Taxe sur les services numériques (Conclusions de la CMP)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi portant création d'une taxe sur les services numériques et modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés.

Discussion générale

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur pour le Sénat de la CMP .  - Il y a quelques heures, le gouvernement américain a annoncé l'ouverture d'une enquête sur le projet de taxe sur les services numériques, menaçant d'éventuelles représailles via une augmentation des droits de douane. Il ne faudrait pas que les conséquences économiques de cette décision excèdent les bénéfices attendus de cette taxe, dont le rendement est d'ailleurs incertain.

La CMP est parvenue à un accord sur ce texte, dont il ne restait que trois articles en discussion.

L'article premier crée la taxe sur les services numériques. L'article premier bis A, introduit par le Sénat, demande au Gouvernement de justifier son refus de notifier la taxe à la Commission européenne au titre des aides d'État. Cette saisine aurait permis, à notre sens, de purger le risque juridique.

L'article 2 revient sur la baisse de l'impôt sur les sociétés pour les grandes entreprises en 2019.

C'est une mesure de pur rendement, contrepartie des mesures prises en réponse à la crise des gilets jaunes.

Le Sénat a adopté l'article 2 en première lecture, mais une nouvelle modification de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés est à prévoir en 2020. Un nouveau report empêchera d'atteindre l'objectif d'un taux de 25 % en 2022, ce qui serait dommageable pour notre compétitivité et pour la confiance des entreprises.

L'article premier bis, une demande de rapport introduite par le Sénat, a été adopté en CMP. Je salue l'important travail réalisé avec mon homologue Joël Giraud pour aboutir à un compromis.

Le principe de la taxe sur les services numériques a été validé par les deux chambres dès la première lecture. Le système fiscal international actuel ne permet pas une juste répartition de l'imposition.

Une réforme sous l'égide de l'OCDE pourrait aboutir plus rapidement que prévu ; la solution nationale est un pis-aller, un « plan B », une étape dans l'attente d'une solution internationale, la seule possible à terme.

Seuls, nous prenons un risque. Cette taxe est imparfaite économiquement car elle taxe le chiffre d'affaires et non les bénéfices et peut conduire à une double imposition, mais aucune solution juridique n'est pleinement satisfaisante. La CMP n'a hélas pas retenu la déduction de la taxe sur la contribution sociale de solidarité (C3S) que nous avions introduite.

La taxe sur les services numériques, complexe à mettre en oeuvre, doit être vue comme un palliatif, dans l'attente d'une décision multilatérale plus adaptée. C'est pourquoi le Sénat avait fixé une date butoir en 2021. Nous avons toutefois accepté en CMP de ne pas limiter la durée pour laisser au Gouvernement une marge de manoeuvre dans la négociation ; en revanche, le rapport prévu mentionnera expressément la date de l'accord international qui se substituera à la taxe.

Juridiquement, la taxe sur les services numériques est un pari : son assiette vise à territorialiser des revenus générés par les utilisateurs français non déclarés en France, en s'extrayant des conventions fiscales internationales sur la répartition des bénéfices.

Le Sénat avait sécurisé le dispositif pour réduire le risque de contentieux. La CMP est revenue sur l'exclusion du champ de la taxe des services par abonnement ainsi que des systèmes informatisés de réservation.

En revanche, l'apport du Sénat tendant à préciser les conditions d'assujettissement des entreprises pour percevoir la taxe dès 2019 a été conservé. La CMP a opéré plusieurs ajustements techniques.

Le Sénat s'est inquiété du risque de remise en cause de la taxe sur les services numériques si celle-ci devait être qualifiée d'aide d'État. Faute de notification préalable à la Commission européenne, elle risquerait alors d'être invalidée. Vous prenez un risque juridique inutile ; c'est pourquoi je me félicite du maintien par la CMP de l'article premier bis A qui demande au Gouvernement de justifier son choix.

Un premier compromis a conduit à exclure de l'assiette de la taxe les services connexes à la mise en relation des utilisateurs, c'est-à-dire la logistique ; un second, à préciser les critères de localisation des terminaux, en respectant les exigences de protection des données personnelles.

Le texte issu de la CMP a été adopté sans modification par l'Assemblée nationale. La taxe pourra donc entrer rapidement en vigueur, pour une plus juste imposition des géants du numérique. C'est un encouragement, une étape dans l'attente d'une solution pérenne qui doit, à nos yeux, intervenir au niveau de l'OCDE, et une prise de risque. C'est dans cet esprit que nous avons adopté cette taxe très novatrice. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Bruno Le Maire, ministre de l'économie et des finances .  - Je suis heureux de vous retrouver pour l'adoption définitive de ce texte important. Je salue le sens des responsabilités du Sénat, qui a su trouver un accord avec l'Assemblée nationale, et la qualité de son travail qui a amélioré le texte.

Le premier volet concerne la révision de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés. L'engagement du président de la République d'un taux de 25 % pour toutes les entreprises en 2022 sera tenu. C'est vital pour la compétitivité de nos entreprises, pour qu'elles puissent investir et innover.

C'est aussi un enjeu d'attractivité. Si la France est le pays européen le plus attractif pour les investissements étrangers, c'est grâce aux mesures fiscales favorisant l'investissement et l'emploi dans nos territoires.

Cette baisse sera mise en oeuvre dès 2020 pour toutes les entreprises, y compris celles dont le chiffre d'affaires est supérieur à 250 millions d'euros, qui verront leur taux passer de 33,3 % à 31 % ; pour les autres, il passera de 31 % à 28 %. J'ai conscience du décalage par rapport aux annonces antérieures, mais il est normal que la baisse soit un peu moins rapide pour les grandes entreprises ; ce n'est que justice. Cela permet de dégager 700 millions d'euros pour financer les baisses d'impôt des ménages.

Deuxième sujet, la taxation des géants du numérique. Ni fruit du hasard, ni lubie de quelques États européens, elle part du constat que la valeur est aujourd'hui créée par l'accumulation de données, leur collecte, leur stockage et leur commercialisation. La donnée fait la valeur, or sa taxation est inférieure à celle des services et des biens manufacturés. C'est injuste et inefficace.

La Commission européenne a constaté que la taxation des données était inférieure de 14 points à celle des autres activités économiques. Nous voulons une fiscalité du XXIe siècle, juste et efficace. Comment financerons-nous nos biens publics, nos investissements pour l'environnement, nos écoles, nos hôpitaux, si nous ne taxons pas équitablement les entreprises qui créent le plus de valeur ?

Depuis deux ans, je me bats pour convaincre nos partenaires européens, un par un. Nous proposons une taxe à 3 % sur le chiffre d'affaires, seule donnée disponible et crédible. Elle s'appliquera aux seules entreprises dont le chiffre d'affaires numérique est supérieur à 750 millions d'euros au niveau mondial, et à 25 millions d'euros au niveau national.

Je rappelle que cette taxe est temporaire. Dès que l'OCDE aura adopté une solution crédible, la France retirera sa taxe nationale.

La sécurité juridique de cette taxe a été confirmée par le Conseil d'État et la Commission européenne, qui avait proposé un dispositif similaire. Il est sage d'avoir prévu un rapport sur l'évolution des négociations internationales, j'en remercie le Sénat.

Initialement, nous étions deux États européens à soutenir une telle taxe, puis cinq, puis dix-neuf en octobre 2018, et enfin vingt-quatre. Quatre États membres, Suède, Finlande, Danemark et Irlande, ont bloqué l'accord. Je ne m'y résigne pas : il faut passer de la règle de l'unanimité à celle de la majorité qualifiée en matière fiscale.

M. Ladislas Poniatowski.  - Bien sûr !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Le représentant américain au commerce, Bob Lighthizer, a indiqué que l'administration américaine allait ouvrir une procédure au titre de la section 301, et j'ai longuement échangé hier avec le secrétaire d'État au Trésor, Steven Mnuchin. C'est la première fois dans l'histoire des relations entre nos deux pays que l'administration américaine prend une telle décision. Entre alliés, nous devrions régler nos différends autrement que par la menace. La France est un État souverain qui décide souverainement de sa fiscalité. Cette taxe doit être une incitation vis-à-vis de nos partenaires à accélérer la recherche d'une solution au niveau de l'OCDE ; le G7 Finances qui se tient dans dix jours à Chantilly devra y travailler. Passons par des accords plutôt que par des menaces.

M. Claude Kern.  - Très bien !

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Nous sommes confrontés à l'émergence de géants monopolistiques qui veulent contrôler le maximum de données, créer de la valeur, échapper à l'impôt et même créer des instruments d'échange pouvant remplacer les monnaies souveraines. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics d'éviter l'émergence de véritables États privés, qui auraient tous les privilèges d'un État sans les contraintes et les contrôles associés.

Ma détermination est totale pour une taxation des géants du numérique, dans un souci de justice et d'efficacité, et pour un cadre protecteur des données. Je combattrai résolument le projet Libra de Facebook, qui risque de concurrencer les monnaies souveraines. Je n'accepterai pas qu'une entreprise devienne un État privé. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

M. Pascal Savoldelli .  - « L'impôt finira par absorber la totalité des revenus et entamera le capital, restreignant l'épargne et la production, forçant les capitaux à se cacher ou à fuir », disait Paul Leroy-Beaulieu en 1908, en réaction à la première initiative parlementaire visant à créer un impôt sur le revenu. Six ans plus tard, alors que le Sénat s'apprêtait à adopter la loi Caillaux qui l'instituait enfin, il était accusé par l'opposition de droite d'avoir « perdu toute dignité ». À l'époque du capitalisme manufacturier, l'impôt sur le revenu cristallisait les débats ; aujourd'hui, c'est le numérique.

En France, trois entreprises sur cinq sont passées au big data, 83 % des Français sont connectés ; le numérique représente 5,5 % du PIB, 700 000 emplois ont été créés en quinze ans dans ce secteur. Nous sommes donc dans une période charnière. Le débat sur la taxation du numérique est d'autant plus vif que l'imposition des sociétés tend à décroître : entre 1995 et 2017, selon l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), elle est passée de 35 % à 21,9 % en moyenne en Europe.

Comme il y a un siècle, il faut rétablir la justice fiscale et l'efficacité économique. N'en déplaise à certains, la taxation du numérique est inéluctable. Mais veut-on ralentir ou hâter le mouvement ?

L'impôt est indissociable de la vie démocratique, le principe en est posé dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Il est temps de le faire respecter aux Gafam.

Ce texte n'est qu'un timide premier pas vers des solutions plus durables. Nous considérons que l'assiette et le taux d'imposition proposés ne vont pas assez loin. Un taux à 3 % ne rapportera que 400 millions en 2019, 650 millions d'euros en 2020. On est loin des 3,2 milliards d'euros que rapportait l'ISF ou du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) qui a déjà coûté 100 milliards d'euros depuis 2013.

Certains amendements proposaient un taux plus élevé. De nombreuses exceptions sont en outre prévues.

Les discussions en CMP ont supprimé le caractère explicitement temporaire de la taxe, c'est heureux. Le rapport annuel que nous avions proposé est maintenu, c'est la moindre des choses.

L'attitude des États-Unis est choquante, et leur volonté d'extraterritorialité inacceptable. (M. le ministre approuve de la tête.) Je suis satisfait de vos propos, monsieur le ministre : il faut faire respecter notre souveraineté nationale, et tenir bon. On voit bien que l'enjeu est important. Il faut accélérer, obtenir une majorité qualifiée, pouvoir lutter à armes égales. Nous le devons à nos PME, à nos commerçants qui sont dans un combat inégal avec ces sociétés.

Le groupe CRCE s'abstiendra dans un esprit de vigilance. (Applaudissements sur les bancs du groupe CRCE ; M. Patrick Kanner applaudit également.)

Mme Sophie Taillé-Polian .  - Malgré son faible rendement et sa timidité, cette taxe GAFA est un symbole important. La réaction américaine nous incite à continuer avec force à tenir bon.

C'est pourquoi le groupe socialiste votera ce projet de loi, même si l'avancée est modeste, car toutes les entreprises doivent participer aux recettes de l'État. Il s'agit de répondre aux Français qui ne comprennent pas que certains secteurs d'activité bénéficient d'une fiscalité allégée et que les bénéfices des grandes entreprises ne soient davantage imposés.

Toutes les entreprises doivent contribuer aux infrastructures et aux services publics. Dans la course effrénée à la baisse de l'impôt sur les sociétés, on en viendra un jour à payer des sociétés pour qu'elles s'implantent sur le territoire ! Pourtant, c'est grâce aux infrastructures, aux services publics, à l'État qu'elles peuvent prospérer. Plaçons les entreprises devant leurs responsabilités sociales.

Nous approuvons les évolutions introduites en CMP. La notification de la taxe à la Commission européenne la sécuriserait et éviterait les recours car nous savons que ces entreprises utiliseront tous les leviers juridiques pour mettre les États en difficulté.

La limitation dans le temps de cette taxe ne nous apparaissait pas pertinente tant que les travaux de l'OCDE n'auront pas abouti. Cela risque de prendre du temps, au vu de la réaction américaine...

La remise d'un rapport sur le résultat de la taxe permettra d'en mesure l'efficacité.

Reste que nous aurions préféré une taxe sur les bénéfices plutôt que sur le chiffre d'affaires. Nous nous interrogeons sur la capacité des services fiscaux à vérifier les déclarations des bases fiscales imposables, ainsi que sur les répercussions possibles sur le prix des publicités.

Rappelons le contexte : ce projet de loi répond surtout au besoin de financement des annonces présidentielles face à la colère sociale. Nous l'avons dit en première lecture : ce sera insuffisant. La facture totale s'élève à 25 milliards d'euros, selon l'estimation de la commission des finances. Les recettes attendues de cette taxe sont seulement de 3,5 milliards d'euros...

Suppression de la taxe d'habitation, y compris pour les plus aisés, annulation de l'augmentation de la fiscalité écologique sans moyens autres pour financer la transition écologique, baisse de l'impôt sur le revenu et défiscalisation des heures supplémentaires... Nous nous interrogeons sur l'équilibre du budget et le financement des services publics. Cet apport est bienvenu mais les besoins restent criants.

Cette taxe illustre l'échec de la France à faire aboutir une solution européenne. Néanmoins, il faut montrer notre détermination. Aussi, le groupe socialiste votera ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOCR)

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Bien.

M. Jean-Marc Gabouty .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe UC) Je me réjouis que la CMP ait abouti à un accord. Cette loi est importante en termes d'équité fiscale mais aussi pour l'image de la France, pionnière en anticipant de futurs accords internationaux. Cela montre que notre pays est encore capable d'initiative et s'affranchit de la tutelle des États-Unis.

Le président Trump, dans un de ces élans impérialistes qu'il affectionne, ou pour des raisons électorales, a demandé hier une enquête de son administration. Je ne sais s'il capte Public Sénat, mais sa marque d'intérêt, même si elle n'est guère bienveillante, est un honneur pour nous.

L'article 2 modifie la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés. Ni changement de cap, ni reniement mais simple report pour les grandes entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 250 millions d'euros.

L'article 2 avait été adopté conforme par le Sénat, mais de justesse, par scrutin public en réunissant une majorité inhabituelle. En effet, la commission des finances avait donné un avis favorable à un amendement de suppression de la majorité sénatoriale, qui n'a pas voté l'article 2 et s'est abstenue sur l'ensemble du texte.

M. Albéric de Montgolfier, rapporteur.  - C'était un avis de sagesse.

M. Jean-Marc Gabouty.  - Sans doute faut-il y voir une posture, car le rapporteur général lui-même a reconnu qu'il s'agissait d'une contrepartie aux mesures annoncées en décembre en réponse au mouvement social. Selon Joël Giraud, c'est ce vote conforme qui a autorisé l'accord en CMP. En ne suivant pas l'avis de la commission des finances, nous vous avons rendu service !

Sur la taxe sur les services numériques, les différences entre Assemblée nationale et Sénat n'étaient pas fondamentales. Chacun a fait des concessions et je rends hommage aux deux rapporteurs.

L'objectif est commun : une plus juste fiscalité des entreprises.

Le texte ne répond toutefois pas à toutes les difficultés, par exemple, la localisation des utilisateurs ou la durée du dispositif. Le taux de la taxe aurait pu être plus élevé, la CVAE déductible pour les entreprises payant déjà l'impôt sur les sociétés en France.

À ce stade, il convenait avant tout de parvenir à un texte commun susceptible de servir de levier dans les négociations internationales. Je me réjouis de cette marque d'unité nationale.

L'ensemble du groupe RDSE votera ce texte.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Très bien.

Mme Sylvie Vermeillet .  - Le groupe UC se réjouit que la CMP soit parvenue à un accord. C'est le signe que nos deux assemblées peuvent se retrouver au-delà des postures.

L'enjeu de la fiscalité du numérique est économique mais aussi éthique. L'accord sur la taxe sur les services numériques est intervenu à peine quatre mois après la présentation du projet de loi en Conseil des ministres. La première lecture a permis à chaque assemblée d'enrichir le texte.

Je félicite les rapporteurs du Sénat et de l'Assemblée nationale. Sur les cinq articles du texte, deux ont été votés conformes par les deux chambres, et deux adoptés dans la rédaction du Sénat. Je salue l'investissement de Bernard Delcros, qui y représentait le groupe UC.

Je ne reviens pas sur les limites et imperfections de la solution retenue, puisqu'une taxe sur le chiffre d'affaires agit aveuglément, que l'entreprise soit installée ou en pleine croissance. Hélas, il était difficile de distinguer les unes des autres. La déduction de la C3S proposée par la commission des finances avait le mérite d'atténuer l'impact de la double imposition. Elle n'a malheureusement pas prospéré, se heurtant au risque d'incompatibilité avec la règlementation européenne sur les aides d'État. Profitez donc de ce texte, monsieur le ministre, pour supprimer la C3S, dont le Conseil d'analyse économique a rappelé la nocivité.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - C'est vrai !

Mme Sylvie Vermeillet.  - De nombreux apports du Sénat ont été conservés, sur la territorialisation en matière de publicité ciblée ou le report de la date limite pour le paiement de l'acompte en 2019.

Nous nous félicitons de l'adoption de l'article premier bis A ajouté par le Sénat à l'initiative du rapporteur. Il est souhaitable de réduire autant que possible en amont les risques juridiques identifiés plutôt que de nourrir en aval le risque de contentieux. La remise par le Gouvernement d'un rapport sur les motifs de refus de notification à la Commission européenne est donc une mesure de sagesse - marque de fabrique du Sénat.

Le compromis trouvé sur le bornage temporel de la taxe nous satisfait, la CMP ayant affirmé plus nettement le caractère provisoire de la taxe.

S'il revient sur le renvoi à un décret en Conseil d'État pour définir les moyens de localisation des utilisateurs, le texte de la CMP tient compte de nos inquiétudes s'agissant de la protection des données personnelles.

L'article 2 a fait l'objet d'appréciations diverses au sein de notre groupe. C'est à mes yeux une mesure de rendement nécessaire compte tenu des mesures votées en décembre dernier en réponse à la grogne sociale. Nous veillerons toutefois au maintien de la trajectoire de baisse.

Ce texte est un premier pas, sans doute insuffisant mais décisif pour changer enfin le système d'imposition des géants du numérique.

Nul doute que la voix de la France sera une fois encore un accélérateur pour faire émerger une solution internationale, en dépit des menaces du président Trump.

Le groupe UC votera ce texte sans réserve. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

Mme Nathalie Goulet.  - Très bien.

M. Bruno Le Maire, ministre.  - Merci.

M. Robert Laufoaulu .  - Nous saluons les améliorations apportées par la commission des finances au texte de l'Assemblée nationale et nous réjouissons de l'accord en CMP. Il fallait agir vite sur une question de justice fiscale et de souveraineté.

Alors que l'Union européenne accuse un retard dans la course aux données, la taxe sur les services numériques est la meilleure réponse à l'injustice fiscale dont pâtissent les entreprises françaises. Nos PME et ETI sont soumises au taux d'imposition le plus élevé d'Europe alors que les grands groupes du numérique s'organisent pour ne pas acquitter l'impôt en France.

Ce texte est une première étape. Nous aurions préféré que la taxe porte sur les bénéfices plutôt que sur le chiffre d'affaires. Nous serons vigilants à ce que cette pratique ne soit pas étendue à d'autres secteurs.

Faute de consensus au sein de l'Union européenne, la France a pris les devants pour montrer l'exemple ; à elle de convaincre ses voisins. Nous étions 24 à soutenir le projet, mais seule la France a agi au niveau national. Nous saluons la détermination du Gouvernement.

La nature multinationale des Gafam exige une solution globale. En assumant ses responsabilités sur la scène internationale, la France ouvre la voie à une solution à l'échelle de l'OCDE. J'espère que nos partenaires suivront...

La commission des finances a introduit à bon escient une clause d'extinction dans cette perspective.

Le groupe Les Indépendants votera cette taxe qui, à défaut d'être parfaite, est impérative ; à défaut d'être efficace, est équitable et à défaut d'être internationale, existe. (Applaudissements sur les bancs des groupes UC et RDSE)

M. Jean-François Rapin .  - (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Le groupe Les Républicains n'est ni dans l'opposition systématique ni dans l'approbation automatique.

En première lecture, il s'était opposé à l'article 2, malgré tout adopté par le Sénat. La CMP ne portait donc plus que sur la taxe sur les services numériques. Elle est parvenue à un accord équilibré le 26 juin.

Nous regrettons que la limitation temporelle votée par le Sénat n'ait pas été adoptée en CMP ; les députés de la majorité ont fait valoir qu'elle aurait amoindri la pression sur l'OCDE.

De même, l'exclusion des services d'abonnement et des services informatisés de réservation du champ de la taxe n'a pas été retenue, non plus que la déduction de la C3S.

En revanche, la CMP a précisé qu'une nouvelle disposition mettant en oeuvre la taxe au niveau international se substituerait bien à la taxe sur les services numériques, et non qu'elle pourrait le faire. Le Parlement tient donc pour acquis que la taxe sera temporaire jusqu'à l'adoption d'une taxe internationale.

La CMP a également adopté conforme l'article premier bis A introduit par le Sénat qui prévoit un rapport sur les raisons de l'absence de notification à la Commission européenne, au vu du risque juridique.

Nous sommes ainsi parvenus à un texte équilibré ; c'est pourquoi le groupe Les Républicains le votera. (Applaudissements sur les bancs des groupes Les Républicains, UC et Les Indépendants)

La discussion générale est close.

M. le président.  - Je rappelle qu'en application de l'article 42, alinéa 12, du Règlement, le Sénat examinant après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la commission mixte paritaire, il se prononce par un seul vote sur l'ensemble du texte.

Explication de vote

Mme Nathalie Goulet .  - Ce texte est un excellent signal face aux menaces d'un président américain qui rompt avec le multilatéralisme - en témoignent ses sanctions contre l'Iran.

Le Sénat a formé une commission d'enquête sur la souveraineté numérique. J'espère que ses conclusions seront prises en considération, monsieur le ministre : c'est une question d'importance vitale pour notre économie et pour la place de la France.

Le groupe UC votera naturellement ce texte.

Le projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue à 11 h 40.

présidence de M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

La séance reprend à 14 h 30.