Débat sur la scolarisation des enfants en situation de handicap

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la scolarisation des enfants en situation de handicap.

Mme Annick Billon, au nom du groupe Union centriste .  - Aujourd'hui en France, 320 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés. Ils étaient 100 000 en 2006. Nous pouvons donc nous féliciter de l'impact positif qu'a eu la loi de 2005 pour l'égalité des droits et des chances, que le groupe centriste d'alors avait voté à l'unanimité ici au Sénat.

La scolarisation des enfants en situation de handicap est fondamentale. Elle questionne la capacité d'inclusion de notre société. La réponse des pouvoirs publics sera légitimement scrutée avec attention.

Je tiens à remercier la présidente de la commission de la culture, Mme Catherine Morin-Desailly, d'avoir encouragé la tenue du présent débat.

La situation des enfants en situation de handicap a progressé mais allons au-delà des chiffres. Nous parlons d'enfants, de parents, de familles ; tâchons de garder leur situation à l'esprit. Chacune mérite une réponse adaptée.

La scolarisation des enfants en situation de handicap exige l'adaptation de chaque établissement. La place des familles et des aidants est essentielle pour leur épanouissement.

Une chef d'établissement de Fontenay-le-Comte m'a alertée sur le manque de moyens et d'assistants psycho-éducatifs et la difficile coordination entre les classes ordinaires et les effectifs des Unités localisées par l'inclusion scolaire (ULIS). Mes collègues, j'en suis sûre, ont tous beaucoup d'autres exemples.

Autre point crucial du handicap en milieu scolaire : l'aide de personnes spécialisées qu'il faut recruter de manière pérenne - j'insiste sur cette pérennité nécessaire. Comment y parvenir avec une telle précarité de statut et un salaire si faible ? Plus que d'attraction, c'est de décence qu'il est question.

Il est essentiel d'améliorer l'accompagnement qualitatif et quantitatif des enfants en situation de handicap. À défaut, c'est l'ensemble du système éducatif que l'on fragiliserait. Les instituts médico-éducatifs peuvent jouer un rôle dans la mise en place de solutions personnalisées. Or leur implantation varie selon les régions. Les structures sont une solution nécessaire en complément des familles et de l'école et doivent être multipliées. Le Gouvernement a amorcé des mesures dont certaines sont intéressantes tels l'intégration numérique et le coup de projecteur accordé à l'autisme qui facilitera la prise en compte de cette maladie.

Mais quel message retenir lorsque le taux de logements adaptés dans les logements neufs est réduit à 20 %, contre l'avis du Sénat ?

Je sais pouvoir compter sur Catherine Morin-Desailly pour que la commission de la culture fournisse le travail de contrôle engagé depuis la rentrée. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et SOCR)

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Tous les élus ont été confrontés au désarroi de parents dont un enfant est porteur d'un handicap.

Depuis la loi du 11 février 2005, le nombre d'enfants en situation de handicap a triplé, passant de 100 000 en 2006 à 320 000 en 2018.

L'offre correspond-elle toutefois aux attentes ? Et ceux qui restent sur la touche ? Derrière ces chiffres se cachent de grandes disparités. Les délais liés à la prise en charge sont grands, et le délai imposé aux Maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) est une gageure. Il a été décidé de le diminuer. Mais sans marges supplémentaires, comment faire ?

En Mayenne, grâce au partenariat entre le conseil départemental, les communes, l'Éducation nationale et les associations, 2 400 élèves en situation de handicap sont scolarisés. Quelque 32 enfants ont obtenu un plan B mais aucun n'a été laissé sans scolarisation. L'objectif est de favoriser l'inclusion scolaire. Pour certains, il faut une prise en charge innovante. Les ULIS y pourvoient. Les adolescents sont accueillis en CAP dans trois établissements différents. Cette success story a permis à certains d'obtenir un CAP et d'accéder à l'emploi. C'est le fruit d'une coopération efficace entre tous les acteurs au bénéfice de l'enfant en situation de handicap, à la fois enfant, patient et élève. La transversalité doit être approfondie. Il faut rechercher son bien-être.

« Le bonheur, en partant, m'a dit qu'il reviendrait « Que quand la colère hisserait le drapeau blanc, il comprendrait » a écrit Jacques Prévert. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Colette Mélot .  - Le droit à l'éducation pour tous les enfants est fondamental. Avec la loi de 2005, la France a adopté le modèle de l'école inclusive. La scolarisation des enfants en situation de handicap a alors bondi.

La loi de 2003 a annoncé une transformation profonde du système éducatif. La réalité, hélas, est en demi-teinte. Le Conseil national d'évaluation du système scolaire (CNESS) fait état de discrimination dont pâtissent les enfants en situation de handicap. Seulement 6 % d'entre eux obtiennent le bac, et moins encore parmi les moins favorisés.

Nous déplorons le manque de moyens humains et la trop faible implication des acteurs - notamment de l'Éducation nationale et du secteur médico-social. Les délais d'admission, au surplus, sont désespérément longs pour les familles. Au sein de l'Éducation nationale, les unités spécialisées augmentent mais leur déploiement ne correspond pas aux besoins. Or les diagnostics évoluent - on constate en particulier une augmentation des troubles du comportement, des défauts de l'attention et des retards de développement.

Le nombre de structures est insuffisant, comme la qualité des accompagnements dispensés. Je salue toutefois les efforts de formation à travers les créations d'ULIS et d'Unités d'enseignement externalisé (UEE).

Mais les enseignants et accompagnants manquent parfois de formation. Entre 2004 et 2014, le Conseil de l'Europe a condamné la France à cinq reprises pour formation insuffisante des auxiliaires de vie scolaire (AVS) devenus accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH).

L'exil de ces élèves vers la Belgique est inadmissible. La loi consacre l'existence d'un principe de réponse éducative adaptée pour chaque élève. Le seul accès de droit à l'école de la République n'est pas suffisant.

Le Gouvernement a lancé une concertation auprès du Conseil national consultatif des personnes handicapées, des parents, des organisations syndicales et des accompagnants pour rénover le dispositif d'accompagnement des élèves en situation de handicap à partir de la rentrée 2019. L'initiative est louable, il faut espérer qu'elle débouche sur des mesures concrètes.

Des Pôles inclusifs d'accompagnement localisé (PIAL) sont expérimentés dans plusieurs académies, je ne doute pas qu'elle fera l'objet d'une évaluation à la fin de l'année scolaire.

Les parents attendent une transformation profonde et pérenne, digne d'un grand pays comme la France. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et SOCR)

M. Philippe Mouiller .  - La loi du 11 février 2005 a posé le principe d'une scolarisation des enfants en situation de handicap en milieu ordinaire. Il a été érigé par le Conseil d'État en obligation de résultat.

Ce débat a lieu dans un contexte politique particulier. La proposition de loi de M. Paccaud a pour objet d'inclure dans la formation initiale des enseignants l'accompagnement d'un enfant en situation de handicap. Le non débat sur la proposition de loi de M. Pradié et la polémique qui s'est ensuivie à l'Assemblée nationale sont à regretter. Enfin, le Gouvernement a lancé le 22 octobre une concertation « Ensemble pour une école inclusive » sur les Accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH) et des annonces ont été faites après le comité interministériel sur le handicap qui s'est tenu aujourd'hui.

Depuis 2006, le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a, sans contexte, progressé : ils étaient 100 000 en 2006, ils sont 340 000 en 2018. En 2018, les crédits alloués à l'accompagnement des enfants en situation de handicap à l'école sont passés de 800 millions à 1,2 milliard d'euros. Néanmoins, la réussite scolaire passe par un accompagnement humain de qualité mais aussi par un changement d'état d'esprit.

Nous continuons de manquer d'AESH : 12 000 enfants en situation de handicap sont sans solution. Le métier est peu attractif : rémunération modique, faible nombre d'heures, déficit de formation. Je suis favorable à un statut unique d'accompagnant, qui doit devenir un véritable professionnel, formé, disposant d'un emploi stable et pérenne, rémunéré à sa juste valeur par l'Education nationale. La transformation des contrats aidés d'AVS en AESH va dans le bon sens mais ne suffit pas. L'accompagnement des enfants en situation de handicap n'est pas la seule affaire des AESH. Dans le rapport « Repenser le financement du handicap pour accompagner une société inclusive », j'ai suggéré une formation obligatoire à destination de tous les enseignants du premier et du second degré afin que ces derniers soient formés à l'accompagnement d'élèves en situation d'handicap et sur tous les handicaps.

Si le milieu ordinaire est à privilégier, ce ne peut pas toujours être le cas. Or les parents des enfants scolarisés en milieu adapté ou à domicile sont tenus de faire appel à la prestation de compensation du handicap, la PCH. Cette dichotomie du financement de la scolarisation en milieu adapté ne se justifie pas. La PCH peut éventuellement couvrir les besoins extrascolaires, telle l'aide aux devoirs, mais ne peut financer une dépense liée à l'exercice du droit à l'éducation dont l'Etat doit assurer la couverture.

Le Sénat a beaucoup travaillé. J'espère que le Gouvernement saura s'inspirer de ses travaux pour construire une école plus inclusive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR jusqu'aux bancs du groupe Les Républicains)

M. Antoine Karam .  - La scolarisation des enfants en situation de handicap a fait l'objet de vives polémiques à l'Assemblée nationale ces dernières semaines ; gageons que le Sénat saura en débattre dans le respect des uns et des autres et trouver une forme d'unité que ce sujet commande.

Le service public de l'éducation doit inclure tous les enfants, quels qu'ils soient. C'est un devoir de justice, d'équité, de solidarité.

Plus de 340 000 enfants en situation de handicap sont scolarisés, soit 20 000 de plus que l'an dernier. Plus de 253 ULIS ont été créées, dont 38 en lycée. En un peu plus de dix ans, le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a été multiplié par trois.

Cependant, ce bilan masque des disparités entre les territoires. Je souhaite attirer la situation de notre Haute Assemblée sur l'outre-mer, où le droit à l'éducation lui-même est parfois mis à mal. En 2016, le Comité des droits de l'enfant des Nations unies a souligné qu'en Guyane, moins d'un enfant en situation de handicap sur six est scolarisé en milieu ordinaire ; à Mayotte, c'est moins d'un sur huit. C'est une dynamique opposée à celle de l'Hexagone.

En Guyane, la situation est particulièrement difficile pour les personnes à mobilité réduite, dont l'autonomie est fragilisée par l'inadaptation de l'espace public et du transfert en pirogue. Chers collègues, allons ensemble à Trois Sauts, sans doute le village le plus reculé de France, vous y constaterez que le premier collège est à sept heures de pirogue. L'enfant handicapé ne peut y aller sans se couper de sa famille.

La consultation lancée le 22 octobre va dans le bon sens. L'écoute des familles et des associations est indispensable. La transformation du métier d'accompagnant est indispensable. Cette rentrée, 29 000 contrats aidés et 43 000 AESH sont mobilisés. Le budget pour 2019 prévoit 12 400 nouveaux emplois d'accompagnants, dont 6 400 au titre de la poursuite du plan de transformation des contrats aidés et 6 000 AESH supplémentaires. Mais, là encore, il faut aller plus loin : mieux former les accompagnants, renforcer leur intervention sur les activités périscolaires et extrascolaires des élèves, notamment à travers le plan Mercredi, et améliorer le dépistage.

La volonté et les initiatives sont là. Reste à faire vivre ce beau principe de l'école inclusive à travers une écoute attentive des familles, des associations et des syndicats. (Mme Victoire Jasmin et M. Guillaume Arnell applaudissent ; plusieurs applaudissements sur les bancs du groupe UC)

Mme Céline Brulin .  - Le Gouvernement affirme vouloir atteindre une école pleinement inclusive d'ici 2022. Il faut s'en donner les moyens. Si le nombre d'enfants en situation de handicap scolarisés a triplé depuis 2005, la réalité reste insupportable pour les familles qui doivent envoyer leur enfant en Belgique ou se tourner vers le privé, faute d'autre choix, ou, pire, faute de moyens, se résoudre à le scolariser en se contentant d'une allocation journalière de présence parentale inférieure au SMIC.

Le Conseil d'État en 2011 puis le Défenseur des droits l'année suivante ont demandé une mise en accessibilité accélérée des établissements scolaires. Les baisses de dotation des collectivités territoriales rendent ces investissements difficiles.

Plus de 12 600 enfants ne relèvent pas de la scolarisation en milieu ordinaire. Beaucoup attendent une place dans un IME ou un Sessad ; depuis deux ans, pour le petit Élouan dont la mère effectue un parcours du combattant pour en obtenir une avant que son fils n'atteigne, l'an prochain, l'âge du collège, car si Élouan peut suivre quatre matinées en école élémentaire, le collège lui est formellement déconseillé. Oui, il faut des nouvelles places dans ces structures et y recruter des enseignants dont le nombre baisse dans certains départements.

Les ULIS doivent être pris en compte dans les effectifs des établissements. Ne pas le faire est indigne et crée des difficultés quand il s'agit de décider de supprimer des postes.

Le Gouvernement a fait des annonces sur le recrutement des AESH mais 21 000 contrats aidés ont été supprimés. En Seine-Maritime, cette rentrée a été la plus désorganisée depuis la loi de 2005 : des accompagnants changeant brusquement d'élèves après les avoir accompagnés plusieurs années, d'autres sans affectation et des élèves sans accompagnant. Une mère de ma commune a menacé d'entamer une grève de la faim : son fils Cyliann de 10 ans attend toujours l'affectation d'un AESH. Des enfants ont été écartés de l'accompagnement. Avec le décret du 27 juillet, le choix a été fait de réduire le niveau d'exigence au moment du recrutement en délaissant toute notion de pédagogie.

Le refus de débattre du sujet à l'Assemblée nationale a choqué de nombreuses familles. Nous plaidons pour une vraie formation des accompagnants, une rémunération plus juste car ils ne sont pas rémunérés 1 300 euros par mois, comme on a pu le dire, car moins de 5 % d'entre elles - car ce sont souvent des femmes - sont à temps complet.

La solidarité nationale et l'égalité républicaine appellent que les enfants en situation de handicap soient inclus dans l'école ordinaire. La généralisation des pôles inclusifs d'accompagnement localisé, PIAL, ne doit pas se traduire par une baisse de la qualité de l'accompagnement.

La faible scolarisation explique la grande pauvreté des handicapés à l'âge adulte. C'est pourquoi notre groupe a déposé une proposition de loi supprimant la prise en compte des revenus du conjoint dans la base de calcul de l'AAH - que trop peu d'entre vous, chers collègues, ont votée hier... (Applaudissements sur les bancs des groupes CRCE et SOCR)

Mme Corinne Féret .  - Nombre de familles se mobilisent pour l'accompagnement scolaire des enfants en situation de handicap. Comment ne pas comprendre leur désarroi, quand on ne leur a proposé aucune solution sinon que d'attendre ?

En 2018, en France, le droit à l'éducation pour tous les enfants devrait être effectif. C'est une question de justice sociale et de solidarité. Le Gouvernement a lancé une concertation, c'est une bonne chose, à condition que le débat reste possible -  ce qui n'a pas été le cas à l'Assemblée nationale.

Je veux lancer une alerte sur la situation des enfants DYS et TDA/H et ils sont nombreux. Depuis la loi du 8 juillet 2013 et la circulaire du 22 janvier 2015, le plan d'accompagnement personnalité, le PAP, peut être proposé à ces enfants présentant des troubles des apprentissages. Dans les faits, le PAP se substitue au projet personnalisé de scolarisation, le PPS, ce qui exclut ces enfants de la politique du handicap. Le PAP, interne à l'école, n'est pas opposable en droit. Les familles n'ont aucune voie de recours car la notion de « difficultés scolaires », sur laquelle se fonde le PAP, est très approximative.

De plus en plus de MDPH renvoient les enfants DYS et TDA/H vers les PAP. Les familles ne peuvent alors recevoir les allocations auxquelles elles ont droit ni recevoir le matériel informatique adapté et leur enfant être accompagné. C'est la lettre et l'esprit de la loi de 2005 et le principe d'égalité qui sont bafoués.

M. Guillaume Arnell .  - Je regrette le rejet de la proposition de loi d'Aurélien Pradié le 11 octobre à l'Assemblée nationale. Le groupe RDSE est particulièrement attaché à la question et espère que le Sénat conduira le débat parlementaire à son terme en lui donnant une traduction législative.

En avril dernier, le Gouvernement a annoncé le quatrième plan Autisme, qui vise la meilleure inclusion scolaire des enfants autistes : création de 100 postes d'enseignants spécialisés, multiplication du nombre d'ULIS, augmentation du nombre d'équipes mobiles. Mais une stratégie globale reste à trouver. Je félicite toutefois le service d'éducation spécialisée et de soins à domicile de Saint-Martin qui fait croître le nombre d'enfants scolarisés via les ULIS.

Un meilleur diagnostic est nécessaire. Entre 30 et 1 500 enfants en situation de handicap par département attendent un accompagnement.

En 2015, 1 500 enfants en situation de handicap français étaient pris en charge en Belgique dans des établissements conventionnés par l'assurance maladie. Peut-on ainsi sous-traiter nos défaillances ?

Le Gouvernement affiche des objectifs très ambitieux. En 2020, 50 % des enfants en établissement spécialisé seraient intégrés à l'école. Avec quelle stratégie ?

En juillet dernier, l'inspection générale de l'Éducation nationale et l'IGAS ont préconisé une meilleure coopération entre les établissements de soins et l'Éducation nationale. Les unités d'enseignement externalisé et les unités de soins mobiles devraient être pilotées par une plateforme de services au niveau départemental.

Il faut aussi agir pour ces invisibles que sont les accompagnants, sans qui l'inclusion scolaire n'existerait pas. Qu'allez-vous faire pour leur offrir des carrières attractives ? Comment lutter contre les inégalités entre territoires ?

Le Gouvernement annonce l'ouverture de 250 ULIS à l'horizon 2022 ; mais pour répondre aux besoins, il en faudrait 240 par an dit l'IGAS. La loi de 2005 a eu des effets positifs indéniables, mais le chemin reste long.

Monsieur le ministre, nous vous invitons à la concertation avec le Parlement pour apporter les améliorations nécessaires. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; Mme Victoire Jasmin applaudit également.)

Mme Nassimah Dindar .  - Grâce à la loi de 2005, nous avons accompli un saut de géant quantitatif pour l'inclusion des enfants en situation de handicap. Pour autant, la demande s'accroît et cette rentrée a été très difficile à cause de la suppression des contrats aidés occupant les postes d'AVS.

Il y a de fortes disparités territoriales suivant que le territoire s'est doté ou non d'une MDPH et de CDAPH. Celle-ci élabore un PPS avec la famille, qui s'impose ensuite aux enseignants. Mais nous manquons de référents dans les académies : la coordination ne fonctionne pas toujours, ce qui produit des conflits réglés après beaucoup de temps, d'énergie et de paperasse par l'inspecteur d'académie. Un PPS, c'est beaucoup d'incompréhensions et de pleurs - parole de maman. Mais il y a aussi beaucoup de success stories là où l'Éducation nationale a impliqué ses équipes dans la CDAPH.

Malheureusement, les enseignants sont souvent isolés. On affiche les réussites d'enfants en fauteuil roulant lors des Journées départementales des porteurs de handicap mais la scolarisation des enfants souffrant de troubles mentaux est plus difficile.

Je soutiens la création de postes d'AESH et la formation des enseignants. Il faudrait aussi ouvrir des postes CAPA-SH qui manquent. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC)

M. Olivier Paccaud .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) De toutes les révolutions depuis celle de 1789, la plus heureuse est la révolution scolaire qui, avec les lois Ferry, a démocratisé l'enseignement, offrant la progression sociale à travers la réussite scolaire. On a ensuite démocratisé l'accès au collège, au lycée, à l'université oubliant les enfants en situation de handicap.

La loi du 11 février 2005 a fait de leur scolarisation en milieu ordinaire un principe de droit. L'instauration en 2000 d'AVS désormais dénommé AESH a été une étape charnière à tel point qu'il est difficile d'envisager la scolarisation des enfants handicapés sans eux. Bien des parents et des enseignants déplorent le nombre insuffisant de ces accompagnants dont le statut et la formation sont à préciser.

La rentrée 2018 a créé son lot de déceptions et de mécontentements : des enfants sans accompagnant, des accompagnants sans enfant et puis renvoyés le lendemain de leur prise de fonctions -  cela s'est vu dans l'Oise.

L'article L. 721-2 du code de l'éducation prévoit la sensibilisation des enseignants à la scolarisation des enfants en situation de handicap. Cela se pratique peu dans les faits. D'où ma proposition de loi, cosignée par près de cent sénateurs venant de quasiment tous les bancs, pour une véritable formation des enseignants. Ils accompliraient le travail d'un AESH, durant plusieurs semaines ; cette expérience serait utile au futur maître qui pourrait prendre en charge, personnellement, plus d'enfants en situation de handicap qu'aujourd'hui. Le coût d'une telle mesure est très raisonnable. La formation continue est une autre piste. C'est une question d'imagination mais surtout de volonté.

Il faut donc mieux former les AESH mais aussi les enseignants eux-mêmes. Il reste beaucoup à faire. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; Mme Nassimah Dindar applaudit également.)

Mme Victoire Jasmin .  - Le handicap concerne près de 10 millions de Français ; dont des jeunes qu'on ne peut laisser hors de l'institution scolaire. En 2002, j'interpellais la communauté éducative de Guadeloupe sur l'inclusion scolaire des enfants porteurs de handicap ; en 2004, en tant que présidente de fédération de parents d'élèves, j'ai obtenu la création d'une classe spécifique pour les enfants autistes en Guadeloupe.

Au fil des années, les gouvernements ont renforcé notre arsenal législatif et réglementaire. Un état des lieux précis s'impose avant le projet de loi annoncé.

Voici quelques propositions concrètes. La scolarité de ces enfants doit être pensée comme un parcours continu d'apprentissage personnalisé impliquant tous les acteurs médico-sociaux et institutionnels. Atsem, animateurs, personnels d'orientation doivent recevoir des modules obligatoires sur le handicap dans le cadre de leur formation.

Il faut aussi des espaces de lecture adaptés dans tous les CDI et mobiliser toutes les ressources pédagogiques et numériques, notamment des tablettes numériques réservées - j'y insiste, des écouteurs pour écouter des livres audio, des ressources en braille ou adaptées à tous types de capacités cognitives.

Autres mesures nécessaires, des aménagements pour les examens et les passages des diplômes et la création d'interfaces de dialogue dans les entreprises. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, Les Indépendants, RDSE et UC)

M. Pierre Cuypers .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le 22 mai dernier, j'ai interrogé le ministre sur la situation précaire des AVS et AESH. Il m'a promis un décret. Naïvement, j'ai attendu pour découvrir le 27 juillet un texte qui ne règle rien puisqu'il ne reconnaît ni ne pérennise les emplois d'accompagnants. « Ensemble pour une école de la confiance » ; nous sommes d'accord mais il faut des actes.

La loi de 2005 à l'initiative de Philippe Bas nous a fait faire d'immenses progrès. Mais les AVS restent mal rémunérés : 700 euros par mois en moyenne, en manque d'effectifs et de reconnaissance, sans compter que la plupart manquent d'une formation préalable. Ces contrats précaires fragilisent la relation de confiance entre l'enseignant et la famille. Je fais d'ailleurs observer qu'un grand nombre d'entre eux ont été victimes de retards importants dans le versement de leur salaire de septembre par le rectorat de Bordeaux. Recruter, c'est bien ; payer et proposer un contrat sérieux, c'est mieux.

Face au mécontentement, le Gouvernement expérimente un accompagnement sur la base des PIAL. Vous ne déposerez un projet de loi que le 11 février 2019. Promesse ou reculade ? Existe-t-il une ligne sur le sujet dans le projet de loi de finances pour 2019 ?

L'école pour tous : respectez ce principe ! Les enfants et les familles ont besoin de réponses dans l'immédiat. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État auprès du ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je suis heureux de ce débat sur un sujet qui me tient particulièrement à coeur et frustré de n'avoir que quelques minutes pour vous répondre.

La scolarisation des enfants porteurs de handicap doit être abordée de manière dépassionnée, ce que la Haute Assemblée sait faire. En revanche, pour être un ancien député, je sais que la proposition de loi d'Aurélien Pradier n'a pas fait l'objet d'un refus de débattre. Elle a été discutée quatre heures en commission -  j'y étais ! Nombre des mesures qu'elle proposait existaient déjà - le diplôme, la VAE - ou n'étaient pas demandées par les associations - ainsi du BAFA ou de l'emploi du terme d'aidant. Enfin, certains des groupes miroirs des vôtres à l'Assemblée nationale avaient déposé des amendements de suppression.

Oui, la France est en retard. J'ai eu la chance d'accompagner Mme Cluzel et M. Blanquer, au Danemark ; j'y ai vu une vraie école inclusive. Cela nécessite une révolution des esprits, une transformation de notre système scolaire, à laquelle nous nous attelons.

Pour être un ancien élu local, je connais la détresse des familles. Mais la transformation ne peut se faire en un jour : accueil personnalisé, formation des accompagnants, aménagement des lieux sont un travail de longue haleine.

Monsieur Karam, des progrès sont en effet à réaliser en outre-mer. C'est une dimension importante de l'action du Gouvernement.

Les prescriptions de handicap ne cessent d'augmenter mais nous avons l'ambition de réaliser une école pleinement inclusive d'ici à 2022.

Monsieur Cuypers, il y a des moyens supplémentaires dans le projet de loi de finances pour 2019 mais l'enjeu est de pérenniser ces contrats et d'améliorer la qualité de ces emplois, sachant que les recrutements peuvent se faire tout au long de l'année  - il ne faut donc pas prendre pour aune la seule rentrée scolaire. Si des contrats aidés ont été supprimés, aucun correspondant à un emploi d'accompagnant ne l'a été.

Monsieur Paccaud, on ne peut réduire le débat sur le recrutement des AESH, qui se fait tout au long de l'année, au seul moment de la rentrée. Aucun emploi aidé dédié à l'accompagnement du handicap n'a été supprimé, ni à cette rentrée ni à la précédente.

La volonté du Gouvernement est de donner un statut stable et pérenne aux accompagnants. La pérennité passe aussi par l'amélioration de la formation des professeurs et accompagnants. Tous les enseignants bénéficieront, dans le cadre de leur formation, de modules sur l'accueil des élèves en situation de handicap.

L'enjeu, après les progrès quantitatifs, est qualitatif. Le 22 octobre a été annoncée une large concertation pour établir sur la base PPS, une relation de confiance entre l'école et les familles.

Madame Doineau, monsieur Mouiller, nous travaillons particulièrement sur la réduction des délais et sur la simplification du lien entre la MDPH et les écoles. Les procédures relatives à l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé ont été simplifiées. Le rapport d'Adrien Taquet, député des Hauts-de-Seine, propose d'équiper d'ici à la fin 2019, 100 % des MDPH d'outils destinés à éviter la paperasse.

L'attractivité des métiers d'accompagnement, madame Billon, sera renforcée.

M. le président.  - Il faut conclure...

M. Gabriel Attal, secrétaire d'État.  - C'est un bizutage, pour ma première intervention devant vous ! (Sourires)

Madame Brulin, les PIAL concrétisent une nouvelle organisation pédagogique simple et adaptée à chaque établissement, pour mieux coordonner les moyens d'accompagnement.

Le handicap est un sujet concret et quotidien pour beaucoup de Français ; je sais que nous serons jugés à la fin du quinquennat à l'aune de notre action dans ce domaine. Soyez donc assurés de notre mobilisation et de notre détermination. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. le président.  - Merci pour votre concision : répondre en dix minutes à l'ensemble des orateurs n'est pas un exercice facile ! (Marques d'approbation)

Prochaine séance, mardi 30 octobre 2018, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 20.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus