Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

ARTICLE 14

M. Jacques Bigot .  - Dans sa recherche de numérisation, le Gouvernement envisage de créer, et nous savons que c'est à la mode dans le nouveau monde, une start-up judiciaire : un tribunal de grande instance traiterait toutes les demandes d'injonction de payer. Je demeure perplexe devant cette proposition que la commission a à peine modifiée. Si tant est que vous envisagiez des magistrats dans cette nouvelle structure, leur rôle se bornera-t-il à examiner des dossiers sans jamais recevoir les justiciables ?

Les organismes de crédit ont tout intérêt à cette centralisation, ils saisiront le tribunal par une voie dématérialisée là où ils devaient faire appel à un huissier de secteur. Les justiciables, eux, seront désarmés. Si le tribunal du ressort continue d'intervenir en cas de contestation, ce ne sera plus le cas pour les demandes de délais de paiement. J'ai bien conscience que, dans de nombreux tribunaux d'instance aujourd'hui, ce sont les greffiers qui suivent ces dossiers ; pour autant, des magistrats veillent sur le terrain à soulever d'office, notamment en matière de crédit à la consommation, la question des prescriptions.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Une procédure entièrement dématérialisée rend inexistants le droit à un recours effectif et à un procès équitable, garantis l'un par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'autre par l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Pas moins de 27 % des personnes ne maîtrisent pas l'outil informatique selon le Défenseur des droits, et ceux qui ne maîtrisent pas le droit sont encore plus nombreux... Parler de « petits litiges », c'est faire preuve de condescendance : cinq mille euros, c'est une « petite somme » seulement pour une petite partie de la population...

Le bâtonnier de Paris, Marie-Aimée Peyron, redoute l'apparition de ce « tribunal virtuel », qui risque de se traduire par une justice expéditive au détriment des plus vulnérables.

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois.  - La commission a accepté le principe d'une juridiction nationale. En revanche, elle a introduit une garantie : la saisine par voie dématérialisée restera une faculté. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice.  - Même avis. Cette proposition ne vise nullement à éloigner le justiciable, il s'agit de répondre à la réalité de ce que sont les injonctions de payer. Magistrats honoraires, juges et greffiers en traitent environ 500 000 par an selon des approches qui jusqu'alors diffèrent. L'idée est de dématérialiser la première phase de la procédure, et uniquement celle-là, pour uniformiser le traitement des dossiers par les juges en le centralisant non à Paris mais probablement quelque part en province. La seconde phase, celle de l'opposition aux injonctions de payer - 4% d'entre elles font l'objet d'un recours - se déroulera, comme aujourd'hui, devant le tribunal de proximité.

Mme Sophie Taillé-Polian.  - Les magistrats, c'est ce que craignent les juges d'instance, ne pourront pas porter la même attention aux dossiers qu'ils devront traiter en nombre. Certains choisissent aujourd'hui de ne pas donner suite à une demande d'injonction de payer ; le code de la consommation protège les plus modestes, parfois contraints d'emprunter à des taux très élevés. Soit le recours demeurera possible mais peu de personne s'opposent à une injonction de payer pour se contenter de demander des délais de paiement.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Supprimer le caractère obligatoire de la saisine par voie dématérialisée est un leurre : les organismes de crédit utiliseront systématiquement cette faculté à l'encontre des débiteurs « indélicats ».

La procédure sera singulièrement complexe pour le justiciable : pour les délais de paiement, il devra s'adresser à la juridiction nationale ; pour une opposition, au tribunal de son ressort.

Madame la Ministre, si votre logique d'allègement des charges n'est pas illégitime, elle aboutit à restreindre l'accès au juge - le Défenseur des droits l'avait souligné. Pensons aux justiciables !

M. Jacques Bigot.  - Nous soutiendrons l'amendement du CRCE en regrettant que le rapporteur et la ministre ne nous donnent pas davantage d'explications sur la procédure. Il y a une incohérence entre l'esprit de ce projet de loi et cet article : vous dites vouloir favoriser la médiation et vous autorisez les organismes de crédit à saisir la juridiction nationale sans avoir fait la preuve qu'ils ont tenté une conciliation !

Résultat, Cofinoga et autres Sofinco, qui négocieront directement avec la start up judiciaire, gouverneront bientôt le recouvrement de créances. Décidément, ce Gouvernement n'a pas l'air de se soucier des débiteurs en difficulté.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Il ne serait peut-être pas inutile de rappeler ce qu'est la procédure d'injonction de payer... Elle débute par la saisine du juge par le créancier ; le juge, au vu du dossier, peut délivrer l'injonction de payer, s'y refuser ou demander des pièces complémentaires. À ce stade, le débiteur ignore qu'une procédure est lancée à son encontre ; il ne le sera qu'en recevant la notification du juge. Il se transformera en demandeur seulement s'il fait état de son opposition à l'injonction de payer. Rien ne changera donc pour le débiteur : en cas d'opposition, l'affaire continuera d'être traitée par un tribunal de proximité. Cette nouvelle juridiction nationale nous fera gagner en efficacité et en rapidité. Je ne vois vraiment pas où est le problème !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Effectivement, aujourd'hui, il n'y a pas de contradictoire avant l'ordonnance délivrant l'injonction de payer ; c'est le juge qui décide seul sans voir les parties. Qu'il soit de proximité ou à Strasbourg - car c'est à Strasbourg que nous envisageons d'installer cette juridiction, que cela change-t-il ? Des délais de traitement plus rapides, une jurisprudence plus stable et plus protectrice des droits, voilà ce que nous visons. En cas de contestation, il y aura audience et contradictoire comme cela est le cas aujourd'hui. Pour le débiteur, c'est incolore !

Mme Nathalie Goulet.  - Si cette juridiction nationale des injonctions de payer fonctionne aussi bien que la plateforme nationale des interceptions judiciaires, (Sourires) nous aurons des difficultés extrêmement sérieuses... J'espère que toutes les garanties seront prises pour protéger les données. Chaque fois qu'on dématérialise, il y a un risque pour les justiciables.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°218, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 3

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l'exception de celles relevant de la compétence d'attribution du tribunal de commerce lorsqu'elle est exercée par la juridiction mentionnée à l'article L. 721-1 du code de commerce

II.  - Alinéa 6 

Remplacer les mots :

peuvent être

par le mot :

sont

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Dans le respect des juridictions commerciales, il convient de préciser que ce tribunal national ne traitera pas des requêtes qui relèvent de leur compétence. Surtout, parce que nous pensons qu'un traitement dématérialisé sera plus efficace en particulier pour le contentieux de masse, nous rétablissons la saisine dématérialisée obligatoire. Cela ne prive pas le justiciable de la possibilité de saisir la juridiction au fond en déposant un recours, l'accès au juge est donc préservé.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le rétablissement de la saisine dématérialisée n'est pas acceptable. Je demande un vote par division en application de l'article 49 alinéa 2 du Règlement du Sénat, avec un avis favorable sur le I de l'amendement et un avis défavorable sur le II.

Le I de l'amendement n°218 est adopté.

Le II de l'amendement n°218 n'est pas adopté.

L'amendement n°218, modifié, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°283 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Menonville, Requier, Roux et Vall, Mmes Laborde et Jouve et MM. Guérini, Guillaume et Gabouty.

Alinéa 6

Compléter cet alinéa par les mots :

ou devant le tribunal de grande instance du ressort du demandeur, qui transmet la demande à ce tribunal

Mme Josiane Costes.  - La concentration du traitement des demandes d'injonction de payer et des oppositions à ces injonctions tendant exclusivement à l'obtention de délais de paiement paraît opportune dans une perspective de réduction des délais de traitement. En revanche, il faut laisser la possibilité aux justiciables de former leur recours physiquement dans le tribunal le plus proche de leur lieu de résidence ; ce sera rassurant pour les plus vulnérables d'entre eux.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission des lois a approuvé le principe d'une nouvelle juridiction en l'assortissant de garanties. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°283 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par Mme Joissains.

Alinéa 7, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

Mme Sophie Joissains.  - La demande de délais de paiement nécessite bien souvent un examen personnalisé minutieux qui ne peut être le fait d'algorithmes à l'égard desquels le Sénat avait exprimé ses réticences lors de l'examen du projet de loi relatif à la protection des données personnelles.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Aucun algorithme n'intervient dans cette affaire, le Règlement général sur la protection des données ne l'autorise pas. Nous parlons seulement d'une transmission par voie électronique. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Il n'est pas dans notre intention de prévoir un traitement algorithmique des injonctions de payer, Ce sera un traitement au cas par cas, comme aujourd'hui, centralisé au sein de la juridiction nationale. Une remarque : le tribunal d'instance, aujourd'hui déjà, peut statuer sur les délais de paiement sans faire venir les parties. L'avis est défavorable.

Mme Sophie Joissains.  - La tendance à vouloir des algorithmes partout est forte, je maintiens mon amendement.

L'amendement n°89 n'est pas adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

ARTICLE 15

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article habilite le Gouvernement à modifier, par voie d'ordonnances, les dispositions régissant les procédures en la forme des référés devant les juridictions judiciaires. Des mesures réglementaires pour préparer une réforme de la procédure civile, on sait combien la méthode, contestable, est chère au président de la République...

M. le président.  - Amendement identique n°163, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En principe, les règles de procédure relèvent du pouvoir réglementaire ; celles qui sont « en la forme de référés » devant les juridictions judiciaires, de la loi. La tentation de recourir aux ordonnances est grande, le débat législatif se révèle souvent plus rapide. (M. Philippe Bas, président de la commission des lois, approuve.) Madame la Ministre, vous auriez pu écrire dans la loi la substance de ce que vous proposez.

L'étude d'impact qui accompagne ce projet de loi précise que six lois et treize codes prévoient le recours à cette procédure des référés. Les dénominations varient : « dans la forme des référés », « selon la forme des référés », ou « en matière de référés »... Cette diversité est étrange tout autant que l'est la raison qui pousse le Gouvernement à demander cette habilitation.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable aux amendements identiques nos22 et 163.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Convaincant !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis défavorable. Le législateur est effectivement intervenu à plusieurs reprises dans cette matière réglementaire, il faut l'harmoniser et lui donner un cadre plus cohérent.

Les amendements identiques nos22 et 163 ne sont pas adoptés.

L'article 15 est adopté.

L'article 16 est adopté.

ARTICLE 17

M. le président.  - Amendement n°219, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéas 5 à 7

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de retard dans la transmission de l'inventaire des meubles meublants, des biens mobiliers et des espèces en numéraire, le juge peut désigner un professionnel qualifié pour y procéder aux frais du tuteur. » ;

II.  -  Alinéa 10, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Lorsque plusieurs personnes ont été désignées dans les conditions de l'article 447 pour la gestion patrimoniale, les comptes annuels de gestion doivent être signés par chacune d'elles, ce qui vaut approbation.

III.  -  Alinéa 11

1° Première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Par dérogation au premier alinéa du présent article, lorsque l'importance ou la composition du patrimoine de la personne protégée le justifie, le juge désigne, dès réception de l'inventaire du budget prévisionnel, un professionnel qualifié chargé de la vérification et de l'approbation des comptes dans les conditions fixées par décret en Conseil d'État.

2° Seconde phrase

Supprimer les mots :

ainsi que sa rémunération, qui ne peut excéder un plafond fixé par décret

IV.  -  Alinéas 12 à 17

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« En l'absence de désignation d'un subrogé tuteur, d'un co-tuteur, d'un tuteur adjoint ou d'un conseil de famille, le juge fait application de l'alinéa précédent. » ;

V. - Alinéa 19

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. 513.  -  Par dérogation aux articles 510 à 512, le juge peut décider de dispenser le tuteur de soumettre le compte de gestion à approbation en considération de la modicité des revenus ou du patrimoine de la personne protégée.

« Lorsque la tutelle n'a pas été confiée à un mandataire judiciaire à la protection des majeurs, il peut également décider de le dispenser d'établir le compte de gestion. » ;

VI.  -  Après l'alinéa 21

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« À l'issue de la vérification du compte de gestion, un exemplaire est versé sans délai au dossier du tribunal par la personne chargée de cette mission.

« En cas de refus d'approbation des comptes, le juge est saisi par un rapport de difficulté et statue sur la conformité du compte. » ;

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Actuellement, le contrôle des comptes des majeurs protégés est du ressort des directeurs de greffes ; nous savons qu'il n'est pas réellement exécuté, comme le montre le rapport très critique de la Cour des comptes de 2016 et celui de Mme Caron-Déglise.

Nous proposons, dans les cas les plus complexes, ceux où il y a du patrimoine, de solliciter une expertise extérieure. En revanche, lorsque les revenus couvrent les frais d'hébergement, il en sera pris acte et l'on n'exigera pas de contrôle.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission des lois préfère un dispositif gradué qui permet de maintenir un contrôle par défaut du greffe tout en modernisant le système. Avis défavorable.

M. Jean-Luc Fichet.  - La commission des lois a choisi, et avec raison, de maintenir le droit en vigueur. Dans le rapport de la mission interministérielle de Mme Caron-Déglise, il est demandé que les comptes établis par les mandataires professionnels demeurent soumis au contrôle du juge, sans possibilité de dispense.

Mme Brigitte Lherbier.  - Je suis choquée : il a l'air si facile de mettre en place un contrôle des comptes de la personne protégée quand on a tant de mal à assurer sa protection physique.

L'amendement n°219 n'est pas adopté.

L'article 17 est adopté.

ARTICLE 18

M. le président.  - Amendement n°221, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I.  -  Après le deuxième alinéa de l'article 373-2 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À cette fin, à la demande du juge aux affaires familiales ou de la personne directement intéressée, le procureur de la République peut requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire ou une convention homologuée fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement rétablit le recours à la force publique directement par le parquet en matière familiale. Lorsqu'un parent fait face au refus de l'autre parent d'exécuter une mesure relevant du droit parental, il reste démuni - je reçois tant de courriers déchirants à ce sujet. Certes, il est possible de porter plainte pour non-présentation d'enfant mais cela n'entraîne pas l'exécution de la décision. Je souhaite un dispositif complet et cohérent pour remédier à ces situations perturbatrices pour les familles et, surtout, pour les enfants.

Nous proposons un système gradué : amende civile puis médiation, y compris post-sentencielle, et, en dernier recours, usage de la force publique requis directement par le parquet.

Le code civil prévoit déjà que le procureur de la République peut recourir à la force publique pour faire exécuter des décisions quand les parents habitent dans des pays différents si bien que nous aboutissons à un paradoxe : il est plus facile, pour un parent, d'obtenir de faire revenir son enfant de l'étranger que de le faire venir depuis une ville voisine.

D'autres pays voisins comme la Finlande, l'Allemagne, la Suède ou le Luxembourg ont adopté cette mesure qui confère à l'ensemble du dispositif progressif un caractère dissuasif, propre à le faire respecter.

M. le président.  - Amendement n°11 rectifié ter, présenté par Mme M. Jourda, M. Bascher, Mme Bonfanti-Dossat, M. Bonhomme, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer, Brisson et Chaize, Mmes Delmont-Koropoulis, Deseyne, Deromedi, Deroche, de Cidrac et Di Folco, M. Duplomb, Mmes Eustache-Brinio et Gruny, MM. Houpert, Huré, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal, Lassarade et Lavarde, M. Lefèvre, Mmes Lherbier et Lopez, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Mouiller, Paccaud, Paul, Perrin, Piednoir, Pillet et Pointereau, Mmes Primas et Raimond-Pavero, MM. Rapin et Savary, Mmes Thomas et Troendlé et M. Vaspart.

Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I.  -  Après le deuxième alinéa de l'article 373-2 du code civil, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« À cette fin, après échec de toute démarche engagée auprès d'un officier de police judiciaire en cas de manquement à l'exécution de la décision du juge aux affaires familiales, à la demande de la personne directement intéressée ou du juge aux affaires familiales, le procureur de la République peut requérir le concours de la force publique pour faire exécuter une décision du juge aux affaires familiales, une convention de divorce par consentement mutuel prenant la forme d'un acte sous signature privée contresigné par avocats déposé au rang des minutes d'un notaire ou une convention homologuée fixant les modalités d'exercice de l'autorité parentale. »

Mme Muriel Jourda.  - Nous partageons les inquiétudes de la garde des sceaux. Cependant, la graduation n'est pas assez explicite dans son amendement, contrairement au nôtre. Un officier de police judiciaire tentera de joindre le parent récalcitrant avant que soit requise la force publique.

M. le président.  - Amendement identique n°241, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Nous rejoignons la garde des sceaux sur l'essentiel : la solution doit être réservée aux cas les plus extrêmes. Nous retirons notre amendement au profit du sien.

L'amendement n°241 est retiré.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Avis défavorable à l'amendement n°221. Le Gouvernement présente la mesure comme une solution de dernier recours mais cela ne transparaît pas dans son amendement.

L'amendement n°11 rectifié ter est meilleur mais pas encore totalement satisfaisant. Par conséquent, avis de sagesse en espérant que le texte sera amélioré.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Madame la ministre, à vous entendre, rien ne nous sépare ! Vous évoquez les cas les plus extrêmes et une mesure ultime... Mais le texte de votre amendement ne correspond pas à votre présentation.

Notre rapporteur propose une solution où la décision de justice est respectée, sans qu'il y ait eu besoin de déclencher l'arme atomique qu'est l'intervention d'un gendarme ou d'un policier dans ces cas. Nous devons d'abord penser à l'intérêt des enfants : les arracher de force à un parent récalcitrant, c'est leur faire payer le prix fort pour le refus de leur parent. Cela doit être le dernier recours.

Mme Jourda, votre amendement gagnerait à être amélioré. De quelle démarche parlez-vous ? Un simple coup de téléphone suffira-t-il ? Vous mentionnez tout officier de police judiciaire : cela vaut-il pour un maire ?

La commission des lois a eu un débat très riche et a essayé de rendre praticable la proposition du Gouvernement, au lieu de la rejeter en bloc.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je comprends les motivations de l'amendement n°11 rectifié ter : effectivement, il ne faudrait pas que le procureur en appelle à la force publique à tout instant, mais seulement pour les cas où cela sera nécessaire, en ayant vérifié que toutes les autres voies ont échoué. Et justement, Monsieur le président Bas, vous remarquerez que, dans l'amendement du Gouvernement, le procureur de la République « peut » faire appel à la force publique, il n'y a nulle automaticité. Un dispositif réglementaire encadrera le dispositif. Par exemple, un huissier pourrait être en charge d'une sommation. Ensuite, l'obligation d'une démarche préalable auprès d'un OPJ ne nous semble pas pertinente.

Avis défavorable à l'amendement n°11 rectifié ter.

Mme Laurence Rossignol.  - Madame la ministre, vous avez probablement sur votre bureau de nombreux dossiers de situations dramatiques. Dans les dossiers de non-présentation d'enfant, le parent récalcitrant est souvent considéré comme malveillant ou défaillant. Mais il existe un type de dossier particulier : celui où les juges aux affaires familiales n'ont pas entendu la parole des mères sur les maltraitances d'enfant. Dans ces cas, les mères doivent continuer à envoyer leur enfant chez leur père pour respecter le droit de visite et d'hébergement, alors que l'enfant y est en danger ! Le juge aux affaires familiales, en pratique, n'est pas infaillible, en particulier quand il utilise le concept de syndrome d'aliénation parentale, qui ne correspond à rien de précis et qui est un outil dangereux. Voyez le livre que le « Collectif Onze » a consacré aux affaires devant le juge aux affaires familiales, qui démontre la dimension genrée de cette justice très particulière. Ce qu'on peut craindre, c'est qu'au nom de la résolution de quelques cas difficiles, on n'alourdisse considérablement la tâche de ces mères obligées de livrer leurs enfants à des pères maltraitants. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien !

M. Alain Richard.  - Nous sommes largement d'accord pour que ces cas, toujours difficiles, trouvent une solution par le dialogue, et que le recours à la force publique n'intervienne qu'en dernier recours. Si je comprends bien, ce qui choque le Gouvernement est que l'une des parties puisse demander directement le recours aux forces de l'ordre ; pourquoi ne pas, alors, rectifier l'amendement en retirant les mots « la personne directement intéressée » ? L'intervention du juge aux affaires familiales serait indispensable, il jouerait tout son rôle, en plus du pouvoir d'appréciation du procureur.

Mme Nathalie Goulet.  - Le groupe UC soutiendra l'amendement de Mme Jourda, le dispositif en est gradué et prudent.

M. Jacques Bigot.  - La pire des choses qui peut arriver à un enfant retenu par l'un de ses parents, c'est de voir un policier l'enlever, voire le chercher à l'école ! Si nous n'avons pas de solution actuellement, c'est parce que les magistrats sont débordés, les procureurs aussi.

Le problème devrait se résoudre avec davantage de magistrats ; ils pourront alors utiliser la procédure pénale pour non-présentation d'enfant, avec une demande de comparution immédiate, et lors de cette comparution faire pression sur le parent récalcitrant, aboutir à une médiation. C'est précisément ce qu'il faut mettre en oeuvre.

L'amendement de Mme Jourda, lui, ne règlera rien. Ces affaires encombrent les commissariats. Les policiers feront un rapport constatant l'échec et la solution la plus simple sera d'agir manu militari, précisément ce dont on ne veut pas - car l'enfant a besoin d'être protégé de l'usage de la force.

Je soutiens la position de la commission et je vous invite à ne voter aucun des deux amendements. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOCR)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Nous recherchons tous l'intérêt de l'enfant. Je remercie chacun d'entre vous pour ce débat de qualité et ces propositions qui méritent d'être retravaillées dans le cadre de la navette parlementaire. (Quelques applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et UC)

M. Charles Revet.  - Le débat n'est jamais médiocre au Sénat.

L'amendement n°221 n'est pas adopté.

L'amendement n°11 rectifié ter est adopté.

L'article 18, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Panunzi, H. Leroy, Joyandet, Chaize et D. Laurent, Mme Gruny, M. Rapin, Mme Goy-Chavent, MM. Morisset, Milon et Dallier, Mmes Micouleau et Bruguière, MM. Kennel, del Picchia et Lefèvre, Mmes de Cidrac et Delmont-Koropoulis, M. Mizzon, Mmes A.M. Bertrand et Deroche, MM. B. Fournier, Dufaut, Mayet et Bockel, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Brisson, Huré et Laménie, Mmes Bories et Renaud-Garabedian, MM. Daubresse et Mandelli, Mme Dindar, MM. Henno, Charon, Bizet et Kern, Mmes Lavarde et Lamure, M. Mouiller, Mmes Loisier, Duranton, Vermeillet et M. Mercier, M. Sido, Mmes Lherbier et Malet, M. Karoutchi, Mmes Deseyne et Imbert et MM. Savin, Duplomb et Gremillet.

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 373-2-9 du code civil, il est inséré un article 373-2-9-... ainsi rédigé :

« Art. 373-2-9-...  - Lorsqu'il est saisi d'une requête relative aux modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge aux affaires familiales peut attribuer provisoirement la jouissance du logement de la famille à l'un des deux parents, dès lors que ce logement est détenu en indivision par les parents.

« Lorsque que le logement de la famille est détenu par un seul des parents, le juge aux affaires familiales peut, à titre exceptionnel et par décision spécialement motivée, attribuer provisoirement la jouissance de ce logement à l'autre parent.

« Le juge aux affaires familiales fixe l'indemnité d'occupation due au titre de cette jouissance en constatant le cas échéant l'accord des parents sur son montant. Par une décision spécialement motivée il peut décider du caractère gratuit de cette jouissance au titre de la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants. 

« Le juge fixe la durée de cette jouissance pour une durée maximale de six mois.

« Lorsque le bien est détenu en indivision par les parents, la mesure peut être prorogée au-delà, à la demande de l'un ou l'autre des parents, si durant ce délai le tribunal a été saisi des opérations de liquidation partage par la partie la plus diligente. Lorsque le bien est détenu par un seul des parents, ce délai ne peut être prorogé. »

M. André Reichardt.  - Il n'existe pas de dispositions législatives permettant au juge aux affaires familiales de statuer sur la jouissance du domicile en cas de séparation de parents non mariés.

Cet amendement répare cette lacune en permettant aux partenaires de PACS ou aux concubins de demander au juge aux affaires familiales, en cas de séparation, l'attribution provisoire de la jouissance du logement de la famille si les enfants y ont leur résidence habituelle.

M. le président.  - Amendement identique n°246 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Effectivement, ce vide juridique empoisonne la vie des familles, nous proposons une solution raisonnable.

M. le président.  - Amendement identique n°304 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux, Vall et Dantec.

Mme Josiane Costes.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Sagesse. Je partage vos objectifs mais ce sujet n'entre pas exactement dans le champ de ce texte et un travail plus approfondi serait nécessaire.

Les amendements identiques nos10 rectifié, 246 rectifié et 304 rectifié bis sont adoptés et deviennent un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°302 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall.

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le deuxième alinéa de l'article 377 du code civil est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le désintérêt des parents de mineurs isolés étrangers est présumé. »

Mme Josiane Costes.  - Cet amendement adapte l'exercice de l'autorité parentale au nouveau phénomène des mineurs isolés étrangers.

L'intérêt supérieur de l'enfant justifie que le juge puisse facilement prononcer une délégation de l'autorité parentale au particulier, à l'établissement ou au service départemental de l'Aide sociale à l'enfance (ASE) qui a recueilli un mineur isolé étranger, afin d'améliorer la prise en charge.

Les mineurs isolés étrangers sont soumis à de nombreux dangers : alcool, drogue, prostitution... on l'a vu en particulier dans le quartier de la Goutte-d'Or à Paris. Nous souhaitions un parrainage de familles françaises pour ces mineurs en danger.

L'amendement n°302 rectifié introduit une présomption simple de désintérêt des parents pour faciliter la délégation d'autorité parentale.

L'amendement n°303 rectifié confie la décision de délégation d'autorité parentale au juge des enfants.

M. le président.  - Amendement n°303 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux et Vall.

Après l'article 18

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 377-1 du code civil est complété par les mots : « , si l'enfant est un mineur isolé étranger, par le juge des enfants ».

Mme Josiane Costes.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°302 rectifié. Quelle que soit la situation de ces jeunes mineurs, cette présomption de désintérêt des parents est attentatoire au droit des parents, souvent difficiles à contacter. Laissons le juge aux affaires familiales décider en fonction des circonstances, c'est son travail.

Sur l'amendement n°303 rectifié, avis défavorable : la compétence relève du juge aux affaires familiales et non du juge des enfants. Le rapport du Sénat d'Élisabeth Doineau et Jean-Pierre Godefroy proposaient une information systématique entre juge aux affaires familiales et juge des enfants.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Ce sujet est très important. Si certains mineurs sont effectivement isolés, d'autres sont également abandonnés par leurs parents, ce qui pose la question de la responsabilité parentale. Il faut travailler sur ce sujet plus avant.

Mme Josiane Costes.  - Effectivement, ce sujet est important : certaines familles sont prêtes à les prendre en charge. Réfléchissons-y davantage.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Merci d'avoir évoqué ce sujet qui me tracasse puisque j'ai en partie la responsabilité de ces mineurs. Il faut toutefois une approche plus précise. La solution juridique de ces amendements n'est pas adéquate.

L'amendement n°302 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°303 rectifié.

ARTICLE 19

M. le président.  - Amendement n°316, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Au 10° du II de l'article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, la référence : « L. 10 » est remplacée par la référence : « L. 751-1 ».

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Amendement de coordination.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°316 est adopté.

L'article 19, modifié, est adopté.

TITRE II BIS : Dispositions relatives aux juridictions commerciales

M. le président.  - Amendement n°225, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cette division et son intitulé.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je propose de supprimer les articles de ce titre, et tout le titre !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Le projet de loi initial ne comprenait aucune mesure sur les tribunaux de commerce.

Le projet de loi voté en octobre 2017 par le Sénat confiait au tribunal de commerce une part de contentieux aujourd'hui traités par le tribunal de grande instance, en particulier les procédures en liquidation judiciaire des associations, ou encore leurs baux commerciaux. Ce tribunal spécialisé est plus efficace, une telle réforme est très attendue et pragmatique, elle a toute sa place dans ce texte.

L'amendement n°225 n'est pas adopté.

ARTICLE 19 BIS

M. le président.  - Amendement n°222, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je propose de supprimer les dispositions ajoutées en commission élargissant l'objet des tribunaux de commerce pour les ériger en « tribunaux des affaires économiques ». Y seraient ajoutés les professions libérales, agriculteurs et leurs collaborateurs.

Cela mériterait une étude d'impact et la consultation de ces professionnels. Une telle réforme revient à repenser l'acte de commerce, voire le droit commercial, elle remet en question les spécificités des professions libérales visées, des associations et du monde agricole.

Une mission d'étude est en cours, j'aimerais en avoir d'abord les résultats. Cela dit, j'ai déjà dit publiquement que l'institution de tels tribunaux des affaires économiques était envisageable.

M. le président.  - Nous examinerons ensemble les amendements nos222 à l'article 19 bis, 223 et 369 à l'article 19 ter et 224 à l'article 19 quater.

ARTICLE 19 TER

M. le président.  - Amendement n°223, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement n°369, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

A.  -  Alinéa 1

Remplacer cet alinéa par trois alinéas ainsi rédigés :

I.  -  L'article L. 234-1 du code de commerce est ainsi modifié :

1° Aux première et troisième phrases du deuxième alinéa et à la première phrase de l'avant-dernier alinéa, les mots : « de commerce » sont remplacés par les mots : « des affaires économiques » :

2° À la dernière phrase du deuxième alinéa et à la seconde phrase de l'avant-dernier alinéa, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième ».

B.  -  Après l'alinéa 13

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au dernier alinéa de l'article L. 640-5, les mots : « de grande instance » sont supprimés ;

C.  -  Alinéa 33

Remplacer la première occurrence des mots :

à la première phrase

par les mots :

aux première et seconde phrases

D.  -  Alinéa 59

Remplacer la référence :

L. 2325-55

par la référence :

L. 2315-74

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement de coordination.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

ARTICLE 19 QUATER

M. le président.  - Amendement n°224, présenté par le Gouvernement.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Je me réjouis, Madame la Ministre, que vous soyez d'accord sur le fond avec une telle évolution. Le Sénat a largement travaillé le sujet, nous avons mené une concertation lors de notre mission d'information, cette réforme est prête, et attendue : adoptons-la !

Avis défavorable aux amendements nos222, 223 et 224.

M. Jacques Bigot.  - Des administrateurs judiciaires m'ont dit préférer les tribunaux de grande instance car ils étaient moins exigeants que les tribunaux de commerce et leur laissaient donc les mains libres.

Madame la Ministre, posez-vous la question de la pertinence de la proposition du Sénat, qui correspond à la réalité. Qui plus est, elle est économe puisque les tribunaux de commerce ne coûtent rien au budget de l'État.

En Alsace-Moselle, le système local fonctionne bien...

L'amendement n°222 n'est pas adopté.

L'article 19 bis est adopté.

L'amendement n°223 n'est pas adopté.

L'amendement n°369 est adopté.

L'article 19 ter, modifié, est adopté.

L'amendement n°224 n'est pas adopté.

L'article 19 quater est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°52 rectifié ter, présenté par Mme M. Jourda, MM. Allizard, Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, MM. Bizet, Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, MM. Calvet et Cambon, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne, Di Folco, Dumas et Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier et Frassa, Mme F. Gerbaud, M. Gilles, Mme Giudicelli, M. Gremillet, Mme Gruny, MM. Guené, Houpert, Hugonet, Huré et Husson, Mme Imbert, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, M. Mandelli, Mmes M. Mercier et Micouleau, MM. Milon, de Montgolfier, Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Rapin, Retailleau, Revet, Savary, Savin, Segouin, Sido et Sol, Mmes Thomas et Troendlé et MM. Vogel, Vaspart, Laufoaulu, Le Gleut et Paccaud.

Avant l'article 20

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant l'article 54 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions juridiques et judiciaires, il est inséré un article 54 ... ainsi rédigé :

« Art. 54 ...  - La consultation juridique consiste en une prestation intellectuelle personnalisée tendant à fournir un avis ou un conseil sur une question de droit en vue d'une éventuelle prise de décision. »

Mme Muriel Jourda.  - La loi ne définit pas la consultation juridique, ce défaut peut porter préjudice ; nous réparons ce manque, avec une définition très proche de celle donnée par la jurisprudence de la Cour de cassation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le Sénat a repoussé ce type d'amendements à plusieurs reprises. Cependant ici, Muriel Jourda a rectifié pour être au plus proche de la jurisprudence : sagesse.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. L'article 54 de la loi du 31 décembre 1971 a fixé le cadre général pour la consultation juridique ou la rédaction d'actes pour autrui - réservées aux professions judiciaires, comme les notaires, les huissiers et les avocats ; pour les autres professions réglementées, leur intervention est très strictement limitée à leur domaine de compétence ; pour les associations, un agrément est nécessaire. Ces règles sont protectrices du justiciable.

La consultation juridique n'est pas définie par la loi mais par la jurisprudence de la Cour de cassation. Introduire une définition légale ne modifierait pas la jurisprudence. Ce serait inutile voire contre-productif car la Cour de cassation doit disposer d'un peu de souplesse face au développement des nouvelles technologies.

L'amendement n°52 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

L'article 20 est adopté.

ARTICLE 21

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - Cet article étend le recours aux magistrats honoraires. Ce n'est pas une mauvaise chose en soi, quoique cela ne doive pas remplacer le recrutement de nouveaux magistrats.

En revanche, cette possibilité serait symboliquement désastreuse pour des magistrats par nature très expérimentés qui, dans le cadre de l'honorariat, se trouveraient dans une situation d'infériorité par rapport à leurs collègues en activité.

Une fois encore, l'objectif du Gouvernement est clair. Il ne s'agit pas d'améliorer les conditions de travail ni la justice, mais de faire des économies. Nous nous opposons à cette logique comptable.

M. le président.  - Amendement identique n°285 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.

Mme Josiane Costes.  - Cet article peut s'avérer délicat en pratique, les magistrats honoraires devenant des vacataires. Pourquoi ne pas plutôt allonger leur carrière ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cette possibilité existe déjà pour l'ordre judiciaire. Il est cohérent que l'ordre administratif en jouisse aussi. Ces juges honoraires sont très utiles, par leur grande compétence, et leur intervention est ponctuelle.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Ces amendements suppriment un article qui élargit et encadre mieux le recours aux magistrats honoraires - ils pourront désormais participer aux formations collégiales, en particulier. Ces magistrats sont extrêmement précieux, tant pour les juridictions judiciaires qu'administratives, ils demandent à intégrer ce type de fonction. L'extension du recours aux magistrats honoraires accélérera le traitement des requêtes par les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel.

Les règles déontologiques et disciplinaires devaient être clarifiées. Les magistrats honoraires sont un appui essentiel grâce à leur expérience.

Les amendements identiques nos23 et 285 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°257, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.

Compléter cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

...° L'article L. 231-5 est ainsi modifié :

a) Au 2°, les mots : « ou de directeur régional ou départemental d'une administration publique de l'État » sont supprimés ;

b) Au quatrième alinéa, les mots : « direction dans l'administration » sont remplacés par les mots : « directeur général des services » ;

c) Au quatrième alinéa, après le mot : « territoriale », sont insérés les mots : « de plus de 100 000 habitants ».

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Le code de justice administrative interdit la nomination au sein d'une juridiction administrative d'un conseiller qui aurait préalablement occupé certaines fonctions depuis moins de trois ans dans le ressort de cette juridiction. Ce régime apparaît trop sévère et crée des contraintes excessives à la mobilité des conseillers.

Un tel constat appelle à trouver un nouveau point d'équilibre entre la volonté de prévenir d'éventuels conflits d'intérêts et le souhait de voir les conseillers des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel enrichir leur connaissance de l'administration.

Cet amendement ne touche pas aux incompatibilités électives, mais Il supprime des fonctions prohibées, celles de directeur régional ou départemental d'une administration publique de l'État.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement important pose problème. Il rendrait possible la nomination d'un magistrat qui aurait occupé depuis moins de trois ans des fonctions de directeur régional ou départemental d'une administration publique, ou de directeur général des services d'une collectivité territoriale de moins de 100 000 habitants.

On voit bien la motivation de la souplesse, de la mobilité, voire de l'efficacité. Cependant, cela ne va pas sans poser de question. Ensuite, on ne saurait prendre une telle mesure sans évaluation préalable. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

Cet amendement introduit de la souplesse, favorisant le passage en administration déconcentrée ou territoriale. Je rappelle au rapporteur que la pratique du déport est couramment utilisée si la personne a eu à connaître d'un dossier dans des fonctions administratives antérieures.

Je salue les jeunes élus en tribunes.

M. le président.  - Nous les saluons aussi au nom du Sénat. (Applaudissements sur tous les bancs)

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Je comprends les explications du rapporteur. Ce ne serait pas la première fois que nous voterions un dispositif souffrant d'un manque d'évaluation...

L'amendement n°257 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°256, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Compléter cet article par des II, III et IV ainsi rédigés :

II. -  L'article L. 732-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les présidents de formation de jugement nommés sur le fondement du 1° du présent article ne peuvent exercer leurs fonctions au-delà de l'âge de 75 ans. »

III. -  (Rejeté lors d'un vote par division) L'ordonnance n°2016-1365 du 13 octobre 2016 portant dispositions statutaires concernant le Conseil d'État est ratifiée.

IV. -  (Rejeté lors d'un vote par division) L'ordonnance n°2016-1366 du 13 octobre 2016 portant dispositions statutaires concernant les magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel est ratifiée.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet article prévoit que les magistrats honoraires exerçant dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel ne peuvent exercer leurs fonctions au-delà de l'âge de 75 ans.

Il apparaît opportun de fixer la même règle pour les membres honoraires du Conseil d'État et les magistrats honoraires des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel, de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes et de l'ordre judiciaire.

Par ailleurs, cet amendement propose de ratifier l'ordonnance du 13 octobre 2016 portant dispositions statutaires concernant le Conseil d'État, ainsi que l'ordonnance du 13 octobre 2016 portant dispositions statutaires concernant les magistrats des tribunaux administratifs et cours administratives d'appel.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous sommes plutôt favorables au premier point de l'amendement.

En revanche, il n'est pas satisfaisant de ratifier des ordonnances au détour d'un amendement.

Je demande un vote par division de cet amendement, avec un avis favorable au premier paragraphe et un avis défavorable aux autres paragraphes.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable à cet amendement sur tous les points, y compris ceux qui concernent les ordonnances.

L'ordonnance sur le Conseil d'État a porté sur la formation et le dialogue social au Conseil d'État.

La deuxième ordonnance a renforcé et approfondi l'indépendance et l'autonomie des magistrats administratifs et créé un régime disciplinaire spécifique.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Je prends acte de cet avis partiellement favorable. Monsieur le Rapporteur, cela fait partie de nos fonctions de ratifier les ordonnances, quel que soit le véhicule adopté. Souhaitons que la navette permette d'approfondir le sujet. J'appelle mes collègues à adopter mon amendement dans son intégralité.

Les deux premiers alinéas de l'amendement n°256 sont adoptés.

Les deux alinéas suivants de l'amendement n°256 ne sont pas adoptés.

L'amendement n°256, ainsi modifié, est adopté.

L'article 21, modifié, est adopté.

ARTICLE 22

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - La création de juristes assistants ne vise qu'à faire des économies en évitant des recrutements, nécessaires, de magistrats administratifs de plein exercice. Le syndicat de la juridiction administrative nous a expliqué que cela créerait une justice administrative à deux vitesses, avec une qualité d'expertise variable selon les contentieux. Il aurait été utile de clarifier les différents statuts de l'aide à la décision dans ces juridictions.et de s'interroger sur l'opportunité d'une substitution de ces juristes assistants aux « assistants du contentieux », agents titulaires de catégorie A issus du ministère de l'Intérieur, présents dans la grande majorité des juridictions.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Dans le cadre de l'article 24 de la loi sur la justice du XXI e siècle, la commission s'était opposée à la création d'un nouveau statut de l'aide judiciaire. Pourquoi s'opposer au déploiement des juristes assistants ? Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Il importe certes de recruter de nouveaux magistrats mais il est tout aussi important que les magistrats soient entourés d'équipes, comme le soulignait hier Mme Assassi.

Les juristes assistants, jeunes docteurs en droit ou titulaires d'un master 2 recrutés en CDD de trois ans renouvelable une fois, ce qui leur permet souvent de préparer les concours pour intégrer ensuite les juridictions administratives, représentent une aide extrêmement précieuse pour les magistrats. Plébiscités dans les juridictions judiciaires, ils sont très attendus dans les juridictions administratives où la charge des contentieux devient massive. N'empêchons pas leur déploiement. Avis défavorable.

L'amendement n°24 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°287 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.

Alinéa 11

Supprimer les mots :

ou incomplet

Mme Josiane Costes.  - Nous soutenons le développement de la fonction de juriste assistant à condition que cela bénéficie à toutes les parties. Le salaire proposé serait de 1 800 euros, ce qui n'est pas excessif au regard des compétences exigées. Si la personne est employée à mi-temps, elle ne toucherait que 900 euros, soit moins que le seuil de pauvreté, ce qui n'est pas acceptable, et serait obligée de compléter par un autre emploi sa fonction de juriste assistant, d'où un risque de conflits d'intérêts...

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Si votre amendement était adopté, les juristes assistants ne pourraient être recrutés qu'à temps complet sauf lorsqu'ils exercent dans une juridiction judiciaire. Cela priverait les juridictions administratives d'une souplesse nécessaire. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°287 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°288 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.

Alinéa 11

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le juriste assistant justifiant de trois années d'exercice est éligible au concours interne d'accès à l'École nationale d'administration.

Mme Josiane Costes.  - Les juridictions ont tout à gagner à ce que l'on développe un accès facilité au concours interne d'accès à l'ENA pour les juristes assistants. Leur expérience les qualifie pour ces fonctions.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement ne précise pas le type de fonctions que les juristes assistants auront dû occuper pendant ces trois années. Il crée des conditions inégales entre les candidats car les autres candidats au concours interne doivent justifier de quatre années d'exercice dans le secteur public. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. J'en profite pour féliciter M. le rapporteur Détraigne de sa récente promotion.

L'amendement n°288 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°286 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux, Vall et Dantec.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

...° Au dernier alinéa de l'article L. 233-6, après le mot : « fonctionnaires », sont insérés les mots : « , aux juristes assistants, justifiant, au 31 décembre de l'année du concours, de trois années de service effectifs, ».

Mme Josiane Costes.  - Nous proposons d'ouvrir l'accès au concours interne des conseillers de tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel aux juristes assistants après trois ans d'exercice.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°286 rectifié n'est pas adopté.

L'article 22 est adopté.

L'article 23 est adopté.

ARTICLE 24

M. le président.  - Amendement n°289 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.

Supprimer cet article.

Mme Josiane Costes.  - Cet amendement souligne le paradoxe de recourir au juge unique du fond pour désengorger les tribunaux et d'instaurer la collégialité à ce stade du référé. La bonne administration de la justice ne suppose-t-elle pas une répartition équitable de ses moyens entre tous les justiciables ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. La collégialité est un gage d'efficacité.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°289 rectifié n'est pas adopté.

L'article 24 est adopté.

ARTICLE 25

M. le président.  - Amendement n°255, présenté par M. Richard et les membres du groupe La République En Marche.

I.  -  Alinéa 13

Remplacer cet alinéa par six alinéas ainsi rédigés :

II.  -  Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa du VI de l'article L. 2333-87, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Si la décision rendue à l'issue du recours administratif est notifiée par voie postale, sa notification intervient dans les conditions prévues au troisième alinéa du II. » ;

2° L'article L. 2333-87-3 est complété par un alinéa ainsi rédigé : 

« Les magistrats de la commission se répartissent entre membres permanents et non permanents. » ;

3° Après l'article L. 2333-87-8, il est inséré un article L. 2333-87-8-1 ainsi rédigé :

II.  -  Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :

...  -  L'ordonnance n° 2015-45 du 23 janvier 2015 relative à la commission du contentieux du stationnement payant est ratifiée.

...  -  L'ordonnance n° 2015-401 du 9 avril 2015 relative à la gestion, au recouvrement et à la contestation du forfait de post-stationnement prévu à l'article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales est ratifiée.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Cet amendement prévoit que les avis de paiement rectificatif seront envoyés par courrier simple.

Enfin, il vise à ratifier l'ordonnance du 23 janvier 2015 relative à la commission du contentieux du stationnement payant et l'ordonnance du 9 avril 2015 relative à la gestion, au recouvrement et à la contestation du forfait post-stationnement.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable à cet amendement qui propose de ratifier deux ordonnances sans que le Sénat puisse en vérifier le contenu. (Marques d'approbation à droite)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°255 n'est pas adopté.

L'article 25 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°226, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 25

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le chapitre VIII du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° L'article L. 228-2 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase de l'avant-dernier alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« La personne concernée peut demander au président du tribunal administratif, ou au magistrat qu'il délègue, l'annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. » ;

b) Après l'avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public. » ;

c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :

- à la première phrase, après le mot : « peut, » sont insérés les mots : « dans un délai d'un mois » ; 

- après la première phrase, est insérée une phrase ainsi rédigée : « Le tribunal administratif statue dans un délai d'un mois à compter de sa saisine. » ;

- à la dernière phrase, les mots : « Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures prévues » sont remplacés par les mots : » Ces recours, dont les modalités sont fixées au chapitre III ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative, s'exercent sans préjudice des procédures prévues au sixième alinéa du présent article et » ;

2° L'article L. 228-5 est ainsi modifié :

a) La seconde phrase de l'avant-dernier alinéa est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :

« La personne concernée peut demander au président du tribunal administratif, ou au magistrat qu'il délègue, l'annulation de la décision dans un délai de quarante-huit heures à compter de sa notification. Il est statué sur la légalité de la décision au plus tard dans un délai de soixante-douze heures à compter de la saisine du tribunal. Dans ce cas, la mesure ne peut entrer en vigueur avant que le juge ait statué sur la demande. » ;

b) Après l'avant-dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« L'audience est publique. Elle se déroule sans conclusions du rapporteur public. » ;

c) Le dernier alinéa est ainsi modifié :

- à la première phrase, le mot : « deux » est remplacé par le mot « un » ; 

- après la première phrase, est insérée une phrase une rédigée : « Le tribunal administratif statue dans un délai de deux mois à compter de sa saisine. » ;

- à la dernière phrase, les mots : « Ces recours s'exercent sans préjudice des procédures ouvertes » sont remplacés par les mots : » Ces recours, dont les modalités sont fixées au chapitre III ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative, s'exercent sans préjudice des procédures prévues aux au troisième alinéa du présent article et » ;

II.  -  Le chapitre III ter du titre VII du livre VII du code de justice administrative est complété par un article L. 773-10 ainsi rédigé :

« Art. L. 773-10.  -  Les modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les mesures individuelles de contrôle et de surveillance obéissent aux règles définies aux articles L. 228-2 et L. 228-5 du code de la sécurité intérieure.

« Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement tient compte d'une censure partielle du Conseil constitutionnel lors de l'examen de la loi renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme (SILT). Les dispositions censurées prévoyaient que le renouvellement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance devait intervenir cinq jours avant l'expiration de la mesure à renouveler, afin de permettre à la personne concernée d'éventuellement saisir le juge administratif dans un délai de 48 heures, puis que ce dernier statue sur le bien-fondé de cette mesure dans un délai de 72 heures dans le cadre de la procédure de référé liberté, l'entrée en vigueur de la mesure étant alors différée jusqu'à l'intervention du juge.

Le Conseil constitutionnel a considéré que l'office du juge fondé sur l'article L. 521-2 du code de justice administrative, ainsi limité au contrôle des seules atteintes graves et manifestement illégales à une liberté fondamentale, était insuffisant et devait porter sur la régularité et le bien-fondé de la décision de renouvellement.

Il est proposé de s'inspirer de la procédure contentieuse applicable aux mesures d'éloignement notifiées aux personnes placées en rétention administrative : délai de recours de 48 heures à compter de la notification de la mesure ; recours suspensif ; contrôle complet du juge, portant sur la légalité de la mesure et non plus seulement sur l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale ; recours dispensé de conclusions du rapporteur public ; délai de jugement de 72 heures.

Le Conseil constitutionnel a censuré les délais de deux mois et de quatre mois, laissés au juge administratif pour statuer sur la légalité des mesures individuelles initiales. Il est proposé de diviser par deux les délais de jugement initialement prévus, en les fixant respectivement à un mois dans le cadre de l'article L. 228-2 du code de la sécurité intérieure, et à deux mois dans celui de l'article L. 228-5. Dans les deux cas, le délai de saisine du juge sera fixé à un mois.

Enfin, le présent amendement introduit un nouvel article au sein du code de justice administrative pour prévoir des modalités selon lesquelles le tribunal administratif examine les recours en annulation formés contre les mesures individuelles de contrôle et de surveillance.

M. le président.  - Sous-amendement n°370 à l'amendement n° 226 du Gouvernement, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Amendement n° 226

I.  -  Alinéas 8 et 17, seconde phrase

Supprimer ces phrases.

II.  -  Alinéa 20

Remplacer les mots :

de deux

par les mots :

d'un

M. Éric Kerrouche.  - La modification introduite par la ministre prévoit une faculté dérogatoire, de dispense des conclusions du rapporteur public, qui doit être strictement encadrée. Le rapporteur public doit pouvoir présenter en toute indépendance son avis sur les requêtes présentées. Or la dérogation qui est ici étendue était destinée à certains contentieux de masse des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.

Le bien-fondé de la décision de renouvellement des mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance doit être explicite : le rapporteur public doit démontrer publiquement que les mesures de contraintes sont justifiées par la nécessité de sauvegarder l'ordre public.

Nous proposons aussi d'harmoniser les délais de jugement à un mois afin de respecter la jurisprudence du Conseil constitutionnel selon laquelle le juge administratif est tenu de statuer dans les plus brefs délais.

M. le président.  - Sous-amendement n°340 à l'amendement n° 226 du Gouvernement, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Amendement n° 226

I.  -  Alinéas 8 et 17

Compléter ces alinéas par les mots et une phrase ainsi rédigée :

, en présence de l'intéressé s'il en manifeste la volonté. Si ce dernier n'a pas fait l'objet d'un sauf-conduit délivré par le ministre de l'intérieur en raison de la menace pour la sécurité et l'ordre publics que constituerait un tel déplacement, il est représenté par un avocat.

II.  -  Alinéa 10

Remplacer les mots :

d'un

par les mots :

de deux

III.  -  Alinéa 11

Remplacer les mots :

d'un mois

par les mots :

de quinze jours

IV.  -  Alinéa 19

Supprimer cet alinéa.

V.  -  Alinéa 20

Remplacer les mots :

de deux

par les mots :

d'un

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ce sous-amendement vise à assurer la conformité à la Constitution du nouveau dispositif de recours contre les mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance (Micas), notamment au regard des décisions du Conseil constitutionnel du 16 février 2018 et du 29 mars 2018.

L'amendement n°226 du Gouvernement répond à l'ensemble des griefs du Conseil constitutionnel, sauf sur deux points, sur lesquels portent les modifications introduites par notre sous-amendement : le délai de saisine d'un mois - deux mois seraient préférables ; contrairement aux recommandations du Ceseda, il ne prévoit pas la possibilité pour l'intéressé d'être présent à l'audience. Nous imposons la présence du requérant, sauf lorsqu'un sauf-conduit ne pouvant être délivré par le ministère de l'Intérieur, sa représentation est alors assurée par un avocat.

Demande de retrait de l'amendement n°370 au profit du nôtre. Le rapporteur public peut toujours se faire représenter.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable au sous-amendement n°370. Le Gouvernement s'est inspiré de la procédure de contestation d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF) lorsque le demandeur d'asile est placé en détention. Une procédure de jugement de 72 heures laisse plus de temps au rapporteur public pour élaborer ses conclusions. Quant à l'harmonisation des délais de jugement à un mois, elle n'est pas souhaitable, car elle aurait un caractère restrictif des libertés.

La modification proposée dans le sous-amendement n°340 relève du domaine réglementaire. Si un laissez-passer n'a pas été délivré, le requérant pourra se faire représenter par un avocat. La jurisprudence du Conseil d'État indique que la délivrance d'un laisser-passer ne porte pas atteinte à l'article 6 de la CEDH.

Enfin, en matière de réduction des délais, l'équilibre trouvé par le Gouvernement apparaît adapté. Avis défavorable.

Le sous-amendement n°370 n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°340 est adopté.

L'amendement n°226,sous-amendé, accepté par la commission et sur lequel le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat, est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°228, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 25

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le chapitre IX du titre II du livre II du code de la sécurité intérieure est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article L. 229-1, après les mots : « la saisie » sont insérés les mots : « des documents et » ;

2° Au premier alinéa du I de l'article L. 229-4, après les mots : « des renseignements sur les » sont insérés les mots : « documents et » ;

3° L'article L. 229-5 est ainsi modifié :

a) Le I est ainsi modifié :

i au premier alinéa, après les mots : « révèle l'existence de » sont insérés les mots : « documents ou » ;

ii à la deuxième phrase du second alinéa, après les mots : « dresse l'inventaire des » sont insérés les mots : « documents et » ;

b) Le II est ainsi modifié :

i à la première phrase du premier alinéa, au troisième alinéa et à la première phrase du quatrième alinéa, les mots : « données saisies » sont remplacés par les mots : « documents et données saisis » ;

ii au sixième alinéa, après les mots : « sont détruites et les », sont insérés les mots : « documents et » ;

iii l'avant-dernier alinéa est ainsi modifié :

- à la première phrase, après les mots : « au présent article, » sont insérés les mots : « les documents, » ;

- au début de la deuxième phrase, sont ajoutés les mots : « Les documents ainsi que » ;

- à la même deuxième phrase, les mots : « à la copie » sont remplacés par les mots : « à leur copie ou à celles » et les mots : « l'exploitation » sont remplacés par les mots : « leur exploitation ou celle » ;

- au début de la dernière phrase, les mots : « Les données copiées » sont remplacés par les mots : « Les copies des documents ou des données ».

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Conseil constitutionnel a partiellement censuré la possibilité de procéder à la saisie des objets et documents autres que les données figurant dans des supports numériques, au motif qu'en l'absence de garanties encadrant leur exploitation, conservation et restitution, les dispositions en cause méconnaissaient le droit de propriété. Contrairement au régime prévu en matière de saisie et conservation de données figurant dans les supports numériques, calqué sur celui créé dans la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, la saisie des autres documents et objets n'obéissait à aucune formalité particulière.

Cet amendement étend le régime procédural prévu pour la saisie et la conservation de données informatiques à la saisie des documents. Cet encadrement répond aux exigences du Conseil constitutionnel.

La saisie de documents, rédigés en langue étrangère ou volumineux, autres que les données informatiques, peut être nécessaire, notamment s'il est impossible de les exploiter sur place.

M. François-Noël Buffet.  - Avis favorable.

L'amendement n°228 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°227, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 25

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa des articles L. 285-1, L. 286-1, L. 287-1 et L. 288-1 du code de la sécurité intérieure, la référence : « loi n°2017-1510 du 30 octobre 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme » est remplacée par la référence : « loi n° ..... du ..... de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice ».

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement rend applicables en outre-mer les dispositions résultant des amendements nos226 et 228.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°227 est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°290 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux, Vall et Dantec.

Avant l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 15-3 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « La possibilité de déposer plainte par voie électronique ne peut faire obstacle au dépôt d'une plainte en commissariat ou gendarmerie. »

Mme Josiane Costes.  - Cet amendement précise l'interdiction pour les forces de l'ordre en charge du recueil des plaintes dans les services de police nationale et dans les unités de gendarmerie nationale de refuser le dépôt de plainte sur place, au motif que la victime pourrait porter plainte en ligne.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°290 rectifié, au profit de l'amendement n°121 de M. Bigot, plus synthétique.

Mme Josiane Costes.  - Je le retire.

L'amendement n°209 rectifié est retiré.

ARTICLE 26

Mme Marie-Pierre de la Gontrie .  - Le titre IV, entendant simplifier et renforcer l'efficacité de la procédure pénale, ne prétend à aucun renforcement des droits. Les mesures disparates et d'intérêt inégal qu'il contient relèvent d'une même volonté générale : elle consiste à accroître les pouvoirs du parquet, simplifie et réduit les garanties, constitue une forme de défiance du juge et ce faisant, rapproche notre système du modèle anglo-saxon. Nous sommes inquiets du déséquilibre, issu du bouleversement des procédures normales, sous couvert de simplification, entre les droits de la défense et l'accroissement des pouvoirs sans contrôle du parquet. L'extension de ceux-ci est considérable , avec la banalisation du recours à des techniques spéciales réservées à certains délits, ainsi que des procédures d'exception, la multiplication par deux de la durée de l'enquête de flagrance qui donne des possibilités exorbitantes, la multiplication des possibilités de perquisition...

La commission des lois a fort bien travaillé à supprimer des dispositions excessives ou préoccupantes, mais n'est pas allée assez loin, tant la simplification alléguée s'accompagne d'une limitation des libertés. Nous défendrons en conséquence des amendements renforçant les libertés et rééquilibrant les pouvoirs entre la personne poursuivie et le poursuivant.

L'amendement n°292 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°229, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement supprime l'interdiction de recourir à la plainte en ligne en cas de plaintes relatives à des crimes ou à des délits contre les personnes mentionnés au livre II du code pénal. Cette interdiction, qui a été ajoutée par la commission des lois, n'est pas justifiée.

Elle est contraire à l'objectif de simplification des démarches judiciaires des victimes que le Gouvernement veut mettre en place, en utilisant les ressources du numérique. Rien n'obligera une victime à déposer plainte en ligne.

S'il s'agit de faits graves ou exigeant une audition de la victime, la plainte en ligne sera nécessairement suivie de son audition par les enquêteurs.

Le texte de la commission empêcherait la mise en place, prévue dans les jours qui viennent, d'une plateforme sur les violences sexuelles qui facilitera et libèrera la parole des victimes. Il empêcherait également des plaintes en ligne pour des faits de cyberharcèlement.

Il ne faut pas craindre le numérique, mais au contraire faciliter son usage.

M. le président.  - Amendement identique n°291 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.

Mme Josiane Costes.  - Précisons l'interdiction pour les forces de l'ordre de refuser un dépôt de plainte, sous prétexte qu'un dépôt en ligne serait possible.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission des lois a restreint le champ de la plainte en ligne en excluant les crimes et délits contre les personnes.

Le contact avec un policier ou un gendarme est nécessaire en cas d'infractions physiques : utile à l'enquête, il favorise le recueil de premiers éléments.

Le Gouvernement peut-il préciser le champ d'application de la plainte en ligne ? Il serait excessif que toute infraction puisse faire l'objet d'une plainte en ligne.

Or le Gouvernement exclut les faits graves dans son amendement. L'étude d'impact relève qu'il est excessif de prévoir que n'importe quelle infraction puisse faire l'objet d'une plainte en ligne. Il nous semblait que la plainte en ligne concernerait d'abord des escroqueries en ligne et autres petites infractions.

Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - La procédure pénale comprend la défense et la protection des droits, notamment ceux de la victime.

La plainte en ligne est un outil qui facilite la vie des victimes, en offrant un contact rapide et en évitant aux victimes de se déplacer - notamment dans le cas de violences conjugales ou sexuelles.

C'est une autre voie d'accès au juge et une simple possibilité. Elle sera suivie d'un contact direct.

Nous posons dans ce texte un cadre général ; nous préciserons le champ d'application ensuite.

Mme Sophie Joissains.  - Madame la Garde des Sceaux, vous évoquez une possibilité, mais évidemment, les commissariats débordés renverront les gens chez eux. Telle est la réalité ! Votre propos est parfait théoriquement, mais en pratique, vous faciliterez ce renvoi. Or tout le monde ne maîtrise pas internet. Nous le voyons, dans les maisons de justice et du droit, nous ne disposons pas de suffisamment de personnel assermenté habilité à garder le secret professionnel pour aiguiller les gens qui se présentent. Dans beaucoup de régions règne un illettrisme numérique. Je crains que cette mesure ne crée un nouvel obstacle au recueil des plaintes.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Vos craintes sont infondées : l'article 15-3 du code de procédure pénale donne aux forces de l'ordre l'obligation de recueillir une plainte quand une personne se rend au commissariat.

Mme Sophie Joissains.  - C'est insuffisant.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Certes, tout le monde n'a pas internet chez soi ; mais avec la plainte en ligne, nous élargissons les possibilités offertes aux victimes de déposer plainte.

Mme Josiane Costes.  - Dans les commissariats, l'on demande aux personnes de déposer plutôt des mains courantes ; cette mesure élargit les possibilités pour les victimes de déposer plainte.

Les amendements identiques nos229 et 291 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°341, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

selon les mêmes modalités

par les mots :

, selon les modalités prévues par décret,

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement de précision rédactionnelle.

L'amendement n°341, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°293 rectifié bis, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Guérini et Guillaume, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux, Vall et Dantec.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Au moment du dépôt de plainte par voie électronique, les poursuites encourues en cas de dénonciation calomnieuse sont expressément mentionnées.

Mme Josiane Costes.  - Nous voulons mettre en garde contre une utilisation dévoyée et abusive, des plaintes en ligne. Nous proposons donc d'informer les utilisateurs des risques encourus en cas d'utilisation de ce service à des fins calomnieuses.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous avions demandé ce matin des rectifications qui ont été faites. Avis favorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - À titre personnel, je n'ai aucune objection à faire figurer une telle précision afin d'éviter les dépôts abusifs. Mais celle-ci appartient au domaine réglementaire. Avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Nous sommes défavorables à cet amendement. Une personne déposant plainte automatiquement menacée de dénonciation calomnieuse risque d'être découragée alors qu'on prétend l'encourager par ailleurs à faire une telle démarche. Ne l'effrayons pas !

L'amendement n°293 rectifié bis est adopté.

M. le président.  - Amendement n°121, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La plainte par voie électronique ne peut être imposée à la victime. »

Mme Laurence Harribey.  - La plainte par voie électronique ne peut être imposée à la victime.

Le développement du recours à la plainte en ligne correspond à l'extension du mouvement de dématérialisation des services publics, mais nous craignons qu'il serve de prétexte à des pratiques plus ou moins institutionnalisées de refus illicites de prise de plainte de la part de services de police et de gendarmerie soucieux de la présentation de leurs statistiques.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Cette plainte en ligne ne saurait être que facultative. L'article 15-5-3 du code de procédure pénale ne bouge pas !

Lorsqu'un procureur reçoit par écrit une plainte, il la renvoie aux unités de police judiciaire territorialement compétentes. Cette faculté est supplémentaire et ne remplace pas d'autres moyens. Mettons fin aux fantasmes !

L'amendement n°121 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°132, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

Mme Laurence Harribey.  - En imposant au tribunal correctionnel de renvoyer à une prochaine audience le jugement sur l'action civile lorsqu'il a statué sur l'action publique sans qu'il soit établi que la victime ait été avisée de la date d'audience, on porte atteinte aux droits des victimes. Comment le jugement peut-il intervenir à l'insu de la victime ?

Le tribunal est en outre autorisé à passer outre l'avis à victime lorsqu'il estime que sa présence n'est pas indispensable aux débats.

Les avis à victime étant une charge pour les greffes, il est à craindre un désinvestissement de fait. Et la pratique de renvoi systématique engorgera les formations en charge des intérêts civils !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement soulève une vraie difficulté sur le rôle de la victime et sa présence à l'audience correctionnelle. Avis favorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Notre objectif n'est nullement de priver la victime de sa participation au procès. La loi impose d'aviser la victime de l'audience par lettre simple ; à défaut, le dossier doit être renvoyé. Si la victime est absente à l'audience et qu'il n'est pas certain qu'elle ait reçu l'avis, le renvoi sur action civile lui évite de devoir intenter un procès civil pour être indemnisée.

Je veux bien retravailler la rédaction dans le cadre de la navette, par exemple en transformant l'obligation de renvoi en simple possibilité. Mais ne supprimez pas une mesure favorable aux victimes.

L'amendement n°132 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°131, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

Mme Laurence Harribey.  - La possibilité pour la victime de se constituer partie civile devant le tribunal correctionnel par voie électronique est un ajout bienvenu. Néanmoins, il est impératif de prévoir un délai pour que la défense en prenne connaissance et soit en mesure d'y répondre.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. La constitution de partie civile par voie électronique est recevable dès lors qu'elle est reçue avant les réquisitions du procureur de la République. C'est une avancée.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons. Cette mesure est très favorable aux victimes.

M. Jacques Bigot.  - Le sujet est délicat. J'entends le rapporteur. Le tribunal pourra recevoir la constitution de partie civile le jour même de l'audience. Il faut permettre au prévenu et à son avocat d'en prendre connaissance et d'y répondre. Reste que la rédaction de l'amendement est peut-être trop exigeante. Sans doute devrions-nous le retirer.

Mme Laurence Harribey.  - Soit. C'est une réelle avancée, mais qu'il faudra sécuriser.

L'amendement n°131 est retiré.

L'article 26, modifié, est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°99 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon, Fouché et Panunzi, Mme Giudicelli, M. Grosdidier, Mme Vermeillet, MM. Meurant et Paccaud, Mme Lherbier et MM. Laménie, Mandelli, Sol, Houpert et Revet.

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'article 370 est ainsi rédigé :

« Art. 370.  -  Après avoir prononcé l'arrêt, le président avertit, s'il y a lieu, l'accusé et la partie civile de la faculté qui leur est accordée, selon les cas, d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation et leur fait connaître le délai d'appel ou de pourvoi. » ;

2° Le 4° de l'article 380-2 est complété par les mots : « ou en cas d'acquittement de l'accusé » ;

3° L'article 380-3 est complété par une phrase ainsi rédigée : « La cour d'assises statuant en appel sur l'action publique peut, sur le seul appel de la partie civile, soit confirmer le jugement, soit l'infirmer en tout ou partie dans un sens défavorable à l'accusé. » ;

4° Après l'article 380-11, il est inséré un article 380-11-... ainsi rédigé :

« Art. 380-11-...  -  La partie civile peut se désister de son appel jusqu'à l'interrogatoire de l'accusé par le président prévu par l'article 272. »

M. Henri Leroy.  - Nous créons un droit d'appel pour les victimes en cas d'acquittement du criminel par la cour d'assises. C'est en effet un second traumatisme pour la victime qui passe, aux yeux de la société, pour une menteuse. Imaginez sa détresse quand le ministère public, qui a requis une très lourde peine, ne fait pas appel de l'acquittement !

Claude Mathon, avocat général près la Cour de cassation, estime que le droit d'appel de la victime en cas de relaxe ou d'acquittement constituerait une mise en cohérence de notre système juridique.

M. le président.  - Amendement n°98 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon, Fouché et Panunzi, Mme Giudicelli, M. Grosdidier, Mme Vermeillet, MM. Paccaud et Meurant, Mme Lherbier et MM. Laménie, Mandelli, Sol, Houpert, D. Laurent et Revet.

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'article 485 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Après avoir lu le jugement, le président ou l'un des juges avertit, s'il y a lieu, le prévenu et la partie civile de la faculté qui leur est accordée, selon les cas, d'interjeter appel ou de se pourvoir en cassation et leur fait connaître le délai d'appel ou de pourvoi. » ;

2° Le 3° de l'article 497 est ainsi rédigé :

« 3° À la partie civile, quant à ses intérêts civils ou en cas de relaxe du prévenu ; »

3° Le deuxième alinéa de l'article 515 est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La cour peut, statuant sur l'action publique sur le seul appel de la partie civile, soit confirmer le jugement, soit l'infirmer en tout ou partie dans un sens défavorable au prévenu.

« La cour ne peut, sur le seul appel du prévenu, du civilement responsable, de l'assureur de l'une de ces personnes ou de la partie civile quant à ses intérêts civils, aggraver le sort de l'appelant. »

M. Henri Leroy.  - Il est défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements. Cette question revient régulièrement, mais une telle mesure serait contraire à la tradition de notre justice pénale.

C'est le ministère public qui poursuit, demande la sanction et requiert à l'audience. La victime est présente pour obtenir réparation civile de son dommage. La possibilité d'appel n'est ouverte qu'au procureur de la République ou au condamné lui-même.

Si ce droit était étendu à la victime, nous nous approcherions d'une justice privée. Nous ne pouvons prendre ce risque.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis défavorable. Vous proposez une véritable révolution juridique ! L'article premier du code de procédure pénale donne à la victime le droit de mettre en mouvement l'action publique mais son exercice relève du seul magistrat du parquet.

Comment imaginer que la victime puisse faire appel d'un acquittement quand le ministère public le juge inutile ? En matière d'assises, ce droit est réservé au seul procureur général. L'appel doit être interjeté avec beaucoup de discernement ; on ne peut donner un tel pouvoir à la victime.

M. Henri Leroy.  - Je regrette la position de la commission des lois sur ce sujet d'actualité et retire mes amendements.

L'amendement n°99 rectifié bis est retiré, ainsi que l'amendement n°98 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié bis, présenté par Mmes Micouleau et Di Folco, MM. Le Gleut, Mouiller et Lefèvre, Mmes Garriaud-Maylam et L. Darcos, MM. Schmitz et Danesi, Mme Deromedi, M. Kern, Mmes Delmont-Koropoulis et Sollogoub, MM. Panunzi, Louault et Henno, Mme N. Delattre, MM. Longuet, Cambon et Dallier, Mmes Deroche, Vullien et Procaccia, M. Chasseing, Mme Goy-Chavent, MM. A. Marc, Vogel, Maurey, Savin, Mandelli, Charon, Decool et Détraigne, Mme Berthet, M. Laménie, Mme Jouve, MM. Bonne, Sido, Bazin et Grand, Mme Puissat, MM. Daubresse, H. Leroy, Cardoux, Houpert, Chaize, Kennel, Savary et Bouchet, Mme Gruny, MM. J.M. Boyer, Karoutchi et Brisson et Mmes Bonfanti-Dossat, Imbert, Lamure et A.M. Bertrand.

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le titre XXI du livre IV du code de procédure pénale est ainsi modifié : 

1° L'intitulé est complété par les mots : « et de certaines victimes » ;

2° Après l'article 706-63, il est inséré un article 706-63-... ainsi rédigé :

« Art. 706-63-...  -  Lorsque qu'une personne dépositaire de l'autorité publique ou chargée d'une mission de service public est victime, dans l'exercice de ses fonctions, de faits susceptibles de recevoir une qualification délictuelle ou criminelle, elle peut déposer plainte de façon anonyme. Le procès-verbal doit alors comporter, de façon précise, la fonction et le grade éventuel de cette personne, qui est assistée, tout au long de la procédure par un autre membre de son administration, qui signe les procès-verbaux en ses lieux et place.

« L'identité et l'adresse du plaignant sont inscrites dans un procès-verbal signé par l'intéressé, qui est versé dans un dossier distinct du dossier de la procédure. Elles sont également inscrites sur un registre côté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au tribunal de grande instance.

« La personne peut se constituer partie civile et solliciter des dommages et intérêts après avoir constitué avocat. Les sommes allouées seront dues à l'avocat, à charge pour lui de les restituer à son client. »

Mme Brigitte Micouleau.  - Nombre d'agents publics agressés dans le cadre de leur mission renoncent à déposer plainte en leur nom, de crainte de représailles. Le code de procédure pénale organise la protection des témoins mais rien n'existe pour les victimes qui ne souhaitent pas révéler leur identité. Cela n'incite pas à déposer plainte.

Cet amendement permet à l'administration de faire écran entre l'auteur des faits et son agent afin de préserver son anonymat.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Policiers et gendarmes, mais aussi enseignants ou agents hospitaliers sont victimes d'agressions dans le cadre de leurs fonctions. Mais l'anonymat se heurte aux exigences de la procédure pénale. Comment organiser une confrontation, par exemple ? En tout état de cause, il sera aisé de deviner qui a déposé plainte... Votre solution n'est guère opérationnelle. Il existe d'autres manières de protéger les victimes - interdiction de paraître dans certains lieux, d'entrer en contact avec la personne, détention provisoire... Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement me paraît pour partie excessif et pour partie satisfait. La qualité de victime est difficilement compatible avec l'anonymat dès lors que l'on demande l'exercice d'un droit.

En outre, aux termes de l'article 15-4 du code de procédure pénale, les enquêteurs peuvent être identifiés dans les procès-verbaux d'enquête par un numéro ; ils peuvent conserver ce mode d'identification s'ils se constituent partie civile. Retrait ou avis défavorable.

Mme Brigitte Micouleau.  - Je maintiens cet amendement.

L'amendement n°70 rectifié bis n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°103 rectifié ter, présenté par MM. H. Leroy, Retailleau, Charon, Joyandet et Fouché, Mme Giudicelli, MM. Panunzi, Grosdidier et Meurant, Mme Vermeillet, MM. Paccaud, Laménie, Bonhomme, Cardoux et Mandelli, Mmes A.M. Bertrand et Deromedi et MM. Sol, Houpert et Revet.

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 3° du IV de l'article 707 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« 3° D'être informée, si elle le souhaite, des modalités d'exécution d'une peine privative de liberté, notamment les conditions de sortie d'incarcération, dans les cas et conditions prévus au présent code ; ».

M. Henri Leroy.  - Nous créons un système moderne d'information post-sentencielle des victimes d'agression, sur le modèle américain. Cela améliorerait l'information et la protection des victimes, simplifierait les textes et allégerait les coûts, en permettant à une victime de connaitre le statut carcéral de son agresseur pratiquement en temps réel.

Les mesures d'aménagement de peine ne sont pas toujours assorties d'une interdiction d'entrer en relation avec la victime ou la partie civile. Au regard du risque de récidive, la victime doit pouvoir être automatiquement informée des conditions de sortie du condamné.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable, d'autant que l'amendement a été rectifié. Il élargit le droit à l'information des victimes, prévu à l'article 707 du code pénal ; les permissions de sortie seront notamment visées.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Cette modification paraît excessive. L'article 712-16-2 du code de procédure pénale prévoit déjà, dans certains cas, l'information de la victime en cas de libération du condamné. S'il y a un risque, notamment en cas d'infractions sexuelles ou de violences graves, les juridictions de l'application des peines assortissent la libération d'une interdiction d'entrer en relation avec la victime.

La victime est avisée de la libération du condamné et de cette interdiction de contact. Ces dispositions sont suffisantes.

L'amendement n°103 rectifié ter est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°101 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon, Panunzi et Grosdidier, Mmes Giudicelli et Vermeillet, MM. Meurant, Paccaud, Laménie et Mandelli, Mme Deromedi et MM. Sol, Houpert et Revet.

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le livre V du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° L'article 712-6 est ainsi modifié :

a) La première phrase du premier alinéa est complétée par les mots : « , de même que celles de la partie civile ou de son avocat » ;

b) Au deuxième alinéa, après le mot : « avocat », sont insérés les mots : « , de même que celui de la partie civile ou de son avocat » ;

2° La première phrase du second alinéa de l'article 712-7 est complétée par les mots : « , de même que celles de la partie civile ou de son avocat » ;

3° La première phrase du premier alinéa de l'article 712-13 est complétée par les mots : « ainsi que, le cas échéant, celles de l'avocat de la partie civile » ;

4° Le troisième alinéa de l'article 712-16-1 est ainsi rédigé :

« Les juridictions de l'application des peines informent, avant toute décision, la victime ou la partie civile, directement ou par l'intermédiaire de son avocat, qu'elle peut présenter ses observations par écrit dans un délai de quinze jours à compter de la notification de cette information. Elles informent également la partie civile qu'elle peut demander, dans ce même délai, à être présente ou représentée lors du débat contradictoire prévu aux articles 712-6, 712-7 et 712-13. Le présent alinéa n'est pas applicable lorsque la victime ou la partie civile, directement ou par l'intermédiaire de son avocat, a expressément demandé à ne pas être informée des mesures d'aménagement de peine visant le condamné. » ;

5° L'avant-dernier alinéa de l'article 730 est supprimé.

M. Henri Leroy.  - Parce que sa protection comme sa reconstruction psychologique passent par l'exécution complète de la peine, la victime doit pouvoir être présente ou représentée lors de toute décision de libération anticipée du condamné.

Cet amendement rétablit la faculté pour l'avocat de la victime de s'exprimer sur les décisions d'allégement et d'aménagement de peine, introduite en 2005 et supprimée en 2009.

L'avocat de la partie civile doit aussi pouvoir faire valoir ses observations lors du débat contradictoire dans le cadre de l'appel des décisions du juge de l'application des peines (JAP).

M. le président.  - Amendement n°100 rectifié bis, présenté par MM. H. Leroy, Joyandet, Charon, Panunzi et Grosdidier, Mmes Vermeillet et Giudicelli, MM. Meurant, Paccaud, Laménie, Mandelli et Fouché, Mme Deromedi et MM. Sol, Houpert et Revet.

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa de l'article 712-11, après les mots : « et par le procureur général, » sont insérés les mots : « ainsi que par la partie civile » ;

2° L'article 712-12 est complété par les mots : « ainsi que celles de la partie civile ».

M. Henri Leroy.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements. Il appartient au JAP de décider des conditions de l'exécution de la peine. L'enjeu, pour renforcer la confiance dans l'institution judiciaire, c'est d'assurer l'exécution véritable et rapide des peines. Cela doit être notre ligne de force.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable aux deux amendements.

Les amendements nos101 rectifié bis et 100 rectifié bis sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°230, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 26

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.  -  Le chapitre VII du titre I du livre II du code de l'organisation judiciaire est ainsi modifié : 

1° Au début, est ajoutée une section 1 comprenant les articles L. 217-1 à L. 217-4 et intitulée : « Les parquets spécialisés près le tribunal de grande instance de Paris » ;

2° Est ajoutée une section 2 ainsi rédigée : 

« Section 2

« L'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme 

« Art. L. 217-5.  -  Le tribunal de grande instance de Paris a compétence exclusive pour connaître, en matière civile : 

« 1° Des demandes formées par les victimes mentionnées à l'article L. 126-1 du code des assurances contre le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d'autres infractions, après saisine de ce dernier et relatives :

« - à la reconnaissance de leur droit à indemnisation ;

« - au versement d'une provision ; 

« - à l'organisation d'une expertise judiciaire en cas de contestation de l'examen médical pratiqué en application de l'article L. 422-2 du code des assurances ou en cas de refus du fonds de garantie de désigner un médecin à cette fin ; 

« - à l'offre d'indemnisation qui leur est faite ;

« 2° Des recours subrogatoires du fonds de garantie en remboursement des indemnités ou provisions mentionnées au 1° ;

« 3° Des demandes formées contre toute personne, autre que le fonds de garantie, en réparation du dommage résultant d'un acte de terrorisme. »

II.  -  Le titre XV du livre II du code de procédure pénale est complété par des articles 706-16-1 et 706-16-2 ainsi rédigés :

« Art. 706-16-1.  - Lorsqu'elle est exercée devant les juridictions répressives, l'action civile portant sur une infraction qui constitue un acte de terrorisme ne peut avoir pour objet que de mettre en mouvement l'action publique ou de soutenir cette action. Elle ne peut tendre à la réparation du dommage causé par cette infraction. 

« L'action civile en réparation de ce dommage ne peut être exercée que devant une juridiction civile, séparément de l'action publique. L'article 5 n'est alors pas applicable.

« Lorsque la juridiction répressive est saisie d'une demande tendant à la réparation du dommage causé par cette infraction, elle renvoie l'affaire, par une décision non susceptible de recours, devant la juridiction civile compétente en application de l'article L. 217-5 du code de l'organisation judiciaire qui l'examine d'urgence selon une procédure simplifiée déterminée par décret en Conseil d'État.

« Art. 706-16-2.  - La juridiction civile compétente en application de l'article L. 217-5 du code de l'organisation judiciaire peut procéder ou faire procéder à toutes auditions et investigations utiles, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel. Elle peut notamment se faire communiquer, par le procureur de la République ou le juge d'instruction, copie des procès-verbaux constatant l'infraction ou de toutes autres pièces de la procédure pénale, même en cours.

« Elle peut également requérir :

« 1° De toute personne ou administration, la communication de renseignements sur la situation professionnelle, financière, fiscale ou sociale des personnes ayant à répondre du dommage causé par l'infraction ou du requérant ;

« 2° De tout service de l'État, collectivité publique, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales ou compagnies d'assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la communication des renseignements relatifs à l'exécution de leurs obligations éventuelles. 

« Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d'autres fins que l'instruction de la demande d'indemnité et leur divulgation est interdite. »

III.  -  Le code des assurances est ainsi modifié : 

1° Après l'article L. 422-1, il est inséré un article L. 422-1-1 ainsi rédigé : 

« Art. L. 422-1-1.  - Le fonds de garantie peut requérir de toute administration ou service de l'État et des collectivités publiques, organisme de sécurité sociale, organisme assurant la gestion des prestations sociales, établissements financiers ou entreprises d'assurance susceptibles de réparer tout ou partie du préjudice, la réunion et la communication des renseignements dont il dispose ou peut disposer et relatifs à l'exécution de ses obligations éventuelles, sans que ne puisse lui être opposé le secret professionnel. 

« Les renseignements ainsi recueillis ne peuvent être utilisés à d'autres fins que l'instruction du dossier d'indemnisation et leur divulgation est interdite. Les personnes qui ont à connaître des documents et informations fournis au fonds de garantie sont tenues au secret professionnel dans les conditions et sous les peines prévues aux articles 226-13 et 226-14 du code pénal. » ;

2° L'article L. 422-2 est ainsi modifié : 

a) Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé : 

« Pour procéder à l'examen médical de la victime mentionnée à l'article L. 126-1, le fonds de garantie choisit un médecin spécialisé en dommage corporel inscrit sur les listes des experts judiciaires dressées par les cours d'appel. » ;

b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé : 

« Le présent article s'applique lorsque la juridiction reconnaît le droit à indemnisation de la victime. En ce cas, le délai mentionné au troisième alinéa court à compter du jour où la décision de la juridiction est exécutoire. »

IV.  -  Le présent article, à l'exception du a du 2° du III, entre en vigueur le premier jour du mois suivant la publication de la présente loi. À cette date, les procédures en cours devant les juridictions civiles sont transférées en l'état au tribunal de grande instance de Paris.

Les affaires peuvent être renvoyées par la juridiction initialement saisie avant la date d'entrée en vigueur de cet article pour une audience postérieure à cette date devant le tribunal de grande instance de Paris.

Il n'y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus avant le transfert des procédures. Les parties sont informées par la juridiction antérieurement compétente qu'il leur appartient d'accomplir les actes de la procédure devant le tribunal de grande instance de Paris. Les archives et les minutes du secrétariat de la juridiction antérieurement compétente sont transférées au greffe du tribunal de grande instance de Paris.

Le a du 2° du III entre en vigueur le premier jour du douzième mois suivant la publication de la présente loi.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement important vise à accélérer l'indemnisation des victimes d'attentats terroristes, confrontées à un parcours procédural compliqué quand elles sollicitent réparation du préjudice subi. Le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme (FGTI), le juge d'instruction, le juge civil, la juridiction pénale de jugement interviennent tour à tour.

Cet amendement, qui découle des propositions de la mission confiée à Mme Chantal Bussière, propose de simplifier le parcours des victimes, d'accélérer l'indemnisation et de favoriser l'égalité de traitement dans le processus d'indemnisation. Le dispositif amiable assuré par le FGTI n'est pas remis en cause, mais nous y adossons un recours juridictionnel unifié. Des mesures réglementaires renforceront les garanties offertes aux victimes.

Un juge civil unique au tribunal de grande instance de Paris sera spécialisé dans l'indemnisation des victimes : le juge de l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme (Jivat). Nous n'éloignons pas les victimes de leur juge puisque le juge pénal compétent en matière de terrorisme est déjà à Paris, et suivons là une recommandation du Défenseur des droits.

Le traitement des demandes ne retardera plus l'information judiciaire et la tenue du procès, indispensable pour la reconstruction des victimes.

La compétence exclusive du Jivat aura pour corollaire l'incompétence de la juridiction pénale pour connaître de la réparation civile. Cela ne retire aucun droit aux victimes qui pourront se porter partie civile et conserveront l'accès aux actes de la procédure.

Il serait impensable que la parole des victimes ne puisse être portée devant le juge pénal.

L'indemnisation, décorrélée du procès pénal, sera bien plus rapide. Un juge unique garantit une égalité de traitement entre les victimes.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous nous sommes fortement interrogés sur l'opportunité de mettre en place le Jivat.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - En effet, nous avons hésité.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Mettons fin au suspense : l'avis est favorable.

Selon le droit en vigueur, les victimes d'actes terroristes disposent de dix ans pour demander une indemnisation de leur préjudice corporel auprès du FGTI. Les recours contre ses décisions sont formés devant le TGI de Créteil ou celui du lieu de l'attentat.

L'amendement du Gouvernement met fin à la compétence concurrente du juge civil et du juge pénal sur les demandes de réparation. Il rendra l'indemnisation plus lisible et plus efficace.

Certaines associations de victimes ou d'avocats s'inquiètent d'une perte de proximité. Pourtant, il existe déjà un lieu d'entrée unique, le FGTI à Vincennes. Et le TGI compétent n'est pas forcément le plus proche du domicile de la victime... Enfin, il est probable que le procès pénal se déroule à Paris.

Un pôle spécialisé dans la réparation des préjudices corporels existe déjà à Paris. Quant aux expertises médicales, elles peuvent se faire sans que la personne n'ait à se déplacer.

L'incompétence des juridictions pénales pour statuer sur les indemnisations nous semble opportune, car ce volet retarde le déroulement de l'information judiciaire. La déconnection entre les actions pénales et civiles désengorgera les chambres d'instruction.

En outre, la spécialisation du Jivat unifiera la jurisprudence.

Ce qui importe, c'est l'efficacité du dispositif afin qu'il apporte une réparation juste et rapide aux victimes. Nous veillerons à ce que l'accès au Jivat soit facilité.

M. Jacques Bigot.  - L'absence de corrélation entre l'indemnisation des victimes assurée par le FGTI et la procédure pénale est singulière. Ne nous leurrons pas : c'est bien le fonds qui indemnisera.

Cet amendement a été déposé il y a huit jours à peine. J'ai fait état, en commission, des réserves exprimées par des associations d'avocats.

Pour accélérer le processus d'indemnisation, il faudrait imposer au FGTI des délais stricts, à l'instar du code des assurances. Il faudrait aussi que ce juge spécialisé puisse intervenir selon une procédure particulière, sans assignation obligatoire. Attention aussi à l'uniformisation de la procédure, car chaque situation reste très individualisée : le préjudice professionnel, la perte de chances, nécessitent un processus d'évaluation personnalisé et long.

Cet amendement allant dans le sens de l'intérêt des victimes, nous le voterons, en regrettant la procédure accélérée et le dépôt tardif de l'amendement. Madame la Ministre, nous vous faisons confiance ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien.

M. Marc Daunis.  - Nous partageons la volonté d'accélérer une procédure d'une lenteur insoutenable. La ville de Nice a été durement atteinte. J'avais accompagné le président Hollande lors de son hommage aux victimes ; la nature même de leurs blessures était traumatisante, avec des corps brisés, fracassés. Comment expliquer aux victimes que l'indemnisation prendra autant de temps ? Madame la Ministre, je salue votre volonté de mettre fin à cette situation incompréhensible pour nos concitoyens. Malgré la procédure accélérée, nous devons franchir le pas et je voterai cet amendement.

M. Alain Fouché.  - Comme avocat, il m'est arrivé d'intervenir dans ce genre d'affaires. Les délais sont très longs. C'est intolérable pour les victimes. Cette proposition bienvenue accélérera la procédure. Saisissons-la. Cette mesure simplifiera les choses pour les victimes, passées et à venir - car il y aura d'autres attentats, quel que soit le ministre de l'Intérieur !

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Nous avons eu peu de temps pour étudier cette mesure. Nous vous ferons confiance, Madame la Ministre. Les expertises relèvent du domaine réglementaire. Je souhaite que les experts puissent être désignés au plus près des personnes concernées. Comment les forcer à se déplacer à Paris, après l'épreuve qu'elles ont subie ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Merci pour toutes ces observations, très pertinentes. Cette mesure figurait dans le texte initial ; je l'en avais retirée pour approfondir ma proposition en tenant compte des remarques du Conseil d'État. D'où ce dépôt tardif.

Il ne s'agit pas de me faire confiance, mais de porter remède à une situation incompréhensible pour beaucoup de victimes.

Le FGTI continuera de faire des offres de provision dans des délais courts ; le Jivat n'interviendra qu'en cas de recours. Le fonds de garantie est tenu, par le code des assurances, de verser une provision dans un délai d'un mois et de proposer une offre d'indemnisation globale dans un délai de trois mois.

Le pénal est alourdi par des demandes d'expertise liées à la réparation. Il en sera déchargé, ce qui accélérera le traitement des affaires au pénal. Les experts sont choisis sur les listes établies par les cours d'appel, localement.

Création du Jivat et Parquet national antiterroriste, nous proposons un dispositif cohérent, avec une spécialisation de toute la chaîne, au civil comme au pénal.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai rencontré beaucoup d'associations de victimes. La souffrance est extrême et la lenteur des procédures crée des révoltes.

Madame la Ministre, il est important de raccourcir les délais. Le corollaire du juge antiterroriste n'est pas évident. Si l'intention est effectivement d'aller plus vite, nous la saluons.

Comment, en tant que garde des sceaux, pouvez-vous accepter qu'un texte de cette ampleur soit présenté en procédure accélérée ? Il y a quinze ou vingt ans, cela aurait été inimaginable. (M. Philippe Bas, président de la commission, renchérit.)

Lorsqu'un amendement arrive au dernier moment sur un texte faisant l'objet d'une procédure accélérée, cela exclut toute possibilité d'y revenir au cours de la navette ; il ne pourra être modifié qu'en CMP. Sur un amendement tel que celui-là, j'aurais été tenté de demander un rapport ; je compte, à tout le moins, Madame la Garde des Sceaux, sur votre vigilance.

Depuis un an, le Gouvernement ne cesse de recourir à la procédure accélérée. Exception notable, la réforme constitutionnelle car cela n'est pas possible - quand bien même cela aurait été possible, je vous l'aurais déconseillé. (Sourires) Il serait bon que le Gouvernement, dont on ne sait pas quel sera le visage et pour combien de temps, entame une réflexion sur la procédure accélérée.

L'amendement n°230 est adopté et devient un article additionnel.

La séance, suspendue à 18 h 30, reprend à 18 h 45.

ARTICLE 27

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Alors que les professionnels de la justice civile ont eu le sentiment qu'un véritable dialogue s'était instauré avec vous, Madame la Garde des Sceaux ; sur la justice pénale, tout semble s'être passé ailleurs qu'à la Chancellerie au point que certains parlent d'un texte « Collomb-Molins ».

Cet article étend le recours à la géolocalisation et aux interceptions par voie de communications électroniques comme c'est déjà le cas en matière de criminalité et de délinquance organisées ; et ce, lors d'enquêtes préliminaires et de flagrance sur les crimes et délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement, soit la quasi-totalité des délits de droit commun. Dans leur rapport, Jacques Beaume et Frank Natali avaient estimé qu'il ne fallait pas retenir un seuil inférieur à cinq ans d'emprisonnement.

Alors que le législateur pouvait, à bon droit, s'interroger sur le maintien de ce dispositif ou, tout du moins, sur l'opportunité de l'encadrer, le Gouvernement propose l'inverse : banaliser l'utilisation de ces techniques. Ce recul net pour les libertés fondamentales n'est pas acceptable, même corrigé par les améliorations de la commission des lois.

M. le président.  - Amendement identique n°90, présenté par Mme Joissains.

Mme Sophie Joissains.  - Cet amendement est l'expression d'une colère légitime. La banalisation de ces techniques très intrusives annonce une société surveillée, une société de crainte, qui n'est pas celle de la République française. La commission des lois a proposé des avancées considérables ; entre autres, en limitant les pouvoirs du procureur. Pour que son texte soit examiné par l'Assemblée nationale, je retire mon amendement n°90 mais cela n'est pas de gaité de coeur.

L'amendement n°90 est retiré.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission des lois n'est pas hostile au principe même mais a souhaité encadrer les pouvoirs nouveaux du procureur de la République afin que les libertés des uns et des autres soient respectées. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Madame Joissains, je puis vous assurer que mon projet a été de construire un texte équilibré pour, d'un côté, assurer l'efficacité des enquêtes et, de l'autre, mettre en oeuvre un contrôle des droits et des libertés, avec des garanties.

L'extension du recours aux écoutes et à la géolocalisation est une demande du terrain. Lors des chantiers de la justice, j'ai entendu les demandes des policiers, des procureurs et des magistrats. Ce texte a été rédigé à la Chancellerie, et non place Beauvau.

Rien ne justifie que les écoutes téléphoniques soient autorisées au cours de l'enquête seulement pour des faits de délinquance ou de criminalité organisées. Lors des phases d'instruction, elles sont plus largement possibles. Les garanties seront identiques dans les deux cas : les écoutes seront autorisées par un magistrat du siège dont les fonctions sont spécialisées, c'est-à-dire soit le juge d'instruction soit le juge des libertés et de la détention. En revanche, une distinction est maintenue : la durée des écoutes sera plus courte pendant l'enquête que pendant l'instruction.

Les différences de seuil pour l'utilisation de la géolocalisation rendent nos textes de loi impraticables. Une harmonisation était nécessaire : ce sera trois ans.

Qu'on ne me parle pas d'atteintes aux libertés fondamentales quand ce projet de loi renforce le contrôle du juge des libertés et de la détention, désormais statutaire, qui peut ordonner la destruction des procès-verbaux s'il juge les écoutes illégales ; quand ce texte de loi réduit le temps durant lequel est mise en oeuvre la géolocalisation sur la seule autorisation du parquet, étant précisé que les parquetiers sont des magistrats indépendants, et non des affidés des forces de l'ordre !

M. François Bonhomme.  - Je souscris pleinement à vos propos, Madame la Ministre. Toutes les garanties ont effectivement été prises. Cette extension est plus que nécessaire. Il serait dommage de ne pas donner une base légale aux preuves recueillies par le moyen de ces techniques qui ont fait leurs preuves dans la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Ce sujet est l'un des plus sensibles du projet de loi. Un peu d'histoire : nous avons voté la première loi française sur les techniques de renseignement parce que celles-ci étaient de plus en plus intrusives et que le terrorisme s'emparait de l'actualité de notre pays dans les conditions tragiques que l'on sait. Cela nous a conduits à encadrer ces techniques de renseignement, utiles à la détection des groupes terroristes.

Les attentats terroristes s'étant multipliés, nous avons jugé opportun de donner au juge d'instruction et au procureur les moyens dont disposaient les enquêteurs par la loi du 3 juin 2016. Le Sénat était aux avant-postes mais il s'agissait de terrorisme et de grande criminalité. Aujourd'hui, le Gouvernement nous propose un saut considérable. L'intervention du juge des libertés et de la détention ? Les représentants des JLD nous disent ne pas être en mesure d'exercer un contrôle utile. Il ne suffit pas d'inscrire dans la loi des garanties formelles pour qu'elles se traduisent dans la réalité par des protections suffisantes.

Le Sénat de la République, garant des libertés, fidèle à ses traditions, a la responsabilité de rétablir un équilibre : oui à davantage de moyens pour lutter contre l'insécurité à condition qu'ils soient assortis de limites dignes de notre tradition républicaine.

M. Alain Fouché.  - Très bien !

L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°133, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 1 à 11, 13 à 21, 29 et 32 

Supprimer ces alinéas.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Cet amendement se place dans le droit fil de ce débat, comme l'a très bien dit le président Bas : la proposition du Gouvernement nous fait faire un bond considérable dans le déséquilibre entre les droits qui peuvent être donnés à ceux qui s'organisent pour poursuivre les infractions et les libertés. Cela n'a rien de surprenant. Vous poursuivez, Madame la Ministre, la politique pénale qui a été menée depuis la fin de l'état d'urgence : intégrer dans le droit commun un régime d'exception.

Interceptions, enregistrements, géolocalisation représentent des atteintes graves à la vie privée, le principe de proportionnalité doit nous guider. La commission des lois a apporté des améliorations au texte que nous complétons par cet amendement.

M. le président.  - Amendement n°231, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 2, première phrase

Remplacer le mot :

cinq

par le mot :

trois

II.  -  Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« En cas d'urgence résultant d'un risque imminent de dépérissement des preuves ou d'atteinte grave aux personnes ou aux biens, l'autorisation mentionnée au présent article peut être délivrée par le procureur de la République. Cette autorisation doit être confirmée par le juge des libertés et de la détention dans un délai maximal de vingt-quatre heures. À défaut, il est mis fin à l'opération, les données ou correspondances recueillies sont placées sous scellés fermés et elles ne peuvent pas être exploitées ou utilisées dans la procédure. »

III.  -  Alinéas 25, 26, 27, 30 et 31

Supprimer ces alinéas.

IV.  -  Alinéa 33

Rétablir le VII dans la rédaction suivante :

VII.  - À l'article 67 bis-2 du code des douanes, les mots : « cinq ans » sont remplacés par les mots : « trois ans ».

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - La commission des lois a profondément remanié cet article. Certaines de ses modifications sont tout à fait justifiées, notamment l'exigence d'une décision motivée par référence aux éléments de fait et de droit justifiant que les opérations sont nécessaires.

En revanche, nous souhaitons maintenir le seuil de peine encourue de trois ans pour les interceptions de communication réalisées lors d'une enquête de flagrance ou en préliminaire, à la place de celui de cinq ans retenu par la commission. En effet, ces écoutes doivent pouvoir être réalisées lors d'enquêtes menées pour des infractions telles que la soustraction d'un mineur par un parent, des vols ou des abus de confiance portant sur des sommes très importantes, sans qu'il soit nécessaire d'ouvrir une information qui viendra inutilement encombrer les cabinets des juges d'instruction.

Il convient également de rétablir la possibilité en cas d'urgence de mettre en place des interceptions sur la seule autorisation du procureur de la République, à condition qu'elle soit validée a posteriori dans les 24 heures par le juge des libertés et de la détention. Il est, en effet, des hypothèses dans lesquelles il y a urgence à mettre un suspect sur écoute, notamment pour retrouver une victime enlevée.

Concernant la géolocalisation, réduire la durée de la mesure autorisée par le juge des libertés et de la détention et doubler, pour la poursuite d'une géolocalisation en urgence, l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction d'une autorisation du juge des libertés et de la détention compliqueront les investigations.

Le président Bas a rappelé que le Sénat a adopté la loi de juillet 2015 sur le renseignement, qui a provoqué un choc. Elle a été validée quasi intégralement par le Conseil constitutionnel. Ici, il s'agit d'utiliser des techniques déjà en vigueur pour de la délinquance ordinaire. Il s'agit d'harmoniser leur usage, et non d'élargir les techniques de l'antiterrorisme. J'ai été étonnée, pour ne pas dire choquée, que le président Bas évoque l'absence de contrôle utile du JLD. Au nom de quoi ? Depuis la loi J21, le JLD est un juge statutaire, spécialisé dans le contrôle des libertés et de la détention. Comment peut-on dire que ce contrôle est purement formel ? De même, comment peut-on dire qu'il n'y a pas de garantie alors qu'il est écrit clairement à l'article 39-3 du code de procédure pénale que le procureur enquête à charge et à décharge ?

Enfin, les victimes car c'est d'elles dont nous devons nous préoccuper. De nombreuses affaires ont été résolues grâce à ces techniques d'interception et de géolocalisation : viols, meurtres mais aussi cambriolages ou escroqueries.

Notre projet de loi est volontairement et sciemment équilibré.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Les données ou correspondances recueillies ne peuvent être produites devant le juge des libertés et de la détention pour justifier rétroactivement de l'intérêt de cette mesure. »

Mme Esther Benbassa.  - L'utilisation massive et sans garde-fous de techniques relevant du renseignement contrevient au principe d'échelle des peines et représente une atteinte exceptionnellement grave aux libertés fondamentales.

Cet amendement précise que le matériel collecté ne pourra pas être produit devant le juge des libertés et de la détention pour justifier rétroactivement de l'intérêt de cette mesure.

M. le président.  - Amendement n°342, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéa 7

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

cinq

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement de cohérence harmonise le seuil retenu pour recourir aux interceptions judiciaires entre les enquêtes de flagrance et les enquêtes préliminaires.

L'amendement n°133 est contraire à la position de la commission des lois qui a substantiellement remanié l'article 27. Le recours à la géolocalisation est déjà autorisé pour certaines infractions punies de trois ans, il est difficile de revenir sur cet acquis. Rejet, sinon rejet.

Avis défavorable à l'amendement n°231 du Gouvernement qui veut revenir à sa rédaction initiale. Demander a posteriori au juge son avis sur la mise en oeuvre d'une technique d'enquête pose une vraie difficulté, chacun le comprendra. Le parquet ne présente pas les mêmes garanties que le siège. Quant aux mots du président Bas sur la difficulté d'un contrôle effectif par le JLD, il ne les a pas inventés ; il se faisait l'écho des représentants de ces juges. Le fait d'être des juges statutaires ne leur donne pas davantage de moyens pour exercer leur mission.

Avis défavorable à l'amendement n°27 car il ne s'insère pas dans le texte de la commission, lequel impose une autorisation préalable systématique.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable à l'ensemble des amendements.

M. Jacques Bigot.  - Nous ne pourrons pas voter l'amendement de la garde des Sceaux. Statutairement, le JLD est directement nommé mais, dans la pratique, il est également affecté à d'autres tâches et n'a ni cabinet ni greffe. Il n'y a pas d'équilibre entre le JLD, chargé du contrôle, et le procureur, doté de moyens pour mener une enquête. Le risque est grand que le premier suive le second, un second qui n'est pas encore totalement indépendant.

J'invite le Sénat à adopter notre amendement n°133. S'il n'était pas adopté, nous nous abstiendrons sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ayant été rapporteur du projet de loi sur le terrorisme, je sais que nous avons accru très sensiblement les moyens intrusifs donnés à la puissance publique. Cela a suscité des critiques, on nous a accusés d'être liberticides. Nous avons tenu bon car le terrorisme est la pire atteinte aux libertés fondamentales.

L'extension que vous proposez, Madame la Ministre, est trop importante. Le seuil de trois ans englobe la quasi-totalité des délits de droit commun. Les JLD nous disent eux-mêmes qu'ils n'ont pas la capacité de procéder aux vérifications et contrôles nécessaires. Soyons prudents.

Les juges du parquet sont des magistrats, la preuve en viendra dans la révision constitutionnelle ; espérons qu'elles ne soient pas minimales.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Si le législateur a donné une fonction statutaire au JLD dans la loi J21, c'est parce qu'il est de plus en plus sollicité. Cela n'exclut pas que le JLD prête son concours à telle ou telle tâche ; en revanche, il ne peut en aucun cas être déplacé par le président de juridiction. Son statut lui permet d'exercer un contrôle effectif.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Il ne s'agit pas de remettre en cause le JLD. Le fait qu'il soit statutaire garantit son indépendance, mais non les moyens pratiques et matériels dont il dispose pour remplir sa fonction. Et l'on sait combien il est sollicité aujourd'hui : pas un texte qui ne prévoie son intervention !

L'amendement n°133 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos231 et 27.

L'amendement n°342 est adopté.

L'article 27, modifié, est adopté.

ARTICLE 28

M. le président.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article étend le recours à l'enquête sous pseudonyme ou cyber-infiltration, limité jusqu'alors aux enquêtes en matière de criminalité et de délinquance organisées. Cette technique devrait rester le monopole des services spécialisés. Nous notons les améliorations apportées par la commission des lois mais continuons de réprouver cette atteinte au principe de la loyauté de la preuve.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable, l'amendement est contraire à la position de la commission.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°28 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°232, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 4

Supprimer les mots :

d'au moins trois ans

II. - Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

« L'autorisation prévue au 3°, qui peut être donnée par tout moyen, est mentionnée ou versée au dossier de la procédure.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - La procédure d'enquête sous pseudonyme autorise les enquêteurs à communiquer avec des suspects sur internet sans révéler leur identité. Introduite en 2007 dans les enquêtes sur les crimes pédopornographiques, elle a été élargie. Les réformes successives ont été inscrites dans le code pénal sans harmonisation. D'où mon amendement, qui unifie les procédures.

Le Gouvernement souhaite maintenir le principe selon lequel l'autorisation du magistrat pour acquérir tout contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicites, ou transmettre en réponse à une demande expresse des contenus illicites, peut être donnée par tout moyen. Prévoir une décision écrite et motivée du magistrat alourdit inutilement la procédure.

Nous ne souhaitons pas restreindre la procédure d'enquête sous pseudonyme aux délits punis d'au moins trois ans d'emprisonnement. L'extension à l'ensemble des délits punis d'une peine d'emprisonnement tire les conséquences du développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi que de l'importance prise par ces services dans la vie économique de notre pays. Le critère de l'emprisonnement encouru n'est pas disproportionné puisque cette technique d'enquête ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée dès lors que les contenus mis sur internet l'ont été par les auteurs des infractions eux-mêmes. Enfin, la restriction proposée par la commission serait un recul par rapport au droit actuel, par exemple dans les affaires d'acquisition ou consultation d'image pédopornographique, délit puni d'une peine de deux ans d'emprisonnement.

La proposition de la commission des lois serait un retour en arrière.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission des lois souhaite que l'élargissement en termes d'infiltration reste raisonnable.

Mme Laurence Harribey.  - Cette technique d'enquête sous pseudonyme ne peut être efficace que si elle est exécutée par des agents dûment formés. Nous avions déposé un amendement de suppression. Les garanties apportées par la suite nous ont convaincus que les risques restaient limités. L'objectif de clarification est justifié et la proposition de la commission des lois est équilibrée. Nous la suivons.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Les personnes qui effectuent ces enquêtes sont des cyberpatrouilleurs spécifiquement formés.

L'autorisation du procureur est systématiquement requise. Nous renforçons donc les garanties.

Enfin, l'amendement de la commission des lois est un retour en arrière qui empêcherait de recourir à des enquêtes sous pseudonyme, y compris même dans le domaine de la cyberpédopornographie.

L'amendement n°232 n'est pas adopté.

L'article 28 est adopté.

ARTICLE 29

M. le président.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article unifie le régime juridique applicable aux techniques spéciales d'enquête de sonorisation, de captation d'images, de recueil des données techniques de connexion et de captation de données informatiques. Dans sa version initiale, il ouvrait également la possibilité de recourir à ces techniques spéciales d'enquête pour les crimes, et plus seulement lors d'infractions relevant de la criminalité et de la délinquance organisées. La commission des lois est revenue sur cette extension, mais l'article introduit dans le droit commun des dispositions relevant d'un régime d'exception.

Ces techniques spéciales d'enquête pourront être mises en oeuvre au-delà du périmètre autorisé par le magistrat dans son autorisation d'utilisation. Cela est particulièrement attentatoire aux libertés fondamentales.

Cet amendement tend donc à supprimer cet article.

M. le président.  - Amendement identique n°91, présenté par Mme Joissains.

Mme Sophie Joissains.  - Je le retire. Néanmoins, Madame la Ministre, lorsque vous élargissez les techniques d'investigation à des niveaux aussi bas, vous procédez à l'envers. Si les actes que vous citez liés à de la pédopornographie ne sont punis que de deux ans d'emprisonnement, c'est un problème : il faudrait les punir plus lourdement ! (Mme Annick Billon approuve.)

L'amendement n°91 est retiré.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement n°29 rectifié.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°29 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°233, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I.  -  L'intitulé du titre XXV du livre IV du code de procédure pénale est complété par les mots : « , et aux crimes ».

II.  -  Alinéa 4

Rétablir le 2° dans la rédaction suivante :

2° À la première phrase des articles 706-95-1 et 706-95-2, après le mot : « relative », sont insérés les mots : « à un crime ou » ;

III.  -  Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

IV.  -  Alinéa 12

Après le mot :

relatives

insérer les mots :

à un crime ou

IV.  -  Alinéa 18

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le juge des libertés et de la détention est informé sans délai par le procureur de la République des actes accomplis. Les procès-verbaux dressés en exécution de sa décision lui sont communiqués.

V.  -  Alinéa 21

Après le mot :

personnes

insérer les mots :

ou aux biens

VI.  -  Alinéa 23

Compléter cet alinéa par les mots :

sans avis préalable du procureur de la République

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement maintient l'extension de certaines techniques spéciales d'enquête à tous les crimes, et plus seulement aux seules infractions qui relèvent de la criminalité et la délinquance organisées. La particulière gravité des infractions que le législateur qualifie de crimes, qui sont punis d'au moins quinze ans de réclusion criminelle, justifie que ces techniques puissent être utilisées pour rechercher leurs auteurs, qu'il s'agisse d'assassinats, d'une série d'homicides ou de viols et encore d'enlèvements, notamment de mineurs. L'impossibilité actuelle d'y recourir dès les premières heures de l'enquête prive les enquêteurs de moyens pour orienter les recherches, privilégier ou écarter rapidement certaines hypothèses d'enquête.

Nous souhaitons aussi supprimer la durée maximale de vingt-quatre heures pour la captation de données stockées, qui ne s'effectue pas dans la durée et qui opère une confusion avec la captation de données informatiques qui peut quant à elle s'inscrire dans la durée puisqu'il s'agit d'intercepter un flux de données.

Nous voulons supprimer l'information directe du juge des libertés et de la détention sans passer par le procureur de la République, qui conduit à transformer le juge des libertés et de la détention en un juge de l'enquête, alors que la mission du procureur de la République est pourtant de diriger la police judiciaire.

Nous souhaitons supprimer la restriction de la procédure d'urgence aux seules atteintes graves aux personnes, alors que ce régime de l'urgence apparaît également nécessaire pour certaines atteintes graves aux biens, en particulier les vols en bande organisée. Cela constitue un recul par rapport au droit existant.

Enfin nous voulons rétablir la possibilité, pour le juge d'instruction, de se dispenser de l'avis du procureur de la République en cas d'urgence.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

L'amendement n°233 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°113, présenté par Mme Joissains.

I.  -  Alinéa 16, seconde phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Elle est susceptible de recours devant la chambre de l'instruction dans les conditions prévues aux articles 185 et 186.

II.  -  Après l'alinéa 68

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  À la fin du premier alinéa de l'article 186 du code de procédure pénale, les références : « 181 et 696-70 » sont remplacées par les références : « 181, 696-70 et 706-95-13 ».

Mme Sophie Joissains.  - Ces techniques sont intrusives et dangereuses. C'est un minimum que leur autorisation fasse l'objet d'un recours devant la chambre de l'instruction.

Nous sommes en démocratie, mais imaginez que demain, un dictateur arrive au pouvoir...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Par définition, ces techniques d'enquête ne sont pas contradictoires, il faut pouvoir les déployer sans en informer la personne soupçonnée, ou bien elles perdent tout intérêt.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Ces techniques doivent être mises en oeuvre à l'insu de la personne qu'elles visent. Toute autre solution n'a pas de sens. La décision de les déclencher est prise par un juge. Et les éléments issus de cette enquête pourront faire l'objet d'un recours en nullité. Toutes les garanties sont en place. Le JLD aura aussi la possibilité de détruire les procès-verbaux et les enregistrements s'ils sont irréguliers, sans attendre le recours.

L'amendement n°113 n'est pas adopté.

Mme Gisèle Jourda.  - Le groupe socialiste voulait initialement supprimer cet article. La commission des lois a apporté des garanties bienvenues, dont l'exigence d'une autorisation écrite et motivée par le juge ou l'interdiction de conserver des séquences relatives à la vie privée, lorsqu'elles sont étrangères à l'injonction. Nous suivrons donc la commission des lois.

L'article 29 est adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°73 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Henno et Daubresse, Mme Renaud-Garabedian, M. Pellevat, Mme N. Goulet, MM. Longeot, Charon, Perrin, Raison et Lefèvre, Mmes Lassarade et Billon, MM. Kern, Bazin et Mandelli, Mme M. Mercier, MM. Kennel, Milon et Dufaut, Mmes Deromedi et Gruny, MM. Grand et Huré, Mme Deseyne, MM. Courtial et Moga, Mme Imbert, MM. Laménie et Sido, Mmes A.M. Bertrand et Lamure et MM. Duplomb, J.M. Boyer et Houpert.

Après l'article 29

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le titre XXI bis du livre IV du code de procédure pénale, il est inséré par un titre ainsi rédigé :

« Titre ...

« De la protection des interprètes et traducteurs

« Art. 706-63-3.  -  Les interprètes et traducteurs peuvent, sur autorisation du procureur de la République, du juge d'instruction ou du président de la formation de jugement déclarer comme domicile l'adresse de la juridiction devant ou au profit de laquelle ils interviennent.

« L'adresse professionnelle de ces personnes est alors inscrite sur un registre coté et paraphé, qui est ouvert à cet effet au siège de la juridiction.

« Art. 706-63-4.  -  En cas de procédure portant sur un crime ou sur un délit puni d'au moins trois ans d'emprisonnement, lorsque l'exercice de sa mission est susceptible de mettre en danger la vie ou l'intégrité physique de l'interprète ou du traducteur, des membres de sa famille ou de ses proches, le procureur de la République, le juge d'instruction ou le président de la formation de jugement, peuvent, par décision motivée, autoriser que la mission soit exercée sans que son identité apparaisse dans le dossier de la procédure ou ne soit dévoilée lors de l'audience. Cette décision n'est pas susceptible de recours.

« L'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction est jointe à la procédure. La décision du président de la formation de jugement figure au jugement. L'identité et l'adresse de l'interprète ou du traducteur sont inscrites sur un registre coté et paraphé, ouvert à cet effet au siège de la juridiction.

« Lorsqu'une nécessité impérieuse le justifie, l'interprète est placé dans un box ou derrière tout dispositif lui permettant d'être dissimulé au regard du public, des parties civiles ou des personnes mises en cause, mises en examen, prévenues, accusées ou condamnées.

« Art. 706-63-5.  -  En aucune circonstance, l'identité ou l'adresse de l'interprète ou du traducteur ayant bénéficié des dispositions des articles 706-63-3 et 706-63-4 ne peut être révélée.

« La révélation de l'identité ou de l'adresse d'un interprète ou d'un traducteur, ayant bénéficié des dispositions des articles 706-63-3 et 706-63-4 est punie de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende.

« Art. 706-63-6.  -  Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent titre. »

M. André Reichardt.  - Cet amendement instaure une procédure d'interprétariat sous X, sur le modèle du témoignage sous X. Des difficultés particulières se posent avec les langues rares. Les interprètes étant peu nombreux et généralement connus dans les communautés, ils font régulièrement l'objet de pressions et de menaces de mort sur eux-mêmes ou leur famille.

Cet amendement reprend une disposition qui avait déjà été adoptée par le Sénat lors de l'examen de la proposition de loi tendant à renforcer l'efficacité de la justice pénale en janvier 2017.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission des lois s'est interrogée sur les objectifs de l'amendement et sa faisabilité. Comment dissimuler un interprète derrière un box ? Cela ne rallongerait-il pas les délais ? Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Votre amendement ne constitue pas une mesure de simplification et cette protection n'apparaît pas nécessaire. Que le témoin bénéficie d'une protection soit, car il apporte des éléments de preuve, ce qui n'est pas le cas de l'interprète. Le traducteur n'est pas tenu, par le code de procédure pénale, de déclarer son adresse. Mais il intervient souvent dans le cadre d'une audience publique, ce qui limite l'anonymat.

L'amendement n°73 rectifié n'est pas adopté.