrais vous parler longuement ayant été sous ce régime pendant des années, ne sont, eux, pas concernés.

Mme Patricia Schillinger .  - La participation est un outil de partage des bénéfices, mais aussi de l'épargne, bénéficiant d'avantages fiscaux. Le président de la République a annoncé un vaste chantier sur la participation et le dialogue social dans l'entreprise. Seuls 56 % des salariés du privé bénéficient de ces outils.

Comment le Gouvernement prendra-t-il en compte la spécificité des TPE ? Plus les entreprises sont petites, plus la participation est faible ; mais la rendre obligatoire serait dangereux dans les entreprises où les salariés sont pourtant bien plus intéressés - si j'ose dire - aux succès de leur entreprise.

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Ne perdons pas de vue l'objectif de la simplification pour les petites entreprises. Le chef d'entreprise doit se concentrer sur son activité plus que sur l'organisation ou l'administration de sa structure s'il veut la développer et assurer sa croissance.

Nous ferons du sur-mesure en nous appuyant sur la réalité. Nous n'auditionnerons pas que les corps constitués mais aussi les entrepreneurs que nul n'écoute. Je suis certain que des petits verrous réglementaires peuvent sauter pour simplifier la vie des entreprises.

M. le président. - Mme Schillinger ne souhaitant pas répondre, le moment est venu pour Mme Gruny d'utiliser son propre droit de réplique.

Mme Pascale Gruny .  - Merci. La suppression du forfait social serait un bon investissement : le pouvoir d'achat supplémentaire pour les salariés irait nourrir l'économie !

Mme Laurence Cohen .  - Je déplore, avec Dominique Watrin, qu'on ne puisse pas parler de la participation démocratique dans l'entreprise. Je regrette aussi le manque de revalorisation des salaires dans le privé comme dans le public. N'oublions pas que les primes de participation ne sont pas soumises aux cotisations sociales.

En réalité, c'est une rémunération aléatoire et discrétionnaire. N'y-a-t-il pas une forme d'hypocrisie à geler les salaires des fonctionnaires et le Smic tout en encourageant la participation des salariés du privé, pendant que les bénéfices des entreprises du CAC 40 explosent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je constate que l'antagonisme public-privé existe encore... Comme s'il y avait deux France ! Je ne partage évidemment pas cette conception. J'assume complètement le fait que la participation puisse procurer à certains salariés des revenus importants.

Il existe des versements quasi égalitaires entre cadres supérieurs et personnes assumant des fonctions support, dans certaines entreprises. Si l'entreprise est bénéficiaire, c'est grâce à la totalité des salariés qui la composent, du volet commercial ou financier, comme des secteurs administratifs ou logistiques. Nous sommes ouverts à une évolution de la répartition des versements pour plus d'égalité.

Travaillons sereinement sans opposer public et privé. En outre, la participation dans la fonction publique est un chantier à ouvrir.

Mme Laurence Cohen.  - Tout ceci n'occulte en rien la nécessité de revaloriser les salaires, d'assurer la participation des salariés à la gouvernance, ni la fin du temps partiel.

M. Jean-Claude Luche .  - N'oublions pas l'importance du problème de la transmission d'entreprises.

La participation accrue du salarié pourrait encourager la reprise de l'entreprise par des salariés qui y sont très attachés mais échouent souvent à obtenir des prêts des banques pour mener à bien leur projet.

Dans les zones rurales, les repreneurs locaux ne sont pas légions. L'entrée progressive dans le capital des entreprises par un salarié ou un tiers pourrait ainsi faciliter la transmission à des acteurs locaux.

La confiance des banques doit être également développée. Nos concitoyens pourraient investir davantage dans les entreprises. Autrefois, on pouvait investir de la sorte dans les Codevi. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - C'est une question très importante. Deux groupes de travail vont être consacrés à la croissance, au rebond, à la transmission. La reprise d'entreprise est à cheval entre leurs missions chantier. Il existe des solutions. En 2006, la Redoute a été reprise selon un mécanisme intéressant mais très contraignant. Jusqu'à 95 % de l'actif peut être ainsi investi dans l'entreprise. Les salariés y ont pleinement participé, le conseil d'administration du FCPE étant entièrement composé de salariés élus par leurs collègues porteurs de parts. Je serai heureux d'y revenir avec vous, puisque vous connaissez bien le sujet.

Mme Florence Lassarade .  - Le Gouvernement souhaite renforcer l'épargne salariale afin de mieux associer les salariés aux résultats de l'entreprise. Une première loi du 24 juin 2013 a imposé des administrateurs salariés au-dessus de seuils qui ont été abaissés avec la loi Rebsamen du 17 août 2015. Les dernières ordonnances sur le travail ne mentionnent finalement aucune réponse, contrairement à ce qui semblait être la volonté du Gouvernement qui pouvait y revenir dans la loi qui s'annonce pour le printemps.

Quelles sont les intentions du Gouvernement ?

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je ne veux pas déflorer le chantier dédié à la participation dans le cadre du plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises. Nous venons de lancer sept semaines d'auditions, d'écoute, d'échanges, il y a 48 heures avec Bruno Le Maire. Le Gouvernement s'attend à être bousculé lors de ces débats. Attendons les résultats.

Il est incontestable, le président de la République l'a dit dans son récent entretien télévisé, qu'il faut mieux répartir les fruits de la croissance des entreprises. La participation des salariés à la gouvernance pourra aussi être abordée lors de ces sept semaines de travail. Il est donc trop tôt pour en parler. Je reviendrai avec plaisir pour ce faire, avant d'engager un processus législatif, probablement à partir de janvier. Toutefois, si la participation devait s'étendre, il faudrait qu'elle soit adaptée à chaque type d'entreprise au plus près des réalités.

Mme Catherine Fournier .  - La croissance s'améliore cette année : tant mieux. Nous ne devons pas entraver le mouvement. Favorisons le pouvoir d'achat des Français et incitons-les à investir dans nos entreprises. La réforme pourrait passer par des exonérations sociales et fiscales. Mais attention à ne pas rigidifier et compliquer la vie des PME.

Un axe à développer : l'ouverture du capital des entreprises pour les salariés mais aussi pour tous les acteurs d'un territoire. Augmenter le capital, c'est relancer l'investissement de l'entreprise. L'augmentation des fonds propres ne doit pas être confondue avec la cession de parts existantes, qui ne fait que nourrir la spéculation.

Prévoyez-vous des mesures spécifiques à cet égard ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Il n'est évidemment pas question d'encourager la spéculation. Vous avez évoqué deux sujets - preuve qu'on peut faire deux choses en même temps : favoriser le pouvoir d'achat et permettre aux entreprises de se financer. Le prélèvement forfaitaire unique et l'impôt sur la fortune immobilière sont deux mesures fiscales de la loi de finances pour 2018 qui réorientent le capital productif vers le financement des entreprises.

On pourrait identifier des investissements qui ont du sens, socialement responsables par exemple. Je songe aux GreenTechs, dans lesquelles la France est en pointe. La Banque postale a récemment noué un partenariat dans ce domaine.

Notre vision, c'est une France où les Français sont incités à orienter leur épargne vers les entreprises. Je ne fais pas partie des ennemis de la finance ; mais le pire service qu'on peut lui rendre, c'est de la laisser provoquer des catastrophes.

Mme Nicole Duranton .  - Notre pays a un problème avec la réussite. Ce n'est pas nouveau. Ce débat est philosophique, complexe. Le président de la République a annoncé qu'il ouvrirait un nouveau chapitre de la participation. Je partage cette vision d'une indispensable transformation. Il faut aller plus loin, définir une nouvelle relation dans l'entreprise, de confiance, qui récompense l'investissement de tous. Faire participer les salariés, c'est les sensibiliser aux enjeux globaux de l'entreprise.

Ces questions méritent un débat apaisé et dépassionné. Il est temps de montrer que les entreprises ne servent pas seulement des intérêts particuliers mais participent à la réussite économique du pays. Que comptez-vous faire pour cela ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Merci pour ces mots de philosophie. Notre pays n'aime pas la réussite, en effet. Mais il n'aime pas non plus l'échec. Un chef d'entreprise qui échoue - cela arrive - aura beaucoup de mal à obtenir un prêt s'il veut monter une autre entreprise. Il n'y a pas de deuxième chance. Et si vous réussissez, vous êtes un peu suspect... Dans ce pays, on n'a donc ni le droit de réussir, ni le droit d'échouer. Ce qu'entend faire le Gouvernement, c'est bien permettre à des gens d'échouer. Steve Jobs s'est fait virer d'Apple, puis est revenu avec succès. Vous avez parlé de confiance entre les salariés et les chefs d'entreprise. Pour avoir fondé deux petites entreprises, je ne me reconnais pas dans la caricature du patron avide. Un chef de petite entreprise est très proche de ses salariés, qu'il appelle par leur prénom.

C'est très différent des grands groupes où les relations sont plus cloisonnées et verticales. Nous avons, je le répète, une véritable bataille culturelle à mener contre les antagonismes systématiques.

Mme Agnès Canayer .  - Mes collègues ont déjà loué la participation. Effectivement elle favorise la compétitivité des entreprises. Il faut cependant simplifier les dispositifs notamment pour les TPE et PME, mettre fin à l'instabilité fiscale. J'espère que le Premier ministre tiendra ses engagements dans ce domaine.

La fiscalité de la participation en particulier doit être stabilisée. Le passage du forfait social unique de 2 % à 20 % entraîne une frilosité dans ce domaine. Le Gouvernement souhaite supprimer le mécanisme des taux historiques à compter du 1er janvier prochain. Pourquoi le Gouvernement souhaite-t-il adopter une telle mesure qui brouille la vision à long terme des entrepreneurs dans la loi de finances pour 2018 ?

Comment dans ces conditions favoriser une épargne longue pour favoriser l'investissement dans les PME ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Sur la lisibilité de la norme, nous trainons un poids depuis des années. Un projet de loi de simplification sera porté par Gérald Darmanin. Tout ce qu'on peut faire par des lois moins bavardes, on le fera. Un des chantiers du projet de loi que nous portons avec Bruno Le Maire sera consacré spécifiquement à la relation entre administration et entreprise.

J'ai la responsabilité de l'attractivité de la place de Paris : la question de la stabilité fiscale et sociale est centrale. La philosophie du Gouvernement, c'est de ne pas revenir sur un texte adopté au cours du quinquennat.

Pour la mesure que vous évoquez, du PLFSS, adressez-moi une question écrite, afin que je vous adresse une réponse précise.

M. Marc Laménie .  - Merci, chers collègues, pour l'organisation de ce débat fondamental sur un thème particulièrement important.

Tous et toutes, nous sommes attachés à l'activité économique sur nos territoires, notamment ruraux. Les chefs d'entreprise font vivre les territoires, mais l'implication des salariés, leur attachement à l'outil de travail sont un combat permanent.

Hélas, les entreprises se heurtent à la complexité des démarches administratives, à la difficulté du dialogue social, et aux obstacles sur la voie des financements. Que comptez-vous faire dans ce dernier domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Benjamin Griveaux, secrétaire d'État.  - Je suis souvent présenté comme Parisien, ce qui est étrange pour un enfant du Morvan et de la Bresse. Disons que je suis à mi-chemin... Je connais bien les sujets que vous évoquez, pour avoir été élu local.

Nos groupes de travail pour la simplification compteront des start-up, des hauts fonctionnaires, des parlementaires, des corps constitués. Ce n'est pas une initiative de start-uppers parisiens. Des chefs d'entreprise venus de tout le territoire dirigeront les groupes de travail.

Je ne crois pas que la loi résoudra tous les problèmes. Souvent, un déblocage réglementaire, voire une action publique différente, suffiront.

Merci aux organisateurs de ce débat. Nous vous invitons à apporter votre expertise, votre vision. Ce n'est pas un truc de start-uppers parisiens.

Gageons que cela permettra de faire grandir nos entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, UC, Les Républicains et RDSE)

La séance, suspendue à 18 h 20, reprend à 18 h 30.

Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat : « Aménagement du territoire : plus que jamais une nécessité », demandé par la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Ce débat fait suite au groupe de travail mis en place au sein de notre commission avec Jean-Louis de Nicolaÿ.

L'aménagement du territoire est devenu le parent pauvre des politiques publiques ; nous en mesurons les conséquences lors des scrutins politiques. La fracture territoriale se creuse. La croissance des métropoles, censée irriguer le territoire, appauvrit les zones les plus fragiles. L'État, lui, reste spectateur. Il est urgent de refonder cette politique.

Quelques recommandations, parmi les 26 que nous avons élaborées. D'abord, l'État doit redevenir stratège, avoir une vision, mesurer l'impact de ses politiques sur l'aménagement du territoire. Il doit poursuivre la simplification des normes, chère à M. Pointereau, développer la contractualisation, rendre plus transparentes et équitables les dotations et subventions aux collectivités.

Il est temps de nous attaquer aux grandes fractures territoriales - numériques, médicales, sociales et autres. Il en va de l'intérêt de notre pays. (Applaudissements)

M. Louis-Jean de Nicolaÿ, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Malgré la disparition des services publics dans les territoires ruraux, malgré le sentiment d'abandon des populations, le cri d'alarme des élus locaux, rien ne change. Les territoires fragiles sont les grands oubliés des politiques publiques. Il est temps d'agir.

La désertification médicale concerne 5 millions d'habitants. Pour toute réponse, un énième plan, quelques mesures d'affichage, toujours les mêmes, qui ne sont pas à la hauteur des enjeux. Franchissons une étape : la régulation de l'installation des médecins, proposée de longue date par notre commission.

Deuxième exemple : la couverture mobile et numérique du territoire. Plan haut débit pour tous et généralisation en 2020 : quels moyens mettez-vous derrière ces slogans ?

Troisième enjeu, le développement des infrastructures, qui ne doit plus être abordé sous le seul prisme de la rentabilité économique. C'est un mauvais calcul car les choix que nous reportons aujourd'hui s'imposeront demain.

Pour l'instant, nous ne sommes pas entendus ; or la prise en compte de l'aménagement du territoire ne peut plus attendre. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous rassurer, rassurer les élus locaux et nos concitoyens ? (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires .  - J'ai plaisir à m'exprimer depuis cette tribune dont j'ai quelque habitude. L'excellent rapport présenté par votre commission le 31 mai 2017 ne pouvait guère faire le bilan de l'action du nouveau Gouvernement. Vous avez fait le bilan, sur quinze ans, de ce qui n'a pas été fait par les uns et les autres...

Vous conviendrez qu'en trois mois et demi, il m'aurait été difficile de réparer les nombreuses fractures territoriales que vous avez citées, mais je partage votre constat et nombre de vos objectifs.

L'aménagement du territoire, parent pauvre des politiques publiques ? Avec la décentralisation, la politique de l'aménagement du territoire s'est progressivement réduite - même si les régions jouent un rôle en la matière.

Les dynamiques territoriales ne se résument pas à une opposition entre territoires, et surtout pas entre territoires urbains et ruraux.

Les situations sont très diverses. Nous sommes passés de territoires à aménager à des territoires à ménager, écrit Roger Brunet. Les mutations technologiques et sociales s'accélèrent, les modes de vie se diversifient.

Je partage vos préoccupations sur la programmation européenne ; dès ma prise de fonction, j'ai rencontré la commissaire et mis l'accent sur la nécessaire coopération transfrontalière. L'évolution des mobilités bouleverse nos grilles de lecture traditionnelles. La « France périphérique » est une grille de lecture recevable ; mais n'opposons pas la France des métropoles, gagnante égoïste de la mondialisation, et une périphérie sans avenir. Je ne reviens pas sur le rapport de France Stratégie... (M. le président de la commission opine du chef.) Gardons-nous d'une vision théorique qui diviserait le pays entre espaces dynamiques et territoires « interstitiels » - un mot à bannir !

Je ne nie pas pour autant les difficultés considérables de certains territoires, qui se sont aggravées ces quinze dernières années. La responsabilité est collective. Dans les métropoles mêmes, nombre de quartiers sont en grande difficulté, avec un taux de chômage et de pauvreté bien supérieur à la moyenne. Je pense aussi aux centres des villes moyennes dévitalisés où les commerces ferment et le bâti se dégrade.

Je connais les difficultés concrètes liées à la fermeture progressive des services publics dans les territoires peu denses. Ici, nous l'avons presque tous vécu !

Face à cela, construisons une action. Nous avons obtenu 430 millions d'euros de crédits d'intervention pour la politique de la ville, sanctuarisés sur le quinquennat. Pour les villes moyennes, un plan spécifique sera lancé début 2018 pour la reconquête des centres, notamment à travers une convention portant sur le 1 % logement pour les restructurations urbaines. Le prêt à taux zéro sera maintenu pendant deux ans dans le neuf, quatre ans dans l'ancien.

Je suis aussi attaché à l'accessibilité à certains territoires enclavés, situation que je connais bien.

Malgré le coup de frein sur les grandes opérations comme les LGV, il faut entretenir nos routes nationales et les voies ferrées dites secondaires, trop longtemps négligées.

Nous accélérons le déploiement des maisons de services au public, en coopération avec La Poste. Le service doit être rendu de manière efficace.

Nous avons beaucoup échangé ici sur les déserts médicaux. Le plan du ministère de la santé prévoit notamment de doubler le nombre de maisons pluridisciplinaires. Et n'oublions pas qu'il y a aussi des territoires sur-denses !

Le déploiement du numérique est essentiel pour réparer les fractures territoriales. Haut débit pour tous en 2020, très haut débit en 2022 : j'ai demandé des engagements contraignants aux opérateurs. L'État n'hésitera pas à utiliser les leviers dont il dispose dans la négociation. Pour accélérer la couverture, il faut des pylônes supplémentaires mais aussi développer les technologies alternatives et protéger les réseaux d'initiative publique portés par les collectivités.

La révolution numérique aura des impacts considérables sur les territoires, notamment avec les nouvelles mobilités.

Depuis quinze ou vingt ans, l'aménagement du territoire ne fait plus l'objet de volontarisme politique, après l'âge d'or de la planification d'après-guerre.

Les réformes territoriales ont entraîné leur lot de bouleversements. Nous ne referons pas de big bang territorial.

M. Roger Karoutchi.  - Même en Île-de-France ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Il peut y avoir des exceptions. La situation actuelle en Île-de-France est loin de l'idéal...

D'organisateur, l'État, dit-on, est devenu facilitateur. Cela vaut mieux que celui d'empêcheur ! Tout comme Rémy Pointereau, je souhaite un grand ménage dans les normes. Un État facilitateur n'est pas un État low cost ; il conduit la politique régalienne et noue des partenariats.

Enfin, la politique contractuelle, indispensable, fait l'objet d'un bilan. Nous en sommes à 1 100 contrats... Il faut simplifier. Contrats de plan, de ruralité, demain de villes moyennes : nous allons poursuivre le travail mais en clarifiant.

L'Agence nationale de cohésion des territoires ne sera pas une usine à gaz. Il faut des instruments simples, pour agir; nous vous ferons des propositions prochainement. La commission, par ce rapport, a réfléchi. Soyez assurés que l'État a la volonté d'agir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE et UC)

M. Hervé Maurey, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable .  - Le rapport ne dresse pas un bilan de l'action du Gouvernement mais un état des lieux, il fait des propositions pour redonner de l'élan à la politique d'aménagement du territoire. Nous vous savons sensible, à titre personnel, à ces questions et ne vous faisons nul procès d'intention.

Cependant, je regrette que le Gouvernement ne reprenne pas une seule de nos 26 propositions. Il en est une, pourtant, qui ne coûterait rien : s'intéresser, lors du vote de chaque loi, à son impact sur l'aménagement du territoire. Depuis dix ans que je suis parlementaire, nous avons voté deux lois de santé, loi Bachelot puis loi Touraine, sans jamais poser la question de la répartition des services de soins.

Le plan de lutte contre les déserts médicaux annoncé par le Gouvernement nous déçoit. Nous attendions des mesures courageuses et efficaces, il se résume à de l'incitatif. Une maison de santé sans médecin, quel gâchis ! Le problème n'est pas le nombre de médecins, mais bien leur répartition - sans compter que l'on forme des praticiens hospitaliers plutôt que des médecins de campagne.

Le président de la République a annoncé le haut débit pour tous à horizon 2020, ce qui risque de remettre en cause l'objectif très haut débit pour tous à horizon 2022. Il nous promet la 4G pour tous en 2020. Après l'audition du président de l'Arcep aujourd'hui, je prends le pari que la promesse ne sera pas tenue !

Simplifier les contrats est une bonne idée. Mais il faudrait aussi simplifier la multitude de zonages et de schémas qui empoisonnent la vie des élus ! (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. Frédéric Marchand .  - Lors de la première Conférence nationale des territoires, le président de la République déclarait vouloir supprimer les verrous qui empêchent les territoires de s'organiser et laisser les élus locaux libres d'expérimenter de nouvelles politiques, d'innover en matière d'aménagement du territoire et d'urbanisme. Bref, il a donné le tempo pour un nouvel âge de l'aménagement du territoire.

Plus récemment, Jacqueline Gourault est revenue sur le droit à l'expérimentation, trop peu utilisé car toute expérimentation doit être soit généralisée, soit abandonnée au bout de deux ans.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la volonté du Gouvernement de simplifier le droit à l'expérimentation et d'aller, à terme, vers un droit à la différenciation de l'action publique sur les territoires ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Le droit à l'expérimentation existe, mais au bout de deux ans, soit on arrête, soit on généralise la mesure à tout le territoire. Il s'agit donc d'adapter le cadre institutionnel à la diversité des territoires. Nous avons saisi le Conseil d'État qui rendra son avis à la fin de l'année. Nous pourrons alors traiter la question dans le cadre de la révision constitutionnelle. J'ai d'ores et déjà invité les collectivités locales à exprimer les besoins de différenciation, qui sont nombreux.

M. Guillaume Gontard .  - En 2015, la loi relative à la transition écologique créait les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV). Ségolène Royal avait signé des dizaines de conventions, engageant l'État pour un montant de 750 millions d'euros. Cette dynamique positive pour l'aménagement durable s'inscrit dans le cadre de l'accord de Paris.

Cependant, une circulaire du 26 septembre a jeté un froid. Le ministre de la transition écologique et solidaire ne dispose que de 450 millions d'euros pour les TEPCV. Plutôt que de négocier avec Bercy, il a donné instruction aux préfets de faire tomber un maximum de projets pour vice de procédure. C'est notamment le cas en Isère. Pourtant, les irrégularités sanctionnées sont dues aux contraintes imposées par l'État ! L'État doit être facilitateur avez-vous dit. Va-t-il encore accroître le ressentiment des collectivités par des économies à courte vue ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Nicolas Hulot m'a indiqué ce matin qu'il examinait la situation département par département. Ne confondons pas État facilitateur et non-respect des obligations prévues... J'ai conscience du problème et ai signalé les difficultés qui remontent du terrain. Les règles seront respectées, nous trouverons des solutions.

M. Michel Dagbert .  - Le 7 mars dernier, l'État, en la personne de Bernard Cazeneuve, signait l'engagement pour le renouveau du bassin minier du Nord et du Pas-de-Calais. Ce contrat, prévu pour dix ans, associe la région, les deux départements et huit EPCI ; il trouve sa légitimité dans les caractéristiques sociales et économiques de ce territoire : taux de pauvreté supérieur de 60 % à la moyenne nationale, chômage élevé, espérance de vie inférieure de six ans à la moyenne de l'Île-de-France. La solidarité nationale est indispensable pour que le bassin minier puisse se projeter dans l'avenir.

Il est temps pour l'État d'affermir ses engagements. Quid des 100 millions d'euros promis pour la rénovation des passoires énergétique que sont les logements miniers ? Quid des 200 millions d'euros du fonds d'investissement en faveur de l'équipement du territoire ? De la création des zones d'attractivité économique sur 90 % des communes ? (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR ; M. Pierre Louault applaudit également.)

M. Jacques Mézard, ministre.  - L'État tiendra parole. Vous savez mon estime pour Bernard Cazeneuve, qui a pris ces engagements... sans prévoir le moindre financement pour y faire face. À Amiens, le président de la République a réaffirmé devant les élus locaux que l'État respecterait les engagements pris.

M. Daniel Chasseing .  - L'aménagement du territoire est plus que jamais une nécessité pour les territoires ruraux.

L'agriculture est en grande difficulté ; il faut des solutions concrètes, une intervention de la PAC quand les producteurs vendent à perte...

L'absence de médecins condamne les territoires ruraux à la désertification, malgré les maisons de santé. Il faudrait envisager un non-conventionnement des médecins qui s'installent dans les zones hyperdenses et augmenter le numerus clausus.

Au-delà des zones de revitalisation rurale, il faudrait instaurer de véritables zones franches dans les territoires ruraux et hyper-ruraux, avec un sous-préfet développeur qui suivrait les projets.

Les services publics doivent être renforcés, la couverture numérique achevée. Enfin, les centrales hydroélectriques doivent être développées : en Corrèze, le projet de Redenat équivaut à une centrale nucléaire.

Que comptez-vous faire pour que la vie se maintienne en milieu rural ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Six propositions en deux minutes trente. Vous êtes constructif ! (On apprécie diversement.)

M. Roger Karoutchi.  - Ça démarre mal ! (Sourires)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Sur la question des déserts médicaux, les propositions de la ministre de la santé sont une réelle avancée : développement de la télémédecine, stage chez les médecins libéraux, exercice partagé, généralisation du contrat de médecin adjoint. Vous voulez aller plus loin ; le Gouvernement y réfléchit.

L'hydroélectricité est utile, mais, comme toujours en matière d'énergie renouvelable, génère de nombreux recours, dont il faut accélérer le traitement judiciaire.

Pour le reste, je vous répondrai par écrit !

M. Raymond Vall .  - Lors de la Conférence nationale des territoires, le président de la République a souligné que la France rurale et des villes moyennes portait une logique de projet et avait besoin d'une logique d'agence. Elle est en demande de financement et d'ingénierie.

Quelle sera la forme, la composition, le maillage, l'autorité et les moyens de la future Agence nationale des territoires ? Sera-t-elle une nouvelle Datar ? Vous souhaitez renouer avec un État stratège, pour une politique de rééquilibrage, alors que la métropolisation accentue les fractures. Les territoires ruraux y sont sensibles et comptent sur votre détermination. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Vous connaissez bien les territoires ruraux pour y exercer vos fonctions d'élu local. Je salue le contrat de réciprocité utile que vous avez récemment passé avec la métropole de Toulouse.

Le dossier de l'Agence n'est pas achevé. Il ne s'agit pas de recréer une structure lourde mais un outil pour faciliter l'action de nos collectivités, notamment en zone rurale et dans les villes petites et moyennes. L'État peut mettre ses moyens d'ingénierie à leur disposition.

Nous menons une réflexion avec la Caisse des dépôts et de consignation pour mobiliser des moyens humains et financiers et devrions faire des annonces positives d'ici la fin de l'année.

M. Jean-François Husson .  - Les compétences, les énergies, les forces vives abandonnent certains territoires faute d'équipements, d'infrastructures ou de services publics. Le sentiment de déclassement se renforce, les élus et les habitants sont menacés par le découragement, voire l'exaspération. Dans une République décentralisée, c'est à l'État d'organiser des relations confiantes avec et entre les collectivités. La décentralisation ne doit pas signifier moins d'État mais mieux d'État. Or le foisonnement des dispositifs crée des divisions. En se désengageant de sa mission d'aménagement du territoire, l'État a abandonné un certain nombre de territoires. À quels défis le Gouvernement choisira-t-il de répondre ? Pourrez-vous mener une politique efficace et cohérente dans ce labyrinthe d'acteurs et d'outils ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Vous avez parfaitement raison : il y a trop de dispositifs, ils sont trop complexes et 11 000 contractualisations, ce n'est pas raisonnable - même si je ne peux que sourire, en voyant ceux qui les ont multipliés, réclamer aujourd'hui la simplification...

Nous travaillons à simplifier cet ensemble : c'est le rôle de l'État stratège. Loin de moi l'idée de créer de nouveaux instruments complexes. Ces dernières années, des schémas prescriptifs ou non ont vu le jour. Seuls ceux qui fixent des objectifs sont utiles. La simplification vise aussi les contrats qui comme les autres dispositifs finissent par n'être plus lisibles par nos concitoyens, voire par nos élus locaux.

M. Jean-François Husson.  - Le chamboulement territorial ininterrompu depuis 2010 laisse à penser que le Gouvernement a plutôt organisé le déménagement que l'aménagement des territoires : il faut, aujourd'hui, redonner confiance et force à tous les territoires ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Claude Luche .  - Dans nos départements ruraux, le service public est un élément essentiel. Or il disparaît peu à peu de nos communes et de nos cantons. On le centralise sans anticipation ni concertation. Les services publics s'éloignent des citoyens et leurs employés partent avec leurs familles et leur pouvoir d'achat : c'est toute une vie locale qui disparaît. La moyenne d'âge augmente et les recettes fiscales chutent. Les actions locales sont anéanties, le territoire tout entier perd son attractivité. La France est diverse, il faut imaginer des règles fiscales, sociales, qui tienne compte de cette diversité : pourquoi ne pas relancer les zones de redynamisation rurale, voire instaurer des zones franches dans la ruralité ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Les services publics se sont en effet beaucoup retirés des territoires ruraux : chaque responsable politique de ces quinze dernières années peut en prendre pour son grade. Nous sommes évidemment mobilisés sur le sujet. En matière d'éducation, la rentrée s'est bien passée, les choix de Jean-Michel Blanquer ont été les bons. Faut-il renforcer les ZRR ? Il faudra en débattre.

M. Rémy Pointereau .  - Merci à MM. Maurey et Nicolaÿ pour l'initiative de ce débat. Il est urgent de retrouver le volontarisme de l'État aménageur, et que l'aménagement du territoire cesse d'être le parent pauvre des politiques publiques.

En mai dernier, le président Larcher a saisi les délégations aux collectivités territoriales et aux entreprises de la revitalisation des centres-villes et des centres-bourgs, qui subissent de plein fouet la désertification commerciale. Nous proposons des pistes, en particulier celle d'un moratoire sur l'implantation des commerces en périphérie : êtes-vous prêt à y réfléchir ?

Envisagez-vous de créer des zones franches en centre-ville pour compenser la perte d'activité ? Enfin, comment envisagez-vous l'Agence nationale de cohésion des territoires annoncée par le président de la République ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe UC)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Nous présenterons un plan fort sur cinq ans pour les villes moyennes, avec des actions dès la première année pour les aider à revitaliser les centres bourgs.

Je crois à l'intelligence territoriale et à la nécessité de laisser la responsabilité aux exécutifs locaux. Réfléchissons à nos propositions sans aucun a priori. Le Gouvernement travaillera en concertation. Les crédits Fisac seront fléchés vers les villes moyennes.

M. Didier Rambaud .  - Dans la France périphérique, la dépendance à l'automobile est réelle, ce qui entraîne l'exclusion de certains de nos concitoyens ; les difficultés de mobilité rendent difficile le recrutement et, selon une étude du CESE, un jeune sur trois en milieu rural n'a pas assisté à un entretien d'embauche faute de moyen de transport. On estime aussi que sept millions de personnes en âge de travailler ne le peuvent pas, faute de mobilité.

Aussi, le développement d'alternatives à la voiture est devenu urgent. Nous n'avons pas besoin d'infrastructures coûteuses comme des tramways ou des trains, mais d'équipements pour le covoiturage ou pour soutenir les initiatives diverses de cette nouvelle mobilité ? Comment le Gouvernement compte-t-il accompagner les territoires en la matière ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Jacques Mézard, ministre.  - La nouvelle mobilité est devenue un enjeu de société. Les mutations technologiques vont considérablement modifier la situation dans les années à venir. Songeons aux véhicules autonomes. Rien qu'en Île-de-France, des communes limitrophes aux sociologies différentes connaissent des difficultés de communication - et 42 % de nos concitoyens vivent hors du périmètre desservi par les transports publics.

Le Gouvernement a lancé les Assises de la mobilité, nous en attendons beaucoup.

M. Pierre-Yves Collombat .  - Il y a peu, ici-même, un sénateur du Cantal que vous connaissez bien déclarait qu'un trajet en train Aurillac-Paris durait entre six heures et dix heures trente, soit une demi-heure de plus qu'il y a vingt-cinq ans et parfois pour une partie en bus. En 1905, il y avait un train de nuit direct - en 2013, il fallait le chercher à Figeac. Ce sénateur disait : « Puisque le changement, c'est maintenant, je ne doute pas que cela changera ». Le changement n'est plus maintenant, il est en marche (Rires) : comment le Gouvernement redressera-t-il cette situation calamiteuse ? (Applaudissements sur de nombreux bancs)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je reconnais bien là votre humour et, pour ma part, je ne renie aucun de mes propos - et je reste fidèle à mes engagements politiques. Cependant, j'ai beau être en marche, j'espère que nous n'en viendrons pas à devoir effectuer Aurillac-Paris à pied... (Sourires)

Certains territoires sont devenus trop excentrés et oubliés, notamment trois départements dont sont issus trois présidents de la Ve République - par ailleurs issus de tous les bancs !

M. Pierre-Yves Collombat.  - À quelques exceptions près !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Soit. Nous devons réaliser des choix qui désenclavent les territoires, que ce soit par le train, la route ou l'avion.

Je rappelle bien à la ministre des transports qu'il ne faut pas seulement penser aux métropoles - et elle viendra le constater par elle-même à Aurillac le 6 novembre prochain.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Quand j'entends la ministre des transports qui veut ouvrir les TER à la concurrence déclarer : « On ne desservira pas Brive avec un A380 », je me demande, monsieur le ministre, si vous ne manquiez pas de soutien au Gouvernement...

M. Pierre Médevielle .  - J'alerte le Gouvernement sur les gros problèmes de téléphonie dans les zones blanches - et sur la définition même de ces zones : on se souvient que dans la loi Montagne, nous avions déposé un amendement pour y ranger toute commune dont un quart du territoire ou un dixième de la population ne serait pas couvert, hélas, nous n'avions pas été suivis.

Tout à l'heure, nous avons auditionné le président de l'Arcep : j'espère qu'il a entendu la grogne collective, car nous en avons assez de nous faire promener ! Les opérateurs sont contents, mais sur le terrain, la situation n'est plus supportable - alors que le haut débit est tout simplement indispensable à la vie actuelle.

Monsieur le ministre, nous vous savons isolé parmi des technocrates qui vous expliquent probablement qu'on ne peut rien faire, mais pensez-vous possible d'obtenir des engagements opposables aux opérateurs ? Ne peut-on pas les sanctionner quand ils ne parviennent pas aux objectifs de couverture territoriale ? (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Le Gouvernement a demandé officiellement à l'Arcep de fournir un nouveau référentiel de téléphonie mobile. Tous les territoires ruraux connaissent l'hypocrisie d'une couverture qui en réalité ne fonctionne que devant la mairie. L'objectif prioritaire, c'est la 4G partout pour tous en 2020.

Malgré le sourire dubitatif du président de la commission, ce n'est pas parce que les anciens gouvernements ont échoué qu'il en ira de même avec nous.

M. Hervé Maurey, président de la commission.  - Nous le souhaitons !

M. Claude Bérit-Débat .  - La fusion de communes conduit certaines communes rurales à passer le seuil d'application de l'article 55 de la loi SRU, donc à devoir réserver au logement social 20 % de toute nouvelle construction de logement collectif. Je vous ai déjà posé la question, monsieur le ministre, tant la difficulté se pose dans la ruralité, vous m'avez répondu y réfléchir. Je vous la repose : comment fait-on ? J'espère qu'aujourd'hui, votre réponse sera le fruit de vos réflexions... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Vous m'interrogez là sur des conséquences de lois que vous avez votées...

M. Claude Bérit-Débat.  - Je ne le conteste pas !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je ne considère pas qu'il faille remettre en cause la loi SRU. Ce serait un très mauvais signal. Je comprends toutefois les difficultés que vous dites. Il faudra en tenir compte en tirant le bilan de la période 2017-2019.

M. Claude Bérit-Débat.  - Je ne mettais pas en cause la loi de fusion des communes ni la loi SRU, mais j'alertais des difficultés pour les communes très rurales qui viennent de fusionner.

M. Jean-Claude Requier .  - En 2012, une proposition de résolution sur l'égalité des territoires avait été déposée par le groupe RDSE du Sénat dont vous étiez président, Monsieur le ministre. Vous estimiez alors que « seul l'État peut avoir une vision globale et stratégique et les moyens nécessaires pour mettre en oeuvre l'égalité des territoires ».

L'Assemblée des communes de France a déploré une certaine hétérogénéité des contrats de ruralité et craignent que les communes qui y travaillent le plus sérieusement n'aient pas accès aux fonds.

La dotation de soutien à l'investissement local a été pérennisé, merci monsieur le ministre ; les élus locaux n'en demeurent pas moins inquiets de la pérennité des contrats de ruralité. Mais un décret d'avance pris en juillet a supprimé 106 millions d'autorisations d'engagements du programme 112. Les élus s'inquiètent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Jacques Mézard, ministre.  - 480 contrats de ruralité ont été signés au 1er octobre. L'État tiendra ses engagements. Les enveloppes budgétaires seront maintenues à leur niveau de 2017.

Chaque Gouvernement procède à des annulations de crédits ; en 2018, nous n'en ferons pas. Qui plus est, nous augmenterons les dotations.

Dans de nombreux départements, la DETR n'est pas entièrement consommée. D'aucuns ont réclamé que d'autres départements puissent en profiter -  mais ce n'est pas conforme aux règles budgétaires.

M. Philippe Pemezec .  - Comment 70 ans après la publication de Paris et le désert français, sommes-nous arrivés à cette situation ? Parce que l'appareil d'État s'est livré à une centralisation forcenée, que pour reprendre le contrôle de la région capitale, il a créé un monstre qui absorbera la région, les départements, et bientôt nos communes, qui sont pourtant le coeur vivant de la démocratie. La métropolisation qu'impose la technostructure, assèche nos territoires, y compris en Île-de-France.

La disparition des ressources essentielles comme la taxe d'habitation et le transfert des charges sans compensation affaiblissent encore davantage les collectivités territoriales. L'Île-de-France aussi est touchée. Aurons-nous désormais « Paris et le désert régional » ?

Pensez-vous vraiment que la métropole soit une solution ? Quelle place réserverez-vous au bloc communal, pour qu'il reste le lieu d'expression de la démocratie de proximité ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Vous parlez de métropolisation. J'entends encore, ici, des sénateurs se battant pour que leur ville devienne métropole.

M. Philippe Pemezec.  - Je n'étais pas là !

M. Jacques Mézard, ministre.  - Moi j'y étais, et on est passé de quinze à vingt-deux métropoles, alors qu'il aurait fallu, conformément au rapport Karoutchi, revenir à neuf. (Marques d'approbation sur les bancs du groupe RDSE)

J'avais même déposé un amendement pour qu'Aurillac devienne une métropole. (M. Roger Karoutchi s'amuse) Il y aura une conférence sur le Grand Paris.

Le maire est essentiel, cet échelon de proximité est fondamental, et les Français ne s'y trompent pas. Aucun territoire ne doit se considérer comme marginalisé.

M. Pierre Louault .  - Depuis plus de quinze ans, l'aménagement du territoire est le parent pauvre des politiques publiques. Nos territoires ruraux sont devenus le tiers-monde de la France. Certains ont migré. Les derniers indigènes n'en peuvent plus : ils attendent plus de souplesse, plus d'initiatives ; il faut redonner de l'espoir aux élus ruraux. On paie des abonnements de mobile à 39 euros au lieu de 19, alors qu'il faut monter sur la colline pour capter le signal... Il faut laisser de la liberté aux élus et trouver des moyens financiers.

D'après la Cour des comptes, il y a trois à quatre fois moins de dotation pour les ruraux que dans les pôles urbains. Il faut plus de péréquation, une politique d'aménagement du territoire qui mobilise tous les moyens.

Quels moyens financiers consacrerez-vous à l'aménagement du territoire ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Tous les territoires ruraux ne sont pas à l'abandon. Certains se repeuplent, quand d'autres, enclavés, loin des métropoles, se sentent abandonnés. Ils vivent la disparition de très nombreuses exploitations agricoles. Certaines villes moyennes perdent de la population, pas seulement pour les métropoles mais au profit de leur périphérie. La réponse ? Du côté de l'État : des contrats spécifiques pour les villes moyennes et la revitalisation des centres-bourgs. Il y a aussi la péréquation, notamment horizontale.

Je peux entendre que les départements se plaignent de leurs difficultés mais leurs ressources peuvent être dynamiques - les droits de mutation à titre onéreux par exemple. Mais dans ce cas, ils sont discrets...

M. Olivier Jacquin .  - Votre réponse à notre collègue Gontard ne me satisfait pas. À propos des territoires à énergie positive, la circulaire Hulot gèle 350 millions d'euros sur 750 millions d'euros de crédits prévus.

Votre collègue propose quatre règles très contraignantes qui changent la règle du jeu et découragent les collectivités, notamment la dégressivité des pénalités de retard pour les projets engagés après le 31 décembre 2017.

Comment reviendrez-vous sur cette décision et inscrirez-vous au budget les sommes nécessaires ?

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je ne peux pas vous faire une autre réponse qu'à votre collègue.

M. Olivier Jacquin.  - Je suis déçu.

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je le suis aussi de constater que des promesses avaient été faites sans avoir le financement pour les tenir. La responsabilité est collective, mais notre Gouvernement n'a pas de leçons à recevoir des précédents qui ont recouru à l'endettement pour les problèmes du quotidien.

Vous connaissez l'attache du ministre Hulot à la transition écologique.

M. Olivier Jacquin.  - Vous me parlez finance, moi aussi : il n'y a pas d'euro mieux investi que dans la transition énergétique. Je trouve cette méthode sournoise et de nature à remettre en cause la parole de l'État. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE)

M. Olivier Paccaud .  - La République est une et indivisible, dit l'article premier de la Constitution. Mais en réalité, il y a deux France : une France qui réussit et une France qui ne vaut pas moins et se sent abandonnée par l'État.

Plusieurs décisions récentes laissent sceptiques. Pourquoi avoir remis en cause tant de grands projets porteurs d'espoir, comme le canal Seine-Nord ? Comment se glorifier du dédoublement des classes de CP en zone d'éducation prioritaire alors qu'il y a des triples niveaux à plus de 30 élèves à la campagne ? Avez-vous un cap, avez-vous seulement une boussole ? (Le groupe RDSE s'indigne.)

M. Jacques Mézard, ministre.  - La polémique à ce niveau n'est pas souhaitable, ni constructive. Je me demande si, de votre côté, vous savez au moins où est le nord...

M. Olivier Paccaud.  - La République, c'est l'égalité des droits et des chances, ce qui implique l'équité des territoires. J'espère que la devise qui orne les frontons de nos mairies ne se videra pas de son sens dans les prochaines décennies. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Angèle Préville .  - Confrontés à l'extension continue des déserts médicaux, nos concitoyens sont excédés. Notre système repose sur la sécurité sociale.

Êtes-vous prêt à déconventionner les médecins qui s'installent en zone excédentaire et à établir un service obligatoire de cinq ans en zone rurale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je ne ferai pas le procès des médecins. Je crois connaître la problématique que vous évoquez. Des efforts sont nécessaires pour rétablir l'équilibre entre les zones de surdensité - souvent les plus ensoleillées - et les moins pourvues. Mais imposer aux médecins un service de cinq ans ? Ce n'est pas par la contrainte qu'on arrivera à quoi que ce soit. Il faut trouver des solutions concrètes, mais nous ne rétablirons pas l'équilibre par des mesures de contrainte comme le déconventionnement. Nous avons besoin de spécialistes et que les centres hospitaliers régionaux rayonnent.

La modification du numerus clausus n'aura des effets que dans trente ans. Si le gouvernement précédent n'a rien fait dans ce sens pendant cinq ans, c'est qu'il a pris d'autres voies.

Mme Angèle Préville.  - Je propose une solution économe et durable. Personne ne doit être exclu de la santé.

M. René-Paul Savary .  - Dans le Grand Est, pour équiper les territoires en connexion Internet très haut débit, nous avons mis en place le modèle du XXIe siècle, qui permet un investissement à 85 % par le privé, garantissant l'égalité entre zones urbaines et rurales. Lorsqu'il y a des initiatives publiques par carence du privé, garantissez-vous que des entreprises privées ne pourront venir mettre en danger ces dispositifs par leur concurrence ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Je le garantis. Ce serait trop dangereux.

M. René-Paul Savary.  - Merci de prendre à coeur cette affaire-là ! Il y va de l'équilibre des territoires. Ce serait ubuesque que des gens qui n'ont pas la téléphonie mobile se retrouvent avec deux réseaux de fibre devant chez eux ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Sébastien Leroux .  - Dans l'Orne, la moitié des généralistes partira avant la fin du quinquennat. Notre population est mise en danger. Les pouvoirs publics peuvent, quand c'est nécessaire, s'affranchir de la réglementation. Les outils en place ne suffisent pas. Le cumul emploi-retraite des médecins libéraux est une piste à explorer. Autorisez-vous les conseils départementaux à la faciliter ? On peut aussi envisager un service d'une année pour les jeunes médecins. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Le cumul emploi-retraite qui concerne 15 000 médecins, sera développé pour en faire bénéficier le double. Le plafonnement de l'exonération des cotisations de retraite sera aussi doublé. Le partenariat avec l'Ordre des médecins est important pour que ces mesures s'appliquent avec efficacité.

Mme Marie Mercier .  - Le Premier ministre a déclaré que « chaque citoyen doit avoir accès à une médecine de qualité quel que soit l'endroit où il vit. » L'inégalité d'accès à l'offre de soins est au coeur des débats. Les grandes lignes de la politique de la ministre de la santé sont de bon augure : vaccination, lutte contre les déserts médicaux, télémédecine.

Les grandes urgences vitales, notamment cardiovasculaires, doivent être prises en charge rapidement. Or l'inégalité territoriale existe bel et bien à cet égard. Pour y remédier, il faut soutenir les unités de soins intensifs et investir dans des plateaux techniques, comme celui en projet au centre hospitalier de Chalon-sur-Saône, qui concerne 350 000 habitants.

La ministre de la santé a raison de faire confiance aux acteurs des territoires ; cela commence par le respect des recommandations médicales, la vie humaine restant la toute première priorité. Quels moyens allez-vous mettre en place pour résorber les inégalités territoriales en matière d'urgence vitale ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jacques Mézard, ministre.  - Oui, il est vrai que les grandes urgences ne sont pas traitées de la même manière selon les territoires. La réponse rapide aux AVC sauve des vies. Nous avons demandé aux ARS, en lien avec le 15, de coordonner les professionnels de santé en différenciant les niveaux d'urgence. Il faut aussi mieux former nos concitoyens à reconnaître les situations d'urgence ; le ministre de l'intérieur a annoncé hier une nouvelle campagne en liaison avec les sapeurs-pompiers. Dans la grande urgence, la survie se joue souvent en quelques heures, voire quelques minutes. La ministre de la santé travaille en ce sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Mme Marie Mercier.  - Le psychologue Moritz Lazarus a écrit : « Chaque pays, en fonction de son système de soins, choisit ses morts ». Et si l'on pouvait éviter d'avoir à choisir ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Prochaine séance demain, jeudi 26 octobre 2017, à 15 heures.

La séance est levée à 20 h 40.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du jeudi 26 octobre 2017

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, Président

Secrétaires : Mme Catherine Deroche - Mme Françoise Gatel

1. Questions d'actualité au Gouvernement.

De 16 h 15 à 20 h 15

Présidence : M. Vincent Delahaye, vice-président M. Philippe Dallier, vice-président

Ordre du jour réservé au groupe Union centriste

2. Débat : « Logement social : sur quels territoires, comment et pour qui demain ? ».

3. Proposition de loi tendant à simplifier certaines obligations applicables aux collectivités territoriales dans le domaine du service public d'eau potable (n° 703, 2016-2017).

Rapport de M. Pierre Médevielle, fait au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (n° 31, 2017-2018)

Texte de la commission (n° 32, 2017-2018).