Prévenir le suicide des agriculteurs

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à prévenir le suicide des agriculteurs.

Discussion générale

M. Henri Cabanel, auteur de la proposition de loi .  - Le compteur tourne - celui des vies arrachées par le sang de la terre, du prix non rémunérateur, du travail acharné qui ne paie plus, de l'aléa qui peut faire tout basculer, d'un endettement qui vient étouffer la vie de l'exploitant et de sa famille, de la peur de recevoir une énième mise en demeure avant saisie, des agressions par des associations - mais aussi d'une administration devenue frileuse qui gère des dossiers avant de parler à des femmes et à des hommes. Et lentement c'est le burn-out. Comment lutter contre le suicide des agriculteurs ?

La loi EGalim avait cerné le coeur du problème : celui du juste partage de la valeur, à la hauteur du travail réalisé, mais la loi du marché a repris le dessus. Oublié le réveil à 5 heures pour traire ou cueillir les légumes, oubliées les factures de semis, de matériel, les traites aux fournisseurs. Il n'y a plus de valeur travail qui tienne.

Il y a quelques mois, ma collègue Nicole Bonnefoy avait cité les noms des agricultrices et agriculteurs décédés de maladies causées par les produits phytopharmaceutiques. J'aurais voulu faire la même chose, mais le nombre est trop grand : un agriculteur se suicide par jour.

En septembre dernier, la Mutualité sociale agricole (MSA) a publié des chiffres effrayants : 605 suicides en 2015 ! Il faut agir, vite. Cette proposition de loi a été faite avec le coeur, avec les tripes ; elle a été pensée en regardant le film d'Édouard Bergeon, Au nom de la terre, qui raconte l'histoire de son père agriculteur, de son installation, plein d'espoir, en 1979, jusqu'à son suicide après une longue descente aux enfers. Je le remercie d'avoir suscité en moi cet électrochoc qui m'a poussé à agir. Merci aussi au groupe RDSE, qui a été sensible à ma demande, à Guillaume Canet et au producteur Christophe Rossignon, qui sont venus débattre avec nous mercredi dernier, comme ils l'ont fait à l'Assemblée nationale et le feront au Parlement européen.

Des femmes m'ont contacté en nombre, m'autorisant à les citer. Séverine : « En mars 2018, mon frère a tenté de mettre fin à ses jours. Depuis, que de douleur pour toute la famille ! Un homme courageux qui ne peut vivre de son travail. Et je sais ce dont je vous parle car ma soeur et moi avons repris toute l'administration de son exploitation : trop de papiers à faire. Des délais, des dates et des larmes... ».

Sylvie et Pascal : « Le problème du suicide en agriculture est tabou. Les témoignages rares. Plus de libération de la parole réduirait sensiblement le problème. L'administration a un grand rôle à jouer. Qu'elle remette de l'humain dans ses relations avec les paysans. L'agribashing est aussi administratif. »

Pascale : « Femme d'agriculteur depuis plus de vingt ans, j'espère que vous arriverez à faire changer les choses. Mon mari n'a encore jamais sauté le pas mais j'ai passé des soirées à avoir peur. Je prenais mon téléphone, s'il ne répondait pas, je recommençais. Je pense qu'il ne s'est jamais douté de mes peurs mais elles sont bien là et on est impuissant face à ce mal-être ».

Aurore : « II serait bien que cette loi porte le nom de M. Bergeon, ou de sa femme, ou de ses enfants car ce qu'il faut dire c'est que la famille est à bout de porter les devoirs, les factures, la comptabilité, les enfants, la maison, son propre travail... Et tout le monde survit. » Ces témoignages disent, mieux que de grands discours, le problème de fond : la sous-rémunération.

J'ai voulu, sans doute maladroitement, placer les banques au coeur du dispositif et de la loi. On me dit que c'est compliqué, que l'économie n'est pas seule en cause, que la MSA est chargée de la prévention des suicides depuis 2011... D'accord. Mais il y a toujours plus de suicides d'agriculteurs, malgré les outils mis en place « Agri'écoute », opération Sentinelle, les relais vacances...

Les agriculteurs pointent une contradiction : un organisme qui prélève les cotisations, souvent sans ménagement, peut-il être celui qui vient en aide ?

Avec Françoise Férat et Sophie Primas, nous avons opté pour une motion de renvoi du texte en commission. L'objectif premier était de libérer la parole, de commencer le travail pour trouver d'autres solutions. Il faut changer de méthode. Comment apporter plus d'humanité dans les démarches administratives, les contrôles. L'enjeu est celui de l'avenir de l'agriculture et de la juste rémunération des agriculteurs. Le clivage politique ne doit pas entrer en jeu. Nous n'avons plus le temps d'opposer les agricultures et les agriculteurs. Je vois d'ailleurs avec inquiétude les syndicats s'opposer dans un débat stérile sur l'agribashing. Cessons les postures et parlons avec la voix des paysans.

Bénédicte Bergeon, mère d'Édouard, toujours exploitante vingt ans après le suicide de son époux, propose de mettre autour d'une table les banques, les experts-comptables, la MSA pour trouver ensemble des solutions. Prévoyons des aides de ménage, de garde d'enfants pour soutenir les femmes dont les maris vivent une période difficile. Elle m'a dit : « on n'arrache pas les pages, on les tourne ». Tournons-les ensemble et réécrivons la prévention.

Camille Beaurain, veuve à 24 ans, dans son livre coécrit avec le journaliste Antoine Jeandey, présent en tribune, décrit le bonheur d'une vie rurale, puis l'inquiétude, la dépression, un premier geste puis un second, fatal : « Tu ne t'es pas suicidé, tu as été tué. Tué par tous ceux qui ont voulu profiter de toi. Tué par le manque d'humanité. Tué par les institutions, par tout un système qui a vu en toi un travailleur acharné créateur de richesses auxquelles tu n'as pratiquement jamais eu accès. Notre monde est devenu fou, il tue les paysans qui l'alimentent ».

Nous sommes tous co-responsables, en acceptant l'inacceptable. Ce soir il y aura un paysan en moins. Demain, un autre... Notre devoir, c'est que cela cesse. (Applaudissements sur toutes les travées)

Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission des affaires économiques .  - Nous abordons un drame peu documenté, peu médiatisé, qui frappe les campagnes un jour sur deux, manifestation flagrante de la détresse du monde agricole : le suicide des agriculteurs. Merci à Henri Cabanel pour son initiative qui nous permet de nous saisir de cette question. Il faut maintenant trouver des solutions : les pouvoirs publics doivent en faire une priorité.

Les auditions ont dégagé trois convictions. D'abord, il s'agit d'un phénomène sous-appréhendé, avec trois études que leurs méthodologies différentes rendent impossibles à comparer : Santé publique France recense 781 décès d'exploitants agricoles par suicide entre 2007 et 2011, soit un suicide tous les deux jours - nous n'avons pas de chiffres plus récents - soit une surmortalité de 20 % par rapport à la population générale trois années sur les cinq observées.

Derrière les chiffres, froids et impersonnels, chaque histoire est singulière. Une seconde étude de Santé publique France conclut au contraire à une sous-mortalité des salariés agricoles, mais elle exclut les salariés exploitants, ce qui constitue un biais évident.

Une dernière étude, publiée par la MSA en juillet 2019, conclut à une surmortalité des assurés du régime agricole, les salariés y compris, en se concentrant sur les exploitants ayant reçu un soin dans l'année.

L'appréhension statistique est insuffisante : il faut des études fiables au législateur.

La deuxième constatation est qu'une loi ne suffira pas. La décision de mettre fin à ses jours est le résultat d'une accumulation de difficultés financières certes, mais aussi personnelles : isolement social et géographique, climat social hostile avec un agribashing qui ajoute à la pression, perte d'estime de soi, manque de reconnaissance.

La loi peut créer des dispositifs de prévention, les coordonner et les faire connaître ; mais une norme générale ne pourra répondre à des centaines de situations individuelles. La réaction ne peut être la même si l'alerte a été donnée par l'agriculteur ou par ses proches.

S'il est nécessaire que la loi intervienne pour déterminer des grands principes, elle devra le faire. Mais les actions à mettre en place relèvent surtout du terrain et du réglementaire.

Troisième constat : il faut remettre l'humain au coeur des dispositifs. Ils sont nombreux : Agri'écoute de la MSA, les cellules de prévention disciplinaires et les réseaux de sentinelles, l'aide à la relance de l'exploitation agricole. Depuis 2017, des cellules départementales rassemblent les acteurs ; dans la Marne, le dispositif Réagir coordonne les aides.

Mais il faut mieux faire connaître ces dispositifs préventifs, qui restent impersonnels. C'est une logique collective d'actions qui sauvera les agriculteurs.

Le texte présente certains défauts, notamment en faisant peser une lourde responsabilité morale, voire juridique, sur le salarié bancaire, qui devrait alerter les organismes sociaux en cas de difficultés financières graves d'un agriculteur.

En outre, sur la forme, la question des clients multibancarisés est une difficulté, comme celle des couples partageant un même compte.

Il faut agir dans l'humilité et sans précipitation. La commission des affaires économiques a choisi de ne pas adopter le texte en l'état, afin de prolonger la réflexion dans un groupe de travail, qui produira des recommandations. Je présenterai une motion en ce sens à l'issue de la discussion générale.

Un problème aussi grave ne peut rester sans solution. Le Sénat devra conduire un travail fin et précis. L'action de notre assemblée s'inscrit logiquement aux côtés de ceux qui font vivre nos territoires. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, RDSE, Les Indépendants et Les Républicains)

M. Didier Guillaume, ministre de l'agriculture et de l'alimentation .  - Merci, monsieur le sénateur Cabanel, d'avoir mis à l'ordre du jour ce texte, que vous acceptez opportunément de renvoyer en commission afin de poursuivre la réflexion.

Dans cet hémicycle comme ailleurs, il faut parler de ce fléau. Peut-on mesurer ce qui pousse un homme à mettre fin à ses jours ? Il faut respecter la singularité de ce geste, mais il a aussi des causes collectives et sociales.

En 1897, Émile Durkheim, dans son ouvrage fondateur, en faisait la démonstration : « Le suicide varie en fonction inverse du degré d'intégration des groupes sociaux dont fait partie l'individu ». C'est aussi de cela que parle la proposition de loi. Oui, notre organisation sociale peut expliquer ponctuellement des suicides.

Nous ne saurions, je ne pourrais me résoudre à ce que certains agriculteurs, qui nous nourrissent, vivent si mal de leur travail qu'ils choisissent la mort pour retrouver leur dignité. Il faut en parler dans les médias, dans nos assemblées, partout. Merci à Édouard Bergeon d'avoir fait ce beau film, Au nom de la terre, sur le suicide de son père, exploitant agricole.

En 2015 - c'est déjà ancien - la MSA avait confirmé une surmortalité par suicide de 12 % des affiliés au régime agricole. L'étude dénombre 605 suicides, dont 372 exploitants et 233 salariés agricoles, en majorité des hommes. Le taux de suicide progresse jusqu'à 40 ans puis reste stable, pour repartir à la hausse après 65 ans. Au total, on dénombre plus d'un suicide par jour.

Nous n'avons pas assez de données, comme M. Cabanel l'a rappelé. Les travaux de notre commission devraient nous éclairer. On parle d'un suicide par jour désormais, mais il faudrait l'étayer.

Autre indicateur alarmant, 3 560 exploitants ont demandé une aide au répit en 2017 ; 1 654 situations préoccupantes ont été enregistrées par les cellules pluridisciplinaires de prévention en 2018.

Dire que les faibles revenus et l'endettement sont les seules causes serait une simplification, mais ils jouent un rôle important. Il faut aussi tenir compte des éléments familiaux, des situations administratives, des difficultés médicales, du temps de travail élevé, d'un sentiment de honte. Les agriculteurs n'aiment pas devoir de l'argent, c'est dans leurs gènes, et ils acceptent mal d'être endettés.

Il y a aussi les attentes d'une société qui veut toujours plus en matière d'environnement, laissant parfois les agriculteurs démunis.

L'État n'est pas inactif. Au travers du plan national de prévention, il fait mieux connaître les données, il déploie le dispositif Agri'écoute et les cellules de prévention. Dans plus de 75 départements, tous les acteurs - dont la MSA et les banques, mais aussi les directions départementales des finances publiques - sont mis autour de la table pour recueillir les signalements. Il y en a eu plus de 2 000. Il y a d'autres initiatives, de la MSA, d'associations comme Solidarité paysans, ou le réseau Agri-sentinelles, porté par Allice et Coop de France et animé par l'Institut de l'élevage. Le ministère propose aussi une aide, un bilan de l'exploitation et une aide à la relance de l'exploitation agricole (AREA). En cas de burn-out, l'aide au répit est soutenue financièrement par l'État.

La notion de renvoi en commission permettra de conforter la réflexion du Sénat. Nous pouvons collectivement avancer sur le sujet.

Il faut travailler sur l'identification précoce, libérer la parole sur un sujet encore tabou, rendre plus visibles les acteurs de proximité susceptibles d'aider, dépasser la logique de guichet, améliorer le suivi des personnes ayant tenté de se suicider. La clé de la réussite réside dans la mobilisation de tous les acteurs. Votre travail y contribuera.

Le Premier ministre va confier une mission à un parlementaire ainsi qu'aux inspections générales de l'agriculture et de la santé, pour disposer d'une analyse approfondie. Certes, les chiffres ne sont pas tout - nous parlons ici d'humain -, mais il nous faut des bases fiables.

Les témoignages lus par M. Cabanel nous bouleversent. J'en ai moi-même reçus beaucoup. Nourrir la population, apporter du plaisir en fournissant une alimentation de qualité est un beau métier. Il ne peut conduire à commettre l'acte irréparable. Au nom du Gouvernement et en mon nom propre, je remercie M. Cabanel, le groupe RDSE et Mme Férat pour leur travail. On se divise trop souvent pour des broutilles ; sachons-nous rassembler autour de l'humain, nous ferons oeuvre utile pour le vivre-ensemble dans notre République. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et RDSE)

Mme Nathalie Delattre .  - Ce sujet est sensible. Qui n'a jamais été confronté, dans son territoire, à ces tragédies humaines ? Je remercie M. Cabanel pour ce débat : sans prétendre apporter la réponse définitive, il jette les bases d'un travail collectif. Si les chiffres mériteraient d'être actualisés, ils attestent d'un phénomène alarmant : presque un suicide par jour, une réalité sans concession.

Les agriculteurs sont confrontés à des difficultés spécifiques, qui se cumulent. Ils sont sous pression des marchés, des distributeurs, des consommateurs, des néo-ruraux, des aléas climatiques ou sanitaires, d'associations antispécistes ou du lobby anti-alcool... Tenaillés entre urgence économique, urgence écologique et attentes de la société, ils ne ménagent pourtant pas leur peine pour nourrir le pays.

Après la guerre, on leur a demandé de faire de la France une grande nation agricole, à force de modernisation, au point qu'on a pu parler de pétrole vert. Aujourd'hui, on leur demande de produire mieux et d'entamer une transition écologique. La plupart sont au rendez-vous, malgré les contraintes.

C'est une vie de sacrifices et d'endettement. En 2017, près de 20 % des exploitants agricoles n'avaient pu se verser de salaire et un quart vit sous le seuil de pauvreté. En guise de reconnaissance, l'agribashing. Une société qui ne respecte pas ses agriculteurs, qui n'est plus capable d'assurer son indépendance alimentaire, est une société en déperdition.

Cette proposition de loi tire la sonnette d'alarme. Le lien entre endettement et suicide est indéniable. Il est temps d'agir, en apportant des réponses nouvelles et en généralisant les dispositifs existants, trop souvent méconnus. Le Sénat doit poursuivre son travail de soutien au monde agricole, s'attaquer aux causes profondes de la détresse, accompagner les mutations pour qu'elles soient économiquement supportables. Nous attendons avec impatience le bilan de la loi EGalim. Il faut aussi se battre sur les moyens de la PAC, améliorer l'assurance récolte, rompre l'isolement du monde rural, de « ces hautes terres où la solitude a rouillé l'herbe », comme l'écrit Giono. Cela passe par le maintien des services publics car les agriculteurs sont les acteurs de l'aménagement du territoire et les garants de nos vies. (Applaudissements sur plusieurs travées des groupes RDSE, UC, Les Indépendants et SOCR)

Mme Noëlle Rauscent .  - Les chiffres sont terribles : un agriculteur se suicide tous les deux jours en France. Je remercie Henri Cabanel qui nous donne l'occasion d'aborder, non sans émotion, ce sujet si délicat.

Longtemps, la détresse des agriculteurs est restée occultée, tabou. Il a fallu attendre 2011 pour que la MSA s'engage dans une politique de prévention, sous l'impulsion de Bruno Le Maire, alors ministre de l'Agriculture. Il a fallu attendre plus longtemps encore pour disposer de données chiffrées. Un programme national d'action aide à répondre aux alertes de détresse, à accompagner, à orienter. Mais il est impossible de prétendre traiter la problématique sans une bonne connaissance des dynamiques qui mènent au passage à l'acte.

Certes, les drames sont intimement liés à la situation financière des agriculteurs : ils sont plus nombreux dans les filières les moins rémunératrices ou quand les prix de vente sont au plus bas, je pense aux éleveurs bovins, laitiers et allaitants. Mais d'autres éléments entrent en ligne de compte - surendettement, aléas de la vie, solitude, maladie. L'agribashing doit cesser. Cette proposition de loi vise la prévention du suicide en instaurant un système de détection ciblé des personnes en fonction de leurs difficultés financières.

Les banques sont placées au coeur du dispositif d'alerte : il s'agit de repérer les difficultés et orienter vers un accompagnement social et psychologique. Je connais votre engagement, monsieur le ministre. L'instauration d'une visite médicale annuelle va dans le bon sens.

Bien sûr, ces drames ont des causes multiples, mais c'est en assurant une meilleure rémunération aux agriculteurs que nous leur permettrons de vivre dignement de leur activité.

Il faut prendre le temps d'étudier ce phénomène, ce désastre, pour y apporter des solutions adaptées : le groupe LaREM votera la motion, et je participerai au groupe de travail de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Indépendants)

M. Fabien Gay .  - Ce sujet nécessite un débat exigeant et sérieux. Les chiffres sont glaçants : la mortalité par suicide chez les agriculteurs est supérieure de 20 % par rapport à la population générale, de 30 % pour les seuls éleveurs bovins et laitiers. Un suicide par jour, surtout chez les hommes entre 45 ans et 50 ans. Nous touchons à l'humain. Le suicide est le geste le plus terrible qui soit. Les causes sont multiples - rupture, maladie, isolement, problèmes financiers. Il faut y apporter une réponse globale et adaptée à chacun. Je remercie Henri Cabanel de son initiative et soutiens la position de la commission : prenons le temps d'un travail approfondi.

Le monde paysan a été confronté à des changements radicaux : mécanisation, perte d'autonomie sur les semences, nouveaux pesticides, informatisation, charges administratives et comptables. Cela les a conduits à s'endetter, dans un contexte de libéralisation croissante des échanges - fossoyeur du modèle d'agriculture familiale que nous défendons. S'ajoute le prix croissant du foncier, la défiance d'une population qui refuse la malbouffe. Les agriculteurs sont pris en tenaille entre le remboursement des emprunts, le prix exorbitant des pesticides, les prix tirés vers le bas par la grande distribution. Une vie de labeur, dix heures par jour et sept jours sur sept, pour vendre à perte, ne pas pouvoir se payer un Smic et percevoir une retraite misérable !

Votre Gouvernement a employé l'article 44-3 pour empêcher l'adoption de notre proposition de loi revalorisant les pensions des exploitants agricoles à 85 % du Smic, pourtant adoptée à l'unanimité à l'Assemblée nationale... Comment vivre dignement avec une retraite de 700 euros à 800 euros, voire 100 euros outre-mer ?

Ajoutons la culpabilité, l'agribashing, la stigmatisation d'une profession incomprise du monde urbain. Nos agriculteurs vivent dans les zones blanches, alors que s'accélère la métropolisation. Les territoires ruraux se sentent abandonnés : fermetures d'écoles, de services publics, dévitalisation des centres bourgs, essence de plus en plus chère. Cela accroît le sentiment d'injustice et d'abandon de nos agriculteurs. Le Gouvernement n'a rien fait, malgré les promesses de la loi EGalim, pour enrayer la spirale mortifère.

Nous devons travailler ensemble pour trouver des solutions ; nous voterons le renvoi en commission, appuyé par Henri Cabanel. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SOCR et Les Indépendants)

M. Jean-Paul Émorine .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Je remercie Henri Cabanel à mon tour. Nos agriculteurs, de mieux en mieux formés, sont passionnés par leur métier mais ne peuvent plus en vivre. Cette situation n'est certes pas l'unique cause des suicides, mais elle y contribue largement. Comment avoir des perspectives avec moins de 500 euros par mois, comme c'est le cas d'un tiers des agriculteurs ? Le deuxième tiers vit avec environ 1 000 euros par mois quand le dernier tiers gagne à peine plus.

Nos agriculteurs ont besoin d'espérer ! Je compte sur vous, monsieur le ministre, pour imposer, dans le cadre de la loi EGalim, un prix de vente qui prenne en compte le coût de la production et permette un revenu décent. Vous dites que 75 départements ont mis en place des procédures.

Agriculteur depuis 42 ans, parlementaire depuis des décennies, c'est la première fois que j'entends évoquer le suicide des agriculteurs ici. Naguère, quand je siégeais dans les commissions « agriculteurs en difficulté », nous étions saisis de cas isolés, exceptionnels - pas d'un suicide par jour !

Des dispositifs existent certes, mais c'est aux services de l'État de coordonner les différents acteurs - MSA, coopératives, banques - pour sonner l'alerte quand les résultats comptables d'un agriculteur l'empêchent de se payer depuis des années.

Je soutiendrai le renvoi en commission, mais il faut réagir vite. Monsieur le ministre, nous comptons sur vous ! (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, UC et Les Indépendants.)

M. Franck Menonville .  - On compte, depuis 2015, plus d'un suicide par jour chez les agriculteurs. Je remercie Henri Cabanel d'avoir mis ce sujet dramatique à l'agenda de notre chambre des territoires.

La détresse du monde agricole est flagrante. Les causes sont multifactorielles : difficultés financières, personnelles, isolement, maladie, agribashing, aléas climatiques... Le passage à l'acte est souvent le fruit d'une accumulation de difficultés, même si le volet économique est sans doute déterminant : le taux de suicide explose chez les agriculteurs les plus modestes.

La question de l'endettement est centrale. Sur un an, 605 suicides, dont 274 de plus de 65 ans. Les victimes sont des hommes à 80 %, 57 % sont à la CMU. C'est au total un taux de suicide de 12 % de plus que pour le reste de la population. Les éleveurs bovins et laitiers sont les plus touchés. Pour agir efficacement, il faut objectiver les chiffres, mieux connaître les causes et proposer des solutions globales. Il faut aussi remettre de l'humain dans les dispositifs d'accompagnement.

Les dispositifs locaux sont hélas trop mal connus. La chambre d'agriculture de la Meuse a ainsi mis en place un numéro vert, porte d'entrée vers un dispositif d'accompagnement par la chambre, la MSA et la DDT. En Corrèze, la MSA et l'ARS, mobilisés depuis les années 2000, ont institué un guichet unique en 2018 pour une aide au soutien psychologique et une aide au répit. Mais, souvent, les signaux d'alerte se déclenchent trop tard. Il faut mieux former les acteurs de la prévention à l'indentification des signes précurseurs. L'aide doit être globale, l'accompagnement individualisé. Il faut anticiper les risques, coordonner les acteurs. Le groupe Les Indépendants s'associera au groupe de travail. Nous sommes tous mobilisés. Merci encore à M. Cabanel et à Mme Férat. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants, UC et RDSE)

M. Jean-Claude Tissot .  - Je remercie Henri Cabanel de nous donner l'occasion de parler du terrible phénomène du suicide des agriculteurs. Il y a en a eu 605 entre 2011 et 2015, soit un tous les deux jours. Le risque de suicide est supérieur de 12,6 % chez les agriculteurs que chez les autres actifs, et de 57% chez les agriculteurs pauvres.

Le phénomène n'est pas nouveau. Mais le suicide est tabou dans le monde agricole - d'autant que les questions d'assurance entrent en jeu. Des générations de paysans ont tu le suicide de leurs collègues, parlant d'accidents. On a commencé à en parler avec la crise du lait en 2005. Aujourd'hui, il est mis en lumière par le film Au nom de la terre, qui a été projeté au Sénat. Pour ceux qui, comme moi, ont vécu du travail de la terre, le film sonne juste, et sa vision est même douloureuse...

La première réponse est la prévention. Le professeur Michel Debout plaide pour une politique de prévention renforcée du suicide. La proposition de loi propose une piste pour une meilleure détection des paysans en détresse. Les agents bancaires pourraient signaler leurs clients en détresse financière à la cellule spécialisée de la MSA. Mais une réponse aussi parcellaire n'est pas adéquate. Le sur-suicide agricole ne tient pas qu'à la détresse économique mais est aussi dû à l'isolement, à l'impossibilité de transmettre son exploitation après une vie de labeur, à la perte de sens, de perspectives après des aléas climatiques.

Un agriculteur qui ne partage pas ses difficultés avec sa famille se confiera-t-il à un agent bancaire ? Ce dernier trouvera-t-il les mots justes ? Est-il le mieux placé ? C'est une lourde responsabilité. En outre, l'anonymat est l'une des clés du succès du dispositif de la MSA. D'autres lanceurs d'alerte peuvent être mis à contribution : vétérinaires, coopératives, syndicats, chambres d'agriculture, travailleurs sociaux... L'association Solidarité Paysans sillonne les territoires depuis trente ans, mais manque de moyens. Il faudra aussi lutter contre l'isolement social : au XXIe siècle, on se suicide quatre fois plus en milieu rural qu'à Paris.

Parmi les causes profondes, le modèle productiviste, qui entraîne nos agriculteurs dans la spirale des prêts à rembourser, vers l'épuisement moral et physique. La surface, le nombre de têtes augmente, mais les bras manquent et les factures s'accumulent... Ce n'est pas l'agribashing mais le productivisme qui est en cause !

Cette proposition de loi nous donne l'occasion de mener un travail parlementaire, de construire des réponses plus complètes. Le groupe socialiste votera la motion de renvoi en commission. (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR, RDSE et LaREM)

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Merci.

M. Jean-Marie Janssens .  - Jean Giono écrit : « L'essentiel n'est pas de vivre, mais d'avoir une raison de vivre. » Chaque année, des centaines de paysans commettent l'irréparable : on dénombre plus d'un suicide par jour. Les causes les plus visibles sont financières. C'est ce que vise la proposition de loi.

Notre modèle nécessite d'être revu en profondeur. Trop peu d'agriculteurs peuvent vivre décemment des fruits de leur travail. Pourtant, on est paysan sept jours sur sept, 365 jours par an. Né dans une ferme, éleveur pendant quarante ans, j'ai été témoin de la transformation de notre modèle agro-industriel. La France des trente glorieuses a demandé aux agriculteurs de produire toujours plus, toujours plus vite. La course au gigantisme les a obligés à s'endetter, dans une logique de « marche ou crève ». De bonne idée, la PAC est devenue cercle vicieux, épée de Damoclès pour des agriculteurs pris en tenailles entre exigence de qualité et guerre des prix intenable.

Les exploitants ne sont pas les seuls concernés. Les travailleurs agricoles, les chômeurs, les retraités le sont aussi. J'ai alerté le Gouvernement sur l'assurance chômage des agriculteurs : on m'a répondu : « plus tard ». Idem pour les petites retraites. Mais plus tard, c'est trop tard ! Peut-on vivre avec 400 euros par mois de retraite ? Pour les épouses d'agriculteurs qui ont travaillé aux côtés de leur conjoint, c'est rien du tout !

Il faut faire évoluer le revenu de nos agriculteurs et offrir des garanties économiques à la hauteur du travail fourni.

La question de la transmission est centrale. Travailler toute une vie et ne pas parvenir à passer le relais peut être vécu comme un échec professionnel et personnel, et nourrir la souffrance psychologique. Beaucoup d'agriculteurs souffrent de l'isolement, de la marginalisation.

Travailler sans relâche, sans loisirs ni vacances, et voir gel, sécheresse ou inondations tout ruiner en quelques minutes est terrible. Les agriculteurs se sentent de plus en plus déconnectés d'une société tournée vers le loisir et le confort au travail. Ce sentiment devient colère face à la mode de l'agribashing. Les agriculteurs ont une patience d'or, mais la culture du silence et de la discrétion les ronge - dans le Loir-et-Cher, on dit : « petit causeux, grand faiseux ». Il est temps de libérer la parole, de changer les mentalités, d'évoquer le poids des normes, des charges, la concurrence faussée... Le sentiment d'injustice renforce l'impression d'être déconsidérés, méprisés.

Je salue le remarquable travail d'Henri Cabanel et Françoise Férat qui ont avancé avec intelligence et humilité sur ce sujet difficile. Avec son esprit de dialogue et d'ouverture, le Sénat saura poser les bonnes questions et apporter des réponses à la hauteur.

La détection des situations de détresse et la prévention du suicide doivent s'accompagner d'un suivi de long terme. Il faut aider nos agriculteurs à se reconstruire, parfois se reconvertir, leur donner des perspectives d'avenir. L'agriculture est notre bien commun. (Applaudissements sur les travées des groupes RDSE, SOCR et UC.)

Mme Pascale Gruny .  - Tous les deux jours, un agriculteur met fin à ses jours. Les causes sont certes parfois personnelles mais nul doute que le monde paysan va mal. Dans presque toutes les filières, le revenu est inférieur au Smic pour 54 heures de travail par semaine. Sentiment d'échec, surcharge de travail, isolement social, agribashing sont autant de souffrances. Les médias donnent plus d'attention aux méthodes totalitaires de certaines associations qu'aux difficultés quotidiennes des agriculteurs. On les félicite quand ils dégagent nos routes enneigées, mais on les jette en pâture au premier problème sanitaire ou environnemental... Pourtant, quel secteur a fait autant d'efforts, autant bouleversé ses pratiques pour réduire son empreinte écologique ?

La France a l'agriculture honteuse. Pourtant, c'est 7 milliards d'euros d'excédents commerciaux, une économie locale, l'entretien des espaces naturels. Comprenez que les agriculteurs se sentent abandonnés quand la Commission européenne envisage, avec l'accord implicite du président de la République, de baisser de 15 % le budget de la PAC.

M. Didier Guillaume, ministre.  - Ce n'est pas vrai.

Mme Pascale Gruny.  - Ils n'en peuvent plus de votre fausse compassion et attendent du Gouvernement qu'il se batte pour eux, qu'il mette fin à l'inflation de normes déconnectées du terrain.

Le système de signalement que propose le texte de M. Cabanel est intéressant. Ce n'est pas à l'agriculteur de faire la démarche de demander de l'aide. Un suicide, c'est souvent la fin d'une exploitation. Songez aux difficultés des veuves, face aux tracasseries administratives. Le sujet est si vaste, si complexe, qu'un renvoi en commission paraît sage. La gravité du phénomène oblige à élargir la réflexion. On pourrait inclure les chefs d'entreprise, eux aussi très touchés.

Chaque suicide d'agriculteur est un cri de désespoir qu'il faut entendre. Si nous voulons manger demain des produits sains, produits en France, nous devons aider nos agriculteurs. Pour conclure, permettez-moi d'avoir une pensée pour mon petit frère. (Applaudissements sur les travées des groupes UC, Les Républicains, RDSE et Les Indépendants)

M. Vincent Segouin .  - Je soutiens ce texte, modeste réponse face à l'ampleur du mal. Réveillons-nous face à la souffrance de nos agriculteurs. Élus des territoires, nous connaissons tous cette réalité. Si la France est indépendante dans sa production et autonome dans sa consommation, c'est grâce à ces hommes et femmes d'exception, qui exercent ce métier parfois au prix de leur vie.

Le suicide des agriculteurs n'est pas une fatalité. S'il est des exploitations qui prospèrent, d'autres subissent des préjudices hérités des erreurs du passé et du présent. Les agriculteurs sont des chefs d'entreprise. Or comment faire quand le prix de vente est inférieur au coût de production ? Aucun modèle économique ne pourrait y survivre. Les agriculteurs sont obligés de se transformer en chasseurs de prime : PAC, MAEC, tout en subissant les pressions administratives, normatives, financières et fiscales... Bref, le mal français !

Comme si ce n'était pas suffisant, nous les jetons dans la broyeuse mondiale de la concurrence déloyale avec le CETA et le Mercosur.

C'est de la folie, de l'hypocrisie que ces diktats moralisateurs alors que nous livrons nos paysans à une concurrence bien moins regardante en matière sanitaire et écologique.

Et que dire de la folie véganiste et antispéciste dont de nombreux agriculteurs font les frais ? Comment ne pas être dégoûtés quand au lieu de compassion, on subit mépris et acharnement ?

Les consommateurs veulent mieux manger, ce qui suppose de promouvoir les circuits courts. Attaquons-nous aux racines du mal ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, SOCR et RDSE)

La discussion générale est close.

Renvoi en commission

M. le président.  - Motion n°1, présentée par Mme Férat, au nom de la commission.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques la proposition de loi visant à prévenir le suicide des agriculteurs (n°746, 2018-2019).

Mme Françoise Férat, rapporteur .  - Le silence doit être brisé. Je remercie à nouveau M. Henri Cabanel de son initiative. Monsieur le ministre, vos propos forts nous ont touchés ; j'ai compris que nous pouvions compter sur vous. Le suicide est causé par un ensemble de facteurs ; il y a autant de combinaisons de causes que de décès.

Nous manquons d'études ; elles sont parcellaires ou incomplètes. Nous ne pouvons légiférer sans bases solides. Au mieux, la loi n'aborderait qu'une petite partie du problème ; au pire, elle serait inapplicable et source de déception.

Des dispositifs de prévention existent mais sont mal connus et peu coordonnés.

Un agriculteur qui commet l'irréparable se sent profondément seul, il n'entreprend pas les démarches auprès des pouvoirs publics.

Sur ce sujet, un travail de qualité demande de l'humilité et du temps. Si cette motion est adoptée, la commission créera dans la foulée un groupe de travail transpartisan sur la prévention, l'identification et l'accompagnement des agriculteurs en situation de détresse. Nous nous sommes engagés à mener ce travail avec détermination, écoute et humanité, pour aboutir à un rapport de qualité, avec des propositions concrètes. Il s'agit maintenant de nous rassembler et de rendre hommage à ces agriculteurs dont les témoignages sont si poignants. (Applaudissements)

M. Didier Guillaume, ministre.  - Avis favorable. Le ministère de l'Agriculture est à votre entière disposition pour travailler ensemble.

M. Joël Labbé.  - C'est un sujet sensible et complexe qui mêle l'humain et l'économique. Je remercie Henri Cabanel pour son implication. Les chiffres montrent l'urgence de la situation. Ce texte amorce le travail, alerte et brise un tabou. Il faut une réflexion plus globale sur notre modèle agricole, sur la rémunération au prix juste, le rééquilibrage des rapports de force avec l'agroalimentaire et la grande distribution, la répartition du budget de la PAC, l'accompagnement des agriculteurs vers des modèles de production plus résilients, vertueux et en phase avec les attentes de la société. Des associations comme Solidarité Paysans font un travail remarquable mais manquent de moyens. Le lien humain et la solidarité rurale sont pourtant essentiels.

Oui au renvoi en commission, au groupe de travail. Pourquoi pas une mission commune d'information sur le sujet ? (M. Henri Cabanel applaudit.)

Mme Nathalie Goulet.  - Ce débat a été d'un haut niveau, et chargé d'émotion. Comme d'autres, le conseil départemental de l'Orne aide les agriculteurs ; nous avons essayé, avec les barreaux et experts comptables, de mettre en place un chèque consultation gratuite. Reconnaître un échec est extrêmement difficile. Il faut faciliter l'écoute, associer tous les acteurs agricoles et les collectivités territoriales. Ce débat est une évidence : pourquoi n'y avons-nous pas pensé plus tôt ? Bravo, monsieur Cabanel, pour votre initiative. Avançons sur ce sujet important. Le groupe UC soutiendra le renvoi en commission.

La motion n°1 est adoptée.

M. le président.  - À l'unanimité. Le renvoi en commission est donc ordonné.

Prochaine séance, mardi 17 décembre 2019, à 14 h 30.

La séance est levée à 17 h 35.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication