Renforcer la lutte contre les rodéos motorisés (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre les rodéos motorisés.

Discussion générale

Mme Jacqueline Gourault, ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur .  - Ce texte est un modèle de coproduction législative, à l'Assemblée nationale où le groupe LaREM, Les Républicains et Modem ont été à l'initiative du texte, et ici M. Delahaye, Mme Eustache-Brinio et le président Bas, qui ont tout fait pour apporter une réponse rapide à ce fléau empoisonnant la vie de nos concitoyens. Le président Bas a fait en sorte que le texte soit voté conforme.

Faisant fi de la préservation de l'espace public, de la sécurité et de la tranquillité, les rodéos motorisés pullulent désormais sur tout le territoire. L'année dernière, 9 000 faits ont été constatés par la police, 7 000 par la gendarmerie. Il était urgent d'unir nos efforts.

La commission des lois du Sénat a adopté, sans modification, cette proposition de loi. Je la remercie et salue le travail de la rapporteure. Cela montre le large consensus qui existe depuis l'origine. Par la voix de Vincent Delahaye, les sénateurs ont saisi le ministère. Natalia Pouzyreff, Naïma Moutchou, Bruno Studer, Jean-Noël Barrot y ont notamment travaillé ensuite à l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un vrai palmarès !

M. Roger Karoutchi.  - Ne soyez pas jaloux...

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Quand les gens travaillent, j'aime le mérite ! Tout cela a été très anticipé.

Précédemment, de nombreuses propositions de loi n'ont pas abouti, souvent pour des raisons techniques, faute de rédactions suffisamment explicites et précises juridiquement.

Ce texte présente une solution solide pour mettre fin à ce fléau. Il définit le délit de rodéos motorisés et des peines - un an d'emprisonnement, 15 000 euros d'amende, garde à vue et éventuelle comparution immédiate. Il instaure des circonstances aggravantes qui doublent - acte en réunion - ou triplent - absence de permis de conduire, conduite sous emprise d'alcool ou de stupéfiants - le quantum de peine.

L'incitation et l'organisation de rodéos sont également réprimées. Les forces de l'ordre pourront saisir le véhicule et le mettre en fourrière, le juge aura obligation de le confisquer, sauf à motiver sa décision contraire. Ce texte s'applique également aux DOM.

Dès l'adoption de ce texte, des directives et circulaires seront transmises aux préfets pour mettre en place une stratégie locale en lien avec les commandants des groupements de gendarmerie et les directeurs territoriaux de sécurité publique. La garde des Sceaux enverra également une circulaire aux procureurs : le Gouvernement est tout entier à la tâche.

Le Gouvernement améliorera le fichier de déclaration et d'identification de certains engins motorisés, dit Dicem, qui existe depuis dix ans, avec un meilleur traçage du véhicule.

Nous réfléchissons également à d'autres pistes, comme l'obligation d'une licence sportive ou professionnelle pour acheter un véhicule non réceptionné.

Cette avancée pénale sera utile aux services de la police du quotidien, en collaboration avec tous les acteurs locaux : rien ne peut se faire sans les élus locaux, concernés au premier chef.

Ces initiatives ne seront efficaces que complétées par des actions d'éducation, des aménagements urbains et la sensibilisation des plus jeunes.

Le Gouvernement mobilisera des moyens contre les rodéos motorisés. C'est une priorité du ministre de l'Intérieur et un engagement du président de la République. Elle s'intégrera dans les missions de police de sécurité du quotidien.

Je rappelle que 10 000 postes de police et de gendarmerie seront créés sur le quinquennat, 250 millions d'euros investis chaque année pour le renouvellement et la montée en gamme des équipements ; les moyens numériques seront renforcés, avec des vidéos mobiles et plus de 110 000 tablettes d'ici 2019 pour que les forces de l'ordre accèdent à tous les fichiers et gagnent un temps précieux.

La loi Justice, présentée à l'automne, améliorera la réponse pénale, afin que police et gendarmerie se concentrent sur leur coeur de métier : la présence au plus près des citoyens.

Le Gouvernement engage tous les moyens pour plus de tranquillité et le respect de l'État de droit. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Déposée par M. Richard Ferrand et adoptée le 4 juillet dernier par l'Assemblée nationale, ce texte avait fait l'objet d'une proposition de loi quasi identique déposée au Sénat par Vincent Delahaye et par nombreux de ses collègues issus de quasiment tous les bancs de notre assemblée. Je ne doute pas d'un accord sur ce sujet important d'ordre public et de qualité de vie.

Ces rodéos sont un véritable fléau, avec des nuisances sonores et de la délinquance routière - ils sont très dangereux, provoquant des morts, je pense à la petite Élisa.

Cantonnés à l'origine en zone urbaine, ils se pratiquent désormais en périphérie des villes et à la campagne. Quelque 8 700 rodéos ont été constatés par la police l'an passé, 6 614 par la gendarmerie contre 5 335 en 2016, soit une progression d'un quart en un an.

Notre arsenal législatif est bien pauvre, avec des outils soit difficiles à mettre en oeuvre, soit insuffisamment dissuasifs. La mise en danger de la vie d'autrui est difficile à prouver par les forces de l'ordre car il faut établir un risque immédiat pour la vie d'autrui - ce qui n'a rien d'évident quand le rodéo se déroule la nuit, sur un parking privé.

Aussi les participants à ces rodéos sont-ils poursuivis seulement pour défaut de port du casque ou pour excès de vitesse, ce qui est très insuffisant compte tenu de la dangerosité de ces événements.

Cette proposition de loi apporte une réponse efficace, en trois volets.

D'abord, la création d'un délit spécifique sanctionné d'un an et de 15 000 euros d'amende, portés à cinq ans et 75 000 euros d'amende en cas de cumul de circonstances aggravantes - vous l'avez dit. Créer un délit autonome sera plus efficace et permettra de disposer de nouveaux outils d'enquête, dont le placement en garde à vue.

Ensuite, l'organisation et l'incitation à participer à un rodéo, par exemple sur les réseaux sociaux, seront punies de deux ans de prison et 30 000 euros d'amende.

Plusieurs peines complémentaires sont également prévues à la confiscation obligatoire du véhicule, à laquelle le juge ne peut déroger que s'il motive sa décision.

Tous les groupes politiques sont unanimes pour condamner ce fléau. Le seul débat en commission a porté sur les peines. La gravité des faits et le danger justifiaient des peines lourdes, à l'instar d'autres infractions au code de la route. Et le juge les adaptera si besoin aux circonstances, au cas par cas.

Pour que la répression des rodéos puisse se faire au plus vite, je vous appelle à adopter, sans modification, la proposition de loi.

Cela ne suffira cependant pas à régler le phénomène. Jusqu'à aujourd'hui, les policiers et gendarmes avaient instruction de ne pas poursuivre les fuyards pour des raisons de sécurité.

M. Philippe Dallier.  - Eh oui !

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur.  - La proposition de loi doit donc être accompagnée d'une réflexion sur le renforcement des moyens d'interpellation, notamment par le recours à la vidéoprotection ou la modernisation des équipements des forces de l'ordre. Je me tourne vers vous, Madame la Ministre.

Il faudrait également renforcer l'encadrement de véhicules non autorisés à circuler sur la voie publique mais qui participent souvent à ces rodéos. Qu'en pensez-vous ?

Nous aimerions être sûrs que notre action de législateur sera bien efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, RDSE, UC, Les Indépendants ; M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

M. Jean-Pierre Sueur .  - Exaspération, tel est le mot qui revient constamment de nos concitoyens subissant les nuisances des rodéos motorisés. Cela tient à la sécurité, et aux nuisances sonores - qu'il ne faut pas sous-estimer.

Dans le Loiret, avec mon collègue Jean-Noël Cardoux, nous avons recueilli des témoignages très éclairants. Madame la Ministre, cette proposition de loi a fait l'objet d'un très large consensus car nous sommes très attachés à l'intérêt public - et vous savez que le Sénat est capable d'organiser des commissions d'enquête où chacun apporte sa pierre pour définir la vérité et les manquements, ceux qui méconnaissent l'utilité du Sénat, seraient bien inspirés d'y réfléchir.

Cette proposition de loi était nécessaire, d'abord parce qu'elle définit enfin le rodéo motorisé : une conduite violant intentionnellement le code de la route en mettant en danger la sécurité ou troublant la tranquillité. La définition est claire, la sanction aussi - mais la loi ne fait que fixer un plafond, c'est le juge qui sanctionne en tenant compte des circonstances.

La loi alourdit les peines si les faits sont commis en réunion, ou sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants. La promotion, l'incitation à l'organisation - souvent à travers les réseaux dits sociaux, parfois à tort... - font l'objet d'un délit spécifique.

Il y a sept peines complémentaires : confiscation du véhicule, suppression du permis de conduire pendant trois ans, interdiction de conduire un véhicule à moteur pendant cinq ans, stage de prévention, jours-amendes, travaux d'intérêt général... Il fallait que ces mesures fussent prises.

Madame la Ministre, quelques dispositions réglementaires seront nécessaires. Interpeller les contrevenants est parfois presque impossible pour des raisons de sécurité ; c'est pourquoi l'utilisation de la vidéosurveillance est indispensable, d'autant que beaucoup de véhicules sont volés, leur plaque minéralogique changée. Il faut donc des moyens pour retrouver le propriétaire du véhicule notamment.

Enfin, il sera nécessaire de faire oeuvre de prévention. Nous ne manquions pas d'idées d'amendements - vous nous connaissez... Mais nous avons réfréné notre ardeur. (Sourires)

Ainsi, le président de la République pourra se faire filmer signant la promulgation de la loi dès cet été... (Sourires)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - C'est perfide !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... cette loi tant attendue par nos concitoyens. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Yannick Vaugrenard s'amuse.)

M. Dany Wattebled .  - La période estivale est propice aux rassemblements de quads, motos, scooters, autant de sources d'insécurité et de nuisances. Le phénomène s'accroît, vous avez cité les chiffres.

Ces rodéos sauvages touchent espaces urbains, périurbains et ruraux, laissant les élus et les forces de police et de gendarmerie dans le désarroi tant les outils de répression sont insuffisants. Le danger, les nuisances sonores sont considérables. Les règles les plus élémentaires de la sécurité routière sont bafouées : passagers et conducteurs sans casques, moteurs trafiqués... En 2007, un adolescent de 13 ans sans casque a trouvé la mort dans les Yvelines en percutant un arbre. Le lendemain, un autre conducteur mourrait en Essonne...

Dans le droit en vigueur, les rodéos motorisés ne sont pas un délit en soi. C'est pourquoi, je me réjouis de cette proposition de loi qui définit le délit et prévoit des sanctions adaptées, en particulier la confiscation systématique du véhicule.

Voie publique et voie privée ne seront pas distinguées, du moment que leur accès est libre. Ainsi les forces de l'ordre pourront-elles agir en tous lieux. Cela répond aux attentes légitimes des collectivités territoriales et des habitants. Je salue l'action des forces de l'ordre, dont l'action dans ce domaine est très difficile.

Le groupe Les Indépendants votera cette proposition de loi. (Applaudissements sur le banc de la commission)

M. Éric Gold .  - À Clermont-Ferrand, certains soirs, des rodéos ont lieu rue Louis Blériot. Face à de tels troubles, la commune a installé des radars fixes, des ralentisseurs, un bouclage certains soirs. En vain. Les runners le disent eux-mêmes : il y a un véritable sentiment d'impunité et quand ils se font interpeller, ils s'en sortent avec une simple contravention...

L'article 223-1 du code pénal, qui réprime la mise en danger de la vie d'autrui, est en effet interprété très strictement par la Cour de cassation.

Nous avons besoin d'un nouveau délit spécifique. L'absence de délit spécifique empêche la tenue de statistiques, mais les élus de tous les territoires constatent une nette augmentation.

La plupart des participants masquent leurs plaques d'immatriculation. Cette proposition de loi crée un nouveau chapitre du code de la route et prévoit des sanctions pénales : un an de prison et 15 000 euros d'amende, aggravés en cas de commission du délit en réunion, d'usage d'alcool ou de stupéfiant ou d'absence de permis de conduire valable.

Je suis sceptique, cependant, sur la sanction complémentaire de cinq ans d'interdiction de conduire certains véhicules à moteur, même sans permis. Mais je n'ai pas déposé d'amendement pour garantir une adoption conforme et une entrée en vigueur rapide.

Ce nouveau chapitre du code de la route punit aussi l'incitation, la promotion et l'organisation des rodéos.

L'arsenal législatif toutefois ne suffira pas ; le sentiment d'impunité est trop fort. Il faut par conséquent que les moyens suivent.

Le groupe RDSE votera ce texte qui répond à une attente forte et fait l'objet d'un consensus dans nos deux assemblées. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

M. Alain Richard .  - L'analyse de la situation est partagée par tous : le droit existant ne suffit pas à une répression efficace. La définition d'un nouveau délit est un progrès. Des dispositions complémentaires permettent la garde à vue et la mise en fourrière du véhicule. Le groupe LaREM votera ce texte.

Quelques difficultés demeurent néanmoins. Les rodéos sont organisés par des groupes très structurés et les forces de sécurité auront toujours des difficultés à intervenir dans des conditions normales de sécurité. La coordination entre équipes municipales et forces de l'ordre s'améliore ; mais le combat sera long. Une grande part des véhicules utilisés ne sont pas immatriculés. Madame la Ministre, les soumettre à une autorisation d'immatriculation - ce qui ne dépend pas de la loi - serait un grand pas en avant.

Ces deux réserves faites, la proposition de loi est un réel progrès et le groupe LaREM la votera.

Mme Éliane Assassi .  - Cette proposition de loi vise à endiguer le phénomène inquiétant des rodéos motorisés en créant un délit spécifique puni d'un an de prison et 15 000 euros d'amende, en prévoyant aussi des circonstances aggravantes et un délit complémentaire d'incitation.

Certes, les rodéos sont un fléau qui exaspère élus et riverains. Cependant, plusieurs dispositions du code de la route permettent d'appréhender les auteurs de tels faits. En réalité, ce texte est une simplification, bienvenue, du droit.

Cependant, le groupe CRCE est opposé à la solution carcérale. Mieux vaudrait donner aux forces de l'ordre les moyens dont elles manquent - la mission d'information sur les forces de l'ordre a permis de le démontrer. Nous préconisons une approche dissuasive : stages de sensibilisation et travaux d'intérêt général sont à privilégier plutôt que d'être de simples sanctions complémentaires.

Connaissant la surpopulation carcérale et l'effet délétère de la prison, pourquoi choisir d'enfermer encore davantage ? Lors du projet de loi sur la justice, il faudra réfléchir sur le sens de la peine, et nous devons, également, relancer les politiques publiques en direction de la jeunesse. Multiplions les mesures éducatives, les interventions dans les écoles et les lycées.

Oui, cette proposition de loi rassurera riverains et élus ; mais je crois que nous n'en constations rapidement l'inefficacité.

Le groupe CRCE s'abstiendra.

M. Vincent Delahaye .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Il n'y a pas si longtemps lorsque je pouvais mettre à profit mon expérience de maire dans mes fonctions de parlementaire, j'ai été confronté au phénomène des rodéos motorisés. Avec Jean-Marie Vilain, maire de Viry-Chatillon, et Robin Reda, maire de Juvisy, j'avais tenté de faire adopter une proposition de loi sur le sujet, mais sans succès.

Le rodéo motorisé n'est pas défini dans notre droit, les sanctions sont dérisoires : l'amende peut même être de 11 euros dans certains cas... J'ai donc déposé une proposition de loi en novembre 2017.

Le Gouvernement s'est saisi du problème ; nous avons travaillé ensemble pour aboutir à une deuxième proposition de loi, celle qui a été adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale. Cette proposition de loi a été signée par 150 collègues, que je remercie ; elle a été examinée par la commission des lois qui a compris qu'il était préférable de l'adopter conforme, de manière à ce qu'elle entre en vigueur le plus vite possible.

Mais ce texte ne résout pas tout. Les collègues frustrés de ne pouvoir faire adopter leurs amendements peuvent intervenir auprès de Mme la ministre pour qu'elle prenne des mesures réglementaires. La future loi sur la mobilité sera l'occasion de reparler du sujet.

J'espère une publication rapide des textes d'application par les ministères de l'Intérieur et de la Justice : les préfets et les procureurs doivent travailler main dans la main.

Il faut adapter les horaires de nos forces de l'ordre. C'est compliqué, je sais. En Essonne, où j'étais en visite à Massy auprès du préfet, il y a trois brigades motorisées spécialisées, mais elles arrêtent de travailler à 20 heures, alors que la majorité des rodéos motorisés ont lieu entre minuit et 4 heures du matin. Encore la nuit dernière...

Mme Éliane Assassi.  - Chez moi aussi !

M. Vincent Delahaye.  - Il faudrait, au moins en été, qu'une brigade de nuit puisse agir.

Il faut dissuader - c'est l'intérêt de la peine de prison. Il faut surtout communiquer. On a parlé d'une signature solennelle par le président de la République. Parlementaires et élus locaux devront aussi en parler, faire connaître le texte, communiquer sur les sanctions.

Enfin, il faudrait faire de la prévention, en proximité, et trouver des terrains adaptés au motocross. Dans l'Essonne, il y en avait un que le préfet, hélas, a fermé pour des raisons de sécurité...

Ce texte est une étape : continuons à travailler ensemble sur ce sujet qui empoisonne le quotidien de nos concitoyens, ne décevons pas les espoirs ! (Applaudissements)

M. Jean-Noël Cardoux .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Difficile d'intervenir quand tout a été dit. Une étude de l'Ademe de 2016 chiffre le coût social du bruit à 57 milliards d'euros par an, dont 11,5 milliards d'euros en raison du bruit occasionné par le trafic routier, la moitié à cause des deux-roues !

On parle de rodéos urbains, mais ils ont lieu aussi à la campagne. Sully-sur-Loire, qu'on connaît surtout pour le château du ministre d'Henri IV, l'est aussi pour ses rodéos, au point que les parlementaires y ont été interpellés par le maire sur le sujet lors de ses voeux.

Une proposition de loi avait été déposée par Caroline Cayeux en octobre 2015 et avait recueilli 51 signatures ; Vincent Delahaye a recueilli 150 signatures pour la sienne... Le Gouvernement a repris la main, je ne le lui reprocherai pas et me félicite de cette coproduction.

Ce texte, en donnant une base pour établir la matérialité de l'infraction, est un grand pas, de nature à apaiser les inquiétudes de la population urbaine et rurale, où le sentiment d'insécurité que provoquent les rodéos est fort.

Nous devrions relancer la coopération entre police nationale, gendarmerie et polices municipales sur des bases contractuelles. Les conseils locaux ou intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance pourraient être un outil intéressant, mais ils sont inefficaces à l'heure actuelle car trop lourds.

Je me souviens d'assemblées bavardes, pour lesquelles les dates étaient difficiles à fixer, et qui n'étaient guère efficaces.

J'espère que les collègues qui ont déposé des amendements auront la sagesse de les retirer. Avec une adoption conforme, certains auront un mois d'août plus tranquille ! (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Mme Agnès Canayer .  - Les attentes sont en effet énormes. Les beaux jours - temps des oiseaux, de la convivialité - sont aussi redoutés à cause de ces rodéos qui mettent en danger la vie des passants et troublent la tranquillité publique, avec des deux-roues qui dépassent le seuil de tolérance de 120 décibels.

Les maires sont souvent saisis de l'exaspération de nos concitoyens. En Seine-Maritime, plusieurs solutions ont été tentées. À Rouen, une opération de grande envergure a occupé la police nationale, la police municipale, les agents de l'ONF et de l'ONCFS. Résultat ? Zéro moto, zéro quad interpellé...

Au Havre, on médiatise la destruction des véhicules saisis grâce à la coopération entre l'État et les autorités locales - c'est peu, mais c'est tout ce qu'on peut faire. La vidéoprotection est un outil utile, mais la confiance est essentielle.

Grâce à la coordination entre les deux chambres du Parlement, ce texte permettra un progrès. Mais il faudra le mettre en oeuvre et donner les moyens aux forces de l'ordre d'interpeller les auteurs en flagrant délit. Aujourd'hui, la police refuse d'intervenir, de peur de causer des accidents mortels. Or la répression posteriori est insuffisante. Il faut donner aux élus locaux les moyens de faire cesser immédiatement les troubles et contrecarrer le sentiment d'impunité par de vraies sanctions.

Notre groupe votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Jean-Claude Requier applaudit également.)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Vincent Delahaye .  - Je n'ai pas déposé d'amendements sur ce texte car nous voulons un vote conforme, mais je souhaiterais rappeler nos propositions d'ordre réglementaire, notamment concernant les pots d'échappement libres, punis d'une amende de 11 euros seulement. Il faudrait les classer comme des contraventions de 4e classe. Madame la Ministre, pouvez-vous prévoir un décret dans ce sens ?

M. François Grosdidier .  - Les rodéos révoltent d'autant plus les habitants que les forces de l'ordre peinent à les réprimer. Le texte améliorera concrètement l'arsenal répressif, premier moyen de dissuasion, donc de prévention. Nous souhaitons une concertation effective avec les élus et les polices municipales. À quand un rétablissement de l'aide financière aux communes pour la vidéoprotection, réduite à peau de chagrin depuis six ans ?

M. Claude Kern .  - Ce texte donne une définition claire d'un délit qui, faute d'être caractérisable, ne recevait pas de réponse répressive efficace. Maire d'une commune rurale, j'ai été confronté à ce phénomène mais les forces de l'ordre n'avaient que de petites infractions à verbaliser - excès de vitesse ou défaut de port de casque. Le législateur se devait d'intervenir, car il en va de la tranquillité publique. Afin de permettre une application rapide, je vous invite à voter le texte conforme. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

Mme Fabienne Keller .  - Ce texte crée une vraie avancée. Madame la Ministre, vous avez beaucoup oeuvré pour qu'un vote conforme soit possible.

Mme la rapporteure a bien souligné que l'enjeu était de poursuivre les auteurs. Nous savons que c'est difficile : ce comportement ne justifie pas de mettre en danger la vie du jeune motard, d'où la réticence des forces de l'ordre. Il nous faudra nous assurer des poursuites effectives : on connaît les vertus de l'exemplarité.

Souvent, les deux-roues sont trafiqués : les pots d'échappement libres permettent de faire du bruit, le débridage d'accélérer brutalement. La vidéo est une aide précieuse mais insuffisante, car les auteurs, habiles, se dissimulent. Je proposerai des amendements complémentaires, pour aller plus loin.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par Mmes Keller et Garriaud-Maylam, MM. Calvet et Chaize, Mme Micouleau, M. Rapin, Mme Procaccia, M. Perrin, Mmes Dumas, Bories et Berthet et MM. Joyandet, Kennel, Pillet, Schmitz, B. Fournier, Dufaut, Bonhomme et Charon.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 321-1-1 du code de la route est ainsi modifié :

1° L'avant-dernier alinéa est ainsi rédigé :

« La confiscation du véhicule utilisé pour commettre les infractions prévues aux alinéas précédents est de plein droit, sauf décision contraire de la juridiction. » ;

2° La seconde phrase du dernier alinéa est supprimée.

Mme Fabienne Keller.  - Cet amendement permet de confisquer des véhicules non soumis à réception, comme les mini-motos, dès lors qu'ils sont présents sur l'espace public, sur ce seul motif.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur.  - La confiscation est déjà possible, mais n'est obligatoire qu'en cas de récidive. L'amendement ne faciliterait pas l'action des forces de police ; au contraire, il supprime les précisions sur l'immobilisation et la mise en fourrière, préalables indispensables à toute confiscation. Retrait ou avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le code de la route prévoit déjà la confiscation du véhicule, ainsi que son immobilisation et sa mise en fourrière, quand l'amendement ne prévoit que la confiscation. La confiscation obligatoire, à l'occasion d'une contravention de cinquième classe, semble disproportionnée. En l'état du droit, la confiscation n'est obligatoire qu'en cas de récidive de conduite d'un véhicule non autorisé. Même si le Gouvernement comprend l'objectif, respectons la proportionnalité des sanctions. Retrait ou avis défavorable.

Mme Fabienne Keller.  - Nous souhaitons tous créer le délit sur les rodéos motorisés mais je regrette que Mme la ministre ne se soit pas engagée davantage sur la confiscation de ces véhicules non autorisés mais néanmoins présents sur l'espace public.

L'amendement n°1 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par Mmes Keller et Garriaud-Maylam, MM. Calvet et Chaize, Mme Micouleau, M. Rapin, Mme Procaccia, M. Perrin, Mmes Dumas, Bories et Berthet et MM. Joyandet, Kennel, Pillet, Schmitz, B. Fournier, Bonhomme et Charon.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 321-1 du code de la route est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après les mots : « celle-ci », sont insérés les mots : « , ou tout dispositif ou équipement non conforme à un type homologué ou à un type ayant fait l'objet d'une réception, lorsque l'agrément de ce dispositif ou équipement est imposé par la loi ou le règlement, » ;

2° Après le même premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'utilisation des véhicules ou des équipements mentionnés au premier alinéa, sur les voies ouvertes à la circulation publique ou les lieux ouverts à la circulation publique ou au public, est punie d'une contravention de la quatrième classe. » ;

3° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« La confiscation du véhicule utilisé pour commettre l'infraction prévue à l'alinéa précédent est de plein droit, sauf décision contraire de la juridiction. »

Mme Fabienne Keller.  - Si la modification des engins par des professionnels est autorisée, la circulation de ces véhicules trafiqués sur l'espace public ne l'est pas. Ils sont en général débridés pour les rendre plus bruyants, ce qui est source de tension sociale.

Confisquons les véhicules, non pendant le rodéo mais en amont ou en aval, dès lors qu'ils sont trafiqués.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio, rapporteur.  - L'amendement paraît peu conforme à l'échelle des peines. Il prévoit de créer une contravention de quatrième classe, ce qui relève du pouvoir règlementaire, de même que la confiscation de plein droit des véhicules non réceptionnés. Retrait ou avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - La vente d'un équipement non conforme à un type homologué est déjà sanctionnée d'une contravention de quatrième classe pour un montant de 750 euros, selon le code de la route. Cet amendement l'érige en délit, punissable de six mois d'emprisonnement et 7 500 euros d'amende, au même titre que la vente d'un véhicule entier. C'est excessif.

L'amendement augmente la peine d'une contravention de première classe - 38 euros d'amende - à une contravention de quatrième classe. C'est excessif, et il appartient au Gouvernement de relever les peines contraventionnelles prévues par des dispositions réglementaires.

Les personnes physiques encourent également une peine complémentaire de confiscation du moyen de l'infraction. La rendre obligatoire serait excessif au regard de la nature contraventionnelle de l'infraction. Retrait ou avis défavorable.

Mme Fabienne Keller.  - Soit, mais je suis déçue. « Disproportionné », « excessif », dites-vous. En ce moment, ce que supportent nos concitoyens, avec la chaleur, c'est inhumain !

Si une amende est possible, pourquoi autant de motos trafiquées circulent-elles ? Ce n'est pas appliqué. Il faut continuer à travailler sur ce sujet pour apporter un peu d'apaisement à nos concitoyens et un peu d'exemplarité.

L'amendement n°2 rectifié est retiré.

L'article 2 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par M. Marchand et les membres du groupe La République En Marche.

Après l'article 2

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 321-1-2 du code de la route, les mots : « au deuxième alinéa de », sont remplacés par le mot : « à ».

M. Alain Richard.  - Compte tenu du souhait de la commission de voter conforme le texte, je le retire, en espérant que la future loi sur les mobilités reviendra sur la question de l'identification des véhicules.

L'amendement n°3 rectifié bis est retiré.

Explications de vote

M. Jean-Claude Requier .  - Le groupe RDSE votera cette proposition de loi pertinente. Même en zone rurale, il y a des rodéos. Pourquoi seraient-ils impunis quand nous, nous risquons une sanction à rouler à 89 kilomètres heure sur une route départementale pourtant bien large et dégagée ? (Rires et applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Indépendants et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Vincent Delahaye .  - J'aurais souhaité que ce texte soit d'abord examiné au Sénat. Le Gouvernement et le groupe LaREM en ont voulu autrement, soit : l'essentiel est de répondre rapidement à ce fléau du quotidien.

Ce texte n'est qu'une étape ; les maires auront un rôle à jouer en matière de prévention. Je me réjouis que l'on ait abouti en moins d'un an à un texte applicable. Merci à Mme la ministre et à tous nos collègues. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, Les Républicains et LaREM)

M. Marc Laménie .  - Ce problème de société touche aussi le monde rural. Maire d'un village des Ardennes de 160 habitants, j'ai pu mesurer l'inconscience de certains... Les gendarmes font ce qu'ils peuvent mais sont hypersollicités, tout comme la police. Pendant ce temps, les quads détériorent les chemins ruraux et forestiers, quand ils ne mettent pas en danger la vie d'autrui !

Il faut sensibiliser, et agir. Nous comptons sur vous, Madame la Ministre, pour donner aux forces de l'ordre les moyens humains nécessaires. Je voterai bien entendu ce texte.

La proposition de loi est adoptée définitivement.

(Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, UC et Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre .  - Merci pour ce vote conforme, c'était le souhait du Gouvernement qui soutenait les propositions de loi issues de l'Assemblée nationale et du Sénat. Nous avons fait un travail de coproduction efficace. Cette loi sera d'application directe dès sa promulgation.

J'ai entendu la volonté d'associer les communes, la nécessité d'augmenter les moyens - dont le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD)... Mais comme désormais toutes les communes demandent des caméras de vidéosurveillance, nous ne pouvons répondre à toutes les demandes !

M. Alain Richard.  - Du coup, vous ne répondez à aucune !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Nous priorisons, en ciblant les communes et les quartiers prioritaires.

Le Gouvernement prendra toutes les mesures réglementaires qui s'imposent. Cette étape est très importante et nous poursuivons notre travail, Madame Keller. Ma réponse était technique, certes, mais le sujet l'est... Les peines doivent être proportionnées, au risque sinon d'être annulées par le Conseil constitutionnel. Un texte équilibré est gage d'une mise en application rapide et efficace. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, RDSE, Les Indépendants et UC)

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président