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Table des matières



Modification de l'ordre du jour

Questions orales

Consommation des crédits des contrats de plan État-régions

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Avenir de la ruralité

M. Claude Nougein

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Fermeture du bureau de poste des Aldudes

Mme Frédérique Espagnac

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Application du code de l'action sociale et des familles

Mme Catherine Deroche

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Fiscalité des énergies renouvelables

Mme Patricia Morhet-Richaud

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Service météorologique de Chamonix-Mont-Blanc

M. Loïc Hervé

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Rôle de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN)

Mme Frédérique Puissat

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Nuisances sonores des infrastructures ferroviaires

M. Jean Pierre Vogel

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Réseau ferroviaire en Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Fermetures programmées de nombreuses classes dans la ruralité

M. Jean-Marc Todeschini

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Attribution de subventions pour les associations sportives

M. Michel Savin

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Enseignement des langues régionales au sein de la réforme du baccalauréat et du lycée

Mme Maryvonne Blondin

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Fermetures de classes envisagées en milieu rural

Mme Sylvie Vermeillet

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Assistants d'éducation en milieu rural

M. Jean-Yves Roux

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Fusion des académies

M. Didier Rambaud

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Perspectives du Brexit

Mme Corinne Féret

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Gestion des appels d'urgence

M. Olivier Cigolotti

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Effectifs de la police et de la gendarmerie

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Obligation d'emploi des personnes handicapées

M. Guillaume Chevrollier

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Risques liés aux terrains de sport synthétiques

M. Daniel Gremillet

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Déserts médicaux en Seine-Maritime

M. Didier Marie

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Centre psychothérapique de l'Ain

M. Patrick Chaize

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Situation statutaire des aides-soignantes

Mme Nicole Duranton

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Nombre d'enseignants à la faculté de médecine de Lille

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Financement des Ehpad

Mme Brigitte Micouleau

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Remboursement des actes de biologie innovants en oncologie

Mme Véronique Guillotin

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Augmentation de la fiscalité des contrats de santé

M. Gilbert Roger

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Soins bucco-dentaires des personnes en situation de handicap

Mme Nadine Grelet-Certenais

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Transfert de la contribution climat-énergie aux collectivités locales

M. Guillaume Gontard

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Contribution « Vie étudiante et de campus »

M. Didier Mandelli

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Non-conformité d'un service intercommunal de cuisine centrale

M. Bernard Fournier

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Centre national d'études spatiales de Guyane

M. Antoine Karam

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Pêche au bar et 48e parallèle

M. Michel Canevet

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Retournements de prairies

Mme Agnès Canayer

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Fonds d'accompagnement à la succession et à la transmission (FAST)

Mme Martine Berthet

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Déclaration du président du Sénat sur les violences faites à la République

Croissance et transformation des entreprises (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

M. Richard Yung

M. Fabien Gay

M. Martial Bourquin

M. Jean-Marc Gabouty

M. Philippe Adnot

M. Michel Canevet

M. Emmanuel Capus

Mme Sophie Primas

Scrutin public solennel

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances

Nominations à une éventuelle CMP

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture)

Discussion générale commune

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois

Question préalable

M. Jean Louis Masson

Discussion générale commune (Suite)

Mme Éliane Assassi

M. Jacques Bigot

Mme Maryse Carrère

M. Jean Louis Masson

Mme Sophie Joissains

M. Alain Marc

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Sylviane Noël

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

Discussion des articles du projet de loi

ARTICLE PREMIER (Rapport annexé)

M. Guillaume Chevrollier

ARTICLE PREMIER TER

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE 5

ARTICLE 8

ARTICLE 12 (Supprimé)

ARTICLE 13

ARTICLE 14

ARTICLE 18

ARTICLE 21

ARTICLE 26

ARTICLE 27

ARTICLE 28

ARTICLE 29

ARTICLE 30

ARTICLE 31

ARTICLE 32

M. Maurice Antiste

Mise au point au sujet d'un vote

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture - Suite)

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 32 BIS

ARTICLE 33

ARTICLE 35 BIS

ARTICLE 36

ARTICLE 37

ARTICLE 38

ARTICLE 42

M. Maurice Antiste

M. Jean-Pierre Sueur

ARTICLE 42 BIS AA

ARTICLE 43 BIS

ARTICLE 43 TER

ARTICLE 43 QUATER

ARTICLE 45

ARTICLE 45 BIS A

ARTICLE 46

ARTICLE 48 BIS

ARTICLE 49 BIS A

ARTICLE 51 TER

ARTICLE 51 QUINQUIES

ARTICLE 52

ARTICLE 52 BIS

ARTICLE 52 TER

ARTICLE 53

ARTICLE 54 (Supprimé)

ARTICLE 55

Modification de l'ordre du jour

Questions orales

Consommation des crédits des contrats de plan État-régions

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Avenir de la ruralité

M. Claude Nougein

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Fermeture du bureau de poste des Aldudes

Mme Frédérique Espagnac

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Application du code de l'action sociale et des familles

Mme Catherine Deroche

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement

Fiscalité des énergies renouvelables

Mme Patricia Morhet-Richaud

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Service météorologique de Chamonix-Mont-Blanc

M. Loïc Hervé

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Rôle de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN)

Mme Frédérique Puissat

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Nuisances sonores des infrastructures ferroviaires

M. Jean Pierre Vogel

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Réseau ferroviaire en Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire

Fermetures programmées de nombreuses classes dans la ruralité

M. Jean-Marc Todeschini

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Attribution de subventions pour les associations sportives

M. Michel Savin

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Enseignement des langues régionales au sein de la réforme du baccalauréat et du lycée

Mme Maryvonne Blondin

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Fermetures de classes envisagées en milieu rural

Mme Sylvie Vermeillet

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Assistants d'éducation en milieu rural

M. Jean-Yves Roux

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Fusion des académies

M. Didier Rambaud

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse

Perspectives du Brexit

Mme Corinne Féret

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Gestion des appels d'urgence

M. Olivier Cigolotti

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Effectifs de la police et de la gendarmerie

Mme Anne-Catherine Loisier

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes

Obligation d'emploi des personnes handicapées

M. Guillaume Chevrollier

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées

Risques liés aux terrains de sport synthétiques

M. Daniel Gremillet

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Déserts médicaux en Seine-Maritime

M. Didier Marie

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Centre psychothérapique de l'Ain

M. Patrick Chaize

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Situation statutaire des aides-soignantes

Mme Nicole Duranton

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Nombre d'enseignants à la faculté de médecine de Lille

Mme Cathy Apourceau-Poly

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Financement des Ehpad

Mme Brigitte Micouleau

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Remboursement des actes de biologie innovants en oncologie

Mme Véronique Guillotin

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Augmentation de la fiscalité des contrats de santé

M. Gilbert Roger

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Soins bucco-dentaires des personnes en situation de handicap

Mme Nadine Grelet-Certenais

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé

Transfert de la contribution climat-énergie aux collectivités locales

M. Guillaume Gontard

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Contribution « Vie étudiante et de campus »

M. Didier Mandelli

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Non-conformité d'un service intercommunal de cuisine centrale

M. Bernard Fournier

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Centre national d'études spatiales de Guyane

M. Antoine Karam

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances

Pêche au bar et 48e parallèle

M. Michel Canevet

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Retournements de prairies

Mme Agnès Canayer

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Fonds d'accompagnement à la succession et à la transmission (FAST)

Mme Martine Berthet

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation

Déclaration du président du Sénat sur les violences faites à la République

Croissance et transformation des entreprises (Procédure accélérée - Suite)

Explications de vote

M. Richard Yung

M. Fabien Gay

M. Martial Bourquin

M. Jean-Marc Gabouty

M. Philippe Adnot

M. Michel Canevet

M. Emmanuel Capus

Mme Sophie Primas

Scrutin public solennel

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances

Nominations à une éventuelle CMP

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture)

Discussion générale commune

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois

Question préalable

M. Jean Louis Masson

Discussion générale commune (Suite)

Mme Éliane Assassi

M. Jacques Bigot

Mme Maryse Carrère

M. Jean Louis Masson

Mme Sophie Joissains

M. Alain Marc

M. Thani Mohamed Soilihi

Mme Sylviane Noël

M. Philippe Bas, président de la commission des lois

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

Discussion des articles du projet de loi

ARTICLE PREMIER (Rapport annexé)

M. Guillaume Chevrollier

ARTICLE PREMIER TER

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE 5

ARTICLE 8

ARTICLE 12 (Supprimé)

ARTICLE 13

ARTICLE 14

ARTICLE 18

ARTICLE 21

ARTICLE 26

ARTICLE 27

ARTICLE 28

ARTICLE 29

ARTICLE 30

ARTICLE 31

ARTICLE 32

M. Maurice Antiste

Mise au point au sujet d'un vote

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture - Suite)

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE 32 BIS

ARTICLE 33

ARTICLE 35 BIS

ARTICLE 36

ARTICLE 37

ARTICLE 38

ARTICLE 42

M. Maurice Antiste

M. Jean-Pierre Sueur

ARTICLE 42 BIS AA

ARTICLE 43 BIS

ARTICLE 43 TER

ARTICLE 43 QUATER

ARTICLE 45

ARTICLE 45 BIS A

ARTICLE 46

ARTICLE 48 BIS

ARTICLE 49 BIS A

ARTICLE 51 TER

ARTICLE 51 QUINQUIES

ARTICLE 52

ARTICLE 52 BIS

ARTICLE 52 TER

ARTICLE 53

ARTICLE 54 (Supprimé)

ARTICLE 55

ARTICLE 56

Article 57

Explication de vote

M. Jacques Bigot

Discussion des articles du projet de loi organique

Annexes

Ordre du jour du mercredi 13 février 2019

Analyse des scrutins publics

Composition d'une éventuelle CMP

ARTICLE 56

Article 57

Explication de vote

M. Jacques Bigot

Discussion des articles du projet de loi organique

Annexes

Ordre du jour du mercredi 13 février 2019

Analyse des scrutins publics

Composition d'une éventuelle CMP




SÉANCE

du mardi 12 février 2019

59e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : Mme Annie Guillemot, Mme Mireille Jouve, M. Guy-Dominique Kennel.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date du 8 février 2019, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, a demandé que le projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.

Dans la discussion générale, nous pourrions attribuer un temps de 45 minutes aux orateurs des groupes.

Le délai limite pour les inscriptions de parole serait fixé au mercredi 13 février à 15 heures.

Il en est ainsi décidé.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 35 questions orales.

Consommation des crédits des contrats de plan État-régions

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - La faible consommation de diverses lignes budgétaires prévues dans les contrats de plan État-régions pour les années 2015-2020 est préoccupante.

Les besoins en infrastructures de déplacement sont criants dans certains territoires, à telle enseigne que les collectivités territoriales, les régions mais aussi les départements, se sont fortement engagés pour contribuer à leur réalisation ; cependant, des retards considérables sont pris dans l'engagement réel des crédits du côté de l'État. C'est notamment le cas dans mon département de Haute-Vienne.

Comment le Gouvernement honorera-t-il ses engagements ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - L'État a contractualisé 14,5 milliards d'euros au titre des CPER pour 2015-2020. Fin 2017, nous en étions à 36 % d'exécution, suite à un démarrage retardé notamment par les avenants rédigés avec les nouveaux exécutifs régionaux en 2016. Mais les choses se sont accélérées en 2018. Les volets territoriaux des CPER - 750 millions au titre du FNADT - ne reflètent pas entièrement l'engagement de l'État, certaines lignes sont déjà intégralement engagées et il faut tenir compte de la nouvelle dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), créée après la signature des CPER.

Nous vous présenterons prochainement un bilan consolidé de toutes ces enveloppes. La principale cause des retards est le volet Mobilité multimodale - qui représente 7,5 milliards d'euros, un montant que ne peut pas honorer l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf), pour les raisons que vous savez, c'est pourquoi cette somme n'est engagée qu'à 30 %.

Le Gouvernement a installé dès octobre 2017, à l'issue des Assises de la mobilité, un conseil d'orientation des infrastructures pour accélérer les investissements ; le projet de loi Mobilités sera bientôt soumis au Parlement, après le grand débat : ce sera l'occasion de parler de ces sujets très importants.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - La mise en oeuvre des CPER ne s'accélère pas partout : en Nouvelle-Aquitaine, l'État n'a honoré que 24 % de ses engagements, contre 82 % pour la région ! Il est temps d'accélérer. La crise que traverse notre pays depuis quatre mois est étroitement liée aux mobilités. Monsieur le ministre, tout doit être engagé et budgété : libérez des marges de manoeuvre, par exemple en rétablissant l'ISF !

Avenir de la ruralité

M. Claude Nougein .  - Les territoires ruraux sont confrontés à une désertification qui ne fait que s'accentuer. Le premier des freins au développement, en Corrèze par exemple, est l'impossibilité pour les maires de communes hyper-rurales d'obtenir des permis de construire à cause, en partie, de la commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Composée majoritairement de personnalités qualifiées, cette commission est contre tout. L'excuse des mitages ne vaut plus. Pourquoi refuser des permis de construire dans des zones viabilisées ? En Haute-Corrèze, il y a un véritable blocage. Des maires songent à démissionner, il y a des refus même dans des villages de 100 habitants !

Aujourd'hui, il faut réformer cette commission, soit en lui donnant qu'un avis consultatif, ou un avis simple et en laissant le préfet décider in fine, parce que le préfet aura de toute façon plus de bon sens que cette commission, soit en la modifiant pour qu'elle devienne paritaire entre les élus locaux et les représentants des différents organismes agricoles et environnementaux. Presque tous les élus le souhaitent. Le comble est que ceux qui interdisent les constructions, sont les premiers à déplorer les fermetures d'écoles ! Envisagez-vous la modification de la CDPENAF afin de réduire la désertification de nos territoires ruraux ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Ne faisons pas de faux procès à la CDPENAF, plus des trois quarts de ses avis sont positifs. Les avis négatifs portent sur des projets à impact fort, par exemple sur l'environnement agricole ou sur une production sous AOP. Ensuite, il y a des recours contre les décisions négatives.

Quant à la parité, elle est déjà assurée puisque cette commission est composée de l'État, d'élus - 5 sur 18 -, d'organisations agricoles, environnementales et de chasse. Une circulaire sur les objectifs et modalités de fonctionnement de la CDPENAF sera prochainement publiée. Ingénieur agronome de formation, je connais les enjeux.

Fermeture du bureau de poste des Aldudes

Mme Frédérique Espagnac .  - L'annonce de la fermeture du bureau de poste des Aldudes, dans les Pyrénées-Atlantiques, a créé un certain émoi dans la population comme auprès des élus.

Qualifiée d'arbitraire par les maires de la vallée des Aldudes, cette décision prive la population de la vallée - un millier d'habitants - d'un service essentiel, ce bureau étant le dernier abritant des activités postales et bancaires courantes. Elle a également soulevé une certaine colère car en fermant ce bureau de poste, le groupe La Poste revient sur l'engagement qu'il avait pris.

Ce n'est pas la première fois que la vallée se mobilise pour maintenir ce service public indispensable. En 2015, citoyens, entreprises et élus s'étaient battus contre le transfert du centre de tri local de Saint-Étienne-de-Baïgorry et de ses facteurs ; près de deux cents personnes avaient alors occupé le bureau de poste. Une consultation populaire avait été organisée, mobilisant près de 62 % des personnes inscrites sur les listes électorales, qui avaient demandé à 98 % le maintien du bureau et du centre de tri.

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques ouvre une concertation avec les élus d'une autre vallée pyrénéenne sur les services publics de proximité. C'est une décision à contre-courant.

Les habitants de nos petits villages ont un sentiment d'injustice. C'est une décision décourageante pour les élus et acteurs locaux. Plus de 200 personnes se retrouveront à plus de 35 km du premier distributeur où elles pourront retirer une somme supérieure à 150 euros, puisque c'est le plafond de retrait dans les points postaux. Une concertation est possible !

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Les fermetures de services publics concourent au sentiment de déclassement dans les zones rurales ou les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et alimentent la crise que nous traversons.

Il y a eu concertation avec les élus des Aldudes mais pas avec deux des autres communes de la vallée ; c'est pourquoi nous avons demandé un élargissement du dialogue à tous les territoires affectés. Une réunion a d'ores et déjà été planifiée par la sous-préfecture avec la commission départementale de présence postale et la chambre de commerce et d'industrie.

Enfin, dès lors qu'un bureau de poste n'est plus assez fréquenté, La Poste décide de le fermer. La solution est-elle un regroupement dans une maison de services publics ? Il faut l'étudier au cas par cas. Nous avons passé un contrat avec La Poste, qui sera renouvelé en 2019 en tenant compte de ces situations.

Application du code de l'action sociale et des familles

Mme Catherine Deroche .  - Le code de l'action sociale et des familles prévoit une durée de travail dérogatoire de deux cent cinquante-huit jours par an pour les personnels permanents responsables de la prise en charge des personnes accueillies sur le site des lieux de vie définis par décret. Or la Cour de cassation a jugé, le 10 octobre 2018, que l'absence de décret d'application faisait barrage à l'opposabilité de cette dérogation. Par conséquent, le droit commun s'applique, déstabilisant l'équilibre économique de certaines structures associatives d'aide sociale installées, qui appliquent de bonne foi le dispositif dérogatoire. J'ai reçu les associations concernées.

Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour assurer que la dérogation prévue par la loi puisse effectivement s'appliquer ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Veuillez excuser Mme Pénicaud.

La présence de permanents auprès des publics fragiles justifie le régime dérogatoire rendu inapplicable par le jugement de la Cour de cassation, car cette présence est tout simplement indispensable. Ces dérogations paraissent autorisées par le droit européen pour la protection des biens et des personnes - en application de la directive sur le temps de travail. Il faut un cadre juridique sûr, et les services de la ministre travaillent à cette sécurisation.

Mme Catherine Deroche.  - Le vide juridique crée de graves problèmes pour ces associations, dont l'une emploie une centaine de personnes dans mon département.

Fiscalité des énergies renouvelables

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - L'électricité d'origine éolienne et solaire photovoltaïque constitue avec l'hydroélectricité l'une des composantes majeures du mix électrique décarboné et renouvelable dont la France a choisi de se doter à l'horizon 2030. Des projets sont menés dans les territoires pour accélérer le développement de ces énergies, tout en garantissant la protection de l'environnement et du cadre de vie. Pour les communes susceptibles d'héberger des parcs éoliens ou photovoltaïques, la fiscalité est un enjeu majeur.

Si on peut se réjouir des avancées significatives sur la fiscalité éolienne avec la nouvelle répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), on peut regretter qu'il n'en soit pas de même pour le photovoltaïque. Cette situation est d'autant plus préjudiciable pour les communes qui ont lancé ces projets avant le passage en fiscalité professionnelle unique (FPU), que ces projets peuvent durer dix ans avant leur raccordement final. Les communes proactives dans ce domaine subissent une double peine : elles ont tenu compte d'une fiscalité revenant à la commune et ont donc aujourd'hui beaucoup de difficultés à faire aboutir ces opérations.

Les projets photovoltaïques doivent être pris en compte pour la modification de la répartition de l'IFER au même titre que les projets éoliens. Quelle est la position du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser le ministre d'État de Rugy, qui ne peut être présent.

Nous voulons un système de production d'énergie plus diversifié et résilient.

Ainsi que le président de la République l'a annoncé le 27 novembre dernier en présentant la programmation pluriannuelle de l'énergie, la capacité installée de production électrique en énergies renouvelables doit doubler entre 2017 et 2028. Nous ambitionnons ainsi de multiplier par 2,5 les capacités éoliennes et par 5 ou 6 les capacités photovoltaïques. La répartition de la fiscalité générée est essentielle ; elle doit mieux répartir les retombées socioéconomiques locales des projets.

La répartition de l'IFER a été modifiée dans la loi de finances 2019 car elle avait été identifiée comme un frein pour l'éolien, mais non pour le photovoltaïque.

Je ferai remonter vos remarques et nous en tirerons les conséquences.

Service météorologique de Chamonix-Mont-Blanc

M. Loïc Hervé .  - La suppression du service météorologique implanté sur la commune de Chamonix-Mont-Blanc, prise à la lumière des conclusions du rapport commandé au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), remis cet automne 2018 au ministère de la Transition écologique et solidaire, qui recommande un regroupement des services météorologiques alpins à Grenoble, diminuerait la qualité du service rendu et fragiliserait la prise de décision des élus locaux dans le cadre de la protection des populations.

La commune de Chamonix-Mont-Blanc est une des plus exposées au risque d'avalanche dans les zones habitées, vingt et un ans après le drame de Montroc, alors que le service météorologique est présent à la commission de sécurité dans les cas de risque d'avalanche, ses conseils sont des plus pertinents puisqu'ils reposent sur un meilleur suivi nivologique, des relevés continus et réels permettant une analyse prévisionnelle des plus fiables.

La responsabilité qui pèse sur les élus locaux dans ce domaine est considérable. Elle ne pourrait être qu'aggravée par la perte de cette expertise. Maintenez ce système d'alerte efficace et réactif. Les élus locaux sont prêts à travailler avec l'État et Météo-France.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le ministre d'État est très vigilant sur la qualité de service rendu par Météo-France aux territoires - notamment les communes de montagne exposées aux risques naturels.

Le ministre, à la lumière du rapport du CGEDD, organisera prochainement une réunion avec les élus des Alpes du Nord sur ses conclusions. Vous y serez, bien entendu, pleinement associé, Monsieur le sénateur, puisqu'il s'agira de rechercher des solutions avec les élus. La diffusion du rapport pourrait avoir lieu à l'issue de la réunion.

M. Loïc Hervé.  - Merci d'organiser cette réunion. Jamais une modélisation informatique ne remplacera la connaissance du terrain et les évolutions nivologiques et géographiques.

Rôle de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN)

Mme Frédérique Puissat .  - Quelles sont les conséquences de l'action conduite par l'UICN dans la stratégie dite de « ré-ensauvagement », définie en 2004 lors de la conférence mondiale pour la biodiversité à Nagoya ? L'UICN, organisation non gouvernementale mandatée par l'organisation des Nations unies, exige des États qu'ils prohibent toute activité humaine telle que la chasse, la pêche, le pastoralisme sur une partie de leur territoire. Une démarche encouragée par la mise en oeuvre d'un système de compensation écologique, établi sur le même principe que le système d'échanges de crédits « carbone ». C'est ainsi que la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages offre la possibilité à des acteurs privés de créer et gérer des sites naturels de conservation, habilités à générer des crédits de compensation écologique auprès d'opérateurs dont l'activité nécessite le rachat de droits à « dénaturer ».

N'y a-t-il pas là un risque de voir se créer des sanctuaires naturels excluant toute activité humaine et par là, signant la fin du pastoralisme dans les territoires de montagne ? (M. Michel Savin applaudit.)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement entretient des liens étroits et anciens avec l'UICN, créée à Fontainebleau en 1948 et qui est un acteur majeur pour la préservation de la biodiversité, une force de proposition reconnue. La France a développé depuis 2005 un partenariat concrétisé dans des accords-cadres. Celui de 2017-2020, qui associe le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Transition écologique et solidaire, le ministère de l'Agriculture et l'Agence française de développement, pour une enveloppe de 8,8 millions d'euros, est placé sous l'autorité d'un ambassadeur délégué à l'environnement.

Le Congrès mondial de la nature de l'UICN, organisé à Marseille en juin 2020, a un budget de 20 millions d'euros. Ce sera un événement majeur, un temps fort de mobilisation. Nous y travaillerons avec vous.

Mme Frédérique Puissat.  - Nous serons au rendez-vous, certes. Cependant, il faut débattre de cette stratégie de « ré-ensauvagement », définie à Nagoya en 2004 et qui vise à conserver à l'état naturel 17 % des territoires terrestres. En France, cet objectif paraît atteint, puisque 17 % du territoire national sont couverts par un parc naturel régional ou national. Mais nous assistons à des stratégies de ré-ensauvagement locales, notamment dans le Vercors, sur lesquelles le Parlement n'a aucune prise.

Nuisances sonores des infrastructures ferroviaires

M. Jean Pierre Vogel .  - L'article 36 de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire prévoyait, dans les cinq mois de la publication de la loi - soit le 27 novembre 2018 -, la remise d'un rapport sur les nuisances sonores des infrastructures ferroviaires. L'amendement sénatorial à l'origine de cet article de loi insistait « sur la nécessité de réviser la réglementation en vigueur en y intégrant la notion d'émergence de bruit pour différencier les situations, élaborer des indicateurs pertinents et représentatifs du vécu des personnes et des situations réelles et en tirer les conséquences au niveau de la conception et réalisation des infrastructures ». Or, depuis, nous attendons toujours. Pourquoi un tel retard, et quand le rapport sera-t-il publié ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le rapport a été remis le 21 décembre dernier au Sénat. La notion de nuisance sonore repose sur celle du « bruit moyen ». Mais les riverains des LGV souhaitent la prise en compte de l'indicateur, plus pertinent à leurs yeux, de pic de bruit. Le Gouvernement et SNCF Réseau engageront des études en ce sens. En attendant, Mme Borne a engagé une mission du CGEDD dont les conclusions lui seront prochainement remises. Vous le voyez, nous ne considérons pas que la réglementation soit figée - et nous rechercherons la meilleure solution, avec les riverains.

M. Jean Pierre Vogel.  - Le cadre de vie des riverains s'est beaucoup dégradé, au point qu'ils se sont engagés dans la voie judiciaire.

SNCF Réseau est toujours le grand absent des réunions, malgré l'implication du préfet dans mon département, la Sarthe. Nous attendons du concret. Madame la ministre, venez sur le terrain pour constater les nuisances par vous-mêmes. Elles vont jusqu'à dégrader la santé de certains riverains.

Réseau ferroviaire en Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël .  - Ma question porte sur la situation actuelle du réseau ferroviaire en Haute-Savoie, et plus particulièrement dans le secteur de la vallée de l'Arve.

Ce territoire appartient à l'une des onze zones françaises dans lesquelles les objectifs en matière de qualité de l'air fixés par la Commission européenne en termes de particules fines PM10 ne sont pas respectés.

À l'heure où le deuxième plan de protection de l'atmosphère de ce territoire est soumis à enquête publique, il paraît essentiel d'encourager les habitants de ce département à privilégier davantage des modes de transport en commun.

Or j'ai appris au cours d'une réunion organisée sous l'égide du préfet de la Haute-Savoie le 24 septembre 2018 avec les représentants de la SNCF que les travaux de modernisation de la ligne Annecy-Saint-Gervais ne débuteraient qu'en 2023, au niveau des études, pour se terminer en 2030 concernant la phase des travaux. Ce calendrier est inacceptable !

Le secteur Saint-Gervais-La Roche-sur-Foron a pourtant été fléché dans l'étude ferroviaire comme supportant le plus de déplacements quotidiens -  90 000 déplacements par jour - dans le département alors que seuls 4 % des déplacements se font par le rail. Et pour cause, l'offre ferroviaire n'est pas suffisamment cadencée et rapide pour pouvoir être attractive par rapport à la voiture.

Le département de la Haute-Savoie, constitué en grande partie de zones montagneuses très touristiques, a la chance de compter sur une population en croissance constante - plus de 12 000 habitants supplémentaires chaque année - et bénéficie d'une situation géographique privilégiée au carrefour entre la France, l'Italie et la Suisse.

La mise en service du réseau international Léman Express permettra certes une légère amélioration de l'offre de service mais celle-ci restera insuffisante.

L'offre des TGV se dégrade également au fil du temps - les élus haut-savoyards ont ainsi été informés cet été que la SNCF avait décidé de façon unilatérale de supprimer deux allers-retours entre Annecy et Paris par TGV.

La Haute-Savoie compte plus de 70 000 entreprises, une balance commerciale excédentaire de plus d'un milliard d'euros et près de 34 millions de nuitées touristiques. Malgré tout, le département ne jouit pas d'un réseau ferroviaire et de liaisons avec Paris à la hauteur de son dynamisme. Cette suppression de deux allers-retours aura des impacts économiques et touristiques.

Que va faire le Gouvernement pour remédier à cette situation ? (M. Loïc Hervé applaudit.)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Mme Borne, qui ne peut être présente. Nous partageons votre préoccupation s'agissant des enjeux de pollution en vallée de l'Arve et avons conscience de l'impact des lignes ferroviaires sur les territoires traversés, en particulier en zone de montagne.

Dans ce contexte, la mise en service en 2019 du Léman Express qui reliera directement le canton de Genève à la Haute-Savoie, s'accompagnera d'une évolution considérable de l'offre de transport à destination d'Évian, de Saint-Gervais et d'Annecy. Par ailleurs, le Contrat de Plan État Région (CPER) 2015-2020 prévoit 4 millions d'euros pour la réalisation d'études préliminaires sur l'axe ferroviaire compris entre Bellegarde et Saint-Gervais. Le coût d'une opération d'automatisation de la signalisation sur la ligne Annemasse-Saint-Gervais-Annecy est évalué entre 160 et 220 millions. Nous avons demandé à la SNCF d'être en capacité de tenir le délai de 2025. Cela suppose cependant qu'un accord financier soit trouvé avec la région dans le cadre du CPER pour financer ce projet qui n'était pas prévu par le contrat actuel. Les financements mobilisables dans le cadre du contrat de plan actuel s'élèvent à 34 millions : le tour de table financier reste donc à finaliser.

J'en viens à la baisse des fréquences TGV sur le Paris-Annecy. La gare de Lyon-Part-Dieu va connaître des travaux importants au moins jusqu'en 2023. Cette contrainte technique a conduit SNCF Mobilités à travailler à une adaptation de l'offre grande vitesse en détournant ou supprimant certains TGV à partir de 2019. C'est ce raisonnement qui s'applique à la liaison Paris-Annecy. Pour compenser cette baisse de fréquence, SNCF Mobilités remplace l'ensemble des rames actuellement en service sur cette liaison par de nouvelles rames Duplex à deux niveaux, en mesure d'accueillir plus de voyageurs.

Soyez donc assurée de l'engagement du Gouvernement à promouvoir des solutions de mobilités durables dans le secteur de la Haute-Savoie et de la vallée de l'Arve, en partenariat avec les élus de la région.

Fermetures programmées de nombreuses classes dans la ruralité

M. Jean-Marc Todeschini .  - La question des fermetures de classes est au coeur des préoccupations de nos concitoyens dans les territoires. Si l'on en croit les premières remontées du terrain à la suite des réunions qui se sont déroulées ces derniers temps, vous avez décidé, malgré la force du mouvement social, d'accabler cette année encore la ruralité.

Force est de constater que les faits contredisent les déclarations d'intention du président de la République quant au maintien des enseignants et des classes, notamment dans les espaces ruraux.

En Moselle, malgré le contexte social et économique, dans l'enseignement primaire et essentiellement dans les écoles situées dans la ruralité ou les espaces périurbains ce seront 78 fermetures de classes pour seulement 31 ouvertures.

Je ne vais pas vous lire la longue liste des classes qui fermeront mais j'ai été saisi par de nombreux élus mécontents et encore ces derniers jours par ceux d'Abreschviller, de Richeling, d'Holving, de Kirsch-lès-Sierck, de Montenach...

Souvent, ces décisions vont à l'encontre des investissements réalisés par les communes qui font tout leur possible pour améliorer les conditions d'enseignement, n'hésitant pas à se regrouper et à mutualiser leurs moyens.

Ces décisions s'inscrivent en contradiction avec les besoins exprimés par l'ensemble du monde éducatif. La réalité du monde scolaire ce sont des classes surchargées, malgré l'habillage qui tend à démontrer que le taux d'encadrement en Moselle augmente en prenant en compte les créations de postes dans la prise en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers ou spécifiques. Ce type d'approche ne peut qu'être mal vécu par nos concitoyens qu'ils expriment ou non leur mécontentement depuis plusieurs semaines.

En conséquence, pourriez-vous nous indiquer les mesures que vous entendez prendre afin de permettre au monde rural de maintenir de bonnes conditions d'apprentissage pour tous les élèves qui y vivent ? La ruralité n'attend plus des déclarations d'amour, mais jugera par les faits toute l'attention qui lui est portée par le gouvernement.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous serons d'abord d'accord sur l'esprit de la politique à conduire : oui, il faut de la bienveillance et du soutien pour l'école primaire en zone rurale - qui réussit mieux que la moyenne  - au cas par cas et de façon pragmatique.

Le vrai sujet est celui de la démographie, et nous devons tout faire pour que des familles se réinstallent dans les territoires ruraux.

Mais nous n'accablons pas la ruralité, notamment la Moselle, comme vous nous le reprochez. En 2018, 20 emplois supplémentaires ont été créés en Moselle pour 544 élèves de moins. En 2019, 12 postes seront créés pour 1 000 élèves en moins. Le taux d'encadrement du département est passé de 5,45 pour 100 élèves en 2017 à 5,57 en 2019.

Ce que vous contestez, c'est peut-être la répartition des postes au sein du département, ce dont nous pouvons discuter avec la rectrice et avec les Dasen dans le cadre du contrat de ruralité de la Moselle. Mais ne travestissons pas la réalité car on ajoute du désespoir là où ce n'est pas nécessaire.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous nous faites une réponse technique et qui relève de l'habillage. Ce que les élus et parents ressentent sur le terrain, ce sont les fermetures de classes !

Vous créez des postes, certes : 5 postes de Rased, 6 postes de liaison école-collège, 1 poste pour le service militaire volontaire, 1 poste de conseiller pédagogique, 2 postes d'accueil des professeurs d'allemand, 2 formateurs aux usages numériques... mais tout cela se traduit par des fermetures de classes. Dans le monde rural, on a l'impression de payer les dédoublements de classes des CP et CE1 dans les zones prioritaires.

Attribution de subventions pour les associations sportives

M. Michel Savin .  - La disparition de la dotation d'action parlementaire, ex « réserve parlementaire », fléchée à hauteur de 50 millions d'euros en 2016 vers les associations a été pour moitié compensée dans la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 par une hausse de 25 millions d'euros du montant du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

Ainsi, se sont 1 670 associations sportives locales et 2 236 associations qui ont pu en bénéficier. Aujourd'hui, cette suppression de financement, est loin d'être négligeable pour les petites associations sportives locales. La loi de finances pour 2018 avait inscrit 25 millions d'euros dans le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), crédits qui ont été maintenus pour 2019. Ces 25 millions d'euros de crédits du FDVA sont destinés en priorité aux associations ne bénéficiant pas du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires : des associations de taille réduite qui emploient peu ou pas de salariés. Ce fonds, chargé jusqu'à présent de financer la formation des bénévoles, peut désormais également bénéficier aux associations sportives, pour le financement global de leur activité, ou à la mise en oeuvre de projets ou d'activités qu'elles ont créés dans le cadre du développement de nouveaux services à la population.

Pourriez-vous nous exposer les résultats de la campagne de subventions pour les associations sportives via le FDVA en 2018, afin de pouvoir établir un bilan précis de l'évolution qu'a connu le financement des associations sportives locales entre 2017 et 2018 et l'évolution envisagée pour 2019 ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La loi de finances pour 2018 a confié la gestion d'une enveloppe de 25 millions d'euros, ancienne réserve parlementaire, au FDVA. Les crédits ont été reconduits à l'issue du vote de la loi de finances et le décret du 8 juin 2018 en a fixé les règles de répartition : toutes les petites associations qui bénéficiaient de la réserve parlementaire ont pu faire des demandes de subvention au titre du FDVA pour leur fonctionnement et pour de nouveaux projets. L'instruction du 15 mai 2018 a fait des petites associations une priorité dans l'attribution de ces crédits, je l'ai constaté sur le terrain. Elle a aussi préconisé un plafond de subventions à 15 000 euros.

Le FDVA, près duquel plus de 22 800 associations ont déposé une demande en 2018, soutient tous les secteurs : 9 500 associations ont bénéficié de subventions en 2018. En Nouvelle-Aquitaine, 32 % des demandes sont issues des associations sportives et 45 % d'entre elles ont bénéficié d'une subvention.

Dès 2018, les demandes ont été simplifiées avec un formulaire unique de demande de subvention. Le dispositif est à présent en place et la prochaine campagne pourra se dérouler selon un calendrier amélioré : les associations sauront si elles bénéficient de subventions avant l'été. Elles pourront également déposer leurs demandes en ligne.

Le sujet du FDVA et du financement associatif pourront même être abordés à l'occasion du grand débat.

M. Michel Savin.  - Merci, mais vous n'avez donné aucun chiffre précis et surtout aucune comparaison entre 2016 et 2018... Votre politique impacte la vie des associations locales, et vous le savez, elles jouent un rôle majeur dans nos campagnes et dans nos villes, mais elles vivent des moments très difficiles. Passons des paroles aux actes, enfin.

Enseignement des langues régionales au sein de la réforme du baccalauréat et du lycée

Mme Maryvonne Blondin .  - Je veux d'abord saluer le conseil municipal des jeunes d'Ergué-Gabéric, qui est en tribune.

Ma question porte sur la réforme du baccalauréat et ses effets désastreux sur les langues régionales. C'est un recul qui se profile tant en enseignement optionnel que bilingue. L'élève qui choisira la langue régionale en LVB ne pourra plus suivre l'enseignement de ces deux langues étrangères et de sa langue régionale comme c'est le cas actuellement dans les lycées où l'option LV2 bis est proposée. C'est un choix cornélien pour ces élèves amoureux des langues et qui aura des conséquences sur leur orientation en supérieur.

L'élève pourra choisir l'enseignement de spécialités au nombre de trois en première, mais hélas, seules deux sont conservées en terminale et on connaît l'importance de ces choix pour le post-bac.

L'option en LVC pourra être choisie mais, là encore, son coefficient pour le bac ne sera plus que 0,6 alors que l'option « Langues et cultures antiques » garde le coefficient 3. N'y a-t-il pas là une forme d'injustice d'autant que les LCA peuvent cumuler cette option avec une autre, ce qui n'est pas le cas pour les LVC ?

L'article L312-10 du code de l'éducation stipule que cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par convention entre l'État et les collectivités où ces langues sont en usage.

Le président Macron, à Quimper, a parlé de droit à la différenciation. La région Bretagne s'est pleinement engagée dans ce défi. Vendredi dernier, à Rennes, le premier acte de différenciation a été signé par le Premier ministre et le président de la région avec un volet langue et culture bretonnes.

Vous qui prônez l'école de la confiance, faites aussi confiance aux élus des territoires. Vous avez entre vos mains l'avenir de ce trésor linguistique. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour inclure plus efficacement les langues régionales dans la réforme du bac et au-delà dans l'ensemble du système éducatif ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je salue à mon tour le conseil municipal des jeunes en tribune.

Je suis surpris par votre question, madame la sénatrice, car la réforme du lycée sera au contraire une formidable opportunité de développement pour les langues régionales. Les arrêtés du 17 juillet 2018 permettront aux élèves de choisir les langues régionales au titre des langues vivantes B dans les enseignements communs mais aussi au titre de la langue vivante C dans les enseignements optionnels. Dans la filière générale, cela signifie que la langue vivante régionale choisie au titre de la langue B à un poids plus important en termes de coefficient dans l'examen qu'avant la réforme. S'agissant de la langue régionale choisie au titre de l'enseignement optionnel, la langue vivante C, elle, comptera parmi les disciplines valorisées lors de l'examen.

Dans la voie technologique, le choix d'une langue régionale demeure possible au titre de la langue vivante B. Pour l'optionnel, la langue régionale est proposée dans la série « sciences et technologies » de l'hôtellerie et de la restauration.

Pour le bac 2021, les langues régionales pourront donc toujours être choisies par les élèves dans les filières technologiques.

De plus, la place et la dynamique des langues régionales dans le cadre du bac 2021 sont confortées puisqu'il a été décidé d'introduire les langues vivantes régionales comme enseignement de spécialité : cela signifie quatre heures en première et six heures en terminale ! On ne peut donc prétendre qu'il y ait un recul dans ce domaine. Un projet d'arrêté modificatif a été présenté au Conseil supérieur de l'éducation du 6 février 2019 qui modifie l'intitulé de l'enseignement de spécialité et précise que les langues concernées par cet enseignement sont les langues vivantes A ou B ou C de l'élève. Le Conseil a été favorable à ce projet d'arrêté.

M. le président.  - À mon tour de saluer les jeunes qui nous font le plaisir de visiter le Sénat.

Fermetures de classes envisagées en milieu rural

Mme Sylvie Vermeillet .  - Ma question porte sur les fermetures de classes envisagées en milieu rural et plus particulièrement dans le département du Jura.

À l'heure du dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone prioritaire urbaine, nos territoires ruraux et de montagne vivent de manière très cruelle les effets de seuil à l'origine de fermetures de classes.

Partout, les maires de nos campagnes s'organisent en réseau pour mutualiser leurs moyens tout en rénovant leurs écoles. Ils ont également à coeur de répondre aux besoins et aux demandes de leurs enseignants. Le Jura est exemplaire d'ailleurs en matière de regroupement scolaire.

Au sein même de la ruralité, la carte scolaire est inéquitable. Dans des départements aux spécificités géographiques, démographiques et sociologiques comparables, les taux d'encadrement sont sensiblement disparates. Au sein d'une même région, en Bourgogne-Franche-Comté, il était de 5,79 à la rentrée 2018 dans le département du Jura, quand les départements voisins de la Côte-d'Or et de la Nièvre pouvaient compter sur des taux d'encadrement de 6,02 ou 6,36.

Pourtant, le Jura fait partie des zones de montagne avec un taux élevé de population rurale isolée. Il est donc difficilement justifiable que le taux d'encadrement y soit plus faible qu'en Côte-d'Or ou dans la Nièvre. Je n'ignore pas que le nombre d'élèves diminue, et je reconnais que vous attribuez des postes supplémentaires dans tous les départements concernés, mais vous ne rééquilibrez pas les disparités injustifiées des taux d'encadrement.

Comptez-vous y remédier pour ajuster ces taux d'encadrement entre les territoires en tenant compte de leurs difficultés et de leurs spécificités ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Question très importante. Vous soulignez l'inégalité des territoires et appelez à tenir compte de leurs spécificités ; ce qui pourrait constituer une contradiction...

Les conventions de ruralité par département doivent expliciter ces spécificités et justifier d'éventuels régimes de faveur. Le taux d'encadrement était dans votre département de 5,57 à la rentrée 2016, il sera de 5,81 en 2019, en application de la convention-cadre départementale signée le 24 mai 2018, et ce, malgré la diminution du nombre d'élèves. La convergence des taux d'encadrement entre départements est engagée.

En outre, la réserve départementale de cinq postes permettra de limiter les fermetures de classes. Oui, il y a une attention particulière pour le Jura, oui il y aura recherche de convergence pour les taux d'encadrement entre départements, oui il y aura une prise en compte des difficultés particulières. J'invite à une forme d'unité entre tous les élus et l'État sur le soutien à l'école rurale.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Je vous remercie pour tous ces oui. J'espère que les moyens nécessaires seront donnés à notre recteur avec qui j'ai plaisir à travailler.

Assistants d'éducation en milieu rural

M. Jean-Yves Roux .  - L'article L. 916-1 du code de l'éducation précise que « les assistants d'éducation sont recrutés par des contrats d'une durée maximale de trois ans, renouvelables dans la limite d'une période d'engagement totale de six ans ».

Ce statut des assistants d'éducation, s'il s'avère protecteur et à juste titre dans des établissements urbains, s'avère également contreproductif pour des établissements ruraux et a fortiori de montagne. En effet, ces établissements rencontrent d'importantes difficultés de recrutement de ces assistants d'éducation (AED) et de pérennisation de ces emplois.

Les étudiants qui pourraient être candidats à ces postes suivent des formations post-baccalauréat dans des lieux éloignés de la commune de recrutement, ce qui ne leur permet pas d'être présents pendant la semaine. En outre, il s'agit dans la majeure partie des cas de temps partiels, ce qui ne contribue pas à renforcer l'attractivité de ces recrutements.

La rotation des personnels concernés fragilise le fonctionnement des établissements dans la mesure où les AED sont peu formés et accompagnés, et que cette situation engendre une concurrence malsaine entre les communes et les intercommunalités.

Une réflexion sur la modification du statut de ces assistants d'éducation s'impose : pérennisation de postes, notamment en zones de revitalisation rurale et de montagne, possible modification du statut des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Un poste d'AED pourrait fournir également un bon complément de salaire pour quelqu'un qui disposerait d'un autre emploi local de proximité, tel un poste d'animateur de centre de loisirs, ou d'un statut d'AESH.

Dans un contexte de mise en oeuvre d'établissements scolaires multi-sites en milieu rural, cette évolution de ces statuts contribuerait à renforcer l'attractivité de ces derniers pour les personnels de vie scolaire en milieu rural.

Envisagez-vous afin de soutenir la stabilité des équipes éducatives en zones de revitalisation rurale ou de montagne, de prévoir des modifications statutaires ou réglementaires qui pourraient bénéficier aux assistants d'éducation ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Question importante, dans le cadre des réformes actuelles, avec le projet de loi que je présente à l'Assemblée nationale, et du dialogue social en cours au ministère de l'Éducation nationale.

Les assistants d'éducation sont au nombre de 50 000 et les AESH, pour lesquels j'ai annoncé hier des mesures importantes s'agissant de l'école inclusive en renforçant leur statut, seront au nombre 80 000, soit un total de 130 000 assistants, tous statuts confondus, qui joueront un rôle essentiel. Nous devons penser leur rôle de façon cohérente toute en tenant compte de la spécificité des territoires.

Le recrutement de ce personnel, plus difficile en zones rurales, a été ouvert et les profils assouplis. En outre, la future loi permettra aux étudiants de deuxième année qui se destinent au métier d'enseignant de devenir des assistants d'éducation huit heures par semaine.

Le soutien du directeur académique des services de l'Éducation nationale (Dasen) et du rectorat sera renforcé en milieu rural. Demain, des étudiants constitueront donc ce nouveau vivier.

Hier, nous avons renforcé le statut général des personnels AESH. Le recrutement en milieu rural sera facilité, je puis vous l'assurer et les perspectives sont réelles pour la rentrée prochaine.

Fusion des académies

M. Didier Rambaud .  - La réforme de la carte des académies a été annoncée au 1er janvier 2020, pour faire suite à celle des régions.

Si la décision de fusion des trois académies de Grenoble, Lyon et Clermont-Ferrand devait être prise, elle pourrait entraîner des difficultés sur des territoires très étendus et avoir une incidence non négligeable sur la vie scolaire pour les professeurs, les personnels, les associations de parents d'élèves ainsi que les élèves. En matière d'examens aussi, l'impact ne serait pas sans conséquence puisqu'un rectorat unique redéfinirait, sous l'autorité du recteur, le service du département des examens et des concours qui prend en charge leur bonne organisation.

D'autre part, si certains postes devaient être transférés à plusieurs centaines de kilomètres de distance, beaucoup de familles seraient impactées par cet éloignement.

La métropole grenobloise, deuxième pôle de recherche après l'Ile-de-France, centralise elle-même quatre pôles internationaux de recherche sur sept équipements situés en France. Les élus et les responsables universitaires de la région grenobloise font part de leur inquiétude devant la fusion annoncée.

Grenoble est une métropole à part entière avec ses pôles d'excellence et d'innovation. Ville étudiante cosmopolite, elle séduit chaque année environ 65 000 étudiants de 180 nationalités différentes. Comment peut être envisagée cette fusion sans que le positionnement de Grenoble comme ville phare pour la vie universitaire et la recherche au coeur des Alpes ne soit dégradée par l'éloignement des centres de décision ? La concertation, de plus, a gravement fait défaut.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Sujet important, qui a fait l'objet d'une étude minutieuse et d'une réelle concertation. Nous avons souhaité que l'organisation nouvelle tire les leçons de la réforme régionale, dans ses aspects positifs, mais aussi négatifs, pour ne pas reproduire les mêmes défauts. Les rapprochements régionaux ne devront pas se faire au détriment de notre volonté de proximité. Ainsi, la départementalisation des décisions dans l'Éducation nationale sera renforcée à compter de la rentrée 2019.

Nous ne supprimerons aucun rectorat, mais nous fusionnons des services - les services d'orientation, par exemple, dont les équipes pourront se déployer à Lyon comme à Clermont ou à Grenoble. Il arrivera à Grenoble ou Clermont-Ferrand d'abriter le siège d'un service régional. Notre vision est pragmatique, vous le voyez.

Sur l'enseignement supérieur, je laisserai Frédérique Vidal vous répondre. L'importance universitaire de Grenoble n'est pas et ne sera pas méconnue.

M. Didier Rambaud.  - Merci. Je prends acte que les rectorats seront maintenus et j'interrogerai votre collègue de l'enseignement supérieur.

Perspectives du Brexit

Mme Corinne Féret .  - Ma question porte sur l'inquiétude suscitée en Normandie par la perspective d'une sortie brutale, sans accord, du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Sur le plan économique, les risques sont lourds pour notre territoire. La Normandie est la région qui commerce le plus avec le Royaume-Uni - dans l'agroalimentaire, les produits chimiques ou pétroliers... Elle est son premier partenaire économique avec 2,5 milliards d'euros d'exportations, soit trois fois plus que la Bretagne, et 1,7 milliard d'euros d'importations. Certains secteurs et activités seraient particulièrement impactés par un Brexit « dur ».

S'agissant de la pêche, l'inquiétude s'ajoute aux problèmes déjà existants, en particulier pour les navires hauturiers. L'enjeu est considérable pour les pêcheurs normands, qui pourraient perdre près de la moitié de leur surface de pêche.

La Normandie est également une terre d'excellence du cheval : c'est la première région d'élevage, de formation et de recherches équines. Cette filière aurait donc tout à craindre du rétablissement de normes sanitaires britanniques obligeant à réinstaurer des contrôles vétérinaires longs et coûteux au moment du transport des chevaux.

Sans accord, les ports normands risqueraient, eux aussi, de subir de plein fouet le Brexit. La rapidité et la simplicité des démarches administratives étant essentielles pour fluidifier le trafic et garantir un modèle économique portuaire concurrentiel, le pire est en effet à craindre. À Ouistreham, dans le Calvados, on appréhende de devoir réduire le nombre de liaisons quotidiennes avec la Grande-Bretagne en raison de l'augmentation des temps de désembarquement des ferries. Et, dans tous les ports concernés, des travaux seraient nécessaires, le coût du rétablissement des contrôles sanitaires et aux frontières représentant une enveloppe de 5 à 10 millions d'euros par port.

Le maintien de la fluidité du trafic transmanche doit devenir une priorité. Il convient de permettre aux ports de faire face aux difficultés liées au Brexit et de saisir l'opportunité de récupérer les flux de marchandises irlandaises.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre, en lien avec l'Europe, pour accompagner le Calvados et la Normandie qui seront lourdement impactés ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La France et l'Union européenne sont mobilisées pour assurer un Brexit ordonné, ce qui passe par la ratification de l'accord de retrait préparé par Michel Barnier. Malheureusement, les incertitudes britanniques exigent que nous nous préparions à toutes les éventualités, y compris un Brexit sans accord : les conséquences en seraient lourdes, notamment pour la Normandie.

Comme la Commission européenne, nous souhaitons le maintien des règles actuelles en attendant l'entrée en vigueur d'un nouvel accord de pêche. Un appel à projets doté de 65 millions d'euros est ouvert pour permettre à certains ports comme Cherbourg, Caen et Dieppe de bénéficier de financements supplémentaires.

S'agissant de la filière équine et des contrôles qui s'appliqueront à l'exportation d'animaux vivants vers le Royaume-Uni, les déclarations du Gouvernement britannique se veulent rassurantes. Même en cas de Brexit sans accord, aucune nouvelle exigence ne sera introduite et le Royaume-Uni continuera de reconnaître un certain temps les documents et les certificats délivrés dans l'Union européenne. Nous chercherons à pérenniser cette situation dans le cadre de la négociation sur les relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Gestion des appels d'urgence

M. Olivier Cigolotti .  - Le 7 décembre 2018, l'inspection générale de l'administration (IGA) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont rendu public leur rapport sur les nécessaires évolutions du référentiel en matière de secours d'urgence aux personnes.

Ce rapport préconise, non pas l'organisation des plates-formes départementales 15-18 dont l'efficacité est avérée puisqu'elles fonctionnent dans 21 départements, mais dix ou douze plateformes suprarégionales correspondant peu ou prou aux zones de défense. Cette proposition réduit à néant le travail du Sénat.

Le président de la République, dans son intervention du 6 octobre 2017, insistait sur la nécessité de « mettre en place des plateformes uniques d'appels telles qu'elles existent déjà dans de nombreux départements ».

Dans le contexte de violence que connaît notre pays, les esprits sont tournés vers la protection de nos populations. Au-delà des conservatismes, il est urgent de faire évoluer les systèmes de réception des appels d'urgence des sapeurs-pompiers, des services d'aide médicale urgente (SAMU), de la police et de la gendarmerie.

Il est regrettable que le rapport IGA-IGAS ignore l'option consistant à faire du 112 l'unique numéro d'urgence en s'appuyant sur les synergies de proximité et les expériences départementales réussies.

Le Gouvernement entend-il procéder à la modernisation de l'action publique par la création de plates-formes de proximité ou supradépartementales ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Les services d'urgence connaissent un développement considérable de leur activité. En 2017, les pompiers ont reçu 18 millions d'appels et effectué près de 4 millions d'interventions au titre du secours aux personnes. Améliorer la réponse opérationnelle et la prise en charge des appels est donc nécessaire.

Après une large concertation, le ministre de l'Intérieur a annoncé un plan ambitieux de 37 mesures concernant le volontariat. Le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires suivra sa mise en oeuvre qui devrait intervenir entre 2019 et 2021. En outre, conformément au souhait du président de la République, les ministères de l'Intérieur et de la Santé travaillent sur un numéro d'appel unique. Le rapport que vous évoquez n'est qu'un élément d'éclairage sur l'interopérabilité des systèmes de gestion d'appels.

La Seine-et-Marne testera dès 2020 le nouveau système d'information unique et intégré des appels d'urgence, NexSIS 18-112, qui sera progressivement déployé dans les SDIS entre 2021 et 2025.

M. Olivier Cigolotti.  - Dans ce dossier comme dans bien d'autres, nous avons besoin de proximité. Elle est indispensable pour que les sapeurs-pompiers puissent enfin piloter leurs missions de secours d'urgence aux personnes qu'ils accomplissent dans 95 % des cas en palliant les carences de notre système de santé.

Effectifs de la police et de la gendarmerie

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Candidat à l'élection présidentielle, le président de la République promettait la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes sans préciser leur répartition. Il s'engageait à « donner à la gendarmerie toute sa place dans la mission de renseignement » reconnaissant « sa contribution désormais significative au renseignement territorial et au suivi des individus susceptibles d'être radicalisés ».

La gendarmerie protège 50 % de la population dans une zone de compétence qui couvre 95 % du territoire. Elle vient en appui de la police lors des manifestations, notamment des gilets jaunes. Elle est aussi confrontée à la gestion des flux de population et de délinquance dans de vastes espaces ruraux et des zones d'affluence saisonnière.

Or les programmations budgétaires laissent entrevoir une clé de répartition des effectifs de 25 % pour la gendarmerie et 75 % pour la police, contre 40 % et 60 % auparavant. On envisage aussi une intégration d'effectifs de la gendarmerie à la DGSI.

Qu'en est-il de ces recrutements respectifs et de la présence des gendarmes au sein de la DGSI ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La sécurité des personnes et des biens sur l'ensemble du territoire est une priorité du Gouvernement : 2 500 postes seront créés d'ici 2022 pour remettre à niveau la gendarmerie qui a souffert de la politique de réduction des effectifs menée entre 2007 et 2012 et tenir compte de l'augmentation de la population dans sa zone.

En 2018, le plafond d'emplois a atteint un niveau inédit depuis 2008, pour atteindre 100 768 personnes, contre 100 192 en 2017. Depuis deux ans, l'écart entre les emplois votés et exécutés diminue : 1 935 ETPT en 2018, contre 3 754 ETPT en 2016.

Les unités assurant les missions de sécurité publique profiteront en priorité de ce renforcement. La clé de répartition entre les forces dépend des missions de chacune, notamment en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme, de contrôle aux frontières extérieures et de lutte contre l'immigration illégale et de gestion des centres de rétention administrative ; autant d'objectifs prioritaires au même titre que la sécurité du quotidien.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Le protocole conclu en 2016 pour valoriser les carrières n'est pas mis en oeuvre. Le Gouvernement doit tenir ses engagements alors que nos forces de sécurité sont fortement mobilisées.

Obligation d'emploi des personnes handicapées

M. Guillaume Chevrollier .  - La loi prévoit désormais que les contrats de sous-traitance passés par les entreprises ou collectivités aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT), aux entreprises adaptées et aux travailleurs indépendants en situation de handicap ne pourront plus être comptabilisés pour remplir leur obligation d'emploi qui est fixé, en théorie, à 6 % des effectifs.

Le Gouvernement indique que les modalités de calcul du recours à la sous-traitance seront définies dans le futur décret avec un objectif de neutralité financière. Les associations représentantes des personnes handicapées, notamment l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) craignent que la réforme fragilise le travail des 250 000 personnes en situation de handicap qui ont un accès à un travail grâce à l'accompagnement proposé par les ESAT et les entreprises adaptées.

Que leur répondez-vous ? Comment garantir la neutralité financière promise ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Merci pour votre question qui me donne l'occasion de rassurer les associations avec lesquelles nous avons de nombreux échanges.

La loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel différencie emploi direct et indirect des personnes handicapées par les entreprises. Un décret à paraître d'ici la fin mars précisera comment les entreprises pourront déduire les achats en sous-traitance auprès du secteur adapté ou protégé de leur contribution due au titre de l'OETH. Toutes les associations, dont l'Unapei, sont associées à la rédaction de ce texte.

Les discussions sont en cours pour savoir s'il faut permettre de déduire l'intégralité d'une facture de sous-traitance ou seulement la partie se rattachant à la main-d'oeuvre.

L'intention du Gouvernement est claire : valoriser le secteur adapté et protégé où nous espérons la création de 40 000 emplois de personnes handicapées d'ici 2022 avec un soutien public porté à 500 millions d'euros.

M. Guillaume Chevrollier.  - Nous serons vigilants sur la rédaction du décret. Nous souhaitons tous une société plus inclusive.

Risques liés aux terrains de sport synthétiques

M. Daniel Gremillet .  - La France compte 4 700 terrains synthétiques servant à la pratique du football et du hockey sur gazon, dont 3 000 de grande dimension. Les communes sont nombreuses à avoir investi dans ce type de revêtement. Il est trois à quatre fois plus onéreux mais son entretien est bien moindre que le gazon. Surtout, ils peuvent être utilisés 45 heures par semaine, contre 10 heures pour la pelouse.

Une enquête publiée dans So Foot, en novembre 2017, a fait état de la dangerosité des granules de caoutchouc utilisés dans la fabrication des terrains synthétiques. Issus de pneus recyclés ou d'anciens joints de machines à laver, ces granulats auraient une teneur en hydrocarbures très largement supérieure à ce qui est généralement admis pour les enfants ou encore des métaux comme le plomb et le zinc.

Les quatre ministères concernés ont commandé une étude à l'Anses, qui l'a publiée le 29 août 2018. Elle conclut à un risque peu préoccupant pour la santé humaine et à des risques potentiels pour l'environnement mais souligne des incertitudes compte tenu des limites méthodologiques et du manque de données. L'agence préconise une étude complémentaire, ce que je salue. Quand cette analyse sera-t-elle rendue ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Après la publication de l'étude de l'Anses, le Gouvernement a demandé des travaux complémentaires sur les risques que présentent les terrains synthétiques pour la santé humaine et pour l'environnement. De nouvelles données européennes et internationales devraient aussi nous être communiquées sous peu. Le groupe de travail sur les risques environnementaux liés à l'usage des granulats dans les terrains de sport devrait également rendre ses conclusions en septembre 2019. Grâce à ces travaux, dont nous ne manquerons pas de vous ternir informés, nous pourrons envisager les actions à conduire.

M. Daniel Gremillet.  - Avec les familles et les maires, nous attendons les conclusions de ces travaux avec impatience.

Déserts médicaux en Seine-Maritime

M. Didier Marie .  - Dans mon département de la Seine-Maritime, la désertification médicale est ancienne et exponentielle. À Criquetot-l'Esneval, Cany-Barville, Eu, Caudebec-en-Caux, les médecins se font de plus en plus rares.

Depuis mars 2018, l'agence régionale de santé utilise un nouvel indicateur : l'accessibilité potentielle localisée. Il ne rend pas toujours compte de la réalité des territoires : Fécamp s'est vu déclassé en zone d'action complémentaire alors que la ville a perdu trois médecins et que cinq autres partiront prochainement à la retraite.

Dans la pratique, les groupements hospitaliers de territoire se traduisent souvent par une concentration d'offre de soins sur le plus grand établissement hospitalier au détriment des plus petits. Pourriez-vous nous fournir un premier bilan de ces regroupements en Seine-Maritime ?

Quant à la télémédecine, elle ne saurait être l'alpha et l'oméga de l'offre de soins dans les déserts médicaux. Quel est son déploiement en Seine-Maritime ?

Le Gouvernement entend-il rendre publics les financements locaux et nationaux destinés à encourager l'installation des professionnels de santé ? Envisage-t-il de recourir, en plus de ces mesures incitatives, à la coercition ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le défi est grand car la baisse du nombre de médecins, qui a commencé en 2010, pourrait se poursuivre jusqu'en 2025.

Dès octobre 2017, le Gouvernement a lancé un plan d'égal accès aux soins constitué d'un panel de solutions dont chaque territoire peut se saisir pour l'adapter à sa réalité. La télémédecine est un levier, comme le stage de stage en cabinet, maisons ou centres de santé ou encore le déploiement de l'exercice coordonné sous toutes ses formes.

Un important travail méthodologique a été mené pour que les ARS puissent mieux identifier les zones carencées. Le nouveau critère d'accessibilité potentielle localisée intègre l'activité, l'âge moyen des médecins et le temps d'accès. Les ARS peuvent ajouter d'autres critères pour tenir compte des réalités locales. Elles peuvent aussi réajuster régulièrement leur zonage, c'est d'ailleurs en cours en Normandie.

Le plan se déploie sur le terrain. Le nombre d'étudiants ayant signé un contrat d'engagement de service public a augmenté de 13 % et le nombre de maisons de santé de 18 % ces neuf derniers mois. En Seine-Maritime, 16 maisons de services au public ont été ouvertes et 22 sont en projet.

La coercition à l'installation ne constitue pas une solution. Nous préférons faire confiance aux acteurs. Nous créons 4 000 postes d'assistants médicaux dans le cadre du plan « Ma Santé 2022 » et déployons 400 médecins généralistes dans des territoires prioritaires en exercice partagé. Pour réussir, nous avons besoin des élus. Une solution adaptée à chaque territoire, j'en suis sûre, sera trouvée.

M. Didier Marie.  - La Seine-Maritime mérite une attention toute particulière. Dans ce territoire de 1,3 million d'habitants, le nombre de médecins ne cesse de diminuer. Espérons que, grâce à nos efforts conjugués, la situation s'améliore.

Centre psychothérapique de l'Ain

M. Patrick Chaize .  - Le 16 mars 2016, le contrôleur général des lieux de privation des libertés publiait au Journal officiel des recommandations d'urgence concernant le centre psychothérapique de l'Ain (CPA) à Bourg-en-Bresse, après y avoir constaté des violations graves des droits fondamentaux des patients hospitalisés. Par la suite, la direction de cet hôpital a dû mettre en oeuvre dans les meilleurs délais des mesures correctives portant sur le fonctionnement général des services et les pratiques observées. Un plan d'action a été engagé à moyen et long termes, conduisant à la certification du CPA par la Haute Autorité de santé en décembre 2017.

Pour autant, cet établissement, qui constitue la seule offre de soins psychiatriques du département, est confronté à de sérieuses difficultés. La démographie médicale qui est dans l'Ain, toutes spécialités confondues, l'une des plus faibles de France, touche notamment la psychiatrie. Malgré la mise en place d'un projet d'attractivité, le CPA connaît une carence importante en psychiatres et l'établissement a dû recourir à l'intérim, avec un impact négatif sur la qualité des soins. Pas moins d'onze postes de psychiatres sont vacants. Les médecins en exercice ont une lourde charge de travail. À cela s'ajoutent l'intensité des réformes menées dans l'hôpital et une forme de discordance entre les exigences multiples auxquelles les psychiatres sont soumis et les moyens dont ils disposent. En outre, la moyenne d'âge de ces médecins, 58 ans, laisse augurer des départs prochains et une détérioration des conditions de travail.

La situation n'est plus tenable et il faut au moins dix ans pour former un psychiatre. Quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le CPA n'est plus le seul établissement autorisé en psychiatrie dans l'Ain, une clinique a ouvert en 2018 à Châtillon. Le rapport établi par le contrôleur général des lieux de privation des libertés en 2016 a fragilisé l'image de l'établissement, ce qui n'y facilite pas les recrutements.

L'ARS a accompagné l'établissement dans l'élaboration de son plan d'action après la visite du contrôleur général mais aussi dans les orientations de son nouveau projet médical. Ce nouveau projet médical plus ouvert sur la cité, respectueux des droits des patients, devrait progressivement attirer de nouveau de jeunes psychiatres. En attendant, un travail complémentaire est effectué au sein de l'établissement pour assurer à chaque professionnel sa juste place.

Situation statutaire des aides-soignantes

Mme Nicole Duranton .  - Seuls les auxiliaires de vie et les infirmiers libéraux peuvent intervenir auprès des personnes âgées atteintes de pathologies chroniques, de maladies neurodégénératives ou polypathologiques qui demeurent à domicile. Les premiers, débordés, refusent parfois des interventions notamment la toilette car cet acte, faiblement rémunéré, n'est pas de leur ressort à l'hôpital.

Les auxiliaires de vie, dont le rôle est l'accompagnement dans la préparation des repas, l'entretien des locaux ou les tâches logistiques, sont parfois contraints de pratiquer des soins qui vont au-delà de leurs prérogatives et de leur formation.

Les aides-soignants, dont la formation répond parfaitement à cette typologie, n'ont pas la possibilité d'exercer en libéral. Le Gouvernement le prévoit-il ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Comme l'a annoncé le président de la République lors de la présentation de « Ma santé 2022 », les référentiels d'activités, de compétences et de formation de la profession d'aide-soignant vont être actualisés, en cohérence avec les besoins de notre système de santé. L'on tiendra compte des spécificités de leur exercice auprès des personnes âgées, qu'elles soient à domicile ou en établissement. Dominique Libault, dans le cadre de la mission relative au Grand Âge et à l'autonomie, rendra prochainement un rapport qui apportera un éclairage.

Le plan « Ma santé 2022 » prévoit la création de postes d'assistants médicaux, qui seront ouverts aux aides-soignants dans des conditions à définir. Le parcours professionnel des aides-soignants sera enrichi et la prise en charge des patients améliorée.

Mme Nicole Duranton.  - Le maintien des personnes âgées, à domicile, moins coûteux que les maisons de retraite, doit être favorisé.

Nombre d'enseignants à la faculté de médecine de Lille

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La situation sanitaire dans le Pas-de-Calais est très préoccupante. La surmortalité est de 38 % par rapport à la moyenne nationale. Si aucune mesure d'urgence n'est prise, elle pourrait atteindre 46 % en 2025 sans compter que le bassin minier est le plus affecté par la mortalité liée au cancer.

Les groupements hospitaliers de territoire auraient dû apporter du mieux. Il n'en est rien : 20 et 80 postes respectivement supprimés dans les hôpitaux de Lens et de Béthune, 6 millions d'euros manquent pour la rénovation du bloc opératoire à Béthune où le service de cardiologie a été supprimé tandis que le projet d'hôpital à Lens est sans cesse revu à la baisse avec un service de pneumologie supprimé.

Le doyen de la faculté de médecine de Lille pense que, malgré la disparition du numerus clausus, il ne pourra pas former davantage de médecins faute d'enseignants. Déjà, le taux d'encadrement est y trois fois inférieur à celui de Paris, deux fois inférieur à celui de Marseille.

Nous ne demandons pas l'aumône, seulement ce qui nous est dû : un plan de rattrapage. Combien allez-vous nous accorder de postes d'enseignants ? C'est une question d'équité territoriale.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le numerus clausus a montré ses limites pour répondre aux besoins de santé, il engendre un gâchis humain considérable. Comme le président de la République l'a annoncé, il sera supprimé ainsi que la première année commune aux études de santé, Paces. L'objectif est de recruter des profils plus variés.

La suppression du redoublement en Paces allégera la charge des enseignants. La dématérialisation et la simulation en pédagogie contribuent également à revoir en profondeur les conditions d'enseignement et de vérification des connaissances et des compétences. Il ne peut être imaginé de détériorer l'encadrement apporté aux étudiants ; du reste, des postes universitaires ont été créés ces dernières années.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Vous ne m'avez pas répondu : je vous interrogeais, non sur le bien-fondé de la fin du numerus clausus, que j'approuve, mais sur le nombre de postes d'enseignants à la faculté de Lille.

Financement des Ehpad

Mme Brigitte Micouleau .  - Régulièrement, les salariés des Ehpad entrent en grève pour dénoncer leurs conditions de travail et les conditions de prise en charge de nos aînés.

Le plan 2007-2012 « Solidarité grand âge » prévoyait un encadrement porté à un soignant pour une personne âgée dans ces structures, le développement de pôles d'activités et de soins adaptés (PASA) et d'unités d'hébergement renforcé (UHR).

Les objectifs affichés sont loin d'être atteints. Selon la dernière étude de la Drees, en 2017, le ratio d'encadrement est de 0,6. Moins de 25 % des Ehpad disposent d'un PASA et moins de 3 % d'entre eux disposent d'une UHR, alors que les patients souffrant de maladies neurodégénératives représentent plus de 70 % de la population accueillie en Ehpad.

Le malaise est profond, surtout dans les établissements publics qui ont souffert de la réforme tarifaire entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Quelles mesures correctives sont envisagées ? Il y va de la qualité de vie des résidents et des conditions de travail du personnel.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La nouvelle tarification, issue de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement du 29 décembre 2015, s'appuie sur une objectivation des besoins de chaque établissement en liant l'allocation de ressources aux besoins en soins des résidents ainsi qu'à leur niveau de dépendance.

D'après l'étude réalisée par la CNSA en septembre 2017, les établissements ont vu globalement leur financement augmenter ; seuls 2,9 % d'entre eux, y ont perdu. Un mécanisme correctif a été mis en place pour maintenir les ressources financières de ces établissements pour 2018 et 2019, 70 % de ses bénéficiaires sont publics. En 2019, une enveloppe supplémentaire de 18 millions d'euros complétera les 29 millions d'euros mobilisés en 2018.

En outre, des mesures spécifiques sont prises pour les Ehpad : pour 2019-2021, les crédits supplémentaires sont estimés à 360 millions d'euros, dont 125 millions d'euros dès 2019. De plus, des crédits seront consacrés au financement des plans de prévention en Ehpad pour 30 millions d'euros, à l'amélioration de la coordination des soins pour 20 millions d'euros et à la poursuite de la généralisation de la présence d'infirmiers de nuit pour 10 millions d'euros.

Au-delà, la concertation nationale lancée en octobre 2018 débouchera sur une réforme ambitieuse pour relever le défi du grand âge et de l'autonomie.

Mme Brigitte Micouleau.  - Votre réponse ne peut satisfaire les soignants et les personnes âgées qui méritent mieux qu'un désengagement de l'État.

Remboursement des actes de biologie innovants en oncologie

Mme Véronique Guillotin .  - Le monde médical s'inquiète du remboursement des actes de biologie médicale innovants en oncologie - sujet que Mme Buzyn connaît bien.

Le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), créé en 2015, assure une prise en charge temporaire et dérogatoire des actes innovants, dont les tests oncogénétiques sanguins et les tests sur tumeur qui permettent un traitement ciblé et personnalisé. Ces deux types d'actes sont de plus en plus prescrits et leur intérêt reconnu. Or l'enveloppe dédiée au RIHN est fermée ; d'autre part, depuis 2017, les actes RIHN sont désormais partiellement remboursés au prescripteur, et non à l'effecteur des tests. Les laboratoires facturent des sommes importantes aux établissements prescripteurs, qui ne bénéficieront que d'un remboursement limité.

Les conséquences se font déjà sentir : renoncement aux tests sanguins ou sur tumeur, prescription de médicaments, coûteux et parfois inadaptés, sans que la cible sur la tumeur n'ait été recherchée. L'activité des 28 plateformes régionales labellisées par l'Institut national du cancer, qui recevaient jusqu'ici une dotation au prorata des actes effectués, est en baisse. Sachant que ces tests moléculaires sauvent des vies, le Gouvernement entend-il remédier à cette situation ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La dotation versée aux établissements de santé au titre des actes inscrits au RIHN est stable depuis 2015, à 377 millions d'euros. L'accélération des demandes de tests innovants entraîne une pression sur cette enveloppe et une tension sur le financement des actes de la liste complémentaire, le choix étant fait de privilégier les actes innovants plutôt que les actes de routine.

Nous visons une inscription à la nomenclature d'ici 2022 de l'ensemble des actes considérés par les sociétés savantes comme pertinents. L'enveloppe du RIHN sera ainsi entièrement dévolue aux actes réellement innovants afin de soutenir l'innovation en biologie.

Mme Véronique Guillotin.  - J'insiste : ces tests innovants sont très importants pour l'adaptation du traitement à la cible, ce qu'on appelle la médecine personnalisée. Le remboursement au prescripteur a nourri une véritable économie de marché autour de laboratoires privés voire de plateformes à l'étranger, avec une baisse d'activité des plateformes labellisées. Avec un coût qui atteint 2 300 euros le test, les établissements prescripteurs sont en difficulté.

Augmentation de la fiscalité des contrats de santé

M. Gilbert Roger .  - De nombreux Français ont reçu en décembre 2018 un courrier de leur mutuelle les informant que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoyait de nouveaux efforts de financement de notre système de santé, notamment dans la rémunération du médecin traitant.

Cela se traduit par une nouvelle contribution fiscale de 0,8 % du montant de la cotisation annuelle, venant s'ajouter aux cotisations dues pour 2019. Le montant de cette taxe sera reversé intégralement à l'État.

Cette augmentation de la fiscalité des contrats de santé grève le budget des Français les plus fragiles. Étant donné le contexte social, une exonération de cette taxe pourrait-elle être envisagée pour les plus modestes, et à quel niveau de salaire ou de pension ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Depuis l'avenant 8 à la convention médicale conclue fin 2012, les complémentaires participent au financement de rémunérations alternatives au paiement à l'acte, au titre du forfait médecin traitant, à hauteur de 150 millions d'euros par an.

Les organismes complémentaires se sont engagés à faire progresser cette contribution à 250 millions d'euros en 2018 et 300 millions en 2019, via une contribution dont le produit correspondait à l'engagement conventionnel. Un schéma cible de versement alternatif a été exploré mais la démarche n'a pas abouti. L'article 17 de la LFSS pour 2019 pérennise donc le dispositif et rationalise l'assiette de cette contribution, mais ne crée pas de nouvelle taxe.

Le niveau de prélèvement applicable aux complémentaires reste stable ; cette contribution n'est pas à la charge des assurés mais assujettit le chiffre d'affaires des organismes. Elle n'a donc pas vocation à peser sur les ménages.

M. Gilbert Roger.  - Près de 1 800 euros de cotisations de mutuelle par an pour une femme de 98 ans au minimum social, qui paye 2 450 euros mensuels pour son Ehpad : cet exemple montre hélas que vos services vous racontent des blagues !

Soins bucco-dentaires des personnes en situation de handicap

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - L'expérimentation lancée en 2017 par le ministère de la Santé et pilotée par le collectif santé inter-associations de la Sarthe (Cosia72) a facilité l'accès aux soins dentaires des personnes en situation de handicap. Ces dernières requièrent des soins adaptés, des praticiens formés au handicap, des locaux accessibles...

Fin 2018, près de 500 personnes ont pu en bénéficier, au centre hospitalier du Lude, à l'établissement public de santé mentale d'Allonnes, au centre hospitalier de La Ferté-Bernard ou encore au centre de l'Arche à Saint-Saturnin et je salue les chirurgiens-dentistes impliqués. L'étape suivante, le dépistage par caméra intra-orale, vise la prévention.

Or ce dispositif est aujourd'hui remis en cause faute de financement suffisant. En raison de la demande exponentielle de prise en charge, le budget est épuisé. Ce dispositif avant-gardiste mériterait d'être érigé au niveau national comme modèle d'accompagnement sanitaire des personnes en situation de handicap. Envisagez-vous de le pérenniser et de lancer l'évaluation de l'expérimentation, comme le demande la HAS ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'ARS Pays de la Loire a fait de l'accompagnement des personnes en situation de handicap une priorité, notamment dans son volet bucco-dentaire.

L'expérimentation de deux ans que vous évoquez est arrivée à échéance en décembre. Le financement public ne peut être prolongé sans évaluation scientifique ; celle-ci est en cours.

Les partenaires du projet sont invités à prendre contact avec le groupement hospitalier de territoire de la Sarthe (GHT72) pour une éventuelle pérennisation.

Par ailleurs, l'ARS a décidé de créer au sein du centre hospitalier du Mans un centre de soins dentaires avec un double enjeu pédagogique et clinique. L'ARS attribuera 2 millions d'euros à ce projet très attendu, qui doit renforcer l'attractivité du territoire pour les chirurgiens-dentistes.

Mme Nadine Grelet-Certenais.  - Pourquoi ne pas prolonger un dispositif aussi utile, en attendant le bilan de l'expérimentation ? La Sarthe est fort touchée par la désertification médicale, je suivrai avec attention ces évolutions car l'attente est grande.

Transfert de la contribution climat-énergie aux collectivités locales

M. Guillaume Gontard .  - Alors que le mouvement des gilets jaunes surprenait par son ampleur, le Sénat, décidément plus en prise avec le pays que le Gouvernement, avait proposé durant l'examen du budget 2019 de flécher une partie de la contribution climat énergie (CCE) vers les territoires engagés dans la transition énergétique.

Une fiscalité ne peut être qualifiée d'écologique que si elle finance directement et intégralement la transition énergétique, pas si elle sert à renflouer les caisses de l'État !

Pour tenter d'éteindre la grogne sociale, le Gouvernement s'est contenté de suspendre la hausse de la CCE. Ce faisant, il néglige les territoires qui sont les laboratoires de l'innovation démocratique, sociale, écologique et économique.

Le 22 janvier dernier, à l'occasion des Assises européennes de la transition énergétique, le ministre de la Transition écologique et solidaire entrouvrait la porte au transfert d'une partie de la CCE aux collectivités. Qu'en est-il ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - L'année 2019 sera celle d'une refonte de la fiscalité locale. Plus aucun foyer fiscal, à terme, n'a vocation à payer une taxe d'habitation sur sa résidence principale. Les exonérations déjà actées, qui traduisent un engagement du président de la République, représentent un gain de pouvoir d'achat important et durable pour 80 % des foyers fiscaux.

La compensation sera assurée par une ressource compatible avec l'autonomie des collectivités territoriales, peut-être un transfert aux communes de la taxe foncière perçue par les départements et l'octroi d'une fraction d'impôt national dynamique aux EPCI. Les collectivités territoriales continueront de disposer de ressources propres. Cette refonte s'inscrira dans la démarche de débat et de concertation souhaitée par le président de la République.

M. Guillaume Gontard.  - Vous n'avez pas du tout répondu à ma question, qui portait sur le fléchage de la CCE. La transition énergétique passera par les collectivités territoriales ; il faudra pouvoir financer les innovations des territoires.

Contribution « Vie étudiante et de campus »

M. Didier Mandelli .  - La loi Orientation et de réussite des étudiants crée une contribution « Vie étudiante et de campus » (CVEC) de 90 euros par étudiant qui a remplacé la cotisation au régime étudiant de sécurité sociale, au profit des établissements et des Crous.

La loi de finances pour 2019 l'a plafonnée à 95 millions d'euros ; au-delà, les recettes contribueront à la réduction du poids de la dépense publique. Je m'étais opposé à ce plafonnement par un amendement malheureusement jugé irrecevable. Il est inacceptable de faire financer par les étudiants la réduction du poids de la dépense publique alors que le budget étudiant a besoin de ces fonds.

Face à la mobilisation du monde universitaire, le ministre de l'action et des comptes publics s'est engagé à ce que l'intégralité de ces recettes soit versée au budget étudiant. Est-ce le cas ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Il y a en effet des inquiétudes quant à la redistribution de la CVEC. Celle-ci, d'un montant de 90 euros par étudiant, est affectée exclusivement à l'accueil et l'accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants. Elle fait partie intégrante du plan Étudiants du Gouvernement.

Le produit final ne peut être connu dès la rentrée car beaucoup d'étudiants en sont exonérés ; certains sont remboursés après l'avoir acquittée. Le plafond de recettes prévisionnelles qui figure dans le projet de loi de finances pour 2019 tient compte de cette incertitude. Le montant de 95 millions est un montant prévisionnel, il sera réévalué courant 2019 afin de garantir que tout le produit de la CVEC bénéficie effectivement et exclusivement à la vie étudiante et de campus.

M. Didier Mandelli.  - Merci de cette réponse qui me rassure. Nous serons vigilants. Si les recettes dépassent les besoins, la cotisation devra être revue à la baisse.

Non-conformité d'un service intercommunal de cuisine centrale

M. Bernard Fournier .  - Un contrôle de la cuisine centrale de la communauté de communes des Vals d'Aix et Isable dans la Loire, effectué en novembre 2018 par la direction départementale de la protection des populations, a relevé la présence de matières premières provenant d'un établissement non agréé.

Ce service de cuisine centrale, né d'une volonté de mutualisation, apporte aux communes une réponse de proximité pour leur besoin de restauration scolaire et d'accueil de loisirs afin de proposer des menus variés, goûteux, équilibrés et de qualité aux enfants. Les fournisseurs locaux ont été accompagnés par des fonds publics afin de faciliter leur maintien sur ce territoire rural et pour privilégier un approvisionnement en circuit court. L'activité de la cuisine centrale intercommunale est en progression ces dernières années et a démontré sa pertinence.

Le relevé de non-conformité et l'application des mesures de police administrative pour ce cas spécifique sont en contradiction avec le discours de l'État sur l'adaptation des règles au contexte local. Cela nuit au développement d'activités économiques et au maintien d'emplois en zone rurale. Les élus attendent une réponse adaptée à cette situation. Quelle est la ligne du Gouvernement en la matière ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Lors de l'inspection du 8 novembre 2018, il a été constaté que la cuisine centrale de Souternon s'approvisionnait en steaks hachés auprès d'une boucherie dérogataire à l'agrément européen. Malgré un niveau global d'hygiène satisfaisant, le rapport a donc été accompagné d'un courrier d'avertissement.

Le règlement du 29 avril 2004 pose le principe d'une obligation générale d'agrément pour les établissements du secteur alimentaire qui fournissent des professionnels.

Une boucherie peut déroger à l'obligation d'agrément pour fournir d'autres commerces de détail et de manière marginale, localisée et restreinte - à l'exclusion de la viande hachée, qui ne peut être préparée à l'avance. La dérogation est accordée automatiquement, sur demande, pour la fourniture de professionnels dans un rayon de 80 km, qui peut être étendu par le préfet.

Le cadre juridique actuel paraît donc tout à fait adapté au développement des territoires ruraux et des circuits courts ; la viande hachée fait l'objet de conditions plus restrictives, pour d'évidentes raisons de sécurité sanitaire.

M. Bernard Fournier.  - Je suis déçu par la frilosité du Gouvernement.

Centre national d'études spatiales de Guyane

M. Antoine Karam .  - Le Centre national d'études spatiales (CNES) a toujours participé au développement économique et social de la Guyane. En 1966, il a ainsi participé à la création du centre médico-chirurgical de Kourou (CMCK), pour répondre aux besoins du centre spatial et de l'ensemble de la population.

En décembre 2004, le CMCK a été placé sous la responsabilité de la Croix-Rouge. Le CNES a néanmoins poursuivi son accompagnement en versant une contribution annuelle de 500 000 euros destinée aux investissements ; en 2017, ce soutien a été doublé de façon exceptionnelle.

Face à la transformation du centre médical en un établissement hospitalier public, le CNES a annoncé son désengagement du nouvel actionnariat. Le personnel de l'établissement s'est mobilisé. Ce retrait est d'autant plus regrettable qu'il amputera considérablement le potentiel d'investissement de l'hôpital.

Il fait écho à celui qui a été opéré quelques mois auparavant dans le capital de la société immobilière de Kourou (Simko), également créée en son temps pour répondre aux besoins du centre spatial guyanais.

Un rapport d'octobre 2017 sur les retombées du centre spatial pour les collectivités territoriales préconisait une augmentation de 10 millions de la contribution du CNES chaque année entre 2018 et 2020.

Si un protocole d'accord a été signé au centre hospitalier de Kourou, personnels et élus restent particulièrement attachés à l'engagement du CNES. Quel rôle le Gouvernement entend-il donner au CNES en Guyane ? Ne faudrait-il pas reconsidérer l'engagement du CNES du centre hospitalier ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le CMCK a bénéficié d'une contribution du CNES de 1 million d'euros en 2016 et de 1,5 million d'euros en 2017 pour faire face à son déficit structurel. La situation n'étant plus viable, il a été rattaché au service public hospitalier de droit commun, pour pérenniser l'établissement tout en recentrant la contribution du CNES sur ses domaines de compétences.

Le CNES contribue pour 15 % du PIB guyanais : il emploie 1 700 salariés, dont 75 % sont recrutés localement. Son activité représente au total un sixième de l'emploi salarié privé en Guyane - près de 4 600 emplois directs et indirects - et 58 millions d'euros de recettes fiscales.

Le CNES passe des conventions avec les acteurs locaux, pour 40 millions d'euros sur la période 2014-2020. Chaque année, il alloue 13 millions d'euros aux communes de Guyane pour soutenir des actions de développement.

À la suite des événements de mars-avril 2017, le CNES a augmenté sa contribution de 10 millions d'euros dans le cadre du plan Phèdre, principalement consacré à l'éducation, à la recherche et à l'enseignement supérieur. Il n'y a donc pas de désengagement du CNES, bien au contraire !

Pêche au bar et 48e parallèle

M. Michel Canevet .  - Le Finistère est un haut lieu de la pêche de plaisance. Or au nord du 48e parallèle, on ne peut pêcher qu'un bar par jour à titre de pêche de plaisance ; au sud, le quota est de trois bars. Cela crée une situation d'injustice entre Bretagne nord et Bretagne sud. Une solution avait pu être trouvée pour le dernier trimestre 2018. Pour 2019, la période de pêche est limitée du 1er avril au 31 octobre : un bar au nord du 48e, trois au sud. Ne peut-on harmoniser, sachant que les stocks se sont reconstitués ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je sais que vous êtes fin connaisseur des bars. Comme pour les autres espèces, le Gouvernement défend une gestion durable du stock.

Le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) a émis des avis scientifiques différents sur l'état des stocks de part et d'autre du 48e parallèle, d'où une règlementation plus restrictive en Bretagne nord, qui vaut tant pour la pêche professionnelle que de loisir. Cela pourrait évoluer en fonction de l'état des stocks, dans ce cas il en sera tenu compte.

La France n'a pas le droit de prendre des mesures plus souples que ce qu'imposent les règles européennes en la matière : s'il y avait harmonisation, ce serait sur les conditions les plus strictes. J'ai obtenu en décembre 2018 un assouplissement du cadre réglementaire pour la Bretagne nord, avec un bar par jour et par pêcheur entre le 1er avril et le 31 octobre, soit la période la plus fréquentée par les pêcheurs. C'est un progrès.

J'ai en outre décidé de confier à un parlementaire une mission sur la cohabitation entre pêche professionnelle et de plaisance.

M. Michel Canevet.  - Je m'en félicite et vous invite à vous rendre au Guilvinec pour vous imprégner de la situation sur place et de l'importance de ce secteur pour l'économie de la Bretagne occidentale.

Retournements de prairies

Mme Agnès Canayer .  - En Seine-Maritime, la complexité du réseau hydrographique et les nombreuses fissures favorisent l'infiltration des eaux de surface.

Le syndicat de bassin mixte de la pointe du Pays de Caux s'est doté de compétences pour prévenir les ruissellements et l'érosion. Des liens ont été noués avec les agriculteurs pour faire évoluer les pratiques et réaliser des aménagements d'hydraulique douce adaptés aux besoins. Cependant la question du retournement des prairies reste sensible.

L'arrêté du 13 novembre 2018 du ministre de l'Agriculture a supprimé l'avis consultatif préalable du syndicat de bassins versants pour le retournement des prairies permanentes, au motif que ceux-ci étaient inférieurs au seuil d'alerte du ratio national de 2,5 %.

Cette décision suscite de vives interrogations. Les acteurs réclament une stabilité du mode de calcul du ratio et une prise en compte des spécificités géologiques et agricoles du département. Un régime plus stable s'impose, pour un dialogue plus serein et une gestion concertée.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Votre question est importante pour l'avenir de notre agriculture et le captage du carbone.

En 2018, les retournements de prairies étaient, en Normandie, soumis à autorisation individuelle : ce n'est plus le cas car ce régime dérogatoire, qui intervient quand plus de 2,5 % des prairies permanentes se dégradent, a permis d'augmenter la part des prairies en Seine-Maritime - nous supprimons cette autorisation préalable pour alléger les contraintes pesant sur les agriculteurs.

La transition agroécologique est une préoccupation partagée par tous. Nous avons fait le choix de la confiance aux agriculteurs pour préserver les prairies. Mais, en cas de gestion non durable, ce régime d'autorisation serait rétabli en 2020, assorti, le cas échéant, d'obligations de reconversion.

Mme Agnès Canayer.  - Soit, mais évitons les allers et retours de réglementation qui rendent difficile la gestion des prairies et privilégions le dialogue.

Je partage toutefois votre objectif de simplification des contraintes des agriculteurs.

Fonds d'accompagnement à la succession et à la transmission (FAST)

Mme Martine Berthet .  - Les jeunes agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes ont imaginé un fonds d'accompagnement à la succession et à la transmission (FAST) pour que les agriculteurs désirant céder leur exploitation à un jeune, bénéficient d'un accompagnement personnalisé incitatif et encadré durant les cinq années qui précèdent leur cessation d'activité effective.

Ce système repose sur des exonérations de charges de la mutualité sociale agricole (MSA), pouvant aller de 15 % à l'entrée du dispositif jusqu'à 75 % lors de la cessation d'activité. Il a été expérimenté en Savoie et pourrait être étendu à la région Auvergne-Rhône-Alpes, voire au niveau national.

Si des dispositifs existent dans de nombreux départements pour faciliter la transmission des exploitations, un tel fonds va plus loin et facilite, en particulier, l'acquisition progressive du capital. Aussi les jeunes agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes souhaitent-ils lancer une dizaine d'expérimentations FAST dans chacun des départements des Alpes du nord, secteur où la transmission est particulièrement difficile. La MSA a débloqué une enveloppe suffisante pour les mettre en place. Il ne leur manque que l'obtention de l'accord du Gouvernement.

Plus que le monde agricole, c'est toute l'économie rurale qui s'en trouvera dynamisée, l'arrivée de jeunes agriculteurs, par le renouvellement des activités, ayant un réel impact sur le commerce local, les entreprises et plus globalement les emplois.

La moitié au moins des agriculteurs d'aujourd'hui seront à la retraite dans dix ans. Il est donc urgent de les inciter à transmettre leur exploitation à des plus jeunes.

Comment le Gouvernement entend-il soutenir ce projet indispensable pour l'agriculture des Alpes du nord et plus largement pour l'ensemble de l'agriculture française ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Avec la transmission, nous parlons de l'avenir de notre agriculture tout entière. Le FAST, imaginé par les jeunes agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes, est intéressant mais les crédits d'action sanitaire sont destinés aux seuls agriculteurs en difficulté, et l'aide ainsi allouée aurait le caractère d'aide d'État au sens du droit européen et ainsi soumis à la règle de minimis...

Le soutien à la transmission des exploitations est l'un des objectifs du programme d'action décliné dans les régions, dit AITA, rénové en 2016, qui représente 13,5 millions d'euros par an issus de la taxe dite JA.

Le CNIT rendra un avis sur les actions mises en oeuvre à la fin de l'année.

Mme Martine Berthet.  - Les jeunes agriculteurs comptent sur vous, monsieur le ministre. Il est primordial que la transmission des exploitations soit facilitée.

La séance est suspendue à 12 h 40.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Déclaration du président du Sénat sur les violences faites à la République

M. Gérard Larcher, président du Sénat.  - Dans ces périodes de désarroi, chacun peut comprendre les souffrances exprimées. La crise que traverse notre pays depuis l'automne démontre les fractures auxquelles nous, élus nationaux et élus locaux, devons répondre : une fracture sociale, une fracture territoriale, une crise de confiance.

Face au malaise exprimé par nos concitoyens, chacun essaie de mieux écouter : c'est le cas des élus de proximité, des maires, des parlementaires, du Gouvernement.

Mais rien, et je veux le réaffirmer solennellement, rien ne justifie le recours à la violence. Rien ne justifie de bafouer l'État de droit. Rien ne justifie les provocations contre la République. Quand plus aucun symbole n'est respecté, comment s'étonner de la résurgence de comportements que nous pensions appartenir définitivement au passé ? La nausée que nous inspirent les actes antisémites tout comme les récentes profanations d'églises renforce notre détermination à ne jamais rien céder quand l'essentiel est en jeu.

Un certain nombre d'élus, députés, sénateurs, élus locaux, ont récemment été victimes d'agressions, de menaces et certains ont vu leurs locaux vandalisés.

Je veux exprimer ici la solidarité du Sénat à leur égard et adresser un message de soutien tout particulier au président de l'Assemblée nationale, notre collègue Richard Ferrand.

Attaquer des hommes et des femmes qui investissent une grande partie de leur vie dans la défense de l'intérêt général et qui s'engagent au service de leurs concitoyens, c'est nier la démocratie, c'est malmener la République. (Applaudissements prolongés sur tous les bancs)

Croissance et transformation des entreprises (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Explications de vote

M. Richard Yung .  - Cette loi a pour objectif d'aider les entreprises - et, surtout les PME et TPE, qui sont, comme chacun le sait, les maillons faibles de l'économie française - à se développer en simplifiant leurs vies administrative, fiscale et financière et en encourageant leur vocation sociale, conformément aux recommandations du rapport Notat.

Trois mois de débats préalables, un mois de consultation en ligne, débats à l'Assemblée nationale et au Sénat, examen de près de 1 000 amendements par notre assemblée, le travail a été sérieux et approfondi. Pas moins de 47 articles ont été adoptés conformes : sur le régime des VIE, sur les experts-comptables, l'agrément des entreprises solidaires d'utilité sociale, la procédure d'opposition aux brevets ou encore la représentation des femmes dans les fonctions exécutives des sociétés.

Moins bien, 43 articles ont été supprimés : sur la réforme de la gouvernance de Business France, la limitation à trois du nombre de mandats comme président de chambre de commerce et d'industrie, l'assouplissement du prêt interentreprises, la suppression de la délégation à la sécurité économique demandée unanimement par l'Assemblée nationale.

Le texte s'est enrichi de 47 articles nouveaux qui concernent l'adaptation de certaines interdictions d'usage du plastique et de certains produits phytosanitaires, l'ouverture des commerces de détail alimentaire le dimanche ou encore le réseau des chambres de commerce et d'industrie.

Des points de divergence subsistent avec l'Assemblée nationale : sur la suppression du stage préalable d'installation pour les artisans, la gouvernance de Business France, le relèvement de deux seuils sociaux... Ce sont des signaux négatifs envoyés par le Sénat au monde du travail. (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vous verrez, on vous demandera pourquoi vous avez voté cela !

S'agissant d'Aéroports de Paris, le Sénat a rayé d'un trait de plume les améliorations apportées par le rapporteur sur le cahier des charges et la régulation. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

La majorité ayant supprimé l'article 44 était pour le moins hétéroclite...

M. Bruno Sido.  - Et alors ?

M. Bernard Jomier.  - C'était l'intérêt général !

M. Charles Revet.  - C'est la preuve que c'était bien !

M. Richard Yung.  - Vous ne faites pas de politique, moi oui !

M. François Grosdidier.  - Ce n'est pas de la politique, c'est de l'idéologie !

M. Richard Yung.  - Rien ne sert de crier ! Cent vingt-quatre sénateurs Les Républicains, vingt RDSE, soixante-quatorze socialistes, seize CRCE, c'était l'Arche de Noé. (Huées sur les bancs des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE)

M. le président.  - Revenons à bord.... (Sourires)

M. Richard Yung.  - Dans ces conditions, il me semble difficile d'arriver à un accord avec l'Assemblée nationale.

M. Rachid Temal.  - Avec le groupe En Marche ! (M. Martin Lévrier applaudit ; quelques huées à droite.)

M. Richard Yung.  - Nous n'avons toujours pas compris votre position sur la Française des Jeux.

M. Philippe Dallier.  - Pas grave !

M. Richard Yung.  - Je doute que cet hémicycle, sur ses deux bords, soit prêt à faire des compromis. Je le regrette profondément car ce texte comporte de nombreuses avancées pour les entreprises. Tel qu'il ressort des travaux du Sénat, le groupe LaREM ne peut pas le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Fabien Gay .  - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce projet de loi de plus de 200 articles aurait pu être découpé en au moins 10 projets de loi, comme l'ont prouvé les nombreuses interventions sur les articles. Il y en a même une sur la privatisation d'ADP qui nous a donné le sentiment d'assister à un meeting macronien.

Nous, nous nous réjouissons que le bradage du monopole naturel qu'est ADP ait subi un temps d'arrêt et qu'une majorité d'idées se soit constituée pour le refuser. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; MM. Bruno Sido, René Danesi et Sébastien Meurant applaudissent également.) Nous avons défendu l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs des groupes SOCR et Les Républicains) Oui, en France tout n'est pas à vendre, surtout pour aller engraisser quelques multinationales comme Vinci. Rendez-vous le 7 mars, chers collègues : nous vous proposerons de renationaliser les autoroutes !

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

Mme Sophie Primas.  - Ce sera non !

M. Fabien Gay.  - Quant au Gouvernement, puisqu'il réfléchit à un référendum à questions multiples, qu'il sorte les privatisations de ce texte et interroge les Français, sur ce point ainsi que sur l'augmentation des salaires et le rétablissement de l'ISF.

Pour le reste, sous couvert de modernisation, vous détricotez le code du travail. C'est le nouveau western social où régnera la loi du plus fort. Sur plus de 200 articles, pas un seul ne crée de nouveaux droits pour les salariés. Comment comprendre que nos amendements se faisant l'écho de la crise sociale aient été balayés ? Hausse du Smic ? Pas à l'ordre du jour ! Hausse des salaires ? Pas à l'ordre du jour ! Le droit d'intervention des salariés ? Irrecevable ! Le conditionnement du CICE ? Pas de réponse ! L'encadrement des hauts revenus et des dividendes ? Vous n'y pensez pas, nous a-t-on répondu, ce serait instaurer le communisme dans notre pays.

Ce texte sert-il l'intérêt général ou les intérêts privés ? Deux heures de débat pour attirer une centaine de traders londoniens fuyant le Brexit, rien sur les relations entre les donneurs d'ordre et les PME sous-traitantes qui, elles, créent de l'emploi.

Ce texte fera des dégâts économiques considérables, à commencer par la casse des seuils sociaux. Le Medef l'avait rêvé, la droite ne l'avait pas fait, vous l'avez réalisé. (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains) C'est d'autant plus dogmatique qu'en 2017, les 47 % d'entreprises interrogées par l'Insee plaçaient les seuils sociaux assez bas dans les freins à l'embauche, loin derrière les incertitudes de la conjoncture.

Dans le prolongement de la loi de financement pour 2019, vous multipliez les exonérations et supprimez quasiment le forfait social. Les cotisations sociales, qui sont là pour protéger le salarié, seraient des « contraintes », des « normes », des « obligations », dont il faudrait libérer les entreprises. Nous devrions pourtant être fiers de notre modèle social, le monde entier nous l'envie. Des salariés bien soignés sont compétitifs !

Enfin, beaucoup d'articles de ce texte tombent à plat. La discussion sur le partage des richesses se limite à l'intéressement et la participation, à une légère refonte de l'épargne retraite alors que Jean-Paul Delevoye mène actuellement la concertation préalable à la mise à mort du système de répartition. Et que dire du statut d'autoentrepreneur, dévoyé par les plateformes comme Uber pour exploiter des jeunes ? Heureusement, le juge est plus rapide que le législateur.

Votre texte, comme les cinq précédents qui touchaient à l'entreprise, ne règlera rien. Écoutez plutôt le pays qui vous dit : partagez le gâteau, partagez le gâteau, partagez le gâteau !

M. Bruno Sido.  - Quel gâteau ?

M. Claude Raynal.  - Et la cerise ?

M. Fabien Gay.  - Comme le dit Gibran Khalil Gibran : « Les fleurs du printemps sont les rêves de l'hiver, racontés le matin à la table des anges ». (On apprécie sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.) Que vienne vite ce printemps pour tous les peuples ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Martial Bourquin .  - Transformer notre économie, louable ambition mais encore faut-il s'entendre sur le diagnostic.

Le Sénat a obtenu la suppression de la privatisation d'ADP et de la Française des jeux (FDJ), c'est l'honneur de la gauche et de la droite de s'entendre pour garder dans le giron de l'État ses pépites. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains) Privatiser ces entreprises, c'est privatiser des rentes.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Vous ne l'avez jamais fait ?

M. Martial Bourquin.  - Après l'échec de Notre-Dame-des-Landes, il peut certes y avoir la tentation de faire un cadeau à Vinci, mais ce serait contraire à l'intérêt général, (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Bruno Retailleau applaudit également.) après les ratages stratégiques des autoroutes et de l'aéroport de Toulouse-Blagnac.

Ce texte est une occasion ratée. Le salarié doit être le sujet, non l'objet, de la transformation de nos entreprises.

À l'heure ou la sauvegarde de notre planète est une priorité, l'insuffisance de ce texte en matière de développement durable et les attaques contre l'économie sociale et solidaire sont incompréhensibles. Elles en disent long sur le caractère néo-libéral de ce texte. Vous demandez aux salariés de participer au financement de l'investissement sans prendre de mesures sur les dividendes du CAC 40, vous refusez de limiter les hauts salaires qui mettent à mal notre cohésion nationale.

La désindustrialisation de notre pays se poursuit et le Gouvernement n'a pas de politique industrielle. Et face au Made in China et au « Rendre sa grandeur à l'Amérique », il faut plus que jamais un État stratège ! Que fait l'Allemagne, après l'échec de Kuka ? Elle élargit les possibilités de blocage des acquisitions étrangères dans les entreprises. Nous, nous faisons l'inverse, nous nous désengageons !

Il faut plus que jamais débattre de ces questions et faire des choix. On veut nous imposer le tout-électrique, après le tout-diesel, en condamnant au passage le tiers de nos sites industriels.

Nous voterons contre ce projet de loi. Nous avons une plus haute ambition pour nos entreprises, nous voulons un État stratège omniprésent. De nouvelles régulations doivent s'imposer. Le programme Alstom doit être repris, proposons une solution française !

Les PME-TPE sont les grandes oubliées de ce texte. La mise en cause de l'allotissement, une avancée considérable proposée par l'Europe, est tout un symbole.

Nous sommes heureux d'avoir rejeté la privatisation d'ADP et de la FDJ. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Bruno Sido.  - C'est un peu facile !

M. Jean-Marc Gabouty .  - Le groupe RDSE a accueilli favorablement ce texte avec quelques réserves. Le champ très large de ce texte compromettait l'émergence d'une ligne directrice claire, les privatisations et les mesures sur la gouvernance de la Cour des comptes et de La Poste auraient dû faire l'objet d'un texte séparé.

Plus de liberté, de simplicité, d'efficacité : les débats ont-ils permis d'approcher ces objectifs ? J'en doute. Le Sénat a apporté des précisions utiles mais sur des points techniques.

La cession et la modification du régime juridique d'ADP, encadrés par la commission spéciale, ont été rejetées par notre assemblée après, il faut le reconnaître, quelques flottements. (M. Jean-Claude Requier le confirme.) Nous ne serons plus là pour faire le bilan de la concession dans 70 ans...

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances.  - C'est probable ! (Sourires)

M. Jean-Marc Gabouty.  - ... sur laquelle le Sénat s'est refusé de peser. La privatisation de la FDJ ayant été évacuée d'emblée par la commission, le Gouvernement se consolera avec la seule validation du retrait de l'État d'Engie. Tout cela est-il cohérent, je n'en suis pas certain ; on peut quand même se retrouver sur l'exonération du loto du patrimoine de toutes contributions ou prélèvements.

Sur les chambres de métiers, les débats ont été confus. Je ne suis pas sûr que le vote reflète réellement l'opinion majoritaire de cette assemblée... (M. Jean-Claude Requier le confirme.) La tendance à la centralisation régionale affaiblit les territoires périphériques sans gain d'efficacité.

Il y a des mesures positives dans le chapitre consacré à rendre les entreprises plus justes. Je regrette que le Sénat et le Gouvernement refusent l'intéressement obligatoire dans les entreprises de plus de dix salariés. Il s'imposera bientôt de lui-même, je suis prêt à le parier.

Le relèvement du seuil de 50 à 100 salariés est apparemment séduisant pour les entreprises. Cette disposition d'affichage, dont ses auteurs savent qu'elle ne sera pas retenue à l'Assemblée, contient quelques effets pervers : définir des mesures spécifiques pour les petites entreprises sera plus difficile, tous les salariés des entreprises de 50 à 100 salariés n'auront plus la garantie de bénéficier de la participation.

Autre regret, le report de 2020 à 2021 de l'application des relèvements des seuils de contrôle légal des comptes de sociétés. Ce n'est pas compréhensible pour les entreprises, reconnaissons que la profession de commissaire aux comptes est bien organisée... (Sourires)

Un excès de conservatisme, un excès de libéralisme, un excès de frilosité et beaucoup de perplexité, la majorité des membres du groupe du RDSE s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Julien Bargeton applaudit également.)

M. Philippe Adnot .  - Ce texte aurait gagné en cohérence avec un périmètre mieux ajusté. Grâce au travail de la commission spéciale et du Sénat, il a été amélioré sur de nombreux points, même si je regrette que certains sujets aient été écartés.

Le point fort du texte est la modification des seuils. Cette bouffée d'oxygène attendue par nos entreprises ne coûtera rien à l'État.

Les chambres consulaires ne voient pas reconnue leur liberté d'organisation ; elles seront incitées à facturer leurs services sans amélioration des prestations. Les entreprises paieront donc deux fois.

Je me réjouis que les privatisations n'aient pas été retenues ; on a vu, avec les autoroutes, les conséquences d'une privatisation mal maîtrisée.

Je regrette de ne pas avoir été suivi sur le brevet de qualité. La France n'a pas vocation à être le réceptacle des brevets de faible intérêt.

Enfin, nous avons été contraints de partir du texte du Gouvernement, non de celui de l'Assemblée nationale, à travers une application excessive de l'article 45 de notre Constitution. Monsieur le président du Sénat, il faudra y revenir car cela met en danger notre assemblée.

Je voterai le texte amendé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains) Le groupe UC a abordé ce texte avec enthousiasme, dans un double objectif de liberté et de responsabilité. Je salue le travail de la présidente de la commission spéciale et de mes deux co-rapporteurs, Jean-François Husson et Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Le texte poursuit l'objectif d'orienter l'épargne vers les entreprises ; il comporte aussi un volet sur les entreprises plus juste, n'en déplaise à certains... (M. Fabien Gay esquisse un large sourire.) Sous cet aspect, c'est un texte fondateur.

Le projet de loi, sans apporter de contraintes supplémentaires, simplifie la vie des entreprises.

Les chambres consulaires sont très importantes dans l'irrigation du tissu économique territorial ; elles aident les entrepreneurs à créer des réseaux et sont aussi parfois un rempart protégeant les petits contre les gros, tentés de tout régenter.

Le groupe UC regrette, dans sa majorité, le refus de la privatisation d'ADP. Nous ne sommes pas dans une économie administrée. (Marques de lassitude sur les bancs du groupe CRCE) N'oublions pas la concurrence internationale. La privatisation aurait rendu ADP plus compétitif.

Mme Éliane Assassi.  - Il l'est déjà !

M. Michel Canevet.  - Pas suffisamment ! Concernant la responsabilité sociétale des entreprises, il fallait faire évoluer le droit. Même le Medef va se doter d'une raison d'être !

L'association « Produit en Bretagne », (Mme Françoise Gatel applaudit.) qui regroupe plus de 1 000 entreprises, a récemment tenu son assemblée générale. J'y ai entendu la volonté de se doter d'une raison d'être ; chez les entrepreneurs, il y a une prise de conscience de la place et du rôle des entreprises dans la société. Mieux répartir la valeur en faveur des salariés est important mais sans passer par la coercition, monsieur Gabouty.

Avec l'espoir que l'Assemblée nationale reprendra les apports du Sénat, le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur celui de la commission ; M. André Reichardt applaudit également.)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Au nom du groupe Les Indépendants, je salue le travail de la commission spéciale, sa présidente et nos trois rapporteurs.

Je salue, monsieur le président du Sénat, votre condamnation de toute forme de violence. À la source de ces violences, se trouvent certains des problèmes que ce texte aspire à résoudre, notamment le sentiment qu'ont certains de nos concitoyens d'être les perdants de la mondialisation.

Ce texte fera respirer notre économie et restaurera la confiance dans la liberté d'entreprendre. Le relèvement des seuils sociaux à 100 salariés relâchera la pression normative sur les PME.

Un amendement de notre groupe généralise l'organisation des chambres des métiers et de l'artisanat autour d'un établissement unique de région tout en précisant les missions des chambres départementales. Je me réjouis que le Sénat se fasse le porte-voix des territoires, c'est notre devoir de ne pas ajouter au sentiment d'abandon qu'éprouvent certains par la loi.

Cependant, la position de notre assemblée sur certains sujets structurants n'apparaît pas clairement au terme de ces débats. Dans quelle mesure l'État doit-il intervenir dans l'économie ? Refus des privatisations d'ADP et de la FDJ, confirmation de celle d'Engie, pour moi, c'est le régalien qui doit relever de l'État.

M. Jean-Marie Bockel.  - Très bien !

M. Emmanuel Capus.  - Or en quoi l'énergie est-elle moins stratégique que le transport aérien ? Nous remplirions mieux notre rôle de législateur en définissant mieux les modalités des cessions d'actifs.

La transformation de l'économie ne se décrète pas, ce sont les entreprises qui la feront. À nous de leur donner des outils et de définir un cadre juste. La réduction du forfait social sur la participation et l'intéressement vont dans la bonne direction.

C'est en restaurant la confiance dans la société que nous dynamiserons notre économie en préservant la cohésion.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur le banc de la commission)

Mme Sophie Primas .  - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue la qualité du travail de la commission spéciale.

Ce projet de loi aux intitulés ambitieux est présenté comme le grand texte économique du quinquennat. Par l'extrême diversité des sujets qu'il aborde et leur inégale importance, il ne provoquera pas le choc de compétitivité attendu.

Sur la forme, le texte est passé de 73 articles à près de 200 après son examen à l'Assemblée nationale. Résultat, beaucoup de dispositions sur des sujets majeurs ont échappé à une étude d'impact. Il en va ainsi de l'amendement anti-Huawei, déposé très tardivement par le Gouvernement au Sénat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.) La solution doit être expertisée a minima ; en attendant, la rejeter est faire preuve de responsabilité.

Sur le fond, nous nous retrouvons sur de nombreux points. Beaucoup de scories normatives ont été supprimées par le Sénat, qui est allé plus loin dans la rationalisation des seuils.

Nous avons rendu l'épargne salariale plus attractive en alignant les taux dérogatoires du forfait social tant pour le plan épargne retraite que pour la participation ou l'intéressement.

Nous avons renforcé le poids des élus dans le conseil d'administration de la Poste et la protection des consommateurs dans le cadre de la fin des tarifs réglementés de l'énergie.

Des points de désaccord subsistent. L'imprécision du texte sur la raison d'être des entreprises était source de risques ; au demeurant, la RSE est déjà intégrée à notre droit. La loi doit être normative et non bavarde, sinon la jurisprudence prend le pas sur le pouvoir politique. (Marques d'approbation et applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Au terme d'un quasi-consensus, nous avons refusé la privatisation d'ADP et de la FDJ, tant les motivations du Gouvernement étaient peu convaincantes. Les dividendes peuvent certes fluctuer, mais le rendement des fonds de placement également ! Privatiser ADP, est-ce privatiser un monopole ? Quoi qu'il en soit, c'est une infrastructure stratégique. Il est imprudent de la laisser partir sans plus de garantie sur le mécanisme de cession des actifs. Qui peut prédire le sort du futur opérateur privé, « opéable » à merci ? Qui sera maître du ciel français ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

S'agissant de la FDJ, les réponses ont manqué sur le financement de la filière équine et sur l'aménagement du territoire. Nous avons accepté la réforme de la fiscalité des jeux et des paris sportifs en ligne.

Le groupe Les Républicains votera le texte issu de nos travaux. Beaucoup reste à faire en matière de compétitivité. Or la France reste championne des prélèvements obligatoires, le déficit commercial se dégrade et les promesses de baisse de l'impôt sur les sociétés risquent de se briser sur le mur jaune des réalités sociales... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

Scrutin public solennel

M. le président.  - Je remercie à mon tour la présidente de la commission spéciale, ses rapporteurs et l'ensemble de ses membres. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises.

La séance, suspendue à 15 h 35, reprend à 16 h 5.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°54 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 206
Contre 118

Le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Scrutin difficile à décrypter : ceux qui étaient pour le texte initial du Gouvernement ont voté contre, ceux qui étaient contre ont voté pour ! (On s'en défend sur les bancs du groupe CRCE.)

Dans cette obscure clarté qui tombe des étoiles, une chose est certaine : la qualité du travail de la présidente de la commission spéciale, que je remercie, et des trois rapporteurs, que je remercie également. (Applaudissements depuis les bancs du groupe Les Républicains jusqu'aux bancs du groupe LaREM ; Mme Nelly Tocqueville applaudit également.)

Durant ces longues heures de discussion, nous avons fait oeuvre utile. Je souhaite que les améliorations proposées par M. Husson sur l'encadrement des privatisations puissent être intégrées au texte définitif. (Applaudissements depuis les bancs du groupe Les Républicains jusqu'aux bancs du groupe LaREM)

Ce texte est essentiel pour notre économie. Je peux tout entendre, mais pas que le projet de loi Pacte ne serait pas une bonne nouvelle pour les salariés ! La simplification de l'épargne salariale, le développement de l'actionnariat salarié, la protection renforcée des femmes collaboratrices, l'accès à l'intéressement et à la participation pour dix millions de salariés grâce à la suppression du forfait social ne seraient donc pas de bonnes nouvelles pour les salariés ?

Le projet de loi Pacte permettra à ceux qui travaillent de vivre plus dignement de leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC ; M. Fabien Gay et Mme Laurence Rossignol protestent.)

Pour les entrepreneurs, c'est un texte essentiel. Guichet unique pour la création d'entreprise, simplification des procédures administratives, allégement de charges coûteuses, alignement sur les règles européennes en matière de contrôle des comptes. Les procédures françaises ne doivent pas être plus strictes que celles auxquelles sont soumis nos concurrents européens. (M. Loïc Hervé approuve.)

Nous simplifions les seuils sociaux. Une entreprise qui franchira la barre des 50 salariés ne se verra imposer aucune obligation supplémentaire pendant cinq ans. Je suis convaincu que cela débloquera les embauches. Le passage d'une dizaine de seuils à trois - 11, 50 et 250 salariés - est une simplification majeure.

Aucune obligation dans ce texte, que des facultés. Ainsi de la raison d'être, que les jeunes entrepreneurs que je rencontre me disent souhaiter. Pour eux, l'entreprise ne se limite plus à la création de profits, elle doit répondre à des attentes sociétales, rendre la société plus juste. La raison d'être, c'est l'avenir de l'entreprenariat ! La France peut donner l'exemple en la matière. Avec Jean-Dominique Senard, avec Nicole Notat, avec des parlementaires, je me suis battu pour que l'économie française prenne du sens.

Ce texte est essentiel pour l'innovation, dont dépendra notre capacité à nous réindustrialiser. Je peux tout entendre, monsieur Bourquin, mais pas que nous n'aurions pas de politique industrielle. Partageons plutôt la fierté des industriels français qui, pour la première fois en dix ans, ont recréé des emplois industriels et rouvert des entreprises. (Applaudissements sur le banc de la commission et sur ceux du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Oui, il faut donner davantage de perspectives à l'innovation. D'où l'intérêt des mesures visant à renforcer le brevet français.

Je maintiens que la privatisation d'ADP, d'Engie et de la FDJ - activités qui peuvent être traitées de manière encadrée par des acteurs privés - est indispensable pour financer le fonds d'innovations de rupture qui investira dans les technologies nouvelles.

Au XXIe siècle, il y aura des vainqueurs et des vaincus : dans le premier camp, les nations qui auront investi dans l'intelligence artificielle, qui auront la maîtrise des algorithmes, des logiciels et des données ; dans le second, celles qui auront préféré gérer des rentes. Je préfère que notre pays soit dans le camp des vainqueurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. le président.  - Merci, monsieur le ministre, vous avez été très présent et proactif durant ces débats.

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 25.

Nominations à une éventuelle CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.

Discussion générale commune

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Cette nouvelle lecture intervient après l'échec en commission mixte paritaire, qui a traduit des divergences fortes entre les deux assemblées.

En première lecture, le Sénat s'était éloigné des propositions du Gouvernement. Je n'irai pas jusqu'à dire que deux projets s'affrontaient car ce serait caricatural, mais nous n'avons pas pu trouver de solutions communes sur des points essentiels. Dès lors, l'accord était impossible.

Nous partageons pourtant l'ambition de donner à la justice les moyens de remplir son office. Si les moyens sont essentiels, ils ne suffisent pas. Sur le plan budgétaire, nous venons de très loin. Le Gouvernement y a répondu : le budget progresse de 24 % en cinq ans et prévoit 6 500 emplois supplémentaires.

Mais la justice a besoin de s'adapter aux situations actuelles, sans renier ses principes fondamentaux. Dire cela, ce n'est pas vouloir lui imposer une logique comptable d'économies de gestion, la déshumaniser, la robotiser ou l'éloigner du justiciable. Ces considérations relèvent plus du slogan que de l'analyse rigoureuse.

Ce qui me préoccupe, c'est la défiance des Français envers une justice qu'ils trouvent trop éloignée, trop lente et inefficace, malgré le dévouement des magistrats et fonctionnaires du ministère.

Je mesure les attentes des professionnels de la justice avec lesquels j'ai beaucoup dialogué et comprends leurs inquiétudes.

Des compromis ont été apportés au cours de l'élaboration du texte et de son examen. L'Assemblée nationale a fait évoluer le texte, avec mon soutien. Elle a préservé les avancées du Sénat sur les services en ligne, le renforcement des obligations des plateformes ou la suppression de la représentation obligatoire devant les tribunaux paritaires des baux ruraux et inscrit dans la loi l'expérimentation de la procédure de révision des pensions alimentaires, là où le Gouvernement demandait une habilitation.

D'autres évolutions ont été apportées en nouvelle lecture : le délai pour se constituer partie civile a été maintenu à trois mois, après une plainte restée sans réponse. Citons aussi un meilleur encadrement de l'expérimentation relative aux pensions alimentaires, une clarification de la répartition des contentieux spécialisés, des éléments relatifs à la consultation des conseils de juridiction, ou encore la limitation du champ d'application de la composition pénale.

Le texte a donc évolué très sensiblement. La majorité et le Gouvernement en ont cependant préservé les lignes de force, et c'est là que nous divergeons.

Sur le plan budgétaire d'abord, le Gouvernement a une approche ambitieuse et réaliste, tenant compte des contraintes des finances publiques et de notre capacité à réaliser des équipements sur les cinq ans de la loi de programmation. Ce projet de loi préserve un équilibre entre les moyens des juridictions judiciaires et de l'administration pénitentiaire.

Sur le plan de la procédure civile, nous cherchons à simplifier l'accès à la justice et à recentrer le juge sur son coeur de métier. J'ai regretté que votre assemblée soit revenue sur le recours au numérique et la dématérialisation, qui étaient encadrés par des garanties essentielles d'accès au droit et à une justice humaine. Nous avions d'ailleurs introduit des mesures demandées par les avocats.

Nous sommes réalistes, car le développement des plateformes est une évolution inéluctable : il faut tenir compte de l'économie du Net et apporter des garanties réelles aux justiciables.

Nous avons aussi des divergences sur la procédure pénale. Les réformes, depuis un quart de siècle, ont renforcé la capacité d'action du parquet en maintenant les droits de la défense. L'originalité de ma démarche tient au fait qu'elle s'appuie sur les propositions des acteurs de terrain : policiers, magistrats du parquet et du siège.

J'assume ma volonté de mieux protéger les Français tout en améliorant la garantie des droits. Le Conseil d'État a confirmé que cette garantie était apportée. Au renforcement du pouvoir des enquêteurs répond un contrôle des magistrats sur les actes d'enquête. Le contrôle du juge des libertés et de la détention n'est pas que formel.

Le Sénat a modifié ce texte dans un sens parfois éloigné des attentes exprimées par les juridictions, les enquêteurs et les justiciables. En tout état de cause, nos concitoyens demandent que le droit à la sécurité soit pleinement garanti, dans les principes de l'État de droit.

La peine de prison ne doit plus être la seule peine de référence. Ceux qui le méritent doivent être effectivement incarcérés ; pour d'autres, elle est inutile, désocialisante et source de récidive. Je plaide pour des peines réellement exécutées, dans des lieux d'incarcération diversifiés, et un suivi individualisé des détenus.

Si le Sénat partage nos objectifs -  je l'ai souvent entendu dire  - son point de vue opérationnel diverge. La prison, pour vous, demeure l'horizon pour les plus petits délits, là où nous proposons une approche par paliers. Ainsi, vous ne souhaitez pas faire du bracelet électronique une véritable peine. Avec la peine de probation autonome, le Sénat s'inscrit dans la lignée de la contrainte pénale, qui n'a pourtant pas eu les effets attendus. Je propose de lui substituer le sursis probatoire, mêlant contrainte pénale et sursis avec mise à l'épreuve.

Je veux rendre l'organisation des juridictions plus lisible tout en maintenant tous les lieux de justice, au nom du principe de proximité. Nous nous retrouvons pour créer un tribunal unique de première instance, dénommé tribunal judiciaire par l'Assemblée nationale. En revanche, vous avez écarté la possibilité de projets locaux pour répartir les contentieux spécialisés entre tribunaux.

L'habilitation demandée par le Gouvernement pour réformer la justice des mineurs a suscité des critiques. Je le comprends. Le temps de la ratification sera pleinement employé pour que les deux chambres débattent et modifient, le cas échéant, le texte du Gouvernement. Je reste déterminée pour faire aboutir cette réforme, à quoi ont échoué deux majorités successives.

Le Gouvernement prend acte des positions de chacun. Je ne déposerai donc pas d'amendements pour revenir aux dispositions votées à l'Assemblée nationale.

Cela nous éloigne pour un temps mais je sais qu'à terme nous nous retrouverons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Alain Fouché applaudit également.) Madame la ministre, vous avez réduit notre analyse à une politique du slogan. Ne vous en déplaise, elle a été rigoureuse ! Merci de respecter notre travail. Nous pouvons tout entendre mais pas tout accepter. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; MM. Jean-Pierre Sueur et Jacques Bigot applaudissent également.)

Nous avons une vision différente de la vôtre. Nous pensons que notre justice a besoin d'une remise à niveau, budgétaire d'abord. Nous avons besoin de places de prison pour rétablir l'encellulement individuel, d'une meilleure gestion pénitentiaire, d'une palette de sanctions pénales adaptée et efficace. La prison n'est pas la seule solution, nous l'avons dit, écrit.

Nous voulons une justice civile à portée des justiciables. Nous ne sommes pas contre les plateformes numériques ; nous avons demandé leur certification, vous l'avez refusée.

Nous ne refusons pas toute évolution en matière de divorce pour faute, mais la conciliation nous paraissait utile. Vous avez balayé nos arguments, au prétexte du trop grand nombre d'affaires. Nous pensons aussi que la fixation de la pension alimentaire revient au juge, et non à un directeur de la fonction publique.

Nous pensons pouvoir regrouper les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance, mais pas au prix d'une désertification des territoires, d'où la spécialisation proposée. La justice au service de nos concitoyens, c'est aussi de l'aménagement du territoire.

Vous avez encore refusé les évolutions consensuelles que nous proposions en droit commercial. En matière pénale, nous acceptons l'expérimentation du tribunal criminel de première instance mais demandions que l'avocat soit informé en cas de perquisition - vous l'avez refusé. De même, nous voulions réserver les procédures d'enquête exorbitantes aux peines punies de plus de cinq ans de prison.

Vous avez fait le choix d'une exotique procédure à délai différé, permettant de transférer les enquêtes préliminaires non bouclées au tribunal correctionnel tout en maintenant la possibilité d'un mandat de dépôt, alors que vous dites vouloir vider les prisons ; nous sommes en désaccord avec ce choix.

Regardons si le tribunal de première instance fonctionne. Nous avons tenté d'être constructifs, mais le Gouvernement a refusé toutes nos propositions. Sur la justice pénale des mineurs, vous auriez pu déposer un projet de loi spécifique, dont nous aurions débattu.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Exactement !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Mais vous avez préféré demander une habilitation qui ne vous contraint guère.

L'Assemblée nationale a également introduit la fusion des greffes des prudhommes et du tribunal d'instance ; pour avoir auditionné les greffiers, nous y sommes opposés.

Les mesures introduites sur la procédure des tutelles modifient, par petites touches, le droit sur un sujet sensible.

Ce sera le texte du Gouvernement, rien que le texte du Gouvernement, nous ont dit les députés de la majorité en CMP. Fermez le ban, la messe est dite !

Nous n'avons pas souhaité déposer de question préjudicielle pour réaffirmer nos positions. Avocats, magistrats, greffiers ont dit à l'unisson leur opposition à ce texte et salué les apports du Sénat ; vous nous dites à nouveau ne rien vouloir changer. Dans un monde qui bouge, dans un France qui doute, vous refusez l'apaisement. D'autres ministres, d'autres gouvernements s'étaient montrés plus ouverts, y compris dans un passé récent...

Nous avons fait le choix de conserver les petites avancées opérées par l'Assemblée nationale, de rejeter ses ajouts et de réintroduire ce que nous pensions juste en matière civile ou pénale. Les moyens budgétaires doivent également être remis à niveau.

Voilà la position de notre commission. Le ministère de la justice, longtemps parent pauvre de notre administration, doit être réformé, à condition que les justiciables y trouvent leur compte. C'est le gage d'une justice acceptée, respectée, apaisante et garante du lien social. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°101, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice (n°288, 2018-2019).

M. Jean Louis Masson .  - Ce projet de loi ne prend pas en compte le problème fondamental de notre justice, celui du manque de moyens. Vous n'êtes certes pas responsable de l'héritage des deux derniers quinquennats, madame la ministre, mais reste que pour réformer, il faut des moyens ! Or les tribunaux manquent de secrétaires pour taper les jugements, de crédits pour payer traducteurs ou experts... Certains juges d'instruction, nommés pour deux ans, n'ont même pas le temps d'ouvrir certains dossiers. Et ce sont les justiciables, M. Dupont ou Mme Durand, qui en font les frais. Au mieux, on ouvre le dossier pour le refermer illico, histoire d'éviter la prescription !

Cette situation ne peut plus durer. Il faut prendre le problème à bras-le-corps. Ce que je dis là, je l'ai dit à Rachida Dati, qui n'a pas fait mieux. Ce n'est pas une question partisane, c'est un constat de fait. Moi qui suis totalement indépendant, je puis voter une bonne mesure d'où qu'elle vienne. J'ai ainsi voté la fin du cumul des mandats pendant le quinquennat de François Hollande.

Votre projet de loi me rappelle la loi NOTRe, qui pensait réaliser des gains de productivité énormes en formant des régions démesurées.

Spécialiser les cours d'appel, c'est comme créer les intercommunalités tout en assurant que les communes sont importantes, comme le faisait Nicolas Sarkozy ! Ce que vous faites ne vaut donc pas mieux que ce qu'a fait Mme Dati : vous éloignez le justiciable de la justice.

Du reste, vous prolongez l'action de Mme Dati qui avait déjà prévu que dans chaque région, une cour d'appel organise la gestion des affaires. C'est le point de départ d'une centralisation régionale que nous voyons à l'oeuvre dans le Grand Est. Et cela dans le cadre de régions démesurément étendues. Le Grand Est est plus grand que la Belgique, plus grand que les trois länder allemands qui le bordent. Le pauvre justiciable de Troyes est en une heure à Paris mais il lui faut quatre heures de train pour aller à Strasbourg !

M. Bruno Sido.  - Au moins !

M. Jean Louis Masson.  - Tout cela vaut aussi pour les TGI et la justice de proximité. L'effet sera désastreux pour les gens modestes, sans améliorer le fonctionnement d'une justice qui a besoin de moyens et non de réformes.

Face à cela, deux possibilités : voter... avant de hurler, comme pour la loi NOTRe, ou être clair et voter contre, d'emblée. Je n'ai pas voté la loi NOTRe, ni votre projet de loi en première lecture, et je ne le voterai pas en nouvelle lecture.

D'où cette question préalable, qui exprime une position claire. Fussions-nous deux ou trois à la voter, nous aurons marqué notre position. (Mme Claudine Kauffmann et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent.)

M. François Bonhomme.  - Splendide isolement !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable bien sûr. Le Sénat veut que le texte issu de ses travaux soit voté : c'est la version sénatoriale de la réforme de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Monsieur Buffet, en parlant de slogans, je faisais référence aux expressions de justice déshumanisée ou robotisée que j'ai beaucoup entendues sans qu'elles soient argumentées mais, certes, jamais dans votre bouche.

Monsieur Masson, vos arguments ne sont pas recevables. Une augmentation de 24 % du budget sur le quinquennat, c'est sans précédent. Cela a permis, fin 2018, de régler l'ensemble des frais de justice en souffrance.

Cent magistrats supplémentaires seront affectés aux juridictions cette année ; les manques portent désormais surtout sur le greffe.

Quant au refus de la réforme, il n'est pas tenable dans un monde qui change - et l'on ne peut ajouter toujours des moyens, sans s'assurer de leur usage, sans évaluer leur utilité.

Enfin, je le redis : aucune cour d'appel ne sera fermée. Vous parlez d'une cour d'appel par région : les bras m'en tombent ! C'est écrit nulle part sinon par quelque fantasmagorie !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le groupe CRCE aurait pu, lui aussi, déposer une question préalable.

Mme Belloubet a réussi à faire mieux que Mme Dati. Que de sophismes ! Oui, il faut contrôler l'utilisation des moyens, mais à quel rang la France se place-t-elle pour les moyens consacrés à la justice ? Que faites-vous de ces tribunaux qui fonctionnent encore de bouts de ficelle ? Vous dites encore qu'être contre l'informatisation qui s'accompagnerait d'une diminution des emplois, ce serait être contre la modernisation de la justice : encore un sophisme !

S'il est bien un secteur fondamental de la République en péril, c'est la justice. Votre texte n'a rien de nouveau, c'est la continuation des politiques précédentes, en pire. (Mme Sophie Joissains applaudit.)

La question préalable n'est pas adoptée.

Discussion générale commune (Suite)

Mme Éliane Assassi .  - Le 30 janvier, la commission des lois a organisé une table ronde avec les représentants des catégories de personnels de la justice. Une déclaration commune y a été lue, soulignant que ce texte entérine l'affaiblissement de la justice, que les femmes et les hommes qui la portent sont à bout.

Notre pays consacre 0,20 % de son PIB à la justice contre 0,31 % en moyenne en Europe ; il est 37e sur les 46 membres du Conseil de l'Europe. Comment expliquer qu'un procureur français ait 3 450 procédures à traiter par an, contre 578 en Europe ?

Vous direz, madame la ministre, que le budget augmente de 24 %... au bénéfice, surtout, de l'administration pénitentiaire. Il faut certes plus de moyens pour les prisons, mais pour désengorger les prisons, - pardon de cette lapalissade - il faut d'abord cesser de voter des lois qui entraînent la surpopulation.

La centralisation du dispositif des injonctions à payer, la mise à mort des tribunaux d'instance relèvent de la même logique, habituelle face aux services publics : on privatise, on dématérialise, au détriment du personnel et des usagers.

Le Sénat a eu des apports heureux en matière civile ; dans le domaine pénal, c'est le tout-répressif qui domine.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Oh non !

Mme Éliane Assassi.  - Je vous assure ! Punir serait-il la seule fonction de la justice ? Rien, hélas, pour plus de réinsertion, plus d'apaisement.

En revanche, le groupe CRCE se félicite de la suppression de l'habilitation à modifier l'ordonnance des mineurs de 1945. Il faut un projet de loi.

La justice doit évidemment faire partie intégrante du prétendu grand débat national. L'égalité face à la justice est une question de démocratie. L'accès au droit n'est pas le même pour les riches et les pauvres, et les robes noires se sont mobilisées aux côtés des gilets jaunes pour défendre l'accès de tous à la justice, le service public.

Ce projet de loi exige une opposition franche. Le groupe CRCE votera donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jacques Bigot .  - L'Assemblée nationale a, sans coup férir, rétabli le texte du Gouvernement. C'est bien celui-là que nous voyons revenir, celui qui a pourtant été repoussé par toute l'opposition, qu'elle soit de droite ou de gauche à l'Assemblée nationale - alors qu'au Sénat, nous étions parvenus à des points de consensus, dans l'intérêt de la justice et des justiciables.

Quand, sur le terrain, les organisations professionnelles, rarement d'accord, arrivent à organiser ensemble une manifestation contre ce texte, quand la droite et la gauche s'y opposent, le Gouvernement doit se poser la question : peut-il avoir raison contre tous ? À l'heure d'un grand débat voulant apaiser la colère de ceux qui dénoncent une technocratie qui croit qu'elle a toujours raison, c'est grave.

Il y a deux projets : une ambition pour la justice... et le vôtre, qui certes apporte des moyens mais, surtout, gère la pénurie. C'est bien ce que les organisations professionnelles vous reprochent. Dans un État de droit, il est logique que chacun veuille faire valoir ses droits. Il est normal que le nombre de conflits augmente : familiaux, de consommation, entre particuliers ou entreprises. Notre justice n'est pas à la hauteur des besoins d'une société moderne et le fossé va continuer de se creuser. L'Allemagne, elle, consacre le double de la France à sa justice par habitant ! La solution est-elle de dissuader le recours à cette justice ? Je ne le crois pas.

Nous ne sommes pas contre la numérisation. Oui, il faut trouver des systèmes informatiques plus performants et, oui, la médiation comme la conciliation vont, grâce à internet, pouvoir trouver de nouveaux développements. Mais pourquoi refusez-vous ce que nous vous proposions déjà en première lecture, la certification des agences habilitées à intervenir ?

Même chose pour l'organisation territoriale de la justice. Vous avez raison de répondre à M. Masson : pour l'instant, aucune fermeture de cour d'appel n'est prévue...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ça viendra !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je n'ai pas dit : « pour l'instant ».

M. Jacques Bigot.  - ... mais l'inquiétude est là, et vous n'en tenez aucun compte !

Quant à la fusion de tribunaux d'instance au sein des tribunaux de grande instance, nous y sommes favorables, mais il faut rassurer les territoires. Les juges des enfants, des affaires familiales, doivent pouvoir recevoir les justiciables dans de bonnes conditions.

La spécialisation des tribunaux de grande instance, elle aussi, inquiète, parce qu'elle semble augurer d'une volonté de suppression, comme en témoigne le regroupement des greffes des tribunaux d'instance et prud'hommes.

Sur la justice pénale, la vision fait défaut. Vous refusez la peine de probation.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Non, pas du tout !

M. Jacques Bigot.  - Vous expliquerez cela plus tard. Vous préférez la détention à domicile qui devient une peine en soi. C'est de la gestion de la pénurie.

Vous donnez le sentiment d'être partie de vos certitudes, et de vous y tenir. Vous refusez de débattre, dans une période de « grand débat ». Voulez-vous convaincre sans débattre ? C'est ce que font le président de la République, le Premier ministre, les ministres, qui vont parler dans les débats pour convaincre, pour expliquer ce que le Gouvernement fait, mais qui écoutent très peu.

Les organisations syndicales, plutôt à gauche, ont salué le travail du Sénat - il est vrai que celui-ci les a écoutées, alors que Gouvernement et Assemblée nationale refusent d'entendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Maryse Carrère .  - Merci à nos deux rapporteurs pour leur investissement. Avant même les mobilisations, le Sénat avait identifié les problèmes. Toutes les réformes sont difficiles, certes, lorsqu'elles touchent de nombreux acteurs - c'est particulièrement le cas ici, puisque la justice concerne tous les Français.

Mais notre rôle est de protéger l'égalité de tous les justiciables. Notre Haute Assemblée ne se cantonne pas pour autant dans le conservatisme.

L'effort consenti devrait permettre d'améliorer les conditions de travail. Peut-être aurait-il fallu s'en tenir à cet engagement budgétaire avant d'entamer de nouvelles réformes, sur autant de chantiers ? Car la multitude des effets que vos propositions engendrent, empêche de les anticiper.

Ce texte aborde de nombreuses matières : médiation, conciliation, justice civile, procédure pénale, justice pénale des mineurs qui aurait justifié un projet de loi distinct...

Le développement des techniques spéciales d'enquête, qui ne feront l'objet que d'un contrôle formel des juges, inquiète. Nous prenons acte de votre engagement sincère de sauvegarder des lieux de justice au plus près des justiciables - mais cela engage-t-il vos successeurs ? La version de la commission des lois est plus rassurante.

S'agit-il de rendre justice ou de limiter les interactions avec les justiciables ? Les plateformes en ligne serviront probablement de miroirs aux alouettes des plus modestes - les mieux informés continueront à saisir la justice directement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Sophie Joissains applaudit également.)

M. Jean Louis Masson .  - Partout dans la fonction publique, on favorise la mobilité - gage d'expérience, donc de compétence. Pour la justice, il y a une autre nécessité : l'indépendance des juges par rapport à un contexte local. Après vingt ans, difficile de s'affronter à différents liens qui se créent nécessairement, difficile d'éviter certaines influences.

Certes, les magistrats ont une obligation de mobilité - mais entre des fonctions différentes seulement. Le deuxième impératif, qui implique un changement géographique, n'est pas pris en compte.

De nombreux magistrats peuvent enchaîner les postes sans déménager. Comment, après trente ans, échapper aux affinités ou aux réseaux d'influence plus ou moins occultes ? Il y va de l'indépendance de la justice : il faudra en débattre.

Mme Sophie Joissains .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La justice est le troisième pouvoir décrit par Montesquieu qui, faute de moyens suffisants, peut broyer des vies et faire basculer un système politique en dehors de la démocratie. Ce pouvoir régalien doit être accessible à tous, il ne saurait relever que d'une logique comptable.

En première lecture, le Sénat a fait des améliorations utiles : il a créé 13 500 emplois, au lieu de 6 500 prévus par le Gouvernement. Il a limité les pouvoirs du procureur en garantissant ceux du juge et la collégialité de la chambre de l'instruction.

Les juges sont surchargés - leur attention ne peut être la même à la vingtième ou à la trentième affaire de la journée - j'aurais préféré une limitation des formations en juge unique.

Dans ce projet, la logique inquisitoire se substitue à la logique accusatoire et les droits de la défense se réduisent toujours davantage. Or le parquet n'est pas une autorité judiciaire au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - les condamnations de la France devant la CEDH en témoignent et nous continuerons d'être condamnés à ce titre tant que nous n'aurons pas révisé notre Constitution. Avant cela, il ne faut pas confier au parquet toujours plus de prérogatives, ni le rendre seul décisionnaire sur des techniques d'enquêtes intrusives et privatives de libertés individuelles.

La déjudiciarisation sera coûteuse pour le justiciable qui sera à la merci d'escrocs sur internet. Le juge de paix est passé aux oubliettes. Les professionnels du droit sont très inquiets face à - oui, madame la ministre - une déshumanisation de la justice. Leur unanimité est très inhabituelle mais elle a été évidente à la table ronde organisée par le Sénat.

Certaines juridictions transformées en chambres seront inexorablement fermées, malgré votre sincérité certaine.

Face à ce projet de loi rejeté par l'ensemble des professionnels du droit, je salue les efforts du président Bas pour parvenir avec vous à un compromis. (M. Philippe Bas, président de la commission, remercie.)

La justice doit faire partie des sujets évoqués dans le grand débat. Ne pas en parler est anti-démocratique. Tout est encore possible. Vous pouvez encore entendre le Sénat, les professionnels de la justice, les citoyens.

L'Assemblée nationale a d'office rétabli le texte du Gouvernement, balayant nos améliorations. La pratique du bicamérisme change de manière inquiétante. Les CMP ne parviennent plus guère à s'entendre. L'usage de la procédure du dernier mot, utilisée pour 12 % des textes de 1958 à octobre 2017, concerne désormais 37 % des textes : c'est très inquiétant, de même que le recours aux ordonnances, sur la justice pénale des mineurs par exemple.

Écoutez les voix unanimes qui s'élèvent, madame la garde des Sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Marc .  - La commission des lois a organisé fin janvier une table ronde pour trouver des solutions d'avenir en écoutant les professionnels de la justice, au-delà des clivages. C'est cet esprit de compromis qui assure toute sa qualité aux travaux du Sénat. Cet esprit l'a conduit à conserver les ajouts pertinents de l'Assemblée nationale.

La commission des lois a rétabli l'augmentation des crédits de 33,8 % et la création de 13 700 emplois - l'Assemblée nationale ayant fixé une trajectoire notoirement insuffisante.

La commission des lois a mieux encadré le recours aux modes alternatifs de règlement des différends, notamment grâce à l'agrément obligatoire. Elle a conservé la conciliation dans la procédure de divorce.

La fusion des tribunaux d'instance et des TGI inquiète les professionnels, la commission des lois a pris des garanties susceptibles de les rassurer. Les modifications de la carte judiciaire seront encadrées, avec un avis public du président du conseil départemental.

Le groupe Les Indépendants votera pour les deux textes ainsi modifiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur celui de la commission)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Nous avons tenté de nous accorder avec l'Assemblée nationale, en vain !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Hélas !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Ces deux textes ont évolué au cours de la concertation avec les représentants des milieux judiciaires, mais une opposition semble s'être cristallisée.

La table-ronde organisée par la commission des lois était destinée à « tenter de renouer le dialogue », mais le dialogue n'a jamais été rompu ; madame la ministre, vous avez eu des échanges nourris qui ont fait considérablement évoluer les textes. Ainsi des plateformes de conciliation, de la simplification du divorce contentieux, de la généralisation des règles de protection des avocats en cas de perquisition ou de l'encadrement du rôle des CAF en matière de pension alimentaire. Ces compromis ont été qualifiés de reculs... C'est à n'y rien comprendre.

Vous n'avez cessé de chercher à rassurer les professionnels sur les fusions. Le texte offre la possibilité de spécialiser un tribunal pour les contentieux à forte technicité et, j'insiste sur cette conjonction de coordination, de faible volume.

Le dépôt de plainte en ligne est bienvenu pour les justiciables intimidés par une procédure physique ou, croyez-en mon expérience, pour les avocats.

Je regrette que vous ayez choisi l'ordonnance pour la réforme de la justice pénale des mineurs, que je souhaite toutefois. Le Parlement n'aurait pas dû être dessaisi ab initio. Inspirez-vous à tout le moins des travaux de la mission d'information sénatoriale ou des députés sur le sujet.

Malgré nos divergences, j'avais formé le voeu que le débat continue à l'Assemblée nationale. Nous souscrivons tous à l'objectif d'une justice plus simple. J'espère que des compromis raisonnables pourront être trouvés sur certains sujets, notamment la limitation de l'entonnoir de certaines techniques spécifiques d'enquête.

Le groupe LaREM s'abstiendra donc.

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le projet de loi dit vouloir répondre au manque d'équité de notre société, mais la réforme ne tient pas compte des caractéristiques géographiques de notre pays, indivisible mais pas uniforme.

Prenons la carte judiciaire. Sa modification est vécue comme un coup de grâce porté au rôle prépondérant des institutions judiciaires sur certains territoires. Vous entendez fusionner tribunal d'instance et tribunal de grande instance en un seul tribunal de première instance dans chaque département, alors qu'il conviendrait de maintenir de la proximité !

La Haute-Savoie compte trois tribunaux de grande instance, à Bonneville, Thonon et Annecy, qui devront transférer leurs compétences au tribunal de première instance, pour ne conserver que des fonctions d'accueil du justiciable, préalablement à l'audience. Or dans ces départements de montagne, les distances ne se comptent pas en kilomètres mais en temps de parcours ! Ce sont pourtant des départements à l'activité judiciaire intense, vivants : la Haute-Savoie est riche d'un tissu d'entreprises soumises à une forte concurrence mondiale ; la démographie et l'activité économique y sont très dynamiques. Chamonix compte davantage de guides touristiques que d'habitants. Délocaliser certains contentieux entraverait donc le fonctionnement de la justice. Les justiciables devront parcourir des centaines de kilomètres supplémentaires, les professionnels de la justice s'interrogent sur l'efficacité de leur action et les élus partagent leurs inquiétudes.

Dans la période difficile que nous traversons, la justice ne saurait être affaiblie. Elle doit au contraire être renforcée, parce qu'elle constitue plus que jamais un élément de cohésion et d'équité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC; M. François-Noël Buffet, rapporteur, applaudit également.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Je veux d'abord dire toute ma reconnaissance aux deux rapporteurs pour donner leur chance, jusqu'au bout, aux mesures d'apaisement et de raison du Sénat. Je déplore à cette heure une forme de gâchis. Après l'échec de la CMP, nous avons cependant refusé de déposer une question préalable en nouvelle lecture, pour trouver les voies d'un accord aussi large que possible, reposant sur une concertation approfondie. Nous nous élevons certes un peu au-dessus de notre condition de sénateur en prétendant aider le Gouvernement devant un état de grande tension...

M. Gérard Longuet.  - En effet !

M. Philippe Bas, président de la commission   - En effet, la table ronde que nous avons organisée il y a deux semaines a montré la forte convergence des positions des syndicats de magistrats, d'avocats, du personnel des greffes.

Madame le garde des Sceaux, les professions de justice attendent une réforme, et s'accordent sur sa nécessité. La Cour des comptes vient de le rappeler : les délais ne cessent de s'allonger, l'efficience de l'utilisation des crédits peut encore progresser... et nous aurions aimé travailler encore plus étroitement avec vous, sur la base de notre rapport d'avril 2017 intitulé, certes un peu ambitieusement, Cinq ans pour sauver la justice !

Cette impasse n'est pas une impasse législative, car il existe à l'Assemblée nationale une majorité pour voter le texte, grâce aux institutions de la Ve République, qui offre au président tout-puissant, outre un gouvernement qui lui est naturellement subordonné, une majorité à sa disposition.

C'est l'impasse politique dont il faut tenter de sortir.

Si le Gouvernement a une pédagogie, il lui manque une capacité de dialogue, et nous étions quelques-uns à penser que la justice pouvait être le terrain d'une autre méthode de dialogue. Ce n'est pas le cas, et j'en suis profondément navré.

Nous avons des divergences d'appréciation politique, ce qui est bien naturel, en démocratie.

D'abord, l'abandon par le Gouvernement du programme de construction de places de prison. La période pendant laquelle les alternatives à la prison se sont le plus développées, c'est la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. Depuis, calme plat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) Si ces alternatives ne se développent plus, c'est faute de moyens pour les faire vivre !

En outre, les efforts que contient cette loi de programmation quinquennale venue deux ans après le début du quinquennat n'engageront que les gouvernements futurs, ce qui n'a guère de sens.

L'effort budgétaire paraît important, mais il faut le mesurer à l'aune du rattrapage nécessaire. Nous sommes ainsi très en retard en Europe, aussi faut-il mettre les bouchées doubles ! Vous proposez 23 % de hausse : ce n'est pas suffisant.

Nous sommes en désaccord avec le parquet national antiterroriste, tout en regrettant que vous n'ayez pas assuré la pérennité de l'aide juridictionnelle, condition de l'accès de nos concitoyens les plus démunis à la justice. Ce n'est pourtant pas à cause de ces désaccords que nous n'avons pu nous entendre.

Mais vous avez fait l'économie d'un dialogue approfondi avec les professions de justice et voulu rétablir le texte initial, au moment même où elles vous demandaient d'infléchir le texte.

Sur le champ d'intervention du juge et la certification des plateformes de médiation, vous auriez pu faire un effort qui coûtait peu. De même, vous auriez pu nous écouter sur la pension alimentaire, traitée, en cas de conflit, par un directeur de Caisse d'allocations familiales, puisque seul le juge peut apporter les garanties nécessaires.

Sur la procédure pénale, qui inquiète aussi les professions judiciaires, votre texte est un texte de ministre de l'Intérieur : prolongation de la garde à vue, refus d'informer l'avocat des perquisitions, comparution différée... Tout cela ne va pas dans le sens des garanties à apporter au justiciable.

Sur l'organisation judiciaire, la sécurisation des chambres détachées, la définition d'un socle minimal de compétences, objets pour nous d'une vive préoccupation de fond, vous auraient prémunie contre l'accusation de vouloir supprimer des lieux de justice que vous dites vouloir conserver. J'ajoute que vous auriez pu prendre en considération nos recommandations, alors qu'un simple décret peut désormais changer la carte judiciaire !

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Bref, je regrette beaucoup que nous ne parvenions pas à nous entendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et RDSE)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux .  - Le Gouvernement a-t-il raison contre tous, monsieur Bigot ? Naturellement non, nous ne le prétendons aucunement. D'ailleurs, le texte a beaucoup évolué depuis octobre 2018 : la version initiale n'était donc pas figée, elle a bénéficié du dialogue avec les professionnels et les parlementaires.

Beaucoup soutiennent le texte du Gouvernement : les présidents de tribunaux de grande instance, que, je crois, vous n'avez pas entendus, (M. François-Noël Buffet, rapporteur, fait signe que oui.), ainsi que la Conférence nationale des procureurs, le syndicat majoritaire chez les magistrats, l'Union syndicale des magistrats (USM), réclament ce que contient le texte, le juge pour les victimes du terrorisme et la simplification des procédures. Les associations de victimes, également, réclament les mesures prises dans ce projet.

Ce texte se suffit-il, pour autant, à lui-même ? Évidemment non. Son ambition est claire : faire évoluer notre justice, mais il ne prétend pas régler tous les problèmes, ni poser une réforme absolue et générale de la justice.

Nous serons attentifs à la mobilité du personnel, monsieur Masson. Je rappelle que les magistrats sont soumis à l'obligation de faire une déclaration d'intérêts. J'ai ouvert un sixième chantier, en plus des cinq que j'ai engagés, celui de la gestion des ressources humaines, que je suis déterminée à faire évoluer.

Monsieur le président Bas, vous avez raison, l'aide juridictionnelle doit être réformée. Je me suis engagée à ouvrir et faire avancer ce dossier très complexe, en lien avec les organisations professionnelles, qui trouvera ses premières traductions dans la loi de finances pour 2020.

Non, madame Carrère, je ne prétends pas réécrire l'ensemble du code de procédure pénale, car je n'en ai pas le temps. Deux ans n'y auraient pas suffi. Il faudra le faire à terme, comme nous l'avons fait pour le droit des contrats - ce qui a nécessité de très nombreux travaux préparatoires.

Il aurait fallu cesser d'examiner le texte pour le livrer au grand débat national, dites-vous : je ne vois pas en quoi poursuivre jusqu'au bout une procédure parlementaire déjà engagée serait antidémocratique, bien au contraire.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Mohamed Soilihi, m'alertent sur la réforme de l'ordonnance de 1945 sur la justice pénale des mineurs par ordonnances. Je l'entends. La méthode retenue sera celle d'une très large concertation, et le débat au Parlement ne sera pas occulté.

Je m'étonne des inquiétudes que vous rapportez, madame Noël. Les tribunaux d'instance d'Annecy, de Bonneville et de Thonon ne sont en rien menacés par la réforme : un juge de la protection sera spécifiquement affecté dans ces tribunaux de proximité, qui traiteront des contentieux des tutelles, du surendettement, des baux d'habitation et même le contentieux familial lié aux divorces, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Je le redis : il n'y a pas de carte judiciaire ni fortiori de coup de grâce, mais une méthode qui permettra au contraire de revivifier certains tribunaux.

Une loi ne suffit jamais à tout transformer, nous aurons besoin d'accompagner l'ensemble du personnel concerné.

En arrivant au ministère, j'ai lu deux ouvrages : la lettre de Jean-Jacques Urvoas à son successeur - celui qui m'a précédée - et le rapport de la commission des lois du Sénat, extrêmement riche et intéressant. Si je ne vois pas de gâchis, je regrette l'absence d'accord et forme le voeu que nous retrouvions les voies du dialogue dans l'application du texte.

La discussion générale commune est close.

Discussion des articles du projet de loi

ARTICLE PREMIER (Rapport annexé)

M. Guillaume Chevrollier .  - Un mot sur le décalage entre ce débat et la réalité, alors qu'est organisé un grand débat sur notre territoire. Faut-il faire fi de l'avis des Français qui demandent plus de proximité, de lien, de services publics, qui dénoncent une justice déshumanisée ? Cette réforme éloigne la justice du citoyen !

La spécialisation des tribunaux est un piège, qui videra les tribunaux de leur contentieux et accélèrera la métropolisation.

La justice doit rester à la disposition du citoyen. N'allons pas vers une justice de médiation, sans oralité, dans laquelle les citoyens ne se retrouveront plus ! La justice doit être humaine et garantir l'égalité de tous devant la loi et surtout la paix, impérieuse nécessité dans le contexte actuel.

Mme la présidente.  - Amendement n°100, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéas 149 à 156

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Afin de renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste, le procureur de la République auprès du tribunal de Paris, compétent au niveau national en matière de lutte antiterroriste, disposera d'un mécanisme procédural innovant lui permettant de requérir de tout procureur de la République la réalisation d'actes d'enquête. Cette procédure l'aidera à répondre efficacement à l'ampleur des investigations nécessaires en cas d'attaque terroriste.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement de coordination.

La commission a rejeté la création d'un parquet national antiterroriste. Il convient de modifier en conséquence les dispositions du rapport annexé qui y font référence.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable : le Gouvernement souhaite la création du parquet national antiterroriste.

L'amendement n°100 est adopté.

L'article premier et le rapport annexé, modifiés, sont adoptés, ainsi que l'article premier bis.

ARTICLE PREMIER TER

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mme Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport visant à étudier les modalités d'harmonisation de la rémunération des avocats pratiquant l'aide juridictionnelle tant du côté de la ou des victimes que du côté du ou des défendeurs.

M. Bernard Lalande.  - Je présente cet amendement au nom de Mme Rossignol. Le rapport demandé doit réparer l'injustice trop souvent dénoncée, en particulier par les victimes disposant de peu de ressources, notamment les femmes, mais aussi par les avocats des parties civiles. Pour un avocat, consacrer du temps à l'aide juridictionnelle peut représenter un risque ou un sacrifice financiers. Ce risque est d'autant plus grand lorsque l'aide juridictionnelle est réalisée pour la victime.

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois.  - La commission des lois n'est traditionnellement pas très favorable aux demandes de rapports ; certes cet article fait exception. Mais le Sénat a introduit plusieurs mesures en matière d'aide juridictionnelle dans ce texte. Un rapport conjoint de l'inspection générale de la justice et de l'inspection générale des finances a été remis récemment. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°3 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article premier ter est adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°79 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Arnell, Artano, Collin, Corbisez, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Supprimer cet article.

M. Raymond Vall.  - L'article 2 contraint les parties à recourir davantage à la médiation et à la conciliation pour régler leurs différends, y compris après la saisine d'un juge. Or nous n'avons pas de démonstration claire de l'efficacité de ces procédures dans l'étude d'impact, au contraire. La médiation, de plus, a un coût ; elle est payante, à tarif libre, entre 100 et 500 euros par heure, exception faite de la médiation familiale. D'où cet amendement de suppression.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission a voulu conserver l'esprit de l'article, laissant la possibilité au juge de décider le recours au médiateur. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Gouvernement veut développer les modes alternatifs de règlement des différends. C'est le cas ici. Le juge pourra enjoindre aux parties, à toute étape de la procédure, d'engager une médiation. Il n'en a en aucun cas l'obligation ; il le fera lorsqu'il jugera possible une solution amiable au litige. Avis défavorable.

L'amendement n°79 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Ledit article 22-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un médiateur ne peut être désigné par le juge pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps si des violences intrafamiliales sont suspectées. » ;

M. Bernard Lalande.  - Cet amendement est lui aussi présenté au nom de Mme Rossignol.

Le règlement amiable des conflits existe en droit de la famille ; cependant, en cas de violences conjugales, le recours à la médiation n'est possible qu'avec l'accord de la victime. Cela n'écarte pas un risque majeur pouvant amener la victime à ne pas faire valoir ses droits lorsque la victime se trouve dans une situation d'emprise l'empêchant de refuser le recours à la médiation. D'où cet amendement.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°96, présenté par Mme Billon.

Mme Annick Billon.  - Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent, Laurence Rossignol rapporteurs de la délégation aux droits des femmes, avaient proposé cet amendement. Je le reprends.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Ces deux amendements sont satisfaits, la commission ayant rétabli, au 1° du I de l'article 2, l'interdiction faite au juge de désigner d'office une médiation dans le cadre d'une procédure de divorce. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable également. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle interdit au juge d'enjoindre le recours au médiateur dans le cadre de violences intrafamiliales. Faisons, au demeurant, confiance aux juges, sensibilisés à ces questions, qui peuvent mobiliser l'ordonnance de protection, outil approprié dans ces situations.

Mme Annick Billon.  - Je ne suis pas entièrement convaincue, mais je suivrai le rapporteur.

L'amendement n°96 est retiré.

L'amendement n°4 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°45, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Céline Brulin.  - La commission des lois a rétabli la certification obligatoire des services en ligne de médiation des litiges. Ce n'est pas assez ; la dématérialisation met en cause la notion même de justice, au profit d'une forme de privatisation dont les start-up du nouveau monde ne manqueront pas de tirer profit. Cela sera aussi source d'inégalité puisque ces services ont un coût. Ayons également à l'esprit la fracture numérique : ainsi, 20 % de nos concitoyens n'ont pas accès à internet.

La version de la commission des lois apporte des garanties, mais ne s'oppose pas à cette tendance sur le fond. Cet amendement supprime donc purement et simplement l'article.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission préfère encadrer les services en ligne, qui existent déjà. Cet amendement supprimerait toute régulation, ce qui ne me semble pas souhaité par les auteurs. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Le Gouvernement a souhaité réguler les services en ligne. Toute plateforme aura des obligations à respecter, et notamment en matière de données personnelles. De plus, une certification sera possible.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Alinéa 2

1° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le non-respect de l'obligation de confidentialité qui pèse sur les personnes qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement du service en ligne peut être sanctionné par application de l'article 226-13 du code pénal, outre des réparations civiles éventuelles.

2° Dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'État

M. Maurice Antiste.  - Les plateformes numériques, personnes morales privées, auront vocation à faire payer leur prestation aux justiciables, avec le risque accru d'une justice à deux vitesses.

La médiation envisagée risque de retarder et limiter l'accès au juge et de décourager les justiciables de saisir la justice. Les avocats appliquent d'ores et déjà la règle : « il vaut mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès ».

Cette réforme répond à des préoccupations surtout budgétaires. Si le but est de déjudiciariser, ce délestage ne peut faire l'économie de garde-fous et de contrôle de ces sociétés privées, qui auraient une mainmise totale sur les données judiciaires et personnelles des justiciables.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les cas dans lesquels la certification est exigée, la procédure de délivrance et la procédure de retrait de la certification mentionnée au présent article ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d'arbitrage sont précisés par décret en Conseil d'État. »

M. Maurice Antiste.  - Cet amendement, avec le même objet, propose une nouvelle rédaction également pour l'alinéa 12.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'amendement n°13 rectifié est satisfait. Toute atteinte au secret professionnel par ces plateformes en ligne sera punie d'un an d'emprisonnement. L'amendement n°14 rectifié l'est également. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°14 rectifié.

L'article 3 est adopté ainsi que l'article 4.

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°42, présenté par M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Maurice Antiste.  - Cet article confie aux notaires l'établissement des actes notariés constatant la possession d'état en matière de filiation, ainsi que l'établissement des actes de notoriété suppléant les actes d'états civils dont les originaux auront été détruits ou ont disparu à la suite d'un sinistre ou de faits de guerre et le recueil du consentement en matière d'assistance médicale à la procréation.

En première lecture, le Sénat proposait d'exclure la déjudiciarisation, mais seulement en matière de procréation assistée. Cet amendement l'exclut dans les trois domaines évoqués.

En l'état, cet article est un recul intolérable pour les intérêts du plus faible. En Martinique, compte tenu des nombreuses difficultés de règlement des successions, il serait particulièrement dangereux.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°46, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet article confie aux notaires divers actes non contentieux, tels que les actes de notoriété constatant la possession d'état en matière de filiation, ou les actes de notoriété qui suppléent les actes d'état civil dont les originaux ont été détruits ou ont disparu à la suite d'un sinistre ou de faits de guerre. Le Gouvernement a étendu le dispositif en conférant au seul notaire le recueil du consentement du couple ayant recours à une procréation médicalement assistée nécessitant l'intervention d'un tiers donneur.

Cette déjudiciarisation s'opère au bénéfice d'un acteur privé, ce qui entraînera inévitablement un coût supplémentaire pour le justiciable. Restons-en à la compétence du juge.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements contraires à la position de la commission. Ces transferts s'inscrivent à ses yeux dans un cadre sécurisé. On a déjà recours au notaire, par exemple, pour la preuve de la qualité d'héritier.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Les notaires ont déjà la possibilité d'établir ces actes de notoriété. De plus, ils sont les plus compétents en matière de filiation. N'oublions pas qu'ils ne sont pas des acteurs privés comme les autres, ce sont des officiers publics ministériels. Je souligne enfin que les demandes d'actes de notoriété sont très rares, à la différence des actes relatifs à la PMA, mais pour lesquels les droits d'enregistrement ont été supprimés.

Les amendements identiques nos42 et 46 ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté.

L'article 6 demeure supprimé.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

Mme la présidente.  - Amendement n°47, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le groupe CRCE est contre tout allègement du contrôle a priori du juge des tutelles sur les actes de personnes majeures. De plus, une réforme d'ampleur sur la protection juridique des majeurs est annoncée, ce qui est particulièrement inquiétant.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement est partiellement satisfait par le texte de la commission, qui a refusé les allègements les plus contestables.

La commission a aussi écarté l'habilitation pour une réforme plus large du régime de la protection des majeurs. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Cet article 8 traduit le premier des deux volets de la réforme des tutelles, sur la base du rapport de Mme Caron-Déglise. Il restitue une dignité aux personnes sous tutelle, tout en allégeant notamment la gestion de leurs comptes.

M. Pierre-Yves Collombat.  - En général, on présente des diptyques ensemble... Cela étant dit, je retire mon amendement.

L'amendement n°47 est retiré.

L'article 8 est adopté.

L'article 8 demeure supprimé, de même que les articles 8 ter, 8 quater et 9.

L'article 9 bis est adopté, de même que les articles 9 ter, 10 ter A, 10 ter et 11.

L'article 11 bis demeure supprimé.

ARTICLE 12 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le code civil est ainsi modifié :

1° L'article 233 est ainsi rédigé :

« Art. 233.  -  Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci.

« Il peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsque chacun d'eux, assisté d'un avocat, a accepté le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats, qui peut être conclu avant l'introduction de l'instance.

« Le principe de la rupture du mariage peut aussi être accepté par les époux à tout moment de la procédure.

 » L'acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel. » ;

2° L'article 238 est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa, les mots : « lors de l'assignation en divorce » sont remplacés par les mots : « lors de la demande en divorce » ;

b) Le second alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si le demandeur a introduit l'instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l'altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce.

« Toutefois, sans préjudice des dispositions de l'article 246, dès lors qu'une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d'un an ne soit exigé. » ;

3° Le second alinéa de l'article 246 est supprimé ;

4° L'article 247-2 est ainsi rédigé :

« Art. 247-2.  -  Si le demandeur forme une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et que le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute, le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande. » ;

5° (Supprimé)

6° La section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier est ainsi modifiée :

a) Le paragraphe 1 est ainsi rédigé :

« Paragraphe 1

« De l'introduction de la demande en divorce

« Art. 251.  -  L'époux qui introduit l'instance en divorce peut indiquer les motifs de sa demande si celle-ci est fondée sur l'acceptation du principe de la rupture du mariage ou l'altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond.

« Art. 252.  -  La demande introductive d'instance comporte le rappel des dispositions relatives à :

« 1° La médiation en matière familiale et à la procédure participative ;

« 2° L'homologation des accords partiels ou complets des parties sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et les conséquences du divorce.

« Elle comporte également, à peine d'irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

« Art. 253.  -  Lorsqu'il rejette définitivement la demande en divorce, le juge peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l'exercice de l'autorité parentale. » ;

b) Le paragraphe 2 est abrogé, le paragraphe 3 devient le paragraphe 2, le paragraphe 4 est abrogé et le paragraphe 5 devient le paragraphe 3 ;

c) L'article 254 est ainsi rédigé :

« Art. 254.  -  Le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à laquelle les époux sont convoqués et à l'issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants de l'introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux. » ;

d) L'article 257 est abrogé ;

7° À la fin de l'avant-dernier alinéa et à la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 262-1, les mots : « l'ordonnance de non-conciliation » sont remplacés par les mots : « la demande en divorce » ;

7° bis (nouveau) À l'article 262-2, les mots : « requête initiale » sont remplacés par les mots : « demande en divorce » ;

8° À la première phrase du troisième alinéa de l'article 311-20, les mots : « de dépôt d'une requête » sont remplacés par les mots : « d'introduction d'une demande » ;

9° À la seconde phrase de l'article 313, les mots : « , en cas de demande en divorce ou en séparation de corps, » sont supprimés et les mots : « la date soit de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce ou des mesures provisoires prises en application de l'article 250-2, soit de l'ordonnance de non-conciliation » sont remplacés par les mots : « l'introduction de la demande en divorce ou en séparation de corps ou après le dépôt au rang des minutes d'un notaire de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce » ;

10° À la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 375-3 et à la deuxième phrase de l'article 515-12, le mot : « requête » est remplacé, deux fois, par le mot : « demande ».

II.  -  L'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « par une ordonnance de non-conciliation » et les mots : « par une décision du juge prise en application de l'article 257 du code civil ou » sont supprimés ;

2° À la seconde phrase du g, les mots : « par une décision du juge prise en application de l'article 257 du code civil ou » sont supprimés.

III.  -  À la seconde phrase du second alinéa de l'article L 2141-2 du code de la santé publique, les mots : « le dépôt d'une requête » sont remplacés par les mots : « l'introduction d'une demande ».

M. Jacques Bigot.  - Une fois n'est pas coutume, c'est la reprise du texte de l'Assemblée nationale. La suppression de l'audience de conciliation dans le cadre d'une procédure de divorce nous prive d'un moment indispensable où le juge rencontre les époux - même si elle donne lieu à très peu de conciliation. La suppression de l'obligation de solliciter l'autorisation d'introduire la demande et des trois mois de délai de réflexion est justifiée. Vous rétablissez ce temps important de la mesure provisoire mais sans l'alourdir par la conciliation préalable ; mon amendement précise que le juge convoque les époux, car il ne doit pas se contenter d'un débat avec les avocats. Il est essentiel que les époux rencontrent le juge, notamment pour évoquer la résidence et les modalités de garde des enfants.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La suppression de la phase de conciliation favorise une logique d'affrontement des parties et l'absence de phase de réflexion et de maturation risque d'augmenter le nombre de divorces pour faute. La lenteur des jugements tient plus à l'insuffisance des moyens des juridictions qu'à la conciliation !

Le texte de l'Assemblée nationale prévoit qu'une partie peut renoncer à l'audience : en cas de divorce houleux, cela revient à placer l'intérêt supérieur des enfants entre les mains de parents qui se déchirent.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable. L'article 12 témoigne du travail réalisé avec les professionnels et les parlementaires et raccourcira considérablement les délais. Les intérêts des enfants sont préservés puisque les mesures provisoires interviennent très tôt dans la procédure.

M. Jacques Bigot.  - Lors de la table ronde, aucune des organisations présentes n'a soulevé de problème sur le divorce alors qu'elles s'inquiétaient, en première lecture, des mesures provisoires. Maintenir la conciliation obligatoire est désuet et ne correspond plus à la réalité de la vie de couple. L'Assemblée nationale a trouvé la bonne solution. Écoutons les professionnels.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - M. Bigot sait ce qui se passe dans la réalité. Maintenir la conciliation obligatoire à tout prix est contreproductif, c'est une perte de temps. Les époux ne se concilient quasiment jamais. S'il est nécessaire de recourir à des mesures provisoires, on peut le faire.

M. Alain Fouché.  - Cet article est en effet intéressant. Avocat pendant trente ans, je sais que ces procédures sont très longues. Cet amendement comporte toutes les garanties, je le voterai.

L'amendement n°40 n'est pas adopté.

L'article 12 demeure supprimé, ainsi que l'article 12 bis A.

L'article 12 bis est adopté, ainsi que l'article 12 ter.

ARTICLE 13

Mme la présidente.  - Amendement n°48, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article prévoit une procédure exclusivement écrite pour juger certains litiges dès lors que les parties seraient en accord. Le règlement de litiges inférieurs à un certain montant fixé par décret se ferait également sans audience et par le biais d'une procédure dématérialisée. Cela porte gravement atteinte au droit au procès équitable. La motivation en est purement économique !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le texte de la commission répond à vos griefs : il permet la comparution des parties si le tribunal le juge nécessaire ou si l'une des parties le demande. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°48 est retiré.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 14

Mme la présidente.  - Amendement n°49, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Une instance juridictionnelle nationale de cinq magistrats et une vingtaine de greffiers traitera les 500 000 injonctions de payer... La start-up justice est en marche ! Foin du respect des parties, de l'examen minimal du bien-fondé des injonctions : il faut aller vite, être compétitifs ! Nous ne pouvons accepter ce type de justice automatique qui ressemble à de la régulation de flux...

Mme la présidente.  - Amendement identique n°80 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

M. Yvon Collin.  - La procédure de l'injonction de payer se déroule sans audience. Il y a chaque année 470 000 requêtes. Si le débiteur conteste la décision, les parties sont convoquées pour un débat contradictoire : le justiciable devra donc se déplacer jusqu'à cette juridiction pour assister à l'audience. De plus, il est peu probable que cette juridiction aura les moyens humains nécessaires pour garantir au justiciable l'accès à l'information.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le Sénat a approuvé le principe de cette instance unique mais le texte de la commission rend la saisine par voie dématérialisée optionnelle afin de garantir l'accès au juge tant pour le créancier que pour le débiteur. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. La première phase, la délivrance de l'injonction de payer, est non contradictoire. Nous la centralisons dans un tribunal unique. Les justiciables peuvent déposer leur requête auprès de leur tribunal local, qui transmettra. La deuxième phase, celle de l'éventuelle contestation des délais ou au fond, restera contradictoire et se déroulera devant le tribunal de proximité. Je ne vois que des avantages à cette réforme. Avis défavorable.

M. Jacques Bigot.  - Nous voterons ces amendements d'autant plus volontiers que l'un des signataires est l'un de vos anciens collègues du Gouvernement, élu et longtemps avocat dans le Massif central. Il considère avec méfiance cette solution qui risque de se transformer en système informatisé, à l'aide d'algorithmes. Où se fera la vérification, d'autant que les débiteurs sont en général impécunieux et peu au fait de leurs droits ? Cela favorisera les titres directement exécutoires.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Nous ne voterons pas ces amendements. Lorsque la requête est déposée, le débiteur n'est pas au courant. En cas de contestation, on reviendra au système actuel : l'affaire sera renvoyée au tribunal du ressort du débiteur, qui retrouve tous ses droits.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - J'avais réagi à l'amendement de Jacques Mézard dont l'objet est inexact, à son deuxième paragraphe : le justiciable n'aura pas à se déplacer jusqu'à la juridiction nationale en cas d'opposition. La nouvelle juridiction ne fera que délivrer les injonctions de payer, il n'y a pas d'audience à ce stade.

Les amendements identiques nos49 et 80 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°43, présenté par M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 6 à 8

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 211-18.  -  Les demandes d'injonction de payer et les oppositions sont formées par voie dématérialisée devant le tribunal de grande instance spécialement désigné mentionné à l'article L. 211-17. Toutefois, lorsqu'elles émanent de personnes physiques n'agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire, elles peuvent être adressées, sur support papier, au greffe du tribunal de grande instance spécialement désigné ou au greffe de tout tribunal judiciaire, auquel il appartient de les transmettre à la juridiction territorialement compétente. »

M. Maurice Antiste.  - Cet amendement rend possible la dématérialisation de l'opposition aux demandes d'injonction de payer et revient sur la suppression des audiences lorsque l'opposition à l'injonction de payer tend exclusivement à l'obtention de délais. Demander aux justiciables poursuivis de s'exprimer exclusivement par écrit, par le biais d'une plateforme numérique, peut porter atteinte au principe du contradictoire, d'autant dans des territoires tels que la Martinique, très touchés par l'illettrisme.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'article 13 prévoit que les affaires en deçà d'un certain montant soient traitées sans audience et de manière dématérialisée si les parties en sont expressément d'accord. Votre amendement est donc satisfait : retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°43 est retiré.

L'article 14 est adopté, de même que les articles 16 et 17.

ARTICLE 18

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Meunier.  - Cet amendement supprime le recours aux forces de police pour faire exécuter les décisions des juges aux affaires familiales. Souvent, le syndrome d'aliénation parentale est utilisé pour faire peser sur les mères une présomption de culpabilité.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement supprime les outils prévus pour améliorer l'exécution des décisions en matière d'autorité parentale. L'article 18 apporte des réponses graduées. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°5 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté, de même que les articles 18 bis, 19, 19 bis, 19 ter, 19 quater et 20 A.

ARTICLE 21

Mme la présidente.  - Amendement n°50, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article permet à un chef de juridiction de confier à un magistrat honoraire des fonctions d'aide à la décision, réservées en principe à des personnes qui n'ont pas la qualité de magistrat. Ce serait symboliquement désastreux pour des magistrats par nature très expérimentés qui se trouveraient ainsi en situation d'infériorité par rapport à leurs collègues en activité.

L'objectif du Gouvernement et de la majorité sénatoriale est clair : faire des économies. C'est un pis-aller que nous n'acceptons pas. L'expérience des anciens n'a pas vocation à se substituer au recrutement de nouveaux magistrats.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cette possibilité est déjà prévue pour les magistrats honoraires des juridictions judiciaires par l'article 40 de la loi du 8 août 2016. Elle repose uniquement sur le volontariat. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cette aide est très précieuse. Avis défavorable.

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°86 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Mézard, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Alinéas 11 et 17

Compléter ces alinéas par les mots :

en France et à l'étranger

M. Jean-Claude Requier.  - Le Ceseda permet que les magistrats administratifs honoraires statuent seuls pour certains cas ou soient rattachés à certaines juridictions spécialisées comme la CNDA. Le recours aux magistrats judiciaires honoraires a par ailleurs été prévu par la loi organique du 8 août 2016.

En parallèle, les règles s'imposant aux magistrats honoraires voulant exercer comme avocat relèvent du droit mou de la charte de déontologie de la juridiction administrative du 14 mars 2017. Compte tenu des nouvelles fonctions juridictionnelles qu'il est prévu de leur confier, il faut encadrer davantage le cumul d'activité juridique et judiciaire en France et à l'étranger. Il n'est pas rare que d'anciens membres du Conseil d'État soient recrutés par des cabinets d'avocats étrangers.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'article 18 ne prévoit de telles incompatibilités qu'en France. C'est suffisant, d'autant que l'interdiction des activités à l'étranger n'existe pas pour les magistrats administratifs en fonction, ou pour les magistrats judiciaires.

Les règles de déport existantes devraient suffire à régler les risques de conflits d'intérêts.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°86 rectifié est retiré.

L'article 21 est adopté.

L'article 23 est adopté, de même que les articles 24, 25 et 25 bis A.

ARTICLE 26

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si la plainte adressée par voie électronique concerne des infractions semblant constitutives des infractions listées aux 3° à 13° de l'article 706-47 du code de procédure pénale ou du délit de harcèlement mentionné à l'article 222-33-2 du code pénal, l'instruction doit garantir au plus tôt l'oralité du témoignage de la victime. »

Mme Michelle Meunier.  - L'oralité lors de la révélation des faits de violences à caractère sexuel est indispensable, à la fois pour libérer la parole des victimes mais également car les témoignages de vive voix, si possible filmés, constituent des éléments de preuve.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis : les modalités du dépôt de plainte relèvent du domaine réglementaire.

L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny, Mme Monier et M. Jomier.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 15-3-...  -  Les victimes mineures comme majeures des infractions listées aux articles 222-1 à 222-5, 222-9 à 222-14, 222-22 à 222-33 et 227-25 à 227-27-2-1 du code pénal ont le droit, si elles en manifestent la volonté, de témoigner des faits subis dans un local leur garantissant intimité et discrétion. »

Mme Michelle Meunier.  - Cet amendement garantit aux victimes d'infractions sexuelles le droit à l'intimité lorsqu'elles viennent témoigner. Le traumatisme du témoignage s'ajoute à celui subi lors de l'agression ou du viol ; il nuit à la reconstruction des victimes et crée un sentiment d'injustice. Celles-ci doivent pouvoir témoigner dans un lieu adapté.

L'amendement n°97 n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous partageons l'intention, mais cela risque de rester un voeu pieux, les locaux des commissariats étant ce qu'ils sont. Retrait, tout en soulignant l'intérêt de lieux dédiés.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je rejoins le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne suis pas convaincu. Pour une victime de viol, faire une déclaration au commissariat est traumatisant. Dans ces conditions, inscrire dans la loi la nécessité de préserver l'intimité n'est pas superfétatoire. C'est une incitation à mettre en place des salles dédiées. Se contenter de réponses de circonstance est léger, voire irrespectueux.

M. Alain Fouché.  - Nombre de gendarmeries ont été rénovées, souvent grâce aux collectivités. Mais dans nombre de commissariats, le manque d'intimité est effectivement terrible. Inscrire dans la loi la nécessaire préservation de l'intimité pourra pousser le Gouvernement à améliorer les locaux. Je voterai donc l'amendement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Nul irrespect ni légèreté dans notre position, mais une telle mesure relève du règlement. L'article D1-7 du code de procédure pénale précise que l'audition de la victime a lieu dans des locaux conçus ou adaptés à sa situation.

L'amendement n°7 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny, Mme Monier et M. Jomier.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 15-3-...  -  Lorsqu'une victime, majeure ou mineure, de faits semblant constitutifs des infractions listées aux articles 222-1 à 222-5, 222-9 à 222-14, 222-22 à 222-33 et 227-25 à 227-27-2-1 du code pénal, dénonce la ou les infractions devant les autorités judiciaires, la prise d'une plainte est obligatoire sauf refus expresse de la victime. »

Mme Angèle Préville.  - De nombreuses victimes d'infractions sexuelles ont essuyé un refus de prise de plainte lors de la dénonciation des faits. J'en ai eu un témoignage direct dans mon département. Cet amendement renforce le droit au dépôt de plainte.

L'amendement n°98 n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le code de procédure pénale, dans son article L.15-3, oblige déjà à recevoir la plainte d'une victime d'infraction pénale. Votre amendement est donc satisfait par le droit positif. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. En cas de difficultés ponctuelles, il faut s'adresser au procureur de la République qui enjoint au commissaire de prendre la plainte.

Mme Angèle Préville.  - Il y a parfois un élément d'intimidation qui dissuade la victime de revenir et d'insister. C'est pourquoi la prise en compte de ces faits doit être automatique.

M. Marc Daunis.  - J'entends les arguments de la ministre, mais ces cas existent, hélas, plus souvent à la campagne ou en zone périurbaine qu'en ville. L'exécutif ne pourrait-il rappeler, par une circulaire, l'obligation d'enregistrement des plaintes ?

L'amendement n°8 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 26 est adopté, ainsi que les articles 26 bis A et 26 bis B.

ARTICLE 27

Mme la présidente.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Supprimer cet article.

M. Maurice Antiste.  - Les nouvelles technologies de l'information et de la communication permettent une intrusion sans précédent dans la vie privée du justiciable. Les mesures attentatoires au respect de la vie privée ont commencé à être encadrées par la loi du 28 mars 2014, mais l'ingérence généralisée que nous constatons ne semble pas poursuivre un but nécessaire et légitime. Par ailleurs, les pouvoirs du parquet sont nettement élargis, ce qui fait craindre un manque d'indépendance dans la tenue des enquêtes, et la disparition, in fine, du juge d'instruction.

Un tel article ne saurait être accepté, ni même amendé. Certains proposent que ces mesures ne s'appliquent qu'aux crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Par précaution, vu le risque de dérives sécuritaires, nous préférons supprimer cet article.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°51, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Mme Éliane Assassi.  - Ces dispositions pénales répressives sont une atteinte grave aux libertés publiques. Nous regrettons que la majorité sénatoriale se soit obstinée dans la recherche d'un hypothétique compromis.

Alors que l'opinion et les juristes s'inquiètent de l'intrusion croissante de Big Brother dans la justice, le Gouvernement, loin de le réguler, étend ces techniques à la quasi-totalité des crimes et délits. Assurer la sécurité et la justice ne justifie pas une telle mise en cause des libertés fondamentales. Nous voterons contre cet article, constitutionnellement douteux.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°81 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Mme Maryse Carrère.  - Il est défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Les articles 27, 28 et 29 étendent le recours aux interceptions et géolocalisations, aux enquêtes sous pseudonyme et aux techniques spéciales d'enquête. La commission n'entend pas les supprimer, car elles ont leur utilité, mais les encadre et augmente le quantum de peine à partir duquel elles sont applicables. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Ces mesures résultent de propositions émises lors des Chantiers de la justice. Nous avons voulu simplifier et rapprocher les régimes d'utilisation de ces techniques.

Rien ne justifie que les interceptions téléphoniques soient possibles au stade de l'enquête uniquement pour les faits de criminalité organisée alors qu'elles le sont, à l'instruction, pour toute infraction punie de deux ans de prison. Dans un cas comme dans l'autre, elles resteront sous le contrôle d'un magistrat du siège. Seule varie la durée des écoutes.

Idem pour la géolocalisation : les différences de seuil sont complexes et injustifiées. Le juge des libertés et de la détention pourra, de plus, ordonner la destruction de PV recueillis sur la base d'écoutes illégales. Le texte réduit enfin la durée pendant laquelle il peut être fait recours à la géolocalisation. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos17 rectifié, 51 et 81 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°27, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 17

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

cinq

M. Jacques Bigot.  - La commission des lois, prudente en matière de libertés, a encadré ces techniques de géolocalisation mais il conviendrait à notre sens de limiter l'usage de techniques aussi intrusives aux enquêtes ou informations judiciaires concernant les infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement et non trois. C'était ce que préconisaient les rapporteurs des Chantiers de la justice.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - En première lecture, la commission des lois avait abaissé le seuil de cinq à trois ans pour permettre la géolocalisation - moins intrusive que d'autres techniques d'enquête - dans les affaires d'évasion. En contrepartie, elle a demandé que l'autorisation soit motivée et renouvelée tous les quinze jours par le JLD, et non tous les mois. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le rapporteur, je salue la bonne intention du Sénat mais l'Assemblée nationale n'a pas retenu ces restrictions, qui auraient justifié l'abaissement du seuil à trois ans. Je continue donc à partager vos interrogations exprimées en première lecture.

À la suite des attentats, le champ du recours aux techniques d'interception et de géolocalisation a été très largement étendu. Je l'ai approuvé, y compris contre les accusations de visées liberticides...

Mme Éliane Assassi.  - Je le confirme !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... mais continuer dans cette direction finit par poser un problème surtout pour le Sénat, qui est le défenseur des libertés. Restons-en à cinq ans.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

L'article 27 est adopté.

ARTICLE 28

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Supprimer cet article.

M. Maurice Antiste.  - Le texte initial du Gouvernement généralisait l'enquête sous pseudonyme à tous les crimes et délits. Le Sénat l'a certes limitée aux crimes et délits punis de trois ans d'emprisonnement, mais cela reste une généralisation de mesures exceptionnelles particulièrement attentatoire aux libertés individuelles. Les risques de dérives sont évidents.

Le contrôle par l'autorité judiciaire n'est pas suffisant, d'autant que de tels actes s'effectueraient sous l'autorité du procureur de la République. Le risque d'incitation à la commission de l'infraction est patent.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°52, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Mme Esther Benbassa.  - Le recours à l'enquête sous pseudonyme est limité jusqu'à présent aux enquêtes sur des faits très graves. L'article du projet de loi initial était excessif, étendant ce recours à l'ensemble des délits punis d'emprisonnement et commis à l'aide de moyens de communication électronique. Les enquêtes sous pseudonyme doivent être confiées aux seuls fonctionnaires étant spécifiquement formés. Nous apprécions les améliorations apportées par la commission des lois, mais nous n'en supprimons pas moins l'article, car nous réprouvons ces techniques qui portent atteinte au principe de loyauté de la preuve.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°82 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Même avis défavorable que précédemment.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le développement de la criminalité sur internet impose le recours accru à l'enquête sous pseudonyme. Le juge donnera toujours une autorisation préalable d'engagement. Je regrette que la commission des lois ait restreint ce recours aux crimes et délits passibles d'au moins trois ans de prison. C'est une régression car c'est possible aujourd'hui pour la consultation et la détention d'images pédopornographiques, passibles de deux ans de prison, ou encore pour les propositions sexuelles à mineurs de 15 ans, passibles de la même peine.

M. Jacques Bigot.  - Je ne voterai pas ces amendements. L'enjeu est de pouvoir traquer efficacement des malfaiteurs. La proposition de la commission des lois est équilibrée. Notre objectif restant de convaincre les collègues de l'Assemblée nationale de conserver des éléments de notre texte...

Les amendements identiques nos18 rectifié, 52 et 82 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°71, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

IV.  -  Le premier alinéa du VI de l'article 28-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, ils ne peuvent disposer des prérogatives mentionnées à l'article 230-46 qu'après avoir été spécialement habilités à cette fin dans les conditions déterminées par le décret pris pour l'application de l'article 67 bis-1 du code des douanes. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - C'est un amendement de coordination. Les officiers des douanes judiciaires disposent des mêmes prérogatives que les officiers de police judiciaire. Il faut préciser selon quelles modalités.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°71 est adopté.

L'article 28, modifié, est adopté.

ARTICLE 29

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Supprimer cet article.

M. Maurice Antiste.  - Il faut supprimer cette généralisation des techniques spéciales d'enquête, cette banalisation de mesures dérogatoires, applicables à ce jour uniquement à la criminalité organisée. Il n'y a aucune raison ni aucun but légitime permettant de conclure que de telles mesures sont nécessaires et légitimes dans une société démocratique pour l'ensemble des crimes et délits.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°53, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Mme Esther Benbassa.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°83 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements identiques nos19 rectifié, 53 et 83 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 29 est adopté.

La séance est suspendue à 20 h 10.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 40.

ARTICLE 30

Mme la présidente.  - Amendement n°54, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article marque, une fois de plus, un recul des prérogatives judiciaires. Il simplifie la procédure d'habilitation des officiers de police judiciaire, facilite leur circulation sur le territoire national, étend les compétences des agents de police judiciaire, supprime l'autorisation du procureur pour certaines réquisitions et supprime une obligation de prestation de serment. En rendant facultative la présence d'un officier de police judiciaire territorialement compétent, il supprime également un lien de proximité.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable : cet article contient des assouplissements qui faciliteront le travail des enquêteurs.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°54 n'est pas adopté.

L'article 30 est adopté.

ARTICLE 31

Mme la présidente.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Mézard, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Nathalie Delattre.  - La prolongation d'une garde à vue doit continuer d'être conditionnée à la présentation au procureur de la personne concernée. Selon l'étude d'impact, cette mesure serait d'un formalisme excessif. Ce n'est pas ainsi qu'en jugeaient MM. Beaume et Natali à lire le rapport qu'ils ont rendu dans le cadre des chantiers de la justice. Le renouvellement est l'occasion d'un premier compte rendu au parquet sur le déroulement de l'enquête au-delà de 24 heures et, pour l'intéressé, de présenter ses observations au magistrat.

Rappelons que le procureur de la République est garant de la bonne tenue d'une garde à vue. Le risque, avec cet article, est qu'une garde à vue soit prolongée à chaque fois que le service enquêteur le juge utile, sans véritable contrôle par l'autorité judiciaire.

Cet amendement maintient donc le droit en vigueur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Demande de retrait ou avis défavorable. Les auteurs ont, en effet, satisfaction car nous avons maintenu l'obligation de présentation. Il est déjà possible, en outre, de prolonger la garde à vue au-delà de 24 heures. Admise par la jurisprudence, cette possibilité serait inscrite dans la loi. Ce serait conforme à la réalité du fonctionnement des juridictions et nous l'avions accepté en première lecture.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Nous considérons que la présentation peut être facultative pour le renouvellement mais doit rester obligatoire au moment de la mise en garde à vue. Cette demande a été formulée par de nombreux acteurs du monde judiciaire.

L'amendement n°84 rectifié est retiré.

L'article 31 est adopté.

L'article 31 bis est adopté.

ARTICLE 32

M. Maurice Antiste .  - Nous déplorons l'élargissement des modalités de l'enquête de flagrance. La prolongation de huit jours supplémentaires de flagrance, autrefois réservée aux délits punis de cinq ans, sera élargie aux délits punis de trois ans, soit quasiment tous les délits donnant potentiellement lieu à la flagrance, dont le vol simple. Cela entraîne un affaiblissement des droits de la défense. Idem pour l'élargissement des pouvoirs de contrainte des services d'enquête : désormais, des interpellations domiciliaires pourront être faites à la demande du parquet, quand il fallait auparavant un mandat de recherche. Cette logique sécuritaire est critiquable. Je voterai les amendements socialistes.

Mme la présidente.  - Amendement n°55, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Ce texte marque un recul du pouvoir du juge d'instruction et des droits de la défense. L'état d'urgence entre davantage dans l'État de droit. Sans balance, sans équilibre, il n'y a plus de justice.

Les pouvoirs exceptionnels confiés aux enquêteurs dans le cadre de l'enquête de flagrance, qui sont justifiés par un crime ou un délit qui vient d'être commis, n'ont aucune raison d'être étendus à un autre cadre juridique.

La confusion de l'étude d'impact ne permet pas d'exclure formellement une application de cet article aux crimes de droit commun et aux infractions prévues par les articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale.

Mieux vaut supprimer cet article attentatoire aux libertés fondamentales.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Restons-en à la solution équilibrée trouvée en première lecture : nous avons encadré l'enquête de flagrance et renforcé les droits de la défense en cas de perquisition.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Rejet également. Il est indéniable que le texte renforce les moyens d'action du parquet mais les magistrats du parquet sont garants des libertés individuelles, ils ne reçoivent aucune instruction individuelle et ils instruisent à charge et à décharge.

L'article 32 ne porte pas une atteinte disproportionnée aux libertés publiques : la perquisition est autorisée par un juge des libertés et le procureur doit prendre une décision écrite et motivée lorsqu'il prolonge la flagrance. Ce texte n'a pas pour but de limiter les pouvoirs du juge d'instruction mais de concentrer son intervention sur les enquêtes les plus importantes.

M. Jacques Bigot.  - Le juge d'instruction pourrait disparaître, tandis que le juge des libertés n'a qu'une existence éphémère. Les procureurs et leurs substituts n'ont pas le temps de répondre aux obligations imposées par le texte. Nous sommes donc dans du formalisme apparent. Les procureurs ne sont pas des juges assistés d'un greffier et d'un cabinet. Tout est dit dans le rapport sur l'attractivité du parquet, nous avons une vraie difficulté. En réalité, ce texte renforce les pouvoirs de la police. Il faut donc revoir l'article 32 à défaut de le supprimer.

Il faut sauvegarder notre État de droit. Lorsqu'il est remis en question, le pire peut arriver et, selon certains, nous ne sommes plus très loin du pire...

L'amendement n°55 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°32, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 1 à 4

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Bigot.  - En 1999, le législateur s'est prononcé pour la première fois sur la durée de la flagrance, il avait prévu huit jours au maximum. Avec la loi du 9 mars 2004, huit jours ont été ajoutés pour les crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

Cet article prévoit huit jours s'agissant des infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement et seize jours pour un crime de droit commun ou une infraction prévue par les articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale.

Nous pensons qu'il faut limiter la durée de la flagrance en supprimant au moins les alinéas 1 à 4 de l'article ou, subsidiairement, les alinéas 3 et 4. Ces dispositions ne seraient équilibrées que si le procureur était indépendant et si ce dernier et le juge des libertés disposaient des moyens nécessaires.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

sur un crime ou

M. Jacques Bigot.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°34, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Bigot.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Le prolongement nous semble acceptable car huit jours peuvent être trop courts pour mener l'enquête. La durée de seize jours peut être admise pour des crimes qui sont, par nature, des infractions graves.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Rejet également.

L'amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos33 et 34.

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

M. Jacques Bigot.  - Mme la garde des Sceaux a confié à d'éminentes personnalités la confection d'un rapport dans le cadre des Chantiers de la justice. Ces éminentes personnalités, MM Jacques Beaume et Franck Natali, ont considéré que le principe de proportionnalité imposait de fixer le seuil de la perquisition sans assentiment, des écoutes téléphoniques en enquête préliminaires et de la prolongation de flagrance à cinq ans, et non à trois ans. Nous pouvons les suivre en supprimant l'alinéa 9.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous souhaitons maintenir notre position de première lecture : répondre à la demande des services enquêteurs tout en introduisant des garanties.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Il y a une autorisation systématique préalable du juge des libertés et de la détention.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

L'article 32 est adopté.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Sophie Joissains.  - Lors du scrutin n°48 qui portait sur l'article 44 du projet de loi Pacte, M. Maurey a voté contre mais souhaitait s'abstenir.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture - Suite)

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°56, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Après l'article 32

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 76 du code de procédure pénale est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , ni sans la présence de son avocat. Au cours de la perquisition, les frais d'avocat ne sont pas pris en charge par l'aide juridictionnelle d'État. »

Mme Esther Benbassa.  - La présence de l'avocat est prévue pour les visites domiciliaires, elle ne l'est pas lors de la perquisition pénale. Il en résulte une incertitude au regard de la législation européenne, notamment de la directive de 2013 laquelle dispose : « Avant qu'ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire, les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat sans retard indu ». La présence d'un avocat contribuera à la transparence et au bon déroulement de la perquisition en évitant les dérives.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Lorsqu'une perquisition est prévue, l'avocat en est informé mais n'est pas obligé d'être présent. Une obligation ne serait pas forcément efficace.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Nous avons déjà débattu de ce sujet. Les textes européens ne l'imposent pas. En outre, dans une perquisition, il n'y a pas d'interrogatoire, donc pas de présence nécessaire d'un avocat. Enfin, le Gouvernement n'a pas estimé nécessaire de préciser que la personne peut appeler son avocat car rien ne l'interdit.

L'amendement n°56 n'est pas adopté.

ARTICLE 32 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Alinéas 16 à 20

Supprimer ces alinéas.

M. Maurice Antiste.  - Le II de l'article 32 bis légalise, dans le cadre d'une expérimentation menée jusqu'au 1er janvier 2022, l'enregistrement numérique des formalités prévoyant, pour les personnes entendues, arrêtées ou placées en garde à vue, la notification de leurs droits. Ces dispositions portent une atteinte grave aux droits des individus. En pratique, les avocats seront dans l'impossibilité de contrôler en temps réel la procédure et de faire des observations annexées. Le formalisme est une garantie importante du justiciable placé en garde à vue.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le texte de la commission. Nous avons prévu la possibilité d'un procès-verbal dématérialisé à titre expérimental pour certaines infractions routières.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Sagesse. Nous souhaitons poursuivre l'expérimentation de l'oralisation mais sur le périmètre plus étroit retenu par l'Assemblée nationale.

L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.

L'article 32 bis est adopté.

L'article 32 ter est adopté.

ARTICLE 33

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 12 à 14

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Avec cet article, les agents de police judiciaire pourraient prendre seuls l'initiative d'un contrôle d'alcoolémie et d'usage de stupéfiants quand cela était de la responsabilité d'un officier de police judiciaire. Cela risque de fragiliser la qualité procédurale des opérations menées. Soyons cohérents avec l'article 30 que nous avons voté et maintenons les garanties apportées par le droit en vigueur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous avons eu déjà ce débat en première lecture. Ces ajustements sont acceptables.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

L'article 33 est adopté.

L'article 33 bis est adopté, de même que les articles 34 et 35.

ARTICLE 35 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°72, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 7 et 8

Remplacer ces alinéas par dix-huit alinéas ainsi rédigés :

I. bis.  -  L'article 148-5 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 148-5.  -  En toute matière et en tout état de la procédure, toute personne placée en détention provisoire peut, à titre exceptionnel, faire l'objet d'une autorisation de sortie sous escorte selon des modalités prévues par décret. Les décisions accordant ou refusant ces autorisations peuvent faire l'objet du recours prévu au dernier alinéa de l'article 145-4-2. »

II. - La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifiée :

1° L'article 34 est ainsi rédigé :

« Art. 34.  -  Les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement, après avis conforme de l'autorité judiciaire susceptible d'être contesté selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 145-4-2 du code de procédure pénale. »

2° Le premier alinéa de l'article 40 est ainsi rédigé :

« Les personnes condamnées et, sous réserve des dispositions de l'article 145-4-2 du code de procédure pénale, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix. »

III.  -  À compter du 1er juin 2019, l'article 61-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 61-1.  -  Sans préjudice des garanties spécifiques applicables aux mineurs, la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée :

« 1° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ;

« 2° Du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ;

« 3° Le cas échéant, du droit d'être assistée par un interprète ;

« 4° Du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;

« 5° Si l'infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, du droit d'être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation, selon les modalités prévues aux articles 63-4-3 et 63-4-4, par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats ; elle est informée que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen ; elle peut accepter expressément de poursuivre l'audition hors la présence de son avocat ;

« 6° De la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit.

« La notification des informations données en application du présent article est mentionnée au procès-verbal.

« Si le déroulement de l'enquête le permet, lorsqu'une convocation écrite est adressée à la personne en vue de son audition, cette convocation indique l'infraction dont elle est soupçonnée, son droit d'être assistée par un avocat ainsi que les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, les modalités de désignation d'un avocat d'office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition.

« Le présent article n'est pas applicable si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l'officier de police judiciaire. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement, qui devait faire consensus, tire les conséquences de deux décisions QPC que le Conseil constitutionnel a rendues le 8 février 2019. Ont été déclarées contraires à la Constitution les dispositions de la loi pénitentiaire de 2009 sur le rapprochement familial des prévenus en ce qu'elles ne prévoyaient pas de modalités de recours et celles du code de procédure pénale sur l'audition libre, qui ne prévoyaient pas de garanties pour les mineurs. Cet amendement y remédie et trouve toute sa place à cet article qui tirait déjà les conséquences d'une décision QPC en date de juin 2018 sur des dispositions de la loi pénitentiaire.

L'amendement n°72, accepté par la commission, est adopté.

L'article 35 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 36

Mme la présidente.  - Amendement n°57, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité a été introduite en 2004 pour désengorger les tribunaux correctionnels puis étendue en 2011 mais ne concerne qu'une centaine d'affaires par an. Six ans d'expérience ne permettent pas de présumer l'efficacité de ce « plaider coupable » à la française. Bien au contraire, et pour des gains de temps très hypothétiques.

En matière de procédure pénale, la philosophie que déploie ce projet de loi est la suivante : aller vite, juger beaucoup et pour pas cher. Les aménagements de la commission des lois n'y changent rien.

L'amendement n°57, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 36 est adopté.

L'article 37 A demeure supprimé.

ARTICLE 37

Mme la présidente.  - Amendement n°58, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article instaure la création d'une amende forfaitaire délictuelle au délit d'usage de stupéfiants, censée simplifier le travail des forces de l'ordre. Cela est contraire au principe d'individualisation des peines. Les forces de l'ordre pourront sanctionner sans limite. Qu'advient-il de la prévention, du traitement de l'addiction ? Le seul effet de l'amende sera d'aggraver des situations déjà précaires, l'inégalité entre milieux paupérisés et mondains. Enfin, l'amende ne pourra être prononcée à l'encontre de mineurs. Supprimons ces dispositions quelque peu rétrogrades.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. L'amende forfaitaire permet une réponse pénale rapide et efficace et n'empêche pas le juge de prononcer d'autres peines, comme des stages de sensibilisation à l'usage des stupéfiants.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Il s'agit d'un outil supplémentaire qui n'interdit pas l'obligation de soins.

M. Jacques Bigot.  - Ce que vous dites, madame la ministre, pourrait être vrai s'il y avait une véritable stratégie des procureurs et des forces de la police en un endroit précis : interpellation, sensibilisation des parents pour éviter que du deal ne se développe pour payer l'amende. Je m'abstiendrai. Il faudra une commission d'enquête pour voir comment cela peut fonctionner.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

L'article 37 est adopté.

ARTICLE 38

L'amendement n°10 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°29, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le vingt-deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne est mineure, le président du tribunal désigne une juge des enfants. » ;

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement est satisfait. Je le retire non sans avoir saisi cette occasion de dire à Mme la garde des Sceaux que la révision de l'ordonnance de 1945 ne peut être faite par ordonnance. Nous nous opposons à une habilitation qui prive le Parlement d'un nécessaire débat, notamment s'agissant des centres éducatifs fermés.

L'amendement n°29 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°85 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Mézard, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le vingt-neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la personne est mineure, le président du tribunal désigne un juge des enfants. » ;

Mme Nathalie Delattre.  - Nous persistons à penser que le président du tribunal, quand la personne est mineure, doit nommer un juge des enfants.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'article 4 de l'ordonnance de 1945 prévoit déjà l'intervention du juge des enfants. L'amendement est donc satisfait.

L'amendement n°85 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°30 est retiré, de même que l'amendement n°31.

L'article 38 est adopté.

L'article 39 est adopté.

L'article 40 demeure supprimé.

L'article 41 est adopté.

ARTICLE 42

M. Maurice Antiste .  - Le Gouvernement réserve les cours d'assises en première instance aux meurtres et aux crimes commis en récidive. Les viols seraient renvoyés devant les cours criminelles départementales, ils seraient donc moins graves...

Le dernier rapport de la Commission européenne sur l'efficacité de la justice, publié en 2016, est édifiant. Avec 64 euros par habitant et par an consacrés au système judiciaire, la France se trouve en queue de classement. Les moyens de la justice doivent être augmentés significativement.

Le jury est un échantillon parfaitement représentatif de la population du département. En Martinique, la population est majoritairement créolophone, et les mots, même français, n'ont pas toujours le même sens. Cette expérimentation accroîtra les clivages culturels entre les justiciables et leurs juges.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Cet article comporte des avancées importantes sur des questions relatives à la Cour pénale internationale. En 2013, le Sénat avait voté unanimement une proposition de loi, sur le rapport de M. Anziani, que j'avais présentée sur les crimes relevant de la CPI et le rôle des juges français à l'égard des crimes contre l'humanité, des crimes de génocide et des crimes de guerre.

Aujourd'hui, quatre verrous empêchent les juges français d'exercer leurs prérogatives, notre proposition de loi en levait trois car, dès 2013, nous avions considéré, au regard d'expériences étrangères, qu'il était préférable de maintenir le monopole du parquet.

La double incrimination est un problème : de nombreux États n'ont pas la même culture des droits de l'homme que la France. Cette condition tomberait pour le génocide, mais par pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, ce que je déplore.

Demeure également le verrou du critère de la résidence habituelle. Comme le disait Robert Badinter, les coupables de tels crimes résident rarement en France, dans un pavillon de banlieue. Il serait juste de pouvoir les interpeller dès lors qu'ils sont sur notre territoire. Reste donc des pas importants à faire.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Fouché, Bouloux et Laufoaulu, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled, Chasseing et A. Marc, Mme Vermeillet, MM. Le Nay, Longeot et Henno et Mme Guidez.

Alinéas 28 à 43

Supprimer ces alinéas.

M. Alain Fouché.  - L'expérimentation du tribunal criminel sera définitive, je le sais. L'objectif serait d'éviter la correctionnalisation de certains crimes... Depuis 1810, les crimes sont jugés par des jurés, qui ne sont pas des juristes. Agriculteurs, chômeurs, fonctionnaires ou encore commerçants, ils représentent le peuple français. Près de 95 % des accusés sont condamnés en premier ressort. À l'heure où le peuple demande à pouvoir s'exprimer directement, il serait incroyable de programmer la fin des cours d'assises !

Mme la présidente.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande et Mme Artigalas.

Alinéa 41

Après la seconde occurrence du mot :

départements

insérer les mots :

, à l'exclusion des collectivités de l'article 73 de la Constitution,

M. Maurice Antiste.  - La suppression des jurys populaires, représentatifs de la population locale, serait particulièrement malvenue dans les outre-mer où les justiciables ont plus de mal à se reconnaître dans des juges qui ne possèdent pas forcément la connaissance des spécificités culturelles de leur langage oral ou gestuel. Le président de la République a récemment encore parlé de droit à la différenciation.

C'est un amendement de repli si celui de M. Fouché n'était pas adopté.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements. En première lecture, nous avions pris connaissance du projet de tribunal criminel, devenu cour criminelle. En matière d'infractions sexuelles, les procédures devant la cour d'assises sont très longues, d'où une correctionnalisation fréquente, dans l'intérêt même des victimes. Le fait de recourir à une juridiction spécialisée nous a interrogés... mais nous n'avons pas voulu refuser une expérimentation, car il importe de juger plus rapidement ces crimes.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

L'expérimentation ne portera que sur les collectivités volontaires : les départements et territoires d'outre-mer pourront donc ne pas se porter candidats. Les jurys populaires ne disparaissent pas puisque la cour d'assises demeurera compétente en appel.

M. Maurice Antiste.  - Merci pour ces précisions. Le barreau martiniquais appuie ma demande, je tâcherai de faire en sorte que mon département ne soit pas candidat ! La justice est plus difficile à rendre en outre-mer. Elle est d'abord une affaire culturelle et notre passé est différent. Je suis à votre disposition pour vous le démontrer.

M. Alain Fouché.  - J'ai entendu les arguments du rapporteur et de la ministre. L'expérimentation prévue durera, je le crains, indéfiniment. On aura deux types de juridiction : avec et sans jurés. Je doute que la procédure soit plus rapide avec des magistrats professionnels - tout excellents qu'ils soient, ils ne sont, parfois, pas meilleurs que des jurés. L'affaire d'Outreau l'a montré - et le petit juge responsable du désastre a fini nommé à la Cour de cassation !

Ce texte éloigne le peuple de l'acte de juger et met en cause l'essence même du procès pénal. Je voterai contre cette expérimentation anti-démocratique. Casser quelque chose qui fonctionne depuis deux siècles, c'est une honte !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je comprends votre réaction, monsieur Fouché.

M. Alain Fouché.  - J'ai plaidé trente ans devant les assises !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - N'oublions pas que les magistrats professionnels rendent eux aussi la justice au nom du peuple français. Les jurys populaires ne sont pas supprimés mais réservés à l'appel. Nous avons trouvé un équilibre entre maintien de notre spécificité et jugements plus rapides, traduisant la vérité judiciaire puisque des crimes cesseront d'être correctionnalisés.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°23 rectifié.

L'article 42 est adopté.

ARTICLE 42 BIS AA

Mme la présidente.  - Amendement n°73, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 36

Remplacer les mots :

est complété

par les mots :

et l'article 5-1 de l'ordonnance n°92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna sont complétés

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement étend à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour se constituer partie civile en matière de terrorisme.

L'amendement n°73, accepté par la commission, est adopté.

L'article 42 bis AA, modifié, est adopté, de même que les articles 42 bis AB, 42 bis AC, 42 bis B, 42 bis C, 42 bis, 42 ter, et 43.

ARTICLE 43 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°61, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet article, issu d'un amendement du groupe Les Républicains en première lecture et rétabli par la commission, élargit l'application de l'interdiction du territoire, dite double peine, aux crimes punis de plus de cinq ans d'emprisonnement. Elle pourrait ainsi frapper l'auteur d'un vol de mobylette. C'est une disposition dogmatique, source de discrimination. Manifestement, pour la majorité sénatoriale, il y a libertés publiques et libertés publiques !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet article introduit par un amendement de Bruno Retailleau ne concerne que les crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Le Sénat l'a adopté à plusieurs reprises.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable, car l'article étend de manière excessive et disproportionnée la peine d'interdiction du territoire, aujourd'hui réservée aux infractions en matière terroriste. Cette généralisation est d'autant moins nécessaire que cette peine est déjà encourue à titre facultatif pour de nombreux délits, comme l'a encore montré la loi Asile et immigration.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

L'article 43 bis est adopté.

ARTICLE 43 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°62, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Comme le précédent, l'article 43 ter que la commission entend rétablir résulte d'un amendement d'affichage du groupe Les Républicains pour satisfaire un certain électorat sans se soucier des conséquences. La disposition forcera la main au juge en matière de récidive légale, ce qui est contradictoire avec l'objectif affiché de plus grande écoute de la magistrature.

Toujours plus de répression, toujours plus de prison, c'est moins de réinsertion, moins de lien social. La récidive n'est pas empêchée par des peines toujours plus lourdes. La société ne répond pas qu'à des lois mais aussi à de l'inconscient, de l'humain. La lutte contre la récidive ressort d'un projet de société. (Mme Éliane Assassi applaudit.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Le tribunal garde la liberté de lever le critère de récidive légale en fonction des conditions d'espèce.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable. Cet article nous semble excessif et guère utile.

M. Jacques Bigot.  - Nous ne partageons pas l'analyse de la commission des lois sur ce point. En exigeant du juge qu'il motive sa décision de ne pas retenir la récidive, cet article traduit une forme de défiance envers une magistrature française soupçonnée de laxisme - alors que les prisons sont pleines... Nous voterons pour la suppression de cette mesure d'affichage.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

L'article 43 ter est adopté.

ARTICLE 43 QUATER

Mme la présidente.  - Amendement n°63, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet article s'inscrit dans la même démarche que les précédents : afficher une fermeté, une conviction sécuritaire qui fait peu cas des libertés fondamentales, de l'efficacité du droit, du pouvoir du juge et du souci d'éviter la surpopulation carcérale. Nous voulons tous des prisons dignes, à même de réinsérer l'individu après sa peine.

La révocation automatique du sursis en vigueur avant 2014 a fait la preuve de son inefficacité en conduisant à l'incarcération de personnes condamnées à de petites peines. C'est une atteinte au principe d'individualisation des peines.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Cécile Cukierman.  - La volonté de réinsertion s'oppose au principe d'une incarcération systématique. L'affichage sécuritaire ne rassure qu'à court terme !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Il appartient au magistrat de décider de la révocation du sursis. La politique pénale ne se limite pas à ces mesures d'exécution des peines. Elle est bien plus complexe et multifactorielle. Nous donnons au tribunal un large panel de solutions pour tenir compte des différentes situations.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable. Une telle automaticité va effectivement à l'encontre du principe d'individualisation des peines.

L'amendement n°63 n'est pas adopté.

L'article 43 quater est adopté, de même que l'article 44.

ARTICLE 45

Mme la présidente.  - Amendement n°64, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - La suppression de l'examen automatique des peines comprises entre un an et deux ans en vue de leur aménagement va à l'encontre du principe d'individualisation des peines. L'incarcération doit être le dernier recours tant elle a des effets délétères, pouvant même conduire au suicide - je pense à ce jeune homme condamné pour fraude dans les transports en commun, qui s'est donné la mort à Fleury-Mérogis en 2018.

Adeline Hazan invite à instaurer un système de régulation carcérale et à s'interroger sur le sens des très courtes peines. Je regrette le parti pris de l'exécutif, qui se heurte à des principes fondamentaux de la pénologie.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable, nous soutenons le Gouvernement sur ce sujet.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. L'article 45, tel que rédigé par le Gouvernement, est utile. Passer de deux ans à un an permettra de mieux assurer la vérité des peines prononcées et de rendre leur exécution plus conforme au jugement. Avec le mandat de dépôt à effet différé, le tribunal correctionnel sera pleinement responsable, le cas échéant en refusant l'aménagement ab initio.

L'amendement n°64 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Alinéas 11, trois fois, et 21

Remplacer les mots :

un an

par les mots :

deux ans

M. Maurice Antiste.  - Les prisons françaises sont surpeuplées, particulièrement outre-mer : c'est le cas des prisons de Ducos, de Baie Mahaut et Basse Terre en Guadeloupe ou de Remire Montjoly en Guyane.

Ce projet de loi vise le désengorgement des prisons. Il faut favoriser le recours à des peines alternatives, à l'aménagement de peine ainsi qu'à la libération conditionnelle. Or cet article 45 risque au contraire de renforcer la surpopulation carcérale.

L'aménagement des peines inférieures ou égales à un an de prison entérine la pratique des tribunaux. Il est exceptionnel que des peines d'un mois fassent l'objet d'un mandat de dépôt ! Les peines de six mois à un an, sauf motivation spéciale, sont généralement aménagées.

En revanche, porter le quantum de peine de deux ans à un an est un recul important. L'office du JAP sera considérablement réduit, alors qu'il oeuvre pour la réinsertion des condamnés.

L'amendement n°20 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

I.  -  Alinéas 24, 28 et 29

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 33

Remplacer, deux fois, les mots :

un an

par les mots :

deux ans

III.  -  Alinéa 40

Supprimer cet alinéa.

IV.  -  Alinéa 41

Supprimer les mots :

Les trois occurrences des mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « un an » et, à la fin,

M. Maurice Antiste.  - Le mandat de dépôt doit demeurer une exception, justifiée par l'absolue nécessité que le condamné aille directement en prison. Avec le mandat de dépôt différé, la décision d'incarcération risque de devenir moins exceptionnelle pour les magistrats du tribunal correctionnel. Comme l'indique le Syndicat de la magistrature, le tribunal n'aura plus à assumer la violence de l'emprisonnement immédiat mais l'incarcération sera inéluctable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ces dispositions sont utiles - et issues d'une proposition de loi sénatoriale, adoptée en octobre 2017. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.

L'article 45 est adopté.

ARTICLE 45 BIS A

Mme la présidente.  - Amendement n°65, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - La limitation du mécanisme de réduction des peines ne fera qu'aggraver la surpopulation carcérale. Certes, les erreurs judiciaires existent, mais l'automaticité de la réduction de peine est bien établie et prise en compte par les magistrats.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable : les crédits de réduction de peines sont utiles dans le suivi de la détention.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

L'amendement n°65 n'est pas adopté.

L'article 45 bis A est adopté, ainsi que les articles 45 bis B, 45 bis et 45 ter.

ARTICLE 46

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 5 et 6

Après les mots :

service pénitentiaire d'insertion et de probation

insérer les mots :

ou par la personne morale habilitée

M. Jacques Bigot.  - Le texte de la commission prévoit que le suivi de la personne condamnée à une peine de probation est assuré aussi bien par le SPIP que par une association habilitée. Aussi celle-ci sera amenée à réaliser des évaluations régulières.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable : je ne suis pas favorable à la peine de probation telle que conçue par le Sénat.

L'amendement n°37 est adopté.

L'article 46, modifié, est adopté, de même que l'article 47.

ARTICLE 48 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°66, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

L'article 48 bis est adopté.

L'article 49 demeure supprimé.

ARTICLE 49 BIS A

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement rend obligatoire le statut qui sécurisera les associations de réinsertion des sortants de prison.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable, dès lors.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'article 49 bis A est adopté, ainsi que les articles 49 bis et 50.

L'article 50 bis A demeure supprimé.

L'article 50 bis est adopté, ainsi que les articles 50 ter et 50 quater.

L'article 50 quinquies demeure supprimé.

Les articles 51 et 51 bis sont adoptés.

ARTICLE 51 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°67, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - Les fouilles affaiblissent la capacité d'intervention des visiteurs de prison. Ce dispositif est contraire à la recherche d'un bon climat en détention et d'une réinsertion future.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Les mesures de contrôle à l'entrée des prisons sont nécessaires. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable : le contrôle des visiteurs est utile, mais relève du règlement. Le texte de la commission laisse entendre que d'autres personnes n'y seraient pas soumises, ce qui n'est pas le cas.

L'amendement n°67 n'est pas adopté.

L'article 51 ter est adopté, ainsi que l'article 51 quater.

ARTICLE 51 QUINQUIES

Mme la présidente.  - Amendement n°68, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - La vie en prison se déroule dans des conditions particulièrement détestables, la recrudescence des suicides comme récemment à Fleury-Mérogis en témoigne. Ne pas développer les alternatives à l'incarcération est un non-sens qui conduira à terme à une explosion du système.

Réduire les tensions, violences, actes illégaux en prison suppose de réduire la surpopulation carcérale, de développer les peines de substitution et de financer une vraie politique de réinsertion. Cet article vise à gérer, et donc accepter, la détérioration de la situation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article 51 quinquies a été introduit à l'Assemblée nationale par deux députés, MM. Brault et Breton, à la suite d'une mission d'information sur les fouilles en détention. Les fouilles intégrales demeurent l'exception. Nous avons conservé le dispositif.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

L'article 51 quinquies est adopté.

L'article 52 A demeure supprimé.

ARTICLE 52

Mme la présidente.  - Amendement n°41, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 10

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° Après le premier alinéa de l'article 40, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le suivi de ces modalités peut être confié par le magistrat ou la juridiction de jugement à un service ou un établissement du secteur public ou du secteur associatif habilité de la protection judiciaire de la jeunesse. »

M. Jacques Bigot.  - En inscrivant dans la loi l'existence d'un suivi des modalités par un établissement ou service du secteur public ou associatif, le législateur crée une nouvelle mesure judiciaire pénale d'accompagnement éducatif spécifique. En effet, la rédaction actuelle ne rend pas obligatoire ce soutien renforcé à la parentalité au cours des droits de visite et d'hébergement, pourtant corollaire de ce nouveau droit, surtout s'agissant de jeunes en conflit avec la loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable. L'article 52 reconnaît aux parents de mineurs placés un droit de visite selon des modalités fixées par le juge des enfants. La précision proposée par cet amendement est superfétatoire car le suivi sera de fait assuré par la structure de placement du mineur.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

L'article 52 est adopté.

ARTICLE 52 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 a instauré une contribution pour l'aide juridique forfaitaire de 35 euros pour tout justiciable introduisant une instance. Le droit d'ester en justice, créé par le gouvernement Fillon pour financer la réforme de la garde à vue, a été supprimé par la loi de finances pour 2014 sur proposition de Mme Taubira au motif qu'elle constituait un frein à l'accès au droit.

Le projet de loi prévoit de rétablir une contribution, cette fois pour financer l'aide juridictionnelle, d'un montant entre 20 et 50 euros. Le rapport de nos collègues Jacques Mézard et Sophie Joissains estimait que ce n'était pas une bonne piste. (Mme Sophie Joissains le confirme.) Ne réintroduisons pas un droit de timbre qui pénalise les justiciables les plus modestes.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°87 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Mézard, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Mme Maryse Carrère.  - Cette contribution pour l'aide juridique renforce le dualisme entre les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle et ceux qui devront la financer et assument seuls leurs frais de justice - sans parler des effets de seuil.

Le rapport Joissains et Mézard de 2014, en partie repris par le récent rapport des inspections, présentait des pistes à explorer, comme la taxation des contrats d'assurance juridique.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La dépense de l'aide juridictionnelle augmente chaque année. Le droit de timbre, supprimé en 2013 et dont nous souhaitons le rétablissement, serait de 20 à 50 euros. Les justiciables les plus modestes en seraient exonérés, comme certains contentieux. La mesure rapporterait 50 millions d'euros. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable à ces amendements qui reviennent au texte de l'Assemblée nationale. Le droit de timbre, qui a cours dans nombre de pays d'Europe, fait débat : il responsabilise les plaignants au civil et limite les abus, mais peut aussi freiner l'accès à la justice. Le sujet n'est pas mûr. Le rapport de l'IGF et de l'IGJ m'a été rendu ; je prendrai prochainement contact avec le conseil national des barreaux pour évoquer le sujet.

Mme Sophie Joissains.  - Le droit de timbre est contraire à l'esprit de la justice, laquelle doit être ouverte à tous. Notre rapport préconisait d'autres sources de financement, comme la taxation des contrats d'assurance ou des actes réglementés. Attendons la prochaine réforme de l'aide juridictionnelle. Je voterai ces amendements de suppression.

Les amendements identiques nos2 et 87 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 52 bis est adopté.

ARTICLE 52 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°88 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Mézard, Artano, Collin, Corbisez, Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Supprimer cet article.

Mme Maryse Carrère.  - Cet amendement supprime la disposition introduite en commission imposant la consultation d'un avocat préalable à toute demande d'aide juridictionnelle. Il est déjà possible de bénéficier d'une consultation juridique gratuite. Il y a en outre ambiguïté sur la facturation...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Ces dispositions mettent en pratique le filtre prévu par loi du 10 juillet 1991, qui n'est jamais appliqué. Cette consultation serait rétribuée comme un acte d'aide juridictionnelle, dès lors que le demandeur de l'aide remplirait les autres conditions que celle relative au bien-fondé de son action.

Ce dispositif, s'il fonctionne correctement, devrait améliorer grandement le contrôle de l'attribution de l'aide juridictionnelle, qui obéit aujourd'hui à une logique de guichet. En effet, 90 % des demandes formulées en première instance donnent lieu à admission, contre 23,5 % en cassation ! Ce contrôle du bien-fondé de la demande permet également d'orienter vers des procédures de conciliation et d'aboutir à un accord amiable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable. Des consultations juridiques gratuites sont déjà délivrées et nous oeuvrons à leur renforcement. Rendre obligatoire la consultation d'un avocat, payé par l'aide juridictionnelle, rendrait le coût du dispositif prohibitif - il y a un million de recours par an à l'aide juridictionnelle. Attendons la réforme de l'aide juridictionnelle à laquelle je me suis engagée.

L'amendement n°88 rectifié n'est pas adopté.

L'article 52 ter est adopté, de même que les articles 52 quater et 52 quinquies.

ARTICLE 53

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par Mme Joissains, MM. Laugier et Canevet, Mmes Vermeillet et Billon, MM. Henno, Grosdidier et Guerriau, Mme N. Goulet, MM. Laménie, Decool et Le Nay, Mme Guidez, M. Moga, Mmes Goy-Chavent et Deseyne, MM. Dufaut, Delcros, B. Fournier, D. Laurent, Longuet et Kern et Mme A.M. Bertrand.

Supprimer cet article.

Mme Sophie Joissains.  - Cet amendement supprime un article qui fragilise grandement la justice de proximité et l'égal accès au droit par les justiciables en instaurant un tribunal unique par département, ce qui va à l'encontre de la grande disparité de nos départements français.

La création de ces tribunaux ne répond pas au souhait des justiciables d'accéder aux lieux de justice à proximité, et elle emporte même le risque de suppression de ces chambres détachées, beaucoup plus faciles à fermer qu'une juridiction. La ruralité est déjà aujourd'hui en grande difficulté, confrontée à des problèmes de transport, de fermeture de commerces et d'accès aux écoles. Le service public de la justice doit à tout prix continuer d'être accessible aux justiciables. Or, nonobstant l'engagement du Gouvernement à ne fermer aucun lieu de justice, il n'en demeure pas moins qu'en leur ôtant leur statut protecteur, le texte facilite leur fermeture.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°69, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Céline Brulin.  - Alors que l'article initial du Gouvernement entendait déjà mettre en place la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance, avec la création de « chambres détachée » qui seront appelées à remplacer les tribunaux d'instance vidés de leur substance, le texte de la commission va encore plus loin en réintroduisant les « tribunaux de première instance ».

Aussi, alors que le Gouvernement n'excluait pas de conserver plusieurs TGI sur un même département, cet article consacre le principe du tribunal unique par département - alors que nous nous y sommes majoritairement opposés au Sénat. La seule logique pécuniaire et gestionnaire guide ces mesures, au détriment de la justice de proximité et de l'égal accès au droit pour tous les justiciables de notre pays.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°92 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Pellevat et Vial, Mme Deromedi, M. Cuypers, Mmes Garriaud-Maylam, Bories et Morhet-Richaud et M. Panunzi.

Mme Sylviane Noël.  - Cet article fusionne le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, en un tribunal de première instance. Le justiciable se trouvera éloigné de la justice. En effet, la délocalisation de certains contentieux et la nécessité pour le justiciable de parcourir parfois plus de 100 km pourraient le décourager de se rendre à son audience. Dans les zones de montagne, la proximité des services publics est un facteur important car le problème des distances peut vite devenir rédhibitoire en raison des conditions imposées par le climat et le relief.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission des lois est défavorable à ces trois amendements de suppression. Nous avions déjà, dans notre rapport d'avril 2017, accepté le principe de la fusion des tribunaux d'instance et des TGI, sachant qu'elle ne signifie pas qu'il n'y aurait plus qu'un seul tribunal par département, et parce que nous avons apporté des améliorations précises. Nous avons établi des garanties sur le maillage territorial, supprimé la spécialisation d'une chambre dans un tribunal - dangereuse car risquant de vider les autres tribunaux, nous avons aussi obtenu la garantie des emplois des fonctionnaires des greffes, encadré toute modification de la carte scolaire, obtenu que le socle minimal pour chaque implantation soit défini nationalement, par décret en Conseil d'État - qu'il englobe, en particulier, le contentieux du tribunal d'instance et celui du tribunal aux affaires familiales post-divorce. Nous souhaitons conserver ces dispositions.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Vous avez dénoncé une logique pécuniaire qui irait à l'encontre de la justice de proximité. Je m'inscris en faux contre cette analyse ! Nous garantissons le maintien des tribunaux d'instance et leur offrons la possibilité d'accroître leurs compétences si nécessaire. Le texte apporte de nombreuses garanties, notamment un juge de la protection dans tous les tribunaux d'instance. Le personnel sera affecté dans le lieu où il exercera effectivement son activité. Au total, le rôle des juridictions s'en trouvera renforcé.

Nous n'allons enfin pas créer des chambres spécialisées mais, pour une minorité de contentieux très spécifiques, qui représentent à peine le dixième des dossiers, assurer leur jugement par des magistrats qui seront plus habitués à ce type de contentieux spécialisés. C'est une réalité très concrète : dans un TGI de petite taille où je me trouvais il y a peu, les avocats, les magistrats et les personnels me disaient qu'ils ne traitaient que peu de contentieux de la fiscalité indirecte mais qu'il ne fallait pas leur enlever tel contentieux rural spécialisé ; la situation est différente dans un autre TGI du département, et il sera utile d'échanger ponctuellement entre les contentieux techniques. Ce sera un progrès pour les magistrats et les justiciables. Je me rendrai avec plaisir, madame Noël, au tribunal de Bonneville, pour rassurer les magistrats et le personnel.

M. Jacques Bigot.  - La mission conduite par le président Bas était plutôt favorable sur un tribunal d'instance par département. Nous avons donc bien évolué.

Ces questions suscitent des réactions contradictoires. Rien n'empêche, si le tribunal d'instance devient une chambre détachée du tribunal de grande instance, qu'un JAF par exemple vienne y conduire une audience. Mais les magistrats n'y sont pas prêts. Les élus locaux doivent travailler sur l'organisation de la justice pour assurer la proximité territoriale. Je ne voterai pas les amendements de suppression.

Les amendements identiques nos44, 69 et 92 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°95 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Pellevat et Panunzi, Mme Deromedi, MM. Vial et Cuypers, Mme Garriaud-Maylam, M. Laménie et Mmes Bories et Morhet-Richaud.

Alinéas 9 à 12

Supprimer ces alinéas.

Mme Sylviane Noël.  - Ces alinéas, introduits en première lecture, prévoient la fusion des greffes du tribunal judiciaire et des conseils de prud'hommes lorsqu'ils sont situés dans une même commune.

Ils auraient pour conséquence de supprimer le poste de greffier attaché au conseil de prud'hommes. Or les juridictions prud'homales représentent une juridiction à laquelle les représentants salariés et employeurs sont particulièrement attachés.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par la commission des lois. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable également mais pour d'autres raisons.

L'amendement n°95 rectifié est retiré.

L'amendement n°77 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°78.

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande et Mme Artigalas.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le présent article n'est pas applicable dans les départements et collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution.

M. Maurice Antiste.  - Cet amendement exclut les départements et collectivités d'outre-mer du champ d'application de l'article 53, lequel organise la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance.

En outre-mer, la réduction croissante du service public de la justice contribuera, plus encore qu'ailleurs, à accroître le clivage culturel entre les institutions judiciaires et la population, au prix d'une incapacité toujours plus grande à assurer une régulation équitable et efficace des rapports sociaux. Le service public de la justice étant dans ces régions déjà suffisamment fragilisé, évitons de le fragiliser davantage par une réforme mal calibrée et dont l'objectif reste d'économiser des moyens humains supplémentaires pourtant indispensables.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable : je soupçonne un problème de constitutionnalité.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable également.

L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.

L'article 53 est adopté.

L'article 53 bis AA demeure supprimé.

L'article 53 bis AB est adopté, ainsi que les articles 53 bis AC et 53 bis AD.

Les articles 53 bis AE et 53 bis AF demeurent supprimés.

L'article 53 bis A est adopté.

Les articles 53 bis B et 53 bis C demeurent supprimés.

L'article 53 bis est adopté.

ARTICLE 54 (Supprimé)

L'amendement n°26 n'est pas défendu.

L'article 54 demeure supprimé.

ARTICLE 55

Mme la présidente.  - Amendement n°70, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet article habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures conséquentes à la suppression des tribunaux d'instance et à l'extension des compétences des tribunaux de grande instance. Cette véritable refonte de la carte judiciaire qui ne dit pas son nom devrait faire l'objet d'un large débat public et d'un projet de loi distinct.

Comme pour l'article 53, nous proposons la suppression de l'article pour garantir un service public de la justice de proximité.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°94 rectifié, présenté par Mme Noël, M. Pellevat, Mme Deromedi, MM. Vial et Cuypers, Mme Garriaud-Maylam, M. Laménie, Mmes Bories et Morhet-Richaud et M. Panunzi.

Mme Sylviane Noël.  - Il est défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous avons rétabli l'article 53, donc nous avons besoin des dispositions de l'article 55. Avis défavorable ou retrait.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Vous avez sûrement une mauvaise compréhension de l'article 55. Il ne fixe pas une carte judiciaire mais tire les conséquences légistiques de la réforme. C'est uniquement pour cela que nous demandons cette habilitation. Avis défavorable.

Mardi 12 février 2019

Questions orales

Déclaration du Président du Sénat sur les violences faites à la République

Croissance et transformation des entreprises (Procédure accélérée - Suite)

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture)

Sommaire

Modification de l'ordre du jour1

Questions orales1

Consommation des crédits des contrats de plan État-régions1

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont1

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement1

Avenir de la ruralité1

M. Claude Nougein1

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement2

Fermeture du bureau de poste des Aldudes2

Mme Frédérique Espagnac2

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement2

Application du code de l'action sociale et des familles2

Mme Catherine Deroche2

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement2

Fiscalité des énergies renouvelables3

Mme Patricia Morhet-Richaud3

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire3

Service météorologique de Chamonix-Mont-Blanc3

M. Loïc Hervé3

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire3

Rôle de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN)3

Mme Frédérique Puissat3

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire4

Nuisances sonores des infrastructures ferroviaires4

M. Jean Pierre Vogel4

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire4

Réseau ferroviaire en Haute-Savoie4

Mme Sylviane Noël4

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire5

Fermetures programmées de nombreuses classes dans la ruralité5

M. Jean-Marc Todeschini5

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse6

Attribution de subventions pour les associations sportives6

M. Michel Savin6

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse6

Enseignement des langues régionales au sein de la réforme du baccalauréat et du lycée7

Mme Maryvonne Blondin7

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse7

Fermetures de classes envisagées en milieu rural7

Mme Sylvie Vermeillet7

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse8

Assistants d'éducation en milieu rural8

M. Jean-Yves Roux8

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse8

Fusion des académies8

M. Didier Rambaud8

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse9

Perspectives du Brexit9

Mme Corinne Féret9

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes9

Gestion des appels d'urgence10

M. Olivier Cigolotti10

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes10

Effectifs de la police et de la gendarmerie10

Mme Anne-Catherine Loisier10

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes11

Obligation d'emploi des personnes handicapées11

M. Guillaume Chevrollier11

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées11

Risques liés aux terrains de sport synthétiques11

M. Daniel Gremillet11

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé11

Déserts médicaux en Seine-Maritime12

M. Didier Marie12

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé12

Centre psychothérapique de l'Ain12

M. Patrick Chaize12

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé12

Situation statutaire des aides-soignantes13

Mme Nicole Duranton13

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé13

Nombre d'enseignants à la faculté de médecine de Lille13

Mme Cathy Apourceau-Poly13

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé13

Financement des Ehpad13

Mme Brigitte Micouleau13

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé14

Remboursement des actes de biologie innovants en oncologie14

Mme Véronique Guillotin14

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé14

Augmentation de la fiscalité des contrats de santé14

M. Gilbert Roger14

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé15

Soins bucco-dentaires des personnes en situation de handicap15

Mme Nadine Grelet-Certenais15

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé15

Transfert de la contribution climat-énergie aux collectivités locales15

M. Guillaume Gontard15

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances15

Contribution « Vie étudiante et de campus »16

M. Didier Mandelli16

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances16

Non-conformité d'un service intercommunal de cuisine centrale16

M. Bernard Fournier16

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances16

Centre national d'études spatiales de Guyane17

M. Antoine Karam17

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances17

Pêche au bar et 48e parallèle17

M. Michel Canevet17

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation17

Retournements de prairies17

Mme Agnès Canayer17

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation18

Fonds d'accompagnement à la succession et à la transmission (FAST)18

Mme Martine Berthet18

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation18

Déclaration du président du Sénat sur les violences faites à la République18

Croissance et transformation des entreprises (Procédure accélérée - Suite)19

Explications de vote19

M. Richard Yung19

M. Fabien Gay20

M. Martial Bourquin20

M. Jean-Marc Gabouty21

M. Philippe Adnot21

M. Michel Canevet22

M. Emmanuel Capus22

Mme Sophie Primas22

Scrutin public solennel23

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances23

Nominations à une éventuelle CMP24

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture)24

Discussion générale commune24

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice24

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois26

Question préalable26

M. Jean Louis Masson26

Discussion générale commune (Suite)27

Mme Éliane Assassi27

M. Jacques Bigot28

Mme Maryse Carrère28

M. Jean Louis Masson29

Mme Sophie Joissains29

M. Alain Marc29

M. Thani Mohamed Soilihi30

Mme Sylviane Noël30

M. Philippe Bas, président de la commission des lois30

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux31

Discussion des articles du projet de loi32

ARTICLE PREMIER (Rapport annexé)32

M. Guillaume Chevrollier32

ARTICLE PREMIER TER32

ARTICLE 233

ARTICLE 333

ARTICLE 534

ARTICLE 835

ARTICLE 12 (Supprimé)35

ARTICLE 1337

ARTICLE 1437

ARTICLE 1838

ARTICLE 2138

ARTICLE 2639

ARTICLE 2740

ARTICLE 2841

ARTICLE 2942

ARTICLE 3042

ARTICLE 3143

ARTICLE 3243

M. Maurice Antiste43

Mise au point au sujet d'un vote44

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture - Suite)44

Discussion des articles du projet de loi (Suite)44

ARTICLE ADDITIONNEL44

ARTICLE 32 BIS45

ARTICLE 3345

ARTICLE 35 BIS45

ARTICLE 3646

ARTICLE 3746

ARTICLE 3847

ARTICLE 4247

M. Maurice Antiste47

M. Jean-Pierre Sueur47

ARTICLE 42 BIS AA48

ARTICLE 43 BIS49

ARTICLE 43 TER49

ARTICLE 43 QUATER49

ARTICLE 4550

ARTICLE 45 BIS A51

ARTICLE 4651

ARTICLE 48 BIS51

ARTICLE 49 BIS A51

ARTICLE 51 TER51

ARTICLE 51 QUINQUIES52

ARTICLE 5252

ARTICLE 52 BIS52

ARTICLE 52 TER53

ARTICLE 5353

ARTICLE 54 (Supprimé)55

ARTICLE 5555

ARTICLE 5655

Article 5755

Explication de vote56

M. Jacques Bigot56

Discussion des articles du projet de loi organique56

Annexes57

Ordre du jour du mercredi 13 février 201957

Analyse des scrutins publics57

Composition d'une éventuelle CMP58

SÉANCE

du mardi 12 février 2019

59e séance de la session ordinaire 2018-2019

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

Secrétaires : Mme Annie Guillemot, Mme Mireille Jouve, M. Guy-Dominique Kennel.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Modification de l'ordre du jour

M. le président.  - Par lettre en date du 8 février 2019, Mme Éliane Assassi, présidente du groupe communiste républicain citoyen et écologiste, a demandé que le projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil du 13 juillet 2018 modifiant l'acte portant élection des membres du Parlement européen au suffrage universel direct soit examiné selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.

Dans la discussion générale, nous pourrions attribuer un temps de 45 minutes aux orateurs des groupes.

Le délai limite pour les inscriptions de parole serait fixé au mercredi 13 février à 15 heures.

Il en est ainsi décidé.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle 35 questions orales.

Consommation des crédits des contrats de plan État-régions

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont .  - La faible consommation de diverses lignes budgétaires prévues dans les contrats de plan État-régions pour les années 2015-2020 est préoccupante.

Les besoins en infrastructures de déplacement sont criants dans certains territoires, à telle enseigne que les collectivités territoriales, les régions mais aussi les départements, se sont fortement engagés pour contribuer à leur réalisation ; cependant, des retards considérables sont pris dans l'engagement réel des crédits du côté de l'État. C'est notamment le cas dans mon département de Haute-Vienne.

Comment le Gouvernement honorera-t-il ses engagements ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - L'État a contractualisé 14,5 milliards d'euros au titre des CPER pour 2015-2020. Fin 2017, nous en étions à 36 % d'exécution, suite à un démarrage retardé notamment par les avenants rédigés avec les nouveaux exécutifs régionaux en 2016. Mais les choses se sont accélérées en 2018. Les volets territoriaux des CPER - 750 millions au titre du FNADT - ne reflètent pas entièrement l'engagement de l'État, certaines lignes sont déjà intégralement engagées et il faut tenir compte de la nouvelle dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), créée après la signature des CPER.

Nous vous présenterons prochainement un bilan consolidé de toutes ces enveloppes. La principale cause des retards est le volet Mobilité multimodale - qui représente 7,5 milliards d'euros, un montant que ne peut pas honorer l'Agence de financement des infrastructures de transports de France (Afitf), pour les raisons que vous savez, c'est pourquoi cette somme n'est engagée qu'à 30 %.

Le Gouvernement a installé dès octobre 2017, à l'issue des Assises de la mobilité, un conseil d'orientation des infrastructures pour accélérer les investissements ; le projet de loi Mobilités sera bientôt soumis au Parlement, après le grand débat : ce sera l'occasion de parler de ces sujets très importants.

Mme Marie-Françoise Perol-Dumont.  - La mise en oeuvre des CPER ne s'accélère pas partout : en Nouvelle-Aquitaine, l'État n'a honoré que 24 % de ses engagements, contre 82 % pour la région ! Il est temps d'accélérer. La crise que traverse notre pays depuis quatre mois est étroitement liée aux mobilités. Monsieur le ministre, tout doit être engagé et budgété : libérez des marges de manoeuvre, par exemple en rétablissant l'ISF !

Avenir de la ruralité

M. Claude Nougein .  - Les territoires ruraux sont confrontés à une désertification qui ne fait que s'accentuer. Le premier des freins au développement, en Corrèze par exemple, est l'impossibilité pour les maires de communes hyper-rurales d'obtenir des permis de construire à cause, en partie, de la commission départementale de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF).

Composée majoritairement de personnalités qualifiées, cette commission est contre tout. L'excuse des mitages ne vaut plus. Pourquoi refuser des permis de construire dans des zones viabilisées ? En Haute-Corrèze, il y a un véritable blocage. Des maires songent à démissionner, il y a des refus même dans des villages de 100 habitants !

Aujourd'hui, il faut réformer cette commission, soit en lui donnant qu'un avis consultatif, ou un avis simple et en laissant le préfet décider in fine, parce que le préfet aura de toute façon plus de bon sens que cette commission, soit en la modifiant pour qu'elle devienne paritaire entre les élus locaux et les représentants des différents organismes agricoles et environnementaux. Presque tous les élus le souhaitent. Le comble est que ceux qui interdisent les constructions, sont les premiers à déplorer les fermetures d'écoles ! Envisagez-vous la modification de la CDPENAF afin de réduire la désertification de nos territoires ruraux ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Ne faisons pas de faux procès à la CDPENAF, plus des trois quarts de ses avis sont positifs. Les avis négatifs portent sur des projets à impact fort, par exemple sur l'environnement agricole ou sur une production sous AOP. Ensuite, il y a des recours contre les décisions négatives.

Quant à la parité, elle est déjà assurée puisque cette commission est composée de l'État, d'élus - 5 sur 18 -, d'organisations agricoles, environnementales et de chasse. Une circulaire sur les objectifs et modalités de fonctionnement de la CDPENAF sera prochainement publiée. Ingénieur agronome de formation, je connais les enjeux.

Fermeture du bureau de poste des Aldudes

Mme Frédérique Espagnac .  - L'annonce de la fermeture du bureau de poste des Aldudes, dans les Pyrénées-Atlantiques, a créé un certain émoi dans la population comme auprès des élus.

Qualifiée d'arbitraire par les maires de la vallée des Aldudes, cette décision prive la population de la vallée - un millier d'habitants - d'un service essentiel, ce bureau étant le dernier abritant des activités postales et bancaires courantes. Elle a également soulevé une certaine colère car en fermant ce bureau de poste, le groupe La Poste revient sur l'engagement qu'il avait pris.

Ce n'est pas la première fois que la vallée se mobilise pour maintenir ce service public indispensable. En 2015, citoyens, entreprises et élus s'étaient battus contre le transfert du centre de tri local de Saint-Étienne-de-Baïgorry et de ses facteurs ; près de deux cents personnes avaient alors occupé le bureau de poste. Une consultation populaire avait été organisée, mobilisant près de 62 % des personnes inscrites sur les listes électorales, qui avaient demandé à 98 % le maintien du bureau et du centre de tri.

Le préfet des Pyrénées-Atlantiques ouvre une concertation avec les élus d'une autre vallée pyrénéenne sur les services publics de proximité. C'est une décision à contre-courant.

Les habitants de nos petits villages ont un sentiment d'injustice. C'est une décision décourageante pour les élus et acteurs locaux. Plus de 200 personnes se retrouveront à plus de 35 km du premier distributeur où elles pourront retirer une somme supérieure à 150 euros, puisque c'est le plafond de retrait dans les points postaux. Une concertation est possible !

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Les fermetures de services publics concourent au sentiment de déclassement dans les zones rurales ou les quartiers prioritaires de la politique de la ville, et alimentent la crise que nous traversons.

Il y a eu concertation avec les élus des Aldudes mais pas avec deux des autres communes de la vallée ; c'est pourquoi nous avons demandé un élargissement du dialogue à tous les territoires affectés. Une réunion a d'ores et déjà été planifiée par la sous-préfecture avec la commission départementale de présence postale et la chambre de commerce et d'industrie.

Enfin, dès lors qu'un bureau de poste n'est plus assez fréquenté, La Poste décide de le fermer. La solution est-elle un regroupement dans une maison de services publics ? Il faut l'étudier au cas par cas. Nous avons passé un contrat avec La Poste, qui sera renouvelé en 2019 en tenant compte de ces situations.

Application du code de l'action sociale et des familles

Mme Catherine Deroche .  - Le code de l'action sociale et des familles prévoit une durée de travail dérogatoire de deux cent cinquante-huit jours par an pour les personnels permanents responsables de la prise en charge des personnes accueillies sur le site des lieux de vie définis par décret. Or la Cour de cassation a jugé, le 10 octobre 2018, que l'absence de décret d'application faisait barrage à l'opposabilité de cette dérogation. Par conséquent, le droit commun s'applique, déstabilisant l'équilibre économique de certaines structures associatives d'aide sociale installées, qui appliquent de bonne foi le dispositif dérogatoire. J'ai reçu les associations concernées.

Monsieur le ministre, que compte faire le Gouvernement pour assurer que la dérogation prévue par la loi puisse effectivement s'appliquer ?

M. Julien Denormandie, ministre auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ville et du logement .  - Veuillez excuser Mme Pénicaud.

La présence de permanents auprès des publics fragiles justifie le régime dérogatoire rendu inapplicable par le jugement de la Cour de cassation, car cette présence est tout simplement indispensable. Ces dérogations paraissent autorisées par le droit européen pour la protection des biens et des personnes - en application de la directive sur le temps de travail. Il faut un cadre juridique sûr, et les services de la ministre travaillent à cette sécurisation.

Mme Catherine Deroche.  - Le vide juridique crée de graves problèmes pour ces associations, dont l'une emploie une centaine de personnes dans mon département.

Fiscalité des énergies renouvelables

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - L'électricité d'origine éolienne et solaire photovoltaïque constitue avec l'hydroélectricité l'une des composantes majeures du mix électrique décarboné et renouvelable dont la France a choisi de se doter à l'horizon 2030. Des projets sont menés dans les territoires pour accélérer le développement de ces énergies, tout en garantissant la protection de l'environnement et du cadre de vie. Pour les communes susceptibles d'héberger des parcs éoliens ou photovoltaïques, la fiscalité est un enjeu majeur.

Si on peut se réjouir des avancées significatives sur la fiscalité éolienne avec la nouvelle répartition de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), on peut regretter qu'il n'en soit pas de même pour le photovoltaïque. Cette situation est d'autant plus préjudiciable pour les communes qui ont lancé ces projets avant le passage en fiscalité professionnelle unique (FPU), que ces projets peuvent durer dix ans avant leur raccordement final. Les communes proactives dans ce domaine subissent une double peine : elles ont tenu compte d'une fiscalité revenant à la commune et ont donc aujourd'hui beaucoup de difficultés à faire aboutir ces opérations.

Les projets photovoltaïques doivent être pris en compte pour la modification de la répartition de l'IFER au même titre que les projets éoliens. Quelle est la position du Gouvernement ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser le ministre d'État de Rugy, qui ne peut être présent.

Nous voulons un système de production d'énergie plus diversifié et résilient.

Ainsi que le président de la République l'a annoncé le 27 novembre dernier en présentant la programmation pluriannuelle de l'énergie, la capacité installée de production électrique en énergies renouvelables doit doubler entre 2017 et 2028. Nous ambitionnons ainsi de multiplier par 2,5 les capacités éoliennes et par 5 ou 6 les capacités photovoltaïques. La répartition de la fiscalité générée est essentielle ; elle doit mieux répartir les retombées socioéconomiques locales des projets.

La répartition de l'IFER a été modifiée dans la loi de finances 2019 car elle avait été identifiée comme un frein pour l'éolien, mais non pour le photovoltaïque.

Je ferai remonter vos remarques et nous en tirerons les conséquences.

Service météorologique de Chamonix-Mont-Blanc

M. Loïc Hervé .  - La suppression du service météorologique implanté sur la commune de Chamonix-Mont-Blanc, prise à la lumière des conclusions du rapport commandé au Conseil général de l'environnement et du développement durable (CGEDD), remis cet automne 2018 au ministère de la Transition écologique et solidaire, qui recommande un regroupement des services météorologiques alpins à Grenoble, diminuerait la qualité du service rendu et fragiliserait la prise de décision des élus locaux dans le cadre de la protection des populations.

La commune de Chamonix-Mont-Blanc est une des plus exposées au risque d'avalanche dans les zones habitées, vingt et un ans après le drame de Montroc, alors que le service météorologique est présent à la commission de sécurité dans les cas de risque d'avalanche, ses conseils sont des plus pertinents puisqu'ils reposent sur un meilleur suivi nivologique, des relevés continus et réels permettant une analyse prévisionnelle des plus fiables.

La responsabilité qui pèse sur les élus locaux dans ce domaine est considérable. Elle ne pourrait être qu'aggravée par la perte de cette expertise. Maintenez ce système d'alerte efficace et réactif. Les élus locaux sont prêts à travailler avec l'État et Météo-France.

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le ministre d'État est très vigilant sur la qualité de service rendu par Météo-France aux territoires - notamment les communes de montagne exposées aux risques naturels.

Le ministre, à la lumière du rapport du CGEDD, organisera prochainement une réunion avec les élus des Alpes du Nord sur ses conclusions. Vous y serez, bien entendu, pleinement associé, Monsieur le sénateur, puisqu'il s'agira de rechercher des solutions avec les élus. La diffusion du rapport pourrait avoir lieu à l'issue de la réunion.

M. Loïc Hervé.  - Merci d'organiser cette réunion. Jamais une modélisation informatique ne remplacera la connaissance du terrain et les évolutions nivologiques et géographiques.

Rôle de l'Union internationale de conservation de la nature (UICN)

Mme Frédérique Puissat .  - Quelles sont les conséquences de l'action conduite par l'UICN dans la stratégie dite de « ré-ensauvagement », définie en 2004 lors de la conférence mondiale pour la biodiversité à Nagoya ? L'UICN, organisation non gouvernementale mandatée par l'organisation des Nations unies, exige des États qu'ils prohibent toute activité humaine telle que la chasse, la pêche, le pastoralisme sur une partie de leur territoire. Une démarche encouragée par la mise en oeuvre d'un système de compensation écologique, établi sur le même principe que le système d'échanges de crédits « carbone ». C'est ainsi que la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages offre la possibilité à des acteurs privés de créer et gérer des sites naturels de conservation, habilités à générer des crédits de compensation écologique auprès d'opérateurs dont l'activité nécessite le rachat de droits à « dénaturer ».

N'y a-t-il pas là un risque de voir se créer des sanctuaires naturels excluant toute activité humaine et par là, signant la fin du pastoralisme dans les territoires de montagne ? (M. Michel Savin applaudit.)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le Gouvernement entretient des liens étroits et anciens avec l'UICN, créée à Fontainebleau en 1948 et qui est un acteur majeur pour la préservation de la biodiversité, une force de proposition reconnue. La France a développé depuis 2005 un partenariat concrétisé dans des accords-cadres. Celui de 2017-2020, qui associe le ministère des Affaires étrangères, le ministère de la Transition écologique et solidaire, le ministère de l'Agriculture et l'Agence française de développement, pour une enveloppe de 8,8 millions d'euros, est placé sous l'autorité d'un ambassadeur délégué à l'environnement.

Le Congrès mondial de la nature de l'UICN, organisé à Marseille en juin 2020, a un budget de 20 millions d'euros. Ce sera un événement majeur, un temps fort de mobilisation. Nous y travaillerons avec vous.

Mme Frédérique Puissat.  - Nous serons au rendez-vous, certes. Cependant, il faut débattre de cette stratégie de « ré-ensauvagement », définie à Nagoya en 2004 et qui vise à conserver à l'état naturel 17 % des territoires terrestres. En France, cet objectif paraît atteint, puisque 17 % du territoire national sont couverts par un parc naturel régional ou national. Mais nous assistons à des stratégies de ré-ensauvagement locales, notamment dans le Vercors, sur lesquelles le Parlement n'a aucune prise.

Nuisances sonores des infrastructures ferroviaires

M. Jean Pierre Vogel .  - L'article 36 de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire prévoyait, dans les cinq mois de la publication de la loi - soit le 27 novembre 2018 -, la remise d'un rapport sur les nuisances sonores des infrastructures ferroviaires. L'amendement sénatorial à l'origine de cet article de loi insistait « sur la nécessité de réviser la réglementation en vigueur en y intégrant la notion d'émergence de bruit pour différencier les situations, élaborer des indicateurs pertinents et représentatifs du vécu des personnes et des situations réelles et en tirer les conséquences au niveau de la conception et réalisation des infrastructures ». Or, depuis, nous attendons toujours. Pourquoi un tel retard, et quand le rapport sera-t-il publié ?

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Le rapport a été remis le 21 décembre dernier au Sénat. La notion de nuisance sonore repose sur celle du « bruit moyen ». Mais les riverains des LGV souhaitent la prise en compte de l'indicateur, plus pertinent à leurs yeux, de pic de bruit. Le Gouvernement et SNCF Réseau engageront des études en ce sens. En attendant, Mme Borne a engagé une mission du CGEDD dont les conclusions lui seront prochainement remises. Vous le voyez, nous ne considérons pas que la réglementation soit figée - et nous rechercherons la meilleure solution, avec les riverains.

M. Jean Pierre Vogel.  - Le cadre de vie des riverains s'est beaucoup dégradé, au point qu'ils se sont engagés dans la voie judiciaire.

SNCF Réseau est toujours le grand absent des réunions, malgré l'implication du préfet dans mon département, la Sarthe. Nous attendons du concret. Madame la ministre, venez sur le terrain pour constater les nuisances par vous-mêmes. Elles vont jusqu'à dégrader la santé de certains riverains.

Réseau ferroviaire en Haute-Savoie

Mme Sylviane Noël .  - Ma question porte sur la situation actuelle du réseau ferroviaire en Haute-Savoie, et plus particulièrement dans le secteur de la vallée de l'Arve.

Ce territoire appartient à l'une des onze zones françaises dans lesquelles les objectifs en matière de qualité de l'air fixés par la Commission européenne en termes de particules fines PM10 ne sont pas respectés.

À l'heure où le deuxième plan de protection de l'atmosphère de ce territoire est soumis à enquête publique, il paraît essentiel d'encourager les habitants de ce département à privilégier davantage des modes de transport en commun.

Or j'ai appris au cours d'une réunion organisée sous l'égide du préfet de la Haute-Savoie le 24 septembre 2018 avec les représentants de la SNCF que les travaux de modernisation de la ligne Annecy-Saint-Gervais ne débuteraient qu'en 2023, au niveau des études, pour se terminer en 2030 concernant la phase des travaux. Ce calendrier est inacceptable !

Le secteur Saint-Gervais-La Roche-sur-Foron a pourtant été fléché dans l'étude ferroviaire comme supportant le plus de déplacements quotidiens -  90 000 déplacements par jour - dans le département alors que seuls 4 % des déplacements se font par le rail. Et pour cause, l'offre ferroviaire n'est pas suffisamment cadencée et rapide pour pouvoir être attractive par rapport à la voiture.

Le département de la Haute-Savoie, constitué en grande partie de zones montagneuses très touristiques, a la chance de compter sur une population en croissance constante - plus de 12 000 habitants supplémentaires chaque année - et bénéficie d'une situation géographique privilégiée au carrefour entre la France, l'Italie et la Suisse.

La mise en service du réseau international Léman Express permettra certes une légère amélioration de l'offre de service mais celle-ci restera insuffisante.

L'offre des TGV se dégrade également au fil du temps - les élus haut-savoyards ont ainsi été informés cet été que la SNCF avait décidé de façon unilatérale de supprimer deux allers-retours entre Annecy et Paris par TGV.

La Haute-Savoie compte plus de 70 000 entreprises, une balance commerciale excédentaire de plus d'un milliard d'euros et près de 34 millions de nuitées touristiques. Malgré tout, le département ne jouit pas d'un réseau ferroviaire et de liaisons avec Paris à la hauteur de son dynamisme. Cette suppression de deux allers-retours aura des impacts économiques et touristiques.

Que va faire le Gouvernement pour remédier à cette situation ? (M. Loïc Hervé applaudit.)

Mme Brune Poirson, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre de la transition écologique et solidaire .  - Veuillez excuser Mme Borne, qui ne peut être présente. Nous partageons votre préoccupation s'agissant des enjeux de pollution en vallée de l'Arve et avons conscience de l'impact des lignes ferroviaires sur les territoires traversés, en particulier en zone de montagne.

Dans ce contexte, la mise en service en 2019 du Léman Express qui reliera directement le canton de Genève à la Haute-Savoie, s'accompagnera d'une évolution considérable de l'offre de transport à destination d'Évian, de Saint-Gervais et d'Annecy. Par ailleurs, le Contrat de Plan État Région (CPER) 2015-2020 prévoit 4 millions d'euros pour la réalisation d'études préliminaires sur l'axe ferroviaire compris entre Bellegarde et Saint-Gervais. Le coût d'une opération d'automatisation de la signalisation sur la ligne Annemasse-Saint-Gervais-Annecy est évalué entre 160 et 220 millions. Nous avons demandé à la SNCF d'être en capacité de tenir le délai de 2025. Cela suppose cependant qu'un accord financier soit trouvé avec la région dans le cadre du CPER pour financer ce projet qui n'était pas prévu par le contrat actuel. Les financements mobilisables dans le cadre du contrat de plan actuel s'élèvent à 34 millions : le tour de table financier reste donc à finaliser.

J'en viens à la baisse des fréquences TGV sur le Paris-Annecy. La gare de Lyon-Part-Dieu va connaître des travaux importants au moins jusqu'en 2023. Cette contrainte technique a conduit SNCF Mobilités à travailler à une adaptation de l'offre grande vitesse en détournant ou supprimant certains TGV à partir de 2019. C'est ce raisonnement qui s'applique à la liaison Paris-Annecy. Pour compenser cette baisse de fréquence, SNCF Mobilités remplace l'ensemble des rames actuellement en service sur cette liaison par de nouvelles rames Duplex à deux niveaux, en mesure d'accueillir plus de voyageurs.

Soyez donc assurée de l'engagement du Gouvernement à promouvoir des solutions de mobilités durables dans le secteur de la Haute-Savoie et de la vallée de l'Arve, en partenariat avec les élus de la région.

Fermetures programmées de nombreuses classes dans la ruralité

M. Jean-Marc Todeschini .  - La question des fermetures de classes est au coeur des préoccupations de nos concitoyens dans les territoires. Si l'on en croit les premières remontées du terrain à la suite des réunions qui se sont déroulées ces derniers temps, vous avez décidé, malgré la force du mouvement social, d'accabler cette année encore la ruralité.

Force est de constater que les faits contredisent les déclarations d'intention du président de la République quant au maintien des enseignants et des classes, notamment dans les espaces ruraux.

En Moselle, malgré le contexte social et économique, dans l'enseignement primaire et essentiellement dans les écoles situées dans la ruralité ou les espaces périurbains ce seront 78 fermetures de classes pour seulement 31 ouvertures.

Je ne vais pas vous lire la longue liste des classes qui fermeront mais j'ai été saisi par de nombreux élus mécontents et encore ces derniers jours par ceux d'Abreschviller, de Richeling, d'Holving, de Kirsch-lès-Sierck, de Montenach...

Souvent, ces décisions vont à l'encontre des investissements réalisés par les communes qui font tout leur possible pour améliorer les conditions d'enseignement, n'hésitant pas à se regrouper et à mutualiser leurs moyens.

Ces décisions s'inscrivent en contradiction avec les besoins exprimés par l'ensemble du monde éducatif. La réalité du monde scolaire ce sont des classes surchargées, malgré l'habillage qui tend à démontrer que le taux d'encadrement en Moselle augmente en prenant en compte les créations de postes dans la prise en compte des élèves à besoins éducatifs particuliers ou spécifiques. Ce type d'approche ne peut qu'être mal vécu par nos concitoyens qu'ils expriment ou non leur mécontentement depuis plusieurs semaines.

En conséquence, pourriez-vous nous indiquer les mesures que vous entendez prendre afin de permettre au monde rural de maintenir de bonnes conditions d'apprentissage pour tous les élèves qui y vivent ? La ruralité n'attend plus des déclarations d'amour, mais jugera par les faits toute l'attention qui lui est portée par le gouvernement.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Nous serons d'abord d'accord sur l'esprit de la politique à conduire : oui, il faut de la bienveillance et du soutien pour l'école primaire en zone rurale - qui réussit mieux que la moyenne  - au cas par cas et de façon pragmatique.

Le vrai sujet est celui de la démographie, et nous devons tout faire pour que des familles se réinstallent dans les territoires ruraux.

Mais nous n'accablons pas la ruralité, notamment la Moselle, comme vous nous le reprochez. En 2018, 20 emplois supplémentaires ont été créés en Moselle pour 544 élèves de moins. En 2019, 12 postes seront créés pour 1 000 élèves en moins. Le taux d'encadrement du département est passé de 5,45 pour 100 élèves en 2017 à 5,57 en 2019.

Ce que vous contestez, c'est peut-être la répartition des postes au sein du département, ce dont nous pouvons discuter avec la rectrice et avec les Dasen dans le cadre du contrat de ruralité de la Moselle. Mais ne travestissons pas la réalité car on ajoute du désespoir là où ce n'est pas nécessaire.

M. Jean-Marc Todeschini.  - Vous nous faites une réponse technique et qui relève de l'habillage. Ce que les élus et parents ressentent sur le terrain, ce sont les fermetures de classes !

Vous créez des postes, certes : 5 postes de Rased, 6 postes de liaison école-collège, 1 poste pour le service militaire volontaire, 1 poste de conseiller pédagogique, 2 postes d'accueil des professeurs d'allemand, 2 formateurs aux usages numériques... mais tout cela se traduit par des fermetures de classes. Dans le monde rural, on a l'impression de payer les dédoublements de classes des CP et CE1 dans les zones prioritaires.

Attribution de subventions pour les associations sportives

M. Michel Savin .  - La disparition de la dotation d'action parlementaire, ex « réserve parlementaire », fléchée à hauteur de 50 millions d'euros en 2016 vers les associations a été pour moitié compensée dans la loi du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 par une hausse de 25 millions d'euros du montant du fonds pour le développement de la vie associative (FDVA).

Ainsi, se sont 1 670 associations sportives locales et 2 236 associations qui ont pu en bénéficier. Aujourd'hui, cette suppression de financement, est loin d'être négligeable pour les petites associations sportives locales. La loi de finances pour 2018 avait inscrit 25 millions d'euros dans le fonds pour le développement de la vie associative (FDVA), crédits qui ont été maintenus pour 2019. Ces 25 millions d'euros de crédits du FDVA sont destinés en priorité aux associations ne bénéficiant pas du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires : des associations de taille réduite qui emploient peu ou pas de salariés. Ce fonds, chargé jusqu'à présent de financer la formation des bénévoles, peut désormais également bénéficier aux associations sportives, pour le financement global de leur activité, ou à la mise en oeuvre de projets ou d'activités qu'elles ont créés dans le cadre du développement de nouveaux services à la population.

Pourriez-vous nous exposer les résultats de la campagne de subventions pour les associations sportives via le FDVA en 2018, afin de pouvoir établir un bilan précis de l'évolution qu'a connu le financement des associations sportives locales entre 2017 et 2018 et l'évolution envisagée pour 2019 ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - La loi de finances pour 2018 a confié la gestion d'une enveloppe de 25 millions d'euros, ancienne réserve parlementaire, au FDVA. Les crédits ont été reconduits à l'issue du vote de la loi de finances et le décret du 8 juin 2018 en a fixé les règles de répartition : toutes les petites associations qui bénéficiaient de la réserve parlementaire ont pu faire des demandes de subvention au titre du FDVA pour leur fonctionnement et pour de nouveaux projets. L'instruction du 15 mai 2018 a fait des petites associations une priorité dans l'attribution de ces crédits, je l'ai constaté sur le terrain. Elle a aussi préconisé un plafond de subventions à 15 000 euros.

Le FDVA, près duquel plus de 22 800 associations ont déposé une demande en 2018, soutient tous les secteurs : 9 500 associations ont bénéficié de subventions en 2018. En Nouvelle-Aquitaine, 32 % des demandes sont issues des associations sportives et 45 % d'entre elles ont bénéficié d'une subvention.

Dès 2018, les demandes ont été simplifiées avec un formulaire unique de demande de subvention. Le dispositif est à présent en place et la prochaine campagne pourra se dérouler selon un calendrier amélioré : les associations sauront si elles bénéficient de subventions avant l'été. Elles pourront également déposer leurs demandes en ligne.

Le sujet du FDVA et du financement associatif pourront même être abordés à l'occasion du grand débat.

M. Michel Savin.  - Merci, mais vous n'avez donné aucun chiffre précis et surtout aucune comparaison entre 2016 et 2018... Votre politique impacte la vie des associations locales, et vous le savez, elles jouent un rôle majeur dans nos campagnes et dans nos villes, mais elles vivent des moments très difficiles. Passons des paroles aux actes, enfin.

Enseignement des langues régionales au sein de la réforme du baccalauréat et du lycée

Mme Maryvonne Blondin .  - Je veux d'abord saluer le conseil municipal des jeunes d'Ergué-Gabéric, qui est en tribune.

Ma question porte sur la réforme du baccalauréat et ses effets désastreux sur les langues régionales. C'est un recul qui se profile tant en enseignement optionnel que bilingue. L'élève qui choisira la langue régionale en LVB ne pourra plus suivre l'enseignement de ces deux langues étrangères et de sa langue régionale comme c'est le cas actuellement dans les lycées où l'option LV2 bis est proposée. C'est un choix cornélien pour ces élèves amoureux des langues et qui aura des conséquences sur leur orientation en supérieur.

L'élève pourra choisir l'enseignement de spécialités au nombre de trois en première, mais hélas, seules deux sont conservées en terminale et on connaît l'importance de ces choix pour le post-bac.

L'option en LVC pourra être choisie mais, là encore, son coefficient pour le bac ne sera plus que 0,6 alors que l'option « Langues et cultures antiques » garde le coefficient 3. N'y a-t-il pas là une forme d'injustice d'autant que les LCA peuvent cumuler cette option avec une autre, ce qui n'est pas le cas pour les LVC ?

L'article L312-10 du code de l'éducation stipule que cet enseignement peut être dispensé tout au long de la scolarité selon des modalités définies par convention entre l'État et les collectivités où ces langues sont en usage.

Le président Macron, à Quimper, a parlé de droit à la différenciation. La région Bretagne s'est pleinement engagée dans ce défi. Vendredi dernier, à Rennes, le premier acte de différenciation a été signé par le Premier ministre et le président de la région avec un volet langue et culture bretonnes.

Vous qui prônez l'école de la confiance, faites aussi confiance aux élus des territoires. Vous avez entre vos mains l'avenir de ce trésor linguistique. Quelles dispositions entendez-vous prendre pour inclure plus efficacement les langues régionales dans la réforme du bac et au-delà dans l'ensemble du système éducatif ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Je salue à mon tour le conseil municipal des jeunes en tribune.

Je suis surpris par votre question, madame la sénatrice, car la réforme du lycée sera au contraire une formidable opportunité de développement pour les langues régionales. Les arrêtés du 17 juillet 2018 permettront aux élèves de choisir les langues régionales au titre des langues vivantes B dans les enseignements communs mais aussi au titre de la langue vivante C dans les enseignements optionnels. Dans la filière générale, cela signifie que la langue vivante régionale choisie au titre de la langue B à un poids plus important en termes de coefficient dans l'examen qu'avant la réforme. S'agissant de la langue régionale choisie au titre de l'enseignement optionnel, la langue vivante C, elle, comptera parmi les disciplines valorisées lors de l'examen.

Dans la voie technologique, le choix d'une langue régionale demeure possible au titre de la langue vivante B. Pour l'optionnel, la langue régionale est proposée dans la série « sciences et technologies » de l'hôtellerie et de la restauration.

Pour le bac 2021, les langues régionales pourront donc toujours être choisies par les élèves dans les filières technologiques.

De plus, la place et la dynamique des langues régionales dans le cadre du bac 2021 sont confortées puisqu'il a été décidé d'introduire les langues vivantes régionales comme enseignement de spécialité : cela signifie quatre heures en première et six heures en terminale ! On ne peut donc prétendre qu'il y ait un recul dans ce domaine. Un projet d'arrêté modificatif a été présenté au Conseil supérieur de l'éducation du 6 février 2019 qui modifie l'intitulé de l'enseignement de spécialité et précise que les langues concernées par cet enseignement sont les langues vivantes A ou B ou C de l'élève. Le Conseil a été favorable à ce projet d'arrêté.

M. le président.  - À mon tour de saluer les jeunes qui nous font le plaisir de visiter le Sénat.

Fermetures de classes envisagées en milieu rural

Mme Sylvie Vermeillet .  - Ma question porte sur les fermetures de classes envisagées en milieu rural et plus particulièrement dans le département du Jura.

À l'heure du dédoublement des classes de CP et de CE1 en zone prioritaire urbaine, nos territoires ruraux et de montagne vivent de manière très cruelle les effets de seuil à l'origine de fermetures de classes.

Partout, les maires de nos campagnes s'organisent en réseau pour mutualiser leurs moyens tout en rénovant leurs écoles. Ils ont également à coeur de répondre aux besoins et aux demandes de leurs enseignants. Le Jura est exemplaire d'ailleurs en matière de regroupement scolaire.

Au sein même de la ruralité, la carte scolaire est inéquitable. Dans des départements aux spécificités géographiques, démographiques et sociologiques comparables, les taux d'encadrement sont sensiblement disparates. Au sein d'une même région, en Bourgogne-Franche-Comté, il était de 5,79 à la rentrée 2018 dans le département du Jura, quand les départements voisins de la Côte-d'Or et de la Nièvre pouvaient compter sur des taux d'encadrement de 6,02 ou 6,36.

Pourtant, le Jura fait partie des zones de montagne avec un taux élevé de population rurale isolée. Il est donc difficilement justifiable que le taux d'encadrement y soit plus faible qu'en Côte-d'Or ou dans la Nièvre. Je n'ignore pas que le nombre d'élèves diminue, et je reconnais que vous attribuez des postes supplémentaires dans tous les départements concernés, mais vous ne rééquilibrez pas les disparités injustifiées des taux d'encadrement.

Comptez-vous y remédier pour ajuster ces taux d'encadrement entre les territoires en tenant compte de leurs difficultés et de leurs spécificités ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Question très importante. Vous soulignez l'inégalité des territoires et appelez à tenir compte de leurs spécificités ; ce qui pourrait constituer une contradiction...

Les conventions de ruralité par département doivent expliciter ces spécificités et justifier d'éventuels régimes de faveur. Le taux d'encadrement était dans votre département de 5,57 à la rentrée 2016, il sera de 5,81 en 2019, en application de la convention-cadre départementale signée le 24 mai 2018, et ce, malgré la diminution du nombre d'élèves. La convergence des taux d'encadrement entre départements est engagée.

En outre, la réserve départementale de cinq postes permettra de limiter les fermetures de classes. Oui, il y a une attention particulière pour le Jura, oui il y aura recherche de convergence pour les taux d'encadrement entre départements, oui il y aura une prise en compte des difficultés particulières. J'invite à une forme d'unité entre tous les élus et l'État sur le soutien à l'école rurale.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Je vous remercie pour tous ces oui. J'espère que les moyens nécessaires seront donnés à notre recteur avec qui j'ai plaisir à travailler.

Assistants d'éducation en milieu rural

M. Jean-Yves Roux .  - L'article L. 916-1 du code de l'éducation précise que « les assistants d'éducation sont recrutés par des contrats d'une durée maximale de trois ans, renouvelables dans la limite d'une période d'engagement totale de six ans ».

Ce statut des assistants d'éducation, s'il s'avère protecteur et à juste titre dans des établissements urbains, s'avère également contreproductif pour des établissements ruraux et a fortiori de montagne. En effet, ces établissements rencontrent d'importantes difficultés de recrutement de ces assistants d'éducation (AED) et de pérennisation de ces emplois.

Les étudiants qui pourraient être candidats à ces postes suivent des formations post-baccalauréat dans des lieux éloignés de la commune de recrutement, ce qui ne leur permet pas d'être présents pendant la semaine. En outre, il s'agit dans la majeure partie des cas de temps partiels, ce qui ne contribue pas à renforcer l'attractivité de ces recrutements.

La rotation des personnels concernés fragilise le fonctionnement des établissements dans la mesure où les AED sont peu formés et accompagnés, et que cette situation engendre une concurrence malsaine entre les communes et les intercommunalités.

Une réflexion sur la modification du statut de ces assistants d'éducation s'impose : pérennisation de postes, notamment en zones de revitalisation rurale et de montagne, possible modification du statut des accompagnants d'élèves en situation de handicap (AESH). Un poste d'AED pourrait fournir également un bon complément de salaire pour quelqu'un qui disposerait d'un autre emploi local de proximité, tel un poste d'animateur de centre de loisirs, ou d'un statut d'AESH.

Dans un contexte de mise en oeuvre d'établissements scolaires multi-sites en milieu rural, cette évolution de ces statuts contribuerait à renforcer l'attractivité de ces derniers pour les personnels de vie scolaire en milieu rural.

Envisagez-vous afin de soutenir la stabilité des équipes éducatives en zones de revitalisation rurale ou de montagne, de prévoir des modifications statutaires ou réglementaires qui pourraient bénéficier aux assistants d'éducation ?

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Question importante, dans le cadre des réformes actuelles, avec le projet de loi que je présente à l'Assemblée nationale, et du dialogue social en cours au ministère de l'Éducation nationale.

Les assistants d'éducation sont au nombre de 50 000 et les AESH, pour lesquels j'ai annoncé hier des mesures importantes s'agissant de l'école inclusive en renforçant leur statut, seront au nombre 80 000, soit un total de 130 000 assistants, tous statuts confondus, qui joueront un rôle essentiel. Nous devons penser leur rôle de façon cohérente toute en tenant compte de la spécificité des territoires.

Le recrutement de ce personnel, plus difficile en zones rurales, a été ouvert et les profils assouplis. En outre, la future loi permettra aux étudiants de deuxième année qui se destinent au métier d'enseignant de devenir des assistants d'éducation huit heures par semaine.

Le soutien du directeur académique des services de l'Éducation nationale (Dasen) et du rectorat sera renforcé en milieu rural. Demain, des étudiants constitueront donc ce nouveau vivier.

Hier, nous avons renforcé le statut général des personnels AESH. Le recrutement en milieu rural sera facilité, je puis vous l'assurer et les perspectives sont réelles pour la rentrée prochaine.

Fusion des académies

M. Didier Rambaud .  - La réforme de la carte des académies a été annoncée au 1er janvier 2020, pour faire suite à celle des régions.

Si la décision de fusion des trois académies de Grenoble, Lyon et Clermont-Ferrand devait être prise, elle pourrait entraîner des difficultés sur des territoires très étendus et avoir une incidence non négligeable sur la vie scolaire pour les professeurs, les personnels, les associations de parents d'élèves ainsi que les élèves. En matière d'examens aussi, l'impact ne serait pas sans conséquence puisqu'un rectorat unique redéfinirait, sous l'autorité du recteur, le service du département des examens et des concours qui prend en charge leur bonne organisation.

D'autre part, si certains postes devaient être transférés à plusieurs centaines de kilomètres de distance, beaucoup de familles seraient impactées par cet éloignement.

La métropole grenobloise, deuxième pôle de recherche après l'Ile-de-France, centralise elle-même quatre pôles internationaux de recherche sur sept équipements situés en France. Les élus et les responsables universitaires de la région grenobloise font part de leur inquiétude devant la fusion annoncée.

Grenoble est une métropole à part entière avec ses pôles d'excellence et d'innovation. Ville étudiante cosmopolite, elle séduit chaque année environ 65 000 étudiants de 180 nationalités différentes. Comment peut être envisagée cette fusion sans que le positionnement de Grenoble comme ville phare pour la vie universitaire et la recherche au coeur des Alpes ne soit dégradée par l'éloignement des centres de décision ? La concertation, de plus, a gravement fait défaut.

M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale et de la jeunesse .  - Sujet important, qui a fait l'objet d'une étude minutieuse et d'une réelle concertation. Nous avons souhaité que l'organisation nouvelle tire les leçons de la réforme régionale, dans ses aspects positifs, mais aussi négatifs, pour ne pas reproduire les mêmes défauts. Les rapprochements régionaux ne devront pas se faire au détriment de notre volonté de proximité. Ainsi, la départementalisation des décisions dans l'Éducation nationale sera renforcée à compter de la rentrée 2019.

Nous ne supprimerons aucun rectorat, mais nous fusionnons des services - les services d'orientation, par exemple, dont les équipes pourront se déployer à Lyon comme à Clermont ou à Grenoble. Il arrivera à Grenoble ou Clermont-Ferrand d'abriter le siège d'un service régional. Notre vision est pragmatique, vous le voyez.

Sur l'enseignement supérieur, je laisserai Frédérique Vidal vous répondre. L'importance universitaire de Grenoble n'est pas et ne sera pas méconnue.

M. Didier Rambaud.  - Merci. Je prends acte que les rectorats seront maintenus et j'interrogerai votre collègue de l'enseignement supérieur.

Perspectives du Brexit

Mme Corinne Féret .  - Ma question porte sur l'inquiétude suscitée en Normandie par la perspective d'une sortie brutale, sans accord, du Royaume-Uni de l'Union européenne.

Sur le plan économique, les risques sont lourds pour notre territoire. La Normandie est la région qui commerce le plus avec le Royaume-Uni - dans l'agroalimentaire, les produits chimiques ou pétroliers... Elle est son premier partenaire économique avec 2,5 milliards d'euros d'exportations, soit trois fois plus que la Bretagne, et 1,7 milliard d'euros d'importations. Certains secteurs et activités seraient particulièrement impactés par un Brexit « dur ».

S'agissant de la pêche, l'inquiétude s'ajoute aux problèmes déjà existants, en particulier pour les navires hauturiers. L'enjeu est considérable pour les pêcheurs normands, qui pourraient perdre près de la moitié de leur surface de pêche.

La Normandie est également une terre d'excellence du cheval : c'est la première région d'élevage, de formation et de recherches équines. Cette filière aurait donc tout à craindre du rétablissement de normes sanitaires britanniques obligeant à réinstaurer des contrôles vétérinaires longs et coûteux au moment du transport des chevaux.

Sans accord, les ports normands risqueraient, eux aussi, de subir de plein fouet le Brexit. La rapidité et la simplicité des démarches administratives étant essentielles pour fluidifier le trafic et garantir un modèle économique portuaire concurrentiel, le pire est en effet à craindre. À Ouistreham, dans le Calvados, on appréhende de devoir réduire le nombre de liaisons quotidiennes avec la Grande-Bretagne en raison de l'augmentation des temps de désembarquement des ferries. Et, dans tous les ports concernés, des travaux seraient nécessaires, le coût du rétablissement des contrôles sanitaires et aux frontières représentant une enveloppe de 5 à 10 millions d'euros par port.

Le maintien de la fluidité du trafic transmanche doit devenir une priorité. Il convient de permettre aux ports de faire face aux difficultés liées au Brexit et de saisir l'opportunité de récupérer les flux de marchandises irlandaises.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre, en lien avec l'Europe, pour accompagner le Calvados et la Normandie qui seront lourdement impactés ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La France et l'Union européenne sont mobilisées pour assurer un Brexit ordonné, ce qui passe par la ratification de l'accord de retrait préparé par Michel Barnier. Malheureusement, les incertitudes britanniques exigent que nous nous préparions à toutes les éventualités, y compris un Brexit sans accord : les conséquences en seraient lourdes, notamment pour la Normandie.

Comme la Commission européenne, nous souhaitons le maintien des règles actuelles en attendant l'entrée en vigueur d'un nouvel accord de pêche. Un appel à projets doté de 65 millions d'euros est ouvert pour permettre à certains ports comme Cherbourg, Caen et Dieppe de bénéficier de financements supplémentaires.

S'agissant de la filière équine et des contrôles qui s'appliqueront à l'exportation d'animaux vivants vers le Royaume-Uni, les déclarations du Gouvernement britannique se veulent rassurantes. Même en cas de Brexit sans accord, aucune nouvelle exigence ne sera introduite et le Royaume-Uni continuera de reconnaître un certain temps les documents et les certificats délivrés dans l'Union européenne. Nous chercherons à pérenniser cette situation dans le cadre de la négociation sur les relations futures entre l'Union européenne et le Royaume-Uni.

Gestion des appels d'urgence

M. Olivier Cigolotti .  - Le 7 décembre 2018, l'inspection générale de l'administration (IGA) et l'inspection générale des affaires sociales (IGAS) ont rendu public leur rapport sur les nécessaires évolutions du référentiel en matière de secours d'urgence aux personnes.

Ce rapport préconise, non pas l'organisation des plates-formes départementales 15-18 dont l'efficacité est avérée puisqu'elles fonctionnent dans 21 départements, mais dix ou douze plateformes suprarégionales correspondant peu ou prou aux zones de défense. Cette proposition réduit à néant le travail du Sénat.

Le président de la République, dans son intervention du 6 octobre 2017, insistait sur la nécessité de « mettre en place des plateformes uniques d'appels telles qu'elles existent déjà dans de nombreux départements ».

Dans le contexte de violence que connaît notre pays, les esprits sont tournés vers la protection de nos populations. Au-delà des conservatismes, il est urgent de faire évoluer les systèmes de réception des appels d'urgence des sapeurs-pompiers, des services d'aide médicale urgente (SAMU), de la police et de la gendarmerie.

Il est regrettable que le rapport IGA-IGAS ignore l'option consistant à faire du 112 l'unique numéro d'urgence en s'appuyant sur les synergies de proximité et les expériences départementales réussies.

Le Gouvernement entend-il procéder à la modernisation de l'action publique par la création de plates-formes de proximité ou supradépartementales ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - Les services d'urgence connaissent un développement considérable de leur activité. En 2017, les pompiers ont reçu 18 millions d'appels et effectué près de 4 millions d'interventions au titre du secours aux personnes. Améliorer la réponse opérationnelle et la prise en charge des appels est donc nécessaire.

Après une large concertation, le ministre de l'Intérieur a annoncé un plan ambitieux de 37 mesures concernant le volontariat. Le Conseil national des sapeurs-pompiers volontaires suivra sa mise en oeuvre qui devrait intervenir entre 2019 et 2021. En outre, conformément au souhait du président de la République, les ministères de l'Intérieur et de la Santé travaillent sur un numéro d'appel unique. Le rapport que vous évoquez n'est qu'un élément d'éclairage sur l'interopérabilité des systèmes de gestion d'appels.

La Seine-et-Marne testera dès 2020 le nouveau système d'information unique et intégré des appels d'urgence, NexSIS 18-112, qui sera progressivement déployé dans les SDIS entre 2021 et 2025.

M. Olivier Cigolotti.  - Dans ce dossier comme dans bien d'autres, nous avons besoin de proximité. Elle est indispensable pour que les sapeurs-pompiers puissent enfin piloter leurs missions de secours d'urgence aux personnes qu'ils accomplissent dans 95 % des cas en palliant les carences de notre système de santé.

Effectifs de la police et de la gendarmerie

Mme Anne-Catherine Loisier .  - Candidat à l'élection présidentielle, le président de la République promettait la création de 10 000 postes de policiers et gendarmes sans préciser leur répartition. Il s'engageait à « donner à la gendarmerie toute sa place dans la mission de renseignement » reconnaissant « sa contribution désormais significative au renseignement territorial et au suivi des individus susceptibles d'être radicalisés ».

La gendarmerie protège 50 % de la population dans une zone de compétence qui couvre 95 % du territoire. Elle vient en appui de la police lors des manifestations, notamment des gilets jaunes. Elle est aussi confrontée à la gestion des flux de population et de délinquance dans de vastes espaces ruraux et des zones d'affluence saisonnière.

Or les programmations budgétaires laissent entrevoir une clé de répartition des effectifs de 25 % pour la gendarmerie et 75 % pour la police, contre 40 % et 60 % auparavant. On envisage aussi une intégration d'effectifs de la gendarmerie à la DGSI.

Qu'en est-il de ces recrutements respectifs et de la présence des gendarmes au sein de la DGSI ?

Mme Nathalie Loiseau, ministre auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, chargée des affaires européennes .  - La sécurité des personnes et des biens sur l'ensemble du territoire est une priorité du Gouvernement : 2 500 postes seront créés d'ici 2022 pour remettre à niveau la gendarmerie qui a souffert de la politique de réduction des effectifs menée entre 2007 et 2012 et tenir compte de l'augmentation de la population dans sa zone.

En 2018, le plafond d'emplois a atteint un niveau inédit depuis 2008, pour atteindre 100 768 personnes, contre 100 192 en 2017. Depuis deux ans, l'écart entre les emplois votés et exécutés diminue : 1 935 ETPT en 2018, contre 3 754 ETPT en 2016.

Les unités assurant les missions de sécurité publique profiteront en priorité de ce renforcement. La clé de répartition entre les forces dépend des missions de chacune, notamment en matière de renseignement, de lutte contre le terrorisme, de contrôle aux frontières extérieures et de lutte contre l'immigration illégale et de gestion des centres de rétention administrative ; autant d'objectifs prioritaires au même titre que la sécurité du quotidien.

Mme Anne-Catherine Loisier.  - Le protocole conclu en 2016 pour valoriser les carrières n'est pas mis en oeuvre. Le Gouvernement doit tenir ses engagements alors que nos forces de sécurité sont fortement mobilisées.

Obligation d'emploi des personnes handicapées

M. Guillaume Chevrollier .  - La loi prévoit désormais que les contrats de sous-traitance passés par les entreprises ou collectivités aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT), aux entreprises adaptées et aux travailleurs indépendants en situation de handicap ne pourront plus être comptabilisés pour remplir leur obligation d'emploi qui est fixé, en théorie, à 6 % des effectifs.

Le Gouvernement indique que les modalités de calcul du recours à la sous-traitance seront définies dans le futur décret avec un objectif de neutralité financière. Les associations représentantes des personnes handicapées, notamment l'Union nationale des associations de parents de personnes handicapées mentales et de leurs amis (Unapei) craignent que la réforme fragilise le travail des 250 000 personnes en situation de handicap qui ont un accès à un travail grâce à l'accompagnement proposé par les ESAT et les entreprises adaptées.

Que leur répondez-vous ? Comment garantir la neutralité financière promise ?

Mme Sophie Cluzel, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées .  - Merci pour votre question qui me donne l'occasion de rassurer les associations avec lesquelles nous avons de nombreux échanges.

La loi du 5 septembre 2018 relative à la liberté de choisir son avenir professionnel différencie emploi direct et indirect des personnes handicapées par les entreprises. Un décret à paraître d'ici la fin mars précisera comment les entreprises pourront déduire les achats en sous-traitance auprès du secteur adapté ou protégé de leur contribution due au titre de l'OETH. Toutes les associations, dont l'Unapei, sont associées à la rédaction de ce texte.

Les discussions sont en cours pour savoir s'il faut permettre de déduire l'intégralité d'une facture de sous-traitance ou seulement la partie se rattachant à la main-d'oeuvre.

L'intention du Gouvernement est claire : valoriser le secteur adapté et protégé où nous espérons la création de 40 000 emplois de personnes handicapées d'ici 2022 avec un soutien public porté à 500 millions d'euros.

M. Guillaume Chevrollier.  - Nous serons vigilants sur la rédaction du décret. Nous souhaitons tous une société plus inclusive.

Risques liés aux terrains de sport synthétiques

M. Daniel Gremillet .  - La France compte 4 700 terrains synthétiques servant à la pratique du football et du hockey sur gazon, dont 3 000 de grande dimension. Les communes sont nombreuses à avoir investi dans ce type de revêtement. Il est trois à quatre fois plus onéreux mais son entretien est bien moindre que le gazon. Surtout, ils peuvent être utilisés 45 heures par semaine, contre 10 heures pour la pelouse.

Une enquête publiée dans So Foot, en novembre 2017, a fait état de la dangerosité des granules de caoutchouc utilisés dans la fabrication des terrains synthétiques. Issus de pneus recyclés ou d'anciens joints de machines à laver, ces granulats auraient une teneur en hydrocarbures très largement supérieure à ce qui est généralement admis pour les enfants ou encore des métaux comme le plomb et le zinc.

Les quatre ministères concernés ont commandé une étude à l'Anses, qui l'a publiée le 29 août 2018. Elle conclut à un risque peu préoccupant pour la santé humaine et à des risques potentiels pour l'environnement mais souligne des incertitudes compte tenu des limites méthodologiques et du manque de données. L'agence préconise une étude complémentaire, ce que je salue. Quand cette analyse sera-t-elle rendue ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Après la publication de l'étude de l'Anses, le Gouvernement a demandé des travaux complémentaires sur les risques que présentent les terrains synthétiques pour la santé humaine et pour l'environnement. De nouvelles données européennes et internationales devraient aussi nous être communiquées sous peu. Le groupe de travail sur les risques environnementaux liés à l'usage des granulats dans les terrains de sport devrait également rendre ses conclusions en septembre 2019. Grâce à ces travaux, dont nous ne manquerons pas de vous ternir informés, nous pourrons envisager les actions à conduire.

M. Daniel Gremillet.  - Avec les familles et les maires, nous attendons les conclusions de ces travaux avec impatience.

Déserts médicaux en Seine-Maritime

M. Didier Marie .  - Dans mon département de la Seine-Maritime, la désertification médicale est ancienne et exponentielle. À Criquetot-l'Esneval, Cany-Barville, Eu, Caudebec-en-Caux, les médecins se font de plus en plus rares.

Depuis mars 2018, l'agence régionale de santé utilise un nouvel indicateur : l'accessibilité potentielle localisée. Il ne rend pas toujours compte de la réalité des territoires : Fécamp s'est vu déclassé en zone d'action complémentaire alors que la ville a perdu trois médecins et que cinq autres partiront prochainement à la retraite.

Dans la pratique, les groupements hospitaliers de territoire se traduisent souvent par une concentration d'offre de soins sur le plus grand établissement hospitalier au détriment des plus petits. Pourriez-vous nous fournir un premier bilan de ces regroupements en Seine-Maritime ?

Quant à la télémédecine, elle ne saurait être l'alpha et l'oméga de l'offre de soins dans les déserts médicaux. Quel est son déploiement en Seine-Maritime ?

Le Gouvernement entend-il rendre publics les financements locaux et nationaux destinés à encourager l'installation des professionnels de santé ? Envisage-t-il de recourir, en plus de ces mesures incitatives, à la coercition ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le défi est grand car la baisse du nombre de médecins, qui a commencé en 2010, pourrait se poursuivre jusqu'en 2025.

Dès octobre 2017, le Gouvernement a lancé un plan d'égal accès aux soins constitué d'un panel de solutions dont chaque territoire peut se saisir pour l'adapter à sa réalité. La télémédecine est un levier, comme le stage de stage en cabinet, maisons ou centres de santé ou encore le déploiement de l'exercice coordonné sous toutes ses formes.

Un important travail méthodologique a été mené pour que les ARS puissent mieux identifier les zones carencées. Le nouveau critère d'accessibilité potentielle localisée intègre l'activité, l'âge moyen des médecins et le temps d'accès. Les ARS peuvent ajouter d'autres critères pour tenir compte des réalités locales. Elles peuvent aussi réajuster régulièrement leur zonage, c'est d'ailleurs en cours en Normandie.

Le plan se déploie sur le terrain. Le nombre d'étudiants ayant signé un contrat d'engagement de service public a augmenté de 13 % et le nombre de maisons de santé de 18 % ces neuf derniers mois. En Seine-Maritime, 16 maisons de services au public ont été ouvertes et 22 sont en projet.

La coercition à l'installation ne constitue pas une solution. Nous préférons faire confiance aux acteurs. Nous créons 4 000 postes d'assistants médicaux dans le cadre du plan « Ma Santé 2022 » et déployons 400 médecins généralistes dans des territoires prioritaires en exercice partagé. Pour réussir, nous avons besoin des élus. Une solution adaptée à chaque territoire, j'en suis sûre, sera trouvée.

M. Didier Marie.  - La Seine-Maritime mérite une attention toute particulière. Dans ce territoire de 1,3 million d'habitants, le nombre de médecins ne cesse de diminuer. Espérons que, grâce à nos efforts conjugués, la situation s'améliore.

Centre psychothérapique de l'Ain

M. Patrick Chaize .  - Le 16 mars 2016, le contrôleur général des lieux de privation des libertés publiait au Journal officiel des recommandations d'urgence concernant le centre psychothérapique de l'Ain (CPA) à Bourg-en-Bresse, après y avoir constaté des violations graves des droits fondamentaux des patients hospitalisés. Par la suite, la direction de cet hôpital a dû mettre en oeuvre dans les meilleurs délais des mesures correctives portant sur le fonctionnement général des services et les pratiques observées. Un plan d'action a été engagé à moyen et long termes, conduisant à la certification du CPA par la Haute Autorité de santé en décembre 2017.

Pour autant, cet établissement, qui constitue la seule offre de soins psychiatriques du département, est confronté à de sérieuses difficultés. La démographie médicale qui est dans l'Ain, toutes spécialités confondues, l'une des plus faibles de France, touche notamment la psychiatrie. Malgré la mise en place d'un projet d'attractivité, le CPA connaît une carence importante en psychiatres et l'établissement a dû recourir à l'intérim, avec un impact négatif sur la qualité des soins. Pas moins d'onze postes de psychiatres sont vacants. Les médecins en exercice ont une lourde charge de travail. À cela s'ajoutent l'intensité des réformes menées dans l'hôpital et une forme de discordance entre les exigences multiples auxquelles les psychiatres sont soumis et les moyens dont ils disposent. En outre, la moyenne d'âge de ces médecins, 58 ans, laisse augurer des départs prochains et une détérioration des conditions de travail.

La situation n'est plus tenable et il faut au moins dix ans pour former un psychiatre. Quelles mesures concrètes le Gouvernement compte-t-il prendre ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le CPA n'est plus le seul établissement autorisé en psychiatrie dans l'Ain, une clinique a ouvert en 2018 à Châtillon. Le rapport établi par le contrôleur général des lieux de privation des libertés en 2016 a fragilisé l'image de l'établissement, ce qui n'y facilite pas les recrutements.

L'ARS a accompagné l'établissement dans l'élaboration de son plan d'action après la visite du contrôleur général mais aussi dans les orientations de son nouveau projet médical. Ce nouveau projet médical plus ouvert sur la cité, respectueux des droits des patients, devrait progressivement attirer de nouveau de jeunes psychiatres. En attendant, un travail complémentaire est effectué au sein de l'établissement pour assurer à chaque professionnel sa juste place.

Situation statutaire des aides-soignantes

Mme Nicole Duranton .  - Seuls les auxiliaires de vie et les infirmiers libéraux peuvent intervenir auprès des personnes âgées atteintes de pathologies chroniques, de maladies neurodégénératives ou polypathologiques qui demeurent à domicile. Les premiers, débordés, refusent parfois des interventions notamment la toilette car cet acte, faiblement rémunéré, n'est pas de leur ressort à l'hôpital.

Les auxiliaires de vie, dont le rôle est l'accompagnement dans la préparation des repas, l'entretien des locaux ou les tâches logistiques, sont parfois contraints de pratiquer des soins qui vont au-delà de leurs prérogatives et de leur formation.

Les aides-soignants, dont la formation répond parfaitement à cette typologie, n'ont pas la possibilité d'exercer en libéral. Le Gouvernement le prévoit-il ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Comme l'a annoncé le président de la République lors de la présentation de « Ma santé 2022 », les référentiels d'activités, de compétences et de formation de la profession d'aide-soignant vont être actualisés, en cohérence avec les besoins de notre système de santé. L'on tiendra compte des spécificités de leur exercice auprès des personnes âgées, qu'elles soient à domicile ou en établissement. Dominique Libault, dans le cadre de la mission relative au Grand Âge et à l'autonomie, rendra prochainement un rapport qui apportera un éclairage.

Le plan « Ma santé 2022 » prévoit la création de postes d'assistants médicaux, qui seront ouverts aux aides-soignants dans des conditions à définir. Le parcours professionnel des aides-soignants sera enrichi et la prise en charge des patients améliorée.

Mme Nicole Duranton.  - Le maintien des personnes âgées, à domicile, moins coûteux que les maisons de retraite, doit être favorisé.

Nombre d'enseignants à la faculté de médecine de Lille

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - La situation sanitaire dans le Pas-de-Calais est très préoccupante. La surmortalité est de 38 % par rapport à la moyenne nationale. Si aucune mesure d'urgence n'est prise, elle pourrait atteindre 46 % en 2025 sans compter que le bassin minier est le plus affecté par la mortalité liée au cancer.

Les groupements hospitaliers de territoire auraient dû apporter du mieux. Il n'en est rien : 20 et 80 postes respectivement supprimés dans les hôpitaux de Lens et de Béthune, 6 millions d'euros manquent pour la rénovation du bloc opératoire à Béthune où le service de cardiologie a été supprimé tandis que le projet d'hôpital à Lens est sans cesse revu à la baisse avec un service de pneumologie supprimé.

Le doyen de la faculté de médecine de Lille pense que, malgré la disparition du numerus clausus, il ne pourra pas former davantage de médecins faute d'enseignants. Déjà, le taux d'encadrement est y trois fois inférieur à celui de Paris, deux fois inférieur à celui de Marseille.

Nous ne demandons pas l'aumône, seulement ce qui nous est dû : un plan de rattrapage. Combien allez-vous nous accorder de postes d'enseignants ? C'est une question d'équité territoriale.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Le numerus clausus a montré ses limites pour répondre aux besoins de santé, il engendre un gâchis humain considérable. Comme le président de la République l'a annoncé, il sera supprimé ainsi que la première année commune aux études de santé, Paces. L'objectif est de recruter des profils plus variés.

La suppression du redoublement en Paces allégera la charge des enseignants. La dématérialisation et la simulation en pédagogie contribuent également à revoir en profondeur les conditions d'enseignement et de vérification des connaissances et des compétences. Il ne peut être imaginé de détériorer l'encadrement apporté aux étudiants ; du reste, des postes universitaires ont été créés ces dernières années.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Vous ne m'avez pas répondu : je vous interrogeais, non sur le bien-fondé de la fin du numerus clausus, que j'approuve, mais sur le nombre de postes d'enseignants à la faculté de Lille.

Financement des Ehpad

Mme Brigitte Micouleau .  - Régulièrement, les salariés des Ehpad entrent en grève pour dénoncer leurs conditions de travail et les conditions de prise en charge de nos aînés.

Le plan 2007-2012 « Solidarité grand âge » prévoyait un encadrement porté à un soignant pour une personne âgée dans ces structures, le développement de pôles d'activités et de soins adaptés (PASA) et d'unités d'hébergement renforcé (UHR).

Les objectifs affichés sont loin d'être atteints. Selon la dernière étude de la Drees, en 2017, le ratio d'encadrement est de 0,6. Moins de 25 % des Ehpad disposent d'un PASA et moins de 3 % d'entre eux disposent d'une UHR, alors que les patients souffrant de maladies neurodégénératives représentent plus de 70 % de la population accueillie en Ehpad.

Le malaise est profond, surtout dans les établissements publics qui ont souffert de la réforme tarifaire entrée en vigueur le 1er janvier 2017.

Quelles mesures correctives sont envisagées ? Il y va de la qualité de vie des résidents et des conditions de travail du personnel.

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La nouvelle tarification, issue de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement du 29 décembre 2015, s'appuie sur une objectivation des besoins de chaque établissement en liant l'allocation de ressources aux besoins en soins des résidents ainsi qu'à leur niveau de dépendance.

D'après l'étude réalisée par la CNSA en septembre 2017, les établissements ont vu globalement leur financement augmenter ; seuls 2,9 % d'entre eux, y ont perdu. Un mécanisme correctif a été mis en place pour maintenir les ressources financières de ces établissements pour 2018 et 2019, 70 % de ses bénéficiaires sont publics. En 2019, une enveloppe supplémentaire de 18 millions d'euros complétera les 29 millions d'euros mobilisés en 2018.

En outre, des mesures spécifiques sont prises pour les Ehpad : pour 2019-2021, les crédits supplémentaires sont estimés à 360 millions d'euros, dont 125 millions d'euros dès 2019. De plus, des crédits seront consacrés au financement des plans de prévention en Ehpad pour 30 millions d'euros, à l'amélioration de la coordination des soins pour 20 millions d'euros et à la poursuite de la généralisation de la présence d'infirmiers de nuit pour 10 millions d'euros.

Au-delà, la concertation nationale lancée en octobre 2018 débouchera sur une réforme ambitieuse pour relever le défi du grand âge et de l'autonomie.

Mme Brigitte Micouleau.  - Votre réponse ne peut satisfaire les soignants et les personnes âgées qui méritent mieux qu'un désengagement de l'État.

Remboursement des actes de biologie innovants en oncologie

Mme Véronique Guillotin .  - Le monde médical s'inquiète du remboursement des actes de biologie médicale innovants en oncologie - sujet que Mme Buzyn connaît bien.

Le référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN), créé en 2015, assure une prise en charge temporaire et dérogatoire des actes innovants, dont les tests oncogénétiques sanguins et les tests sur tumeur qui permettent un traitement ciblé et personnalisé. Ces deux types d'actes sont de plus en plus prescrits et leur intérêt reconnu. Or l'enveloppe dédiée au RIHN est fermée ; d'autre part, depuis 2017, les actes RIHN sont désormais partiellement remboursés au prescripteur, et non à l'effecteur des tests. Les laboratoires facturent des sommes importantes aux établissements prescripteurs, qui ne bénéficieront que d'un remboursement limité.

Les conséquences se font déjà sentir : renoncement aux tests sanguins ou sur tumeur, prescription de médicaments, coûteux et parfois inadaptés, sans que la cible sur la tumeur n'ait été recherchée. L'activité des 28 plateformes régionales labellisées par l'Institut national du cancer, qui recevaient jusqu'ici une dotation au prorata des actes effectués, est en baisse. Sachant que ces tests moléculaires sauvent des vies, le Gouvernement entend-il remédier à cette situation ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - La dotation versée aux établissements de santé au titre des actes inscrits au RIHN est stable depuis 2015, à 377 millions d'euros. L'accélération des demandes de tests innovants entraîne une pression sur cette enveloppe et une tension sur le financement des actes de la liste complémentaire, le choix étant fait de privilégier les actes innovants plutôt que les actes de routine.

Nous visons une inscription à la nomenclature d'ici 2022 de l'ensemble des actes considérés par les sociétés savantes comme pertinents. L'enveloppe du RIHN sera ainsi entièrement dévolue aux actes réellement innovants afin de soutenir l'innovation en biologie.

Mme Véronique Guillotin.  - J'insiste : ces tests innovants sont très importants pour l'adaptation du traitement à la cible, ce qu'on appelle la médecine personnalisée. Le remboursement au prescripteur a nourri une véritable économie de marché autour de laboratoires privés voire de plateformes à l'étranger, avec une baisse d'activité des plateformes labellisées. Avec un coût qui atteint 2 300 euros le test, les établissements prescripteurs sont en difficulté.

Augmentation de la fiscalité des contrats de santé

M. Gilbert Roger .  - De nombreux Français ont reçu en décembre 2018 un courrier de leur mutuelle les informant que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 prévoyait de nouveaux efforts de financement de notre système de santé, notamment dans la rémunération du médecin traitant.

Cela se traduit par une nouvelle contribution fiscale de 0,8 % du montant de la cotisation annuelle, venant s'ajouter aux cotisations dues pour 2019. Le montant de cette taxe sera reversé intégralement à l'État.

Cette augmentation de la fiscalité des contrats de santé grève le budget des Français les plus fragiles. Étant donné le contexte social, une exonération de cette taxe pourrait-elle être envisagée pour les plus modestes, et à quel niveau de salaire ou de pension ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - Depuis l'avenant 8 à la convention médicale conclue fin 2012, les complémentaires participent au financement de rémunérations alternatives au paiement à l'acte, au titre du forfait médecin traitant, à hauteur de 150 millions d'euros par an.

Les organismes complémentaires se sont engagés à faire progresser cette contribution à 250 millions d'euros en 2018 et 300 millions en 2019, via une contribution dont le produit correspondait à l'engagement conventionnel. Un schéma cible de versement alternatif a été exploré mais la démarche n'a pas abouti. L'article 17 de la LFSS pour 2019 pérennise donc le dispositif et rationalise l'assiette de cette contribution, mais ne crée pas de nouvelle taxe.

Le niveau de prélèvement applicable aux complémentaires reste stable ; cette contribution n'est pas à la charge des assurés mais assujettit le chiffre d'affaires des organismes. Elle n'a donc pas vocation à peser sur les ménages.

M. Gilbert Roger.  - Près de 1 800 euros de cotisations de mutuelle par an pour une femme de 98 ans au minimum social, qui paye 2 450 euros mensuels pour son Ehpad : cet exemple montre hélas que vos services vous racontent des blagues !

Soins bucco-dentaires des personnes en situation de handicap

Mme Nadine Grelet-Certenais .  - L'expérimentation lancée en 2017 par le ministère de la Santé et pilotée par le collectif santé inter-associations de la Sarthe (Cosia72) a facilité l'accès aux soins dentaires des personnes en situation de handicap. Ces dernières requièrent des soins adaptés, des praticiens formés au handicap, des locaux accessibles...

Fin 2018, près de 500 personnes ont pu en bénéficier, au centre hospitalier du Lude, à l'établissement public de santé mentale d'Allonnes, au centre hospitalier de La Ferté-Bernard ou encore au centre de l'Arche à Saint-Saturnin et je salue les chirurgiens-dentistes impliqués. L'étape suivante, le dépistage par caméra intra-orale, vise la prévention.

Or ce dispositif est aujourd'hui remis en cause faute de financement suffisant. En raison de la demande exponentielle de prise en charge, le budget est épuisé. Ce dispositif avant-gardiste mériterait d'être érigé au niveau national comme modèle d'accompagnement sanitaire des personnes en situation de handicap. Envisagez-vous de le pérenniser et de lancer l'évaluation de l'expérimentation, comme le demande la HAS ?

Mme Christelle Dubos, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé .  - L'ARS Pays de la Loire a fait de l'accompagnement des personnes en situation de handicap une priorité, notamment dans son volet bucco-dentaire.

L'expérimentation de deux ans que vous évoquez est arrivée à échéance en décembre. Le financement public ne peut être prolongé sans évaluation scientifique ; celle-ci est en cours.

Les partenaires du projet sont invités à prendre contact avec le groupement hospitalier de territoire de la Sarthe (GHT72) pour une éventuelle pérennisation.

Par ailleurs, l'ARS a décidé de créer au sein du centre hospitalier du Mans un centre de soins dentaires avec un double enjeu pédagogique et clinique. L'ARS attribuera 2 millions d'euros à ce projet très attendu, qui doit renforcer l'attractivité du territoire pour les chirurgiens-dentistes.

Mme Nadine Grelet-Certenais.  - Pourquoi ne pas prolonger un dispositif aussi utile, en attendant le bilan de l'expérimentation ? La Sarthe est fort touchée par la désertification médicale, je suivrai avec attention ces évolutions car l'attente est grande.

Transfert de la contribution climat-énergie aux collectivités locales

M. Guillaume Gontard .  - Alors que le mouvement des gilets jaunes surprenait par son ampleur, le Sénat, décidément plus en prise avec le pays que le Gouvernement, avait proposé durant l'examen du budget 2019 de flécher une partie de la contribution climat énergie (CCE) vers les territoires engagés dans la transition énergétique.

Une fiscalité ne peut être qualifiée d'écologique que si elle finance directement et intégralement la transition énergétique, pas si elle sert à renflouer les caisses de l'État !

Pour tenter d'éteindre la grogne sociale, le Gouvernement s'est contenté de suspendre la hausse de la CCE. Ce faisant, il néglige les territoires qui sont les laboratoires de l'innovation démocratique, sociale, écologique et économique.

Le 22 janvier dernier, à l'occasion des Assises européennes de la transition énergétique, le ministre de la Transition écologique et solidaire entrouvrait la porte au transfert d'une partie de la CCE aux collectivités. Qu'en est-il ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - L'année 2019 sera celle d'une refonte de la fiscalité locale. Plus aucun foyer fiscal, à terme, n'a vocation à payer une taxe d'habitation sur sa résidence principale. Les exonérations déjà actées, qui traduisent un engagement du président de la République, représentent un gain de pouvoir d'achat important et durable pour 80 % des foyers fiscaux.

La compensation sera assurée par une ressource compatible avec l'autonomie des collectivités territoriales, peut-être un transfert aux communes de la taxe foncière perçue par les départements et l'octroi d'une fraction d'impôt national dynamique aux EPCI. Les collectivités territoriales continueront de disposer de ressources propres. Cette refonte s'inscrira dans la démarche de débat et de concertation souhaitée par le président de la République.

M. Guillaume Gontard.  - Vous n'avez pas du tout répondu à ma question, qui portait sur le fléchage de la CCE. La transition énergétique passera par les collectivités territoriales ; il faudra pouvoir financer les innovations des territoires.

Contribution « Vie étudiante et de campus »

M. Didier Mandelli .  - La loi Orientation et de réussite des étudiants crée une contribution « Vie étudiante et de campus » (CVEC) de 90 euros par étudiant qui a remplacé la cotisation au régime étudiant de sécurité sociale, au profit des établissements et des Crous.

La loi de finances pour 2019 l'a plafonnée à 95 millions d'euros ; au-delà, les recettes contribueront à la réduction du poids de la dépense publique. Je m'étais opposé à ce plafonnement par un amendement malheureusement jugé irrecevable. Il est inacceptable de faire financer par les étudiants la réduction du poids de la dépense publique alors que le budget étudiant a besoin de ces fonds.

Face à la mobilisation du monde universitaire, le ministre de l'action et des comptes publics s'est engagé à ce que l'intégralité de ces recettes soit versée au budget étudiant. Est-ce le cas ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Il y a en effet des inquiétudes quant à la redistribution de la CVEC. Celle-ci, d'un montant de 90 euros par étudiant, est affectée exclusivement à l'accueil et l'accompagnement social, sanitaire, culturel et sportif des étudiants. Elle fait partie intégrante du plan Étudiants du Gouvernement.

Le produit final ne peut être connu dès la rentrée car beaucoup d'étudiants en sont exonérés ; certains sont remboursés après l'avoir acquittée. Le plafond de recettes prévisionnelles qui figure dans le projet de loi de finances pour 2019 tient compte de cette incertitude. Le montant de 95 millions est un montant prévisionnel, il sera réévalué courant 2019 afin de garantir que tout le produit de la CVEC bénéficie effectivement et exclusivement à la vie étudiante et de campus.

M. Didier Mandelli.  - Merci de cette réponse qui me rassure. Nous serons vigilants. Si les recettes dépassent les besoins, la cotisation devra être revue à la baisse.

Non-conformité d'un service intercommunal de cuisine centrale

M. Bernard Fournier .  - Un contrôle de la cuisine centrale de la communauté de communes des Vals d'Aix et Isable dans la Loire, effectué en novembre 2018 par la direction départementale de la protection des populations, a relevé la présence de matières premières provenant d'un établissement non agréé.

Ce service de cuisine centrale, né d'une volonté de mutualisation, apporte aux communes une réponse de proximité pour leur besoin de restauration scolaire et d'accueil de loisirs afin de proposer des menus variés, goûteux, équilibrés et de qualité aux enfants. Les fournisseurs locaux ont été accompagnés par des fonds publics afin de faciliter leur maintien sur ce territoire rural et pour privilégier un approvisionnement en circuit court. L'activité de la cuisine centrale intercommunale est en progression ces dernières années et a démontré sa pertinence.

Le relevé de non-conformité et l'application des mesures de police administrative pour ce cas spécifique sont en contradiction avec le discours de l'État sur l'adaptation des règles au contexte local. Cela nuit au développement d'activités économiques et au maintien d'emplois en zone rurale. Les élus attendent une réponse adaptée à cette situation. Quelle est la ligne du Gouvernement en la matière ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Lors de l'inspection du 8 novembre 2018, il a été constaté que la cuisine centrale de Souternon s'approvisionnait en steaks hachés auprès d'une boucherie dérogataire à l'agrément européen. Malgré un niveau global d'hygiène satisfaisant, le rapport a donc été accompagné d'un courrier d'avertissement.

Le règlement du 29 avril 2004 pose le principe d'une obligation générale d'agrément pour les établissements du secteur alimentaire qui fournissent des professionnels.

Une boucherie peut déroger à l'obligation d'agrément pour fournir d'autres commerces de détail et de manière marginale, localisée et restreinte - à l'exclusion de la viande hachée, qui ne peut être préparée à l'avance. La dérogation est accordée automatiquement, sur demande, pour la fourniture de professionnels dans un rayon de 80 km, qui peut être étendu par le préfet.

Le cadre juridique actuel paraît donc tout à fait adapté au développement des territoires ruraux et des circuits courts ; la viande hachée fait l'objet de conditions plus restrictives, pour d'évidentes raisons de sécurité sanitaire.

M. Bernard Fournier.  - Je suis déçu par la frilosité du Gouvernement.

Centre national d'études spatiales de Guyane

M. Antoine Karam .  - Le Centre national d'études spatiales (CNES) a toujours participé au développement économique et social de la Guyane. En 1966, il a ainsi participé à la création du centre médico-chirurgical de Kourou (CMCK), pour répondre aux besoins du centre spatial et de l'ensemble de la population.

En décembre 2004, le CMCK a été placé sous la responsabilité de la Croix-Rouge. Le CNES a néanmoins poursuivi son accompagnement en versant une contribution annuelle de 500 000 euros destinée aux investissements ; en 2017, ce soutien a été doublé de façon exceptionnelle.

Face à la transformation du centre médical en un établissement hospitalier public, le CNES a annoncé son désengagement du nouvel actionnariat. Le personnel de l'établissement s'est mobilisé. Ce retrait est d'autant plus regrettable qu'il amputera considérablement le potentiel d'investissement de l'hôpital.

Il fait écho à celui qui a été opéré quelques mois auparavant dans le capital de la société immobilière de Kourou (Simko), également créée en son temps pour répondre aux besoins du centre spatial guyanais.

Un rapport d'octobre 2017 sur les retombées du centre spatial pour les collectivités territoriales préconisait une augmentation de 10 millions de la contribution du CNES chaque année entre 2018 et 2020.

Si un protocole d'accord a été signé au centre hospitalier de Kourou, personnels et élus restent particulièrement attachés à l'engagement du CNES. Quel rôle le Gouvernement entend-il donner au CNES en Guyane ? Ne faudrait-il pas reconsidérer l'engagement du CNES du centre hospitalier ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d'État auprès du ministre de l'économie et des finances .  - Le CMCK a bénéficié d'une contribution du CNES de 1 million d'euros en 2016 et de 1,5 million d'euros en 2017 pour faire face à son déficit structurel. La situation n'étant plus viable, il a été rattaché au service public hospitalier de droit commun, pour pérenniser l'établissement tout en recentrant la contribution du CNES sur ses domaines de compétences.

Le CNES contribue pour 15 % du PIB guyanais : il emploie 1 700 salariés, dont 75 % sont recrutés localement. Son activité représente au total un sixième de l'emploi salarié privé en Guyane - près de 4 600 emplois directs et indirects - et 58 millions d'euros de recettes fiscales.

Le CNES passe des conventions avec les acteurs locaux, pour 40 millions d'euros sur la période 2014-2020. Chaque année, il alloue 13 millions d'euros aux communes de Guyane pour soutenir des actions de développement.

À la suite des événements de mars-avril 2017, le CNES a augmenté sa contribution de 10 millions d'euros dans le cadre du plan Phèdre, principalement consacré à l'éducation, à la recherche et à l'enseignement supérieur. Il n'y a donc pas de désengagement du CNES, bien au contraire !

Pêche au bar et 48e parallèle

M. Michel Canevet .  - Le Finistère est un haut lieu de la pêche de plaisance. Or au nord du 48e parallèle, on ne peut pêcher qu'un bar par jour à titre de pêche de plaisance ; au sud, le quota est de trois bars. Cela crée une situation d'injustice entre Bretagne nord et Bretagne sud. Une solution avait pu être trouvée pour le dernier trimestre 2018. Pour 2019, la période de pêche est limitée du 1er avril au 31 octobre : un bar au nord du 48e, trois au sud. Ne peut-on harmoniser, sachant que les stocks se sont reconstitués ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Je sais que vous êtes fin connaisseur des bars. Comme pour les autres espèces, le Gouvernement défend une gestion durable du stock.

Le Conseil international pour l'exploration de la mer (CIEM) a émis des avis scientifiques différents sur l'état des stocks de part et d'autre du 48e parallèle, d'où une règlementation plus restrictive en Bretagne nord, qui vaut tant pour la pêche professionnelle que de loisir. Cela pourrait évoluer en fonction de l'état des stocks, dans ce cas il en sera tenu compte.

La France n'a pas le droit de prendre des mesures plus souples que ce qu'imposent les règles européennes en la matière : s'il y avait harmonisation, ce serait sur les conditions les plus strictes. J'ai obtenu en décembre 2018 un assouplissement du cadre réglementaire pour la Bretagne nord, avec un bar par jour et par pêcheur entre le 1er avril et le 31 octobre, soit la période la plus fréquentée par les pêcheurs. C'est un progrès.

J'ai en outre décidé de confier à un parlementaire une mission sur la cohabitation entre pêche professionnelle et de plaisance.

M. Michel Canevet.  - Je m'en félicite et vous invite à vous rendre au Guilvinec pour vous imprégner de la situation sur place et de l'importance de ce secteur pour l'économie de la Bretagne occidentale.

Retournements de prairies

Mme Agnès Canayer .  - En Seine-Maritime, la complexité du réseau hydrographique et les nombreuses fissures favorisent l'infiltration des eaux de surface.

Le syndicat de bassin mixte de la pointe du Pays de Caux s'est doté de compétences pour prévenir les ruissellements et l'érosion. Des liens ont été noués avec les agriculteurs pour faire évoluer les pratiques et réaliser des aménagements d'hydraulique douce adaptés aux besoins. Cependant la question du retournement des prairies reste sensible.

L'arrêté du 13 novembre 2018 du ministre de l'Agriculture a supprimé l'avis consultatif préalable du syndicat de bassins versants pour le retournement des prairies permanentes, au motif que ceux-ci étaient inférieurs au seuil d'alerte du ratio national de 2,5 %.

Cette décision suscite de vives interrogations. Les acteurs réclament une stabilité du mode de calcul du ratio et une prise en compte des spécificités géologiques et agricoles du département. Un régime plus stable s'impose, pour un dialogue plus serein et une gestion concertée.

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Votre question est importante pour l'avenir de notre agriculture et le captage du carbone.

En 2018, les retournements de prairies étaient, en Normandie, soumis à autorisation individuelle : ce n'est plus le cas car ce régime dérogatoire, qui intervient quand plus de 2,5 % des prairies permanentes se dégradent, a permis d'augmenter la part des prairies en Seine-Maritime - nous supprimons cette autorisation préalable pour alléger les contraintes pesant sur les agriculteurs.

La transition agroécologique est une préoccupation partagée par tous. Nous avons fait le choix de la confiance aux agriculteurs pour préserver les prairies. Mais, en cas de gestion non durable, ce régime d'autorisation serait rétabli en 2020, assorti, le cas échéant, d'obligations de reconversion.

Mme Agnès Canayer.  - Soit, mais évitons les allers et retours de réglementation qui rendent difficile la gestion des prairies et privilégions le dialogue.

Je partage toutefois votre objectif de simplification des contraintes des agriculteurs.

Fonds d'accompagnement à la succession et à la transmission (FAST)

Mme Martine Berthet .  - Les jeunes agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes ont imaginé un fonds d'accompagnement à la succession et à la transmission (FAST) pour que les agriculteurs désirant céder leur exploitation à un jeune, bénéficient d'un accompagnement personnalisé incitatif et encadré durant les cinq années qui précèdent leur cessation d'activité effective.

Ce système repose sur des exonérations de charges de la mutualité sociale agricole (MSA), pouvant aller de 15 % à l'entrée du dispositif jusqu'à 75 % lors de la cessation d'activité. Il a été expérimenté en Savoie et pourrait être étendu à la région Auvergne-Rhône-Alpes, voire au niveau national.

Si des dispositifs existent dans de nombreux départements pour faciliter la transmission des exploitations, un tel fonds va plus loin et facilite, en particulier, l'acquisition progressive du capital. Aussi les jeunes agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes souhaitent-ils lancer une dizaine d'expérimentations FAST dans chacun des départements des Alpes du nord, secteur où la transmission est particulièrement difficile. La MSA a débloqué une enveloppe suffisante pour les mettre en place. Il ne leur manque que l'obtention de l'accord du Gouvernement.

Plus que le monde agricole, c'est toute l'économie rurale qui s'en trouvera dynamisée, l'arrivée de jeunes agriculteurs, par le renouvellement des activités, ayant un réel impact sur le commerce local, les entreprises et plus globalement les emplois.

La moitié au moins des agriculteurs d'aujourd'hui seront à la retraite dans dix ans. Il est donc urgent de les inciter à transmettre leur exploitation à des plus jeunes.

Comment le Gouvernement entend-il soutenir ce projet indispensable pour l'agriculture des Alpes du nord et plus largement pour l'ensemble de l'agriculture française ?

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Avec la transmission, nous parlons de l'avenir de notre agriculture tout entière. Le FAST, imaginé par les jeunes agriculteurs d'Auvergne-Rhône-Alpes, est intéressant mais les crédits d'action sanitaire sont destinés aux seuls agriculteurs en difficulté, et l'aide ainsi allouée aurait le caractère d'aide d'État au sens du droit européen et ainsi soumis à la règle de minimis...

Le soutien à la transmission des exploitations est l'un des objectifs du programme d'action décliné dans les régions, dit AITA, rénové en 2016, qui représente 13,5 millions d'euros par an issus de la taxe dite JA.

Le CNIT rendra un avis sur les actions mises en oeuvre à la fin de l'année.

Mme Martine Berthet.  - Les jeunes agriculteurs comptent sur vous, monsieur le ministre. Il est primordial que la transmission des exploitations soit facilitée.

La séance est suspendue à 12 h 40.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Déclaration du président du Sénat sur les violences faites à la République

M. Gérard Larcher, président du Sénat.  - Dans ces périodes de désarroi, chacun peut comprendre les souffrances exprimées. La crise que traverse notre pays depuis l'automne démontre les fractures auxquelles nous, élus nationaux et élus locaux, devons répondre : une fracture sociale, une fracture territoriale, une crise de confiance.

Face au malaise exprimé par nos concitoyens, chacun essaie de mieux écouter : c'est le cas des élus de proximité, des maires, des parlementaires, du Gouvernement.

Mais rien, et je veux le réaffirmer solennellement, rien ne justifie le recours à la violence. Rien ne justifie de bafouer l'État de droit. Rien ne justifie les provocations contre la République. Quand plus aucun symbole n'est respecté, comment s'étonner de la résurgence de comportements que nous pensions appartenir définitivement au passé ? La nausée que nous inspirent les actes antisémitisme tout comme les récentes profanations d'églises renforce notre détermination à ne jamais rien céder quand l'essentiel est en jeu.

Un certain nombre d'élus, députés, sénateurs, élus locaux, ont récemment été victimes d'agressions, de menaces et certains ont vu leurs locaux vandalisés.

Je veux exprimer ici la solidarité du Sénat à leur égard et adresser un message de soutien tout particulier au président de l'Assemblée nationale, notre collègue Richard Ferrand.

Attaquer des hommes et des femmes qui investissent une grande partie de leur vie dans la défense de l'intérêt général et qui s'engagent au service de leurs concitoyens, c'est nier la démocratie, c'est malmener la République. (Applaudissements prolongés sur tous les bancs)

Croissance et transformation des entreprises (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes et le vote par scrutin public solennel sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Explications de vote

M. Richard Yung .  - Cette loi a pour objectif d'aider les entreprises - et, surtout les PME et TPE, qui sont, comme chacun le sait, les maillons faibles de l'économie française - à se développer en simplifiant leurs vies administrative, fiscale et financière et en encourageant leur vocation sociale, conformément aux recommandations du rapport Notat.

Trois mois de débats préalables, un mois de consultation en ligne, débats à l'Assemblée nationale et au Sénat, examen de près de 1 000 amendements par notre assemblée, le travail a été sérieux et approfondi. Pas moins de 47 articles ont été adoptés conformes : sur le régime des VIE, sur les experts-comptables, l'agrément des entreprises solidaires d'utilité sociale, la procédure d'opposition aux brevets ou encore la représentation des femmes dans les fonctions exécutives des sociétés.

Moins bien, 43 articles ont été supprimés : sur la réforme de la gouvernance de Business France, la limitation à trois du nombre de mandats comme président de chambre de commerce et d'industrie, l'assouplissement du prêt interentreprises, la suppression de la délégation à la sécurité économique demandée unanimement par l'Assemblée nationale.

Le texte s'est enrichi de 47 articles nouveaux qui concernent l'adaptation de certaines interdictions d'usage du plastique et de certains produits phytosanitaires, l'ouverture des commerces de détail alimentaire le dimanche ou encore le réseau des chambres de commerce et d'industrie.

Des points de divergence subsistent avec l'Assemblée nationale : sur la suppression du stage préalable d'installation pour les artisans, la gouvernance de Business France, le relèvement de deux seuils sociaux... Ce sont des signaux négatifs envoyés par le Sénat au monde du travail. (On proteste sur les bancs du groupe Les Républicains.) Vous verrez, on vous demandera pourquoi vous avez voté cela !

S'agissant d'Aéroports de Paris, le Sénat a rayé d'un trait de plume les améliorations apportées par le rapporteur sur le cahier des charges et la régulation. (Nouvelles protestations sur les bancs du groupe Les Républicains)

La majorité ayant supprimé l'article 44 était pour le moins hétéroclite...

M. Bruno Sido.  - Et alors ?

M. Bernard Jomier.  - C'était l'intérêt général !

M. Charles Revet.  - C'est la preuve que c'était bien !

M. Richard Yung.  - Vous ne faites pas de politique, moi oui !

M. François Grosdidier.  - Ce n'est pas de la politique, c'est de l'idéologie !

M. Richard Yung.  - Rien ne sert de crier ! Cent vingt-quatre sénateurs Les Républicains, vingt RDSE, soixante-quatorze socialistes, seize CRCE, c'était l'Arche de Noé. (Huées sur les bancs des groupes Les Républicains, SOCR et CRCE)

M. le président.  - Revenons à bord.... (Sourires)

M. Richard Yung.  - Dans ces conditions, il me semble difficile d'arriver à un accord avec l'Assemblée nationale.

M. Rachid Temal.  - Avec le groupe En Marche ! (M. Martin Lévrier applaudit ; quelques huées à droite.)

M. Richard Yung.  - Nous n'avons toujours pas compris votre position sur la Française des Jeux.

M. Philippe Dallier.  - Pas grave !

M. Richard Yung.  - Je doute que cet hémicycle, sur ses deux bords, soit prêt à faire des compromis. Je le regrette profondément car ce texte comporte de nombreuses avancées pour les entreprises. Tel qu'il ressort des travaux du Sénat, le groupe LaREM ne peut pas le voter. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM)

M. Fabien Gay .  - (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Ce projet de loi de plus de 200 articles aurait pu être découpé en au moins 10 projets de loi, comme l'ont prouvé les nombreuses interventions sur les articles. Il y en a même une sur la privatisation d'ADP qui nous a donné le sentiment d'assister à un meeting macronien.

Nous, nous nous réjouissons que le bradage du monopole naturel qu'est ADP ait subi un temps d'arrêt et qu'une majorité d'idées se soit constituée pour le refuser. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; MM. Bruno Sido, René Danesi et Sébastien Meurant applaudissent également.) Nous avons défendu l'intérêt général. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs des groupes SOCR et Les Républicains) Oui, en France tout n'est pas à vendre, surtout pour aller engraisser quelques multinationales comme Vinci. Rendez-vous le 7 mars, chers collègues : nous vous proposerons de renationaliser les autoroutes !

Mme Éliane Assassi.  - Eh oui !

Mme Sophie Primas.  - Ce sera non !

M. Fabien Gay.  - Quant au Gouvernement, puisqu'il réfléchit à un référendum à questions multiples, qu'il sorte les privatisations de ce texte et interroge les Français, sur ce point ainsi que sur l'augmentation des salaires et le rétablissement de l'ISF.

Pour le reste, sous couvert de modernisation, vous détricotez le code du travail. C'est le nouveau western social où régnera la loi du plus fort. Sur plus de 200 articles, pas un seul ne crée de nouveaux droits pour les salariés. Comment comprendre que nos amendements se faisant l'écho de la crise sociale aient été balayés ? Hausse du Smic ? Pas à l'ordre du jour ! Hausse des salaires ? Pas à l'ordre du jour ! Le droit d'intervention des salariés ? Irrecevable ! Le conditionnement du CICE ? Pas de réponse ! L'encadrement des hauts revenus et des dividendes ? Vous n'y pensez pas, nous a-t-on répondu, ce serait instaurer le communisme dans notre pays.

Ce texte sert-il l'intérêt général ou les intérêts privés ? Deux heures de débat pour attirer une centaine de traders londoniens fuyant le Brexit, rien sur les relations entre les donneurs d'ordre et les PME sous-traitantes qui, elles, créent de l'emploi.

Ce texte fera des dégâts économiques considérables, à commencer par la casse des seuils sociaux. Le Medef l'avait rêvé, la droite ne l'avait pas fait, vous l'avez réalisé. (Rires sur les bancs du groupe Les Républicains) C'est d'autant plus dogmatique qu'en 2017, les 47 % d'entreprises interrogées par l'Insee plaçaient les seuils sociaux assez bas dans les freins à l'embauche, loin derrière les incertitudes de la conjoncture.

Dans le prolongement de la loi de financement pour 2019, vous multipliez les exonérations et supprimez quasiment le forfait social. Les cotisations sociales, qui sont là pour protéger le salarié, seraient des « contraintes », des « normes », des « obligations », dont il faudrait libérer les entreprises. Nous devrions pourtant être fiers de notre modèle social, le monde entier nous l'envie. Des salariés bien soignés sont compétitifs !

Enfin, beaucoup d'articles de ce texte tombent à plat. La discussion sur le partage des richesses se limite à l'intéressement et la participation, à une légère refonte de l'épargne retraite alors que Jean-Paul Delevoye mène actuellement la concertation préalable à la mise à mort du système de répartition. Et que dire du statut d'autoentrepreneur, dévoyé par les plateformes comme Uber pour exploiter des jeunes ? Heureusement, le juge est plus rapide que le législateur.

Votre texte, comme les cinq précédents qui touchaient à l'entreprise, ne règlera rien. Écoutez plutôt le pays qui vous dit : partagez le gâteau, partagez le gâteau, partagez le gâteau !

M. Bruno Sido.  - Quel gâteau ?

M. Claude Raynal.  - Et la cerise ?

M. Fabien Gay.  - Comme le dit Gibran Khalil Gibran : « Les fleurs du printemps sont les rêves de l'hiver, racontés le matin à la table des anges ». (On apprécie sur les bancs des groupes CRCE, SOCR et Les Républicains.) Que vienne vite ce printemps pour tous les peuples ! (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE et sur quelques bancs du groupe SOCR)

M. Martial Bourquin .  - Transformer notre économie, louable ambition mais encore faut-il s'entendre sur le diagnostic.

Le Sénat a obtenu la suppression de la privatisation d'ADP et de la Française des jeux (FDJ), c'est l'honneur de la gauche et de la droite de s'entendre pour garder dans le giron de l'État ses pépites. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et Les Républicains) Privatiser ces entreprises, c'est privatiser des rentes.

M. Jean-François Husson, rapporteur.  - Vous ne l'avez jamais fait ?

M. Martial Bourquin.  - Après l'échec de Notre-Dame-des-Landes, il peut certes y avoir la tentation de faire un cadeau à Vinci, mais ce serait contraire à l'intérêt général, (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR ; M. Bruno Retailleau applaudit également.) après les ratages stratégiques des autoroutes et de l'aéroport de Toulouse-Blagnac.

Ce texte est une occasion ratée. Le salarié doit être le sujet, non l'objet, de la transformation de nos entreprises.

À l'heure ou la sauvegarde de notre planète est une priorité, l'insuffisance de ce texte en matière de développement durable et les attaques contre l'économie sociale et solidaire sont incompréhensibles. Elles en disent long sur le caractère néo-libéral de ce texte. Vous demandez aux salariés de participer au financement de l'investissement sans prendre de mesures sur les dividendes du CAC 40, vous refusez de limiter les hauts salaires qui mettent à mal notre cohésion nationale.

La désindustrialisation de notre pays se poursuit et le Gouvernement n'a pas de politique industrielle. Et face au Made in China et au « Rendre sa grandeur à l'Amérique », il faut plus que jamais un État stratège ! Que fait l'Allemagne, après l'échec de Kuka ? Elle élargit les possibilités de blocage des acquisitions étrangères dans les entreprises. Nous, nous faisons l'inverse, nous nous désengageons !

Il faut plus que jamais débattre de ces questions et faire des choix. On veut nous imposer le tout-électrique, après le tout-diesel, en condamnant au passage le tiers de nos sites industriels.

Nous voterons contre ce projet de loi. Nous avons une plus haute ambition pour nos entreprises, nous voulons un État stratège omniprésent. De nouvelles régulations doivent s'imposer. Le programme Alstom doit être repris, proposons une solution française !

Les PME-TPE sont les grandes oubliées de ce texte. La mise en cause de l'allotissement, une avancée considérable proposée par l'Europe, est tout un symbole.

Nous sommes heureux d'avoir rejeté la privatisation d'ADP et de la FDJ. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Bruno Sido.  - C'est un peu facile !

M. Jean-Marc Gabouty .  - Le groupe RDSE a accueilli favorablement ce texte avec quelques réserves. Le champ très large de ce texte compromettait l'émergence d'une ligne directrice claire, les privatisations et les mesures sur la gouvernance de la Cour des comptes et de La Poste auraient dû faire l'objet d'un texte séparé.

Plus de liberté, de simplicité, d'efficacité : les débats ont-ils permis d'approcher ces objectifs ? J'en doute. Le Sénat a apporté des précisions utiles mais sur des points techniques.

La cession et la modification du régime juridique d'ADP, encadrés par la commission spéciale, ont été rejetées par notre assemblée après, il faut le reconnaître, quelques flottements. (M. Jean-Claude Requier le confirme.) Nous ne serons plus là pour faire le bilan de la concession dans 70 ans...

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances.  - C'est probable ! (Sourires)

M. Jean-Marc Gabouty.  - ... sur laquelle le Sénat s'est refusé de peser. La privatisation de la FDJ ayant été évacuée d'emblée par la commission, le Gouvernement se consolera avec la seule validation du retrait de l'État d'Engie. Tout cela est-il cohérent, je n'en suis pas certain ; on peut quand même se retrouver sur l'exonération du loto du patrimoine de toutes contributions ou prélèvements.

Sur les chambres de métiers, les débats ont été confus. Je ne suis pas sûr que le vote reflète réellement l'opinion majoritaire de cette assemblée... (M. Jean-Claude Requier le confirme.) La tendance à la centralisation régionale affaiblit les territoires périphériques sans gain d'efficacité.

Il y a des mesures positives dans le chapitre consacré à rendre les entreprises plus justes. Je regrette que le Sénat et le Gouvernement refusent l'intéressement obligatoire dans les entreprises de plus de dix salariés. Il s'imposera bientôt de lui-même, je suis prêt à le parier.

Le relèvement du seuil de 50 à 100 salariés est apparemment séduisant pour les entreprises. Cette disposition d'affichage, dont ses auteurs savent qu'elle ne sera pas retenue à l'Assemblée, contient quelques effets pervers : définir des mesures spécifiques pour les petites entreprises sera plus difficile, tous les salariés des entreprises de 50 à 100 salariés n'auront plus la garantie de bénéficier de la participation.

Autre regret, le report de 2020 à 2021 de l'application des relèvements des seuils de contrôle légal des comptes de sociétés. Ce n'est pas compréhensible pour les entreprises, reconnaissons que la profession de commissaire aux comptes est bien organisée... (Sourires)

Un excès de conservatisme, un excès de libéralisme, un excès de frilosité et beaucoup de perplexité, la majorité des membres du groupe du RDSE s'abstiendra. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; M. Julien Bargeton applaudit également.)

M. Philippe Adnot .  - Ce texte aurait gagné en cohérence avec un périmètre mieux ajusté. Grâce au travail de la commission spéciale et du Sénat, il a été amélioré sur de nombreux points, même si je regrette que certains sujets aient été écartés.

Le point fort du texte est la modification des seuils. Cette bouffée d'oxygène attendue par nos entreprises ne coûtera rien à l'État.

Les chambres consulaires ne voient pas reconnue leur liberté d'organisation ; elles seront incitées à facturer leurs services sans amélioration des prestations. Les entreprises paieront donc deux fois.

Je me réjouis que les privatisations n'aient pas été retenues ; on a vu, avec les autoroutes, les conséquences d'une privatisation mal maîtrisée.

Je regrette de ne pas avoir été suivi sur le brevet de qualité. La France n'a pas vocation à être le réceptacle des brevets de faible intérêt.

Enfin, nous avons été contraints de partir du texte du Gouvernement, non de celui de l'Assemblée nationale, à travers une application excessive de l'article 45 de notre Constitution. Monsieur le président du Sénat, il faudra y revenir car cela met en danger notre assemblée.

Je voterai le texte amendé. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.)

M. Michel Canevet .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains) Le groupe UC a abordé ce texte avec enthousiasme, dans un double objectif de liberté et de responsabilité. Je salue le travail de la présidente de la commission spéciale et de mes deux co-rapporteurs, Jean-François Husson et Élisabeth Lamure. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Le texte poursuit l'objectif d'orienter l'épargne vers les entreprises ; il comporte aussi un volet sur les entreprises plus juste, n'en déplaise à certains... (M. Fabien Gay esquisse un large sourire.) Sous cet aspect, c'est un texte fondateur.

Le projet de loi, sans apporter de contraintes supplémentaires, simplifie la vie des entreprises.

Les chambres consulaires sont très importantes dans l'irrigation du tissu économique territorial ; elles aident les entrepreneurs à créer des réseaux et sont aussi parfois un rempart protégeant les petits contre les gros, tentés de tout régenter.

Le groupe UC regrette, dans sa majorité, le refus de la privatisation d'ADP. Nous ne sommes pas dans une économie administrée. (Marques de lassitude sur les bancs du groupe CRCE) N'oublions pas la concurrence internationale. La privatisation aurait rendu ADP plus compétitif.

Mme Éliane Assassi.  - Il l'est déjà !

M. Michel Canevet.  - Pas suffisamment ! Concernant la responsabilité sociétale des entreprises, il fallait faire évoluer le droit. Même le Medef va se doter d'une raison d'être !

L'association « Produit en Bretagne », (Mme Françoise Gatel applaudit.) qui regroupe plus de 1 000 entreprises, a récemment tenu son assemblée générale. J'y ai entendu la volonté de se doter d'une raison d'être ; chez les entrepreneurs, il y a une prise de conscience de la place et du rôle des entreprises dans la société. Mieux répartir la valeur en faveur des salariés est important mais sans passer par la coercition, monsieur Gabouty.

Avec l'espoir que l'Assemblée nationale reprendra les apports du Sénat, le groupe UC votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur celui de la commission ; M. André Reichardt applaudit également.)

M. Emmanuel Capus .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants) Au nom du groupe Les Indépendants, je salue le travail de la commission spéciale, sa présidente et nos trois rapporteurs.

Je salue, monsieur le président du Sénat, votre condamnation de toute forme de violence. À la source de ces violences, se trouvent certains des problèmes que ce texte aspire à résoudre, notamment le sentiment qu'ont certains de nos concitoyens d'être les perdants de la mondialisation.

Ce texte fera respirer notre économie et restaurera la confiance dans la liberté d'entreprendre. Le relèvement des seuils sociaux à 100 salariés relâchera la pression normative sur les PME.

Un amendement de notre groupe généralise l'organisation des chambres de commerce et d'industrie autour d'un établissement unique de région tout en précisant les missions des chambres départementales. Je me réjouis que le Sénat se fasse le porte-voix des territoires, c'est notre devoir de ne pas ajouter au sentiment d'abandon qu'éprouvent certains par la loi.

Cependant, la position de notre assemblée sur certains sujets structurants n'apparaît pas clairement au terme de ces débats. Dans quelle mesure l'État doit-il intervenir dans l'économie ? Refus des privatisations d'ADP et de la FDJ, confirmation de celle d'Engie, pour moi, c'est le régalien qui doit relever de l'État.

M. Jean-Marie Bockel.  - Très bien !

M. Emmanuel Capus.  - Or en quoi l'énergie est-elle moins stratégique que le transport aérien ? Nous remplirions mieux notre rôle de législateur en définissant mieux les modalités des cessions d'actifs.

La transformation de l'économie ne se décrète pas, ce sont les entreprises qui la feront. À nous de leur donner des outils et de définir un cadre juste. La réduction du forfait social sur la participation et l'intéressement vont dans la bonne direction.

C'est en restaurant la confiance dans la société que nous dynamiserons notre économie en préservant la cohésion.

Le groupe Les Indépendants votera ce texte qui va dans le bon sens. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Indépendants et sur le banc de la commission)

Mme Sophie Primas .  - (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Je salue la qualité du travail de la commission spéciale.

Ce projet de loi aux intitulés ambitieux est présenté comme le grand texte économique du quinquennat. Par l'extrême diversité des sujets qu'il aborde et leur inégale importance, il ne provoquera pas le choc de compétitivité attendu.

Sur la forme, le texte est passé de 73 articles à près de 200 après son examen à l'Assemblée nationale. Résultat, beaucoup de dispositions sur des sujets majeurs ont échappé à une étude d'impact. Il en va ainsi de l'amendement anti-Huawei, déposé très tardivement par le Gouvernement au Sénat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Goy-Chavent applaudit également.) La solution doit être expertisée a minima ; en attendant, la rejeter est faire preuve de responsabilité.

Sur le fond, nous nous retrouvons sur de nombreux points. Beaucoup de scories normatives ont été supprimées par le Sénat, qui est allé plus loin dans la rationalisation des seuils.

Nous avons rendu l'épargne salariale plus attractive en alignant les taux dérogatoires du forfait social tant pour le plan épargne retraite que pour la participation ou l'intéressement.

Nous avons renforcé le poids des élus dans le conseil d'administration de la Poste et la protection des consommateurs dans le cadre de la fin des tarifs réglementés de l'énergie.

Des points de désaccord subsistent. L'imprécision du texte sur la raison d'être des entreprises était source de risques ; au demeurant, la RSE est déjà intégrée à notre droit. La loi doit être normative et non bavarde, sinon la jurisprudence prend le pas sur le pouvoir politique. (Marques d'approbation et applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Au terme d'un quasi-consensus, nous avons refusé la privatisation d'ADP et de la FDJ, tant les motivations du Gouvernement étaient peu convaincantes. Les dividendes peuvent certes fluctuer, mais le rendement des fonds de placement également ! Privatiser ADP, est-ce privatiser un monopole ? Quoi qu'il en soit, c'est une infrastructure stratégique. Il est imprudent de la laisser partir sans plus de garantie sur le mécanisme de cession des actifs. Qui peut prédire le sort du futur opérateur privé, « opéable » à merci ? Qui sera maître du ciel français ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

S'agissant de la FDJ, les réponses ont manqué sur le financement de la filière équine et sur l'aménagement du territoire. Nous avons accepté la réforme de la fiscalité des jeux et des paris sportifs en ligne.

Le groupe Les Républicains votera le texte issu de nos travaux. Beaucoup reste à faire en matière de compétitivité. Or la France reste championne des prélèvements obligatoires, le déficit commercial se dégrade et les promesses de baisse de l'impôt sur les sociétés risquent de se briser sur le mur jaune des réalités sociales... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC)

Scrutin public solennel

M. le président.  - Je remercie à mon tour la présidente de la commission spéciale, ses rapporteurs et l'ensemble de ses membres. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC)

Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises.

La séance, suspendue à 15 h 35, reprend à 16 h 5.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°54 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 324
Pour l'adoption 206
Contre 118

Le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur quelques bancs du groupe UC)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Scrutin difficile à décrypter : ceux qui étaient pour le texte initial du Gouvernement ont voté contre, ceux qui étaient contre ont voté pour ! (On s'en défend sur les bancs du groupe CRCE.)

Dans cette obscure clarté qui tombe des étoiles, une chose est certaine : la qualité du travail de la présidente de la commission spéciale, que je remercie, et des trois rapporteurs, que je remercie également. (Applaudissements depuis les bancs du groupe Les Républicains jusqu'aux bancs du groupe LaREM ; Mme Nelly Tocqueville applaudit également.)

Durant ces longues heures de discussion, nous avons fait oeuvre utile. Je souhaite que les améliorations proposées par M. Husson sur l'encadrement des privatisations puissent être intégrées au texte définitif. (Applaudissements depuis les bancs du groupe Les Républicains jusqu'aux bancs du groupe LaREM)

Ce texte est essentiel pour notre économie. Je peux tout entendre, mais pas que le projet de loi Pacte ne serait pas une bonne nouvelle pour les salariés ! La simplification de l'épargne salariale, le développement de l'actionnariat salarié, la protection renforcée des femmes collaboratrices, l'accès à l'intéressement et à la participation pour dix millions de salariés grâce à la suppression du forfait social ne seraient donc pas de bonnes nouvelles pour les salariés ?

Le projet de loi Pacte permettra à ceux qui travaillent de vivre plus dignement de leur travail. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC ; M. Fabien Gay et Mme Laurence Rossignol protestent.)

Pour les entrepreneurs, c'est un texte essentiel. Guichet unique pour la création d'entreprise, simplification des procédures administratives, allégement de charges coûteuses, alignement sur les règles européennes en matière de contrôle des comptes. Les procédures françaises ne doivent pas être plus strictes que celles auxquelles sont soumis nos concurrents européens. (M. Loïc Hervé approuve.)

Nous simplifions les seuils sociaux. Une entreprise qui franchira la barre des 50 salariés ne se verra imposer aucune obligation supplémentaire pendant cinq ans. Je suis convaincu que cela débloquera les embauches. Le passage d'une dizaine de seuils à trois - 11, 50 et 250 salariés - est une simplification majeure.

Aucune obligation dans ce texte, que des facultés. Ainsi de la raison d'être, que les jeunes entrepreneurs que je rencontre me disent souhaiter. Pour eux, l'entreprise ne se limite plus à la création de profits, elle doit répondre à des attentes sociétales, rendre la société plus juste. La raison d'être, c'est l'avenir de l'entreprenariat ! La France peut donner l'exemple en la matière. Avec Jean-Dominique Senard, avec Nicole Notat, avec des parlementaires, je me suis battu pour que l'économie française prenne du sens.

Ce texte est essentiel pour l'innovation, dont dépendra notre capacité à nous réindustrialiser. Je peux tout entendre, monsieur Bourquin, mais pas que nous n'aurions pas de politique industrielle. Partageons plutôt la fierté des industriels français qui, pour la première fois en dix ans, ont recréé des emplois industriels et rouvert des entreprises. (Applaudissements sur le banc de la commission et sur ceux du groupe LaREM, ainsi que sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

Oui, il faut donner davantage de perspectives à l'innovation. D'où l'intérêt des mesures visant à renforcer le brevet français.

Je maintiens que la privatisation d'ADP, d'Engie et de la FDJ - activités qui peuvent être traitées de manière encadrée par des acteurs privés - est indispensable pour financer le fonds d'innovations de rupture qui investira dans les technologies nouvelles.

Au XXIe siècle, il y aura des vainqueurs et des vaincus : dans le premier camp, les nations qui auront investi dans l'intelligence artificielle, qui auront la maîtrise des algorithmes, des logiciels et des données ; dans le second, celles qui auront préféré gérer des rentes. Je préfère que notre pays soit dans le camp des vainqueurs. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs des groupes Les Républicains et UC)

M. le président.  - Merci, monsieur le ministre, vous avez été très présent et proactif durant ces débats.

La séance est suspendue à 16 h 15.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 16 h 25.

Nominations à une éventuelle CMP

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que des candidatures ont été publiées pour siéger au sein de l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Ces candidatures seront ratifiées si la présidence n'a pas reçu d'opposition dans le délai d'une heure prévu par notre Règlement.

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et du projet de loi organique relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.

Discussion générale commune

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Cette nouvelle lecture intervient après l'échec en commission mixte paritaire, qui a traduit des divergences fortes entre les deux assemblées.

En première lecture, le Sénat s'était éloigné des propositions du Gouvernement. Je n'irai pas jusqu'à dire que deux projets s'affrontaient car ce serait caricatural, mais nous n'avons pas pu trouver de solutions communes sur des points essentiels. Dès lors, l'accord était impossible.

Nous partageons pourtant l'ambition de donner à la justice les moyens de remplir son office. Si les moyens sont essentiels, ils ne suffisent pas. Sur le plan budgétaire, nous venons de très loin. Le Gouvernement y a répondu : le budget progresse de 24 % en cinq ans et prévoit 6 500 emplois supplémentaires.

Mais la justice a besoin de s'adapter aux situations actuelles, sans renier ses principes fondamentaux. Dire cela, ce n'est pas vouloir lui imposer une logique comptable d'économies de gestion, la déshumaniser, la robotiser ou l'éloigner du justiciable. Ces considérations relèvent plus du slogan que de l'analyse rigoureuse.

Ce qui me préoccupe, c'est la défiance des Français envers une justice qu'ils trouvent trop éloignée, trop lente et inefficace, malgré le dévouement des magistrats et fonctionnaires du ministère.

Je mesure les attentes des professionnels de la justice avec lesquels j'ai beaucoup dialogué et comprends leurs inquiétudes.

Des compromis ont été apportés au cours de l'élaboration du texte et de son examen. L'Assemblée nationale a fait évoluer le texte, avec mon soutien. Elle a préservé les avancées du Sénat sur les services en ligne, le renforcement des obligations des plateformes ou la suppression de la représentation obligatoire devant les tribunaux paritaires des baux ruraux et inscrit dans la loi l'expérimentation de la procédure de révision des pensions alimentaires, là où le Gouvernement demandait une habilitation.

D'autres évolutions ont été apportées en nouvelle lecture : le délai pour se constituer partie civile a été maintenu à trois mois, après une plainte restée sans réponse. Citons aussi un meilleur encadrement de l'expérimentation relative aux pensions alimentaires, une clarification de la répartition des contentieux spécialisés, des éléments relatifs à la consultation des conseils de juridiction, ou encore la limitation du champ d'application de la composition pénale.

Le texte a donc évolué très sensiblement. La majorité et le Gouvernement en ont cependant préservé les lignes de force, et c'est là que nous divergeons.

Sur le plan budgétaire d'abord, le Gouvernement a une approche ambitieuse et réaliste, tenant compte des contraintes des finances publiques et de notre capacité à réaliser des équipements sur les cinq ans de la loi de programmation. Ce projet de loi préserve un équilibre entre les moyens des juridictions judiciaires et de l'administration pénitentiaire.

Sur le plan de la procédure civile, nous cherchons à simplifier l'accès à la justice et à recentrer le juge sur son coeur de métier. J'ai regretté que votre assemblée soit revenue sur le recours au numérique et la dématérialisation, qui étaient encadrés par des garanties essentielles d'accès au droit et à une justice humaine. Nous avions d'ailleurs introduit des mesures demandées par les avocats.

Nous sommes réalistes, car le développement des plateformes est une évolution inéluctable : il faut tenir compte de l'économie du Net et apporter des garanties réelles aux justiciables.

Nous avons aussi des divergences sur la procédure pénale. Les réformes, depuis un quart de siècle, ont renforcé la capacité d'action du parquet en maintenant les droits de la défense. L'originalité de ma démarche tient au fait qu'elle s'appuie sur les propositions des acteurs de terrain : policiers, magistrats du parquet et du siège.

J'assume ma volonté de mieux protéger les Français tout en améliorant la garantie des droits. Le Conseil d'État a confirmé que cette garantie était apportée. Au renforcement du pouvoir des enquêteurs répond un contrôle des magistrats sur les actes d'enquête. Le contrôle du juge des libertés et de la détention n'est pas que formel.

Le Sénat a modifié ce texte dans un sens parfois éloigné des attentes exprimées par les juridictions, les enquêteurs et les justiciables. En tout état de cause, nos concitoyens demandent que le droit à la sécurité soit pleinement garanti, dans les principes de l'État de droit.

La peine de prison ne doit plus être la seule peine de référence. Ceux qui le méritent doivent être effectivement incarcérés ; pour d'autres, elle est inutile, désocialisante et source de récidive. Je plaide pour des peines réellement exécutées, dans des lieux d'incarcération diversifiés, et un suivi individualisé des détenus.

Si le Sénat partage nos objectifs -  je l'ai souvent entendu dire  - son point de vue opérationnel diverge. La prison, pour vous, demeure l'horizon pour les plus petits délits, là où nous proposons une approche par paliers. Ainsi, vous ne souhaitez pas faire du bracelet électronique une véritable peine. Avec la peine de probation autonome, le Sénat s'inscrit dans la lignée de la contrainte pénale, qui n'a pourtant pas eu les effets attendus. Je propose de lui substituer le sursis probatoire, mêlant contrainte pénale et sursis avec mise à l'épreuve.

Je veux rendre l'organisation des juridictions plus lisible tout en maintenant tous les lieux de justice, au nom du principe de proximité. Nous nous retrouvons pour créer un tribunal unique de première instance, dénommé tribunal judiciaire par l'Assemblée nationale. En revanche, vous avez écarté la possibilité de projets locaux pour répartir les contentieux spécialisés entre tribunaux.

L'habilitation demandée par le Gouvernement pour réformer la justice des mineurs a suscité des critiques. Je le comprends. Le temps de la ratification sera pleinement employé pour que les deux chambres débattent et modifient, le cas échéant, le texte du Gouvernement. Je reste déterminée pour faire aboutir cette réforme, à quoi ont échoué deux majorités successives.

Le Gouvernement prend acte des positions de chacun. Je ne déposerai donc pas d'amendements pour revenir aux dispositions votées à l'Assemblée nationale.

Cela nous éloigne pour un temps mais je sais qu'à terme nous nous retrouverons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe UC)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois .  - (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; M. Alain Fouché applaudit également.) Madame la ministre, vous avez réduit notre analyse à une politique du slogan. Ne vous en déplaise, elle a été rigoureuse ! Merci de respecter notre travail. Nous pouvons tout entendre mais pas tout accepter. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains et UC ; MM. Jean-Pierre Sueur et Jacques Bigot applaudissent également.)

Nous avons une vision différente de la vôtre. Nous pensons que notre justice a besoin d'une remise à niveau, budgétaire d'abord. Nous avons besoin de places de prison pour rétablir l'encellulement individuel, d'une meilleure gestion pénitentiaire, d'une palette de sanctions pénales adaptée et efficace. La prison n'est pas la seule solution, nous l'avons dit, écrit.

Nous voulons une justice civile à portée des justiciables. Nous ne sommes pas contre les plateformes numériques ; nous avons demandé leur certification, vous l'avez refusée.

Nous ne refusons pas toute évolution en matière de divorce pour faute, mais la conciliation nous paraissait utile. Vous avez balayé nos arguments, au prétexte du trop grand nombre d'affaires. Nous pensons aussi que la fixation de la pension alimentaire revient au juge, et non à un directeur de la fonction publique.

Nous pensons pouvoir regrouper les tribunaux d'instance et les tribunaux de grande instance, mais pas au prix d'une désertification des territoires, d'où la spécialisation proposée. La justice au service de nos concitoyens, c'est aussi de l'aménagement du territoire.

Vous avez encore refusé les évolutions consensuelles que nous proposions en droit commercial. En matière pénale, nous acceptons l'expérimentation du tribunal criminel de première instance mais demandions que l'avocat soit informé en cas de perquisition - vous l'avez refusé. De même, nous voulions réserver les procédures d'enquête exorbitantes aux peines punies de plus de cinq ans de prison.

Vous avez fait le choix d'une exotique procédure à délai différé, permettant de transférer les enquêtes préliminaires non bouclées au tribunal correctionnel tout en maintenant la possibilité d'un mandat de dépôt, alors que vous dites vouloir vider les prisons ; nous sommes en désaccord avec ce choix.

Regardons si le tribunal de première instance fonctionne. Nous avons tenté d'être constructifs, mais le Gouvernement a refusé toutes nos propositions. Sur la justice pénale des mineurs, vous auriez pu déposer un projet de loi spécifique, dont nous aurions débattu.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Exactement !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Mais vous avez préféré demander une habilitation qui ne vous contraint guère.

L'Assemblée nationale a également introduit la fusion des greffes des prudhommes et du tribunal d'instance ; pour avoir auditionné les greffiers, nous y sommes opposés.

Les mesures introduites sur la procédure des tutelles modifient, par petites touches, le droit sur un sujet sensible.

Ce sera le texte du Gouvernement, rien que le texte du Gouvernement, nous ont dit les députés de la majorité en CMP. Fermez le ban, la messe est dite !

Nous n'avons pas souhaité déposer de question préjudicielle pour réaffirmer nos positions. Avocats, magistrats, greffiers ont dit à l'unisson leur opposition à ce texte et salué les apports du Sénat ; vous nous dites à nouveau ne rien vouloir changer. Dans un monde qui bouge, dans un France qui doute, vous refusez l'apaisement. D'autres ministres, d'autres gouvernements s'étaient montrés plus ouverts, y compris dans un passé récent...

Nous avons fait le choix de conserver les petites avancées opérées par l'Assemblée nationale, de rejeter ses ajouts et de réintroduire ce que nous pensions juste en matière civile ou pénale. Les moyens budgétaires doivent également être remis à niveau.

Voilà la position de notre commission. Le ministère de la justice, longtemps parent pauvre de notre administration, doit être réformé, à condition que les justiciables y trouvent leur compte. C'est le gage d'une justice acceptée, respectée, apaisante et garante du lien social. (Applaudissements sur tous les bancs, à l'exception de ceux du groupe LaREM)

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°101, présentée par M. Masson.

En application de l'article 44, alinéa 3 du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice (n°288, 2018-2019).

M. Jean Louis Masson .  - Ce projet de loi ne prend pas en compte le problème fondamental de notre justice, celui du manque de moyens. Vous n'êtes certes pas responsable de l'héritage des deux derniers quinquennats, madame la ministre, mais reste que pour réformer, il faut des moyens ! Or les tribunaux manquent de secrétaires pour taper les jugements, de crédits pour payer traducteurs ou experts... Certains juges d'instruction, nommés pour deux ans, n'ont même pas le temps d'ouvrir certains dossiers. Et ce sont les justiciables, M. Dupont ou Mme Durand, qui en font les frais. Au mieux, on ouvre le dossier pour le refermer illico, histoire d'éviter la prescription !

Cette situation ne peut plus durer. Il faut prendre le problème à bras-le-corps. Ce que je dis là, je l'ai dit à Rachida Dati, qui n'a pas fait mieux. Ce n'est pas une question partisane, c'est un constat de fait. Moi qui suis totalement indépendant, je puis voter une bonne mesure d'où qu'elle vienne. J'ai ainsi voté la fin du cumul des mandats pendant le quinquennat de François Hollande.

Votre projet de loi me rappelle la loi NOTRe, qui pensait réaliser des gains de productivité énormes en formant des régions démesurées.

Spécialiser les cours d'appel, c'est comme créer les intercommunalités tout en assurant que les communes sont importantes, comme le faisait Nicolas Sarkozy ! Ce que vous faites ne vaut donc pas mieux que ce qu'a fait Mme Dati : vous éloignez le justiciable de la justice.

Du reste, vous prolongez l'action de Mme Dati qui avait déjà prévu que dans chaque région, une cour d'appel organise la gestion des affaires. C'est le point de départ d'une centralisation régionale que nous voyons à l'oeuvre dans le Grand Est. Et cela dans le cadre de régions démesurément étendues. Le Grand Est est plus grand que la Belgique, plus grand que les trois länder allemands qui le bordent. Le pauvre justiciable de Troyes est en une heure à Paris mais il lui faut quatre heures de train pour aller à Strasbourg !

M. Bruno Sido.  - Au moins !

M. Jean Louis Masson.  - Tout cela vaut aussi pour les TGI et la justice de proximité. L'effet sera désastreux pour les gens modestes, sans améliorer le fonctionnement d'une justice qui a besoin de moyens et non de réformes.

Face à cela, deux possibilités : voter... avant de hurler, comme pour la loi NOTRe, ou être clair et voter contre, d'emblée. Je n'ai pas voté la loi NOTRe, ni votre projet de loi en première lecture, et je ne le voterai pas en nouvelle lecture.

D'où cette question préalable, qui exprime une position claire. Fussions-nous deux ou trois à la voter, nous aurons marqué notre position. (Mme Claudine Kauffmann et M. Pierre-Yves Collombat applaudissent.)

M. François Bonhomme.  - Splendide isolement !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable bien sûr. Le Sénat veut que le texte issu de ses travaux soit voté : c'est la version sénatoriale de la réforme de la justice.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Monsieur Buffet, en parlant de slogans, je faisais référence aux expressions de justice déshumanisée ou robotisée que j'ai beaucoup entendues sans qu'elles soient argumentées mais, certes, jamais dans votre bouche.

Monsieur Masson, vos arguments ne sont pas recevables. Une augmentation de 24 % du budget sur le quinquennat, c'est sans précédent. Cela a permis, fin 2018, de régler l'ensemble des frais de justice en souffrance.

Cent magistrats supplémentaires seront affectés aux juridictions cette année ; les manques portent désormais surtout sur le greffe.

Quant au refus de la réforme, il n'est pas tenable dans un monde qui change - et l'on ne peut ajouter toujours des moyens, sans s'assurer de leur usage, sans évaluer leur utilité.

Enfin, je le redis : aucune cour d'appel ne sera fermée. Vous parlez d'une cour d'appel par région : les bras m'en tombent ! C'est écrit nulle part sinon par quelque fantasmagorie !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le groupe CRCE aurait pu, lui aussi, déposer une question préalable.

Mme Belloubet a réussi à faire mieux que Mme Dati. Que de sophismes ! Oui, il faut contrôler l'utilisation des moyens, mais à quel rang la France se place-t-elle pour les moyens consacrés à la justice ? Que faites-vous de ces tribunaux qui fonctionnent encore de bouts de ficelle ? Vous dites encore qu'être contre l'informatisation qui s'accompagnerait d'une diminution des emplois, ce serait être contre la modernisation de la justice : encore un sophisme !

S'il est bien un secteur fondamental de la République en péril, c'est la justice. Votre texte n'a rien de nouveau, c'est la continuation des politiques précédentes, en pire. (Mme Sophie Joissains applaudit.)

La question préalable n'est pas adoptée.

Discussion générale commune (Suite)

Mme Éliane Assassi .  - Le 30 janvier, la commission des lois a organisé une table ronde avec les représentants des catégories de personnels de la justice. Une déclaration commune y a été lue, soulignant que ce texte entérine l'affaiblissement de la justice, que les femmes et les hommes qui la portent sont à bout.

Notre pays consacre 0,20 % de son PIB à la justice contre 0,31 % en moyenne en Europe ; il est 37e sur les 46 membres du Conseil de l'Europe. Comment expliquer qu'un procureur français ait 3 450 procédures à traiter par an, contre 578 en Europe ?

Vous direz, madame la ministre, que le budget augmente de 24 %... au bénéfice, surtout, de l'administration pénitentiaire. Il faut certes plus de moyens pour les prisons, mais pour désengorger les prisons, - pardon de cette lapalissade - il faut d'abord cesser de voter des lois qui entraînent la surpopulation.

La centralisation du dispositif des injonctions à payer, la mise à mort des tribunaux d'instance relèvent de la même logique, habituelle face aux services publics : on privatise, on dématérialise, au détriment du personnel et des usagers.

Le Sénat a eu des apports heureux en matière civile ; dans le domaine pénal, c'est le tout-répressif qui domine.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Oh non !

Mme Éliane Assassi.  - Je vous assure ! Punir serait-il la seule fonction de la justice ? Rien, hélas, pour plus de réinsertion, plus d'apaisement.

En revanche, le groupe CRCE se félicite de la suppression de l'habilitation à modifier l'ordonnance des mineurs de 1945. Il faut un projet de loi.

La justice doit évidemment faire partie intégrante du prétendu grand débat national. L'égalité face à la justice est une question de démocratie. L'accès au droit n'est pas le même pour les riches et les pauvres, et les robes noires se sont mobilisées aux côtés des gilets jaunes pour défendre l'accès de tous à la justice, le service public.

Ce projet de loi exige une opposition franche. Le groupe CRCE votera donc contre. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE)

M. Jacques Bigot .  - L'Assemblée nationale a, sans coup férir, rétabli le texte du Gouvernement. C'est bien celui-là que nous voyons revenir, celui qui a pourtant été repoussé par toute l'opposition, qu'elle soit de droite ou de gauche à l'Assemblée nationale - alors qu'au Sénat, nous étions parvenus à des points de consensus, dans l'intérêt de la justice et des justiciables.

Quand, sur le terrain, les organisations professionnelles, rarement d'accord, arrivent à organiser ensemble une manifestation contre ce texte, quand la droite et la gauche s'y opposent, le Gouvernement doit se poser la question : peut-il avoir raison contre tous ? À l'heure d'un grand débat voulant apaiser la colère de ceux qui dénoncent une technocratie qui croit qu'elle a toujours raison, c'est grave.

Il y a deux projets : une ambition pour la justice... et le vôtre, qui certes apporte des moyens mais, surtout, gère la pénurie. C'est bien ce que les organisations professionnelles vous reprochent. Dans un État de droit, il est logique que chacun veuille faire valoir ses droits. Il est normal que le nombre de conflits augmente : familiaux, de consommation, entre particuliers ou entreprises. Notre justice n'est pas à la hauteur des besoins d'une société moderne et le fossé va continuer de se creuser. L'Allemagne, elle, consacre le double de la France à sa justice par habitant ! La solution est-elle de dissuader le recours à cette justice ? Je ne le crois pas.

Nous ne sommes pas contre la numérisation. Oui, il faut trouver des systèmes informatiques plus performants et, oui, la médiation comme la conciliation vont, grâce à internet, pouvoir trouver de nouveaux développements. Mais pourquoi refusez-vous ce que nous vous proposions déjà en première lecture, la certification des agences habilitées à intervenir ?

Même chose pour l'organisation territoriale de la justice. Vous avez raison de répondre à M. Masson : pour l'instant, aucune fermeture de cour d'appel n'est prévue...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ça viendra !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je n'ai pas dit : « pour l'instant ».

M. Jacques Bigot.  - ... mais l'inquiétude est là, et vous n'en tenez aucun compte !

Quant à la fusion de tribunaux d'instance au sein des tribunaux de grande instance, nous y sommes favorables, mais il faut rassurer les territoires. Les juges des enfants, des affaires familiales, doivent pouvoir recevoir les justiciables dans de bonnes conditions.

La spécialisation des tribunaux de grande instance, elle aussi, inquiète, parce qu'elle semble augurer d'une volonté de suppression, comme en témoigne le regroupement des greffes des tribunaux d'instance et prud'hommes.

Sur la justice pénale, la vision fait défaut. Vous refusez la peine de probation.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Non, pas du tout !

M. Jacques Bigot.  - Vous expliquerez cela plus tard. Vous préférez la détention à domicile qui devient une peine en soi. C'est de la gestion de la pénurie.

Vous donnez le sentiment d'être partie de vos certitudes, et de vous y tenir. Vous refusez de débattre, dans une période de « grand débat ». Voulez-vous convaincre sans débattre ? C'est ce que font le président de la République, le Premier ministre, les ministres, qui vont parler dans les débats pour convaincre, pour expliquer ce que le Gouvernement fait, mais qui écoutent très peu.

Les organisations syndicales, plutôt à gauche, ont salué le travail du Sénat - il est vrai que celui-ci les a écoutées, alors que Gouvernement et Assemblée nationale refusent d'entendre. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOCR et CRCE et sur quelques bancs du groupe UC)

Mme Maryse Carrère .  - Merci à nos deux rapporteurs pour leur investissement. Avant même les mobilisations, le Sénat avait identifié les problèmes. Toutes les réformes sont difficiles, certes, lorsqu'elles touchent de nombreux acteurs - c'est particulièrement le cas ici, puisque la justice concerne tous les Français.

Mais notre rôle est de protéger l'égalité de tous les justiciables. Notre Haute Assemblée ne se cantonne pas pour autant dans le conservatisme.

L'effort consenti devrait permettre d'améliorer les conditions de travail. Peut-être aurait-il fallu s'en tenir à cet engagement budgétaire avant d'entamer de nouvelles réformes, sur autant de chantiers ? Car la multitude des effets que vos propositions engendrent, empêche de les anticiper.

Ce texte aborde de nombreuses matières : médiation, conciliation, justice civile, procédure pénale, justice pénale des mineurs qui aurait justifié un projet de loi distinct...

Le développement des techniques spéciales d'enquête, qui ne feront l'objet que d'un contrôle formel des juges, inquiète. Nous prenons acte de votre engagement sincère de sauvegarder des lieux de justice au plus près des justiciables - mais cela engage-t-il vos successeurs ? La version de la commission des lois est plus rassurante.

S'agit-il de rendre justice ou de limiter les interactions avec les justiciables ? Les plateformes en ligne serviront probablement de miroirs aux alouettes des plus modestes - les mieux informés continueront à saisir la justice directement. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE ; Mme Sophie Joissains applaudit également.)

M. Jean Louis Masson .  - Partout dans la fonction publique, on favorise la mobilité - gage d'expérience, donc de compétence. Pour la justice, il y a une autre nécessité : l'indépendance des juges par rapport à un contexte local. Après vingt ans, difficile de s'affronter à différents liens qui se créent nécessairement, difficile d'éviter certaines influences.

Certes, les magistrats ont une obligation de mobilité - mais entre des fonctions différentes seulement. Le deuxième impératif, qui implique un changement géographique, n'est pas pris en compte.

De nombreux magistrats peuvent enchaîner les postes sans déménager. Comment, après trente ans, échapper aux affinités ou aux réseaux d'influence plus ou moins occultes ? Il y va de l'indépendance de la justice : il faudra en débattre.

Mme Sophie Joissains .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) La justice est le troisième pouvoir décrit par Montesquieu qui, faute de moyens suffisants, peut broyer des vies et faire basculer un système politique en dehors de la démocratie. Ce pouvoir régalien doit être accessible à tous, il ne saurait relever que d'une logique comptable.

En première lecture, le Sénat a fait des améliorations utiles : il a créé 13 500 emplois, au lieu de 6 500 prévus par le Gouvernement. Il a limité les pouvoirs du procureur en garantissant ceux du juge et la collégialité de la chambre de l'instruction.

Les juges sont surchargés - leur attention ne peut être la même à la vingtième ou à la trentième affaire de la journée - j'aurais préféré une limitation des formations en juge unique.

Dans ce projet, la logique inquisitoire se substitue à la logique accusatoire et les droits de la défense se réduisent toujours davantage. Or le parquet n'est pas une autorité judiciaire au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales - les condamnations de la France devant la CEDH en témoignent et nous continuerons d'être condamnés à ce titre tant que nous n'aurons pas révisé notre Constitution. Avant cela, il ne faut pas confier au parquet toujours plus de prérogatives, ni le rendre seul décisionnaire sur des techniques d'enquêtes intrusives et privatives de libertés individuelles.

La déjudiciarisation sera coûteuse pour le justiciable qui sera à la merci d'escrocs sur internet. Le juge de paix est passé aux oubliettes. Les professionnels du droit sont très inquiets face à - oui, madame la ministre - une déshumanisation de la justice. Leur unanimité est très inhabituelle mais elle a été évidente à la table ronde organisée par le Sénat.

Certaines juridictions transformées en chambres seront inexorablement fermées, malgré votre sincérité certaine.

Face à ce projet de loi rejeté par l'ensemble des professionnels du droit, je salue les efforts du président Bas pour parvenir avec vous à un compromis. (M. Philippe Bas, président de la commission, remercie.)

La justice doit faire partie des sujets évoqués dans le grand débat. Ne pas en parler est anti-démocratique. Tout est encore possible. Vous pouvez encore entendre le Sénat, les professionnels de la justice, les citoyens.

L'Assemblée nationale a d'office rétabli le texte du Gouvernement, balayant nos améliorations. La pratique du bicamérisme change de manière inquiétante. Les CMP ne parviennent plus guère à s'entendre. L'usage de la procédure du dernier mot, utilisée pour 12 % des textes de 1958 à octobre 2017, concerne désormais 37 % des textes : c'est très inquiétant, de même que le recours aux ordonnances, sur la justice pénale des mineurs par exemple.

Écoutez les voix unanimes qui s'élèvent, madame la garde des Sceaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur quelques bancs du groupe Les Républicains)

M. Alain Marc .  - La commission des lois a organisé fin janvier une table ronde pour trouver des solutions d'avenir en écoutant les professionnels de la justice, au-delà des clivages. C'est cet esprit de compromis qui assure toute sa qualité aux travaux du Sénat. Cet esprit l'a conduit à conserver les ajouts pertinents de l'Assemblée nationale.

La commission des lois a rétabli l'augmentation des crédits de 33,8 % et la création de 13 700 emplois - l'Assemblée nationale ayant fixé une trajectoire notoirement insuffisante.

La commission des lois a mieux encadré le recours aux modes alternatifs de règlement des différends, notamment grâce à l'agrément obligatoire. Elle a conservé la conciliation dans la procédure de divorce.

La fusion des tribunaux d'instance et des TGI inquiète les professionnels, la commission des lois a pris des garanties susceptibles de les rassurer. Les modifications de la carte judiciaire seront encadrées, avec un avis public du président du conseil départemental.

Le groupe Les Indépendants votera pour les deux textes ainsi modifiés. (Applaudissements sur les bancs du groupe UC et sur celui de la commission)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - Nous avons tenté de nous accorder avec l'Assemblée nationale, en vain !

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Hélas !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Ces deux textes ont évolué au cours de la concertation avec les représentants des milieux judiciaires, mais une opposition semble s'être cristallisée.

La table-ronde organisée par la commission des lois était destinée à « tenter de renouer le dialogue », mais le dialogue n'a jamais été rompu ; madame la ministre, vous avez eu des échanges nourris qui ont fait considérablement évoluer les textes. Ainsi des plateformes de conciliation, de la simplification du divorce contentieux, de la généralisation des règles de protection des avocats en cas de perquisition ou de l'encadrement du rôle des CAF en matière de pension alimentaire. Ces compromis ont été qualifiés de reculs... C'est à n'y rien comprendre.

Vous n'avez cessé de chercher à rassurer les professionnels sur les fusions. Le texte offre la possibilité de spécialiser un tribunal pour les contentieux à forte technicité et, j'insiste sur cette conjonction de coordination, de faible volume.

Le dépôt de plainte en ligne est bienvenu pour les justiciables intimidés par une procédure physique ou, croyez-en mon expérience, pour les avocats.

Je regrette que vous ayez choisi l'ordonnance pour la réforme de la justice pénale des mineurs, que je souhaite toutefois. Le Parlement n'aurait pas dû être dessaisi ab initio. Inspirez-vous à tout le moins des travaux de la mission d'information sénatoriale ou des députés sur le sujet.

Malgré nos divergences, j'avais formé le voeu que le débat continue à l'Assemblée nationale. Nous souscrivons tous à l'objectif d'une justice plus simple. J'espère que des compromis raisonnables pourront être trouvés sur certains sujets, notamment la limitation de l'entonnoir de certaines techniques spécifiques d'enquête.

Le groupe LaREM s'abstiendra donc.

Mme Sylviane Noël .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le projet de loi dit vouloir répondre au manque d'équité de notre société, mais la réforme ne tient pas compte des caractéristiques géographiques de notre pays, indivisible mais pas uniforme.

Prenons la carte judiciaire. Sa modification est vécue comme un coup de grâce porté au rôle prépondérant des institutions judiciaires sur certains territoires. Vous entendez fusionner tribunal d'instance et tribunal de grande instance en un seul tribunal de première instance dans chaque département, alors qu'il conviendrait de maintenir de la proximité !

La Haute-Savoie compte trois tribunaux de grande instance, à Bonneville, Thonon et Annecy, qui devront transférer leurs compétences au tribunal de première instance, pour ne conserver que des fonctions d'accueil du justiciable, préalablement à l'audience. Or dans ces départements de montagne, les distances ne se comptent pas en kilomètres mais en temps de parcours ! Ce sont pourtant des départements à l'activité judiciaire intense, vivants : la Haute-Savoie est riche d'un tissu d'entreprises soumises à une forte concurrence mondiale ; la démographie et l'activité économique y sont très dynamiques. Chamonix compte davantage de guides touristiques que d'habitants. Délocaliser certains contentieux entraverait donc le fonctionnement de la justice. Les justiciables devront parcourir des centaines de kilomètres supplémentaires, les professionnels de la justice s'interrogent sur l'efficacité de leur action et les élus partagent leurs inquiétudes.

Dans la période difficile que nous traversons, la justice ne saurait être affaiblie. Elle doit au contraire être renforcée, parce qu'elle constitue plus que jamais un élément de cohésion et d'équité. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe UC; M. François-Noël Buffet, rapporteur, applaudit également.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois .  - Je veux d'abord dire toute ma reconnaissance aux deux rapporteurs pour donner leur chance, jusqu'au bout, aux mesures d'apaisement et de raison du Sénat. Je déplore à cette heure une forme de gâchis. Après l'échec de la CMP, nous avons cependant refusé de déposer une question préalable en nouvelle lecture, pour trouver les voies d'un accord aussi large que possible, reposant sur une concertation approfondie. Nous nous élevons certes un peu au-dessus de notre condition de sénateur en prétendant aider le Gouvernement devant un état de grande tension...

M. Gérard Longuet.  - En effet !

M. Philippe Bas, président de la commission   - En effet, la table ronde que nous avons organisée il y a deux semaines a montré la forte convergence des positions des syndicats de magistrats, d'avocats, du personnel des greffes.

Madame le garde des Sceaux, les professions de justice attendent une réforme, et s'accordent sur sa nécessité. La Cour des comptes vient de le rappeler : les délais ne cessent de s'allonger, l'efficience de l'utilisation des crédits peut encore progresser... et nous aurions aimé travailler encore plus étroitement avec vous, sur la base de notre rapport d'avril 2017 intitulé, certes un peu ambitieusement, Cinq ans pour sauver la justice !

Cette impasse n'est pas une impasse législative, car il existe à l'Assemblée nationale une majorité pour voter le texte, grâce aux institutions de la Ve République, qui offre au président tout-puissant, outre un gouvernement qui lui est naturellement subordonné, une majorité à sa disposition.

C'est l'impasse politique dont il faut tenter de sortir.

Si le Gouvernement a une pédagogie, il lui manque une capacité de dialogue, et nous étions quelques-uns à penser que la justice pouvait être le terrain d'une autre méthode de dialogue. Ce n'est pas le cas, et j'en suis profondément navré.

Nous avons des divergences d'appréciation politique, ce qui est bien naturel, en démocratie.

D'abord, l'abandon par le Gouvernement du programme de construction de places de prison. La période pendant laquelle les alternatives à la prison se sont le plus développées, c'est la fin du mandat de Nicolas Sarkozy. Depuis, calme plat ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) Si ces alternatives ne se développent plus, c'est faute de moyens pour les faire vivre !

En outre, les efforts que contient cette loi de programmation quinquennale venue deux ans après le début du quinquennat n'engageront que les gouvernements futurs, ce qui n'a guère de sens.

L'effort budgétaire paraît important, mais il faut le mesurer à l'aune du rattrapage nécessaire. Nous sommes ainsi très en retard en Europe, aussi faut-il mettre les bouchées doubles ! Vous proposez 23 % de hausse : ce n'est pas suffisant.

Nous sommes en désaccord avec le parquet national antiterroriste, tout en regrettant que vous n'ayez pas assuré la pérennité de l'aide juridictionnelle, condition de l'accès de nos concitoyens les plus démunis à la justice. Ce n'est pourtant pas à cause de ces désaccords que nous n'avons pu nous entendre.

Mais vous avez fait l'économie d'un dialogue approfondi avec les professions de justice et voulu rétablir le texte initial, au moment même où elles vous demandaient d'infléchir le texte.

Sur le champ d'intervention du juge et la certification des plateformes de médiation, vous auriez pu faire un effort qui coûtait peu. De même, vous auriez pu nous écouter sur la pension alimentaire, traitée, en cas de conflit, par un directeur de Caisse d'allocations familiales, puisque seul le juge peut apporter les garanties nécessaires.

Sur la procédure pénale, qui inquiète aussi les professions judiciaires, votre texte est un texte de ministre de l'Intérieur : prolongation de la garde à vue, refus d'informer l'avocat des perquisitions, comparution différée... Tout cela ne va pas dans le sens des garanties à apporter au justiciable.

Sur l'organisation judiciaire, la sécurisation des chambres détachées, la définition d'un socle minimal de compétences, objets pour nous d'une vive préoccupation de fond, vous auraient prémunie contre l'accusation de vouloir supprimer des lieux de justice que vous dites vouloir conserver. J'ajoute que vous auriez pu prendre en considération nos recommandations, alors qu'un simple décret peut désormais changer la carte judiciaire !

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Philippe Bas, président de la commission.  - Bref, je regrette beaucoup que nous ne parvenions pas à nous entendre ! (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains, ainsi que sur quelques bancs des groupes UC et RDSE)

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux .  - Le Gouvernement a-t-il raison contre tous, monsieur Bigot ? Naturellement non, nous ne le prétendons aucunement. D'ailleurs, le texte a beaucoup évolué depuis octobre 2018 : la version initiale n'était donc pas figée, elle a bénéficié du dialogue avec les professionnels et les parlementaires.

Beaucoup soutiennent le texte du Gouvernement : les présidents de tribunaux de grande instance, que, je crois, vous n'avez pas entendus, (M. François-Noël Buffet, rapporteur, fait signe que oui.), ainsi que la Conférence nationale des procureurs, le syndicat majoritaire chez les magistrats, l'Union syndicale des magistrats (USM), réclament ce que contient le texte, le juge pour les victimes du terrorisme et la simplification des procédures. Les associations de victimes, également, réclament les mesures prises dans ce projet.

Ce texte se suffit-il, pour autant, à lui-même ? Évidemment non. Son ambition est claire : faire évoluer notre justice, mais il ne prétend pas régler tous les problèmes, ni poser une réforme absolue et générale de la justice.

Nous serons attentifs à la mobilité du personnel, monsieur Masson. Je rappelle que les magistrats sont soumis à l'obligation de faire une déclaration d'intérêts. J'ai ouvert un sixième chantier, en plus des cinq que j'ai engagés, celui de la gestion des ressources humaines, que je suis déterminée à faire évoluer.

Monsieur le président Bas, vous avez raison, l'aide juridictionnelle doit être réformée. Je me suis engagée à ouvrir et faire avancer ce dossier très complexe, en lien avec les organisations professionnelles, qui trouvera ses premières traductions dans la loi de finances pour 2020.

Non, madame Carrère, je ne prétends pas réécrire l'ensemble du code de procédure pénale, car je n'en ai pas le temps. Deux ans n'y auraient pas suffi. Il faudra le faire à terme, comme nous l'avons fait pour le droit des contrats - ce qui a nécessité de très nombreux travaux préparatoires.

Il aurait fallu cesser d'examiner le texte pour le livrer au grand débat national, dites-vous : je ne vois pas en quoi poursuivre jusqu'au bout une procédure parlementaire déjà engagée serait antidémocratique, bien au contraire.

Plusieurs d'entre vous, notamment M. Mohamed Soilihi, m'alertent sur la réforme de l'ordonnance de 1945 sur la justice pénale des mineurs par ordonnances. Je l'entends. La méthode retenue sera celle d'une très large concertation, et le débat au Parlement ne sera pas occulté.

Je m'étonne des inquiétudes que vous rapportez, madame Noël. Les tribunaux d'instance d'Annecy, de Bonneville et de Thonon ne sont en rien menacés par la réforme : un juge de la protection sera spécifiquement affecté dans ces tribunaux de proximité, qui traiteront des contentieux des tutelles, du surendettement, des baux d'habitation et même le contentieux familial lié aux divorces, ce qui n'est pas le cas actuellement.

Je le redis : il n'y a pas de carte judiciaire ni a fortiori de coup de grâce, mais une méthode qui permettra au contraire de revivifier certains tribunaux.

Une loi ne suffit jamais à tout transformer, nous aurons besoin d'accompagner l'ensemble du personnel concerné.

En arrivant au ministère, j'ai lu deux ouvrages : la lettre de Jean-Jacques Urvoas à son successeur - celui qui m'a précédée - et le rapport de la commission des lois du Sénat, extrêmement riche et intéressant. Si je ne vois pas de gâchis, je regrette l'absence d'accord et forme le voeu que nous retrouvions les voies du dialogue dans l'application du texte.

La discussion générale commune est close.

Discussion des articles du projet de loi

ARTICLE PREMIER (Rapport annexé)

M. Guillaume Chevrollier .  - Un mot sur le décalage entre ce débat et la réalité, alors qu'est organisé un grand débat sur notre territoire. Faut-il faire fi de l'avis des Français qui demandent plus de proximité, de lien, de services publics, qui dénoncent une justice déshumanisée ? Cette réforme éloigne la justice du citoyen !

La spécialisation des tribunaux est un piège, qui videra les tribunaux de leur contentieux et accélèrera la métropolisation.

La justice doit rester à la disposition du citoyen. N'allons pas vers une justice de médiation, sans oralité, dans laquelle les citoyens ne se retrouveront plus ! La justice doit être humaine et garantir l'égalité de tous devant la loi et surtout la paix, impérieuse nécessité dans le contexte actuel.

Mme la présidente.  - Amendement n°100, présenté par M. Buffet, au nom de la commission.

Alinéas 149 à 156

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

Afin de renforcer l'efficacité de la lutte antiterroriste, le procureur de la République auprès du tribunal de Paris, compétent au niveau national en matière de lutte antiterroriste, disposera d'un mécanisme procédural innovant lui permettant de requérir de tout procureur de la République la réalisation d'actes d'enquête. Cette procédure l'aidera à répondre efficacement à l'ampleur des investigations nécessaires en cas d'attaque terroriste.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Amendement de coordination.

La commission a rejeté la création d'un parquet national antiterroriste. Il convient de modifier en conséquence les dispositions du rapport annexé qui y font référence.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable : le Gouvernement souhaite la création du parquet national antiterroriste.

L'amendement n°100 est adopté.

L'article premier et le rapport annexé, modifiés, sont adoptés, ainsi que l'article premier bis.

ARTICLE PREMIER TER

Mme la présidente.  - Amendement n°3 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mme Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport visant à étudier les modalités d'harmonisation de la rémunération des avocats pratiquant l'aide juridictionnelle tant du côté de la ou des victimes que du côté du ou des défendeurs.

M. Bernard Lalande.  - Je présente cet amendement au nom de Mme Rossignol. Le rapport demandé doit réparer l'injustice trop souvent dénoncée, en particulier par les victimes disposant de peu de ressources, notamment les femmes, mais aussi par les avocats des parties civiles. Pour un avocat, consacrer du temps à l'aide juridictionnelle peut représenter un risque ou un sacrifice financiers. Ce risque est d'autant plus grand lorsque l'aide juridictionnelle est réalisée pour la victime.

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois.  - La commission des lois n'est traditionnellement pas très favorable aux demandes de rapports ; certes cet article fait exception. Mais le Sénat a introduit plusieurs mesures en matière d'aide juridictionnelle dans ce texte. Un rapport conjoint de l'inspection générale de la justice et de l'inspection générale des finances a été remis récemment. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°3 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article premier ter est adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°79 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Arnell, Artano, Collin, Corbisez, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Supprimer cet article.

M. Raymond Vall.  - L'article 2 contraint les parties à recourir davantage à la médiation et à la conciliation pour régler leurs différends, y compris après la saisine d'un juge. Or nous n'avons pas de démonstration claire de l'efficacité de ces procédures dans l'étude d'impact, au contraire. La médiation, de plus, a un coût ; elle est payante, à tarif libre, entre 100 et 500 euros par heure, exception faite de la médiation familiale. D'où cet amendement de suppression.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission a voulu conserver l'esprit de l'article, laissant la possibilité au juge de décider le recours au médiateur. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Gouvernement veut développer les modes alternatifs de règlement des différends. C'est le cas ici. Le juge pourra enjoindre aux parties, à toute étape de la procédure, d'engager une médiation. Il n'en a en aucun cas l'obligation ; il le fera lorsqu'il jugera possible une solution amiable au litige. Avis défavorable.

L'amendement n°79 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°4 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

Après l'alinéa 3

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Ledit article 22-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Un médiateur ne peut être désigné par le juge pour procéder aux tentatives préalables de conciliation prescrites par la loi en matière de divorce et de séparation de corps si des violences intrafamiliales sont suspectées. » ;

M. Bernard Lalande.  - Cet amendement est lui aussi présenté au nom de Mme Rossignol.

Le règlement amiable des conflits existe en droit de la famille ; cependant, en cas de violences conjugales, le recours à la médiation n'est possible qu'avec l'accord de la victime. Cela n'écarte pas un risque majeur pouvant amener la victime à ne pas faire valoir ses droits lorsque la victime se trouve dans une situation d'emprise l'empêchant de refuser le recours à la médiation. D'où cet amendement.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°96, présenté par Mme Billon.

Mme Annick Billon.  - Laurence Cohen, Nicole Duranton, Loïc Hervé, Françoise Laborde, Noëlle Rauscent, Laurence Rossignol rapporteurs de la délégation aux droits des femmes, avaient proposé cet amendement. Je le reprends.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Ces deux amendements sont satisfaits, la commission ayant rétabli, au 1° du I de l'article 2, l'interdiction faite au juge de désigner d'office une médiation dans le cadre d'une procédure de divorce. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable également. La loi de modernisation de la justice du XXIe siècle interdit au juge d'enjoindre le recours au médiateur dans le cadre de violences intrafamiliales. Faisons, au demeurant, confiance aux juges, sensibilisés à ces questions, qui peuvent mobiliser l'ordonnance de protection, outil approprié dans ces situations.

Mme Annick Billon.  - Je ne suis pas entièrement convaincue, mais je suivrai le rapporteur.

L'amendement n°96 est retiré.

L'amendement n°4 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

Mme la présidente.  - Amendement n°45, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Céline Brulin.  - La commission des lois a rétabli la certification obligatoire des services en ligne de médiation des litiges. Ce n'est pas assez ; la dématérialisation met en cause la notion même de justice, au profit d'une forme de privatisation dont les start-up du nouveau monde ne manqueront pas de tirer profit. Cela sera aussi source d'inégalité puisque ces services ont un coût. Ayons également à l'esprit la fracture numérique : ainsi, 20 % de nos concitoyens n'ont pas accès à internet.

La version de la commission des lois apporte des garanties, mais ne s'oppose pas à cette tendance sur le fond. Cet amendement supprime donc purement et simplement l'article.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission préfère encadrer les services en ligne, qui existent déjà. Cet amendement supprimerait toute régulation, ce qui ne me semble pas souhaité par les auteurs. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Le Gouvernement a souhaité réguler les services en ligne. Toute plateforme aura des obligations à respecter, et notamment en matière de données personnelles. De plus, une certification sera possible.

Mme la présidente.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Alinéa 2

1° Après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Le non-respect de l'obligation de confidentialité qui pèse sur les personnes qui concourent à la fourniture ou au fonctionnement du service en ligne peut être sanctionné par application de l'article 226-13 du code pénal, outre des réparations civiles éventuelles.

2° Dernière phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'État

M. Maurice Antiste.  - Les plateformes numériques, personnes morales privées, auront vocation à faire payer leur prestation aux justiciables, avec le risque accru d'une justice à deux vitesses.

La médiation envisagée risque de retarder et limiter l'accès au juge et de décourager les justiciables de saisir la justice. Les avocats appliquent d'ores et déjà la règle : « il vaut mieux un mauvais arrangement qu'un bon procès ».

Cette réforme répond à des préoccupations surtout budgétaires. Si le but est de déjudiciariser, ce délestage ne peut faire l'économie de garde-fous et de contrôle de ces sociétés privées, qui auraient une mainmise totale sur les données judiciaires et personnelles des justiciables.

Mme la présidente.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Alinéa 12

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Les cas dans lesquels la certification est exigée, la procédure de délivrance et la procédure de retrait de la certification mentionnée au présent article ainsi que les conditions dans lesquelles est assurée la publicité de la liste des services en ligne de conciliation, de médiation ou d'arbitrage sont précisés par décret en Conseil d'État. »

M. Maurice Antiste.  - Cet amendement, avec le même objet, propose une nouvelle rédaction également pour l'alinéa 12.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'amendement n°13 rectifié est satisfait. Toute atteinte au secret professionnel par ces plateformes en ligne sera punie d'un an d'emprisonnement. L'amendement n°14 rectifié l'est également. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°14 rectifié.

L'article 3 est adopté ainsi que l'article 4.

ARTICLE 5

Mme la présidente.  - Amendement n°42, présenté par M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Maurice Antiste.  - Cet article confie aux notaires l'établissement des actes notariés constatant la possession d'état en matière de filiation, ainsi que l'établissement des actes de notoriété suppléant les actes d'états civils dont les originaux auront été détruits ou ont disparu à la suite d'un sinistre ou de faits de guerre et le recueil du consentement en matière d'assistance médicale à la procréation.

En première lecture, le Sénat proposait d'exclure la déjudiciarisation, mais seulement en matière de procréation assistée. Cet amendement l'exclut dans les trois domaines évoqués.

En l'état, cet article est un recul intolérable pour les intérêts du plus faible. En Martinique, compte tenu des nombreuses difficultés de règlement des successions, il serait particulièrement dangereux.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°46, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet article confie aux notaires divers actes non contentieux, tels que les actes de notoriété constatant la possession d'état en matière de filiation, ou les actes de notoriété qui suppléent les actes d'état civil dont les originaux ont été détruits ou ont disparu à la suite d'un sinistre ou de faits de guerre. Le Gouvernement a étendu le dispositif en conférant au seul notaire le recueil du consentement du couple ayant recours à une procréation médicalement assistée nécessitant l'intervention d'un tiers donneur.

Cette déjudiciarisation s'opère au bénéfice d'un acteur privé, ce qui entraînera inévitablement un coût supplémentaire pour le justiciable. Restons-en à la compétence du juge.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Avis défavorable à ces amendements contraires à la position de la commission. Ces transferts s'inscrivent à ses yeux dans un cadre sécurisé. On a déjà recours au notaire, par exemple, pour la preuve de la qualité d'héritier.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Les notaires ont déjà la possibilité d'établir ces actes de notoriété. De plus, ils sont les plus compétents en matière de filiation. N'oublions pas qu'ils ne sont pas des acteurs privés comme les autres, ce sont des officiers publics ministériels. Je souligne enfin que les demandes d'actes de notoriété sont très rares, à la différence des actes relatifs à la PMA, mais pour lesquels les droits d'enregistrement ont été supprimés.

Les amendements identiques nos42 et 46 ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté.

L'article 6 demeure supprimé.

L'article 7 est adopté.

ARTICLE 8

Mme la présidente.  - Amendement n°47, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Le groupe CRCE est contre tout allègement du contrôle a priori du juge des tutelles sur les actes de personnes majeures. De plus, une réforme d'ampleur sur la protection juridique des majeurs est annoncée, ce qui est particulièrement inquiétant.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement est partiellement satisfait par le texte de la commission, qui a refusé les allègements les plus contestables.

La commission a aussi écarté l'habilitation pour une réforme plus large du régime de la protection des majeurs. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Cet article 8 traduit le premier des deux volets de la réforme des tutelles, sur la base du rapport de Mme Caron-Déglise. Il restitue une dignité aux personnes sous tutelle, tout en allégeant notamment la gestion de leurs comptes.

M. Pierre-Yves Collombat.  - En général, on présente des diptyques ensemble... Cela étant dit, je retire mon amendement.

L'amendement n°47 est retiré.

L'article 8 est adopté.

L'article 8 demeure supprimé, de même que les articles 8 ter, 8 quater et 9.

L'article 9 bis est adopté, de même que les articles 9 ter, 10 ter A, 10 ter et 11.

L'article 11 bis demeure supprimé.

ARTICLE 12 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

I.  -  Le code civil est ainsi modifié :

1° L'article 233 est ainsi rédigé :

« Art. 233.  -  Le divorce peut être demandé conjointement par les époux lorsqu'ils acceptent le principe de la rupture du mariage sans considération des faits à l'origine de celle-ci.

« Il peut être demandé par l'un ou l'autre des époux ou par les deux lorsque chacun d'eux, assisté d'un avocat, a accepté le principe de la rupture du mariage par acte sous signature privée contresigné par avocats, qui peut être conclu avant l'introduction de l'instance.

« Le principe de la rupture du mariage peut aussi être accepté par les époux à tout moment de la procédure.

 » L'acceptation n'est pas susceptible de rétractation, même par la voie de l'appel. » ;

2° L'article 238 est ainsi modifié :

a) À la fin du premier alinéa, les mots : « lors de l'assignation en divorce » sont remplacés par les mots : « lors de la demande en divorce » ;

b) Le second alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Si le demandeur a introduit l'instance sans indiquer les motifs de sa demande, le délai caractérisant l'altération définitive du lien conjugal est apprécié au prononcé du divorce.

« Toutefois, sans préjudice des dispositions de l'article 246, dès lors qu'une demande sur ce fondement et une autre demande en divorce sont concurremment présentées, le divorce est prononcé pour altération définitive du lien conjugal sans que le délai d'un an ne soit exigé. » ;

3° Le second alinéa de l'article 246 est supprimé ;

4° L'article 247-2 est ainsi rédigé :

« Art. 247-2.  -  Si le demandeur forme une demande en divorce pour altération définitive du lien conjugal et que le défendeur demande reconventionnellement le divorce pour faute, le demandeur peut invoquer les fautes de son conjoint pour modifier le fondement de sa demande. » ;

5° (Supprimé)

6° La section 3 du chapitre II du titre VI du livre Ier est ainsi modifiée :

a) Le paragraphe 1 est ainsi rédigé :

« Paragraphe 1

« De l'introduction de la demande en divorce

« Art. 251.  -  L'époux qui introduit l'instance en divorce peut indiquer les motifs de sa demande si celle-ci est fondée sur l'acceptation du principe de la rupture du mariage ou l'altération définitive du lien conjugal. Hors ces deux cas, le fondement de la demande doit être exposé dans les premières conclusions au fond.

« Art. 252.  -  La demande introductive d'instance comporte le rappel des dispositions relatives à :

« 1° La médiation en matière familiale et à la procédure participative ;

« 2° L'homologation des accords partiels ou complets des parties sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale et les conséquences du divorce.

« Elle comporte également, à peine d'irrecevabilité, une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

« Art. 253.  -  Lorsqu'il rejette définitivement la demande en divorce, le juge peut statuer sur la contribution aux charges du mariage, la résidence de la famille et les modalités de l'exercice de l'autorité parentale. » ;

b) Le paragraphe 2 est abrogé, le paragraphe 3 devient le paragraphe 2, le paragraphe 4 est abrogé et le paragraphe 5 devient le paragraphe 3 ;

c) L'article 254 est ainsi rédigé :

« Art. 254.  -  Le juge tient, dès le début de la procédure, sauf si les parties ou la partie seule constituée y renoncent, une audience à laquelle les époux sont convoqués et à l'issue de laquelle il prend les mesures nécessaires pour assurer l'existence des époux et des enfants de l'introduction de la demande en divorce à la date à laquelle le jugement passe en force de chose jugée, en considération des accords éventuels des époux. » ;

d) L'article 257 est abrogé ;

7° À la fin de l'avant-dernier alinéa et à la dernière phrase du dernier alinéa de l'article 262-1, les mots : « l'ordonnance de non-conciliation » sont remplacés par les mots : « la demande en divorce » ;

7° bis (nouveau) À l'article 262-2, les mots : « requête initiale » sont remplacés par les mots : « demande en divorce » ;

8° À la première phrase du troisième alinéa de l'article 311-20, les mots : « de dépôt d'une requête » sont remplacés par les mots : « d'introduction d'une demande » ;

9° À la seconde phrase de l'article 313, les mots : « , en cas de demande en divorce ou en séparation de corps, » sont supprimés et les mots : « la date soit de l'homologation de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce ou des mesures provisoires prises en application de l'article 250-2, soit de l'ordonnance de non-conciliation » sont remplacés par les mots : « l'introduction de la demande en divorce ou en séparation de corps ou après le dépôt au rang des minutes d'un notaire de la convention réglant l'ensemble des conséquences du divorce » ;

10° À la première phrase de l'avant-dernier alinéa de l'article 375-3 et à la deuxième phrase de l'article 515-12, le mot : « requête » est remplacé, deux fois, par le mot : « demande ».

II.  -  L'article L. 441-1 du code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1° À la première phrase du deuxième alinéa, les mots : « par une ordonnance de non-conciliation » et les mots : « par une décision du juge prise en application de l'article 257 du code civil ou » sont supprimés ;

2° À la seconde phrase du g, les mots : « par une décision du juge prise en application de l'article 257 du code civil ou » sont supprimés.

III.  -  À la seconde phrase du second alinéa de l'article L 2141-2 du code de la santé publique, les mots : « le dépôt d'une requête » sont remplacés par les mots : « l'introduction d'une demande ».

M. Jacques Bigot.  - Une fois n'est pas coutume, c'est la reprise du texte de l'Assemblée nationale. La suppression de l'audience de conciliation dans le cadre d'une procédure de divorce nous prive d'un moment indispensable où le juge rencontre les époux - même si elle donne lieu à très peu de conciliation. La suppression de l'obligation de solliciter l'autorisation d'introduire la demande et des trois mois de délai de réflexion est justifiée. Vous rétablissez ce temps important de la mesure provisoire mais sans l'alourdir par la conciliation préalable ; mon amendement précise que le juge convoque les époux, car il ne doit pas se contenter d'un débat avec les avocats. Il est essentiel que les époux rencontrent le juge, notamment pour évoquer la résidence et les modalités de garde des enfants.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La suppression de la phase de conciliation favorise une logique d'affrontement des parties et l'absence de phase de réflexion et de maturation risque d'augmenter le nombre de divorces pour faute. La lenteur des jugements tient plus à l'insuffisance des moyens des juridictions qu'à la conciliation !

Le texte de l'Assemblée nationale prévoit qu'une partie peut renoncer à l'audience : en cas de divorce houleux, cela revient à placer l'intérêt supérieur des enfants entre les mains de parents qui se déchirent.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable. L'article 12 témoigne du travail réalisé avec les professionnels et les parlementaires et raccourcira considérablement les délais. Les intérêts des enfants sont préservés puisque les mesures provisoires interviennent très tôt dans la procédure.

M. Jacques Bigot.  - Lors de la table ronde, aucune des organisations présentes n'a soulevé de problème sur le divorce alors qu'elles s'inquiétaient, en première lecture, des mesures provisoires. Maintenir la conciliation obligatoire est désuet et ne correspond plus à la réalité de la vie de couple. L'Assemblée nationale a trouvé la bonne solution. Écoutons les professionnels.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - M. Bigot sait ce qui se passe dans la réalité. Maintenir la conciliation obligatoire à tout prix est contreproductif, c'est une perte de temps. Les époux ne se concilient quasiment jamais. S'il est nécessaire de recourir à des mesures provisoires, on peut le faire.

M. Alain Fouché.  - Cet article est en effet intéressant. Avocat pendant trente ans, je sais que ces procédures sont très longues. Cet amendement comporte toutes les garanties, je le voterai.

L'amendement n°40 n'est pas adopté.

L'article 12 demeure supprimé, ainsi que l'article 12 bis A.

L'article 12 bis est adopté, ainsi que l'article 12 ter.

ARTICLE 13

Mme la présidente.  - Amendement n°48, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article prévoit une procédure exclusivement écrite pour juger certains litiges dès lors que les parties seraient en accord. Le règlement de litiges inférieurs à un certain montant fixé par décret se ferait également sans audience et par le biais d'une procédure dématérialisée. Cela porte gravement atteinte au droit au procès équitable. La motivation en est purement économique !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le texte de la commission répond à vos griefs : il permet la comparution des parties si le tribunal le juge nécessaire ou si l'une des parties le demande. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

L'amendement n°48 est retiré.

L'article 13 est adopté.

ARTICLE 14

Mme la présidente.  - Amendement n°49, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Une instance juridictionnelle nationale de cinq magistrats et une vingtaine de greffiers traitera les 500 000 injonctions de payer... La start-up justice est en marche ! Foin du respect des parties, de l'examen minimal du bien-fondé des injonctions : il faut aller vite, être compétitifs ! Nous ne pouvons accepter ce type de justice automatique qui ressemble à de la régulation de flux...

Mme la présidente.  - Amendement identique n°80 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

M. Yvon Collin.  - La procédure de l'injonction de payer se déroule sans audience. Il y a chaque année 470 000 requêtes. Si le débiteur conteste la décision, les parties sont convoquées pour un débat contradictoire : le justiciable devra donc se déplacer jusqu'à cette juridiction pour assister à l'audience. De plus, il est peu probable que cette juridiction aura les moyens humains nécessaires pour garantir au justiciable l'accès à l'information.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Le Sénat a approuvé le principe de cette instance unique mais le texte de la commission rend la saisine par voie dématérialisée optionnelle afin de garantir l'accès au juge tant pour le créancier que pour le débiteur. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. La première phase, la délivrance de l'injonction de payer, est non contradictoire. Nous la centralisons dans un tribunal unique. Les justiciables peuvent déposer leur requête auprès de leur tribunal local, qui transmettra. La deuxième phase, celle de l'éventuelle contestation des délais ou au fond, restera contradictoire et se déroulera devant le tribunal de proximité. Je ne vois que des avantages à cette réforme. Avis défavorable.

M. Jacques Bigot.  - Nous voterons ces amendements d'autant plus volontiers que l'un des signataires est l'un de vos anciens collègues du Gouvernement, élu et longtemps avocat dans le Massif central. Il considère avec méfiance cette solution qui risque de se transformer en système informatisé, à l'aide d'algorithmes. Où se fera la vérification, d'autant que les débiteurs sont en général impécunieux et peu au fait de leurs droits ? Cela favorisera les titres directement exécutoires.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - Nous ne voterons pas ces amendements. Lorsque la requête est déposée, le débiteur n'est pas au courant. En cas de contestation, on reviendra au système actuel : l'affaire sera renvoyée au tribunal du ressort du débiteur, qui retrouve tous ses droits.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - J'avais réagi à l'amendement de Jacques Mézard dont l'objet est inexact, à son deuxième paragraphe : le justiciable n'aura pas à se déplacer jusqu'à la juridiction nationale en cas d'opposition. La nouvelle juridiction ne fera que délivrer les injonctions de payer, il n'y a pas d'audience à ce stade.

Les amendements identiques nos49 et 80 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°43, présenté par M. Antiste et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 6 à 8

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 211-18.  -  Les demandes d'injonction de payer et les oppositions sont formées par voie dématérialisée devant le tribunal de grande instance spécialement désigné mentionné à l'article L. 211-17. Toutefois, lorsqu'elles émanent de personnes physiques n'agissant pas à titre professionnel et non représentées par un mandataire, elles peuvent être adressées, sur support papier, au greffe du tribunal de grande instance spécialement désigné ou au greffe de tout tribunal judiciaire, auquel il appartient de les transmettre à la juridiction territorialement compétente. »

M. Maurice Antiste.  - Cet amendement rend possible la dématérialisation de l'opposition aux demandes d'injonction de payer et revient sur la suppression des audiences lorsque l'opposition à l'injonction de payer tend exclusivement à l'obtention de délais. Demander aux justiciables poursuivis de s'exprimer exclusivement par écrit, par le biais d'une plateforme numérique, peut porter atteinte au principe du contradictoire, d'autant dans des territoires tels que la Martinique, très touchés par l'illettrisme.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'article 13 prévoit que les affaires en deçà d'un certain montant soient traitées sans audience et de manière dématérialisée si les parties en sont expressément d'accord. Votre amendement est donc satisfait : retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°43 est retiré.

L'article 14 est adopté, de même que les articles 16 et 17.

ARTICLE 18

Mme la présidente.  - Amendement n°5 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Meunier.  - Cet amendement supprime le recours aux forces de police pour faire exécuter les décisions des juges aux affaires familiales. Souvent, le syndrome d'aliénation parentale est utilisé pour faire peser sur les mères une présomption de culpabilité.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement supprime les outils prévus pour améliorer l'exécution des décisions en matière d'autorité parentale. L'article 18 apporte des réponses graduées. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°5 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 18 est adopté, de même que les articles 18 bis, 19, 19 bis, 19 ter, 19 quater et 20 A.

ARTICLE 21

Mme la présidente.  - Amendement n°50, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article permet à un chef de juridiction de confier à un magistrat honoraire des fonctions d'aide à la décision, réservées en principe à des personnes qui n'ont pas la qualité de magistrat. Ce serait symboliquement désastreux pour des magistrats par nature très expérimentés qui se trouveraient ainsi en situation d'infériorité par rapport à leurs collègues en activité.

L'objectif du Gouvernement et de la majorité sénatoriale est clair : faire des économies. C'est un pis-aller que nous n'acceptons pas. L'expérience des anciens n'a pas vocation à se substituer au recrutement de nouveaux magistrats.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cette possibilité est déjà prévue pour les magistrats honoraires des juridictions judiciaires par l'article 40 de la loi du 8 août 2016. Elle repose uniquement sur le volontariat. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cette aide est très précieuse. Avis défavorable.

L'amendement n°50 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°86 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Mézard, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Alinéas 11 et 17

Compléter ces alinéas par les mots :

en France et à l'étranger

M. Jean-Claude Requier.  - Le Ceseda permet que les magistrats administratifs honoraires statuent seuls pour certains cas ou soient rattachés à certaines juridictions spécialisées comme la CNDA. Le recours aux magistrats judiciaires honoraires a par ailleurs été prévu par la loi organique du 8 août 2016.

En parallèle, les règles s'imposant aux magistrats honoraires voulant exercer comme avocat relèvent du droit mou de la charte de déontologie de la juridiction administrative du 14 mars 2017. Compte tenu des nouvelles fonctions juridictionnelles qu'il est prévu de leur confier, il faut encadrer davantage le cumul d'activité juridique et judiciaire en France et à l'étranger. Il n'est pas rare que d'anciens membres du Conseil d'État soient recrutés par des cabinets d'avocats étrangers.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'article 18 ne prévoit de telles incompatibilités qu'en France. C'est suffisant, d'autant que l'interdiction des activités à l'étranger n'existe pas pour les magistrats administratifs en fonction, ou pour les magistrats judiciaires.

Les règles de déport existantes devraient suffire à régler les risques de conflits d'intérêts.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°86 rectifié est retiré.

L'article 21 est adopté.

L'article 23 est adopté, de même que les articles 24, 25 et 25 bis A.

ARTICLE 26

Mme la présidente.  - Amendement n°6 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny et Mme Monier.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Si la plainte adressée par voie électronique concerne des infractions semblant constitutives des infractions listées aux 3° à 13° de l'article 706-47 du code de procédure pénale ou du délit de harcèlement mentionné à l'article 222-33-2 du code pénal, l'instruction doit garantir au plus tôt l'oralité du témoignage de la victime. »

Mme Michelle Meunier.  - L'oralité lors de la révélation des faits de violences à caractère sexuel est indispensable, à la fois pour libérer la parole des victimes mais également car les témoignages de vive voix, si possible filmés, constituent des éléments de preuve.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis : les modalités du dépôt de plainte relèvent du domaine réglementaire.

L'amendement n°6 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°7 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny, Mme Monier et M. Jomier.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 15-3-...  -  Les victimes mineures comme majeures des infractions listées aux articles 222-1 à 222-5, 222-9 à 222-14, 222-22 à 222-33 et 227-25 à 227-27-2-1 du code pénal ont le droit, si elles en manifestent la volonté, de témoigner des faits subis dans un local leur garantissant intimité et discrétion. »

Mme Michelle Meunier.  - Cet amendement garantit aux victimes d'infractions sexuelles le droit à l'intimité lorsqu'elles viennent témoigner. Le traumatisme du témoignage s'ajoute à celui subi lors de l'agression ou du viol ; il nuit à la reconstruction des victimes et crée un sentiment d'injustice. Celles-ci doivent pouvoir témoigner dans un lieu adapté.

L'amendement n°97 n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous partageons l'intention, mais cela risque de rester un voeu pieux, les locaux des commissariats étant ce qu'ils sont. Retrait, tout en soulignant l'intérêt de lieux dédiés.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je rejoins le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je ne suis pas convaincu. Pour une victime de viol, faire une déclaration au commissariat est traumatisant. Dans ces conditions, inscrire dans la loi la nécessité de préserver l'intimité n'est pas superfétatoire. C'est une incitation à mettre en place des salles dédiées. Se contenter de réponses de circonstance est léger, voire irrespectueux.

M. Alain Fouché.  - Nombre de gendarmeries ont été rénovées, souvent grâce aux collectivités. Mais dans nombre de commissariats, le manque d'intimité est effectivement terrible. Inscrire dans la loi la nécessaire préservation de l'intimité pourra pousser le Gouvernement à améliorer les locaux. Je voterai donc l'amendement.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Nul irrespect ni légèreté dans notre position, mais une telle mesure relève du règlement. L'article D1-7 du code de procédure pénale précise que l'audition de la victime a lieu dans des locaux conçus ou adaptés à sa situation.

L'amendement n°7 rectifié bis n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°8 rectifié bis, présenté par Mmes Rossignol et Lepage, M. Assouline, Mmes Lubin et Meunier, MM. Iacovelli et Jacquin, Mme Féret, M. P. Joly, Mmes Artigalas et Perol-Dumont, MM. Raynal, Duran et Lurel, Mme Préville, M. Manable, Mmes Espagnac et Blondin, MM. Temal, Lalande et Kerrouche, Mme Conway-Mouret, M. Daudigny, Mme Monier et M. Jomier.

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. 15-3-...  -  Lorsqu'une victime, majeure ou mineure, de faits semblant constitutifs des infractions listées aux articles 222-1 à 222-5, 222-9 à 222-14, 222-22 à 222-33 et 227-25 à 227-27-2-1 du code pénal, dénonce la ou les infractions devant les autorités judiciaires, la prise d'une plainte est obligatoire sauf refus expresse de la victime. »

Mme Angèle Préville.  - De nombreuses victimes d'infractions sexuelles ont essuyé un refus de prise de plainte lors de la dénonciation des faits. J'en ai eu un témoignage direct dans mon département. Cet amendement renforce le droit au dépôt de plainte.

L'amendement n°98 n'est pas défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Le code de procédure pénale, dans son article L.15-3, oblige déjà à recevoir la plainte d'une victime d'infraction pénale. Votre amendement est donc satisfait par le droit positif. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. En cas de difficultés ponctuelles, il faut s'adresser au procureur de la République qui enjoint au commissaire de prendre la plainte.

Mme Angèle Préville.  - Il y a parfois un élément d'intimidation qui dissuade la victime de revenir et d'insister. C'est pourquoi la prise en compte de ces faits doit être automatique.

M. Marc Daunis.  - J'entends les arguments de la ministre, mais ces cas existent, hélas, plus souvent à la campagne ou en zone périurbaine qu'en ville. L'exécutif ne pourrait-il rappeler, par une circulaire, l'obligation d'enregistrement des plaintes ?

L'amendement n°8 rectifié bis n'est pas adopté.

L'article 26 est adopté, ainsi que les articles 26 bis A et 26 bis B.

ARTICLE 27

Mme la présidente.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Supprimer cet article.

M. Maurice Antiste.  - Les nouvelles technologies de l'information et de la communication permettent une intrusion sans précédent dans la vie privée du justiciable. Les mesures attentatoires au respect de la vie privée ont commencé à être encadrées par la loi du 28 mars 2014, mais l'ingérence généralisée que nous constatons ne semble pas poursuivre un but nécessaire et légitime. Par ailleurs, les pouvoirs du parquet sont nettement élargis, ce qui fait craindre un manque d'indépendance dans la tenue des enquêtes, et la disparition, in fine, du juge d'instruction.

Un tel article ne saurait être accepté, ni même amendé. Certains proposent que ces mesures ne s'appliquent qu'aux crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Par précaution, vu le risque de dérives sécuritaires, nous préférons supprimer cet article.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°51, présenté par Mmes Assassi, Benbassa et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Mme Éliane Assassi.  - Ces dispositions pénales répressives sont une atteinte grave aux libertés publiques. Nous regrettons que la majorité sénatoriale se soit obstinée dans la recherche d'un hypothétique compromis.

Alors que l'opinion et les juristes s'inquiètent de l'intrusion croissante de Big Brother dans la justice, le Gouvernement, loin de le réguler, étend ces techniques à la quasi-totalité des crimes et délits. Assurer la sécurité et la justice ne justifie pas une telle mise en cause des libertés fondamentales. Nous voterons contre cet article, constitutionnellement douteux.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°81 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Mme Maryse Carrère.  - Il est défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Les articles 27, 28 et 29 étendent le recours aux interceptions et géolocalisations, aux enquêtes sous pseudonyme et aux techniques spéciales d'enquête. La commission n'entend pas les supprimer, car elles ont leur utilité, mais les encadre et augmente le quantum de peine à partir duquel elles sont applicables. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Ces mesures résultent de propositions émises lors des Chantiers de la justice. Nous avons voulu simplifier et rapprocher les régimes d'utilisation de ces techniques.

Rien ne justifie que les interceptions téléphoniques soient possibles au stade de l'enquête uniquement pour les faits de criminalité organisée alors qu'elles le sont, à l'instruction, pour toute infraction punie de deux ans de prison. Dans un cas comme dans l'autre, elles resteront sous le contrôle d'un magistrat du siège. Seule varie la durée des écoutes.

Idem pour la géolocalisation : les différences de seuil sont complexes et injustifiées. Le juge des libertés et de la détention pourra, de plus, ordonner la destruction de PV recueillis sur la base d'écoutes illégales. Le texte réduit enfin la durée pendant laquelle il peut être fait recours à la géolocalisation. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos17 rectifié, 51 et 81 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°27, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 17

Remplacer le mot :

trois

par le mot :

cinq

M. Jacques Bigot.  - La commission des lois, prudente en matière de libertés, a encadré ces techniques de géolocalisation mais il conviendrait à notre sens de limiter l'usage de techniques aussi intrusives aux enquêtes ou informations judiciaires concernant les infractions punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement et non trois. C'était ce que préconisaient les rapporteurs des Chantiers de la justice.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - En première lecture, la commission des lois avait abaissé le seuil de cinq à trois ans pour permettre la géolocalisation - moins intrusive que d'autres techniques d'enquête - dans les affaires d'évasion. En contrepartie, elle a demandé que l'autorisation soit motivée et renouvelée tous les quinze jours par le JLD, et non tous les mois. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le rapporteur, je salue la bonne intention du Sénat mais l'Assemblée nationale n'a pas retenu ces restrictions, qui auraient justifié l'abaissement du seuil à trois ans. Je continue donc à partager vos interrogations exprimées en première lecture.

À la suite des attentats, le champ du recours aux techniques d'interception et de géolocalisation a été très largement étendu. Je l'ai approuvé, y compris contre les accusations de visées liberticides...

Mme Éliane Assassi.  - Je le confirme !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ... mais continuer dans cette direction finit par poser un problème surtout pour le Sénat, qui est le défenseur des libertés. Restons-en à cinq ans.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

L'article 27 est adopté.

ARTICLE 28

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Supprimer cet article.

M. Maurice Antiste.  - Le texte initial du Gouvernement généralisait l'enquête sous pseudonyme à tous les crimes et délits. Le Sénat l'a certes limitée aux crimes et délits punis de trois ans d'emprisonnement, mais cela reste une généralisation de mesures exceptionnelles particulièrement attentatoire aux libertés individuelles. Les risques de dérives sont évidents.

Le contrôle par l'autorité judiciaire n'est pas suffisant, d'autant que de tels actes s'effectueraient sous l'autorité du procureur de la République. Le risque d'incitation à la commission de l'infraction est patent.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°52, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Mme Esther Benbassa.  - Le recours à l'enquête sous pseudonyme est limité jusqu'à présent aux enquêtes sur des faits très graves. L'article du projet de loi initial était excessif, étendant ce recours à l'ensemble des délits punis d'emprisonnement et commis à l'aide de moyens de communication électronique. Les enquêtes sous pseudonyme doivent être confiées aux seuls fonctionnaires étant spécifiquement formés. Nous apprécions les améliorations apportées par la commission des lois, mais nous n'en supprimons pas moins l'article, car nous réprouvons ces techniques qui portent atteinte au principe de loyauté de la preuve.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°82 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Même avis défavorable que précédemment.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le développement de la criminalité sur internet impose le recours accru à l'enquête sous pseudonyme. Le juge donnera toujours une autorisation préalable d'engagement. Je regrette que la commission des lois ait restreint ce recours aux crimes et délits passibles d'au moins trois ans de prison. C'est une régression car c'est possible aujourd'hui pour la consultation et la détention d'images pédopornographiques, passibles de deux ans de prison, ou encore pour les propositions sexuelles à mineurs de 15 ans, passibles de la même peine.

M. Jacques Bigot.  - Je ne voterai pas ces amendements. L'enjeu est de pouvoir traquer efficacement des malfaiteurs. La proposition de la commission des lois est équilibrée. Notre objectif restant de convaincre les collègues de l'Assemblée nationale de conserver des éléments de notre texte...

Les amendements identiques nos18 rectifié, 52 et 82 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°71, présenté par le Gouvernement.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

IV.  -  Le premier alinéa du VI de l'article 28-1 du code de procédure pénale est complété par une phrase ainsi rédigée : « Toutefois, ils ne peuvent disposer des prérogatives mentionnées à l'article 230-46 qu'après avoir été spécialement habilités à cette fin dans les conditions déterminées par le décret pris pour l'application de l'article 67 bis-1 du code des douanes. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - C'est un amendement de coordination. Les officiers des douanes judiciaires disposent des mêmes prérogatives que les officiers de police judiciaire. Il faut préciser selon quelles modalités.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

L'amendement n°71 est adopté.

L'article 28, modifié, est adopté.

ARTICLE 29

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Supprimer cet article.

M. Maurice Antiste.  - Il faut supprimer cette généralisation des techniques spéciales d'enquête, cette banalisation de mesures dérogatoires, applicables à ce jour uniquement à la criminalité organisée. Il n'y a aucune raison ni aucun but légitime permettant de conclure que de telles mesures sont nécessaires et légitimes dans une société démocratique pour l'ensemble des crimes et délits.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°53, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Mme Esther Benbassa.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°83 rectifié, présenté par M. Mézard, Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Arnell, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Mme Maryse Carrère.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements identiques nos19 rectifié, 53 et 83 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 29 est adopté.

La séance est suspendue à 20 h 10.

présidence de Mme Valérie Létard, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 40.

ARTICLE 30

Mme la présidente.  - Amendement n°54, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Cet article marque, une fois de plus, un recul des prérogatives judiciaires. Il simplifie la procédure d'habilitation des officiers de police judiciaire, facilite leur circulation sur le territoire national, étend les compétences des agents de police judiciaire, supprime l'autorisation du procureur pour certaines réquisitions et supprime une obligation de prestation de serment. En rendant facultative la présence d'un officier de police judiciaire territorialement compétent, il supprime également un lien de proximité.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable : cet article contient des assouplissements qui faciliteront le travail des enquêteurs.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°54 n'est pas adopté.

L'article 30 est adopté.

ARTICLE 31

Mme la présidente.  - Amendement n°84 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Mézard, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

Mme Nathalie Delattre.  - La prolongation d'une garde à vue doit continuer d'être conditionnée à la présentation au procureur de la personne concernée. Selon l'étude d'impact, cette mesure serait d'un formalisme excessif. Ce n'est pas ainsi qu'en jugeaient MM. Beaume et Natali à lire le rapport qu'ils ont rendu dans le cadre des chantiers de la justice. Le renouvellement est l'occasion d'un premier compte rendu au parquet sur le déroulement de l'enquête au-delà de 24 heures et, pour l'intéressé, de présenter ses observations au magistrat.

Rappelons que le procureur de la République est garant de la bonne tenue d'une garde à vue. Le risque, avec cet article, est qu'une garde à vue soit prolongée à chaque fois que le service enquêteur le juge utile, sans véritable contrôle par l'autorité judiciaire.

Cet amendement maintient donc le droit en vigueur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Demande de retrait ou avis défavorable. Les auteurs ont, en effet, satisfaction car nous avons maintenu l'obligation de présentation. Il est déjà possible, en outre, de prolonger la garde à vue au-delà de 24 heures. Admise par la jurisprudence, cette possibilité serait inscrite dans la loi. Ce serait conforme à la réalité du fonctionnement des juridictions et nous l'avions accepté en première lecture.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Nous considérons que la présentation peut être facultative pour le renouvellement mais doit rester obligatoire au moment de la mise en garde à vue. Cette demande a été formulée par de nombreux acteurs du monde judiciaire.

L'amendement n°84 rectifié est retiré.

L'article 31 est adopté.

L'article 31 bis est adopté.

ARTICLE 32

M. Maurice Antiste .  - Nous déplorons l'élargissement des modalités de l'enquête de flagrance. La prolongation de huit jours supplémentaires de flagrance, autrefois réservée aux délits punis de cinq ans, sera élargie aux délits punis de trois ans, soit quasiment tous les délits donnant potentiellement lieu à la flagrance, dont le vol simple. Cela entraîne un affaiblissement des droits de la défense. Idem pour l'élargissement des pouvoirs de contrainte des services d'enquête : désormais, des interpellations domiciliaires pourront être faites à la demande du parquet, quand il fallait auparavant un mandat de recherche. Cette logique sécuritaire est critiquable. Je voterai les amendements socialistes.

Mme la présidente.  - Amendement n°55, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Ce texte marque un recul du pouvoir du juge d'instruction et des droits de la défense. L'état d'urgence entre davantage dans l'État de droit. Sans balance, sans équilibre, il n'y a plus de justice.

Les pouvoirs exceptionnels confiés aux enquêteurs dans le cadre de l'enquête de flagrance, qui sont justifiés par un crime ou un délit qui vient d'être commis, n'ont aucune raison d'être étendus à un autre cadre juridique.

La confusion de l'étude d'impact ne permet pas d'exclure formellement une application de cet article aux crimes de droit commun et aux infractions prévues par les articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale.

Mieux vaut supprimer cet article attentatoire aux libertés fondamentales.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Restons-en à la solution équilibrée trouvée en première lecture : nous avons encadré l'enquête de flagrance et renforcé les droits de la défense en cas de perquisition.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Rejet également. Il est indéniable que le texte renforce les moyens d'action du parquet mais les magistrats du parquet sont garants des libertés individuelles, ils ne reçoivent aucune instruction individuelle et ils instruisent à charge et à décharge.

L'article 32 ne porte pas une atteinte disproportionnée aux libertés publiques : la perquisition est autorisée par un juge des libertés et le procureur doit prendre une décision écrite et motivée lorsqu'il prolonge la flagrance. Ce texte n'a pas pour but de limiter les pouvoirs du juge d'instruction mais de concentrer son intervention sur les enquêtes les plus importantes.

M. Jacques Bigot.  - Le juge d'instruction pourrait disparaître, tandis que le juge des libertés n'a qu'une existence éphémère. Les procureurs et leurs substituts n'ont pas le temps de répondre aux obligations imposées par le texte. Nous sommes donc dans du formalisme apparent. Les procureurs ne sont pas des juges assistés d'un greffier et d'un cabinet. Tout est dit dans le rapport sur l'attractivité du parquet, nous avons une vraie difficulté. En réalité, ce texte renforce les pouvoirs de la police. Il faut donc revoir l'article 32 à défaut de le supprimer.

Il faut sauvegarder notre État de droit. Lorsqu'il est remis en question, le pire peut arriver et, selon certains, nous ne sommes plus très loin du pire...

L'amendement n°55 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°32, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 1 à 4

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Bigot.  - En 1999, le législateur s'est prononcé pour la première fois sur la durée de la flagrance, il avait prévu huit jours au maximum. Avec la loi du 9 mars 2004, huit jours ont été ajoutés pour les crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement.

Cet article prévoit huit jours s'agissant des infractions punies d'au moins trois ans d'emprisonnement et seize jours pour un crime de droit commun ou une infraction prévue par les articles 706-73 et 706-73-1 du code de procédure pénale.

Nous pensons qu'il faut limiter la durée de la flagrance en supprimant au moins les alinéas 1 à 4 de l'article ou, subsidiairement, les alinéas 3 et 4. Ces dispositions ne seraient équilibrées que si le procureur était indépendant et si ce dernier et le juge des libertés disposaient des moyens nécessaires.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 2

Supprimer les mots :

sur un crime ou

M. Jacques Bigot.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°34, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

M. Jacques Bigot.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Le prolongement nous semble acceptable car huit jours peuvent être trop courts pour mener l'enquête. La durée de seize jours peut être admise pour des crimes qui sont, par nature, des infractions graves.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Rejet également.

L'amendement n°32 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos33 et 34.

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 9

Supprimer cet alinéa.

M. Jacques Bigot.  - Mme la garde des Sceaux a confié à d'éminentes personnalités la confection d'un rapport dans le cadre des Chantiers de la justice. Ces éminentes personnalités, MM Jacques Beaume et Franck Natali, ont considéré que le principe de proportionnalité imposait de fixer le seuil de la perquisition sans assentiment, des écoutes téléphoniques en enquête préliminaires et de la prolongation de flagrance à cinq ans, et non à trois ans. Nous pouvons les suivre en supprimant l'alinéa 9.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous souhaitons maintenir notre position de première lecture : répondre à la demande des services enquêteurs tout en introduisant des garanties.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Il y a une autorisation systématique préalable du juge des libertés et de la détention.

L'amendement n°35 n'est pas adopté.

L'article 32 est adopté.

Mise au point au sujet d'un vote

Mme Sophie Joissains.  - Lors du scrutin n°48 qui portait sur l'article 44 du projet de loi Pacte, M. Maurey a voté contre mais souhaitait s'abstenir.

Mme la présidente.  - Acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l'analyse politique du scrutin.

Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice Renforcement de l'organisation des juridictions (Nouvelle lecture - Suite)

Discussion des articles du projet de loi (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL

Mme la présidente.  - Amendement n°56, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Après l'article 32

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article 76 du code de procédure pénale est complété par les mots et une phrase ainsi rédigée : « , ni sans la présence de son avocat. Au cours de la perquisition, les frais d'avocat ne sont pas pris en charge par l'aide juridictionnelle d'État. »

Mme Esther Benbassa.  - La présence de l'avocat est prévue pour les visites domiciliaires, elle ne l'est pas lors de la perquisition pénale. Il en résulte une incertitude au regard de la législation européenne, notamment de la directive de 2013 laquelle dispose : « Avant qu'ils ne soient interrogés par la police ou par une autre autorité répressive ou judiciaire, les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat sans retard indu ». La présence d'un avocat contribuera à la transparence et au bon déroulement de la perquisition en évitant les dérives.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Lorsqu'une perquisition est prévue, l'avocat en est informé mais n'est pas obligé d'être présent. Une obligation ne serait pas forcément efficace.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Nous avons déjà débattu de ce sujet. Les textes européens ne l'imposent pas. En outre, dans une perquisition, il n'y a pas d'interrogatoire, donc pas de présence nécessaire d'un avocat. Enfin, le Gouvernement n'a pas estimé nécessaire de préciser que la personne peut appeler son avocat car rien ne l'interdit.

L'amendement n°56 n'est pas adopté.

ARTICLE 32 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Alinéas 16 à 20

Supprimer ces alinéas.

M. Maurice Antiste.  - Le II de l'article 32 bis légalise, dans le cadre d'une expérimentation menée jusqu'au 1er janvier 2022, l'enregistrement numérique des formalités prévoyant, pour les personnes entendues, arrêtées ou placées en garde à vue, la notification de leurs droits. Ces dispositions portent une atteinte grave aux droits des individus. En pratique, les avocats seront dans l'impossibilité de contrôler en temps réel la procédure et de faire des observations annexées. Le formalisme est une garantie importante du justiciable placé en garde à vue.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet amendement est satisfait par le texte de la commission. Nous avons prévu la possibilité d'un procès-verbal dématérialisé à titre expérimental pour certaines infractions routières.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Sagesse. Nous souhaitons poursuivre l'expérimentation de l'oralisation mais sur le périmètre plus étroit retenu par l'Assemblée nationale.

L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.

L'article 32 bis est adopté.

L'article 32 ter est adopté.

ARTICLE 33

Mme la présidente.  - Amendement n°28, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 12 à 14

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Avec cet article, les agents de police judiciaire pourraient prendre seuls l'initiative d'un contrôle d'alcoolémie et d'usage de stupéfiants quand cela était de la responsabilité d'un officier de police judiciaire. Cela risque de fragiliser la qualité procédurale des opérations menées. Soyons cohérents avec l'article 30 que nous avons voté et maintenons les garanties apportées par le droit en vigueur.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Nous avons eu déjà ce débat en première lecture. Ces ajustements sont acceptables.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

L'article 33 est adopté.

L'article 33 bis est adopté, de même que les articles 34 et 35.

ARTICLE 35 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°72, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 7 et 8

Remplacer ces alinéas par dix-huit alinéas ainsi rédigés :

I. bis.  -  L'article 148-5 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 148-5.  -  En toute matière et en tout état de la procédure, toute personne placée en détention provisoire peut, à titre exceptionnel, faire l'objet d'une autorisation de sortie sous escorte selon des modalités prévues par décret. Les décisions accordant ou refusant ces autorisations peuvent faire l'objet du recours prévu au dernier alinéa de l'article 145-4-2. »

II. - La loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire est ainsi modifiée :

1° L'article 34 est ainsi rédigé :

« Art. 34.  -  Les prévenus dont l'instruction est achevée et qui attendent leur comparution devant la juridiction de jugement peuvent bénéficier d'un rapprochement familial jusqu'à leur comparution devant la juridiction de jugement, après avis conforme de l'autorité judiciaire susceptible d'être contesté selon les modalités prévues par le dernier alinéa de l'article 145-4-2 du code de procédure pénale. »

2° Le premier alinéa de l'article 40 est ainsi rédigé :

« Les personnes condamnées et, sous réserve des dispositions de l'article 145-4-2 du code de procédure pénale, les personnes prévenues peuvent correspondre par écrit avec toute personne de leur choix. »

III.  -  À compter du 1er juin 2019, l'article 61-1 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 61-1.  -  Sans préjudice des garanties spécifiques applicables aux mineurs, la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction ne peut être entendue librement sur ces faits qu'après avoir été informée :

« 1° De la qualification, de la date et du lieu présumés de l'infraction qu'elle est soupçonnée d'avoir commise ou tenté de commettre ;

« 2° Du droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ;

« 3° Le cas échéant, du droit d'être assistée par un interprète ;

« 4° Du droit de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire ;

« 5° Si l'infraction pour laquelle elle est entendue est un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, du droit d'être assistée au cours de son audition ou de sa confrontation, selon les modalités prévues aux articles 63-4-3 et 63-4-4, par un avocat choisi par elle ou, à sa demande, désigné d'office par le bâtonnier de l'ordre des avocats ; elle est informée que les frais seront à sa charge sauf si elle remplit les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, qui lui sont rappelées par tout moyen ; elle peut accepter expressément de poursuivre l'audition hors la présence de son avocat ;

« 6° De la possibilité de bénéficier, le cas échéant gratuitement, de conseils juridiques dans une structure d'accès au droit.

« La notification des informations données en application du présent article est mentionnée au procès-verbal.

« Si le déroulement de l'enquête le permet, lorsqu'une convocation écrite est adressée à la personne en vue de son audition, cette convocation indique l'infraction dont elle est soupçonnée, son droit d'être assistée par un avocat ainsi que les conditions d'accès à l'aide juridictionnelle, les modalités de désignation d'un avocat d'office et les lieux où elle peut obtenir des conseils juridiques avant cette audition.

« Le présent article n'est pas applicable si la personne a été conduite, sous contrainte, par la force publique devant l'officier de police judiciaire. »

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement, qui devait faire consensus, tire les conséquences de deux décisions QPC que le Conseil constitutionnel a rendues le 8 février 2019. Ont été déclarées contraires à la Constitution les dispositions de la loi pénitentiaire de 2009 sur le rapprochement familial des prévenus en ce qu'elles ne prévoyaient pas de modalités de recours et celles du code de procédure pénale sur l'audition libre, qui ne prévoyaient pas de garanties pour les mineurs. Cet amendement y remédie et trouve toute sa place à cet article qui tirait déjà les conséquences d'une décision QPC en date de juin 2018 sur des dispositions de la loi pénitentiaire.

L'amendement n°72, accepté par la commission, est adopté.

L'article 35 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 36

Mme la présidente.  - Amendement n°57, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité a été introduite en 2004 pour désengorger les tribunaux correctionnels puis étendue en 2011 mais ne concerne qu'une centaine d'affaires par an. Six ans d'expérience ne permettent pas de présumer l'efficacité de ce « plaider coupable » à la française. Bien au contraire, et pour des gains de temps très hypothétiques.

En matière de procédure pénale, la philosophie que déploie ce projet de loi est la suivante : aller vite, juger beaucoup et pour pas cher. Les aménagements de la commission des lois n'y changent rien.

L'amendement n°57, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 36 est adopté.

L'article 37 A demeure supprimé.

ARTICLE 37

Mme la présidente.  - Amendement n°58, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - Cet article instaure la création d'une amende forfaitaire délictuelle au délit d'usage de stupéfiants, censée simplifier le travail des forces de l'ordre. Cela est contraire au principe d'individualisation des peines. Les forces de l'ordre pourront sanctionner sans limite. Qu'advient-il de la prévention, du traitement de l'addiction ? Le seul effet de l'amende sera d'aggraver des situations déjà précaires, l'inégalité entre milieux paupérisés et mondains. Enfin, l'amende ne pourra être prononcée à l'encontre de mineurs. Supprimons ces dispositions quelque peu rétrogrades.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. L'amende forfaitaire permet une réponse pénale rapide et efficace et n'empêche pas le juge de prononcer d'autres peines, comme des stages de sensibilisation à l'usage des stupéfiants.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis. Il s'agit d'un outil supplémentaire qui n'interdit pas l'obligation de soins.

M. Jacques Bigot.  - Ce que vous dites, madame la ministre, pourrait être vrai s'il y avait une véritable stratégie des procureurs et des forces de la police en un endroit précis : interpellation, sensibilisation des parents pour éviter que du deal ne se développe pour payer l'amende. Je m'abstiendrai. Il faudra une commission d'enquête pour voir comment cela peut fonctionner.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

L'article 37 est adopté.

ARTICLE 38

L'amendement n°10 rectifié bis n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°29, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 8

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...) Après le vingt-deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque la personne est mineure, le président du tribunal désigne une juge des enfants. » ;

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement est satisfait. Je le retire non sans avoir saisi cette occasion de dire à Mme la garde des Sceaux que la révision de l'ordonnance de 1945 ne peut être faite par ordonnance. Nous nous opposons à une habilitation qui prive le Parlement d'un nécessaire débat, notamment s'agissant des centres éducatifs fermés.

L'amendement n°29 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°85 rectifié, présenté par Mmes N. Delattre et M. Carrère, MM. Mézard, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...) Le vingt-neuvième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsque la personne est mineure, le président du tribunal désigne un juge des enfants. » ;

Mme Nathalie Delattre.  - Nous persistons à penser que le président du tribunal, quand la personne est mineure, doit nommer un juge des enfants.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - L'article 4 de l'ordonnance de 1945 prévoit déjà l'intervention du juge des enfants. L'amendement est donc satisfait.

L'amendement n°85 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°30 est retiré, de même que l'amendement n°31.

L'article 38 est adopté.

L'article 39 est adopté.

L'article 40 demeure supprimé.

L'article 41 est adopté.

ARTICLE 42

M. Maurice Antiste .  - Le Gouvernement réserve les cours d'assises en première instance aux meurtres et aux crimes commis en récidive. Les viols seraient renvoyés devant les cours criminelles départementales, ils seraient donc moins graves...

Le dernier rapport de la Commission européenne sur l'efficacité de la justice, publié en 2016, est édifiant. Avec 64 euros par habitant et par an consacrés au système judiciaire, la France se trouve en queue de classement. Les moyens de la justice doivent être augmentés significativement.

Le jury est un échantillon parfaitement représentatif de la population du département. En Martinique, la population est majoritairement créolophone, et les mots, même français, n'ont pas toujours le même sens. Cette expérimentation accroîtra les clivages culturels entre les justiciables et leurs juges.

M. Jean-Pierre Sueur .  - Cet article comporte des avancées importantes sur des questions relatives à la Cour pénale internationale. En 2013, le Sénat avait voté unanimement une proposition de loi, sur le rapport de M. Anziani, que j'avais présentée sur les crimes relevant de la CPI et le rôle des juges français à l'égard des crimes contre l'humanité, des crimes de génocide et des crimes de guerre.

Aujourd'hui, quatre verrous empêchent les juges français d'exercer leurs prérogatives, notre proposition de loi en levait trois car, dès 2013, nous avions considéré, au regard d'expériences étrangères, qu'il était préférable de maintenir le monopole du parquet.

La double incrimination est un problème : de nombreux États n'ont pas la même culture des droits de l'homme que la France. Cette condition tomberait pour le génocide, mais par pour les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité, ce que je déplore.

Demeure également le verrou du critère de la résidence habituelle. Comme le disait Robert Badinter, les coupables de tels crimes résident rarement en France, dans un pavillon de banlieue. Il serait juste de pouvoir les interpeller dès lors qu'ils sont sur notre territoire. Reste donc des pas importants à faire.

Mme la présidente.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Fouché, Bouloux et Laufoaulu, Mme Mélot, MM. Lagourgue, Wattebled, Chasseing et A. Marc, Mme Vermeillet, MM. Le Nay, Longeot et Henno et Mme Guidez.

Alinéas 28 à 43

Supprimer ces alinéas.

M. Alain Fouché.  - L'expérimentation du tribunal criminel sera définitive, je le sais. L'objectif serait d'éviter la correctionnalisation de certains crimes... Depuis 1810, les crimes sont jugés par des jurés, qui ne sont pas des juristes. Agriculteurs, chômeurs, fonctionnaires ou encore commerçants, ils représentent le peuple français. Près de 95 % des accusés sont condamnés en premier ressort. À l'heure où le peuple demande à pouvoir s'exprimer directement, il serait incroyable de programmer la fin des cours d'assises !

Mme la présidente.  - Amendement n°23 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande et Mme Artigalas.

Alinéa 41

Après la seconde occurrence du mot :

départements

insérer les mots :

, à l'exclusion des collectivités de l'article 73 de la Constitution,

M. Maurice Antiste.  - La suppression des jurys populaires, représentatifs de la population locale, serait particulièrement malvenue dans les outre-mer où les justiciables ont plus de mal à se reconnaître dans des juges qui ne possèdent pas forcément la connaissance des spécificités culturelles de leur langage oral ou gestuel. Le président de la République a récemment encore parlé de droit à la différenciation.

C'est un amendement de repli si celui de M. Fouché n'était pas adopté.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable aux deux amendements. En première lecture, nous avions pris connaissance du projet de tribunal criminel, devenu cour criminelle. En matière d'infractions sexuelles, les procédures devant la cour d'assises sont très longues, d'où une correctionnalisation fréquente, dans l'intérêt même des victimes. Le fait de recourir à une juridiction spécialisée nous a interrogés... mais nous n'avons pas voulu refuser une expérimentation, car il importe de juger plus rapidement ces crimes.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable, pour les mêmes raisons.

L'expérimentation ne portera que sur les collectivités volontaires : les départements et territoires d'outre-mer pourront donc ne pas se porter candidats. Les jurys populaires ne disparaissent pas puisque la cour d'assises demeurera compétente en appel.

M. Maurice Antiste.  - Merci pour ces précisions. Le barreau martiniquais appuie ma demande, je tâcherai de faire en sorte que mon département ne soit pas candidat ! La justice est plus difficile à rendre en outre-mer. Elle est d'abord une affaire culturelle et notre passé est différent. Je suis à votre disposition pour vous le démontrer.

M. Alain Fouché.  - J'ai entendu les arguments du rapporteur et de la ministre. L'expérimentation prévue durera, je le crains, indéfiniment. On aura deux types de juridiction : avec et sans jurés. Je doute que la procédure soit plus rapide avec des magistrats professionnels - tout excellents qu'ils soient, ils ne sont, parfois, pas meilleurs que des jurés. L'affaire d'Outreau l'a montré - et le petit juge responsable du désastre a fini nommé à la Cour de cassation !

Ce texte éloigne le peuple de l'acte de juger et met en cause l'essence même du procès pénal. Je voterai contre cette expérimentation anti-démocratique. Casser quelque chose qui fonctionne depuis deux siècles, c'est une honte !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Je comprends votre réaction, monsieur Fouché.

M. Alain Fouché.  - J'ai plaidé trente ans devant les assises !

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - N'oublions pas que les magistrats professionnels rendent eux aussi la justice au nom du peuple français. Les jurys populaires ne sont pas supprimés mais réservés à l'appel. Nous avons trouvé un équilibre entre maintien de notre spécificité et jugements plus rapides, traduisant la vérité judiciaire puisque des crimes cesseront d'être correctionnalisés.

L'amendement n°1 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°23 rectifié.

L'article 42 est adopté.

ARTICLE 42 BIS AA

Mme la présidente.  - Amendement n°73, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 36

Remplacer les mots :

est complété

par les mots :

et l'article 5-1 de l'ordonnance n°92-1147 du 12 octobre 1992 relative à l'aide juridictionnelle en matière pénale en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna sont complétés

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement étend à la Nouvelle-Calédonie et à Wallis et Futuna le bénéfice de l'aide juridictionnelle pour se constituer partie civile en matière de terrorisme.

L'amendement n°73, accepté par la commission, est adopté.

L'article 42 bis AA, modifié, est adopté, de même que les articles 42 bis AB, 42 bis AC, 42 bis B, 42 bis C, 42 bis, 42 ter, et 43.

ARTICLE 43 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°61, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet article, issu d'un amendement du groupe Les Républicains en première lecture et rétabli par la commission, élargit l'application de l'interdiction du territoire, dite double peine, aux crimes punis de plus de cinq ans d'emprisonnement. Elle pourrait ainsi frapper l'auteur d'un vol de mobylette. C'est une disposition dogmatique, source de discrimination. Manifestement, pour la majorité sénatoriale, il y a libertés publiques et libertés publiques !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet article introduit par un amendement de Bruno Retailleau ne concerne que les crimes et délits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement. Le Sénat l'a adopté à plusieurs reprises.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable, car l'article étend de manière excessive et disproportionnée la peine d'interdiction du territoire, aujourd'hui réservée aux infractions en matière terroriste. Cette généralisation est d'autant moins nécessaire que cette peine est déjà encourue à titre facultatif pour de nombreux délits, comme l'a encore montré la loi Asile et immigration.

L'amendement n°61 n'est pas adopté.

L'article 43 bis est adopté.

ARTICLE 43 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°62, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Comme le précédent, l'article 43 ter que la commission entend rétablir résulte d'un amendement d'affichage du groupe Les Républicains pour satisfaire un certain électorat sans se soucier des conséquences. La disposition forcera la main au juge en matière de récidive légale, ce qui est contradictoire avec l'objectif affiché de plus grande écoute de la magistrature.

Toujours plus de répression, toujours plus de prison, c'est moins de réinsertion, moins de lien social. La récidive n'est pas empêchée par des peines toujours plus lourdes. La société ne répond pas qu'à des lois mais aussi à de l'inconscient, de l'humain. La lutte contre la récidive ressort d'un projet de société. (Mme Éliane Assassi applaudit.)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Le tribunal garde la liberté de lever le critère de récidive légale en fonction des conditions d'espèce.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable. Cet article nous semble excessif et guère utile.

M. Jacques Bigot.  - Nous ne partageons pas l'analyse de la commission des lois sur ce point. En exigeant du juge qu'il motive sa décision de ne pas retenir la récidive, cet article traduit une forme de défiance envers une magistrature française soupçonnée de laxisme - alors que les prisons sont pleines... Nous voterons pour la suppression de cette mesure d'affichage.

L'amendement n°62 n'est pas adopté.

L'article 43 ter est adopté.

ARTICLE 43 QUATER

Mme la présidente.  - Amendement n°63, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet article s'inscrit dans la même démarche que les précédents : afficher une fermeté, une conviction sécuritaire qui fait peu cas des libertés fondamentales, de l'efficacité du droit, du pouvoir du juge et du souci d'éviter la surpopulation carcérale. Nous voulons tous des prisons dignes, à même de réinsérer l'individu après sa peine.

La révocation automatique du sursis en vigueur avant 2014 a fait la preuve de son inefficacité en conduisant à l'incarcération de personnes condamnées à de petites peines. C'est une atteinte au principe d'individualisation des peines.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

Mme Cécile Cukierman.  - La volonté de réinsertion s'oppose au principe d'une incarcération systématique. L'affichage sécuritaire ne rassure qu'à court terme !

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Il appartient au magistrat de décider de la révocation du sursis. La politique pénale ne se limite pas à ces mesures d'exécution des peines. Elle est bien plus complexe et multifactorielle. Nous donnons au tribunal un large panel de solutions pour tenir compte des différentes situations.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable. Une telle automaticité va effectivement à l'encontre du principe d'individualisation des peines.

L'amendement n°63 n'est pas adopté.

L'article 43 quater est adopté, de même que l'article 44.

ARTICLE 45

Mme la présidente.  - Amendement n°64, présenté par Mmes Benbassa, Assassi et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.

Supprimer cet article.

Mme Esther Benbassa.  - La suppression de l'examen automatique des peines comprises entre un an et deux ans en vue de leur aménagement va à l'encontre du principe d'individualisation des peines. L'incarcération doit être le dernier recours tant elle a des effets délétères, pouvant même conduire au suicide - je pense à ce jeune homme condamné pour fraude dans les transports en commun, qui s'est donné la mort à Fleury-Mérogis en 2018.

Adeline Hazan invite à instaurer un système de régulation carcérale et à s'interroger sur le sens des très courtes peines. Je regrette le parti pris de l'exécutif, qui se heurte à des principes fondamentaux de la pénologie.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable, nous soutenons le Gouvernement sur ce sujet.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable. L'article 45, tel que rédigé par le Gouvernement, est utile. Passer de deux ans à un an permettra de mieux assurer la vérité des peines prononcées et de rendre leur exécution plus conforme au jugement. Avec le mandat de dépôt à effet différé, le tribunal correctionnel sera pleinement responsable, le cas échéant en refusant l'aménagement ab initio.

L'amendement n°64 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

Alinéas 11, trois fois, et 21

Remplacer les mots :

un an

par les mots :

deux ans

M. Maurice Antiste.  - Les prisons françaises sont surpeuplées, particulièrement outre-mer : c'est le cas des prisons de Ducos, de Baie Mahaut et Basse Terre en Guadeloupe ou de Remire Montjoly en Guyane.

Ce projet de loi vise le désengorgement des prisons. Il faut favoriser le recours à des peines alternatives, à l'aménagement de peine ainsi qu'à la libération conditionnelle. Or cet article 45 risque au contraire de renforcer la surpopulation carcérale.

L'aménagement des peines inférieures ou égales à un an de prison entérine la pratique des tribunaux. Il est exceptionnel que des peines d'un mois fassent l'objet d'un mandat de dépôt ! Les peines de six mois à un an, sauf motivation spéciale, sont généralement aménagées.

En revanche, porter le quantum de peine de deux ans à un an est un recul important. L'office du JAP sera considérablement réduit, alors qu'il oeuvre pour la réinsertion des condamnés.

L'amendement n°20 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°24 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande, Mme Artigalas et M. Raynal.

I.  -  Alinéas 24, 28 et 29

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 33

Remplacer, deux fois, les mots :

un an

par les mots :

deux ans

III.  -  Alinéa 40

Supprimer cet alinéa.

IV.  -  Alinéa 41

Supprimer les mots :

Les trois occurrences des mots : « deux ans » sont remplacés par les mots : « un an » et, à la fin,

M. Maurice Antiste.  - Le mandat de dépôt doit demeurer une exception, justifiée par l'absolue nécessité que le condamné aille directement en prison. Avec le mandat de dépôt différé, la décision d'incarcération risque de devenir moins exceptionnelle pour les magistrats du tribunal correctionnel. Comme l'indique le Syndicat de la magistrature, le tribunal n'aura plus à assumer la violence de l'emprisonnement immédiat mais l'incarcération sera inéluctable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ces dispositions sont utiles - et issues d'une proposition de loi sénatoriale, adoptée en octobre 2017. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°24 rectifié n'est pas adopté.

L'article 45 est adopté.

ARTICLE 45 BIS A

Mme la présidente.  - Amendement n°65, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - La limitation du mécanisme de réduction des peines ne fera qu'aggraver la surpopulation carcérale. Certes, les erreurs judiciaires existent, mais l'automaticité de la réduction de peine est bien établie et prise en compte par les magistrats.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable : les crédits de réduction de peines sont utiles dans le suivi de la détention.

Mme Cécile Cukierman.  - Très bien !

L'amendement n°65 n'est pas adopté.

L'article 45 bis A est adopté, ainsi que les articles 45 bis B, 45 bis et 45 ter.

ARTICLE 46

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéas 5 et 6

Après les mots :

service pénitentiaire d'insertion et de probation

insérer les mots :

ou par la personne morale habilitée

M. Jacques Bigot.  - Le texte de la commission prévoit que le suivi de la personne condamnée à une peine de probation est assuré aussi bien par le SPIP que par une association habilitée. Aussi celle-ci sera amenée à réaliser des évaluations régulières.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable : je ne suis pas favorable à la peine de probation telle que conçue par le Sénat.

L'amendement n°37 est adopté.

L'article 46, modifié, est adopté, de même que l'article 47.

ARTICLE 48 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°66, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

L'article 48 bis est adopté.

L'article 49 demeure supprimé.

ARTICLE 49 BIS A

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3, première phrase

Remplacer les mots :

peut être

par le mot :

est

M. Jacques Bigot.  - Cet amendement rend obligatoire le statut qui sécurisera les associations de réinsertion des sortants de prison.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Qu'en pense le Gouvernement ?

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable, dès lors.

L'amendement n°38 n'est pas adopté.

L'article 49 bis A est adopté, ainsi que les articles 49 bis et 50.

L'article 50 bis A demeure supprimé.

L'article 50 bis est adopté, ainsi que les articles 50 ter et 50 quater.

L'article 50 quinquies demeure supprimé.

Les articles 51 et 51 bis sont adoptés.

ARTICLE 51 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°67, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Michelle Gréaume.  - Les fouilles affaiblissent la capacité d'intervention des visiteurs de prison. Ce dispositif est contraire à la recherche d'un bon climat en détention et d'une réinsertion future.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Les mesures de contrôle à l'entrée des prisons sont nécessaires. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable : le contrôle des visiteurs est utile, mais relève du règlement. Le texte de la commission laisse entendre que d'autres personnes n'y seraient pas soumises, ce qui n'est pas le cas.

L'amendement n°67 n'est pas adopté.

L'article 51 ter est adopté, ainsi que l'article 51 quater.

ARTICLE 51 QUINQUIES

Mme la présidente.  - Amendement n°68, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi.  - La vie en prison se déroule dans des conditions particulièrement détestables, la recrudescence des suicides comme récemment à Fleury-Mérogis en témoigne. Ne pas développer les alternatives à l'incarcération est un non-sens qui conduira à terme à une explosion du système.

Réduire les tensions, violences, actes illégaux en prison suppose de réduire la surpopulation carcérale, de développer les peines de substitution et de financer une vraie politique de réinsertion. Cet article vise à gérer, et donc accepter, la détérioration de la situation.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article 51 quinquies a été introduit à l'Assemblée nationale par deux députés, MM. Brault et Breton, à la suite d'une mission d'information sur les fouilles en détention. Les fouilles intégrales demeurent l'exception. Nous avons conservé le dispositif.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°68 n'est pas adopté.

L'article 51 quinquies est adopté.

L'article 52 A demeure supprimé.

ARTICLE 52

Mme la présidente.  - Amendement n°41, présenté par Mme Lubin et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 10

Rétablir le 3° dans la rédaction suivante :

3° Après le premier alinéa de l'article 40, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Le suivi de ces modalités peut être confié par le magistrat ou la juridiction de jugement à un service ou un établissement du secteur public ou du secteur associatif habilité de la protection judiciaire de la jeunesse. »

M. Jacques Bigot.  - En inscrivant dans la loi l'existence d'un suivi des modalités par un établissement ou service du secteur public ou associatif, le législateur crée une nouvelle mesure judiciaire pénale d'accompagnement éducatif spécifique. En effet, la rédaction actuelle ne rend pas obligatoire ce soutien renforcé à la parentalité au cours des droits de visite et d'hébergement, pourtant corollaire de ce nouveau droit, surtout s'agissant de jeunes en conflit avec la loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Retrait, sinon avis défavorable. L'article 52 reconnaît aux parents de mineurs placés un droit de visite selon des modalités fixées par le juge des enfants. La précision proposée par cet amendement est superfétatoire car le suivi sera de fait assuré par la structure de placement du mineur.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

L'article 52 est adopté.

ARTICLE 52 BIS

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par M. J. Bigot et les membres du groupe socialiste et républicain.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La loi de finances rectificative du 29 juillet 2011 a instauré une contribution pour l'aide juridique forfaitaire de 35 euros pour tout justiciable introduisant une instance. Le droit d'ester en justice, créé par le gouvernement Fillon pour financer la réforme de la garde à vue, a été supprimé par la loi de finances pour 2014 sur proposition de Mme Taubira au motif qu'elle constituait un frein à l'accès au droit.

Le projet de loi prévoit de rétablir une contribution, cette fois pour financer l'aide juridictionnelle, d'un montant entre 20 et 50 euros. Le rapport de nos collègues Jacques Mézard et Sophie Joissains estimait que ce n'était pas une bonne piste. (Mme Sophie Joissains le confirme.) Ne réintroduisons pas un droit de timbre qui pénalise les justiciables les plus modestes.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°87 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre, MM. Mézard, Artano, Collin et Corbisez, Mme Jouve et MM. Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Mme Maryse Carrère.  - Cette contribution pour l'aide juridique renforce le dualisme entre les bénéficiaires de l'aide juridictionnelle et ceux qui devront la financer et assument seuls leurs frais de justice - sans parler des effets de seuil.

Le rapport Joissains et Mézard de 2014, en partie repris par le récent rapport des inspections, présentait des pistes à explorer, comme la taxation des contrats d'assurance juridique.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La dépense de l'aide juridictionnelle augmente chaque année. Le droit de timbre, supprimé en 2013 et dont nous souhaitons le rétablissement, serait de 20 à 50 euros. Les justiciables les plus modestes en seraient exonérés, comme certains contentieux. La mesure rapporterait 50 millions d'euros. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable à ces amendements qui reviennent au texte de l'Assemblée nationale. Le droit de timbre, qui a cours dans nombre de pays d'Europe, fait débat : il responsabilise les plaignants au civil et limite les abus, mais peut aussi freiner l'accès à la justice. Le sujet n'est pas mûr. Le rapport de l'IGF et de l'IGJ m'a été rendu ; je prendrai prochainement contact avec le conseil national des barreaux pour évoquer le sujet.

Mme Sophie Joissains.  - Le droit de timbre est contraire à l'esprit de la justice, laquelle doit être ouverte à tous. Notre rapport préconisait d'autres sources de financement, comme la taxation des contrats d'assurance ou des actes réglementés. Attendons la prochaine réforme de l'aide juridictionnelle. Je voterai ces amendements de suppression.

Les amendements identiques nos2 et 87 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 52 bis est adopté.

ARTICLE 52 TER

Mme la présidente.  - Amendement n°88 rectifié, présenté par Mmes M. Carrère et N. Delattre et MM. Mézard, Artano, Collin, Corbisez, Labbé, Menonville, Requier, Roux et Vall.

Supprimer cet article.

Mme Maryse Carrère.  - Cet amendement supprime la disposition introduite en commission imposant la consultation d'un avocat préalable à toute demande d'aide juridictionnelle. Il est déjà possible de bénéficier d'une consultation juridique gratuite. Il y a en outre ambiguïté sur la facturation...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable. Ces dispositions mettent en pratique le filtre prévu par loi du 10 juillet 1991, qui n'est jamais appliqué. Cette consultation serait rétribuée comme un acte d'aide juridictionnelle, dès lors que le demandeur de l'aide remplirait les autres conditions que celle relative au bien-fondé de son action.

Ce dispositif, s'il fonctionne correctement, devrait améliorer grandement le contrôle de l'attribution de l'aide juridictionnelle, qui obéit aujourd'hui à une logique de guichet. En effet, 90 % des demandes formulées en première instance donnent lieu à admission, contre 23,5 % en cassation ! Ce contrôle du bien-fondé de la demande permet également d'orienter vers des procédures de conciliation et d'aboutir à un accord amiable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis favorable. Des consultations juridiques gratuites sont déjà délivrées et nous oeuvrons à leur renforcement. Rendre obligatoire la consultation d'un avocat, payé par l'aide juridictionnelle, rendrait le coût du dispositif prohibitif - il y a un million de recours par an à l'aide juridictionnelle. Attendons la réforme de l'aide juridictionnelle à laquelle je me suis engagée.

L'amendement n°88 rectifié n'est pas adopté.

L'article 52 ter est adopté, de même que les articles 52 quater et 52 quinquies.

ARTICLE 53

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par Mme Joissains, MM. Laugier et Canevet, Mmes Vermeillet et Billon, MM. Henno, Grosdidier et Guerriau, Mme N. Goulet, MM. Laménie, Decool et Le Nay, Mme Guidez, M. Moga, Mmes Goy-Chavent et Deseyne, MM. Dufaut, Delcros, B. Fournier, D. Laurent, Longuet et Kern et Mme A.M. Bertrand.

Supprimer cet article.

Mme Sophie Joissains.  - Cet amendement supprime un article qui fragilise grandement la justice de proximité et l'égal accès au droit par les justiciables en instaurant un tribunal unique par département, ce qui va à l'encontre de la grande disparité de nos départements français.

La création de ces tribunaux ne répond pas au souhait des justiciables d'accéder aux lieux de justice à proximité, et elle emporte même le risque de suppression de ces chambres détachées, beaucoup plus faciles à fermer qu'une juridiction. La ruralité est déjà aujourd'hui en grande difficulté, confrontée à des problèmes de transport, de fermeture de commerces et d'accès aux écoles. Le service public de la justice doit à tout prix continuer d'être accessible aux justiciables. Or, nonobstant l'engagement du Gouvernement à ne fermer aucun lieu de justice, il n'en demeure pas moins qu'en leur ôtant leur statut protecteur, le texte facilite leur fermeture.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°69, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Mme Céline Brulin.  - Alors que l'article initial du Gouvernement entendait déjà mettre en place la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance, avec la création de « chambres détachée » qui seront appelées à remplacer les tribunaux d'instance vidés de leur substance, le texte de la commission va encore plus loin en réintroduisant les « tribunaux de première instance ».

Aussi, alors que le Gouvernement n'excluait pas de conserver plusieurs TGI sur un même département, cet article consacre le principe du tribunal unique par département - alors que nous nous y sommes majoritairement opposés au Sénat. La seule logique pécuniaire et gestionnaire guide ces mesures, au détriment de la justice de proximité et de l'égal accès au droit pour tous les justiciables de notre pays.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°92 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Pellevat et Vial, Mme Deromedi, M. Cuypers, Mmes Garriaud-Maylam, Bories et Morhet-Richaud et M. Panunzi.

Mme Sylviane Noël.  - Cet article fusionne le tribunal de grande instance et le tribunal d'instance, en un tribunal de première instance. Le justiciable se trouvera éloigné de la justice. En effet, la délocalisation de certains contentieux et la nécessité pour le justiciable de parcourir parfois plus de 100 km pourraient le décourager de se rendre à son audience. Dans les zones de montagne, la proximité des services publics est un facteur important car le problème des distances peut vite devenir rédhibitoire en raison des conditions imposées par le climat et le relief.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - La commission des lois est défavorable à ces trois amendements de suppression. Nous avions déjà, dans notre rapport d'avril 2017, accepté le principe de la fusion des tribunaux d'instance et des TGI, sachant qu'elle ne signifie pas qu'il n'y aurait plus qu'un seul tribunal par département, et parce que nous avons apporté des améliorations précises. Nous avons établi des garanties sur le maillage territorial, supprimé la spécialisation d'une chambre dans un tribunal - dangereuse car risquant de vider les autres tribunaux, nous avons aussi obtenu la garantie des emplois des fonctionnaires des greffes, encadré toute modification de la carte scolaire, obtenu que le socle minimal pour chaque implantation soit défini nationalement, par décret en Conseil d'État - qu'il englobe, en particulier, le contentieux du tribunal d'instance et celui du tribunal aux affaires familiales post-divorce. Nous souhaitons conserver ces dispositions.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Vous avez dénoncé une logique pécuniaire qui irait à l'encontre de la justice de proximité. Je m'inscris en faux contre cette analyse ! Nous garantissons le maintien des tribunaux d'instance et leur offrons la possibilité d'accroître leurs compétences si nécessaire. Le texte apporte de nombreuses garanties, notamment un juge de la protection dans tous les tribunaux d'instance. Le personnel sera affecté dans le lieu où il exercera effectivement son activité. Au total, le rôle des juridictions s'en trouvera renforcé.

Nous n'allons enfin pas créer des chambres spécialisées mais, pour une minorité de contentieux très spécifiques, qui représentent à peine le dixième des dossiers, assurer leur jugement par des magistrats qui seront plus habitués à ce type de contentieux spécialisés. C'est une réalité très concrète : dans un TGI de petite taille où je me trouvais il y a peu, les avocats, les magistrats et les personnels me disaient qu'ils ne traitaient que peu de contentieux de la fiscalité indirecte mais qu'il ne fallait pas leur enlever tel contentieux rural spécialisé ; la situation est différente dans un autre TGI du département, et il sera utile d'échanger ponctuellement entre les contentieux techniques. Ce sera un progrès pour les magistrats et les justiciables. Je me rendrai avec plaisir, madame Noël, au tribunal de Bonneville, pour rassurer les magistrats et le personnel.

M. Jacques Bigot.  - La mission conduite par le président Bas était plutôt favorable sur un tribunal d'instance par département. Nous avons donc bien évolué.

Ces questions suscitent des réactions contradictoires. Rien n'empêche, si le tribunal d'instance devient une chambre détachée du tribunal de grande instance, qu'un JAF par exemple vienne y conduire une audience. Mais les magistrats n'y sont pas prêts. Les élus locaux doivent travailler sur l'organisation de la justice pour assurer la proximité territoriale. Je ne voterai pas les amendements de suppression.

Les amendements identiques nos44, 69 et 92 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°95 rectifié, présenté par Mme Noël, MM. Pellevat et Panunzi, Mme Deromedi, MM. Vial et Cuypers, Mme Garriaud-Maylam, M. Laménie et Mmes Bories et Morhet-Richaud.

Alinéas 9 à 12

Supprimer ces alinéas.

Mme Sylviane Noël.  - Ces alinéas, introduits en première lecture, prévoient la fusion des greffes du tribunal judiciaire et des conseils de prud'hommes lorsqu'ils sont situés dans une même commune.

Ils auraient pour conséquence de supprimer le poste de greffier attaché au conseil de prud'hommes. Or les juridictions prud'homales représentent une juridiction à laquelle les représentants salariés et employeurs sont particulièrement attachés.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Cet amendement est satisfait par la commission des lois. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable également mais pour d'autres raisons.

L'amendement n°95 rectifié est retiré.

L'amendement n°77 n'est pas défendu, non plus que l'amendement n°78.

Mme la présidente.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par M. Antiste, Mme Conconne, MM. P. Joly et Lalande et Mme Artigalas.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Le présent article n'est pas applicable dans les départements et collectivités relevant de l'article 73 de la Constitution.

M. Maurice Antiste.  - Cet amendement exclut les départements et collectivités d'outre-mer du champ d'application de l'article 53, lequel organise la fusion des tribunaux d'instance et des tribunaux de grande instance.

En outre-mer, la réduction croissante du service public de la justice contribuera, plus encore qu'ailleurs, à accroître le clivage culturel entre les institutions judiciaires et la population, au prix d'une incapacité toujours plus grande à assurer une régulation équitable et efficace des rapports sociaux. Le service public de la justice étant dans ces régions déjà suffisamment fragilisé, évitons de le fragiliser davantage par une réforme mal calibrée et dont l'objectif reste d'économiser des moyens humains supplémentaires pourtant indispensables.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis défavorable : je soupçonne un problème de constitutionnalité.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Avis défavorable également.

L'amendement n°25 rectifié n'est pas adopté.

L'article 53 est adopté.

L'article 53 bis AA demeure supprimé.

L'article 53 bis AB est adopté, ainsi que les articles 53 bis AC et 53 bis AD.

Les articles 53 bis AE et 53 bis AF demeurent supprimés.

L'article 53 bis A est adopté.

Les articles 53 bis B et 53 bis C demeurent supprimés.

L'article 53 bis est adopté.

ARTICLE 54 (Supprimé)

L'amendement n°26 n'est pas défendu.

L'article 54 demeure supprimé.

ARTICLE 55

Mme la présidente.  - Amendement n°70, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.

Supprimer cet article.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Cet article habilite le Gouvernement à prendre par voie d'ordonnance les mesures conséquentes à la suppression des tribunaux d'instance et à l'extension des compétences des tribunaux de grande instance. Cette véritable refonte de la carte judiciaire qui ne dit pas son nom devrait faire l'objet d'un large débat public et d'un projet de loi distinct.

Comme pour l'article 53, nous proposons la suppression de l'article pour garantir un service public de la justice de proximité.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°94 rectifié, présenté par Mme Noël, M. Pellevat, Mme Deromedi, MM. Vial et Cuypers, Mme Garriaud-Maylam, M. Laménie, Mmes Bories et Morhet-Richaud et M. Panunzi.

Mme Sylviane Noël.  - Il est défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Nous avons rétabli l'article 53, donc nous avons besoin des dispositions de l'article 55. Avis défavorable ou retrait.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Vous avez sûrement une mauvaise compréhension de l'article 55. Il ne fixe pas une carte judiciaire mais tire les conséquences légistiques de la réforme. C'est uniquement pour cela que nous demandons cette habilitation. Avis défavorable.

Les amendements identiques nos70 et 94 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 55 est adopté.

ARTICLE 56

Mme la présidente.  - Amendement n°76 rectifié bis, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 1

Rétablir le I A dans la rédaction suivante :

IA.- Le I de l'article 2 entre en vigueur le 1er janvier 2022.

M. Jacques Bigot.  - Il est défendu.

L'amendement n°76 rectifié bis, accepté par la commission des lois et repoussé par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°74, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 14

Supprimer la référence :

le II de l'article 34,

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Il s'agit d'un amendement de coordination.

L'amendement n°74, accepté par la commission, est adopté.

L'article 56, modifié, est adopté.

Article 57

Mme la présidente.  - Amendement n°75, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Après l'alinéa 54

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Aux articles L. 532-2 et L. 552-2, la référence : « et L. 211-12 » est remplacée par les références : « , L. 211-12 et L. 217-6 » ;

II.  -  Après l'alinéa 60

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'article L. 562-2, la référence : « L. 211-12 » est remplacée par les références : « L. 211-12, L. 217-6 » ;

2° Après l'alinéa 75

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Les III et IV de l'article 42 bis AA de la présente loi sont applicables aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement précise l'applicabilité en outre-mer des dispositions de l'article 42 bis AA relatives à l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jacques Bigot.  - Le juge de l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme (Jivat) est placé auprès du TGI de Paris. Imposer aux justiciables d'outre-mer d'en dépendre n'est pas justifié.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Jivat pourra bien sûr tenir des audiences délocalisées.

L'amendement n°75 est adopté.

L'article 57, modifié, est adopté.

Explication de vote

M. Jacques Bigot .  - Le groupe SOCR s'abstiendra comme en première lecture : le texte du Sénat est meilleur que celui de l'Assemblée nationale ; mais nous sommes en désaccord avec une série de dispositions en matière pénale et de procédure pénale.

Le projet de loi est adopté.

Discussion des articles du projet de loi organique

Les articles premier A, premier B, premier, premier bis, premier ter, premier quater, premier quinquies, premier sexies, premier septies, premier octies, 2, 2 bis,2 ter, 2 quater, 2 quinquies, 4, 5 et 7 bis sont adoptés.

L'article 7 ter demeure supprimé.

Les articles 8 A, 8, et 9 sont adoptés.

L'article 9 bis demeure supprimé.

L'article 9 ter est adopté.

L'article 9 quater demeure supprimé.

L'article 10 est adopté.

Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°55 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 297
Pour l'adoption 279
Contre   18

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 13 février 2019, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit quinze.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 13 février 2019

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, vice-président M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Dominique de Legge - M. Éric Bocquet

Projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française (procédure accélérée) (texte de la commission, n°294, 2018-2019) et projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française (procédure accélérée) (texte de la commission, n°293, 2018-2019).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°54 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :324

Pour :206

Contre :118

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Pour : 141

Abstentions : 3 - M. Jean-Paul Émorine, Mme Fabienne Keller, M. Michel Raison

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (74)

Contre : 74

Groupe UC (51)

Pour : 49

Abstentions : 2 - MM. Philippe Bonnecarrère, Olivier Henno

Groupe LaREM (23)

Contre : 22

Abstention : 1 - M. Arnaud de Belenet

Groupe RDSE (22)

Pour : 2 - Mme Nathalie Delattre, M. Franck Menonville

Contre : 6 - M. Stéphane Artano, Mme Maryse Carrère, MM. Jean-Pierre Corbisez, Ronan Dantec, Joël Labbé, Olivier Léonhardt

Abstentions : 14

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (12)

Pour : 11

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Dany Wattebled

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 3

Abstentions : 2 - Mme Christine Herzog, M. Jean Louis Masson

Scrutin n°55 sur l'ensemble du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :297

Pour :279

Contre :18

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Pour : 144

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (74)

Pour : 74

Groupe UC (51)

Pour : 48

Abstentions : 2 - M. Philippe Bonnecarrère, Mme Sophie Joissains

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Valérie Létard, Présidente de séance

Groupe LaREM (23)

Abstentions : 23

Groupe RDSE (22)

Abstentions : 22

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 1 - M. Philippe Adnot

Contre : 2

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier

Composition d'une éventuelle CMP

Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises sont :

Titulaires :

- Mme Catherine Fournier

- M. Jean-François Husson

- Mme Élisabeth Lamure

- Mme Sophie Primas

- M. Martial Bourquin

- Mme Frédérique Espagnac

- M. Georges Patient

Suppléants :

- M. Serge Babary

- M. Michel Canevet

- M. Philippe Dominati

- M. Jean-Marc Gabouty

- M. Fabien Gay

- Mme Christine Lavarde

- M. Jean-Louis Tourenne

51

Les amendements identiques nos70 et 94 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 55 est adopté.

ARTICLE 56

Mme la présidente.  - Amendement n°76 rectifié bis, présenté par Mme Meunier et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 1

Rétablir le I A dans la rédaction suivante :

IA.- Le I de l'article 2 entre en vigueur le 1er janvier 2022.

M. Jacques Bigot.  - Il est défendu.

L'amendement n°76 rectifié bis, accepté par la commission des lois et repoussé par le Gouvernement, est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°74, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 14

Supprimer la référence :

le II de l'article 34,

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Il s'agit d'un amendement de coordination.

L'amendement n°74, accepté par la commission, est adopté.

L'article 56, modifié, est adopté.

Article 57

Mme la présidente.  - Amendement n°75, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Après l'alinéa 54

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Aux articles L. 532-2 et L. 552-2, la référence : « et L. 211-12 » est remplacée par les références : « , L. 211-12 et L. 217-6 » ;

II.  -  Après l'alinéa 60

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À l'article L. 562-2, la référence : « L. 211-12 » est remplacée par les références : « L. 211-12, L. 217-6 » ;

2° Après l'alinéa 75

Insérer un paragraphe ainsi rédigé :

...  -  Les III et IV de l'article 42 bis AA de la présente loi sont applicables aux îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Cet amendement précise l'applicabilité en outre-mer des dispositions de l'article 42 bis AA relatives à l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable.

M. Jacques Bigot.  - Le juge de l'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme (Jivat) est placé auprès du TGI de Paris. Imposer aux justiciables d'outre-mer d'en dépendre n'est pas justifié.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le Jivat pourra bien sûr tenir des audiences délocalisées.

L'amendement n°75 est adopté.

L'article 57, modifié, est adopté.

Explication de vote

M. Jacques Bigot .  - Le groupe SOCR s'abstiendra comme en première lecture : le texte du Sénat est meilleur que celui de l'Assemblée nationale ; mais nous sommes en désaccord avec une série de dispositions en matière pénale et de procédure pénale.

Le projet de loi est adopté.

Discussion des articles du projet de loi organique

Les articles premier A, premier B, premier, premier bis, premier ter, premier quater, premier quinquies, premier sexies, premier septies, premier octies, 2, 2 bis,2 ter, 2 quater, 2 quinquies, 4, 5 et 7 bis sont adoptés.

L'article 7 ter demeure supprimé.

Les articles 8 A, 8, et 9 sont adoptés.

L'article 9 bis demeure supprimé.

L'article 9 ter est adopté.

L'article 9 quater demeure supprimé.

L'article 10 est adopté.

Le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public de droit.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°55 :

Nombre de votants 344
Nombre de suffrages exprimés 297
Pour l'adoption 279
Contre   18

Le Sénat a adopté.

Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 13 février 2019, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit quinze.

Jean-Luc Blouet

Direction des comptes rendus

Annexes

Ordre du jour du mercredi 13 février 2019

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

Présidence : M. Jean-Marc Gabouty, vice-président M. David Assouline, vice-président

Secrétaires : M. Dominique de Legge - M. Éric Bocquet

Projet de loi organique portant modification du statut d'autonomie de la Polynésie française (procédure accélérée) (texte de la commission, n°294, 2018-2019) et projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie française (procédure accélérée) (texte de la commission, n°293, 2018-2019).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n°54 sur l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la croissance et la transformation des entreprises.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :346

Suffrages exprimés :324

Pour :206

Contre :118

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Pour : 141

Abstentions : 3 - M. Jean-Paul Émorine, Mme Fabienne Keller, M. Michel Raison

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (74)

Contre : 74

Groupe UC (51)

Pour : 49

Abstentions : 2 - MM. Philippe Bonnecarrère, Olivier Henno

Groupe LaREM (23)

Contre : 22

Abstention : 1 - M. Arnaud de Belenet

Groupe RDSE (22)

Pour : 2 - Mme Nathalie Delattre, M. Franck Menonville

Contre : 6 - M. Stéphane Artano, Mme Maryse Carrère, MM. Jean-Pierre Corbisez, Ronan Dantec, Joël Labbé, Olivier Léonhardt

Abstentions : 14

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (12)

Pour : 11

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Dany Wattebled

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 3

Abstentions : 2 - Mme Christine Herzog, M. Jean Louis Masson

Scrutin n°55 sur l'ensemble du projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture après engagement de la procédure accélérée, relatif au renforcement de l'organisation des juridictions.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :344

Suffrages exprimés :297

Pour :279

Contre :18

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (145)

Pour : 144

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe SOCR (74)

Pour : 74

Groupe UC (51)

Pour : 48

Abstentions : 2 - M. Philippe Bonnecarrère, Mme Sophie Joissains

N'a pas pris part au vote : 1 - Mme Valérie Létard, Présidente de séance

Groupe LaREM (23)

Abstentions : 23

Groupe RDSE (22)

Abstentions : 22

Groupe CRCE (16)

Contre : 16

Groupe Les Indépendants (12)

Pour : 12

Sénateurs non inscrits (5)

Pour : 1 - M. Philippe Adnot

Contre : 2

N'ont pas pris part au vote : 2 - Mme Claudine Kauffmann, M. Stéphane Ravier

Composition d'une éventuelle CMP

Les représentants du Sénat à l'éventuelle commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises sont :

Titulaires :

- Mme Catherine Fournier

- M. Jean-François Husson

- Mme Élisabeth Lamure

- Mme Sophie Primas

- M. Martial Bourquin

- Mme Frédérique Espagnac

- M. Georges Patient

Suppléants :

- M. Serge Babary

- M. Michel Canevet

- M. Philippe Dominati

- M. Jean-Marc Gabouty

- M. Fabien Gay

- Mme Christine Lavarde

- M. Jean-Louis Tourenne