Accords de libre-échange UE-Australie et UE-Nouvelle-Zélande

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution, présentée au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur les directives de négociation en vue d'un accord de libre-échange entre l'Union européenne et l'Australie, d'une part, et la Nouvelle-Zélande, d'autre part.

Discussion générale

M. Jean Bizet, en remplacement de MM. Pascal Allizard et Didier Marie auteurs de la proposition de résolution et rapporteurs pour avis de la commission des affaires européennes .  - Pour la première fois en séance publique, nous débattons de mandats de négociation sur des accords de libre-échange avant leur adoption par le Conseil européen. C'est d'autant plus significatif qu'après la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) de mai 2017, les futurs accords pourraient ne plus être soumis aux parlements nationaux.

Les commissions des affaires européennes et des affaires économiques ont toujours été très attentives à ces sujets.

Cette proposition de résolution européenne, adoptée le 18 janvier par notre commission des affaires européennes, est l'initiative de MM. Allizard et Marie, aujourd'hui retenus à Vienne.

L'Australie et la Nouvelle-Zélande ont des valeurs proches des nôtres ; nous avons des partenariats politiques et des liens commerciaux avec elles.

La proposition de résolution européenne définit quatre exigences à propos de cet accord.

La transparence d'abord : la Commission européenne a fait des efforts dans ce domaine, en partie à cause des mouvements d'opinion contre le secret qui entoure la conduite des négociations.

L'équilibre ensuite : la vigilance s'impose sur l'équilibre des échanges, en particulier pour les secteurs sensibles que sont les viandes bovines et ovines et les sucres spéciaux.

Le besoin de protection n'exonère pas certaines filières de restructurations nécessaires, pour la viande bovine notamment. Mais les crédits de la PAC doivent être préservés et la France doit se montrer aussi déterminée que par le passé.

Le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation est un outil bienvenu, mais mal structuré et sous doté - 150 millions, qui vont d'abord aux entreprises qui subissent des licenciements massifs. Les mêmes menaces s'accumulent sur les mêmes filières. Tout cela est au coeur de l'ambiguïté de la mondialisation, dont les bénéfices sont globaux et les conséquences négatives locales.

Des mesures de sauvegarde efficaces, comme celles qui permettent au gouvernement des États-Unis de fermer ses frontières en quelques minutes, s'imposent. Dans l'Union européenne, à 27, il faut souvent quelques mois pour faire de même.

La réciprocité est le troisième axe. L'Union européenne s'est souvent montrée trop généreuse par le passé, et nos deux commissions n'ont cessé de plaider pour muscler la stratégie européenne en la matière.

La réciprocité doit être opposable et contraignante en matière environnementale notamment. C'est pourquoi il nous faut une grande exigence normative. Il n'y a pas de procédure spécifique de règlement des différends entre investisseurs et États. Des débats très en amont sont nécessaires pour définir un cahier des charges à l'intention des négociateurs ; en cas de litige toutefois, un système juridictionnel spécifique est nécessaire. L'ancien système d'arbitrage privé a été moralisé ; il faut continuer dans cette direction.

Nos entreprises bénéficieront de cet accord pour peu qu'elles s'en saisissent et valorisent leurs atouts. L'accord CETA avec le Canada a vu baisser certaines barrières tarifaires de 240 % et reconnaître quelque 43 IGP, c'est important. La vigilance s'impose cependant parce que toutes les filières ne sont pas armées pour attaquer les grands marchés internationaux.

Le président de la République a évoqué une ligne budgétaire de 5 milliards d'euros pour les filières désireuses de se restructurer. Qu'en sera-t-il ?

Les États-Unis se ferment alors que l'OMC peine à faire avancer ses projets ; la Chine, l'Inde voient dans les marchés mondiaux un terrain de chasse où les normes environnementales ont peu de place. L'Union européenne doit, au contraire, faire prévaloir son niveau d'exigence normative au niveau mondial. J'ai la faiblesse de croire qu'à terme, tous les citoyens du monde aient à y gagner. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Le texte adopté à l'unanimité par la commission des affaires européennes est opportun, complet et pertinent. Je m'associe aux remarques de M. Bizet ; la commission des affaires économiques a largement adopté la proposition de résolution européenne avec trois amendements.

Le premier introduit une enveloppe globale pour les produits sensibles, qui prenne en compte les impacts cumulés des accords commerciaux déjà conclus et en cours de négociation. Seule une prise en compte de l'ensemble des contingents autorisés ou en cours d'autorisation permettra de juger si une nouvelle ouverture est souhaitable. C'est une demande forte des autorités françaises et des milieux agricoles.

La commission a aussi adopté un amendement de M. Daunis prévoyant une étude d'impact sur les effets en emploi pour les filières concernées.

Le dernier donne plus de poids aux mesures de sauvegarde pour les secteurs sensibles.

La politique commerciale de l'Union européenne et en particulier les accords commerciaux les plus récents ont fait l'objet de vives critiques ciblées sur les méthodes de la Commission européenne : manque de transparence, de réciprocité, de réalisme, absence de prise en compte des enjeux agricoles notamment, pour ne pas dire naïveté.

Les normes sociales, sanitaires et environnementales de l'Union européenne sont les plus strictes ; c'est pourquoi la France doit peser autant que possible sur les mandats de négociation à travers des propositions de résolution européennes comme celle-ci.

On pourrait être tenté de refuser les accords commerciaux ou de les réserver aux pays qui s'alignent sur nos normes. Mais ce qui est bon pour la France ne l'est pas toujours pour l'Allemagne, la Pologne ou l'Espagne. Les positions européennes sont déjà le fruit de compromis âprement négociés. Il est donc plus sage de peser sur les mandats de négociation.

Cette proposition de résolution européenne le fait en reprenant plusieurs points clé du plan d'action sur la mise en oeuvre du CETA. Elle demande des contingents limités d'importation pour la viande bovine et ovine, les sucres spéciaux ou le lait ; elle demande que chaque chapitre de négociations comporte un volet sur le développement durable. Nous ne pouvons que le saluer. L'exigence en matière de normes sociales, environnementales, sanitaires et phytosanitaires doit être élevée.

La France, pionnière, doit continuer à mettre l'Union européenne sous pression pour faire avancer ses voeux. Pour cela, il faut dégager des positions communes fortes et pragmatiques. Gouvernement et Parlement doivent parler d'une seule voix.

Le futur accord ouvrira des opportunités commerciales, d'autant que notre balance commerciale avec ces pays est excédentaire - ce n'est plus si fréquent.

Faisons reconnaître nos normes, protégeons nos filières les plus fragiles. Cet accord est une occasion de rapprocher ces pays de notre système de valeurs, à l'heure où le multilatéralisme se porte mal. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam, au nom de la commission des affaires étrangères .  - La transparence suffira-t-elle à obtenir l'adhésion des peuples européens aux négociations commerciales internationales ?

La Commission européenne semble avoir l'intention de restreindre le périmètre des accords aux domaines qui relèvent de sa compétence exclusive - ce qui exclut la ratification par les parlements nationaux.

La transparence est un devoir pour la Commission européenne et le Gouvernement ; mais ce type de négociation se prête peu à la publicité. On apprend dans la presse que la Commission propose au Mercosur des contingents d'importation de viande bovine augmentés de 40 %, contre des concessions ailleurs... Les intérêts agricoles européens ne sont-ils pas sacrifiés sur l'autel des intérêts industriels ?

Dernier point, la multiplication des négociations commerciales - une quinzaine en cours, dont cinq sur le point d'aboutir, avec le Japon, Singapour, le Vietnam et le Mercosur notamment.

Deux accords mixtes ont été signés avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande en 2016 et 2017. Nous devons encore les ratifier...

La Commission européenne semble se précipiter ; la machine n'est-elle pas en train de s'emballer ? Il faut une meilleure évaluation des effets des accords commerciaux. La proposition de résolution européenne nous donne l'occasion de porter ces demandes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères .  - C'est le premier débat sur un mandat de négociation avant son adoption. Le Sénat s'honore de cette initiative bienvenue qui va dans le sens du plan d'action pour la mise en oeuvre du CETA.

Les négociations commerciales se heurtent à une crise de sens ; nos concitoyens ne comprennent pas toujours leur multiplication alors qu'ils subissent tous les jours les impacts de la mondialisation.

Jean Bizet apporte une expertise précieuse dans ce domaine. Il y a besoin de pédagogie : les citoyens et les élus doivent être mieux informés du contenu des accords et de leur impact. C'est un enjeu de légitimité démocratique. Le Parlement européen s'est prononcé sur l'accord économique et commercial global (AECG) avec le Canada. C'est l'instance idoine pour se prononcer au nom des peuples, dont il émane, sur la politique commerciale même si les parlements nationaux doivent être associés à son suivi.

Adopté le 25 octobre en Conseil des ministres, le plan d'action comporte un engagement de points de suivi régulier auprès du Parlement. Le Gouvernement s'est engagé aussi à demander la publication des mandats de négociation, ce qui a été fait. La publication des propositions de textes sur le site de la Commission européenne est une bonne chose ; celle aussi des études d'impact serait souhaitable. Les amendements adoptés par la commission des affaires économiques sur cette question vont dans le bon sens. Une étude d'impact commandée par la Commission européenne à la London School of Economics sur un futur accord comporte un grand nombre de données. L'arrêt de la CJUE sur le projet d'accord avec Singapour, cité par Jean Bizet, restreint la compétence des États aux conflits avec les investisseurs. Des discussions sur la compétence exclusive de l'Union européenne sont menées. Pour le moment, nous en tirons les conséquences au cas par cas. Le fait qu'une seule assemblée nationale puisse remettre en cause le travail de plusieurs années de négociation plaide en faveur de la compétence exclusive ; dans l'autre sens, l'exigence démocratique et nos intérêts nationaux offensifs ne doivent pas être négligés.

Pour le moment, la question n'est pas tranchée.

Sur l'accord lui-même, je rappelle d'abord que la France, ce pays-monde, est une puissance du Pacifique à travers ses outre-mer. Nous avons aussi des valeurs et intérêts communs avec la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Cette dernière est un partenaire stratégique pour la France ; une collaboration industrielle et militaire nous lie.

La proximité de vues dans le domaine commercial s'exprime aussi dans un même attachement à une mondialisation régulée par le droit, à l'heure où le multilatéralisme est en crise. En décembre dernier à Buenos Aires, l'OMC n'a pas réussi à s'entendre contre la lutte contre la pêche illégale, c'est dire qu'on touche le fond...

Il faut conserver un organisme de règlement des différends fonctionnel. Oui, il existe des dysfonctionnements et certaines puissances émergentes se montrent très souples avec les règles du jeu. C'est parfois déconcertant, mais il faut s'adapter à cette nouvelle donne et non se replier.

À travers cet accord, la France peut peser sur la zone sud-Pacifique, qui compte parmi les plus dynamiques dans la croissance mondiale.

Il s'agit également de fixer les futures normes qui s'appliquent aux produits et services : l'Union européenne, dans ce domaine, peut entraîner ses partenaires.

La France souhaitait que les deux accords fassent explicitement référence au respect de l'Accord de Paris. Les États-Unis, qui se sont retirés de l'accord, seront ainsi prévenus : pas d'Accord de Paris, pas d'accord commercial.

Autre exigence, la mention des règles de l'Organisation internationale du travail (OIT) et du principe de précaution.

Le transport aérien et le transport maritime doivent être impliqués dans les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre : cela aussi sera, nous l'espérons, pris en compte dans l'accord.

Nos principaux intérêts offensifs sont la levée des barrières non-tarifaires ; les IGP ont été reconnues au niveau européen, ce qui favorise nos produits.

L'accord pourrait faire augmenter de 27 % les exportations de l'industrie pharmaceutique et cosmétique, de 63 % celles de la mécanique ; de 6 % celles des spiritueux, de 30 % celles des fromages.

Sur nos intérêts défensifs, la position de la France est claire : elle n'acceptera aucun accord déstabilisant des filières agricoles fragilisées. Elle l'a prouvé dans les négociations avec le Mercosur en mobilisant une coalition de onze États membres ayant des intérêts agricoles. Nous ne braderons pas notre agriculture.

Les concessions à l'Australie et à la Nouvelle-Zélande dans les filières de la viande, du sucre et du lait dépendront directement du contenu des accords avec les autres partenaires de l'Union européenne. L'amendement de la commission qui va dans ce sens est bienvenu.

Le Gouvernement travaille aussi à la mise en place de clauses de sauvegarde.

L'enveloppe globale devra prendre en compte le retrait du Royaume-Uni.

Le Gouvernement accueille très favorablement ce débat et reste à la disposition du Parlement pour lui rendre compte de son action.

Il y a un moment français sur la scène internationale ; exploitons-le à plein. L'accord de libre-échange avec la Corée du Sud a fait passer l'Union européenne d'un déficit de 11 milliards d'euros à un excédent commercial de 4 milliards d'euros avec ce pays.

Je mesure l'effort de pédagogie qui est à mener. Les associations, les ONG, les citoyens suivent nos débats. Un comité de suivi de la politique commerciale, le 9 mars, sera l'occasion d'échanger avec les parties prenantes. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et Les Républicains)

M. Fabien Gay .  - Voici un an, notre groupe dénonçait l'adoption du CETA, ce cheval de Troie, au niveau européen. Il nie la souveraineté des États. Le capitalisme libre-échangiste est partout à l'oeuvre, exploitant le travailleur là où le travail est le moins cher, puis exportant là où il rapporte le plus, voire le dissimulant là où on ne lui demande aucun compte.

Depuis un an, treize traités sont en discussion. L'Australie et la Nouvelle-Zélande, deux poids lourds de l'agriculture extensive, de l'export de viandes rouges et de produits laitiers, multiplient les accords commerciaux ambitieux pour développer et sécuriser leurs débouchés ; 70 % de la production australienne est ainsi exportée.

Si l'utilisation des hormones de croissance et la décontamination chimique des carcasses sont interdites aux produits destinés à l'Union européenne, la traçabilité individuelle et les temps de transport des animaux sont moins stricts en Australie et en Nouvelle-Zélande qu'en Europe. Nous courons donc le double risque que cette règle ne soit ni respectée ni contrôlable. Comment parler de partenariat quand l'élevage et la production laitière sont déjà en crise en Europe ? Alors que nous n'avons pas encore réglé les différends à l'OMC sur la répartition des quotas d'importations agricoles qui découlent du Brexit, voilà que nous négocions avec deux géants agricoles parmi les plus compétitifs au monde.

Les états généraux de l'alimentation viennent de s'achever, un projet de loi nous sera prochainement présenté. Il sera en totale contradiction avec ces accords : on ne peut pas exiger toujours plus de normes pour nos produits et ouvrir nos frontières à des pays qui ne les respectent pas. Dès lors, poursuivre ces négociations, après le CETA et la volonté affichée de la Commission de lancer un autre traité avec le Mercosur, c'est signer la mort d'une agriculture paysanne, garante d'une alimentation de qualité et de l'emploi.

Or tout dans un accord de libre-échange relève de la compétence exclusive de la Commission européenne, sauf le mécanisme de règlement des différends entre investisseurs et États - la Cour de justice l'a rappelé dans un avis du 16 mai 2017. En conséquence, les parlements nationaux n'auront plus à approuver les accords. Quant au Conseil, il se prononcera à la majorité qualifiée, et non plus à l'unanimité. Les États sont donc doublement exclus. Quel déficit démocratique !

Nos amendements viseront à préserver la ruralité et les parlements nationaux. Certes, il faut plus de transparence et de réciprocité ; certes, il faut un volet environnemental et social opposable ; certes, il faut imposer des contingents limités sur les produits d'élevage et les sucres spéciaux ; certes, il faut un étalement des périodes de démantèlement tarifaire ; certes, il faut des mesures de sauvegarde spécifiques. Toutefois, les enjeux sont si élevés que l'on ne saurait se passer de l'accord des parlements nationaux. À notre sens, les produits sensibles devraient purement et simplement être exclus de la négociation.

Le groupe CRCE ne votera pas cette proposition de résolution européenne qui accompagne une mise en concurrence mortifère. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SOCR)

M. Pierre Louault .  - Ni la France ni l'Europe ne peuvent se rétracter sur elles-mêmes. Il y a aujourd'hui des intérêts communs à signer des accords, surtout quand les États-Unis se referment. L'intérêt de la France est clair dans le Pacifique : entretenir des échanges. Ceux-ci ne sont pas nouveaux. Le mouton et la laine de Nouvelle-Zélande sont depuis longtemps sur le marché européen, ils fragilisent nos économies du vieux continent européen mais l'Europe tout entière peut défendre des accords de libre-échange en demeurant ferme dans les négociations.

L'agriculture française est effectivement en crise. Un tiers des agriculteurs gagne moins de la moitié du Smic. L'Europe doit les rassurer et les protéger. Certains fonctionnaires et parlementaires européens ont une vision angélique du libre-échange. Au Canada, le lait coûte un tiers plus cher qu'en Europe et les producteurs bénéficient de surcroît de l'ouverture du marché européen...

L'Europe peut être libérale et nouer des relations avec des partenaires sans pour autant se transformer en une passoire. Nous mettons en avant des normes sanitaires et environnementales, nous expliquons aux agriculteurs que leur avenir passe par une production de qualité, utilisant moins de pesticides et excluant le recours aux hormones et aux antibiotiques, nous ne pouvons pas ne pas appliquer ces normes aux produits importés. Comment imaginer que l'on paiera au même prix des oeufs de poules élevées dans des parcs enherbés en France et des oeufs de batterie australiens ? Nous ne pouvons pas laisser entrer n'importe quoi sur notre marché.

Notre agriculture peut être compétitive si la concurrence est loyale. Si l'on veut le libre-échange, il faut être capable d'imposer des normes. L'Europe ne doit pas avoir une guerre de retard.

L'ambassadrice du Canada pour la négociation du CETA est un chef d'entreprise qui s'est mise en disponibilité pendant cinq ans. Dans ces négociations, nous devons adopter un tempérament plus anglo-saxon, que nous avons perdu avec le Brexit. Imposons les mêmes normes à nos partenaires qu'à nos producteurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Xavier Iacovelli .  - Félicitons-nous d'exercer un droit obtenu de haute lutte. Les parlementaires des États membres peuvent enfin s'exprimer sur les accords de libre-échange. Si l'Union européenne ne négocie pas de partenariat avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande, ces pays développeront des échanges avec la Chine, le Japon et la Corée du Sud selon des règles et des normes qui nous échapperont et finiront par s'imposer à nous.

Si les parlements nationaux ont acquis un véritable droit de suivi des négociations, je regrette qu'ils aient perdu le droit d'être consultés a posteriori. Pour le moment, les accords de libre-échange relèvent de la compétence exclusive de la Commission européenne mais la question n'a pas été tranchée ; en attendant, la Commission européenne s'est engagée à ce que sa compétence exclusive ne soit pas automatique.

Nous devons répondre aux légitimes inquiétudes de nos concitoyens en assurant un équilibre entre protection et ouverture. En protégeant mieux et en défendant davantage nos intérêts nationaux, nous réunirons les conditions pour un débat démocratique serein. Quelle leçon tirer des négociations du TTIP ? Qu'un État membre, comme la France, peut dire que les avancées ne sont pas suffisantes pour faire des concessions supplémentaires. Que dire de la réouverture in extremis de la négociation de l'accord CETA ? Que, lorsqu'on porte des propositions légitimes, on peut peser sur le cours des négociations. L'Union européenne doit prendre sa place dans la définition des normes internationales ; à elle de défendre nos valeurs et notre modèle de développement.

Nous saluons l'exigence de transparence portée par cette proposition de résolution européenne. Il faut anticiper et prévenir les effets économiques et sociaux des accords internationaux, et non se contenter de les réparer. Ce sera le sens des amendements que nous vous proposerons. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Didier Rambaud applaudit également.)

Mme Colette Mélot .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC) On ne peut aborder ces négociations sans parler du contexte. L'Union européenne traverse des crises multiples : crise du Brexit, crise démocratique, crise migratoire voire crise morale... À l'échelle mondiale, la crise est plus insidieuse : remise en question du multilatéralisme, stratégies commerciales agressives, remise en cause du libre-échange. Nous assistons à un retour du protectionnisme qui menace un système économique mondial fondé sur la libre circulation des personnes, des biens et des capitaux. La politique commerciale européenne est au coeur de cette crise, comme en témoignent les débats sur le TTIP et le CETA. Une crise de légitimité d'abord, due à un déficit démocratique. À cet égard, félicitons-nous de la publication des directives de négociation et des études d'impact. Nous souhaitons que la Commission européenne accentue son effort de transparence.

Une crise d'efficacité, ensuite, dans un monde de concurrence où la naïveté se paie comptant. La Commission européenne est souvent accusée de faire fi des intérêts nationaux. Le principe de réciprocité doit être une ligne directrice. Pourquoi l'Union européenne a-t-elle ouvert 90 % de ses marchés publics contre 32 % pour les États-Unis, 28 % pour le Japon et 16 % pour le Canada ? Nos concitoyens ne le comprennent pas.

Une crise, enfin, dans la protection de nos normes environnementales, sociales et culturelles. Ces normes, qui font notre fierté, constituent un modèle de société que nous devons promouvoir. Une Europe qui protège, ce n'est pas une Europe protectionniste, c'est une Europe plus juste et plus forte. Nous saluons la demande d'inclusion d'un volet environnemental et social opposable dans tous les accords. Nous sommes d'accord pour lier libre-échange et protection des travailleurs les plus fragiles. Je défendrai un amendement appelant au respect de la réglementation européenne en matière de protection des données personnelles.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Excellent amendement !

Mme Colette Mélot.  - Cette proposition de résolution européenne est une opportunité de réaffirmer l'espoir d'une Europe plus forte dans un monde plus juste.

Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants et UC)

M. Joël Labbé .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE) Je salue cette proposition de résolution européenne grâce à laquelle nous pouvons débattre de la multiplication des accords de libre-échange de l'Union européenne. Tafta et CETA ont fortement mobilisé.

La compétence exclusive de la Commission européenne pose un problème démocratique. Les parlements nationaux sont privés de parole. Nous devons contraindre la Commission européenne à plus de transparence.

Autre grief, la Commission européenne n'exige pas assez de réciprocité dans les domaines sanitaires et phytosanitaires. Elle sacrifie certains secteurs au nom du bénéfice global. Les productions agricoles et alimentaires sont trop souvent considérées comme des variables d'ajustement.

Les exigences de la proposition de résolution européenne sont pertinentes. Nous sommes favorables à l'inclusion d'un volet environnemental et social opposable.

En tant qu'écologiste rattaché au RDSE, j'ai le plaisir de vous annoncer que mon groupe votera cette proposition de résolution européenne à l'unanimité.

Au fond de moi, je sais que les accords de libre-échange n'iront plus très loin. On ne pourra plus continuer comme ça. Le marché international alimentaire lamine les petits producteurs quand sur la planète, un travailleur sur deux est un paysan. Je crois en la relocalisation de l'alimentation. Elle est dans l'intérêt des producteurs, des consommateurs et de la biodiversité. Madame la présidente de la commission des affaires économiques, je vous suggère d'auditionner Olivier De Schutter, ancien rapporteur des Nations unies sur le droit à l'alimentation, ainsi que le cabinet Solagro pour son scénario Afterres2050.

Notre économie de la surabondance me donne le blues, il est temps de la remplacer par une économie de la résilience. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, SOCR et sur quelques bancs du groupe UC)

M. André Gattolin .  - Je me réjouis que nous nous prononcions sur l'orientation à donner aux mandats de négociation de la Commission en vue d'accords de libre-échange avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande.

Si, comme le président de la République, nous ne cessons de plaider pour le retour du multilatéralisme dans les négociations internationales, nous pensons que nous ne pouvons pas accepter que l'inertie de l'OMC pousse l'Union européenne à la paralysie. Au contraire, utilisons les accords bilatéraux pour promouvoir des normes européennes ambitieuses tant sur le plan sanitaire, environnemental que sur celui, qu'on oublie souvent, du respect des droits fondamentaux. La Nouvelle-Zélande et l'Australie sont des partenaires historiques dotés d'institutions démocratiques. Il est dans notre intérêt de resserrer nos liens avec eux. La Chine, le Japon et la Corée du Sud sont devenus leurs partenaires privilégiés, les États Unis se détournent du Pacifique et le départ du Royaume-Uni de l'Europe aura à n'en pas douter des conséquences sur ces relations avec ces deux membres historiques du Commonwealth. En juillet dernier, en visite à Londres, le Premier ministre australien a dit vouloir sceller en premier lieu un accord avec l'Union européenne.

Nous devons être vigilants tant sur le fond que sur les modalités de la négociation en raison du climat de défiance qu'ont suscité les négociations sur le TTIP et le CETA. La transparence sur le mandat de négociation doit être totale. Il conviendra de mener les négociations avec lucidité ; c'est pourquoi je me félicite du plan d'action du Gouvernement sur la mise en oeuvre du CETA qui pousse la Commission européenne à adopter une posture plus offensive sur la prise en compte des enjeux sanitaires, du développement durable et de la lutte contre le réchauffement climatique. Je veux saluer l'ambition de notre Gouvernement d'intégrer dans les futurs accords commerciaux un renvoi explicite à l'Accord de Paris et à la coopération dans la lutte contre les changements climatiques de même que son engagement d'associer le Parlement à ses travaux. J'espère que les autres États membres en feront de même.

Le groupe LaREM est très sensible à la délicate question des secteurs qualifiés de sensibles. Il s'inquiète de l'insuffisante prise en compte des impacts négatifs de la libéralisation des échanges pour l'agriculture, les normes européennes étant bien plus exigeantes. L'Australie est un producteur significatif de sucre tandis que la Nouvelle-Zélande est actuellement le plus grand exportateur de produits laitiers au monde. Nous demandons que l'Union adopte une approche fondée sur le cumul des concessions effectuées dans les négociations passées et à venir, produit sensible par produit sensible, comparativement à la capacité d'absorption du marché intérieur. Cette approche cumulative et panoptique apaiserait des inquiétudes bien légitimes.

Le groupe LaREM votera cette proposition de résolution. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Les Indépendants et UC)

M. Cyril Pellevat .  - (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) Pour la première fois, la Commission européenne a accepté de mettre les documents de négociation à la disposition du public. Il faut s'en féliciter car cela renforcera la légitimité de la politique commerciale européenne. C'est une manière de répondre à l'émotion, à la défiance et à la suspicion des citoyens suscitées par le secret qui entoure d'habitude les négociations commerciales. Cet effort devra se poursuivre tout au long des discussions. Les parlementaires devront être tenus informés à chaque étape. Il ne sera d'ailleurs pas moins primordial de contrôler davantage la mise en oeuvre de ces accords et de surveiller plus étroitement leur impact économique cumulé.

Mais si nous devons naturellement exercer une vigilance constante, tâchons de considérer les accords commerciaux pour ce qu'ils sont aussi : des opportunités, et pas seulement des menaces. L'Union européenne demeure la principale puissance commerciale au monde. La France a des atouts indéniables à faire valoir, y compris dans le domaine agricole qui cristallise tant d'inquiétudes. Certaines de nos filières bénéficieront de la levée des barrières tarifaires et non tarifaires, pourvu que nos différentes normes soient respectées. Les filières fragilisées devront être accompagnées. Au-delà des nécessaires soutien financier et classement en tant que produits sensibles, je veux insister sur l'importance des clauses de sauvegarde. Leur mobilisation souffre souvent en Europe du syndrome du « trop peu, trop tard ». Elle aurait intérêt à réagir vite, comme les États-Unis ; cela évitera un repli vers le protectionnisme qui affaiblirait l'Europe. L'Union doit se montrer conquérante et offensive pour demeurer la grande puissance commerciale qu'elle est. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Yannick Botrel .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR) C'est la première fois que le Parlement évalue un mandat de négociation avant leur ouverture - du moins officiellement car n'oublions pas l'initiative prise par notre regrettée Nicole Bricq en 2013 pour le TTIP. Depuis l'avis de la Cour de justice du 16 mai 2017, la totalité d'un accord relève de la compétence exclusive de la Commission européenne, sauf les contentieux entre États et investisseurs. Ce peut être discuté. Soit nous rejetons cette vérité, soit nous faisons part de notre point de vue à la Commission européenne. Ce moment est le seul où nous pouvons nous exprimer, les parlements nationaux n'étant plus appelés à ratifier les accords.

Je salue le travail remarquable de Pascal Allizard et de Didier Marie, qui défendent dans cette proposition de résolution européenne une approche globale, qui n'est pas confinée au commerce stricto sensu pour inclure le développement durable et les aspects sociaux et environnementaux.

Ce ne sont pas les barrières douanières qui posent le plus question mais les barrières non tarifaires. Ni la filière bovine ni la filière sucrière ne peuvent être balayées d'un revers de la main, cette résolution le rappelle utilement à la Commission.

Dans un contexte d'essor sans précédent des entreprises multinationales dans l'édiction des normes mondiales, un tribunal bilatéral chargé du règlement des différends entre les États et les acteurs privés garantira le droit des États à réguler.

Je suis favorable à cette proposition de résolution européenne qui nous donne les moyens de peser sur la séquence qui va s'ouvrir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR, ainsi que sur quelques bancs des groupes RDSE et LaREM)

M. Daniel Gremillet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) La commission des affaires européennes a voté cette proposition de résolution européenne le 18 janvier. Depuis, les choses se sont accélérées. Je me félicite que le Parlement débatte pour que la France s'exprime sur ce sujet dont l'Union européenne va s'emparer. Illustration du décalage entre le texte dont nous avons discuté le 18 janvier et la situation actuelle, la France et l'Europe se sont privées depuis de plusieurs filets de sécurité. Un projet de texte issu des États généraux de l'alimentation impose de nouvelles contraintes aux producteurs ; et le Gouvernement français ne s'est pas clairement positionné sur les craintes que suscite le projet de révision de la PAC : certains scénarios évoquent une baisse de plus de 15 % de son budget.

En face, l'Australie et la Nouvelle-Zélande affichent leur ambition. Celle de l'Australie est très libérale. La Nouvelle-Zélande annonce une croissance de plus de 55 % de l'exportation de ses produits laitiers d'ici 2025.

La France et l'Union européenne ont une responsabilité sur les coûts de production. En Australie, ils sont jusqu'à 70 % plus bas. On ne peut pas demander plus de normes à nos producteurs et ouvrir nos frontières à des produits qui ne les respectent pas.

Pour autant, il n'est pas question de se renfermer sur nous-mêmes. Transparence, équilibre, réciprocité, exigence normative : je reprends vos demandes, Monsieur Bizet. Pour redonner envie d'Europe et à un an des élections européennes, il appartient à la France d'être claire, cohérente et de dire ses ambitions. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. André Gattolin applaudit également.)

M. Jean Bizet, président de la commission des affaires européennes.  - Très bien !

M. René Danesi .  - Par cette proposition de résolution européenne, le Sénat tient à faire valoir son point de vue le plus en amont possible. Le CETA est entré en vigueur de manière provisoire le 21 septembre 2017. D'autres négociations sont en cours avec Singapour, le Japon, le Vietnam, l'Indonésie, le Mexique, le Mercosur. Face à cette frénésie tous azimuts, le président de la République a demandé un débat sur la stratégie commerciale de l'Union européenne et d'armer l'Union européenne contre le dumping social. Il faut reconnaître que, pour le moment, il n'a rencontré qu'un succès d'estime.

Le président de la République a ses raisons : le TTIP a été négocié dans le plus grand secret, suscitant méfiance et défiance. Toutefois, les parlements nationaux, en raison de l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne, ne seront plus appelés à se prononcer. Pourquoi ? Parce qu'il y a de sérieux problèmes de fond. ONG, syndicats et personnalités politiques dénoncent ces accords qui négligent nos normes sociales, sanitaires et environnementales. Le CETA concentre toutes les critiques, y compris celles de la commission d'experts indépendants mise en place par le président Macron.

Les négociations n'ont pas pour but de supprimer quelques barrières douanières mais de liquider les barrières non tarifaires. Pour l'heure, cela ne fait ni le bonheur de la classe moyenne européenne ni des agriculteurs mais celui de la Chine et des multinationales.

Si l'Union Européenne commence enfin à se protéger contre la Chine, les multinationales sont progressivement parvenues à imposer un nouvel ordre mondial dans lequel les États sont réduits à l'impuissance et les citoyens au rôle de consommateur.

Ne commettons pas l'erreur de nous précipiter d'abord et de réfléchir ensuite. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Les Indépendants, RDSE et Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État .  - Je constate un relatif consensus sur le texte présenté, preuve de son équilibre. La France ne considère pas le CETA comme le modèle des accords de nouvelle génération, loin de là !

M. Fabien Gay.  - J'espère bien !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Nous sommes intransigeants sur l'audit : voici quelques semaines, l'Union européenne a envoyé une mission d'audit sanitaire dans le Mercosur, pour éviter les errements du passé.

L'accord de libre-échange avec le Japon est une opportunité ; ne soyons pas défensifs ! Nos entreprises doivent comprendre les débouchés qui s'offrent à elles ; j'y encourage nos chambres de commerce.

Quant aux inquiétudes pour le monde agricole, je tiens à les apaiser. Nos exportations de productions agricoles ont augmenté de 6 % en 2017 pour un excédent de 6,2 milliards d'euros. Nous n'avons pas à rougir. Le léger déficit sur les produits agricoles bruts est dû aux mauvaises récoltes de 2016. Et puis que serait notre agriculture sans ses débouchés internationaux ? Des animaux de l'Yonne ont été exportés en Iran. J'ai obtenu en décembre la levée d'un embargo sur les exportations de volaille française en Irak ; je suis mobilisé quotidiennement pour nos filières.

Plusieurs d'entre vous ont mis en garde le Gouvernement contre la naïveté ; nous en sommes très loin. Les anomalies détectées dans l'application des accords de libre-échange sont sanctionnées. Nous plaidons aussi pour un chief enforcer, un procureur commercial européen. Notre vision est réaliste. Le monde est un vaste théâtre d'opérations économiques pour lequel la France se réarme.

En matière de règlement des différends d'investissement, le mieux pour nous serait une Cour internationale pérenne. L'ambition de la France pour le budget de la PAC est intacte, le président de la République l'a rappelé le 25 janvier.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.

I.  -  Alinéa 19

Rédiger ainsi cet alinéa :

Soulignant que le secteur agricole est confronté à des difficultés structurelle majeures qui justifient que l'ensemble des productions alimentaires soient exclues des accords de libre-échange ;

II.  -  Alinéa 30

Rédiger ainsi cet alinéa :

Souligne que l'ensemble des produits alimentaires ne doivent faire l'objet d'aucun contingent ni d'aucun démantèlement tarifaire ;

M. Joël Labbé.  - Dans son avis « post PAC 2020 » le comité européen des régions demande à l'UE de peser de tout son poids de premier exportateur et importateur de denrées alimentaires pour modifier les règles du commerce international agricole dans le sens de relations commerciales plus justes, plus équitables, plus solidaires et plus durables.

L'alinéa 19 ne tire pas toutes les conclusions qui s'imposent pour les accords de libre-échange ; en effet, il convient d'en exclure toutes les denrées alimentaires et non seulement de demander aux négociateurs d'y porter une attention particulière, comme la rédaction actuelle le recommande. Il est intolérable de laisser des denrées alimentaires essentielles aux mains d'un marché tout puissant. Le droit à l'alimentation est un droit fondamental.

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.

I.  -  Alinéa 19

Remplacer les mots :

classées comme sensibles et fassent l'objet d'une attention toute particulière des négociateurs européens

par les mots :

exclues de la négociation

II.  -  Alinéa 30

Remplacer les mots :

que de contingents limités ou d'un étalement des périodes de

par les mots :

d'aucun contingent ni

M. Joël Labbé.  - C'est un amendement de repli.

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Alinéa 30 

Rédiger ainsi cet alinéa :

Demande à la Commission européenne d'exclure les produits agricoles les plus sensibles, comme les produits laitiers, la viande de boeuf et de veau, la viande ovine et les sucres spéciaux des négociations et de s'abstenir de prendre quelque engagement que ce soit, et ce afin de garantir des conditions de concurrence équitables ;

M. Fabien Gay.  - La filière de la viande bovine serait ravagée par une ouverture des marchés. Le Parlement européen a demandé l'exclusion des produits laitiers, de la viande bovine et ovine et des sucres spéciaux des négociations. La France, dans ces secteurs, est en position très défensive.

Enfin, aucune évaluation des impacts des précédents accords n'a été faite.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Exclure les produits agricoles mettrait fin à l'objet même des négociations avant leur début. De plus, la France a aussi des intérêts agricoles dits offensifs. La rédaction de la commission est équilibrée dans la protection des filières agricoles.

Retrait ou avis défavorable aux amendements nos12 rectifié, 10 rectifié et 8.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Même avis, je ne saurais mieux dire.

M. Joël Labbé.  - Je retire l'amendement n°12 rectifié, qui est un amendement d'appel.

L'amendement n°12 rectifié est retiré.

Les amendements nos10 rectifié et 8 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 19

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Considérant que cet accord risque de causer un préjudice important à la sauvegarde de la société rurale, de son économie et de son identité ;

M. Fabien Gay.  - Depuis plusieurs années, nos filières agricoles connaissent des crises graves. La France, deuxième exportateur mondial de productions agricoles, a glissé au cinquième rang. L'accord avec le Canada accorde 50 000 tonnes d'exportation de viande aux producteurs canadiens sans droits de douane. La situation est d'autant plus inquiétante que l'agriculture est primordiale pour la cohésion des territoires. Elle met en jeu l'avenir de nombreuses communes rurales, nos paysages et nos forêts. La ruralité mérite notre attention.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Ces deux accords ne menacent pas la ruralité. Au contraire, la filière vinicole en tirerait profit. En outre, la proposition de résolution européenne demande la protection des filières agricoles sensibles.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°6 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Gay et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 22

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Demande au Gouvernement de s'opposer à l'application de cet accord avant la ratification formelle et définitive par le Parlement français ;

M. Fabien Gay.  - Je retente ma chance, avec cet amendement d'appel ! Emmanuel Macron s'est engagé à transformer la politique commerciale européenne dans le sens d'une Europe qui protège ; et la Commission européenne continue à négocier des accords, scindant les négociations pour asseoir sa compétence exclusive. Ainsi le règlement des différends, qui relève des États, a été exclu du champ de la négociation.

Jusqu'à présent la politique agricole française avait cherché à concilier la nécessaire modernisation agricole et la protection de nos exploitations. Ces accords rompront cet équilibre, et il est indispensable que nous en débattions.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Il faut désormais peser sur les accords en amont de leur conclusion. Retrait ou avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Fabien Gay.  - Je regrette que le Gouvernement se montre si peu loquace. Jusqu'à présent les accords se négociaient au troisième sous-sol de la Commission européenne, maintenant que nous avons notre mot à dire, profitons-en ! Cessez de vous replier sur l'argument juridique. Le débat doit être public. Je retire mon amendement n°7 mais j'espère vous entendre, Monsieur le Ministre, dans les prochaines semaines.

M. Jean Bizet, président de la commission.  - Juridiquement, vous reconnaissez que vous avez tort. En dernière instance le Parlement européen et le Conseil de l'Europe se prononcent : c'est démocratique. Plus nous aurons de débats en amont, plus la discussion se poursuivra en aval. Quelque 30 % des emplois dans l'agroalimentaire sont liés aux exportations.

Est-il normal que seulement 2 % de la production bovine française soient contractualisés alors que 70 % sont en RHF et que 45 % de la viande importée va dans les steaks hachés. Il faut moderniser la filière. Le Fonds européen d'ajustement à la mondialisation est nécessaire mais pas suffisant.

L'amendement n°7 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié, présenté par MM. Labbé, Arnell, Artano et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Guérini, Mmes Guillotin, Jouve et Laborde et MM. Léonhardt, Menonville, Requier et Vall.

Après l'alinéa 26

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Demande à ce que l'ensemble des traités de libre échange soient ratifiés par les Parlements nationaux ;

M. Joël Labbé.  - Avant de retirer cet amendement, quelques mots : soumettre les traités de libre-échange aux parlements nationaux est une exigence démocratique. Monsieur Bizet, nous ne vivons pas sur la même planète. Il y a des réalités !

M. Jean Bizet, président de la commission.  - Je les connais !

L'amendement n°11 rectifié est retiré.

M. le président. - Je propose de poursuivre nos travaux au-delà de minuit pour mener cette discussion à son terme. (Assentiment)

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 27

Rédiger ainsi cet alinéa :

Souhaite la définition d'une enveloppe globale de concessions soutenable pour chaque produit sensible couvrant l'ensemble des négociations commerciales en cours et en prévision, en fonction de la capacité d'absorption du marché intérieur, une segmentation plus fine des produits sensibles, le recours à des conditionnalités et à une clause de sauvegarde spécifique, ainsi que la prise en compte des sensibilités des outre-mer ;

M. Xavier Iacovelli.  - Cet amendement a pour objet de prévenir l'impact cumulé des accords commerciaux sur les secteurs les plus sensibles, en particulier l'agriculture.

Il reprend mot pour mot la position des autorités françaises actuelles portant spécifiquement sur la perspective de l'ouverture de négociations commerciales de l'Union européenne avec l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Avec la multiplicité des accords en cours de négociation, il est essentiel aujourd'hui d'aller au-delà du simple rapport de la Commission européenne faisant état des négociations en cours : il faut un document faisant l'état des secteurs et des produits par filière et par État membre en amont des négociations. Nous aurions ainsi une vision globale sur les marges de négociation et pourrions mieux prendre en compte les fragilités spécifiques à certains secteurs.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - L'amendement a été puisé à la bonne source. Avis favorable.

L'amendement n°4 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié ter, présenté par MM. Duplomb, Chatillon, Louault, Retailleau, Gremillet, D. Laurent et Raison, Mme Estrosi Sassone, MM. Genest, Carle et Grosdidier, Mmes Puissat et Joissains, M. Joyandet, Mme Sollogoub, MM. Cardoux et Henno, Mmes Loisier et Procaccia, MM. Paccaud et Babary, Mmes Lassarade et Gruny, MM. Chaize, Meurant, Kennel, Savary et Kern, Mmes Bories, Eustache-Brinio et Lamure, M. Pierre, Mmes Chain-Larché, Thomas et Lopez, M. Dallier, Mmes de Cidrac et Micouleau, M. Longeot, Mme Goy-Chavent, MM. Danesi et Lefèvre, Mmes Férat et Renaud-Garabedian, MM. Bansard, Émorine et Charon, Mme Garriaud-Maylam, MM. H. Leroy, Grand, J.M. Boyer, Houpert et Darnaud, Mmes Chauvin, Malet, Deromedi, Vullien et Imbert, M. Bazin, Mmes Doineau et Morhet-Richaud, MM. Pointereau, B. Fournier, Husson, Bouloux, Guené, Cigolotti, Médevielle, Bascher, Saury, Rapin, Cuypers, Chevrollier et Schmitz, Mmes Di Folco et Boulay-Espéronnier, M. P. Dominati, Mmes M. Mercier et Deseyne, M. de Nicolaÿ, Mmes Billon et M. Jourda, MM. Laugier et Bouchet, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Mandelli et Forissier, Mme Vérien, MM. Milon, Huré, Mizzon, Leleux, Courtial et Détraigne, Mme de la Provôté, MM. Priou et Panunzi, Mme Berthet, MM. Hugonet, Sol, Morisset, Savin, Bonne, Cazabonne, Mouiller, Frassa et Delcros et Mme Vermeillet.

Après l'alinéa 27

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Demande aux négociateurs que tout nouvel accord de libre-échange soit établi sur l'exigence de mise en oeuvre de normes de production comparables à celles de l'Union Européenne, concernant les produits destinés aux consommateurs de l'espace communautaire, cela tant au niveau des normes sanitaires et phytosanitaires, environnementales, sociales, qu'au niveau des normes relatives au bien-être animal et aux prescriptions de la dénomination de vente ;

M. Pierre Louault.  - Cet amendement peut déranger, mais il est indispensable que les produits importés respectent les normes que l'Europe a construites.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Daniel Gremillet.  - Nous venons de conclure des auditions sur la salmonelle ; il est indispensable de respecter les attentes des consommateurs sur les produits importés. L'Union européenne est une chance pour l'agriculture mais il ne doit pas y avoir tromperie sur les produits.

Je rappelle, incidemment, que la France doit s'abstenir de sur-transposer, comme elle vient de le faire sur le bien-être animal, fragilisant encore un peu plus les filières concernées.

M. Franck Montaugé.  - M. Bizet s'est intéressé, il y a quelques années, au Codex alimentarius. Comme on dit chez moi, Kézaco ? Le dispositif est un organe commun entre le FAO et l'OMS ; il édicte les normes en matière d'alimentation et de sécurité alimentaire, pour protéger la santé des consommateurs et garantit la loyauté des pratiques commerciales internationales. Les instances européennes y siègent.

Monsieur le Ministre, où en est l'harmonisation des normes à l'échelle internationale ?

M. Fabien Gay.  - Il est étrange de brandir les contraintes du Traité de Lisbonne, bien connu - j'ai vendu des centaines d'exemplaires de L'Humanité Dimanche à son sujet -, tout en assurant que la démocratie est respectée.

Je voterai cet amendement, tout en voyant une contradiction entre les plaidoyers que j'entends pour le libre-échange qui règlera tout et la demande de normes.

Je ne suis pas pour le repli, mais pour le mieux-disant social et environnemental partout dans le monde. C'est un combat politique. Voilà pourquoi je voterai cet amendement qui est un pas dans cette direction.

M. Martial Bourquin.  - Je voterai moi aussi cet amendement en faveur de la réciprocité des normes. Celles-ci coûtent cher à nos entreprises. Les accords qui ne prennent pas en compte cette dimension coûtent donc cher à notre économie, nos produits coûtant plus que ceux qui sont fabriqués sans exigence.

Ce type de traité présente des avantages - une baisse des prix, de nouveaux débouchés, une croissance potentielle - et des inconvénients - une concurrence au détriment des plus fragiles, une remise en cause des droits sociaux.

Emmanuel Macron lui-même a dénoncé, à Rungis, une fuite en avant de la Commission européenne dans les négociations. Celle-ci a assumé sa position.

Lorsque l'on commerce, on le fait dans la réciprocité.

M. Joël Labbé.  - Cet amendement mérite l'unanimité. L'exigence de normes doit tirer la planète vers le haut. Les exigences sur les produits phytosanitaires ne vont pas aller en diminuant, pas plus que les normes sur le bien-être animal. Toute la planète en bénéficiera.

M. Jean Bizet, président de la commission.  - Je suis en phase avec l'esprit de cet amendement, moins avec sa rédaction. Il serait plus communautaire et cohérent d'écrire « exigence de normes comparables », en retirant « de production ».

Le Codex alimentarius est une véritable bible de normes régulièrement mises à niveau.

Nous serons amenés à revenir sur ces négociations et sur les éventuelles dérives de la commissaire chargée des négociations. Les accords bilatéraux se multiplient ; mais plus nous ferons avancer à travers eux les normes européennes, plus nous serons en mesure de les imposer au niveau mondial, alors que les États-Unis sont en pleine période protectionniste.

M. Pierre Louault.  - J'accepte la modification proposée par M. Bizet. Insistons sur les droits de nos consommateurs à obtenir des importations de qualité comparables aux produits européens.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Avis favorable à la modification.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Même avis.

L'amendement n°1 rectifié quater est adopté.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié bis, présenté par MM. Duplomb, Chatillon, Louault, Gremillet et D. Laurent, Mme Estrosi Sassone, MM. Raison, Genest, Carle et Grosdidier, Mmes Puissat et Joissains, M. Joyandet, Mme Sollogoub, MM. Cardoux et Henno, Mmes Loisier et Procaccia, MM. Paccaud et Babary, Mmes Lassarade et Gruny, MM. Chaize, Meurant, Kennel et Kern, Mme Bories, M. Bonne, Mme Eustache-Brinio, M. Danesi, Mme Goy-Chavent, M. Longeot, Mmes Micouleau et de Cidrac, M. Dallier, Mmes Lopez, Thomas et Chain-Larché, M. Pierre, Mme Lamure, MM. Darnaud, Houpert, J.M. Boyer, Grand et H. Leroy, Mme Garriaud-Maylam, MM. Charon, Émorine et Bansard, Mmes Renaud-Garabedian et Férat, MM. Lefèvre et Cigolotti, Mme M. Jourda, MM. Guené, Bouloux, Husson et Pointereau, Mmes Morhet-Richaud et Doineau, M. Bazin, Mmes Imbert, Vullien, Deromedi, Malet, Chauvin et Billon, M. de Nicolaÿ, Mmes Deseyne, M. Mercier et Di Folco, MM. Schmitz, Chevrollier, Cuypers, Rapin, Saury, Bascher, Médevielle, Laugier et Bouchet, Mme Delmont-Koropoulis, MM. Mandelli et Forissier, Mme Vermeillet, MM. Milon, Huré, Mizzon, Leleux, Courtial et Détraigne, Mme de la Provôté, MM. Priou et Panunzi, Mme Berthet et MM. Hugonet, Sol, Morisset, Delcros, Frassa, Mouiller et Cazabonne.

Après l'alinéa 29

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Demande aux négociateurs, compte tenu de la complexité des enjeux, d'être accompagnés, lors de la discussion des accords de libre-échange, de personnes dont l'expérience et la compétence font autorité dans les domaines concernés par ces accords ;

M. Pierre Louault.  - Les négociations, c'est du business. Il convient par conséquent de doter les négociations de l'expertise adéquate.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Dans la vraie vie, on ne peut pas fonctionner ainsi, en faisant accompagner les négociations d'une armée d'experts. Retrait ?

M. Pierre Louault.  - Mes collègues auteurs de l'amendement étant absents, je ne puis le retirer.

M. André Gattolin.  - Le groupe LaREM s'oppose à cet amendement. À quoi sert-il d'avoir des représentants élus et des diplomates ? Ce n'est pas aux chefs d'entreprises de négocier.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Avis favorable au nom de la commission, même si à titre personnel j'y suis défavorable.

M. Fabien Gay.  - Pour une fois, je suis d'accord avec mon collègue d'En Marche !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Il n'y a pas de limite à l'élargissement !

M. Fabien Gay.  - Il y a beaucoup de questions sur les lobbies ; ne les menons pas à la table des négociations. Les syndicats, eux aussi, auraient leur mot à dire.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Les syndicats siègent au comité de suivi de la politique commerciale.

L'amendement n°2 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mme Mélot et MM. Malhuret, Bignon, A. Marc, Chasseing, Wattebled, Decool, Guerriau, Capus, Fouché et Lagourgue.

Après l'alinéa 28

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Encourage la Commission européenne à prévoir des dispositions relatives aux services numériques et au e-commerce permettant le bon fonctionnement de l'écosystème numérique et encourageant les flux de données transfrontières, prévoyant notamment certains principes tels que la concurrence loyale et des règles ambitieuses pour les transferts transfrontières de données, dans le respect intégral des règles européennes en matière de protection des données et de la vie privée et du droit des parties à réguler dans ce domaine ;

Mme Colette Mélot.  - Cet amendement appelle la Commission européenne à prévoir des dispositions sur les services numériques encourageant les flux de données transfrontières tout en assurant le respect de la législation européenne de protection des données et en prévoyant un droit des parties à réguler, face à la vision anglo-saxonne de libre-circulation totale des données réduisant la capacité des États à réglementer. C'est une recommandation d'un rapport de l'inspection générale des finances de 2016. Des accords dits d'adéquation régissent par ailleurs le transfert de données personnelles entre l'Union européenne et l'Australie ainsi que la Nouvelle-Zélande.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Cet amendement permettra à la France de peser face à la position anglo-saxonne.

L'amendement n°3 rectifié bis est adopté.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement porte sur la PAC, ne nous trompons pas de débat.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Avis défavorable. L'enveloppe globale, ce plafond de concessions pour l'ensemble des filières, est la voie la plus souhaitable.

Les traités de nouvelle génération, certes imparfaits, contribueront à universaliser nos normes, à inspirer des pays non européens, on l'a vu avec le Canada. Je comprends l'intention, mais nous opposons notre cohérence à la vôtre.

M. Daniel Gremillet.  - Nous pourrions, inversement, nous inspirer d'autres pays. La Nouvelle-Zélande vient de financer un immense plan d'irrigation pour augmenter la productivité. La France pourrait s'en inspirer et adopter une gestion de l'eau plus offensive.

M. Rémy Pointereau.  - Très bonne remarque !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Ce sera transmis à Sébastien Le Cornu.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Daunis et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 40

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Souligne la nécessité que les États membres et la Commission adoptent une nouvelle stratégie globale consolidée en matière de politique commerciale commune qui repose sur un corpus commun d'exigences et de principes valable pour tous les futurs accords commerciaux et qui encadre le mandat de négociation délivré à la Commission européenne ;

M. Yannick Botrel.  - Cet amendement invite le Gouvernement à défendre l'élaboration d'une stratégie commerciale commune consolidée intégrant les exigences défendues dans cette proposition de résolution européenne.

L'avis de la Cour de Justice de l'Union européenne du 16 mai 2017 a conforté la compétence exclusive de la Commission européenne sur la négociation de tous les volets des accords commerciaux, à l'exception du mécanisme d'arbitrage en matière d'investissement. Le groupe socialiste considère que les États membres et la Commission européenne doivent à nouveau arrêter en amont une nouvelle stratégie de politique commerciale commune globale pour tous les futurs accords commerciaux.

Pour l'heure, aucun débat formel n'a eu lieu au Conseil. La commission a donné un avis unanime de sagesse à cet amendement.

Mme Anne-Marie Bertrand, rapporteur.  - Cet amendement émet une demande générale, sinon vague, d'où l'avis de sagesse de la commission.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Je serai plus progressiste, en donnant un avis favorable. Nous suivons la logique d'une nouvelle stratégie globale. Nous nous sommes fixés de nouveaux objectifs, des ambitions plus élevées, notamment en incluant des références systématiques à l'Accord de Paris et d'autres règles auxquelles nous sommes attachés.

L'amendement n°5 est adopté.

Explications de vote

M. Philippe Mouiller .  - Quelle traduction politique pour cette proposition de résolution européenne ? Monsieur le Ministre, entendez nos préoccupations agricoles. Les agriculteurs sont en colère. Ils doivent voir un bénéfice réel de ces accords. Le groupe Les Républicains votera cette proposition de résolution européenne.

M. Jean Bizet, président de la commission .  - Je me réjouis de la qualité du débat et du travail de nos deux commissions. Je souhaite des rendez-vous récurrents tout au long des négociations pour faire entendre notre voix et vous aider à la porter auprès de la commissaire.

Attention aux crédits de la PAC. Je n'entends pas le président de la République déterminé à défendre les 400 milliards d'euros du prochain cadre financier pluriannuel.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d'État.  - Vous verrez demain !

M. Jean Bizet, président de la commission.  - L'activité agricole est stratégique, or elle est de plus en plus menacée. La désespérance commence quand les yeux se taisent. La filière viande rouge est fragile. L'Union européenne importe 300 000 tonnes des pays tiers dont 100 000 tonnes au titre du quota britannique. Il faudra faire en sorte que le Royaume-Uni reparte avec !

La proposition de résolution européenne, ainsi modifiée, est adoptée.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 22 février 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit quarante.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus