SÉANCE

du mercredi 7 novembre 2018

14e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

Secrétaires : Mme Mireille Jouve, M. Dominique de Legge.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français (Procédure accélérée - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français. La procédure accélérée a été engagée sur ce texte.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE 7

M. René Danesi, président de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français .  - Au vu de nos débats d'hier soir, il me paraît utile de préciser qu'une sur-transposition est multiforme. Elle peut passer par l'adjonction d'obligations, l'extension du champ d'application de la directive, la non-exploitation des possibilités de dérogation ouvertes par la directive - nous le verrons à l'article 16, le maintien d'obligations antérieures à l'harmonisation européenne - c'est le cas de l'article 6 - ou encore par la combinaison de plusieurs de ces éléments.

Le projet de loi ne doit pas être confondu avec le rapport que j'ai publié au nom de la délégation sénatoriale aux entreprises. Celui-ci, logiquement intitulé « La sur-transposition du droit européen en droit français : un frein pour la compétitivité des entreprises », comporte 27 recommandations parmi lesquelles celle de traiter le flux des sur-transpositions existantes, réglementaires comme législatives. Le projet de loi, lui, n'est pas centré sur l'entreprise : son intitulé mentionne la suppression « de » sur-transpositions et non « des » sur-transpositions ; il traite de 27 cas relevant de l'une au moins des définitions citées, il n'a pas vocation à traiter de la totalité des sur-transpositions.

Enfin, nous n'en sommes qu'au début d'un processus qu'il appartient au Sénat, de concert avec le Gouvernement, de poursuivre ensemble. La semaine dernière, j'ai déposé une proposition de résolution européenne pour revenir sur les sur-réglementations réglementaires pesant sur nos entreprises. Je proposerai également, par une proposition de loi, de supprimer une série de sur-transpositions législatives. Des amendements ont été déposés pour supprimer 13 articles sur les 19 en discussion, 3 ont été adoptés. Sortir ainsi sabre au clair n'est pas le meilleur moyen de s'engager sur le chemin long, difficile et politiquement périlleux de la suppression de sur-transpositions. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe RDSE)

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

Mme la présidente.  - Amendement n°23, présenté par Mme Harribey et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Henri Cabanel.  - J'ai bien entendu l'appel du président Danesi. Cela étant, l'obligation de consulter l'assemblée générale des actionnaires en matière d'enveloppe globale des rémunérations versées aux preneurs de risque constitue une formalité administrative peu contraignante, elle garantit l'information des actionnaires. Il y a donc lieu de supprimer cet article.

M. Olivier Cadic, rapporteur de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français.  - Cette obligation, qui n'est pas prévue par la directive, n'existe dans aucun autre pays européen. Et pour cause, la réunion d'une assemblée générale n'est pas une « formalité administrative peu contraignante » ; elle implique d'atteindre un quorum d'actionnaires parfois résidant à l'étranger et l'identification des preneurs de risque peut être complexe. Elle pèse sur la capacité de notre secteur bancaire à attirer des administrateurs de qualité. Cela serait dommage quand nous cherchons à encourager la relocalisation des établissements bancaires après le Brexit. Avis défavorable.

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes.  - Même avis. Une des raisons pour lesquelles nous voulons lutter contre les sur-transpositions est d'accroître la compétitivité de la place de Paris. La suppression de cette obligation portera-t-elle atteinte au droit de regard des actionnaires ? Nullement, je vous renvoie à l'article L. 511-72 du code monétaire et financier. Et cela, sans compter que la surveillance prudentielle a été significativement renforcée au niveau européen.

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

Mme Laurence Harribey.  - Je voudrais revenir sur les propos liminaires du président de la commission spéciale. Nul ne met en cause le bien-fondé de la lutte contre les sur-transpositions. Il n'empêche, ce texte est largement incomplet et, dans les sur-transpositions auxquelles il s'attaque, peu équilibré. Ce qui est en cause, c'est la méthode et le timing choisis. Après le rejet de l'amendement, le groupe socialiste et républicain, par cohérence, votera contre cet article.

L'article 8 est adopté.

L'article 9 est adopté.

Le vote sur l'article 10, qui fait l'objet de la procédure de législation en commission, est réservé.

ARTICLE 11

Mme la présidente.  - Amendement n°10 rectifié, présenté par MM. Vaspart et Mandelli, Mme Canayer, MM. Bizet et Bas, Mmes M. Jourda et Imbert, MM. Canevet, Revet et Priou, Mme Féret et MM. D. Laurent et Brisson.

Après l'alinéa 6

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le 2° de l'article 13 est complété par les mots : « , en particulier dans les ports maritimes, les ports intérieurs et les aéroports » ;

M. Michel Vaspart.  - L'ordonnance du 29 janvier 2016 qui transpose la directive du 26 février 2014 a profondément modifié le régime de la concession portuaire. Faute d'avoir repris les précisions apportées au considérant 15 de la directive, elle ne sécurise pas la situation des opérateurs privés. À preuve, le Conseil d'État, dans un arrêt du 14 février 2017, a considéré que la convention de terminal passée entre les autorités portuaires de Bordeaux et une entreprise de manutention devait être requalifiée en concession. Ce retour en arrière nuit à la relance économique de nos ports, que nous avons voulue par la réforme portuaire de 2008.

Pourtant, l'intention du législateur européen est claire : exclure du champ d'application de la directive Concession les activités des opérateurs économiques exploitant les terminaux de ports maritimes. Je tiens à votre disposition un courrier de Philippe Juvin, député européen, rapporteur de la directive, ainsi que d'Alain Vidalies, alors secrétaire d'État, et d'Alexis Kohler.

Le Gouvernement entend prendre ce problème à bras-le-corps dans la future loi d'orientation des mobilités mais l'on ne peut plus attendre. Le port du Havre a lancé un appel à concession, l'attribution des marchés est en cours. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - Il n'y a pas sur-transposition, l'ordonnance respecte mot pour mot la directive. Le projet de loi n'a pas non plus pour objet les ports et la mobilité. Pour autant, le sujet est important. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Il arrive, en effet, que certains contrats d'occupation du domaine public soient requalifiés en concession dès lors qu'ils ne se limitent pas à définir les modalités d'occupation du domaine public mais ont pour objet principal de répondre aux besoins de l'autorité concédante. Dans la loi sur les mobilités à venir, le Gouvernement fera des propositions sur ce sujet qui ne relève pas d'une sur-transposition. En l'état, avis défavorable à l'amendement n°10 rectifié qui est dépourvu de portée juridique et constitue un cavalier législatif.

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - Merci. L'amendement semble dépourvu de portée normative à cause de l'expression « en particulier ». Surtout, il crée de la confusion en tendant à donner la qualification de concession à ces contrats, ce que la directive exclut justement.

M. Michel Vaspart.  - L'affaire du port de Bordeaux le montre, le considérant 15 n'a pas été bien transposé dans l'ordonnance. Je reviendrai à la charge, avec un amendement remanié, lors de l'examen du projet de loi sur les mobilités. Le problème est sérieux : de grands ports lancent des appels d'offres, c'est faire fi de la loi de 2008.

L'amendement n°10 rectifié est retiré.

L'article 11 est adopté.

L'article 12 est adopté.

Le vote sur l'article 13, qui fait l'objet de la procédure de législation en commission, est réservé.

ARTICLE 14

Mme la présidente.  - Amendement n°36, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

Le dernier alinéa de l'article L. 541-4-1 du code de l'environnement est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

II.  -  Alinéa 2

Supprimer les mots :

, y compris les produits transformés

Mme Nathalie Loiseau, ministre.  - Amendement de coordination. Il s'agit de tenir compte de la modification de l'article L. 541-4-1 du code de l'environnement par la loi pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous. Les produits transformés étant inclus dans les sous-produits animaux et les produits dérivés, il est inutile de les mentionner.

M. Olivier Cadic, rapporteur.  - La commission spéciale a donné un avis défavorable à cet amendement déposé tardivement, elle n'a pas eu le temps d'examiner. À titre personnel, avis favorable à cette coordination technique utile.

L'amendement n°36 est adopté.

L'article 14, modifié, est adopté.

ARTICLE 15

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

Au premier alinéa de l'article L. 541-4-3 du code de l'environnement, les mots : « dans une installation visée à l'article L. 214-1 soumise à autorisation ou à déclaration ou dans une installation visée à l'article L. 511-1 soumise à autorisation, à enregistrement ou à déclaration » sont supprimés.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire.  - Cet amendement rétablit la suppression par défaut de l'obligation de traitement dans une installation classée pour la protection de l'environnement (ICPE) ou une installation, ouvrage, travaux ou aménagement (IOTA) classée au titre de la loi sur l'eau pour la sortie du statut de déchet. Cette condition ne figure pas dans la directive du 19 novembre 2018 relative aux déchets. Complication administrative inutile, elle est génératrice de surcoûts.

Sa suppression ne remettra nullement en cause la protection de l'environnement et de la santé puisqu'elle ne modifie pas les règles générales applicables à la gestion des déchets. En effet, les critères de sortie de statut de déchet ne font pas partie des prescriptions relatives aux installations classées mais sont issus d'une réglementation séparée ; ils sont fixés, au cas par cas, par un acte administratif. Toutes les installations qui feront de la sortie de statut de déchet continueront à y être soumises. De plus, les réglementations relatives aux « produits », comme le règlement européen Reach sur les substances chimiques, continueront à s'appliquer à tous les produits issus de déchets, quelle que soit l'installation qui les a traités.

La rédaction adoptée par la commission spéciale ferait obstacle au développement de l'économie circulaire, en particulier à ses plus petits acteurs, ceux de l'économie sociale et solidaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 541-4-3 du code de l'environnement est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Par dérogation au premier alinéa, la procédure de sortie du statut de déchet des déchets non dangereux ou inertes peut être réalisée en dehors des installations visées à l'article L. 214-1 et des installations visées à l'article L. 511-1. »

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Amendement de repli qui devrait répondre aux préoccupations de la commission spéciale. Nous proposons de supprimer par défaut l'obligation de traitement dans une installation classée pour les seuls déchets non dangereux et inertes.

Mme Marta de Cidrac, rapporteure de la commission spéciale chargée d'examiner le projet de loi portant suppression de sur-transpositions de directives européennes en droit français.  - Avis défavorable à ces amendements déposés tardivement par le Gouvernement, qui reviennent sur le travail de la commission spéciale. La directive précise bien que, pour sortir du statut de déchet, doit être garanti un haut niveau de protection environnementale et pris en compte des procédés techniques autorisés, ce qui, traduit dans notre législation, renvoie aux installations classées. La sur-transposition n'est pas avérée. Nous préférons donc la voie des ICPE avec des dérogations pour les seuls déchets non dangereux. Je constate d'ailleurs que votre amendement suivant va dans notre sens, ce dont, à titre personnel, je me réjouis. Une question, toutefois. Prenons l'exemple des terres faiblement polluées, classées parmi les déchets non dangereux. Quels risques courrons-nous lors de leur excavation ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État.  - Je vous propose d'en reparler lors de l'examen de la loi de transposition de la directive Déchets à laquelle nous travaillons. Sa discussion devrait commencer au premier trimestre 2019.

M. Guillaume Gontard.  - On mesure les limites de l'exercice qu'on nous propose : madame la ministre nous renvoie à une future loi, on ferait mieux d'y traiter l'ensemble des questions concernant les déchets.

M. Alain Richard.  - Le droit en vigueur imposerait le basculement vers des installations classées de l'intégralité des traitements de déchets, même les plus courants. Pensez aux activités de recyclage que mènent les acteurs de l'économie sociale et solidaire : six mois pour préparer le dossier, un an pour le voir instruire. En refusant les amendements du Gouvernement, nous faisons perdurer une situation d'irrégularité alors qu'il n'y a pas d'enjeu de sécurité environnementale - Mme la ministre l'a bien expliqué. Mettons fin à cette sur-transposition absurde.

L'amendement n°37 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°38.

L'article 15 est adopté.

ARTICLE 16

Mme la présidente.  - Amendement n°19, présenté par M. Gontard et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Guillaume Gontard.  - Votre collègue, madame la ministre, nous a expliqué hier que ce texte était destiné à simplifier les normes et à améliorer la compétitivité des entreprises. Que vient faire l'extension de la chasse aux oiseaux migrateurs là-dedans ? J'ai cherché une explication. Oui, des oies dégradent les récoltes mais loin, en Suède... La proximité de ce Gouvernement avec les acteurs de la chasse est, ici, un peu voyante... Ce n'est pas très correct à un moment où la coexistence entre loisirs de chasse et autres loisirs fait débat dans ce pays.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°24 rectifié ter, présenté par MM. Temal, Kanner, Antiste et J. Bigot, Mmes Blondin, Bonnefoy, Conconne et Conway-Mouret, M. Dagbert, Mme de la Gontrie, MM. Féraud et Fichet, Mmes M. Filleul, Ghali, Grelet-Certenais et Guillemot, MM. Houllegatte et Iacovelli, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Jomier, Magner et Marie, Mmes Perol-Dumont, Préville et S. Robert, M. Roger, Mme Rossignol, M. Sutour, Mme Tocqueville et MM. Tourenne, Vallini, Boutant et Lozach.

Mme Angèle Préville.  - L'heure est grave. La biodiversité disparaît à grande vitesse. En quarante ans, 60 % des oiseaux sauvages ont disparu. En vingt ans, un tiers des oiseaux de nos campagnes ne sont plus. La menace est bien réelle ; au bout du bout, c'est nous, les êtres humains, qui sommes menacés car nous sommes dépendants de tout le vivant. Il faudra faire des sacrifices et n'oublions pas que les oiseaux migrateurs sont, eux aussi, fragilisés par le changement climatique. Votons cet amendement de suppression, ce sera un pas sur un chemin vertueux de la préservation du vivant sur la Terre.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°25 rectifié, présenté par MM. Labbé, Dantec, Gabouty et Guérini.

M. Joël Labbé.  - Je veux défendre cet amendement de suppression avec la même gravité que mes collègues. L'excès de normes pénalise la compétitivité des entreprises, lit-on dans l'exposé des motifs du projet de loi. Nous en sommes loin ici... Impossible de savoir si les oies tuées en France sont celles qui ont causé des dommages agricoles. D'après les études, les responsables sont les oies sédentaires.

Sur le fond, cet article revient à repousser la date de fermeture de la chasse des oies au-delà du 31 janvier. C'est aller à contre-courant de l'approche dynamique de la protection de la biodiversité affirmée par la loi pour la reconquête de la biodiversité du 9 août 2016 et le plan pour la biodiversité. Enfin, la Cour de justice de l'Union européenne a estimé en 2003 qu'on ne pouvait s'appuyer sur l'article 9 de la directive Oiseaux pour prolonger la période de chasse. Il est temps de prendre au sérieux cette question face à l'effondrement des populations d'animaux sauvages.