Mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen du projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne.

La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion générale

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Un temps suspendu par les échéances internes britanniques, les discussions sur les conditions du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ont repris. Le temps presse mais un bon accord reste possible.

De nombreux progrès ont été obtenus depuis le début des discussions sur les modalités du retrait, qui doit intervenir le 31 mars 2019. Les citoyens européens au Royaume-Uni devraient pouvoir y rester dans les mêmes conditions qu'actuellement. Le Royaume-Uni continuera à s'acquitter de ses obligations financières, pendant la période de transition, jusqu'au 31 décembre 2020, mais sans participer aux décisions. Je tiens à saluer le négociateur M. Barnier. Tous unis, nous sommes derrière lui, et non contre le Royaume-Uni. Punir le Royaume-Uni n'était ni notre intention ni notre intérêt.

Cela étant, rien n'est agréé tant que tout n'est pas agréé. Des points durs restent à régler, notamment le traitement de la frontière entre les deux Irlande. Une frontière « dure » serait contraire aux accords du Vendredi saint. En attendant une solution définitive, il nous faut un filet de sécurité, agréé par le Royaume-Uni dès décembre dernier, consistant à faire demeurer l'Irlande du Nord dans le marché unique - cela impliquant que des contrôles soient effectués en mer d'Irlande. Les discussions se poursuivent sur le maintien du Royaume-Uni tout entier dans l'union douanière. Elles sont difficiles, car cela implique que le Royaume-Uni renonce à signer des traités de libre-échange et que les pêcheurs européens puissent toujours accéder aux eaux territoriales britanniques. Rien n'est acquis, contrairement à ce que l'on a pu lire dans la presse ces derniers jours. C'est pourquoi, dès le mois de mars, le Conseil européen a demandé aux États européens à se préparer à l'éventualité d'une absence d'accord.

La Commission y travaille au niveau européen ; nous devons le faire au niveau national. Le Gouvernement sollicite donc du Parlement une habilitation à prendre des mesures par ordonnance dans trois domaines : intérêts français au Royaume-Uni, situation des Britanniques en France et circulation des personnes et des marchandises.

Pour le premier volet, il s'agit notamment de tenir compte des bénéfices acquis par les citoyens français durant leur séjour au Royaume-Uni, par exemple pour leurs droits à la retraite ; de préserver les intérêts financiers des entreprises et de sécuriser les contrats existants qui doivent aller à leur terme. Deuxième volet, le droit d'entrée et de séjour des ressortissants britanniques en France, leurs droits sociaux, leur accès aux prestations sociales. Sur la circulation des personnes et des marchandises, il faut prendre des mesures pour adapter nos infrastructures portuaires, ferroviaires, aéroportuaires et routières, au rétablissement des contrôles de marchandises et des personnes - une nécessité même en cas d'accord.

Ces mesures d'habilitation, traditionnellement peu appréciées du Parlement, sont indispensables ; elles nous donneront la souplesse nécessaire pour agir. Je remercie le président Bizet et le rapporteur Poniatowski de les avoir acceptées.

Le Gouvernement est conscient de l'équilibre à trouver entre les exigences de notre Constitution sur le champ d'habilitation des ordonnances et le besoin de flexibilité qu'imposent les circonstances. Il a entendu la commission spéciale sur la nécessité de faire ressortir les finalités du projet de loi mais aussi de reconnaître qualifications et diplômes après le Brexit.

Le nombre limité de domaines concernés par le texte s'explique par le fait que le transport aérien et la pêche, par exemple, seront traités au niveau communautaire.

Je me réjouis que ce débat s'engage sur ce texte d'une grande importance pour préparer le Brexit. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes UC et Les Républicains)

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne .  - Madame la ministre, je suis un rapporteur déçu et mécontent de l'attitude du Gouvernement.

Ce texte aurait dû être consensuel jusqu'au bout. Les membres de la commission se sont montrés très responsables, vous l'avez vu, surmontant leur réticence naturelle aux lois d'habilitation pour donner un avis favorable à ce texte. Même le groupe communiste s'était abstenu en commission, compte tenu de l'urgence du problème posé par le Brexit. Les huit amendements de la commission spéciale allaient dans le sens des précisions réclamées par le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État. Ce matin même, je déposais quatre amendements allant dans le sens de vos propres recommandations. Mais surprise, sont ensuite arrivés quatre amendements du Gouvernement qui rejetaient nos apports.

Nous avons rejeté à l'unanimité vos amendements en commission ce matin ; il en ira sans doute de même en séance. J'aurai l'occasion de vous expliquer, quelque peu fermement, pourquoi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Exception d'irrecevabilité

Mme Claudine Kauffmann .  - Le 16 octobre, la presse nationale confirmait le refus du Gouvernement de rendre public l'avis du Conseil d'État sur ce texte d'habilitation. Le Gouvernement espérait-il que les membres de la commission spéciale ne seraient pas informés des réserves du Conseil ? C'est un manque de loyauté à l'encontre des parlementaires. Si le Gouvernement n'est pas tenu de publier cet avis, c'est pourtant devenu l'usage. Quoi qu'il en soit, la presse a eu connaissance de cet avis. Selon Le Monde, le Conseil d'État regrette que le projet de loi n'énumère que des textes de chapitre, sans préciser la portée des mesures envisagées ; le Gouvernement explique ces choix par le souci de ménager la position de la France dans la négociation en cours.

Or la Constitution oblige le Gouvernement à indiquer au Parlement la finalité des mesures envisagées avec une précision suffisante. Dans ces conditions, il y a un risque flagrant d'inconstitutionnalité de ce projet de loi, d'où cette motion d'irrecevabilité.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - L'adoption de cette motion entraînerait le rejet du texte. Je regrette moi aussi le choix du Gouvernement de ne pas publier l'avis du Conseil d'État, créant un mystère là où il n'y en avait pas.

La publication des avis du Conseil d'État est une pratique constante depuis 2015 ; toutefois, elle n'est pas obligatoire. Dans ce cas précis, j'estime que nos amendements ont précisé la finalité des mesures envisagées, dans le respect de la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Avis défavorable.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Traditionnellement, les avis du Conseil d'État sur les textes touchant aux relations internationales ne sont pas rendus publics.

Ce projet de loi d'habilitation intervient dans un contexte particulier et incertain. Difficile de concilier la nécessaire précision des ordonnances avec la capacité du Gouvernement à réagir très rapidement en fonction de l'évolution des négociations. Le Gouvernement a déjà amélioré son texte, notamment sur les finalités des mesures envisagées. Le Conseil d'État précise dans son avis que le texte est conforme aux exigences constitutionnelles. Avis défavorable.

M. Olivier Cadic.  - Hier, des centaines de Britanniques et d'Européens ont fait une chaîne humaine devant Downing Street pour réclamer la sécurité des droits des Britanniques résidant en Europe et des Européens résidant au Royaume-Uni.

Le cauchemar a commencé il y a deux ans, quatre mois et treize jours ; à J-143 du Brexit, personne ne sait ce qu'il signifie. En tant qu'entrepreneur, on me demande de me préparer, mais à quoi ? Il n'y a pas de consensus au Royaume-Uni sur le projet de sortie et le no deal est devenu une option. Pour cinq millions d'Européens, l'angoisse est totale. Il faut être flexible et pragmatique, et donc permettre au Gouvernement de prendre par ordonnance toute mesure de préparation au retrait du Royaume-Uni. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et Les Indépendants)

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°2, présentée par M. Masson et Mme Kauffmann.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne (n° 93, 2018-2019).

Mme Claudine Kauffmann .  - Le site du Point résume bien la duplicité d'une négociation « qui n'en est pas une ». Sous couvert de bonne volonté, l'Union européenne refuse en réalité toute discussion en posant ses exigences : refus de traiter séparément la circulation des personnes, biens, services et capitaux ; statut des résidents européens ; solde financier dû par la Grande-Bretagne ; refus de toute frontière physique entre l'Irlande du Nord et le reste de l'île. Cette question est à elle seule un obstacle quasiment insurmontable. Comment les Britanniques accepteraient-ils un dépeçage de leur pays ?

Le but des négociateurs est clair : faire regretter leur choix aux Britanniques. À la veille des élections européennes, il s'agit de faire croire qu'il n'y a d'avenir autre que l'Europe fédérale. Le président Macron est à la tête de la coalition qui essaye de saboter le Brexit en pourrissant les négociations. Le Gouvernement ferait mieux de chercher des solutions plutôt que de jeter de l'huile sur le feu.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Avis défavorable à cette motion : ce projet de loi est nécessaire pour tirer les conséquences du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne. La France devra agir rapidement pour préserver ses intérêts et ceux de ses ressortissants. Les exportations vers le Royaume-Uni représentent 3 % du PIB français. Chaque année, 32 millions de personnes et 40,2 millions de poids lourds franchissent la Manche, 4 millions de Britanniques se rendent sur notre territoire. Avis défavorable.

M. Richard Yung.  - Très bien.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Notre objectif est de parvenir au meilleur accord possible. Ce projet de loi n'est pas un acte de défiance à l'égard du négociateur de l'Union européenne, qui a tout notre soutien. Mais l'hypothèse d'un échec ou d'une non-ratification ne peut être exclue ; il faut se préparer à toute éventualité. Nous ne cherchons pas à saboter le Brexit ou à pourrir les négociations, mais à préserver les intérêts de notre pays dans toutes les hypothèses. Avis défavorable.

M. Olivier Cadic.  - Dès l'annonce du résultat du référendum, j'ai interrogé des parlementaires des différents États sur la liberté de circulation au sein de l'Union, sur les engagements financiers du Royaume-Uni, sur les accords du Vendredi Saint. Même unanimité sur les trois sujets. L'Union a investi pour soutenir le développement de l'Irlande du Nord, où la situation reste tendue. Il faut éviter toute frontière physique entre l'Irlande du Nord et la République d'Irlande.

Michel Barnier a été exemplaire : la position de l'Union n'a jamais varié. Rappelons que le président de la République ne l'était pas lorsque l'Union européenne a adopté sa position, « unie dans la diversité ». Je ne comprends pas que des parlementaires français reprennent les mots des ultra-brexiters qui ne se soucient guère des intérêts de la France. Faisons bloc avec le Gouvernement et votons contre cette motion ! (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM, Les Indépendants et RDSE)

M. Didier Marie.  - Nous rejetterons cette question préalable, comme la précédente motion, car cela reviendrait à abandonner les 350 000 Français installés au Royaume-Uni. Si nous ne garantissons pas aux Britanniques les droits sociaux et les droits au séjour, il n'y aura pas de réciprocité pour nos concitoyens en Grande-Bretagne. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Richard Yung.  - Nous perdons notre temps dans des manoeuvres dilatoires. Ceux qui sont hostiles à l'Europe et souhaitent un retrait français devraient se réjouir du départ des Britanniques. Au lieu de cela, vous voulez que le 30 mars, nous soyons dans la pire des situations ! Un Brexit dur n'est pas favorable aux intérêts français. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, UC, SOCR et Les Républicains)

La motion n°2 n'est pas adoptée.

Discussion générale (Suite)

Mme Françoise Laborde .  - En votant Leave, les Britanniques choisissaient en 2016 « le grand large », pour reprendre l'expression de Churchill. Le choc fut rude, même si, pendant plus de quarante ans de vie commune, l'Angleterre a toujours eu un pied dehors, un pied dedans. Les divisions politiques internes au Royaume-Uni menacent un retrait ordonné. Theresa May tente de naviguer entre europhobes de son propre parti et ceux qui regrettent le Brexit, sans parler des nationalistes écossais qui appellent à un nouveau referendum. Mais comme l'a dit le président de la République, ce n'est pas à l'Union européenne de faire des concessions pour trouver des solutions à un problème politique interne britannique.

Les Britanniques ne peuvent pas demander l'impossible - comme avec le plan Chequers, sorte de marché unique à la carte.

Il ne s'agit pas pour autant de méconnaître la délicate question irlandaise. La construction européenne a la paix dans ses gènes ; il ne faut pas menacer les accords du Vendredi Saint. Le backstop, filet de sécurité prôné par M. Barnier, est une bonne idée. Qu'il soit remercié pour avoir su présenter le visage d'une Europe à 27 unie.

La mise en oeuvre de l'article 50 du Traité de l'Union européenne étant une première, les enjeux sont nombreux pour les citoyens et les entreprises : quelles difficultés ne posera pas le rétablissement des frontières, sachant que 25 millions de tonnes de marchandises transitent chaque année par le tunnel sous la Manche !

Le projet de loi d'habilitation est très général, les finalités peu précises - ce que le Conseil d'État a regretté - mais l'exercice est complexe et nécessite de la flexibilité. Le groupe RDSE, peu friand des ordonnances, les estime nécessaires en l'espèce.

La commission spéciale a utilement précisé le texte, notamment à l'article 3 sur le régime applicable aux travaux de construction et d'aménagement rendus nécessaires par le rétablissement de contrôles aux frontières. Si l'urgence peut conduire à contourner le droit commun, attention à respecter les libertés constitutionnelles. Je regrette l'ajout du mot « notamment » par un amendement gouvernemental - je croyais qu'il était à proscrire. La liste des adaptations et dérogations, déjà longue, est-elle incomplète ?

Dans cette épreuve qui secoue l'Europe, les États ont fort à faire pour protéger nos intérêts. Espérons qu'un divorce à l'amiable soit encore possible. (Applaudissements sur les bancs des groupes RDSE, LaREM et UC ; MM. Robert del Picchia et Jean-Paul Émorine applaudissent également.)

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Veuillez excuser l'absence de Claude Kern. Dans moins de cinq mois, le Royaume-Uni ne sera plus membre de l'Union européenne. Le groupe UC, particulièrement attaché à la construction européenne, ne s'y résout pas de gaieté de coeur.

Mais il faut bien prendre, comme le propose le texte, les mesures tant structurelles que d'urgence pour nous adapter aux conséquences du retrait britannique. Même si les parlementaires n'aiment pas les ordonnances, elles sont ici une impérieuse nécessité.

Les établissements financiers britanniques n'auront plus le passeport financier européen pour les prestations de service. Le Royaume-Uni élabore un régime temporaire permettant à certaines entités de se prévaloir, pour certaines activités, d'un régime ne nécessitant pas d'agrément nouveau. Il faudra trouver une solution pour que le Royaume-Uni puisse exercer dans l'Union. Cela dépendra des négociations. L'incertitude plane sur le transfert des contrats en cours. L'incontournable réalité est que le temps court et qu'il faut se préparer au pire : l'impossibilité de poursuivre les relations financières existantes.

Au-delà la problématique financière, le Brexit provoquera des déséquilibres, notamment dans ma région du Grand Est qui exporte outre-manche pour 5 milliards d'euros de marchandises, soit 13,6 % du total. Les PME agroalimentaires et viticoles seront les plus touchées si le Royaume-Uni devient un pays tiers, sans accord.

Le groupe UC espère un accord mais votera ce texte pour parer à toute éventualité, tout en restant vigilant. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC, LaREM et RDSE)

Mme Colette Mélot .  - « Le Brexit signifie le Brexit ». Cette citation de Theresa May, souvent moquée, contient une part de vérité. Le 30 mars 2019, demain, le Royaume-Uni ne sera plus membre de l'Union. Malgré l'espoir entretenu par la possibilité d'un accord sur la frontière irlandaise, l'hypothèse d'un hard Brexit existe et elle n'est plus improbable. Ce serait un aveu d'impuissance et d'échec de la diplomatie. Malgré les efforts louables de Michel Barnier, ce serait la victoire de la division et de l'entêtement entre deux amis. Un pivot du concert européen, ami essentiel de la France, ne saurait être traité comme un simple État tiers : c'est la deuxième puissance économique de l'Union !

Un Brexit sans accord affecterait durement nos 350 000 compatriotes résidant en Grande-Bretagne. Demain, un jeune étudiant français en Erasmus à Oxford se verra-t-il refuser son diplôme en France ? Notre commission a heureusement apporté une solution sur ce point.

Un Brexit dur est une menace pour nos intérêts économiques et sécuritaires. Le Royaume-Uni est l'un de nos principaux partenaires commerciaux, l'un des rares avec lequel nous ayons un excédent commercial. La place financière de Londres est un acteur incontournable. Nous devons trouver des solutions sur le passeport financier, la pêche, les échanges via le tunnel sous la Manche.

Compte tenu de l'imbrication de nos industries de défense, le Royaume-Uni restera un partenaire essentiel de la France en la matière : c'est pourquoi il faudra régler aussi de façon claire et robuste la question du transport de matériel de guerre.

Le groupe Les Indépendants espère que le Gouvernement n'aura pas à prendre ces ordonnances, qui seraient signe d'un échec de la négociation et une cassure irrémédiable que nous ne souhaitons pas avec le Royaume-Uni.

Les Indépendants voteront en faveur de ce texte. Je salue le travail consensuel de la commission spéciale et adresse tous nos voeux de succès à Michel Barnier et au Gouvernement pour les semaines décisives à venir. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Indépendants, LaREM, RDSE et sur le banc de la commission)

M. Richard Yung .  - Le moment est difficile, durant ces dernières semaines de négociation, nous manquons d'informations. Selon la presse britannique, Dominic Raab se dit proche d'un accord ; Michel Barnier serait plus réservé...

Notre commission spéciale a travaillé sur le fond et je remercie le président et le rapporteur de nous avoir guidés sur un chemin difficile.

Malgré les doutes et les divisions sur le projet européen en France et ailleurs en Europe, continuons d'affirmer qu'il n'y a pas d'alternative au projet européen ! Je salue le travail de Michel Barnier, qui a su maintenir l'unité des 27. Nous avons une longue expérience de la politique de division dans laquelle ont longtemps excellé les Anglais - souvenez-vous de William Pitt ! Nos négociateurs ont réussi à faire face.

Nous devons défendre les intérêts des entreprises européennes, la circulation des personnes, des marchandises et des capitaux. Les incertitudes sont amplifiées par les divisions internes des partis britanniques et par la faiblesse politique de Mme May, au point que l'hypothèse d'un échec de la négociation doit être prise en considération.

Les négociations sont en cours. Le Conseil européen des 18 et 19 octobre n'est pas parvenu à un accord sur les derniers points d'accroche. Concernant l'Irlande, y aura-t-il des postes de douane flottants ? Cela reste à déterminer ; et je n'ai toujours pas compris ce qu'était le backstop.

Il y a urgence à prendre des dispositions pour tirer les conséquences d'une sortie sans accord. Soyons pragmatiques. Nous soutenons ces projets d'ordonnances. Il conviendra de se coordonner avec les 26 autres États membres.

La France ne doit pas être lésée. Nous voterons le projet de loi, sous réserve de l'examen des amendements déposés ce matin. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ; M. Olivier Cadic applaudit également.)

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M. Éric Bocquet .  - Le 30 mars 2019, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers, avec des impacts importants sur nos concitoyens et nos entreprises. En effet, les exportations vers le Royaume-Uni représentent 3 % de notre PIB ; 30 000 entreprises françaises y sont implantées ; 4 millions de Britanniques se rendent chaque année en France. Le Brexit est une première dans l'histoire de l'Union européenne.

Séisme politique et juridique, le Brexit représente un désaveu pour le projet européen, censé être irréversible et illustre la crise de sens que vit l'Union. L'Europe s'est longtemps construite sans les peuples, parfois contre eux, les résultats négatifs des divers référendums étant balayés sans que le projet européen soit remis en question.

Le Royaume-Uni, puissance politique, économique et militaire de premier plan, avait déjà une situation fort dérogatoire.

M. Jean Bizet, président de la commission spéciale.  - C'est exact.

M. Éric Bocquet.  - Il apparaît que les Britanniques sont mieux préparés que les autres États membres.

En audition, le ministre Gérald Darmanin déplorait que peu de gens croient au Brexit et le rapport regrette une préparation tardive des administrations et un manque de sensibilisation des acteurs.

L'Union et les États membres ont plus joué la carte d'une remise en cause du Brexit que d'un accord de sortie ordonnée. L'Ulster a été instrumentalisée par les deux parties pour faire pression sur les négociations. Or cette question est essentielle.

Le retour à une frontière physique dure est impossible, les Irlandais ne reviendront pas sur les accords du Vendredi Saint ; l'idée d'une frontière dans la mer d'Irlande pour maintenir artificiellement l'Ulster dans l'espace européen est inacceptable pour le Royaume-Uni car elle engendrerait un risque d'annexion de la province par l'Irlande. L'Union européenne ne doit pas jouer l'Irlande contre le Royaume-Uni.

Alors que la semaine dernière les négociations semblaient dans l'impasse, le ministre britannique estime que 95 % de l'accord de retrait serait réglé et qu'un accord pourrait être scellé d'ici le 21 novembre.

Reste que le Gouvernement nous demande de parer aux conséquences d'un no deal. Nous partageons les conclusions du rapporteur : la législation par ordonnances n'est pas de bonne méthode, le Gouvernement nous demande un blanc-seing. Nous saluons donc les améliorations et clarifications apportées par la commission spéciale.

Le groupe CRCE comprend l'exigence de flexibilité mais restera vigilant quant aux mesures prises sur le fondement de l'article 3 qui permet au Gouvernement de déroger aux règles de droit commun, pour des travaux d'aménagement notamment. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Didier Marie .  - Les relations entre la France et le Royaume-Uni sont anciennes et fortes. La Grande-Bretagne est un allié historique, un de nos principaux partenaires économiques. Notre histoire est aussi humaine.

Nous respectons le choix souverain du peuple britannique de quitter l'Union européenne, et Mme May a logiquement activé l'article 50 du traité sur l'Union européenne. Le 30 mars 2019, le Royaume-Uni deviendra un pays tiers. Un accord doit être ratifié par les parlementaires britanniques et européens ; 90 à 95 % des sujets seraient réglés. Reste à trouver une solution pour la frontière irlandaise.

Dominic Raab se veut optimiste mais le compte à rebours est enclenché et un no deal est de plus en plus probable. Du jour au lendemain, trains, avions et bateaux seront arrêtés, des embouteillages se formeront aux points de contrôle. Les expatriés auront un statut incertain, des entreprises verront leur commerce entravé, des ports seront bloqués... Ce sera le chaos.

Faute de période transitoire, nous ne pouvons que souscrire à la proposition du Gouvernement d'adopter des mesures urgentes et temporaires.

Madame la ministre, il y a déjà eu beaucoup - trop - d'ordonnances depuis le début du quinquennat. Pourquoi aussi refuser de publier l'avis du Conseil d'État ? Comme on dit chez nous : « Quand c'est flou, c'est qu'il y a un loup... » (Sourires) Le périmètre serait trop large et la portée des mesures imprécises. Heureusement, la commission spéciale a apporté les précisions nécessaires.

Nous voterons ce texte sous réserve de l'adoption de certains amendements. Mais la commission spéciale doit être informée de l'évolution de la rédaction des ordonnances et de leur mise en oeuvre. Le délai de ratification doit aussi être ramené à trois mois.

Hard ou soft, le Brexit sera douloureux. Quels droits sociaux, quel régime de protection sociale pour nos concitoyens ? Quelle politique des visas ? Le Gouvernement doit s'assurer de la réciprocité et du respect des principes fondamentaux.

Le Brexit posera des questions cruciales aux entreprises qui seront contraintes de se réorganiser, de se restructurer, d'investir voire de licencier. Dans la filière automobile, la Grande-Bretagne exporte un million de véhicules chaque année, avec des pièces détachées provenant souvent du continent. Comment les PME françaises feront-elles pour les approvisionnements, sachant que les entreprises britanniques d'automobile fonctionnent avec deux jours de stock ?

M. Jean Bizet, président de la commission spéciale.  - Très juste.

M. Didier Marie.  - Les collectivités territoriales sont aussi concernées ; l'État devra les accompagner. Je pense à tous nos ports de la Manche qui devront engager des travaux pour séparer les flux, accueillir de nouveaux douaniers, engager des agents des services vétérinaires et phytosanitaires. Le rétablissement d'une frontière va coûter cher. Quels moyens le Gouvernement va-t-il dégager ?

Le corridor maritime Mer du Nord-Méditerranée est un point essentiel. La Commission européenne a exclu nos ports français au profit des ports de Rotterdam, Anvers et Zeebrugge. C'est un non-sens quand on regarde la carte de l'Europe. Nos ports sont les plus proches de l'Irlande, on débarque 23 conteneurs à l'heure au Havre contre 16 à Rotterdam...

Nous attendons aussi la Commission européenne sur le secteur aérien, la pêche, l'agriculture, ou encore le médicament.

La France a une responsabilité particulière pour défendre le marché unique et les valeurs de l'Union. Il en va des droits de ses citoyens, de son attractivité et de son image diplomatique. Nous serons très vigilants. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR, LaREM et RDSE, ainsi que sur le banc de la commission)

M. Jean Bizet, président de la commission spéciale.  - Très bien.

M. Jean-François Rapin .  - Le 23 juin 2016, le peuple britannique a choisi de quitter l'Union européenne. C'est une décision souveraine que nous regrettons néanmoins profondément : c'est non seulement une part de l'âme et du génie de notre continent, mais aussi de sa force collective, qui se dissocie de notre construction commune. Ce choix oblige d'abord à un devoir d'inventaire sur la construction européenne.

Plus prosaïquement, la situation est inédite puisqu'après avoir recherché la convergence entre ses membres, l'Union européenne doit maintenant gérer la divergence d'un de ses membres.

Les droits de douane seront réintroduits, les échanges humains se réduiront, la divergence réglementaire affectera les transactions. Les chaînes d'approvisionnement et de production seront perturbées dans de nombreux secteurs.

La France sera l'un des États les plus touchés : le trafic par le tunnel sous la Manche représente un quart des échanges entre le Royaume-Uni et l'Union européenne.

La reconfiguration du corridor mer du Nord-Méditerranée, qui profiterait aux parts belges et néerlandaises censément mieux préparées, est inacceptable.

Le flou règne ; c'est pourquoi il faut se préparer au pire, c'est-à-dire au ndeal. Il convient donc de voter un texte qui permettra au Gouvernement de faire face aux conséquences. Je ne suis pas très favorable aux habilitations, mais je comprends la situation. Les amendements proposés par la commission spéciale me semblent pertinents.

En revanche, je comprends mal l'absence de publication de l'avis du Conseil d'État : elle ne fragiliserait pas nos intérêts dans la négociation, mais elle constitue un manque d'information pour le Parlement. Je ne comprends pas non plus les amendements du Gouvernement, qui reviennent sur les efforts de clarifications de la commission spéciale.

Sous ces réserves, le groupe Les Républicains votera ce texte, conscient cependant que l'enjeu principal réside dans les moyens alloués par le Gouvernement et la capacité de réactions rapides de l'État.

L'urgence est réelle, notamment pour les investissements nécessaires et les ressources humaines à mobiliser pour la mise en place de contrôles douaniers.

La France doit amorcer une véritable logique de partenariat avec les acteurs de terrain, au niveau administratif et technique. Ce texte est une première étape, nous serons très attentifs au contenu des ordonnances. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean Bizet, président de la commission spéciale, applaudit également.)

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Le Royaume-Uni redeviendra un pays tiers le 30 mars prochain à minuit. Nous voici réduits à envisager les conséquences d'un no deal...

Pour assurer la circulation des biens et personnes dans les meilleures conditions possibles, le Gouvernement demande une habilitation que le groupe centriste est prêt à lui accorder.

Les inquiétudes des chefs d'entreprises sont grandes ; les entreprises françaises auraient déjà perdu 4 milliards d'euros à cause de cette décision. L'automobile - pour 1 milliard d'euros -, les outillages et équipements, l'agroalimentaire, la pharmacie seront les plus touchés.

Au contraire des grands groupes, entre 15 et 20 000 PME n'ont pas d'expérience dans l'exportation hors Union européenne. L'appui de l'État leur sera décisif.

Même si un accord de libre-échange similaire à l'accord UE-Canada intervenait, les négociations pourraient prendre dix ans, selon les Britanniques.

Le coût d'un no deal serait de 6 milliards d'euros. Alors que l'Union européenne est déstabilisée et remise en cause, le Brexit et la montée des populismes mettent à mal l'oeuvre de reconstruction du président Macron.

Les prochaines élections européennes sont essentielles, d'où l'urgence d'en finir avec une technocratie qui disqualifie l'idéal européen. L'Europe doit se faire par et pour les peuples, comme l'a dit le président de la République, sinon elle ne sera pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC ; quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean Bizet .  - Notre commission spéciale a conduit un travail important dans un délai très correct. Je l'en remercie.

Le Brexit est un non-sens économique et une aberration géostratégique. Nous voilà contraints de gérer la désimbrication.

La question irlandaise demeure le noeud gordien de la négociation. Notre commission des affaires européennes avait, à juste titre, tiré le signal d'alarme dès le mois de juin.

L'ambassadeur britannique nous a adressé des propos rassurants sur le devenir des citoyens français au Royaume-Uni.

Cependant il faut se préparer à un no deal. Un gros travail de préparation est nécessaire, notamment sur les infrastructures portuaires face à nos concurrents néerlandais et belges. C'est un défi majeur : aux Pays-Bas, les administrations sont aux côtés des entreprises. Bercy devra changer de logiciel pour faire de même.

Les grandes institutions financières, des deux côtés de la Manche, sont liées par des relations institutionnelles. Il faudra gérer les conséquences de la fin du passeport financier ; toute incertitude est porteuse de risques majeurs sur les marchés financiers.

Le contenu des ordonnances sera subordonné à la réciprocité des mesures prises par le Royaume-Uni, et aux mesures prises par nos voisins, en particulier l'Allemagne.

Le Sénat sera très vigilant sur la suite du processus. Le groupe de suivi créé avec Christian Cambon dès juillet 2016, à la demande du président du Sénat, poursuivra ses travaux dans la même posture à vos côtés.

J'insiste sur l'esprit constructif du Sénat ; mais si nous vous accordons de la flexibilité et de la réactivité, il nous faut un peu plus de précisions. Nous serons à vos côtés pour rassurer nos concitoyens au Royaume-Uni et nos amis britanniques en France, et assurer la fluidité de la circulation des biens. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et LaREM)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi n'entre en vigueur qu'à compter de la modification de la décision prise par le Conseil européen du 19 juin 2018, laquelle viole le traité de Lisbonne en prévoyant qu'en cas d'abandon du Brexit, la répartition des sièges au sein du Parlement européen restera identique à ce qu'elle est actuellement.

Mme Claudine Kauffmann.  - Les partisans d'une Europe à tendance fédéraliste piétinent la souveraineté des États membres pour imposer une sorte de pensée unique, contournant le résultat de plusieurs référendums.

Aujourd'hui, le président Macron est à la pointe de la coalition qui essaye de torpiller le Brexit en pourrissant la négociation. Là aussi, il s'agit de désavouer le suffrage universel en poussant les Anglais à organiser un nouveau référendum, pour faire croire à nos concitoyens que l'évolution vers une Europe fédérale serait la seule solution possible pour l'avenir.

La France devrait plutôt réclamer sa juste part dans la répartition des sièges au sein du Parlement européen. Actuellement, chacun des 6 députés maltais représente seulement 69 352 habitants alors que chacun des 74 députés français représente 883 756 habitants. Pire, en totale violation du traité de Lisbonne, la France a un ratio d'habitants par siège nettement plus défavorable que l'Allemagne.

Si les opposants au Brexit parvenaient à leurs fins, cette injustice au détriment de la France subsisterait : lors du Conseil européen du 19 juin 2018, le Gouvernement français a accepté qu'en cas d'abandon du Brexit, la répartition actuelle des sièges soit maintenue à notre détriment. Avant de prendre des ordonnances, il faut défendre notre représentativité en exigeant le respect du traité de Lisbonne.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Sans surprise, avis totalement défavorable. Nous sommes entièrement hors sujet, même si la représentation française au Parlement européen est une question importante.

La France est le pays qui a gagné le plus de parlementaires : 5. Mais la décision dépend exclusivement du Parlement européen.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Sans surprise, avis défavorable également. Le paragraphe 2 de l'article 3 de la décision du 28 juin du Conseil européen auquel il est fait référence, ne mentionne qu'un prolongement, qui semble peu probable. Si la décision du Conseil européen devient caduque, il faudrait une nouvelle décision.

M. Éric Bocquet.  - À entendre les arguments de la Commission voire du Gouvernement, on a l'impression qu'il n'y a point de salut hors de l'Union européenne. Pour la première fois, l'Union européenne est confrontée à un rejet d'un peuple souverain exprimé dans des conditions parfaitement démocratiques - elle ne sait pas faire.

Ainsi le début de l'objet de cet amendement pourrait-il être transmis à la Commission européenne, pour alimenter sa réflexion. Mais le groupe CRCE votera contre.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

ARTICLE PREMIER

M. Laurent Duplomb .  - M. Darmanin, interrogé sur le nombre de recrutements nécessaires pour assurer les contrôles phytosanitaires et sanitaires que le Brexit rendra nécessaires, a déclaré à la commission que la demande du ministère de l'agriculture avait été acceptée.

Or le directeur de la DGAL nous a dit qu'il avait obtenu 40 douaniers pour l'an prochain. Nos voisins, eux, vont bien plus loin. L'Irlande a prévu de recruter 1 000 douaniers, les Pays-Bas 900 !

Mais en France, on devrait se contenter de 40 postes supplémentaires seulement - alors qu'il nous en faudrait sans doute 900... Madame la ministre, le sujet est crucial, car les produits du Commonwealth seront à notre porte, qu'il faudra nécessairement mieux contrôler.

M. Éric Bocquet .  - Il serait inacceptable que les Britanniques sur notre territoire pâtissent des négociations en cours alors même que nos institutions financières et le Gouvernement se précipitent pour attirer les traders de la City : 300 millions d'euros d'exemptions fiscales grâce à l'exonération de la surtaxe de 20 % ! C'est Noël avant l'heure ! Mme May, elle, a déclaré vouloir, avec le Brexit, que le Royaume-Uni devienne le meilleur endroit du monde où faire des affaires ! À bon entendeur, salut !

Mme Fabienne Keller .  - Comment en sommes-nous arrivés là ? Le choix des Britanniques nous invite à réfléchir. Deux leçons : la difficulté de la Commission européenne à prendre en compte les besoins de souplesse des populations et la prédominance des questions migratoires dans le débat.

L'Europe, demain, doit donner plus de liberté aux territoires pour être mieux acceptée. La commission spéciale a permis de mesurer les enjeux. Espérons que le texte ne devra pas être utilisé. Souvenons-nous que les Britanniques sont de grands alliés, et qu'ils veulent préserver la paix avec l'Irlande. Nous devrons enfin conserver la cohésion de l'Union européenne. Je salue vos efforts, madame la ministre, dans ce sens.

M. Didier Marie .  - Les quelque 200 000 Britanniques qui habitent en France, les 4 millions de Britanniques qui viennent en vacances doivent conserver leurs droits : circulation, protection sociale, droit au travail. Ils doivent bénéficier d'un traitement bien plus favorable que les ressortissants d'un pays tiers, madame la ministre. Vous devez donc préparer un texte dans ce sens, à condition que la réciprocité s'applique.

La Grande-Bretagne est un des pays avec lequel nous avons un excédent commercial important : 11,6 milliards d'euros dont 2,5 milliards pour l'agro-alimentaire et produits agricoles. C'est notre troisième client pour les produits agroalimentaires, notre deuxième fournisseur de produits halieutiques, dont la plupart sont transformés dans les Hauts-de-France et la Normandie.

Nous devons maintenir un niveau élevé de sécurité sanitaire pour les produits entrants -  40 ETP, ce n'est pas suffisant.

présidence de M. Vincent Delahaye, vice-président 

M. Olivier Cadic .  - Faisant partie des 143 000 Français du Royaume-Uni, je suis étonné. Les Britanniques ont voté pour le départ de l'Union européenne. Quels Britanniques ? Les Jamaïcains, les Néozélandais ont pu voter. Mais ni les Européens vivant au Royaume-Uni, ni 60 % des Britanniques vivant dans l'Union européenne n'ont pu voter. S'ils avaient pu voter, il n'y aurait pas eu de Brexit ! Pour beaucoup, le Brexit est un déni de démocratie...

M. Robert del Picchia.  - Faisons-les revoter !

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Supprimer cet article.

Mme Claudine Kauffmann.  - Deux conceptions de l'Europe s'opposent : une Europe des Nations respectant la souveraineté des États membres et les choix de chaque gouvernement démocratiquement élu ; d'autre part, une Europe à tendance fédéraliste qui piétine la souveraineté des États membres pour imposer la pensée unique des pseudo-élites.

Le résultat de plusieurs référendums a déjà été contourné par les tenants de cette pensée unique qui n'hésitent pas à bafouer la volonté des électeurs dès qu'elle ne va pas dans leur sens. Aujourd'hui, le président Macron est à la pointe de la coalition qui essaye de saboter le Brexit en pourrissant la négociation.

Là aussi, il s'agit de désavouer le suffrage universel en poussant les Anglais à organiser un nouveau référendum. À la veille des élections européennes, le but est de faire croire à nos concitoyens que l'évolution vers une Europe fédérale serait la seule solution possible pour l'avenir.

MM. Macron, Juncker et Barnier sont-ils de bonne foi lorsqu'ils prétendent négocier des conditions loyales et honnêtes de sortie, alors que dans le même temps ils exigent la création d'une frontière douanière à l'intérieur du Royaume-Uni, pour en disjoindre l'Irlande du Nord ? C'est aussi machiavélique que si demain l'Europe demandait à la France de créer une frontière douanière à l'intérieur de notre territoire, par exemple en séparant l'Alsace-Lorraine.

Tous les problèmes qui justifieraient des mesures prises en urgence par ordonnance, sont manifestement dus à la mauvaise volonté des responsables de l'Union européenne et à l'action du président Macron, qui a organisé une véritable coalition pour essayer de pourrir les négociations sur le Brexit. On ne doit pas cautionner cette politique où quelques tenants de la pensée unique se targuent à donner des leçons de démocratie à des pays tels que la Hongrie ou l'Italie dont les gouvernements sont pourtant élus de manière parfaitement démocratique.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Cet amendement supprime l'article premier. Favorables à cet article, nous sommes défavorables à l'amendement. Il est en effet indispensable pour préserver les flux de personnes et de marchandises. Le message que nous voulons adresser aux Britanniques qui viennent en vacances en France, qui viennent travailler, qui viennent y prendre leur retraite, c'est : vous êtes les bienvenus !

M. Richard Yung.  - Très bien.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Avis défavorable. Nous respectons le choix du peuple britannique ; nous voulons préparer le retrait en défendant nos intérêts.

Selon le rapport conjoint de décembre 2017, la position commune entre l'Union européenne et le Royaume-Uni est justement d'éviter une frontière physique entre Irlande du Nord et République d'Irlande. Il faut maintenant la traduire dans la réalité : rien de plus, rien de moins. Comme l'a dit Michel Barnier, il ne s'agit pas de mettre en place une frontière entre l'Irlande du Nord et le Royaume-Uni, mais de permettre les contrôles nécessaires pour préserver le marché unique et l'union douanière. Nous devons protéger les Irlandais, les Britanniques, nos concitoyens et nos entreprises.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 3

Supprimer les mots :

ou appelés à y exercer une activité professionnelle salariée au sein d'entreprises installées sur le territoire britannique à la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ayant fait le choix de se déployer en France après celui-ci

II. - Alinéa 4, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

III. - Alinéa 6

Supprimer les mots :

ou, au-delà de cette date, appelés à y exercer une activité professionnelle salariée au sein d'entreprises installées sur le territoire britannique à la date du retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne ayant fait le choix de se déployer en France après celui-ci

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Cet amendement supprime la reconnaissance automatique des diplômes et des qualifications des Britanniques venus en France après le Brexit.

Il ne s'agit pas de mettre à mal l'attractivité du territoire français. Mais l'article 9 le dit bien, seuls les Britanniques présents le 31 décembre 2020 sont couverts. Nous ne pouvons prévoir un régime plus favorable en l'absence d'accord. Retrait.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Voici le premier de vos amendements « tronçonneuses », qui liquident le travail de la commission spéciale - alors que nous avons cherché à aider le Gouvernement. Madame la ministre, vous ne pouvez pas tenir un double langage en valorisant l'attractivité du territoire sans tenir compte de la situation des Britanniques après. Retirez votre amendement ! Acceptez le travail du Parlement ! Arrêtez votre travail de sape !

La commission, à l'unanimité ce matin, a donné un avis défavorable à votre amendement. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Didier Marie.  - La commission spéciale a fait un excellent travail, c'est vrai. Mais rappelez-vous, lors de l'examen du texte de la commission, nous nous étions abstenus - nous ferons de même.

M. Richard Yung.  - J'avais voté votre disposition, monsieur le rapporteur, c'est vrai. Mais je suis sensible à l'argument selon lequel on créerait un droit plus favorable sans compter que le Parlement ne doit pas, constitutionnellement, étendre une habilitation. Je m'abstiendrai ou je voterai l'amendement du Gouvernement.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Ne fragilisons pas le travail de M. Barnier en créant, pour l'après-Brexit, un régime plus favorable que celui qu'il a négocié.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Cette mesure est encadrée par le respect du principe de réciprocité. (Mme la ministre le conteste.)

L'amendement n°11 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 9

Après le mot :

afin

insérer le mot :

, notamment,

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - La clause balai de l'article premier est moins large dans la rédaction de la commission spéciale, qui a listé les intérêts de la France que le Gouvernement doit viser dans la rédaction des ordonnances. La rédaction initiale avait été validée par le Conseil d'État.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Même débat que sur un autre « notamment » dans un amendement suivant. Le Conseil constitutionnel exige que le Gouvernement indique avec précision la finalité des mesures et leurs domaines d'intervention. Même chose pour le Conseil d'État, qui appelle le Parlement à jouer son rôle. C'est ce qu'a fait la commission spéciale, en précisant le texte. Vous ajoutez un « notamment », qui vous permet de prendre toutes mesures. La commission spéciale a pourtant laissé toutes les finalités que vous aviez précisées... Que voulez-vous rajouter ? Je serais prêt à y donner un avis favorable. Là, c'est au cas où, en plus !

M. Laurent Duplomb.  - Eh voilà !

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 10

1° Remplacer les mots :

jusqu'à l'entrée en vigueur

par les mots :

dans l'attente

2° Après le mot :

Royaume-Uni

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

à tirer les conséquences de l'absence d'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne s'agissant des conditions :

II.  -  Alinéas 11 à 14

Remplacer ces alinéas par trois alinéas ainsi rédigés :

- du maintien en France des ressortissants britanniques résidant légalement sur le territoire national lors de la sortie du Royaume-Uni ;

- de la poursuite sur le territoire français d'activités économiques liées au Royaume-Uni ;

- de la poursuite des flux de personnes et de marchandises à destination et en provenance du Royaume-Uni.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - La commission spéciale a voulu préciser les finalités à l'article premier, mais cela ne permet pas au Gouvernement de tenir compte des mesures prises par le Royaume-Uni ou d'autres États-membres de l'Union européenne. Je vous propose donc une rédaction qui indique une direction. Il y aura des conséquences au Brexit. On ne pourra pas garantir les activités économiques, prétendre s'en garantir complètement relève de l'illusion.

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.

I. - Alinéa 10

1° Remplacer les mots :

jusqu'à l'entrée en vigueur

par les mots :

dans l'attente

2° Après le mot :

Royaume-Uni

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

, à tirer les conséquences de l'absence d'accord de retrait du Royaume-Uni de l'Union européenne, afin de :

II. - Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

1° Régler la situation en France des ressortissants britanniques résidant légalement sur le territoire national au moment du retrait du Royaume-Uni ;

III. - Alinéa 13

Après le mot :

personnes

insérer les mots :

à destination et

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Là encore, vous sabotez le travail de la commission spéciale, qui a pourtant fait des efforts. Vous supprimez l'alinéa sur les mesures sanitaires. Mais pourquoi le Gouvernement en veut-il autant au monde agricole et rural ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Votre propos est caricatural !

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Non, je ne caricature pas ! M. Duplomb l'a bien expliqué : au lieu de 90 ETP, réclamés par la profession agricole, le Gouvernement ne mobilise que 28 vétérinaires et 12 catégories B pour les contrôles sanitaires. Je remercie M. Duplomb d'avoir retiré son amendement au profit du mien, qui reste très souple, et se contente de dire que cela ne suffira pas.

Madame la ministre, en auditionnant le monde agricole, nous vous dirons s'il y a un problème, et en tirerons les conséquences dans le budget. Cela ne vous coûtait rien, madame la ministre, de laisser notre alinéa dans ce texte !

M. Jean Bizet, président de la commission spéciale.  - Jadis, je fus rapporteur sur l'affaire de la vache folle, née en Grande-Bretagne...

M. Bruno Sido.  - Tout le monde s'en souvient !

M. Jean Bizet, président de la commission spéciale.  - J'avais, à cette occasion, découvert l'état de déshérence du réseau d'épidémio-surveillance britannique ; il ne s'est pas amélioré depuis. Le Livre blanc britannique de 104 pages est explicite sur le sujet. Nous aurons des filières agroalimentaires à double détente : une à visée européenne et l'autre pour les pays tiers avec des normes sans doute différentes. Dans les ports français, nous devons être extrêmement vigilants pour préserver la sécurité sanitaire de l'Europe, premier marché mondial.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Je ne laisserai pas certaines accusations sans réponses. Les contrôles phytosanitaires et sanitaires sont déjà mentionnés dans le projet de loi, à l'article premier, alinéa 6, et il y aura d'autres raisons d'effectuer des contrôles en lien avec la sécurité des personnes et des biens, il est donc difficile de singulariser cette seule préoccupation. Évidemment, nous sommes à l'écoute des attentes des consommateurs et des acteurs du monde agricole. Je m'en suis entretenue avec le nouveau ministre de l'agriculture dès sa prise de fonction ; il m'a assuré qu'il ferait en sorte de disposer d'effectifs suffisants. Nous devons nous prémunir contre des risques qui ont été avérés par le passé.

La nouvelle rédaction proposée par la commission à l'amendement n°19 nous convient pour l'essentiel, si ce n'est sur les finalités. Les ordonnances permettront de prendre des mesures temporaires, elles ne régleront pas la situation des Britanniques en France. Ne mentons pas en faisant croire le contraire.

M. Laurent Duplomb.  - Je ne comprends pas. Comment, madame la ministre, pouvez-vous supprimer l'alinéa 14 alors que vous mettez sans arrêt en avant le principe de précaution ? Nous devons nous donner les moyens de régler les problèmes qui surviendront.

Contrairement à ce que vous dites, tout n'est pas prévu dans les autres articles ! Vous méprisez le Parlement et tous ceux qui connaissent les pratiques des Britanniques qui se servent de leurs accords avec le Commonwealth pour faire rentrer un maximum de produits. Votons contre cet amendement. (M. Jérôme Bascher applaudit.)

M. Didier Marie.  - Deux options s'affrontent. Madame la ministre, vous voulez des ordonnances le plus large possible ; le rapporteur répond aux préoccupations du Conseil d'État pour mieux encadrer l'habilitation. Selon vous, les contrôles sanitaires sont mentionnés dans le texte ; mais ils ne le sont plus dans le texte de la commission à l'article 6. Veillons à ce que les contrôles phytosanitaires et vétérinaires se fassent au plus haut niveau. Nous ne voterons pas votre amendement, mais celui du rapporteur.

M. Daniel Gremillet.  - Moi non plus, je ne comprends pas... Il y a quelques semaines, nous avons débattu du projet de loi EGalim, texte exigeant pour l'agriculture et la société française des garanties supplémentaires. L'exigence française, sur certains points, supérieure à l'exigence européenne, doit être respectée sur les produits importés, d'autant plus si le Royaume-Uni est un État tiers !

Il y a quelques décennies, nous avons eu des problèmes à la suite d'importations transitant par l'Angleterre, avec des conséquences terribles pour nos économies.

Au-delà de l'économie agricole, il en va de la santé de nos concitoyens. L'amendement du rapporteur, équilibré, répond à ces préoccupations agricoles et sociétales.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°19 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 15

Remplacer cet alinéa par un alinéa ainsi rédigé :

Ces ordonnances peuvent notamment prévoir des adaptations de la législation de droit commun ou des dérogations.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Sur les finalités des ordonnances, la rédaction de la commission spéciale ne couvre pas l'ensemble des mesures envisagées. Il n'y a pas de raison d'exclure a priori un régime ad hoc.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Quelles seraient ces procédures ad hoc ? Le « notamment » introduit une incertitude. M. Marie croyait déceler un loup dans ce flou ; je ne partage pas cet avis, mais dites-nous quelles mesures vous envisagez ! Vous supprimez les procédures administratives simplifiées que le Premier ministre appelait de ses voeux il y a un mois. On ne peut pas défendre la simplification d'un côté et de l'autre la jeter aux pelotes. Avis défavorable.

L'amendement n°14 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 16

Compléter cet alinéa par les mots :

à une date fixée par décret

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Cet alinéa prévoit la possibilité, pour le Gouvernement, de suspendre l'application des mesures prévues par les ordonnances. Dès lors qu'il s'agit de mesures législatives, cela doit être expressément prévu dans la loi d'habilitation.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Ce n'est pas un secret, la commission a essayé d'améliorer le texte. Je nous croyais parvenus à un accord ; manifestement, non. La loi Travail de 2017 ne renvoyait à aucun décret, ce qui n'a pas empêché le Gouvernement d'en prendre de nombreux... Avis défavorable.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le présent article n'entre en vigueur qu'à compter de l'annonce par les dirigeants de l'Union européenne qu'ils renoncent à exiger la création d'une frontière douanière passant à l'intérieur du Royaume - Uni pour en disjoindre l'Irlande du Nord.

Mme Claudine Kauffmann.  - Si les modalités du Brexit sont incertaines, c'est parce que de nombreux responsables européens font leur possible pour compliquer les négociations. Ils veulent punir les Britanniques d'avoir décidé de sortir de l'Union européenne. Ils pensent que, plus les Britanniques rencontreront des difficultés, plus nos concitoyens accepteront l'idée que l'évolution vers une Europe fédérale est la seule solution. Ils ne sont pas de bonne foi lorsqu'ils prétendent négocier des conditions loyales et honnêtes de sortie alors que, dans le même temps, ils exigent la création d'une frontière douanière à l'intérieur du Royaume-Uni, pour en disjoindre l'Irlande du Nord.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Vous avez déposé trois amendements identiques aux articles premier, 2 et 3. À chaque fois, vous voulez subordonner l'entrée en vigueur de l'article au règlement de la question de la frontière irlandaise. Michel Barnier, pas plus que la France, n'a jamais eu l'intention de remettre une frontière entre les deux Irlande, qui a été totalement supprimée après les accords de paix de 1998 et plus de 3 000 morts. Avis défavorable.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Avis défavorable pour les mêmes raisons que l'avis défavorable à l'amendement n°4, et pour les mêmes motifs que le rapporteur dont je me rapproche donc... (Sourires)

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Supprimer cet article.

Mme Claudine Kauffmann.  - Défendu.

L'amendement n°6, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° La prise en compte des diplômes et des qualifications professionnelles acquis ou en cours d'acquisition et l'expérience professionnelle acquise au Royaume-Uni à la date de son retrait de l'Union européenne ainsi que les diplômes et qualifications professionnelles s'inscrivant dans le cadre d'un parcours de formation intégrant ceux obtenus ou en cours d'acquisition à cette même date ;

L'amendement rédactionnel n°22, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

jusqu'à l'entrée en vigueur

par les mots :

dans l'attente

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Comme à l'article premier, je me suis rapproché de la position du Gouvernement.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Preuve que nous savons travailler ensemble, j'ai plaisir à donner un avis favorable à cet amendement.

L'amendement n°21 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°16, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 8

1° Remplacer les mots :

les droits sociaux et professionnels

par les mots :

la situation

2° Compléter cet alinéa par les mots :

dans les champs visés aux 1° et 2° du I

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Nous voulons la portabilité des droits sociaux et professionnels : mieux vaut une référence, large, que mentionner directement les termes.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - C'est l'inverse ! Avez-vous à l'esprit autre chose que les droits sociaux et professionnels ? Dans ce cas, dites-le et vous aurez sans doute l'avis favorable de la commission. Qui peut le plus peut le moins, soit ; mais qui peut le plus sans que rien ne soit précisé, cela n'est pas acceptable par le Parlement. Avis défavorable.

L'amendement n°16 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le présent article n'entre en vigueur qu'à compter de l'annonce par les dirigeants de l'Union européenne qu'ils renoncent à exiger la création d'une frontière douanière passant à l'intérieur du Royaume - Uni pour en disjoindre l'Irlande du Nord.

Mme Claudine Kauffmann.  - Le présent amendement a la même justification que l'amendement n°5 présenté à l'article premier.

L'amendement n°7, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

Mme Christine Prunaud .  - Au nom de M. Éric Bocquet, je veux appeler l'attention du Gouvernement sur la situation des ports du Nord de la France, Calais et Dunkerque. La majeure partie des échanges entre le Royaume-Uni et le continent y transitent. Les chiffres de 2017 sont éloquents : plus de 30 millions de passagers, 4,2 millions de poids lourds, 73 000 autocars par ferry, 51 000 autocars par le tunnel sous la Manche. Et cela, sans parler du fret express -  Amazon, entre autres.

Or aujourd'hui, les ports français n'ont ni la place ni les équipements pour effectuer les contrôles douaniers qui seront nécessaires. Les moyens financiers manquent.

La Cour des comptes pointait, en 2017, la faiblesse des investissements dans son bilan de la réforme portuaire de 2008. Les ports paient aujourd'hui cette inaction de l'État. Pourquoi le Gouvernement français, à l'image de ce qui a été fait au Danemark, n'a-t-il pas prévu un fonds de réserve spécifique pour parer au défi logistique du Brexit ?

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Supprimer cet article.

Mme Claudine Kauffmann.  - Défendu.

L'amendement n°8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°17, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Après les mots :

des adaptations ou des dérogations,

insérer le mot :

notamment

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Cet amendement rétablit un « notamment » avant la liste des adaptations ou des dérogations. C'est indispensable au vu du caractère totalement inédit des enjeux. Depuis le mois d'avril, le Premier ministre nous a demandé de prévoir les conséquences d'un no deal mais il serait arrogant de prétendre que nous savons tout ce qui nous attend.

Nous devons aussi rester compétitifs par rapport aux adaptations engagées par les autres États membres, notamment sur les installations portuaires.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Vous êtes une incorrigible adepte de l'imprécision, madame la ministre ! Cet article 3 permet d'adopter le droit en vigueur sur l'aménagement, l'urbanisme, l'expropriation, la protection du patrimoine, la voirie et les transports, la domanialité publique, la commande publique, les ports maritimes sans oublier la participation du public et l'évaluation environnementale. Que faut-il ajouter ?

M. Richard Yung.  - Au Sénat, j'ai d'abord siégé à la commission des lois. Je me souviens de MM. Hyest et Badinter faisant la chasse aux « notamment » dans tous les textes qui leur étaient soumis. (M. Bruno Sido le confirme.) Cela m'a marqué. Je suis donc mal à l'aise face à ce flot de « notamment », qui ne sont pas conformes à la tradition du Sénat.

L'amendement n°17 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Poniatowski, au nom de la commission.

Alinéa 3

Remplacer le mot :

transport

par les mots :

passagers ou de marchandises

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Sous le charme de la ministre, j'ai décidé de faire un pas vers elle en répondant, avec cet amendement, à l'un de ses souhaits.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Je regrette que mon charme n'opère pas sur les amendements que je présente au nom du Gouvernement... Avis favorable.

L'amendement n°20 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le présent article n'entre en vigueur qu'à compter de l'annonce par les dirigeants de l'Union européenne qu'ils renoncent à exiger la création d'une frontière douanière passant à l'intérieur du Royaume - Uni pour en disjoindre l'Irlande du Nord.

Mme Claudine Kauffmann.  - Défendu.

L'amendement n°9, rejeté par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

M. Didier Marie.  - Les grands ports maritimes s'adapteront sans difficultés au regard de leurs finances, de leur disponibilité financière et de leur expertise technique.

Je suis plus inquiet pour les petits ports comme Dieppe. Les investissements à réaliser pour adapter les capacités de stockage et permettre les contrôles douaniers sont évalués à 3 millions d'euros. Cela peut paraître faible dans cet hémicycle mais cela menace l'équilibre budgétaire du port... À cela, il faudrait ajouter les difficultés engendrées par les délais et une question dont personne n'a parlé : la gestion de l'immigration irrégulière. L'État devra mettre les moyens pour aider les ports à s'adapter à la nouvelle donne.

M. Michel Vaspart.  - Rien n'est prévu pour Roscoff, Saint-Malo, Dieppe, Dinan, Ouistreham... On leur impose de lourds investissements, qui mettront en péril des compagnies maritimes.

M. Pascal Allizard.  - Oui, la partie sera rude. Le Havre ne m'inspire pas d'inquiétude ; mais pour un port comme Dunkerque, il faudra recruter une centaine de vétérinaires et techniciens pour un service en continu, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Même chose pour Cherbourg ou Caen, où il faudra créer un point de contrôle, actuellement inexistant. Le risque est de fragiliser toute une économie littorale, cela n'est pas suffisamment pris en compte.

L'article 3 est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Masson et Mme Kauffmann.

Rédiger ainsi cet article :

Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement pour chacune des ordonnances prévues aux articles 1er à 3 dans un délai de deux mois à compter de sa publication.

Mme Claudine Kauffmann.  - Le projet présenté par le Gouvernement prévoyait un délai de six mois qui a déjà été ramené à trois mois par le rapporteur. Or le Gouvernement fait preuve d'une évidente désinvolture à l'égard du Sénat, que ce soit en refusant de lui communiquer l'avis du Conseil d'État sur le projet de loi initial ou en proposant des articles délibérément flous et imprécis, ce que le Conseil d'État déplore. Le Gouvernement n'étant manifestement pas clair sur le sujet, il convient de réduire encore plus le délai de présentation du projet de loi de ratification de chaque ordonnance.

M. Ladislas Poniatowski, rapporteur.  - Le Gouvernement a proposé un délai de ratification de six mois ; la commission spéciale a suggéré trois mois. Cet amendement en prévoit deux. Quel que soit le délai, l'important est que nous puissions débattre. Durant la session 2016-2017, des projets de loi ont été déposés pour ratifier 71 ordonnances ; 53 n'ont toujours pas été ratifiées, faute d'inscription à l'ordre du jour. Comptez sur la commission de suivi du Brexit pour alimenter le débat. Avis défavorable.

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Rejet également. Six mois, c'est le délai nécessaire pour présenter un projet de loi tirant les conséquences de la mise en oeuvre du Brexit, en s'assurant notamment des mesures de réciprocité prises par le Royaume-Uni. L'amendement suivant revient donc à six mois.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par le Gouvernement.

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

six

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Défendu.

L'amendement n°18, repoussé par la commission, n'est pas adopté.

L'article 4 est adopté.

Le projet de loi, modifié, est adopté.

M. Jean Bizet, président de la commission spéciale.  - Je me réjouis de ce vote. Ce n'est peut-être pas la mouture du texte que vous souhaitiez, madame la ministre, mais je suis convaincu que nos précisions seront utiles au Gouvernement au regard de l'article 38 de la Constitution.

Ces mesures seront caduques si un accord ordonné de retrait avec un futur accord de libre-échange est adopté ou bien s'il n'y a pas réciprocité de nos amis britanniques. Nous avons donné au Gouvernement toute la latitude nécessaire (Mme la ministre en doute.) pour que la compétitivité de nos entreprises ne soit pas bridée.

Reste à travailler sur le mécanisme d'interconnexion en Europe. La dernière proposition de la commission des affaires européennes est littéralement inacceptable. Le groupe de suivi sur ce sujet fera des propositions.

Je finirai par un message à destination de Bercy : que le ministère accompagne et soutienne les entreprises comme le fait son homologue néerlandais.

La séance est suspendue à 20 h 15.

La séance reprend à 21 h 45.