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Table des matières



Décès d'un ancien sénateur

Avenir des Transports express régionaux (TER)

M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports

M. Olivier Jacquin

Mme Josiane Costes

M. Bernard Buis

Mme Éliane Assassi

M. Jean-Pierre Decool

Mme Michèle Vullien

M. Stéphane Piednoir

M. Joël Bigot

M. Jean-François Longeot

M. Michel Vaspart

M. Gilbert-Luc Devinaz

M. Daniel Gremillet

M. Jean-François Rapin

Mme Patricia Morhet-Richaud

Mme Agnès Canayer

Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains

Plan d'action en faveur des territoires ruraux

M. Jacques Genest, pour le groupe Les Républicains

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales

M. Jean-Claude Requier

M. Bernard Buis

M. Guillaume Gontard

M. Franck Menonville

Mme Nadia Sollogoub

M. Didier Mandelli

Mme Viviane Artigalas

M. Jean-Marie Janssens

M. Dominique de Legge

M. Hervé Gillé

M. Jean-Paul Émorine

Mme Angèle Préville

Mme Christine Bonfanti-Dossat

M. Alain Dufaut

M. Michel Savin

M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains

Réforme des retraites

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales

M. Martin Lévrier

Mme Cathy Apourceau-Poly

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

M. Patrick Kanner

M. Stéphane Artano

M. René-Paul Savary

M. Claude Malhuret

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites

M. Martin Lévrier

Mme Michelle Gréaume

M. Daniel Chasseing

Mme Sylvie Vermeillet

M. Philippe Dallier

Mme Monique Lubin

M. Stéphane Artano

Mme Élisabeth Doineau

Mme Catherine Deroche

Mme Laurence Rossignol

M. René-Paul Savary

M. Jean-Louis Tourenne

M. Guillaume Chevrollier

M. Michel Savin

M. Jean-Raymond Hugonet

M. René-Paul Savary, au nom de la commission des affaires sociales

« Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au coeur de la décision »

M. Didier Mandelli, rapporteur pour la mission commune d'information sur le sauvetage en mer

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports

Mme Céline Brulin

M. Emmanuel Capus

Mme Annick Billon

M. Jean-François Rapin

M. Jean-Luc Fichet

Mme Mireille Jouve

M. Bernard Cazeau

M. Michel Canevet

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. Yannick Vaugrenard

M. Michel Vaspart

M. Jean-Luc Fichet, en remplacement de M. Roland Courteau 

M. Dominique de Legge

Mme Agnès Canayer

M. Max Brisson

Mme Corinne Féret, présidente de la mission commune d'information sur le sauvetage en mer

Annexes

Ordre du jour du mercredi 8 janvier 2020




SÉANCE

du mardi 7 janvier 2020

43e séance de la session ordinaire 2019-2020

présidence de M. Philippe Dallier, vice-président

Secrétaires : Mme Annie Guillemot, M. Michel Raison.

La séance est ouverte à 14 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance est adopté.

Décès d'un ancien sénateur

M. le président.  - J'ai le regret de vous faire part du décès de notre ancien collègue François Autain, qui fut sénateur de la Loire-Atlantique de 1983 à 2011.

Avenir des Transports express régionaux (TER)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur l'avenir des Transports express régionaux (TER).

M. Didier Mandelli, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et quelques travées du groupe UC) Les TER sont un élément essentiel du maillage de notre territoire. Sept mille trains circulent sur 20 000 kilomètres de voies, complétés par 1 300 autocars. Ils transportent chaque jour 900 000 voyageurs.

Grâce aux autorités organisatrices régionales, l'offre de TER a augmenté de 25 % depuis 1997. Le trafic a augmenté de 50 %. Malgré cela les TER souffrent de nombreux maux : baisse de fréquentation, retards et manque de régularité du réseau. À l'heure où nous voulons développer l'intermodalité, l'état dégradé du réseau, dénoncé par la Cour des comptes, nous inquiète.

En janvier 2019, SNCF Réseau indiquait que seuls 29 % des lignes régionales sont en bon état. Le rapport du préfet Philizot sur les lignes de desserte fine est très attendu. Auditionné dans le cadre de la loi d'orientation des mobilités (LOM), il avait estimé à 7,4 milliards d'euros le coût de la remise en état de nos petites lignes. Cela supposerait de revoir totalement le budget de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afitf).

La Cour des comptes relève une augmentation constante des coûts d'exploitation - avec le régime de retraite des cheminots, ils s'élèvent à 8,5 milliards d'euros en 2017, financés à 88 % par des subventions publiques.

L'État souhaite se désengager des petites lignes et les régions sont désormais seules en première ligne pour maintenir cette offre de mobilité dans les territoires, dans un contexte budgétaire restreint.

Les réformes engagées ces dernières années devraient les y aider. La loi pour un nouveau pacte ferroviaire prévoit l'ouverture à la concurrence des services non conventionnés. Trois régions ont déjà entamé les procédures de mise en concurrence : Grand Est, Hauts-de-France et PACA.

Le Sénat a joué un rôle clé dans la préparation de cette réforme avec la proposition de loi Maurey-Nègre, grâce à laquelle nous avons co-construit en bonne intelligence avec le Gouvernement le projet de loi pour un nouveau pacte ferroviaire. La LOM a clarifié les rôles entre l'État, les régions et les gestionnaires d'infrastructures. Le Sénat a réaffirmé son attachement aux lignes à desserte fine, qui pourront être transférées aux régions qui en feraient la demande : elles pourront faire appel à l'exploitant ou à un tiers pour la gestion de l'infrastructure.

Ce transfert de compétence ne règle pas le problème du manque d'investissement de l'État. L'ouverture à la concurrence n'est pas une solution miracle. Beaucoup de petites lignes restent menacées. Le Sénat continuera à veiller à leur avenir, car elles permettent aux territoires ruraux de sortir des zones blanches de la mobilité et offrent une alternative à la voiture, en Vendée comme partout sur le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées du groupe SOCR)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports .  - Cette année, des dispositions majeures du nouveau pacte ferroviaire entrent en vigueur. La SNCF est désormais un groupe public unifié, plus intégré, ce qui améliorera son efficacité opérationnelle.

La loi de finances pour 2020 organise la reprise de 25 milliards d'euros de dette de SNCF Réseau : les 400 millions d'euros de frais financiers économisés seront ainsi réinjectés dans la rénovation du réseau. La fin du recrutement au statut des cheminots est actée depuis le 1er janvier.

L'État et les régions sont depuis le 3 décembre libres de mettre en concurrence les services de trains d'équilibre du territoire (TET) et TER.

Avec 7 900 trains et 1 300 cars, les TER transportent 1,3 million de voyageurs par jour. Ils restent un service conventionné, subventionné par le contribuable à hauteur de 75 % en moyenne. En 2019, les régions ont versé 3 milliards d'euros de subventions d'exploitation à la SNCF. Cela ne changera pas avec l'ouverture à la concurrence et les régions resteront aux commandes de ces services publics. L'État ne se substituera pas aux régions dans la gestion de ces lignes, en vertu du principe de libre administration des collectivités territoriales auquel votre assemblée est très attachée.

L'amélioration de la productivité, essentielle à la compétitivité, relève avant tout de la SNCF ; la négociation des conditions de travail est une prérogative des partenaires sociaux. Le rôle de l'État se résume à créer les conditions optimales pour renforcer l'attractivité du ferroviaire.

L'ouverture à la concurrence vise à offrir de nouveaux services au meilleur coût, en fixant des règles équitables. Le choix de faire de SNCF Voyages une société à part entière lui offre la flexibilité nécessaire pour adapter l'organisation aux besoins. Les services seront exploités directement au niveau national et à travers des filiales.

Sur le plan social, les négociations sont en cours sur la convention collective de branche. Le Gouvernement la veut de haut niveau. L'État a repris 35 milliards d'euros de dette à SNCF Réseau : les économies sur les frais financiers iront à la remise en état des infrastructures. Les investissements pour la régénération du réseau ferré national augmentent de 50 % par rapport à la décennie précédente.

Le coût des petites lignes reste financé par SNCF Réseau et par l'État à plus de 70 %. Il faudra plusieurs centaines de millions d'euros par an au cours des prochaines années pour régénérer tout le réseau. Le Gouvernement respectera les engagements pris par l'État dans le cadre des CPER actuels, prolongés jusqu'à fin 2022. Le travail du préfet Philizot avec les régions a recensé les besoins et mis en avant des solutions innovantes et adaptées à chaque ligne, comme le transfert de gestion de certaines petites lignes aux régions qui le demanderaient, ouvert par l'article 172 de la LOM.

Je souhaite que l'État impulse la création d'une filière de trains légers. Des économies de 30 % à 40 % sont réalisables, en investissement comme en exploitation, en jouant sur le dimensionnement.

Le Gouvernement répond ainsi à la première recommandation de la Cour des comptes - dont le rapport a parfois été interprété de manière caricaturale. L'État n'est concerné que par deux recommandations sur neuf : celle qui porte sur la mise à disposition des données pour l'ouverture à la concurrence a également été satisfaite avec le décret publié cet été pour permettre aux régions Grand Est, Hauts-de-France et PACA de préparer leurs appels d'offres. Les autres recommandations s'adressent à la SNCF et aux régions.

Les analyses de la Cour sont à replacer dans un contexte plus global qui a vu l'offre de TER augmenter de 50 % en six ans.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Soit, je me réserve pour la suite du débat. Merci de cette occasion de débattre d'un sujet important. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mme Michèle Vullien applaudit également.)

M. Olivier Jacquin .  - Mes meilleurs voeux à mes collègues, au ministre, et au système ferroviaire. Fâcheux concours de circonstances, nous traversons actuellement l'une des grèves les plus dures de son histoire. Le Premier ministre avait pourtant dit, en recevant le rapport Spinetta, que tout irait mieux avec le nouveau pacte ferroviaire.

Le premier budget de la nouvelle SNCF interroge et inquiète. SNCF Réseau n'est pas dans la trajectoire financière prévue ; malgré la reprise de la dette, l'Autorité de régulation des transports s'inquiète de l'insuffisance des investissements de renouvellement du réseau.

Quant au débat totémique sur les petites lignes, il a toujours habilement été repoussé par la ministre Borne, entre Assises de la mobilité, rapport Spinetta et enfin le fameux rapport Philizot, que nous attendons toujours. Quand aurons-nous ce rapport ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - L'État est au rendez-vous des promesses, avec 3,6 milliards d'euros d'investissement : 3 milliards pour la régénération du réseau, 600 millions pour les gares. J'ai rencontré l'association Régions de France, fin décembre. Nous discutons sur la base des travaux de la mission Philizot pour élaborer les accords bilatéraux entre l'État, SNCF Réseau et les régions qui permettront de solidifier les lignes existantes et de trouver des solutions innovantes pour préserver les petites lignes, avec l'article 172 de la LOM notamment. Je rappelle que certaines sont déjà à l'arrêt...

Le volume des investissements de l'État dans le ferroviaire atteint 6 milliards d'euros cette année.

M. Olivier Jacquin.  - Aveu remarquable : vous répondez que nous n'aurons pas le rapport Philizot puisque le Gouvernement traite directement avec les régions ! Mme Borne, lors de l'examen du projet de loi de finances, m'avait déjà fait une réponse du même acabit. Je demande un débat démocratique sur ce sujet important.

Mme Josiane Costes .  - En Auvergne, les lignes d'irrigation du territoire représentent 60 % du réseau. Elles sont essentielles pour desservir un territoire très enclavé. Or le critère de la seule fréquentation est pénalisant en zone rurale. Le rapport de la Cour des comptes fait état d'une baisse de fréquentation, alors qu'il ne s'agit que d'une stagnation après une forte hausse sur la période précédente, due aux efforts des régions.

Elle voit juste, en revanche, sur la dégradation continue de la qualité du service, liée au mauvais état du réseau : en Auvergne, il n'est électrifié qu'à 18 %. Voilà la vraie cause de la baisse de fréquentation.

L'utilité sociale et environnementale de ces lignes doit être prise en compte pour juger de leur pertinence. L'insuffisance de la contribution de l'État au plan de sauvegarde des lignes d'irrigation du territoire de la région Auvergne-Rhône-Alpes hypothèque sa réalisation. Confirmez-vous que l'État soutiendra les petites lignes pour mettre fin au contre-rapport modal ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE et sur quelques travées des groupes Les Républicains et UC)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Très bien !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - C'est bien l'utilité socioéconomique et environnementale de ces petites lignes qui prévaut. Notre approche n'est pas purement financière, d'autant que ces petites lignes sont toutes structurellement déficitaires, et subventionnées en moyenne à 75 %. La philosophie de M. Philizot a été de travailler en étroite collaboration avec les régions pour définir des solutions adaptées à chacune de ces lignes, en fonction de la typologie retenue. Cette même philosophie a prévalu dans les grands textes que vous avez votés.

M. Bernard Buis .  - Depuis un mois, les régions peuvent organiser des appels d'offres pour l'exploitation des lignes TER. Cette ouverture à la concurrence a été saluée par la Cour des comptes comme un facteur essentiel de réussite du TER car elle conditionne le maillage, la vitalité et la cohésion des territoires.

Votre Gouvernement avait écarté la préconisation du rapport Spinetta relative à la fermeture de lignes peu fréquentées, afin de laisser aux régions le choix entre plusieurs options. Les étudiants, les lycéens, les salariés et les touristes doivent pouvoir rejoindre la ville-centre.

Je salue l'engagement de l'État pour le maintien de la ligne Grenoble-Veynes. Les régions doivent pouvoir choisir entre plusieurs options pour l'avenir des petites lignes. Fréquentation et rentabilité ne peuvent être les seuls critères quand une ligne est indispensable à la vie d'un territoire. C'est la raison d'être d'un service public.

Comme le Gouvernement entend-il éclairer la prise de décision ? Quel impact l'ouverture à la concurrence aura-t-elle sur le maintien ou non des lignes peu fréquentées ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - On ne peut parler de rentabilité pour les lignes de desserte fine : elles sont en déficit structurel. Le service public remplit sa tâche, en lien avec les autorités organisatrices de la mobilité que sont les régions : cela satisfait, me semble-t-il, la revendication démocratique de M. Jacquin.

M. Olivier Jacquin.  - Nous sommes le Parlement !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - La condition préalable à une ouverture à la concurrence sereine, c'est un réseau en bon état et un accès équitable et non discriminatoire : c'est l'objet des textes récents, notamment l'accès aux données pour concevoir les offres. En effet, un accord de financement a été conclu pour la ligne Grenoble-Veynes, l'État y prend sa part.

Mme Éliane Assassi .  - Depuis le mois dernier, les régions peuvent lancer des appels d'offres pour les TER. Nous avions combattu cette mesure, voyant dans cette balkanisation de la SNCF un outil de la casse du service public ferroviaire. La libéralisation ne fait pas progresser la qualité de service - voyez les expériences européennes ! Les Anglais veulent d'ailleurs faire marche arrière.

On met à mal le caractère universel du droit à la mobilité. La solution serait d'impliquer davantage les régions et les usagers dans la gouvernance d'une structure 100 % publique, avec un objectif de présence territoriale renforcée plutôt que d'abandon de tronçons.

Comment améliorer l'offre avec un réseau vétuste ? Comment croire que les régions ne chercheront pas à faire des économies en privilégiant le moins-disant social et environnemental ? Comment réussir la transition écologique en organisant la rétractation du réseau et la baisse de l'offre ? Comment accompagner les régions alors que la LOM ne prévoit aucune ressource nouvelle pour les autorités organisatrices ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le modèle britannique est celui de la privatisation du système ferroviaire, alors que nous conservons un monopole national à capitaux publics. La mise en concurrence du marché des TER se fait au travers de conventions de service public...

Mme Éliane Assassi.  - Vous parlez bien de « marché »...

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - ... subventionnés car déficitaires. L'État et les collectivités territoriales jouent leur rôle.

La « balkanisation » était à l'oeuvre ces dernières années, de fait, puisque des petites lignes ont fermé, que le réseau s'est dégradé du fait d'un sous-investissement chronique, comme dans mon territoire, le Limousin. C'est à cette situation que nous tentons de remédier, en reprenant la dette de SNCF Réseau pour lui permettre d'investir massivement dans la régénération du réseau.

La protection des salariés du rail se décide à l'échelle de la branche, et une convention collective de haut niveau est en cours de négociation ; l'accord, qui devrait être signé mi-janvier, comprend des avancées considérables.

L'ouverture à la concurrence a été une demande forte des régions, qui y voient le moyen de rendre un meilleur service à la population tout en réalisant des économies, comme le montrent les exemples suédois et allemand.

Mme Éliane Assassi.  - La question de la sécurité lorsqu'un seul agent est à bord, soulevée par l'accident du 13 octobre, reste d'actualité et mériterait une réponse du Gouvernement.

M. Jean-Pierre Decool .  - La poursuite de la grève et la prochaine ouverture à la concurrence inquiètent. En octobre 2019, la Cour des comptes s'interrogeait sur l'efficacité du modèle économique des TER. Dans les Hauts-de-France, la nouvelle grille est entrée en vigueur le 15 décembre, avec un cadencement renforcé entre Lille et le Dunkerquois. Ce nouveau cadre est le fruit de négociations ardues entre la SNCF et le conseil régional.

Le réseau TER est un pilier du dynamisme de nos régions. Il faut une offre adaptée à chaque territoire pour répondre aux besoins. La mise en concurrence est pour certains une solution ; à l'heure des premiers appels d'offres, notamment en PACA, la SNCF, nos régions et surtout nos infrastructures sont-elles prêtes pour la concurrence ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le réseau est le pivot du système ferroviaire.

Pour une concurrence sereine et un service satisfaisant aux usagers, il faut un réseau assaini grâce à des investissements suffisants. L'ouverture à la concurrence a été demandée par les régions, dont la vôtre, pour continuer à faire croître le trafic TER.

Vous avez évoqué le contexte de la réforme des retraites. Avec les syndicats progressistes, nous avons posé un certain nombre de garanties pour les cheminots et les agents de la RATP : c'est un bon compromis, avec une période de transition plus longue et des garanties concrètes sur le mode de calcul des pensions, de nature à tranquilliser.

Madame Assassi, des centaines de TER circulent chaque jour avec un seul conducteur à bord ; cette procédure d'exploitation est autorisée depuis les années 1970 ; le personnel est formé à cela et les TER équipés en conséquence. Ce sont 6,5 millions de voyageurs qui circulent ainsi chaque jour, en toute sécurité.

M. Jean-Pierre Decool.  - Je ne demande qu'à partager votre optimisme, mais je serai vigilant.

Mme Michèle Vullien .  - Je regrette que ce débat ait lieu alors que nous attendons toujours le rapport Philizot.

Dans son rapport d'octobre 2019, la Cour des comptes préconise une analyse sociale, économique et environnementale de chaque ligne peu fréquentée, pour offrir des options aux régions. Il sera ainsi possible de confier une ligne à un autre opérateur dans le cadre de l'ouverture à la concurrence, en associant les collectivités territoriales à ce choix, dont les intercommunalités ainsi que la métropole de Lyon.

Comment inciter, pour ne pas dire contraindre, les acteurs à choisir la meilleure option pour la ligne concernée, avec des clés de répartition financière indépendante du modèle choisi ? Le temps des rapports, et Dieu sait qu'ils ont été nombreux, doit laisser place au temps de l'action ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Loïc Hervé.  - Très bien !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Vous avez raison. C'est pourquoi j'ai demandé à M. Philizot de revenir vers les régions pour élaborer un plan d'action concerté.

Ils seront signés sous la forme d'accords bilatéraux et porteront sur plusieurs milliards d'euros. Ils permettront de régénérer des petites lignes dont certaines sont en déshérence. Nous avons élaboré une typologie précise : lignes structurantes, lignes déjà visées par les CPER, lignes où pourront être expérimentés le train léger ou le train à hydrogène, etc. Des accords bilatéraux seront signés avant la fin février.

M. Stéphane Piednoir .  - L'ouverture à la concurrence est une réelle opportunité pour les régions. La Cour des comptes a indiqué que celles-ci avaient investi 2,1 milliards d'euros sur le réseau et les gares de 2012 à 2017, alors que SNCF Réseau et SNCF Mobilités en sont propriétaires.

En Pays de la Loire comme dans d'autres régions, les petites lignes sont menacées faute d'entretien alors qu'elles sont essentielles au développement du territoire. La Cour des comptes préconise de clarifier le rôle des régions, du groupe public ferroviaire et de l'État en matière de financement, y compris en ouvrant la possibilité de transferts de propriété aux régions qui le souhaitent. Les petites gares pourraient accueillir d'autres services de proximité, publics ou privés. Votre plan d'action pour les petites lignes comprendra-t-il cette possibilité ? Donnerez-vous des moyens financiers suffisants aux régions ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - L'article 172 de la LOM prévoit que le transfert de gestion des lignes à faibles trafics peut être réalisé vers des autorités organisatrices de transports (AOT) ferroviaires. Il permet également à SNCF Réseau de mettre en place des partenariats public-privé pour la régénération puis l'entretien des lignes locales. Les moyens doivent être au rendez-vous : c'est bien l'objet des accords bilatéraux, avec des clés de financement en fonction de la nature de la ligne concernée.

M. Joël Bigot .  - Dans son rapport du 23 octobre, la Cour des comptes dénonce le sous-investissement récurrent dans les infrastructures : l'âge moyen des voies est de trente ans, contre dix-sept ans en Allemagne. L'état dégradé du réseau est source de retards voire de suppressions de trains.

La région Pays de la Loire a fait le choix du ferroviaire : l'offre s'est accrue de 23 % entre 2012 et 2017, mais la fréquentation a stagné, le réseau étant saturé et la concurrence vive entre TER et TGV. Trois liaisons quotidiennes entre Angers et Le Mans ont été supprimées. De plus, le nombre de contrôleurs est réduit et les guichets ferment.

L'ouverture à la concurrence, obligatoire en décembre 2023 dans toutes les régions, pourrait porter un coup fatal à ces lignes, qui ont besoin de 7,4 milliards d'euros pour une remise à niveau, selon le préfet Philizot. L'État prendra-t-il cette priorité en compte ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Certaines de nos voies ont plus de 80 ans... Cela entraîne des limitations de vitesse et des fermetures administratives. Le conseil de SNCF Réseau a voté un investissement de 3 milliards d'euros pour les voies et équipements de signalisation, et de 600 000 euros pour les gares. Le plan RER métropolitain sera doté de 6 milliards d'euros sur dix ans pour désaturer les noeuds ferroviaires et donner la priorité aux transports du quotidien.

Le préfet Philizot a voulu des plans d'action régionaux avec un financement partenarial, et des besoins et ressources identifiés localement. C'est l'objectif des accords bilatéraux qui seront signés d'ici le 15 février.

M. Jean-François Longeot .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Merci au groupe Les Républicains d'avoir programmé ce débat. Il est vrai que la situation des TER est floue. La SNCF a lancé en 2016 un plan stratégique de réduction des coûts et d'amélioration de la qualité de service. Le rapport Philizot, dont la mission a été lancée début 2019, se fait toujours attendre ; entre-temps, la Cour des comptes a déploré la dégradation du réseau et l'insuffisance du service. Où en est-on ?

Il y a deux chantiers prioritaires pour les TER : définir le rôle de chacun dans le financement des infrastructures et replacer le ferroviaire au coeur de la transition énergétique en encourageant le report modal, ce qui est loin d'être le cas en cette période de grève. Où en sommes-nous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le plan Cap TER 2020 porte ses premiers fruits : la régularité des TER s'est améliorée en passant de 91 % à 93 % entre 2017 et 2019, la fréquentation repart à la hausse avec un trafic en augmentation de 4 % et les charges d'exploitation diminuent.

La transformation de la gouvernance et de l'organisation de l'offre de TER est en cours. L'État, je l'ai dit, va financer les travaux de remise en état du réseau.

M. Michel Vaspart .  - (Applaudissements sur quelques travées du groupe Les Républicains) La ligne Lamballe-Dinan-Dol-de-Bretagne est une liaison structurante pour relier l'Est des Côtes-d'Armor aux grands axes. Sa rénovation, réclamée depuis trente ans par la société civile et les élus locaux, a débuté en 2019 et devrait durer un an ; son coût est estimé à 62 millions d'euros, dont 26 millions pour la section Pleudihen-Dol et 36 millions pour la section Dinan-Lamballe. Les élus craignent pour la continuité entre les travaux en cours et ceux de la partie occidentale de la ligne ainsi que pour la pérennité des financements à l'échéance du CPER.

SNCF Réseau demande aux collectivités territoriales et à l'État de provisionner des fonds considérables, sans aucune transparence sur leur utilisation. Pouvez-vous nous donner des précisions ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le Premier ministre a rappelé, le 8 février 2019, l'engagement de l'État et les 5,6 millions d'euros pour garantir la convention de financement des travaux sur la section Dol-de-Bretagne.

Sur la section Dinan-Lamballe, les études se poursuivent jusqu'à fin 2020. Dans l'attente de ces travaux, SNCF Réseau consacre 350 000 euros par an à la maintenance renforcée pour garantir la circulation des trains. Je vous confirme que la continuité sera assurée entre le CPER en cours, prolongé jusqu'en 2022, et la nouvelle génération de contrats.

M. Gilbert-Luc Devinaz .  - Je me réjouis de ce débat que nous devons au groupe Les Républicains. Il est important pour nos concitoyens. Il est néanmoins dommage de ne pas l'avoir élargi à tous les modes de mobilité - car il faut penser intermodalité. En octobre 2018, le PDG de SNCF Réseau voulait sous-traiter certaines petites lignes au privé, dans une optique de rentabilité. Depuis le 1er janvier, la loi ferroviaire est entrée en vigueur. Une partie de la dette va être reprise par l'État. Quelle est la position du Gouvernement, actionnaire, sur la sous-traitance au privé de la maintenance ou de l'exploitation de certaines lignes de TER ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le taux d'externalisation est passé de 9 % à 25 % pour l'entretien depuis l'accident de Brétigny-sur-Orge. Ce taux est bien supérieur - 80 % environ - pour les travaux alors qu'il n'était que de 66 % avant 2012. Le montant des travaux de régénération est passé de 1 milliard d'euros à l'époque à plus de 3 milliards d'euros par an actuellement. Une réflexion doit être menée sur le taux d'externalisation souhaitable. J'en ai discuté avec la CGT Cheminots - c'est l'une des rares conversations fécondes que nous ayons eues. Les compétences doivent demeurer au sein de l'entreprise, mais les travaux doivent être assurés. La loi permet de déléguer les travaux à des sous-traitants.

M. Daniel Gremillet .  - Le transport est une toile d'araignée. Nous sommes passés du tout TGV au tout TER. Or les deux sont nécessaires pour répondre aux besoins de la population.

Sur un budget annuel de 3,3 milliards d'euros, la région Grand Est consacre 880 millions d'euros à la mobilité. Le coût des travaux de remise en état des lignes TER de cette région est évalué à 1,5 milliard d'euros.

Dans les Vosges, la totalité des lignes TER sont des lignes « 7 à 9 », c'est-à-dire nécessitant des travaux très importants. Parfois, un vélo électrique va plus vite qu'un train.

Le Président de la République s'était engagé pour la ligne Épinal-Saint-Dié pour laquelle 26 millions d'euros de travaux sont nécessaires. Or la région en finance plus de 50 %. Comment les régions vont-elles pouvoir supporter l'abandon de l'État ?

M. Jean-François Husson.  - Excellent !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Effectivement, nous avons beaucoup investi pour le TGV au détriment des TER. Le Gouvernement concentre désormais ses efforts sur les transports du quotidien. La ligne Épinal-Saint-Dié - 26 millions d'euros d'investissement - a bénéficié de 8,8 millions d'euros de l'État.

M. Daniel Gremillet.  - Et plus de 50 % pour la région !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Effectivement.

C'est par des efforts concertés avec les régions que nous maintiendrons un système dual entre TER et TGV. Il n'y a pas de dualité, mais un effort de rattrapage en faveur des TER.

M. Daniel Gremillet.  - Merci pour votre réponse, mais soyons clairs. Il faut rendre les transports accessibles à tous. L'État ne doit pas trouver des prétextes pour se désengager du financement de la solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. Jean-François Husson.  - Tout à fait !

M. Jean-François Rapin .  - La région Hauts-de-France peine à recevoir de la SNCF les informations nécessaires à la préparation de l'ouverture à la concurrence alors que les appels d'offres doivent être lancés dans six mois.

Le 12 mars 2018, la région avait formulé une première demande par courrier. Au lendemain de la promulgation de la loi pour un nouveau pacte ferroviaire, la demande a été réitérée. Le 13 novembre, la région a renouvelé et complémenté sa demande, après avoir adopté un plan de gestion des informations couvertes par le secret des affaires.

Enfin, le 15 octobre dernier, dans un contexte d'information asymétrique dénoncé par la Cour des comptes et les Chambres régionales des comptes, la région a adopté un nouveau contrat de service public, sans pour autant avoir pu obtenir contractuellement les informations recherchées.

Face à l'absence de transmission des informations de la part de l'opérateur historique, la région, dans l'incapacité d'exercer pleinement ses prérogatives, a saisi l'ART le 19 avril 2019. À ce jour, l'acte de régulation sur lequel l'Autorité aura à se prononcer est, quel qu'en soit son contenu, susceptible d'un appel de SNCF Voyageurs, ce qui retarderait davantage la mise en oeuvre de la réforme voulue par le législateur.

Il apparaît donc urgent que l'État, en tant qu'actionnaire unique de SNCF Voyageurs, rappelle l'entreprise à ses obligations. Quelles sont vos intentions ? (Mme Valérie Létard applaudit.)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Nous serons vigilants à ce que l'ART délibère rapidement afin de respecter le calendrier politique des régions.

Pour répondre à la question précédente qui portait sur le désengagement de l'État, n'oublions pas qu'il porte 30 % des investissements, mais 70 % des dépenses globales, y compris celles de maintenance. (M. Jean-François Rapin marque sa déception devant la réponse du ministre.)

Mme Patricia Morhet-Richaud .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le 4 décembre, l'État et les collectivités territoriales ont annoncé la rénovation de la ligne Grenoble-Veynes pour 34 millions d'euros pour sauver l'étoile de Veynes et maintenir une ligne essentielle pour ce territoire de montagne.

Lors du dernier comité de pilotage, SNCF Réseau a annoncé que dès le début de 2020 une communication serait faite pour valoriser l'engagement de l'ensemble des partenaires pour le maintien durable du service. Hélas, les faits ne correspondent pas aux déclarations. Deux trains ont été remplacés par des cars sur la section Clelles-Veynes. De telles modifications sont de plus en plus fréquentes alors que se multiplient les fermetures de guichets et de gares.

L'État ne doit pas relâcher sa vigilance. Le transport routier doit rester réservé aux cas de force majeure. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Des travaux préparatoires sont réalisés sur la ligne Grenoble-Gap.

Le comité de pilotage du 4 décembre a établi un programme des travaux sur la ligne Livron-Veynes d'ici 2021 et des travaux plus lourds auront lieu dès la fin de 2021 entre Vif et Aspres-sur-Buëch. Une enveloppe de 28,3 millions d'euros sera débloquée à cet effet.

Mme Agnès Canayer .  - Nous sommes souvent sollicités sur ce sujet essentiel par nos concitoyens.

La Normandie a, la première, pu gérer ses lignes Intercités. Avec le vieillissement des infrastructures, les temps de trajet se rallongent dans des trains de plus en plus vétustes. Il faut de plus en plus de temps pour rallier Paris au Havre.

En contrepartie de la prise en charge par l'État du renouvellement complet du matériel ferroviaire, la région s'est investie dans l'amélioration des transports du quotidien. Ainsi, les usagers des lignes Paris - Caen -Cherbourg et Paris - Rouen - Le Havre embarqueront au cours de ce premier trimestre 2020 dans 40 trains neufs et conformes à leurs attentes.

Néanmoins, les rails et les gares sont vieillissants. Seront-ils transférés aux régions ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Quelque 860 millions d'euros sont investis intégralement par l'État pour le renouvellement du matériel roulant. Pour la Normandie, le premier train a été mis en service hier et la livraison s'étalera sur les 24 prochains mois.

La région Normandie a fait état de ses besoins s'agissant des voies. Elle sera partie aux conventions bilatérales, en application de l'article 172 de la LOM.

Mme Christine Lavarde, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Nous avons aujourd'hui beaucoup parlé des petites lignes mais il y a d'autres sujets comme la qualité de service ou l'impact écologique. Les petites lignes représentent 9 000 km des 20 000 km du réseau des TER, soit 45 %, mais seulement 2 % des voyageurs par kilomètre. Elles comptent 13 trains par jour en moyenne contre 160 trains par jour en Île-de-France.

La dette de la France ayant dépassé 100 % du PIB, nous devons diminuer la dépense publique, mais nous voulons aussi aménager le territoire pour tous.

Les trains qui fonctionnent au fioul ne participent pas à la transition écologique, loin de là. Or tel est le cas le plus souvent pour les lignes 7 à 9.

Le rapport sénatorial de la délégation à la prospective a travaillé sur les nouvelles mobilités et elle a rappelé qu'elles doivent contribuer à l'aménagement du territoire, être adaptées à chaque territoire et utiliser les nouveaux outils, notamment numériques.

Il était important que l'État reprenne une partie de la dette de SNCF Réseau, mais cette bouffée d'oxygène, nécessaire, ne sera suffisante que si l'entreprise améliore sa productivité : 400 millions d'euros de plus sont nécessaires. Nous avons envie d'y croire avec vous.

La décentralisation des transports est essentielle. Espérons que cet élan se propage à d'autres domaines, notamment dans le cadre du projet de loi 3 D.

Merci à l'ensemble des orateurs et bonne année à vous toutes et tous. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains, UC, RDSE ainsi que sur quelques travées du groupe SOCR)

La séance est suspendue quelques instants.

Plan d'action en faveur des territoires ruraux

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur le plan d'action en faveur des territoires ruraux.

M. Jacques Genest, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le Sénat ne perd jamais une occasion de parler de la ruralité : il assure en effet la représentation des collectivités territoriales, à 90 % rurales.

Les élus locaux savent que les maux du monde rural sont profonds. Leurs habitants ont l'impression de vivre dans une société bloquée qui a oublié la promesse républicaine de l'égalité.

La crise de la ruralité est liée à la fin de la politique de l'aménagement du territoire. En effet, avec la création en 1963 de la Datar par le général de Gaulle, des pôles de croissance ont été créés pour réorienter les flux économiques, c'est-à-dire le contraire de la situation actuelle. Hélas, les chocs pétroliers ont mis un terme à cette politique et nous avons progressivement abandonné la politique du territoire qui a été perçue comme un luxe superflu.

Depuis, la ruralité n'a plus droit qu'à des soins palliatifs : cafés, stations-services, petits commerces que l'on veut recréer...

On veut faire revivre les bourgs-centres après les avoir tués par l'installation de gigantesques zones commerciales en périphérie. C'est donner de l'aspirine à celui sur lequel on a tiré au bazooka !

Je vous renvoie à la lecture du rapport de mon collègue Louis-Jean de Nicolaÿ sur le budget 2020 qui détaille les crédits consacrés à l'aménagement du territoire. Sa hausse ne résulte que de la création de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), dont l'effort réel de la part de l'État n'est que de 10 millions d'euros, et sur lesquels les élus locaux n'auront guère leur mot à dire.

Certains pensent encore que l'économie numérique va créer un mouvement massif et spontané vers le monde rural et qu'une start-up corrézienne, ou mieux, ardéchoise, pourra travailler sans difficulté avec des clients brésiliens et des fournisseurs coréens.

Mais jusqu'à présent, le développement du numérique a au contraire accentué la concentration géographique de la création de richesse.

Par exemple, l'installation de la fibre optique est gratuite pour les métropoles et payante ailleurs. Ainsi la communauté de la Montagne d'Ardèche, avec ses 5 000 habitants, devra payer 2 millions d'euros. Bel exemple de solidarité territoriale !

Le monde rural doit répondre à un défi démographique - les jeunes quittent nos territoires - et économique.

Le Gouvernement a fait de bonnes propositions, mais deux sujets préoccupent particulièrement les élus locaux : la désertification médicale et la fracture numérique.

Lorsque des concitoyens ne sont pas traités comme les autres, l'impatience se transforme en colère. Voyez la crise des gilets jaunes ! L'accès aux soins constituait une revendication forte.

Je regrette votre passivité en matière de télétravail. Les grèves que nos concitoyens subissent devraient montrer l'impératif que constitue une véritable mesure d'allégement fiscal en la matière.

Sur les déserts médicaux, je relève plusieurs solutions intéressantes dans votre plan avec le renforcement du champ d'intervention des professionnels de santé non-médecins et le déploiement de 400 postes de médecins salariés. Mais il s'agit de mesures homéopathiques.

S'agissant des réponses à plus long terme, vous proposez de « déployer les stages d'internes en médecine dans les zones sous-denses, en priorité dans les territoires ruraux ». Nous y sommes tellement favorables que le groupe Les Républicains du Sénat, à l'initiative de notre collègue Corinne Imbert, avait voté un dispositif analogue lors de l'examen de la dernière loi Santé.

Il n'y a néanmoins pas grand-chose à attendre de vos propositions. Ce sont les études de médecine qu'il faut réformer.

Il est indécent de proposer un nouveau plan d'action aussi ambitieux alors que, quelques mois plus tard, vous avez sonné le glas du plan France très haut débit.

Les habitants du monde rural n'attendent pas de miracles : il ne faudrait dire que ce que l'on est capable de faire. Avec Jean-Marc Boyer et Daniel Laurent, nous avons ainsi préparé des propositions simples, concrètes et peu coûteuses dans le cadre d'un groupe de travail. Votre plan d'action sera-t-il différent des conférences territoriales, déjà oubliées ?

Mobilité, santé, emploi, accès aux nouvelles technologies, la ruralité est au coeur des nouveaux défis. Y répondre permettra de faire advenir une nouvelle société où le monde rural aura davantage qu'une place : un avenir. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales .  - Je salue l'initiative du groupe Les Républicains de proposer ce débat sur la ruralité.

Mon ministère aurait pu s'appeler ministère de l'Aménagement du territoire, monsieur le sénateur. Derrière le mot « cohésion », il y a bien sûr l'aménagement. Le Sénat a débattu à plusieurs reprises des collectivités territoriales et de la ruralité ces dernières années. Je me réjouis de cette préoccupation commune.

Il faut naturellement cesser d'opposer villes et campagnes et battre en brèche les idées reçues sur les territoires ruraux. Les Français ne privilégient plus les villes sur les campagnes. Aujourd'hui, les territoires ruraux accueillent plus d'habitants que les villes. Les campagnes gagnent 100 000 habitants par an depuis deux ans. Certes, ces nouveaux habitants ont des attentes importantes. Les territoires ruraux ne sont pas non plus tous paupérisés. Certes, c'est le cas pour certains, mais d'autres ont de nombreuses potentialités et richesses : il existe des ruralités diverses. Aidons celles qui rencontrent le plus de difficultés.

L'agenda rural est un engagement du Président de la République en réponse à l'Association des maires ruraux de France et à son président Vanik Berberian.

Cet agenda rural est aussi un projet européen, puisqu'en novembre 2018 le Parlement européen a voté une résolution appelant la Commission et le Conseil à mettre en place un agenda rural, que la France a été la première à forger.

D'où la mission composée d'élus ruraux que j'ai mise en place avec pour objectif, simple et complexe, d'améliorer la vie des habitants des territoires ruraux. Elle a produit un rapport de 200 propositions à partir desquelles le Gouvernement a élaboré son agenda rural présenté le 20 septembre par le Premier ministre au congrès de l'Association des maires ruraux de France. Il s'agit du premier plan d'action d'un Gouvernement en faveur de la ruralité regroupant des problématiques larges et partant du terrain et non depuis l'échelon national.

L'agenda rural constitue le cadre de déploiement des politiques en faveur des territoires ruraux, à l'instar de la politique de la ville qui existe depuis quarante ans.

Toutes les propositions sont bienvenues. L'outil qui comporte 181 mesures est vivant, il a vocation à s'enrichir et s'inscrira dans la durée. Je présiderai un comité de suivi toutes les six à huit semaines. Le premier s'est tenu le 20 novembre dernier avec plusieurs ministres et des représentants d'élus locaux.

Depuis le 1er janvier, plusieurs mesures sont déjà effectives comme le soutien aux petits commerces dans les communes de moins de 3 500 habitants avec des exonérations fiscales - cotisation foncière des entreprises (CFE), cotisation sur la valeur ajoutée (CVAE), foncier bâti - compensées par l'État à 33 %.

Nous avons tous constaté le recul des services publics sur les territoires.

Nous développons donc les Maisons France Services.

L'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) est effective sur le plan juridique depuis novembre et elle travaille depuis le 1er janvier.

M. le président.  - Il vous faut conclure !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Sa présidente, Caroline Cayeux, est bien connue du groupe Les Républicains. (On s'en réjouit sur les travées du groupe Les Républicains.) Je préciserai ses missions dans le débat. C'est là que la politique en faveur de la ruralité sera gérée, en complément de ce qui existe déjà dans les territoires à la demande des élus. Le préfet sera le représentant de l'ANCT dans les territoires. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

M. Jean-Claude Requier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE) Je salue la création de l'ANCT, voulue par le groupe RDSE. Nos territoires ont un potentiel d'attractivité inexploité. Il est impératif de favoriser l'économie et l'emploi, mais aussi les lieux de vie tels les bistrots, qui sont un lieu de vie irremplaçable.

L'ANCT symbolise un changement de culture administrative. Les élus locaux doivent y être associés.

Entre 800 et 1 000 villes de moins de 20 000 habitants exerçant une fonction de centralité devraient être sélectionnées sur un critère reposant sur le nombre et la nature des équipements dont elles disposent et sur des critères de fragilité. Quelle sera la pondération des critères pour sélectionner les petites villes qui auront charge de centralité ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Il existe dans les ruralités, des petites villes, de 3 000 à 7 000 habitants, qui font centralité dans leur territoire et qui doivent être soutenues. Il faut de la souplesse dans les critères.

Nous travaillons en partenariat avec les collectivités territoriales car des initiatives ont déjà été lancées par certaines régions - c'est le cas en région Centre Val-de-Loire - et départements. La Banque des territoires financera les postes de chef de projet à hauteur de 25 %. Elle prendra en charge à 100 % les missions de management pour les territoires en difficulté.

Une enveloppe de 50 millions d'euros d'investissement est prévue pour développer une centaine d'opérations.

L'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat (ANAH) cofinancera le poste de chef de projet et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) valorisera les projets locaux.

M. Bernard Buis .  - Le plan d'action en faveur des territoires ruraux traduit l'ambition forte du Gouvernement en faveur de la cohésion territoriale. Dans cet agenda rural, vous ancrez dans la durée vos actions en faveur des territoires ruraux et vous privilégiez l'écoute des élus locaux.

L'un des axes principaux est le soutien aux petits commerces et lieux de convivialité, notamment en ouvrant ou reprenant 1 000 cafés, sur l'idée du groupe SOS, acteur essentiel de l'économie sociale et solidaire. Les appels à candidatures ont été lancés le 12 septembre. Quel en est le bilan d'étape ? Comment vos services travaillent-ils avec le groupe SOS ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Ce projet part du constat que 90 % des Français jugent fondamentale la présence d'un café dans une commune.

Le groupe SOS a lancé en septembre un appel à candidatures aux communes sans café ou dont la survie du café est menacée.

M. Michel Savin.  - C'est le cas même dans les villes !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Il a reçu la candidature de 500 communes et de 1 200 personnes souhaitant gérer un café. Puisque nous devons aussi tenir compte de la liberté commerciale, l'étude des candidatures est en cours. Une quinzaine de cafés devraient ouvrir prochainement.

Tout cela est possible car la loi Engagement et proximité prévoit la création de ces cafés, dont les licences IV ne peuvent être exportées hors des départements concernés.

M. Guillaume Gontard .  - La lecture de votre plan d'action est engageante avec la perspective d'une ruralité française revivifiée par la transition écologique, sociale et démocratique.

Lutter contre l'artificialisation des sols, promouvoir l'agro-écologie, faire des forêts le poumon de notre pays, lutter contre les déserts médicaux... Hormis le développement à l'aveuglette de la 5G, vous feriez presque carton plein.

Hélas, il ne s'agit que d'une opération de communication, car vous ne mettez pas un euro sur la table. Dans les faits, votre politique va à l'encontre des ambitions affichées.

Vous voulez développer l'agro-écologie, mais vous supprimez les aides au bio ; soutenir la forêt, mais vous démantelez l'ONF ; lutter contre les déserts médicaux sans contraindre les médecins ; renforcer l'ingénierie publique sans moyens, uniquement avec la plomberie administrative. Je m'inquiète pour les promesses que vous ne faites pas, notamment en ce qui concerne la mobilité.

Les territoires ruraux n'ont pas besoin de lignes aériennes mais de dessertes ferroviaires fines et de services publics innovants. Il faut privilégier la démobilité et lutter contre l'hypermétropolisation. Après la LOM toujours en manque de financement, quelles sont les ambitions du Gouvernement en faveur de la mobilité en zone rurale ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Sur les 200 propositions faites par les élus locaux, 173 sont aujourd'hui retenues et nous en avons rajouté d'autres puisque nous en sommes à 183.

Prenons l'exemple de la santé : nous créons des contrats d'engagement de service public, c'est-à-dire une bourse d'études contre du temps professionnel là où il y a besoin de médecins.

De mon temps, cela existait pour les professeurs : on appelait cela les IPES. Nous étions rémunérés pendant nos études mais nous étions ensuite envoyés dans les régions sous-dotées en professeurs.

La mesure en faveur des médecins est très importante. Vous demandez de la contrainte. Au Parlement, il n'y a pas de majorité pour voter de telles mesures.

M. Guillaume Gontard.  - Je partage la plupart des propositions qui viennent des élus. Mais ma question portait sur leur application concrète. Vous ne m'avez pas répondu non plus sur la mobilité. Sans elle, il n'y a ni emploi ni santé.

M. Franck Menonville .  - Depuis sa création en 1989, le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (Fisac) s'est imposé comme un formidable outil de revalorisation du commerce et de l'artisanat. Il a financé jusqu'à 1 000 projets par an. De 70 millions d'euros en 2010, il est passé à 16 millions d'euros en 2018. Depuis 2019, il est en gestion extinctive. Les territoires ruraux sont inquiets.

Censé prendre le relais, Action coeur de ville vise 222 villes moyennes et non les bourgs ruraux. Il est en outre moins adaptable aux spécificités locales. Lors de la loi de finances, un amendement de Serge Babary, adopté par le Sénat, a porté son financement à 30 millions d'euros, mais l'Assemblée nationale l'a supprimé.

Quelle alternative promouvez-vous pour continuer à soutenir nos entreprises locales en milieu rural ? (M. Pierre Louault et Mme Nadia Sollogoub applaudissent.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le Fisac a bel et bien disparu. (Exclamations sur les travées du groupe SOCR) Eh oui, je savais que cela ferait hurler, mais c'est la réalité.

Or l'engagement des fonds pour le Fisac s'étalait sur plusieurs années. Il a donc fallu trouver un système pour le remplacer. Il représentait 15 milliards d'euros pour Action coeur de ville. Nous avons engagé 5 milliards d'euros.

Dans l'agenda rural, nous avons créé une nouvelle mesure de soutien aux petits commerces ruraux adoptée en loi de finances. Elle est donc effective depuis le 1er janvier et concerne les commerces de moins de 11 salariés dans les communes de moins de 3 500 habitants. Et l'État compense cette exonération à hauteur de 33 %, ce qui est inédit. Nous souhaitons donc vivement que les territoires saisissent cette opportunité.

Mme Nadia Sollogoub .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Selon le Premier ministre, le plan d'action du Gouvernement correspond à « la mise en place d'une politique spécifique à l'égard des campagnes, à l'image de celles qui existent dans les domaines de la politique de la ville et du soutien aux quartiers en difficulté ».

À mon sens, la santé est une priorité. Le plan prévoit que les internes puissent effectuer un stage en zone sous-dense. Mais la mesure reste en attente de son décret d'application, comme beaucoup d'autres : la liste des pathologies pour lesquelles les infirmiers pourront adapter la posologie de certains traitements, les modalités de délivrance de médicaments par les pharmaciens, les autorisations de vaccination des femmes et des enfants par les sages-femmes, les conditions de prise en charge des activités de télésoins, etc.

Face à l'enjeu crucial d'accès aux soins en milieu rural, passerez-vous outre les pressions de certaines professions pour mettre rapidement en application ces mesures votées en juillet ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Déjà, 28 décrets sont sortis en application de la loi Santé. Et le Gouvernement a souhaité anticiper l'application de certaines mesures : ainsi, les stages en milieu rural pour les internes feront l'objet d'un décret prochain qui les rendra possibles dès la rentrée universitaire de cette année.

Les campagnes de vaccination hivernale sont désormais accessibles aux pharmaciens et aux infirmiers. Les tests pour détecter les angines bactériennes peuvent se faire en pharmacie. Aux professionnels de santé de se saisir de toutes ces nouvelles possibilités.

Mme Nadia Sollogoub.  - Un décret d'application concernant la validation de l'habilitation des maîtres de stage est encore en attente. Néanmoins, nous prenons acte de vos annonces positives.

L'organisation des plateaux techniques chirurgicaux publics et privés pose problème, notamment dans la Nièvre, où le maillage envisagé est trop large : il n'y aurait aucune urgence chirurgicale de nuit entre Nevers et Montargis, Bourges et Auxerre. Le Gouvernement pourrait-il mettre en harmonie ses mots et ses actes ? (Mme la ministre demande la parole.)

M. le président.  - Ne reposez pas une question dans votre réplique. La ministre ne peut pas reprendre la parole pour y répondre ! (Sourires)

M. Didier Mandelli .  - Faisant écho au débat précédent, je souligne que la voiture est indispensable pour se déplacer dans les territoires ruraux. Les procédés facilitant l'obtention du permis, tels les simulateurs de conduite et le permis à un euro par jour, sont à saluer.

Le Sénat a oeuvré pour que les intercommunalités puissent organiser dans leurs territoires des solutions d'intermodalité. Cependant, il leur faut des moyens financiers pour prendre en charge la compétence de mobilité et donner aux mesures rendues possibles par la loi toute leur portée. Que comptez-vous proposer pour répondre ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je suis de la campagne et je sais ce qu'est le besoin de voiture en milieu rural. Arrêtons de croire que nous pourrons supprimer les voitures !

Beaucoup de ruraux développent des habitudes de covoiturage. C'est une bonne solution.

Quant au financement, on a discuté de la création d'un versement transport dans la ruralité. Le Gouvernement a considéré que cela représentait une charge nouvelle pour les PME et les TPI. Nous n'avons donc pas tranché la question du financement.

Hier, dans une réunion à Arras, un élu m'a fait la proposition de mutualiser le versement transport entre les communes, à l'échelle du département. Même si elle n'est pas issue du Gouvernement, c'est une piste.

M. Didier Mandelli.  - Nous avions mentionné la possibilité de verser une fraction de la TICPE aux intercommunalités qui prendront la compétence. Cette solution était équitable et simple, beaucoup plus que celle d'un financement départemental.

Mme Viviane Artigalas .  - Beaucoup des propositions de la mission Ruralité ont été reprises dans votre plan d'action. C'est flatteur mais il manque des précisions sur le financement et le calendrier d'action concernant la revitalisation des petites villes notamment. Pourquoi avoir supprimé le Fisac il y a un an ?

Le déploiement de la 5G tel que vous le proposez ne répond absolument pas à la problématique des zones dites « grises » couvertes par un seul opérateur, et des zones où les pannes et défaillances sont fréquentes, propres à de nombreux territoires ruraux et montagnards où les habitants se sentent isolés et fragilisés.

Quel maillage territorial pour les services publics ? Vous prévoyez une maison France Services par canton d'ici à deux ans, mais les agents d'accueil seront rémunérés par les collectivités et le fonctionnement compensé par une dotation de l'État jusqu'à une date indéterminée : ce flou est inquiétant ! Votre proposition sur le tout-numérique ne peut pas être la seule solution à tous les maux des territoires ruraux.

Quelles actions concrètes et mûries êtes-vous en mesure de présenter ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Toutes les mesures annoncées dans le plan Ruralité sont financées, non pas forcément par l'État, mais souvent par les collectivités territoriales ou les intercommunalités. Les accords entre l'État et les collectivités sont indispensables pour assurer le financement de ce type d'action.

Quant aux maisons France Services, un fonds inter-opérateurs les finance, avec le fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT) pour l'État, à raison de 30 000 euros chacune. Même chose pour France Très haut débit financé à hauteur de 3,3 milliards d'euros par l'État et pour le reste par les collectivités territoriales - les régions parfois, ou les départements ou des syndicats interdépartementaux.

Cessons de dire qu'il n'y a pas d'argent ! D'ailleurs, madame Sollogoub et monsieur Joly, un avion sanitaire a été créé à Nevers, pour répondre à votre question précédente.

M. Jean-Marie Janssens .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Au cours du grand débat national de l'an dernier, la question des soins médicaux est venue en tête des préoccupations. Pas moins de 4 millions de Français vivent loin d'un centre de santé. Cette situation alarmante est particulièrement difficile à vivre pour nos concitoyens des territoires ruraux. Face à l'urgence de la lutte contre les déserts médicaux, le plan d'action du Gouvernement propose le recrutement de 600 médecins salariés, ainsi que le déploiement de médecins supplémentaires et d'internes, en zones sous-denses. C'est trop peu.

Le dispositif PAIS - Plateforme alternative d'innovation en santé - que vous connaissez bien, madame la ministre, car il a été développé en Loir-et-Cher, revitalise l'offre de proximité, en favorisant les synergies, en facilitant les remplacements entre médecin au sein d'un même bassin de vie. Ce dispositif est efficace. Pourquoi ne pas le généraliser à l'échelle nationale ? À quelle échéance ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Je connais bien en effet ce formidable outil de proximité, créé par des professionnels de santé du Loir-et-Cher, qui permet aux médecins d'un même bassin de vie d'accueillir des patients sans prise de rendez-vous, grâce aux synergies qu'ils ont établies entre eux. L'Agence régionale de santé (ARS) soutient ce dispositif.

J'ai organisé des rencontres avec le créateur de PAIS, le docteur Isaac Gbadamassi, pour inspirer des projets similaires dans d'autres territoires. Toutes les agences régionales de santé concernées soutiennent ce genre de projet.

Il est indispensable de faire connaître le système PAIS. Nous le proposerons, mais ne l'imposerons pas.

M. Dominique de Legge .  - De nombreuses communes rurales ont mis en place le dispositif dit « Argent de poche » dans le cadre de l'opération Ville Vie Vacances. Cependant, des préfets, en tout cas en Bretagne, ne jugent ce dispositif applicable que dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). C'est fâcheux. Pourquoi les jeunes ruraux ne pourraient-ils pas bénéficier d'un dispositif qui fonctionne bien dans nos campagnes ? Avertie de cette question, vous aviez laissé espérer qu'elle puisse être réexaminée : où en êtes-vous de vos réflexions ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Le dispositif « Argent de poche » est en effet propre aux quartiers prioritaires de la politique de la ville ; il a été créé dans les années quatre-vingt et adossé au programme « Ville Vie Vacances ».

Depuis 2015, les sommes versées dans ce cadre aux jeunes de 14 ans à 26 ans, assimilées à des gratifications aux stagiaires en entreprise, sont exclues de l'assiette des cotisations et contributions sociales.

En Bretagne, notamment en Ille-et-Vilaine, des mesures dérogatoires ont été mises en place pour que les jeunes ruraux puissent continuer à bénéficier du dispositif, mais cela n'est pas le cas de l'ensemble du territoire national. L'Association des maires ruraux de France (AMRF) a en effet interpellé mes équipes à ce sujet.

J'ai contacté la ministre de la Santé pour étudier les conditions d'une extension de ce dispositif à la ruralité. Des échanges sont en cours, je ne manquerai pas de vous tenir informé, ainsi que l'AMRF, de la suite que nous pourrons donner à cette demande, tout à fait légitime.

M. Dominique de Legge.  - Je m'en réjouis, mais il y a urgence, madame la ministre, sur cette mesure utile à nos jeunes et qui ne coûte pas un sou à l'État.

M. Hervé Gillé .  - Plus de 22 millions de Français vivent en milieu rural. Dans le même temps, 22 métropoles capitalisent richesses, créations d'emplois, accès aux mobilités, à la culture, à la santé. Leur développement devrait bénéficier aux villes moyennes, aux zones périurbaines et rurales.

L'opposition permanente entre métropoles et territoires ruraux ne peut pas perdurer. Nous voulons construire une alliance en complémentarité entre les unes et les autres. Les territoires ruraux constituent en effet des espaces de compensation écologique aux activités urbaines.

Les métropoles, grâce à la concentration d'entreprises, reçoivent d'importantes recettes fiscales qui pourraient être mises à profit dans les contrats de coopération, ce qui n'est pas toujours le cas.

Des propositions ont été formulées sur de nouveaux dispositifs de solidarité fiscale, dont la taxe transport qui pourrait être mise à profit en faveur du désenclavement des territoires ruraux.

M. le président.  - Quelle est votre question ?

M. Hervé Gillé.  - Comment assurerez-vous cette complémentarité entre métropoles et territoires ruraux ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Ce sera l'un des sujets essentiels de la loi que j'ai nommée « 3D », pour déconcentration, différenciation, décentralisation... le dernier terme - qui peut varier - étant le plus important !

Oui, la coopération entre les collectivités territoriales, voire entre les territoires, doit être renforcée, par exemple via les contrats de réciprocité.

Ils existent, comme par exemple celui qui unit Toulouse à son arrière-pays, ou bien encore celui mis en place à Tours (M. Pierre Louault le confirme.). Pour l'instant, ces contrats sont à la main des collectivités territoriales et manquent d'un cadre précis.

S'agissant de l'incitation au partage des ressources, il serait intéressant de l'aborder dans le cadre du projet de loi 3D.

M. Jean-Paul Émorine .  - Rappelons que la ruralité représente 80 % de notre territoire, pour 20 % de la population. La loi de 2005 pour les territoires ruraux a créé les zones de revitalisation rurale (ZRR) qui concernent 50 % de notre territoire et 10 % de la population, soit 6 250 000 habitants sur 14 250 communes. Elles ont bénéficié d'exonérations fiscales pour les professions de santé et vétérinaires.

La loi de finances rectificative de 2019 a porté le seuil à 63 habitants par kilomètre carré soit la moyenne nationale, au lieu de 35 et un revenu médian de 19 111 euros. Insuffisant pour animer la ruralité. Quelles perspectives trace votre plan d'action pour les ZRR, et surtout à quel terme ? Dix, quinze ou vingt ans ? C'est en fixant une telle durée que vous serez crédible. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Sylvie Vermeillet et M. Pierre Louault applaudissent également.)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - La loi de finances pour 2020 a prolongé le classement en ZRR de certaines communes jusqu'à décembre 2020, alors qu'elles devaient en sortir en juillet. Je rappelle que près de la moitié des communes françaises sont concernées.

L'agenda rural prévoit la définition d'une géographie prioritaire de ruralité. Nous consacrerons l'année 2020 à ce travail, y compris sur les critères que vous évoquez. Tout changement de système implique des entrées et des sorties, donc des mécontents.

Il faut trouver le dispositif le mieux adapté à la ruralité d'aujourd'hui. Si nous ne trouvons pas mieux, nous prolongerons la ZRR. Il faudra sinon créer une nouvelle géographie de la ruralité fondée sur d'autres critères. Mais il y aura forcément des sortants...

M. Jean-Paul Émorine.  - Il faut avant tout inscrire les dispositifs dans le temps. Cinq ans, c'est trop peu pour un médecin ou une entreprise : il leur faut à tout le moins des perspectives à dix, quinze ou vingt ans.

Mme Angèle Préville .  - Je souscris aux intentions de votre plan d'action. Nos territoires ruraux sont une formidable richesse. Nos campagnes doivent être un moteur du modèle écologique.

La France a 30 millions d'hectares de surface agricole et reste au premier rang européen. Mais l'agriculture émet trop de gaz à effet de serre, tout en subissant sécheresses et inondations, sans compter les effets délétères des produits phytosanitaires sur les espèces et la santé.

L'agro-écologie est la solution ; elle implique des garanties financières à nos agriculteurs. Les circuits courts font l'objet d'initiatives qu'il faudrait généraliser en levant les obstacles. Il faut aussi miser sur la motivation de nos jeunes agriculteurs. Faut-il seulement encourager les circuits courts, et qu'attendez-vous, pour promouvoir l'écologie ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - L'agenda rural prévoit la promotion de l'écologie et des nouvelles pratiques agricoles, notamment les programmes agricoles expérimentaux qui fédèrent les acteurs d'un territoire autour d'un projet partagé, et l'encouragement à l'approvisionnement en circuit court des collectivités territoriales et services déconcentrés, car il y a du bio qui vient de loin !

Les associations qui interviennent dans ce domaine seront mieux soutenues.

Le plan « Enseigner et produire autrement » a aussi un rôle important à jouer dans les écoles d'agriculture.

Enfin, le fonds de restructuration Avenir bio a été abondé pour atteindre 8 millions d'euros dans la dernière loi de finances ; c'est sûrement encore insuffisant, mais le crédit d'impôt bio a été prolongé jusqu'en 2020 et revalorisé.

Mme Christine Bonfanti-Dossat .  - Hôpitaux, écoles, commerces, cabinets médicaux, services publics ferment les uns après les autres dans le monde rural - soit 35 % de la population. L'intensité des manifestations des gilets jaunes, particulièrement forte en Lot-et-Garonne, nous oblige à agir.

Maire pendant 25 ans et ancienne infirmière libérale, j'ai vu se dégrader l'accès aux soins dans les territoires ruraux. Les collectivités territoriales ont créé des maisons de santé et ont salarié des médecins pour y remédier. La loi Santé encourage l'installation de médecins en zone sous-dense et facilite les délégations de tâches entre professionnels de santé mais il faut aller plus loin.

Chaque année, 120 000 infirmiers libéraux interviennent auprès de 11 millions de patients. Le plan d'action envisage les délégations de tâches en leur faveur. Qu'en pensez-vous ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Votre constat est juste. Les délégations que vous proposez me semblent de bon sens. J'en parlerai à la ministre de la santé. Cependant, il faudra peut-être faire évoluer la formation des infirmiers en conséquence. Pour faire un médecin, il faut dix ans : il faudra donc du temps pour avoir un vivier, même pour les infirmiers.

M. Alain Dufaut .  - Une loi urbanistique s'applique bien différemment à la région parisienne, dans les grandes agglomérations et dans les petits villages de nos territoires ruraux... Ainsi, la loi ALUR nuit à la beauté de nos sites, en privilégiant la concentration de l'habitat.

Le président des maires de mon département de Vaucluse appelait récemment à revoir la loi ALUR, car elle « massacre esthétiquement » nos beaux villages provençaux, selon ses propres termes. Un maire me disait aussi : désormais, on peut construire sur un confetti. Ils ont raison ! (Mme Marie-Noëlle Lienemann proteste.)

Faut-il la même densité dans le Luberon que dans nos banlieues ? Il est urgent de redonner la maîtrise de l'urbanisation aux élus locaux. Revenons à des COS de 0,10 ou 0,20 pour en finir avec le bétonnage massif et anarchique. Révisons la loi ALUR ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - N'importe quoi ! Appliquons-la !

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - J'entends des avis contradictoires, ce qui prouve que la différenciation est une nécessité. J'avais 13 ans quand la Datar, à laquelle M. Genest faisait allusion, est née. À cette époque, la France avait besoin de solutions nationales pour la reconstruction et le logement. Ce n'est plus le cas : on ne peut pas avoir les mêmes règles d'urbanisme partout.

La réglementation de l'urbanisme est à la main des collectivités territoriales : à elles de rédiger des documents d'urbanisme adaptés ! (M. Jean-Raymond Hugonet interrompt.) Je sais ce qu'est un COS, un PLUI ! J'ai été maire. Il faut adapter les règles aux territoires. (M. Jean-Marie Janssens et Mme Michèle Vullien applaudissent.)

M. Michel Savin .  - Le plan d'action comprend deux mesures pour les territoires ruraux en faveur de la pratique sportive, en prévoyant des recrutements mutualisés d'éducateurs sportifs polyvalents et en soutenant les associations sportives.

Mais les difficultés budgétaires des collectivités territoriales empêchent toute nouvelle dépense de fonctionnement et la subvention de l'Agence nationale du sport est en baisse de 10 millions d'euros...

Comment expliquer ce décalage avec vos annonces ? (M. Pierre Ouzoulias approuve.) En outre, les dispositifs existant sont méconnus et souvent inadaptés aux besoins des territoires.

Le Sénat a fait de nombreuses propositions pour le sport - mécénat, 1 % artistique et sportif, développement du sport à l'école. Quand votre gouvernement les reprendra-t-il ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Jacqueline Gourault, ministre.  - Voici les éléments que m'a transmis la ministre des sports. Lors de son conseil d'administration du 9 décembre, l'Agence du sport a maintenu son soutien de 20 millions d'euros aux équipements sportifs locaux, dont 5 millions d'euros versés aux territoires.

En 2019, 172 dossiers ont été traités ; 133 retenus sont en zone rurale, dans des territoires en ZRR ou faisant l'objet d'un contrat de ruralité pour un montant de 12 millions d'euros. Cela vient en complément de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL).

49 millions d'euros seront affectés à 1 451 recrutements d'éducateurs sportifs, prioritairement en ZRR et en QPV.

M. Michel Savin.  - J'entends la réponse de la ministre des sports. Mais ces aides sont pour les clubs, et non pour les collectivités territoriales. Et le budget de l'Agence du sport baisse de 10 millions d'euros.

M. Patrick Chaize, pour le groupe Les Républicains .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Ce ne sera pas le dernier débat sur la ruralité : le Sénat entend maintenir la pression sur le Gouvernement. L'article 24 de la Constitution en fait le représentant des territoires : il fait de nous en quelque sorte les obligés des élus locaux. En outre, votre Gouvernement multiplie les témoignages d'amour aux territoires ruraux, gare à ne pas faire de politique de témoignage ?

Les Conférences des territoires ont laissé un goût amer aux élus, qui y avaient placé beaucoup d'espoir. Espérons qu'il n'en sera pas ainsi de ce plan, issu de l'agenda rural présenté par l'AMRF  en juillet 2019.

D'abord, comment s'opposer aux Maisons France Services - mais je commence à me demander ce qu'elles apportent de plus que les Maisons de service public ? L'approche technocratique inquiète, ainsi de l'obligation de deux ETP par maison.

En 2017, vous avez fermé le guichet, pour le rouvrir en 2019, mais sans moyens. Le Sénat a jugé bon d'alimenter en crédits de paiement et non en autorisations d'engagement le plan France THD dont vous semblez entériner le financement. D'ailleurs, vous affichez un objectif de couverture de 92 % de la population, laissant de côté 5,1 millions de Français.

Je prends donc votre plan d'action avec prudence, malgré votre sincérité. Faites confiance aux élus, associez-les, considérez-les ! (Vifs applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et sur quelques travées des groupes UC et RDSE)

La séance est suspendue quelques instants.

présidence de M. Gérard Larcher

Réforme des retraites

M. le président.  - L'ordre du jour appelle le débat sur la réforme des retraites.

Je souhaite la bienvenue au ministre et lui souhaite le meilleur dans ses fonctions délicates.

Notre débat s'organisera en deux temps : d'abord l'intervention du représentant de la commission des affaires sociales, une intervention de 5 minutes par groupe et la réponse du ministre ; puis un débat interactif.

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le projet de loi de réforme des retraites devrait être présenté en Conseil des ministres le 24 janvier, mais un mouvement social d'ampleur dure déjà depuis plus d'un mois et, depuis plus longtemps encore, les Français se posent des questions sur leur retraite. La commission des affaires sociales a donc demandé ce débat sur un sujet politique hautement inflammable.

Pour qu'une réforme soit acceptable, il faut que les Français fassent confiance au Gouvernement. Or ce n'est guère le cas. Cela résulte certes d'un mouvement général de défiance dans la parole publique, mais aussi des actions du Gouvernement lui-même. Comment croire à la promesse de maintien du niveau de vie des retraités et de la sanctuarisation de la valeur du point, quand, depuis trois ans, le Gouvernement a foulé aux pieds la garantie d'indexation de la valeur du point sur l'inflation, a gelé les pensions en 2018 et à nouveau, quasiment, en 2019 ? S'est ajoutée à cela la hausse de 1,7 point de CSG sur les pensions de retraite, reconduite pour ceux qui perçoivent plus de 2 000 euros. Le Gouvernement a tout fait pour démonétiser sa propre parole.

Le Président de la République, durant la campagne électorale, s'était engagé à ne pas augmenter l'âge de la retraite et n'avait jamais évoqué un âge pivot. Comment nos concitoyens peuvent-ils s'y retrouver et avoir confiance ?

Le Gouvernement a creusé le déficit de la branche vieillesse, notamment en ne compensant pas la désocialisation des heures supplémentaires et la baisse du forfait social. Certains pourraient voir dans la réforme la facture de cadeaux faits aux entreprises et aux salariés.

En somme, le Gouvernement a tout fait pour créer le doute sur le sujet des retraites et il y a réussi. Il est temps de faire le point sur les intentions du Gouvernement alors que la phase de concertation se clôt et que l'avant-projet de loi est presque finalisé.

Espérons que ce débat répondra aux interrogations de nos concitoyens et aux nôtres. Elles ne manquent pas : carrières hachées, calcul des avantages familiaux, transition pour les régimes appelés à disparaître... Quid enfin de l'équilibre financier de la réforme, alors que les concessions aux grévistes se multiplient ? J'espère que vos réponses éclaireront enfin, par leur précision, le Sénat et les Français. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Martin Lévrier .  - Dès sa conception, le système de retraite avait une vocation universelle. Mais progressivement il s'est complexifié autour de logiques catégorielles, respectables mais qui ont créé des oppositions entre les Français au lieu de les unir. La défiance dans le système est désormais généralisée.

Et pour cause ! Comment accepter des droits différents en fonction de la caisse à laquelle on cotise ?

Solidarité, simplification, équité, équilibre financier : tels sont les objectifs de la réforme, dans le respect des promesses du candidat Macron. (M. Patrick Kanner ironise.) Pour ce faire, la réforme doit être systémique. Le nouveau système sera universel, solidaire, équitable et stable. La valeur du point et le montant des pensions ne baissera pas ; les plus fragiles seront protégés. Je veux tordre le cou à l'affirmation selon laquelle cette réforme vise l'introduction d'un système par capitalisation. C'est simplement faux. Chacun cotisera 2,81 % de ses revenus, jusqu'à 120 000 euros par an. Au-delà, une cotisation de solidarité nationale de 2,8 % sera demandée, n'ouvrant aucun droit supplémentaire.

Mais régime universel ne veut pas dire régime unique. (Exclamations sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Rachid Temal.  - Lesquels garde-t-on ? Lesquels ne garde-t-on pas ?

M. Martin Lévrier.  - La discussion est en cours aujourd'hui sur la pénibilité et les seniors. Pour répondre à la demande de Laurent Berger et de la CFDT, se tiendra vendredi une conférence de financement.

La cristallisation des mécontentements s'est réalisée sur l'âge pivot. La proposition du Premier ministre est un premier pas. Du débat pourra émerger un compromis acceptable.

Je crois à la solidarité intergénérationnelle et la retraite par répartition. Je crois en la capacité du Sénat à être force de proposition pour contribuer à une réforme que les Français méritent. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM)

Mme Cathy Apourceau-Poly .  - Cheminots, agents des transports urbains, salariés du transport routier, des raffineries, d'EDF, d'Air France, avocats, professeurs, infirmiers et tant d'autres se mobilisent courageusement contre la réforme, depuis plus d'un mois. Je leur rends hommage. Ce mouvement d'ampleur est soutenu largement par la population. Or, après le départ de M. Delevoye - ses mensonges et ses tricheries ont été fatals à M. Retraites - le Gouvernement ne change en rien sa position et prétend passer en force : c'est irresponsable !

Quant à vous, monsieur le ministre, qui avez pour but ultime d'alimenter les fonds de pension comme BlackRock, vous ne changerez rien à la colère et la détermination des travailleurs mobilisés.

Le Gouvernement a dû descendre de sa tour d'ivoire, mais les concessions sont bien insuffisantes.

Vous souhaitez faire travailler les Français plus longtemps : voilà la duperie de votre système universel de retraite par points. Vous allez niveler les droits sociaux vers le bas, reculer l'âge du départ à taux plein, âge pivot ou non. Toute votre politique organise la casse et le déficit de la sécurité sociale, pour mieux imposer ensuite une réforme au profit d'un système à l'allemande ou à la suédoise - des pays où les retraités sont les plus pauvres d'Europe !

Le montant de la retraite ne sera connu qu'au moment du départ à la retraite. En outre, mesurez-vous ce que signifie travailler plus longtemps pour les ouvriers du bâtiment, les déménageurs ou les femmes de ménage ? Votre réforme pénalisera les carrières hachées et les femmes. Combattons et soyons signataires de la pétition qui en demande le retrait.

Retirez votre projet de réforme de retraites par point et revenez à une réforme du système par répartition sur les bases actuelles. Les syndicats vous ont fait des propositions, vous ne les avez pas écoutées. En réponse, vous avez envoyé votre projet au Conseil d'État. C'est une provocation. Mais les salariés demeurent déterminés. Ils manifesteront à nouveau jeudi et nous serons à leurs côtés. (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE et sur plusieurs travées du groupe SOCR)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Le groupe UC milite depuis longtemps pour une réforme universelle des retraites. Si le travail préparatoire de Jean-Paul Delevoye fut exemplaire, la suite est chaotique.

Le système actuel est injuste sur bien des aspects : fixer une retraite minimum à 1 000 euros est par conséquent une bonne chose.

Il est faux de dire que la réforme crée une retraite par capitalisation. Fake news ! Le nouveau régime ne s'appliquera qu'aux actifs nés après 1975, les droits antérieurs sont garantis.

Notre appréciation, malgré l'absence étude d'impact, est positive. La valeur du point ne baissera pas, elle sera indexée sur la progression du salaire moyen, qui augmente plus vite que le PIB. Les pensions suivront toujours le rythme de l'inflation, nous l'espérons.

La gestion du système sera confiée aux partenaires sociaux, comme aujourd'hui celle des complémentaires Agirc-Arrco, dont la gouvernance est un bel exemple de réussite du paritarisme, ce qui incite à la confiance.

Est-il besoin d'un ajustement paramétrique avant la mise en place du nouveau système ? Je ne le crois pas, à condition de procéder progressivement, en respectant l'âge de départ à 62 ans inscrit dans la loi, qui devra sans doute évoluer pour tenir compte des évolutions démographiques.

Mettons entre parenthèses l'âge pivot. L'idée d'une conférence de financement formulée par Laurent Berger rejoint la proposition des présidents des groupes parlementaires centristes de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Le Conseil d'orientation des retraites prévoit un déficit en 2025, dû pour moitié au secteur public. L'État employeur doit prendre sa part et ne pas se défausser sur le privé. Une règle d'or contraignant à l'équilibre, calculé sur cinq ans par exemple, serait bienvenue.

La pénibilité devra donner lieu à des points de bonification ou à des années de retraite anticipée. Les régimes spéciaux, qui concernent seulement 5 % des actifs, sont budgétivores : 9 milliards d'euros sont versés pour compenser leurs déficits... Deux tiers des Français relèvent du secteur privé et un quart du secteur public. Il y a des disparités. La transition doit donc être différenciée.

Les compensations financières sont gérables dans le temps, avec la croissance de la masse salariale et les 100 milliards d'euros de réserves Agirc-Arrco et du Fonds de réserve des retraites... à condition de ne pas les dilapider ! Ils pourront contribuer à l'équilibre du nouveau système.

Il est temps de rectifier les contre-vérités, de rassurer nos concitoyens, de sortir du conflit. Il est temps que le Parlement grave dans le marbre les principes correspondant à un système plus juste, plus équitable, plus solidaire. Ainsi, la situation sera apaisée. Que le Gouvernement écoute le Sénat, après les partenaires sociaux. Lui aussi s'est beaucoup investi dans cette réforme. (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Patrick Kanner .  - Nous vivons depuis 34 jours une crise sociale majeure, où s'expriment la crainte de l'avenir et le rejet du projet de loi du pouvoir en place, où les grévistes perdent une partie de leur salaire, où les Français ne peuvent plus mener une vie normale. Or, pendant ce temps, le Gouvernement se félicite d'une réforme bien pensée, bien calibrée, la meilleure qu'il ait portée ! Il n'y aurait pas d'impasse... Le Premier ministre mène le projet droit dans ses bottes de hussard et nous impose une procédure accélérée.

Le nouveau monde emploie les vieilles recettes pour décrédibiliser le mouvement, dénonçant un refus exprimé par des « privilégiés ». Mais de quels privilégiés parle-t-on ? De ceux qui ne veulent pas partir à la retraite plus tard, moins dotés et en moins bonne santé ? Un ouvrier a une espérance de vie inférieure de six ans à celle d'un cadre, mais il ne partira pas plus tôt en retraite. Votre réforme est structurellement inégalitaire ! Les plus modestes paieront la retraite des plus favorisés, et on nous parle d'égalité !

Il faut revoir la prise en compte de la pénibilité. Le Medef trouvait les dix critères de pénibilité trop compliqués. Traduction : trop favorables aux salariés. Leur nombre a été réduit à six, correspondant essentiellement à l'invalidité et la maladie professionnelle. Les salariés concernés ne partent pas à la retraite en bonne santé !

Le taux d'emploi des seniors étant de 32,2 % ; vous envoyez nombre d'entre eux dans une trappe à pauvreté sans fond.

Le système actuel peut être amélioré mais la réforme Touraine a montré qu'il était possible de sauver la retraite par répartition. Une autre voie était donc possible. Il n'y a pas non plus d'urgence induite par un sous-financement des retraites. Notre système est viable. Le Gouvernement, en instillant la peur chez les Français, favorise un climat délétère pour la démocratie.

Il faut prendre en compte la pénibilité, les carrières longues, l'égalité entre hommes et femmes. Parce que niveau de vie et espérance de vie sont fortement corrélés, les entreprises et les hauts revenus doivent être responsabilisés. Les Français les plus favorisés sont ceux qui restent le plus longtemps à la retraite. Le climat de défiance accentue la déchirure sociale. Au contraire, refonder les retraites devrait renforcer le pacte social.

Votre projet à l'impact indéterminé, incontrôlé, est fondamentalement injuste. Retirez-le ! (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Stéphane Artano .  - En 1945, le Conseil national de la Résistance a souhaité que les vieux travailleurs finissent convenablement leurs jours. Il traduisait des valeurs humanistes chères au groupe RDSE.

Mais ce pilier de la démocratie sociale est de plus en plus fragilisé. Entre 8 et 17 milliards d'euros de déficit sont prévus à horizon 2025, avec une dégradation supplémentaire jusqu'en 2030. Depuis trente ans - depuis le Livre blanc de Michel Rocard, qui affirmait notre devoir de lucidité et l'exigence de garantir un avenir aux générations futures - les gouvernements successifs tentent en vain d'apporter une réponse satisfaisante. Les jeunes sont de plus en plus inquiets. Ne rien faire serait irresponsable et menacerait le régime par répartition.

Le groupe RDSE est majoritairement favorable à la réforme. Mais la méthode du Gouvernement interroge. Il ne faut ni paupérisation ni rupture entre les Français. Mais de l'universalité, de l'égalité et de la responsabilité.

Pour garantir la pérennité de notre système, il faut le réformer. Le terme « universel » inquiète. Comment un marin pêcheur peut-il travailler jusqu'à 64 ans ? Dans ces conditions, comment un euro de cotisation peut-il valoir la même chose pour tous ?

Nos concitoyens sont méfiants. Des aménagements ont été obtenus ici et là, mais si des régimes spéciaux laissent place à des régimes « spécifiques », sur quelles bases cela se fera-t-il ? Le 31 décembre dernier, le Président de la République a lié système universel et justice, et progrès social. Ne doit-on pas craindre une fracture de notre société avec une réforme s'adressant seulement au privé ? (Applaudissements sur les travées du groupe RDSE)

M. René-Paul Savary .  - Le groupe Les Républicains n'est pas farouchement opposé à une réforme. Nous l'avons montré par le passé et nous avons favorisé le maintien à l'équilibre du système des retraites. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Nos réformes n'étaient pas seulement financières, mais également de justice, avec notamment le rapprochement des droits entre les régimes.

M. Jérôme Bascher.  - Eh oui !

M. René-Paul Savary.  - Nous ne sommes pas forcément hostiles, mais nous sommes inquiets. Comme le disait Jean-Marie Vanlerenberghe, l'affaire avait bien commencé mais il n'est pas certain qu'elle se conclue aussi bien. Nulle part en Europe il n'y a de régime unique, ni d'âge légal de départ à 62 ans. Nulle part on ne met ses oeufs dans le même panier en écartant la capitalisation.

Nous Français, plus malins que tous, nous inventerions un régime unique et supprimerions 42 régimes équilibrés, conservant en revanche des régimes spéciaux en déséquilibre jusqu'en 2037 ! Le régime des indépendants est équilibré, avec des taux de cotisation différenciés selon les métiers. Or à quoi va-t-on parvenir ? À plus de cotisations, à des pensions moindres, à des compensations de CSG sur des bases de calcul différenciées. Cela ne sera pas plus simple !

La compensation pour les femmes ayant eu des enfants n'est pas suffisante. Idem sur la pension de réversion : le décalage à 62 ans de l'âge où on peut la toucher est une régression sociale.

Si nous, Les Républicains, n'avions pas effectué de réforme des retraites, les dépenses seraient à plus 20 % du PIB, soit 40 milliards d'euros supplémentaires pour un système de retraites intenable. Quant à vous, vous n'expliquez pas comment vous financerez la solidarité. Il faudra par exemple trouver 2 milliards d'euros pour le minimum contributif à 1 000 euros.

Depuis plusieurs semaines, le Gouvernement fait droit en catimini aux revendications de certaines catégories, sans en évaluer le coût. On en reparlera plus tard, pas d'histoire d'argent entre nous ! (Rires sur les travées du groupe Les Républicains) On ne connaît ni les montants ni les âges visés : ce n'est pas ainsi qu'on garantit la confiance. Résultat, les manifestations continuent.

Écoutez le Sénat, nous faisons des propositions, en loi de financement de la sécurité sociale notamment. Nous sommes attachés à la prise en compte de la pénibilité, selon le poste et non selon le métier ou le statut. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Écoutez-nous, contrairement à ce que vous avez fait jusqu'à présent. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Claude Malhuret .  - Comme le disait Bismarck : « les lois sont comme les saucisses, il vaut mieux ne pas savoir comment elles sont élaborées ». (Applaudissements et rires sur les travées du groupe Les Républicains) Mais les Français ne sont pas Bismarck : nous préférons savoir. D'où l'utilité du présent débat.

La réforme en France porte en elle la grève comme la nuée l'orage. Le remake de 1789 menace désormais tous les ans. Vous subissez grèves et manifestations, comme Alain Juppé, comme Jean-Pierre Raffarin, comme Dominique de Villepin, comme François Fillon, comme Myriam El Khomri... Champions du monde !

Marx disait que l'histoire se répète, la première fois comme une tragédie, la deuxième fois comme une farce. Au vingt-cinquième épisode, c'est une mauvaise série Netflix.

Les Français sont las.

Mme Éliane Assassi.  - Comment le savez-vous ? En êtes-vous sûrs ?

M. Claude Malhuret.  - Ils sont en marche, mais en marche à pied. Et le pays est en marche arrière. Les démagogues du Rassemblement anti-national, la France soumise à Cuba et la CGT proposent la retraite à 60 ans. Pour eux, l'argent public est comme l'eau bénite, il suffit de se servir. (Protestations à gauche)

Les Français sont favorables à l'universalité, aux mesures en faveur des femmes, des agriculteurs, des salariés aux carrières hachées, comme à la suppression des régimes spéciaux - ceux qui partent à 63,5 ans paient 18 milliards d'euros pour que d'autres partent à 52 ans.

M. Fabien Gay.  - C'est faux !

M. Claude Malhuret.  - Pour la CGT, c'est « je bloque donc je suis ». Mais combien coûteront les mesures nouvelles annoncées chaque jour ? Le système doit être équilibré tant sur le court que le long terme. Les concessions à chaque rencontre avec les partenaires sociaux sont-elles terminées ? J'ai peur que vous courrouciez ceux qui vous sont favorables.

Une réforme est indispensable et nous souhaitons pouvoir la voter. Cependant, une grande question demeure : quelle réforme exactement voterons-nous ? Nous souhaitons savoir comment sont fabriquées les saucisses, mais nous voulons aussi qu'à la sortie, elles ne soient pas saucissonnées ! (Applaudissements sur les travées des groupes Les Indépendants et Les Républicains ainsi que sur quelques travées des groupes RDSE et UC)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la santé, chargé des retraites .  - Je suis très heureux d'être parmi vous pour cet échange. Aucune politique publique n'a donné lieu à autant de travaux que la réforme des retraites. Le Sénat y a largement contribué.

Les partenaires sociaux ont eu à prendre dans le passé des décisions difficiles pour mieux calibrer notre système des retraites, mais celui-ci reste trop injuste, complexe et inadapté à la société actuelle, aux parcours professionnels et aux défis de demain.

Le Gouvernement, face à l'alternative de l'individualisme ou du collectif, a résolument fait le choix du second en privilégiant le système par répartition dans lequel les actifs d'aujourd'hui paient les retraites d'aujourd'hui.

Une concertation approfondie a été menée pendant deux ans. Il fallait prendre le temps de s'écouter et de se parler.

Le Gouvernement a trois principes à coeur : l'universalité, assurant une protection sociale plus forte et plus durable ainsi qu'une meilleure liberté et égalité professionnelles, n'interdisant pas la prise en compte de spécificités ; l'équité et la justice sociale - monsieur Kanner, le projet du Gouvernement prévoit une pension minimale de 85 % du Smic net pour une carrière complète. Il s'agit de faire en sorte que tous ceux qui doivent travailler jusqu'à 67 ans obtiennent de partir sans décote plus tôt.

Nous sommes également attachés au paritarisme, à la responsabilité à l'égard des jeunes générations.

Nous faisons le choix de la lucidité et de la liberté donnée à l'individu...

Mme Éliane Assassi.  - Belle liberté !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Il est normal de travailler un peu plus.

Le fonctionnement du nouveau système devra être viable et stable.

Nos consultations ont débuté pour remplacer ou modifier notre solution. Les rémunérations versées dès le 1er janvier 2025 donneront des points dans les mêmes conditions pour tous, quel que soit le statut.

Je veux rassurer le président Kanner : le Gouvernement maintiendra les dispositifs de carrière longue et de prévisibilité. Les conditions de départ seront humanisées.

Pour toutes les générations concernées, nous gardons le même principe de justice. Un système universel n'est pas forcément synonyme de règles rigides et identiques pour tous !

La volonté du Gouvernement n'est pas de mettre les Français dans un modèle unique. Voilà pourquoi nous nous concertons avec les professions et pour mettre en place un système universel sans brutalité. (Applaudissements sur les travées du groupe LaREM ; Mme Michèle Vullien et M. Jean-Marie Vanlerenberghe applaudissent également.)

M. le président.  - Nous passons au débat interactif.

M. Martin Lévrier .  - Au fil des semaines, on observe une division entre un syndicalisme de salariés et un syndicalisme de politiques. Le premier, aux prises avec les réalités du monde du travail, innove et est force de proposition ; le second sombre dans l'excès en refusant toute négociation, allant jusqu'à utiliser des moyens de pressions illégaux comme le blocage des raffineries, les coupures d'électricité ou des menaces sur les non-grévistes. (Vives exclamations à gauche)

Mme Laurence Rossignol.  - Même la droite n'en croit pas ses oreilles !

M. Martin Lévrier.  - Rien de durable ne se construit dans l'excès. Au-delà du débat sur la retraite, c'est l'avenir du syndicalisme qui se joue. À force de promouvoir un syndicalisme de politiques, les Britanniques en ont précipité la chute... (Mme Marie-Noëlle Lienemann s'exclame.)

En proposant une conférence de financement, Laurent Berger défend les intérêts des salariés et respecte notre démocratie. (Exclamations à gauche) Que le Gouvernement travaille avec lui est un signe fort. J'invite ceux qui sont dans une posture d'opposition à se présenter devant le suffrage universel. (Vives exclamations à gauche)

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Les syndicalistes sont libres !

M. Martin Lévrier.  - Monsieur le ministre, quel chemin prendrez-vous avec les syndicats réformateurs pour trouver des solutions ? (Vives protestations à gauche ; M. Thani Mohamed Soilihi applaudit.)

M. Rachid Temal.  - C'est pire que la droite des années quatre-vingt !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Effectivement, monsieur Lévrier...

Mme Laurence Rossignol.  - Vous pouvez lui dire merci !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - ... Le Premier ministre a repris la proposition du premier secrétaire de la CFDT.

M. Rachid Temal.  - Qui demande quand même la suppression de l'âge pivot !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Le débat sur l'équilibre est déterminant dans un système par répartition, puisque les cotisants d'aujourd'hui payent les retraites d'aujourd'hui. Le Gouvernement en a tenu compte, mais une divergence existe sur la mise en oeuvre de cet équilibre. Les partenaires sociaux réformistes...

Mme Laurence Rossignol.  - C'est quoi ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - ... ont perçu la dimension de solidarité que porte notre réforme ; ils sont attentifs à ce que les mesures d'équilibre n'arrivent pas à trop court terme. Le débat est ouvert et le Premier ministre recevra vendredi les partenaires sociaux ; je ne peux préjuger de ce qu'il dira à cette occasion.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - La CFDT a toujours dit être contre l'âge pivot !

Mme Michelle Gréaume .  - On vit plus longtemps ; il faut donc travailler plus longtemps : voilà votre antienne.

M. Philippe Dallier.  - En même temps, c'est assez vrai !

Mme Michelle Gréaume.  - Or l'espérance de vie en bonne santé stagne quand on a été confronté aux tâches les plus pénibles.

Monsieur le ministre, l'être humain ne se réduit-il qu'au travail ? Cette vision passéiste est contredite par les évolutions sociales et scientifiques, porteuses de progrès pour peu qu'elles soient mises au service du bien commun et non du profit de quelques-uns. La retraite n'est plus la fin de la vie mais le début d'une nouvelle, riche d'activités et de découvertes. Ce n'est pas une charge mais un progrès. La grandeur d'une nation est de savoir répondre à ce défi. Cela suppose un autre projet de société, financé par une réelle répartition des richesses.

Ainsi, aligner le taux de cotisation des revenus du capital sur celui des revenus du travail rapporterait 31 milliards d'euros. Mettre fin aux exonérations générales de cotisations patronales rapporterait 66 milliards d'euros, l'égalité salariale entre femmes et hommes, 11 milliards d'euros. L'augmentation du Smic de 20 % rapporterait 3 milliards d'euros de plus aux caisses de retraite. Allez-vous enfin retirer cette réforme que tous rejettent et accepter de débattre des alternatives ? (Applaudissements sur les travées du groupe CRCE)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Ma circonscription est entre Armentières et Lille. Les citoyens qui s'y sont exprimés n'ont pas porté exactement le même message que vous. (Exclamations à gauche)

M. Patrick Kanner.  - Regardez les sondages !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Nous proposons de maintenir l'âge légal à 62 ans.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Avec une décote !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Nous proposons de maintenir les dispositifs de pénibilité, voire de les améliorer. C'est l'objet des négociations que mène Mme Pénicaud.

Les dispositions de carrière longue seront maintenues. La question est de savoir comment individualiser la référence collective de l'âge de départ à 62 ans. Si l'on commence à travailler à 22 ans - âge moyen d'entrée dans la vie active - et que l'on travaille 43 ans, cela fait 65 ans ! C'est un faux débat. (Protestations sur les travées du groupe CRCE)

Mme Cécile Cukierman.  - Nous étions contre les 43 ans ! Ne déformez pas nos positions.

M. Daniel Chasseing .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants) Votre projet de loi a reçu un accueil favorable au sein du monde rural. Système par points, pension à 85 % du Smic pour une carrière pleine, avancées sur le cumul activité retraite, fin des conditions de ressources pour la pension de réversion sont des bonnes nouvelles. Cependant, elles ne concernent pas la majorité des agriculteurs qui sont déjà à la retraite ou à quelques années de celles-ci, ou ceux qui ont des carrières hachées.

La situation de nombreux retraités commande d'agir de toute urgence. Le montant des retraites agricoles est parfois si faible que certains en viennent à commettre l'irréparable.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser ce qu'il en sera pour les agriculteurs des générations d'avant 1975 ? La pénibilité de leur travail sera-t-elle prise en compte dans la valeur du point ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Indépendants)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Le sujet des petites pensions nous préoccupe tous. Le Président de la République a demandé à ce qu'il soit traité rapidement. Nous prévoyons une retraite minimum de 1 000 euros dès 2022. Les agriculteurs, qui travaillent bien plus que 35 heures, sont attentifs à leur environnement et nous offrent une alimentation saine, seront les premiers à en bénéficier. Ceux qui ont des carrières hachées sont aussi concernés. Notre ambition est d'atteindre 85 % du Smic en 2025. Le sujet est au menu des négociations avec les partenaires sociaux cette semaine.

M. Daniel Chasseing.  - J'espère que ces précisions suffiront à apaiser les craintes qui remontent du terrain. Il faut repenser l'architecture pour bâtir un modèle juste sur le long terme et retrouver la confiance, mais aussi répondre aux situations d'urgence et de détresse des retraités actuels.

Mme Sylvie Vermeillet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) L'État verse chaque année 6,2 milliards d'euros à dix régimes spéciaux déficitaires, principalement ceux de la SNCF, la RATP, les marins et les mineurs. Ce déficit tient au déséquilibre démographique entre actifs et retraités, il est donc légitime que l'État le comble.

Monsieur le ministre, au cours de vos récentes négociations, vous avez reconnu aux pilotes de ligne une spécificité liée à la pénibilité et à la pression de la sécurité dans l'exercice de leur métier.

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Et les conducteurs de TGV ?

Mme Sylvie Vermeillet.  - En précisant qu'ils financeront eux-mêmes ces particularités, et non la collectivité.

Selon la Cour des comptes, sur les 4 milliards d'euros que l'État verse aux régimes spéciaux de la SNCF et de la RATP, 900 millions d'euros financent des avantages spécifiques - 600 millions pour la SNCF, 300 millions pour la RATP. Est-ce à la solidarité nationale d'assumer cette charge ? En cohérence avec vos propos sur les pilotes, allez-vous retirer ces avantages spécifiques à ces régimes ou les accorder à tous ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Le Président de la République s'est engagé dans sa campagne à mettre fin aux régimes spéciaux. (Mme Cécile Cukierman s'exclame.) Pourquoi traiter différemment le transport ferroviaire ou le transport par bus à Lille, à Marseille ou à Paris ? C'est le même métier, les règles doivent être les mêmes pour tous. Je ne conteste pas la pénibilité liée au métier, mais les règles doivent être uniformes.

Oui, nous mettrons fin aux régimes spéciaux, mais sans brutalité. Ceux qui se sont engagés dans ces entreprises ont projeté leur parcours professionnel et personnel en fonction des règles en cours ; il faut le respecter. C'est pourquoi nous proposons que la réforme ne s'adresse pas à ceux qui sont à moins de dix-sept ans de la retraite.

Mme Sylvie Vermeillet.  - Vous n'avez pas répondu à ma question... L'universalité de la réforme ne doit pas s'éloigner de l'équité. Vous envisagez des délais de transition pour certains, pas pour d'autres : attention ! (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Philippe Dallier .  - Il aura fallu attendre deux ans et demi pour que le problème de l'équilibre financier du régime des retraites remonte à la surface. Le Président de la République, en 2017, affirmait qu'il ne reculerait pas l'âge de départ, qu'une réforme systémique garantirait que personne n'y perde.

Et puis, Jean-Paul Delevoye a conclu que ce n'était pas possible, et nous avons découvert cet été l'âge d'équilibre... Cela fait six mois, et le Gouvernement est toujours incapable de dire quels sont les enjeux budgétaires !

M. Berger propose une hausse des cotisations. Nous sommes nombreux à ne pas y être favorables...

Une voix à gauche.  - À droite !

M. Philippe Dallier.  - Sur la période qui court jusqu'en 2025, il manque 7 à 17 milliards ; elle sera suivie par une période de convergence, avant la troisième période où tout le monde sera au même régime. Quels sont les enjeux budgétaires pour chacune de ces trois périodes ? Donnez-moi un ordre de grandeur !

On a beaucoup parlé des enseignants dont le Gouvernement devra augmenter le traitement pour qu'ils n'y perdent pas. Mais beaucoup de fonctionnaires de catégorie C sont aussi concernés, hospitaliers ou territoriaux. On a parlé de 10 milliards d'euros pour les enseignants. Combien pour les autres ? (Applaudissements et « Bravo ! » sur les travées du groupe Les Républicains ; Mme Françoise Férat applaudit également.)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Vous aurez une partie des réponses dans l'étude d'impact du projet de loi. (On ironise.) Votre question n'est pas inintéressante.

M. Philippe Dallier.  - Merci ! (Sourires)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - L'enveloppe constante allouée aux retraites représente 14 % du PIB, soit 325 milliards d'euros : quand le PIB augmente, l'enveloppe aussi.

M. Patrick Kanner.  - Cela ne suffira pas !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Notre réforme n'est pas à visée budgétaire, l'objectif n'est pas de faire des économies.

Les régimes spéciaux coûtent environ 9 milliards d'euros par an. Leur fin progressive dégagera donc, mathématiquement, un gain de 9 milliards...

M. Rachid Temal.  - Ça rame !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Enfin, il faut poser la question du contrat social entre la nation et ses enseignants.

M. Patrick Kanner.  - Douze milliards !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Est-ce un coût, ou n'est-ce pas plutôt un investissement ? (Exclamations à droite comme à gauche, où on réclame des chiffres.) Je rappelle que les enseignants français sont parmi les moins bien payés de l'OCDE.

M. le président.  - Il faut conclure.

M. Rachid Temal.  - Deux minutes, et aucun chiffre !

Mme Monique Lubin .  - « Je refuse les réformes comptables qui rognent des droits sans offrir de nouvelles perspectives », disait le Président de la République en janvier 2018. Pourquoi dès lors cet acharnement à imposer un âge pivot ? Les pseudo-simulateurs de Bercy relèvent de la divination, pour des gens qui prendront leur retraite dans quarante ans.

Le calcul est pourtant simple : Jean, 60 ans, travaille depuis ses 19 ans. En partant à 62 ans, il comptera le nombre de trimestres requis pour faire valoir ses droits et sait qu'il touchera une retraite de 1 400 euros. Avec l'âge pivot à 64 ans, que lui arrivera-t-il ? Soit il travaille encore deux ans pour conserver une retraite à taux plein, soit il part à 62 ans et perd 140 euros par mois, définitivement. Pile il perd, face il ne gagne pas.

Jean fait partie de la cohorte de ceux qui auront contribué au financement des retraites et à qui l'on demandera de contribuer encore et encore. Est-ce concevable ? (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Si Jean a commencé à travailler à 19 ans, il fait partie des carrières longues. (Mme Monique Lubin le conteste.) Il a effectué quatre trimestres avant 20 ans.

Mme Laurence Rossignol.  - Il faut cinq trimestres ! Formez-vous, monsieur le ministre !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - On peut invoquer des cas d'espèce, ou s'intéresser à l'immense majorité. Nous maintenons le dispositif carrières longues. En moyenne, on rentre dans la vie active à 22 ans. (Vives exclamations sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

Mme Annie Guillemot.  - Et la réponse ?

M. Stéphane Artano .  - La semaine s'annonce décisive : enfin, la discussion s'engage entre le Gouvernement et les partenaires sociaux.

Les trois principes que vous défendez, l'équité, l'universalité et la responsabilité, sont louables, mais quid de l'équilibre financier ? Tout élu responsable doit, en abordant une réforme, s'assurer d'abord des modalités de son financement.

Le Gouvernement va mettre en place un simulateur pour mesurer, en théorie, l'impact personnel de la réforme pour chacun.

Ce mardi, il s'est dit prêt à tenir une conférence de financement - dissociant de fait la réforme de son financement. Envisagez-vous de faire voter le texte avant la tenue de cette conférence ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - La confiance entre les générations repose sur un système à l'équilibre, garantissant aux cotisants qu'ils percevront leur retraite le moment venu.

Le Gouvernement a proposé aux partenaires sociaux de travailler sur un dispositif permettant cet équilibre. S'ils proposent quelque chose qui tient, nous le prendrons. À défaut, ce sera l'âge d'équilibre. Laurent Berger a proposé une conférence de financement ; nous avons dit banco. Le Premier ministre reviendra sur la méthode vendredi.

Solidité et solidarité vont de pair, et passent par un système à l'équilibre durablement. Les partenaires sociaux réformistes sont très clairs sur ce point. La question reste de savoir comment on le construit.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous comptez le Medef parmi les partenaires sociaux réformistes ?

M. Stéphane Artano.  - Ma question portait sur le principe, pas sur le calendrier. Le Sénat a refusé de se prononcer sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale car des discussions étaient en cours. Le Gouvernement va-t-il passer à nouveau en force ?

Mme Élisabeth Doineau .  - (Applaudissements sur les travées du groupe UC) Rapporteure de la branche famille du PLFSS, je déplore l'absence d'une politique familiale digne de ce nom. Il s'agit pourtant d'un investissement d'avenir face au vieillissement de la population. Sans futurs cotisants, la solidarité intergénérationnelle sera plus difficile. Or les naissances ont baissé de 8,5 % en dix ans.

Le Premier ministre annonce que les femmes seront les grandes gagnantes de la réforme, mais seulement si elles restent en couple ! Or un mariage sur deux se conclut par un divorce. Elles ont un salaire inférieur de 26 % à celui des hommes, une pension inférieure de 42 %. Les familles appliqueront la revalorisation de pension de 5 % dès le premier enfant au revenu le plus élevé, celui de l'homme - résultat, la femme en pâtira en cas de divorce.

S'agissant des pensions de réversion, si vous garantissez 70 % des ressources du couple au conjoint survivant, les femmes divorcées, qui y avaient droit au prorata des années de mariage, en seront exclues.

Quelle est la place de la politique familiale dans votre réforme ? (Applaudissements sur les travées du groupe UC)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Le système de retraite actuel accentue les écarts entre les hommes et les femmes : ainsi, 60 % des 9 milliards d'euros que représente la majoration de 10 % au troisième enfant vont aux hommes, alors que la mesure est censée compenser le préjudice de carrière !

La majoration de 5 % dès le premier enfant correspond à la vie des couples aujourd'hui. Mes filles de 24 ans et 25 ans n'envisagent pas d'avoir des enfants immédiatement ni de fonder une famille nombreuse... Mais nous ajoutons 2 % de majoration au troisième enfant, gage d'une politique familiale positive.

Mme Catherine Deroche .  - Ceux qui ont racheté les trimestres de cotisation pour leurs années d'étude, souvent au prix d'un effort financier important, ne risquent-ils pas d'être pénalisés par la réforme ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Dans le système par points, la notion durée de cotisation est moins importante -  elle ne vaut réellement que pour des dispositifs carrières longues, pénibilité et minimum contributif. En dehors de ces trois cas, acquérir de la durée n'a guère de sens, alors qu'aujourd'hui, il faut atteindre les 43 ans pour partir à taux plein. (On souligne à gauche que le ministre ne répond pas à la question.)

Mme Catherine Deroche.  - Vous avez dû mal comprendre ma question... (Rires à gauche) En tout cas, vous n'y répondez pas.

Dans l'ancien monde, des dispositifs existaient pour récupérer les rachats des années d'études. Votre prédécesseur parlait avec des trémolos dans la voix d'une réforme « juste et simple », mais elle n'est simple que si l'on refuse d'aborder toutes les questions annexes ! (Applaudissements à gauche comme à droite)

Mme Laurence Rossignol .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Je poserai quatre questions, qui appellent quatre réponses.

Confirmez-vous que les veuves devront attendre d'avoir 64 ans pour percevoir la pension de réversion, contre 55 ans aujourd'hui ? Est-il juste d'exclure les ex-conjoints divorcés du bénéfice de la pension de réversion ? Cela ne risque-t-il pas d'accroître la dépendance économique des femmes, y compris en cas de violences conjugales ? Qu'est-ce qu'une « carrière complète » dans un système à points ?

Enfin, en remplaçant le système des six derniers mois par des points, on va pénaliser les fonctionnaires - dont 62 % sont des femmes. Comment pouvez-vous prétendre que votre réforme est favorable aux femmes ? (Applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - La question des pensions de réversion fait l'objet d'une réflexion de l'IGAS.

M. Patrick Kanner.  - La réponse ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Nous lirons le rapport de l'IGAS. Il reste encore des éléments à étudier.

Une carrière complète, pour le minimum contributif par exemple, c'est 43 ans de cotisation, sur la base de 150 heures au Smic pour valider un trimestre.

Dans le cas d'espèce que vous citez, il n'y a pas que des perdants, mais des gagnants et des perdants. (Exclamations)

Mme Laurence Rossignol.  - On est loin de la grande cause du quinquennat ! Vous attendez un rapport de l'IGAS pour savoir si vous allez passer la pension de réversion à 64 ans ? De qui vous moquez-vous ? Vous exposez les femmes aux violences conjugales en les maintenant dans la dépendance économique de leur mari. Vous ne m'avez pas davantage répondu sur les femmes fonctionnaires. Bref, vous n'avez répondu à aucune de mes questions ! (Vifs applaudissements sur les travées des groupes SOCR et CRCE ; Mmes Valérie Létard et Sylvie Goy-Chavent applaudissent également.)

M. René-Paul Savary .  - Nos concitoyens veulent savoir à quel âge ils partiront à la retraite, et avec quel montant de pension.

Dans le système à points, un petit salaire offre une petite retraite. Et il faut travailler longtemps. Inversement, avec un gros salaire, on aura beaucoup de points... C'est ce qui inquiète. Les gens veulent des garanties sur leur niveau de retraite. D'où les simulations - mais elles sont compliquées à réaliser pour des carrières prospectives ; au prorata, on fausse le calcul. Ne serait-il pas plus judicieux de baser les simulations sur les carrières passées, pour comparer la retraite que l'on aurait eue avec un système à points ? (« Très bien » et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Le sujet est compliqué. (Exclamations) Difficile de faire des simulations à partir de carrières qui ne reflètent plus la réalité de la société actuelle. Les carrières ne sont plus celles qu'a connues ma génération.

La dynamique en matière d'égalité salariale entre femmes et hommes est plutôt positive ; les carrières sont moins hachées, le taux de fécondité des femmes a évolué. Il est difficile de faire des comparaisons entre époques. (On ironise à gauche.) La société évolue, le rapport à l'emploi aussi : difficile donc de vous répondre. (Exclamations à gauche) En revanche, dès que le projet de loi sera connu, il sera possible de faire des simulations pour l'avenir.

Mme Laurence Rossignol.  - C'est un comique, ce ministre !

M. René-Paul Savary.  - Vous ne me rassurez pas, monsieur le ministre ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe SOCR) Si l'on n'arrive pas à faire des simulations sur les carrières passées, comment ferons-nous pour les carrières à venir ? (Nouveaux rires et applaudissements) Ne vous en déplaise, le monde n'a pas radicalement changé en quelques années.

Les CNAV disposent de toutes les données nécessaires pour reconstituer les carrières et faire des comparaisons. Je vous propose une piste pour redonner confiance, ne la repoussez pas d'un revers de main ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Louis Tourenne .  - (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR) C'est à tort que vous invoquez la justice sociale, l'esprit du CNR. Votre réforme détricote le collectif ; elle n'a de répartition que le nom. J'ai fait une simulation comparative, avec vos chiffres. Deux carrières complètes, linéaires, sans période de chômage, ni maternité, ni galère avant le premier emploi. Mme X, secrétaire pendant seize ans, engage une formation d'un an rémunérée pour devenir développeuse web. Son salaire passe de 1 520 euros à 3 140 euros. Avec le système des 25 meilleures années, elle percevrait une retraite de 2 516 euros ; dans le nouveau système à points, ce sera 1 606 euros ! Vous condamnez les efforts de qualification et de formation ! (Applaudissements sur les travées du groupe SOCR)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Il faudrait voir plus en détail ce cas d'espèce...

M. Jean-Louis Tourenne.  - Ce n'est pas un cas d'espèce !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Le système de retraite universel par points favorisera les plus petits déciles.

M. Jean-Louis Tourenne.  - Ce n'est pas vrai !

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - C'est pourtant démontré par l'ensemble des économistes.

Mme Laurence Rossignol.  - Pouvez-vous le démontrer vous-même ?

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - La réforme favorise les pensions inférieures à 1 400 euros.

Mme Laurence Rossignol.  - Vous pratiquez la méthode Coué.

M. Guillaume Chevrollier .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Le pays est plongé dans une situation anxiogène ; vous devez aux Français un débat clair et honnête.

Un complément de pension sera versé pour que ceux qui ont travaillé durant leur vie active perçoivent davantage que le minimum vieillesse accordé à ceux qui n'ont pas cotisé.

La retraite à 1 000 euros est indispensable, au nom de la solidarité due à nos aînés. Est-il normal de se retrouver sous le seuil de pauvreté après une vie de travail ? Nous devons revaloriser le travail ; cela passe aussi par la revalorisation des pensions. Les artisans et les commerçants ont souvent des carrières incomplètes ; il ne faudrait pas que la retraite à 1 000 euros devienne un leurre. Quelles en seront les modalités et l'articulation avec les retraites complémentaires ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - L'objectif est bien de 1 000 euros en 2022 et de 85 % du Smic en 2025, avec une dynamique positive puisque la pension augmentera avec le Smic.

M. Guillaume Chevrollier.  - Nous serons particulièrement vigilants sur les petites retraites agricoles. Pensez aussi aux retraités d'aujourd'hui.

M. Michel Savin .  - Ma question ayant été posée par Mme Rossignol et étant restée sans réponse, j'en poserai une autre, en ma qualité de président du groupe d'études sur le sport. Nos sportifs de haut niveau non professionnels ont un revenu moyen d'environ 1 000 euros par mois ; depuis la loi de financement de sécurité sociale pour 2012, ils peuvent valider jusqu'à seize trimestres sur un revenu fictif de 1 500 euros par mois, sous condition de ressources et d'âge, au titre d'un dispositif spécifique d'ouverture de droits à la retraite. Le sujet devait faire l'objet d'un rapport au Parlement - qui n'a jamais été remis.

Comment seront traités les sportifs de haut niveau dans le cadre de la réforme ? Deux points devront être revus : quinze trimestres, soit une olympiade, ce n'est pas la réalité du parcours d'un sportif qui s'étend en général sur deux olympiades. En outre, le système ne concerne que les plus de 20 ans, alors que nombre d'entre eux sont plus jeunes.

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Les points se substitueront aux trimestres. J'y travaille avec la ministre des Sports. Nous en sommes au démarrage.

Mme Laurence Rossignol.  - Suivez une formation !

M. Jean-Raymond Hugonet .  - (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains) Après une année en jaune, le désordre organisé et 12 milliards d'euros pour acheter la paix sociale, voici la vie en rouge.

Mme Cathy Apourceau-Poly.  - Ah !

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Le chaudron est en ébullition ! L'objectif d'un système universel, juste, transparent, et fiable est certes louable - mais pour la méthode, vous repasserez !

Avec qui M. Delevoye a-t-il dialogué pour aboutir à une telle impasse ? Après avoir satellisé M. Delevoye pendant 18 mois, après les conclusions dithyrambiques du COR, après la prise en otage du pays par une minorité, après une véritable chienlit, ma question est la suivante : en 2015, les partenaires sociaux des régimes complémentaires Agirc-Arrco ont su s'entendre sur une trajectoire de retour à l'équilibre. Quand allez-vous trouver la méthode pour faire de même et nous faire voir enfin la vie en rose ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Laurent Pietraszewski, secrétaire d'État.  - Les partenaires sociaux ont bien géré l'Agirc et l'Arrco et créé un âge d'équilibre avec des bonus et malus temporaires. Nous reparlerons prochainement de ce sujet, sur lequel Richard Ferrand s'est d'ailleurs exprimé, dans le cadre de la conférence de financement. (Exclamations sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Raymond Hugonet.  - Le texte est devant le Conseil d'État, les négociations patinent et le Conseil des ministres examinera le texte le 22 janvier ; en attendant, les parlementaires sont tenus à l'écart. Il est temps d'adopter une méthode logique et cohérente ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. René-Paul Savary, au nom de la commission des affaires sociales .  - Merci monsieur le ministre de vous être livré à cet exercice redoutable. Les sénateurs connaissent bien le sujet et ne peuvent que constater le flou de certaines réponses... C'était néanmoins un bon départ mais nous verrons à l'arrivée.

Le système part sur des bases contestables. Nous sommes le seul pays à maintenir un âge légal à 62 ans. Il faudra faire comprendre aux Français qu'ils devront travailler plus longtemps. Selon le COR, le déficit s'élèvera entre 7 et 18 milliards en 2025 et il va s'accentuer jusqu'en 2030. Le niveau moyen des pensions, sauf mesures correctives, va baisser. Il faut dire la vérité ! On passera de 105 % à 85 ou 90 %. Le système actuel est, à terme, une fabrique à retraités pauvres.

J'en viens à la partie transition. Aujourd'hui, nous avons en moyenne 42 ans de travail et 26 ans de retraite. Votre prédécesseur a fait le choix de deux systèmes parallèles. La génération 2004 cotiserait au régime universel et ces cotisations vont manquer au système complémentaire qui sera automatiquement déficitaire. Le nouveau système ne connaîtra ses premières dépenses qu'en 2037 au plus tôt, et de façon partielle. Les générations entre 1975 et 2004 auront un système mixte dont on ne sait rien. Le montant du point ne sera servi qu'en 2037. Soyons attentifs à cette phase de transition.

Vous avez calé votre système non pas sur le privé, Agirc-Arrco, soit 70 % des cotisants, mais sur le système public, pour ne pas désintégrer le régime des fonctionnaires, puisque base et complémentaires sont ensemble. Ce calcul pose des difficultés : il eut été plus simple de partir sur un seul plafond de sécurité sociale, à 3 000 euros, qui aurait englobé 85 % des salariés. L'uniformisation des complémentaires aurait été progressive, tout en maintenant des différences puisque le régime des salariés n'est pas celui des fonctionnaires ni des indépendants ou des professions libérales. La réforme aurait sans doute été plus facilement acceptée.

Soyez attentifs aux préconisations du Sénat. Nous continuons à travailler sur le sujet et réussissons à émettre des préconisations communes. Je pense au rapport commis avec Mme Lubin dont les propositions étaient acceptables sur tous les bancs de cette assemblée. C'est ensemble que nous pourrons avancer. (Applaudissements sur les travées des groupes Les Républicains et UC)

M. le président.  - Merci monsieur le ministre. Nous n'en avons pas fini avec ce sujet que la Représentation nationale aura à arbitrer. Merci à la commission des affaires sociales d'avoir pris cette initiative et à la Conférence des présidents d'avoir accepté ce débat à l'unanimité.

La séance est suspendue à 19 h 35.

présidence de Mme Catherine Troendlé, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 30.

« Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au coeur de la décision »

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle le débat sur les conclusions du rapport d'information : « Sauvetage en mer : replacer les bénévoles au coeur de la décision ».

M. Didier Mandelli, rapporteur pour la mission commune d'information sur le sauvetage en mer .  - « Aussi suis-je venu vous dire, ce matin, que nous nous battrons pour faire vivre ce beau modèle, solidaire et fraternel, du sauvetage en mer. Le Gouvernement et le Parlement le feront et j'y veillerai ». Ces mots ont été prononcés par le Président de la République le 13 juin 2019 lors de la cérémonie d'hommage aux trois sauveteurs, Yann, Alain et Dimitri, morts en mer, le 7 juin en portant secours à un bateau de pêche au large des Sables-d'Olonne. Dès le mois suivant, à l'initiative de Bruno Retailleau, notre mission d'information était créée pour comprendre comment un accident avait pu survenir. L'objet de notre travail était de dépasser la réaction compassionnelle pour comprendre comment cet accident avait pu intervenir. Il nous appartenait donc d'étudier le modèle économique et social de la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) et ses besoins logistiques.

Nous nous sommes rendus en Vendée, aux Sables-d'Olonne, où un hommage a été rendu aux sauveteurs disparus, puis dans les départements des Alpes-Maritimes, du Calvados, de la Manche, du Finistère, de Loire-Atlantique, du Pas-de-Calais, des Côtes d'Armor, d'Ille-et-Vilaine, du Morbihan, ainsi qu'en Martinique, en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Nous y avons recueilli les témoignages des différents intervenants du sauvetage en mer. Nous avons poursuivi par l'audition des responsables institutionnels et conclu par le témoignage de deux rescapés du drame du 7 juin. Nous avons travaillé avec célérité, en trois mois et demi afin d'être prêts pour la tenue du comité interministériel de la mer et pour le projet de loi de finances.

La mission a établi 30 propositions réparties en trois axes, conformément à nos réflexions et à certaines demandes qui nous ont été faites ; parfois modestes mais à forte valeur symbolique.

D'abord, le bénévolat doit être soutenu, d'autant qu'il est l'ADN du sauvetage en mer, mais les sauveteurs ne se sentent pas assez reconnus. Il faut donc améliorer le cadre de disponibilité des sauveteurs, et renforcer leur accès aux services de formation à travers le droit individuel à la formation (DIF). Trop souvent, le bénévole négocie seul avec son employeur : ce devrait être au délégué départemental de la SNSM de faire les démarches auprès de celui-ci.

La mission préconise aussi l'accès aux congés de formation, l'octroi de jours de délégation pour certains cadres, la reconnaissance d'équivalence et l'uniformisation des diplômes de formation entre les différents ministères.

Sur le financement, deux points sont essentiels. En premier lieu, la mission d'information estime urgent de faire diminuer la pression qui pèse sur les stations locales en les exonérant du financement systématique de l'investissement qu'elles assurent aujourd'hui à hauteur de 25 % grâce à un effort considérable de collecte des dons tout en minimisant autant que possible leurs frais de fonctionnement comme du gros entretien des navires, qui absorbe souvent plusieurs dizaines de milliers d'euros, alors même que les stations peinent à s'alimenter en carburant pour assurer les sorties en mer.

En second lieu, il n'est pas nécessaire de créer de nouvelles taxes, particulièrement sur la plaisance qui est déjà mise à contribution. Il conviendrait d'affecter des taxes existantes à la SNSM, comme la fiscalité des permis plaisance ou le produit des redevances de l'État sur l'occupation du domaine public maritime, et d'autre part la mise en place d'incitations fortes pour que l'ensemble des usagers de la mer participent au financement du sauvetage en mer. Nous avons envisagé la création d'une contribution volontaire à l'achat de navires neufs et d'engins et matériels nautiques, dont le montant serait progressif en fonction du coût de l'équipement.

Enfin, concernant la gouvernance, la mission a constaté que les bénévoles des stations et le siège de la SNSM ne se comprennent et ne se parlent plus. Cette situation est due en grande partie au caractère pyramidal, centralisé et peu démocratique de la SNSM. Il s'agit d'une « vache sacrée » selon les termes même de son ancien président. Il conviendrait de s'inspirer en matière de gouvernance, de la sécurité civile. La SNSM gagnerait à devenir une organisation de type fédérale. Les stations devraient avoir davantage d'autonomie, y compris dans le choix de leur matériel.

La flotte des sauveteurs en mer est vieillissante. Son renouvellement est estimé à 140 millions d'euros. En outre, ses bénévoles sont âgés ; leur démographie est préoccupante.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé un engagement supplémentaire de 4,5 millions d'euros en faveur de la SNSM dans le dernier projet de loi de finances.

Une table ronde a été organisée au ministère à laquelle nous avons participé. Enfin, les résultats de l'enquête menée par les préfets auprès des associations locales de la SNSM sont conformes à nos conclusions.

Enfin, le Premier ministre a évoqué à l'occasion du Comité interministériel de la mer (CIMer) les effets attendus des mesures à engager : « La condition de bénévole est clarifiée et améliorée, la stabilité financière de l'association est garantie et la gouvernance est accompagnée vers un fonctionnement plus participatif ». C'est tout ce que nous attendons.

Je me réjouis de vos engagements ; nous les devons collectivement à ceux qui ont péri, aux survivants et aux 8 000 bénévoles. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique et solidaire, chargé des transports .  - Notre débat témoigne de notre attachement collectif au modèle français du sauvetage en mer. Le naufrage tragique de juin dernier a ébranlé la communauté maritime. Je rends hommage ce soir aux disparus, à leurs familles et à tous ceux qui participent au sauvetage en mer, dont nous avons pu mesurer à cette occasion leur engagement.

Nous souhaitons la pérennisation du modèle français, fondé sur le bénévolat, l'autonomie financière et le statut associatif. Il faut, pour cela, revoir la gouvernance de la SNSM.

Élisabeth Borne a réuni les acteurs concernés au mois de novembre, qui ont tous rappelé leur attachement au modèle français : bénévolat, autonomie financière et statut associatif.

L'État a porté son soutien annuel à la SNSM, passant de 6 millions d'euros à près de 11 millions d'euros. Les enfants des bénévoles morts en mission seront pupilles de la Nation et les règles d'indemnisation des bénévoles blessés ou décédés en opération seront revues. Le nouveau président de la SNSM, Emmanuel de Oliveira, est mobilisé pour entrer dans une nouvelle dynamique.

Il faut d'abord s'assurer de la pérennité financière de l'association grâce à l'État, à l'appui des collectivités territoriales et à la collecte de fonds privés, dons et mécénat, car l'État ne doit pas être le seul investisseur : la trajectoire financière de la SNSM doit être clarifiée et stabilisée. Cela passe par l'assurance des autres ressources financières. L'appui des collectivités territoriales devra se construire en lien avec les associations représentatives en privilégiant une approche pluriannuelle.

En outre, la collecte de fonds privés, dons ou mécénat, doit poursuivre sa montée en puissance. Au-delà, l'État entend amorcer avec la SNSM un « pacte d'engagement pour les sauveteurs » pour mobiliser toutes les filières économiques et les usagers bénéficiaires de l'action de cette association.

Le paiement des prestations rémunérées assurées par la SNSM doit être mieux assuré. Votre rapporteur le propose également.

Le bénévolat doit être conforté pour susciter des vocations. Dans ce cadre, le renforcement de la formation et leur meilleure reconnaissance sont nécessaires. Cet effort est également celui des employeurs ; l'État sera à leurs côtés avec un label « Employeur partenaire de la SNSM ». Le service national universel et le service civique pourront contribuer à certaines fonctions d'appui.

Votre rapport préconise des actions pour revoir la gouvernance et les fonctionnements internes. Mais toute association est autonome : l'État ne peut interférer dans sa gouvernance, mais il sera à ses côtés.

Nous avons le même objectif : le maintien du modèle français du sauvetage en mer. Je sais pouvoir compter sur votre engagement.

Mme Céline Brulin .  - La SNSM fait honneur à notre pays. Le drame des Sables-d'Olonne a rappelé les risques inouïs que prennent les sauveteurs pour sauver des vies : plus de 10 000 personnes secourues par an. La SNSM est une organisation puissante, appuyée sur 8 000 bénévoles, 450 bateaux et 32 centres de formation.

Cependant, l'accident a aussi mis en lumière les difficultés croissantes de l'association et son manque de financement. Dans les dix prochaines années, 140 bateaux devront être renouvelés. Le besoin de financement immédiat est de 9 millions d'euros. L'État doit renforcer sa participation, qui se monte aujourd'hui au tiers du budget de la SNSM, en amplifiant la rallonge de 4,5 millions d'euros prévus en 2020. Plusieurs pistes existent, notamment la taxation des yachts.

M. Michel Canevet.  - Elle n'a rapporté que 280 000 euros !

Mme Céline Brulin.  - Effectivement, mais nous pouvons faire mieux. Que pensez-vous de cette proposition ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - J'ai dit dans mes propos liminaires que le Gouvernement avait relevé son soutien annuel à la SNSM pour le porter à près de 11 millions d'euros. Ses besoins financiers pour les prochaines années sont satisfaits.

Le Gouvernement va continuer à accompagner la collecte de dons et de legs. Le mécénat pourra être développé, comme c'est le cas dans des pays voisins. Les collectivités territoriales devront accompagner ce mouvement d'autant que le sauvetage en mer n'est pas la seule activité de la SNSM.

M. Emmanuel Capus .  - Le sauvetage en mer repose sur un paradoxe : l'État dirige le sauvetage et décide de l'engagement des moyens, mais ne l'assume pas financièrement. C'est grâce à la SNSM que le sauvetage en mer lui coûte si peu. Il doit prendre toute sa part, notamment pour l'investissement dans les navires dont la durée de vie avoisine 30 ans. Le renouvellement de la flotte ne peut dépendre des fluctuations des dons.

Les stations ont assumé leurs missions jusque-là mais la flotte est obsolète et les sauveteurs doivent être davantage formés.

Quelles mesures allez-vous prendre pour alléger la charge financière excessive qui pèse sur les stations ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Les traités internationaux imposent à l'État la veille et la coordination des secours.

De plus, la subvention de l'État représente désormais plus de 30 % des ressources de la SNSM. Les dons étant défiscalisés, les recettes sont moindres pour l'État.

Le sauvetage en mer ne représente qu'une des six missions de l'association : assistance, surveillance des plages, sécurité civile, évacuation sanitaire et prestations commerciales. Un plan d'action est en outre en cours de rédaction, qui reprend diverses propositions de votre rapport.

Les moyens à disposition de la SNSM correspondent désormais à ses besoins.

Mme Annick Billon .  - Pendant l'Épiphanie, les habitants de Cherbourg, de Saint-Malo et d'autres villes peuvent soutenir la SNSM en achetant des galettes dont les fèves arborent les couleurs des stations respectives. (On s'en félicite sur diverses travées.)

Le financement des stations doit être pérennisé, comme le préconise notre rapport. Plusieurs pistes ont été évoquées ces dernières années. On avait parlé de taxe sur l'éolien en mer, sur le permis côtier, sur l'achat de navires de plaisance... en vain. Le modèle français du sauvetage en mer, une mission de service public, demeure donc à part. L'État devrait y participer davantage.

Comment allez-vous assurer un financement pérenne des stations ? Vous estimez que les moyens sont à la hauteur des besoins, ce qui ne semble pas être le cas aux Sables-d'Olonne.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - J'ai rappelé l'augmentation de 4,5 millions d'euros de l'engagement de l'État. Nous allons, avec son nouveau directeur, définir la trajectoire financière et la programmation du renouvellement des moyens de la SNSM. La participation financière des collectivités territoriales est positive, les impliquant davantage dans le fonctionnement des stations.

S'agissant de la sécurité civile, l'État finance divers matériels, comme les avions et les hélicoptères.

M. Jean-François Rapin .  - Je souhaite vous interroger sur la formation des sauveteurs en mer. Nous comptons de moins en moins d'anciens marins parmi les bénévoles, d'où l'importance de la formation, qui apprend la mer et familiarise avec les nouveaux navires.

Le 3 décembre à Montpellier, aux Assises de l'économie de la mer, le Président de la République a déclaré que l'État devait soutenir ces formations. J'aimerais que vous nous précisiez concrètement ces engagements.

Je demande depuis longtemps que la formation des bénévoles soit éligible au fonds France compétences. Cette garantie de financement serait indispensable à la SNSM.

Enfin, les lycées maritimes, qui constituent des lieux de formation de proximité, dépendent de votre ministère ; ma région souhaiterait y mener une expérimentation sur la formation. (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - L'effort de formation a commencé et il doit perdurer. Nous allons développer l'offre de proximité, valoriser les compétences et les formations dispensées, accompagner le financement. France compétences sera pleinement associée à cette évolution.

M. Jean-François Rapin.  - Je m'attendais à cette réponse. Qu'en est-il de ma dernière proposition ?

M. Jean-Luc Fichet .  - Notre mission préconise une valorisation de l'action des bénévoles et une clarification de la gouvernance de la SNSM : c'est l'objet de la proposition n°22 de la mission d'information qui préconise une structure fédérale.

Il convient aussi de renforcer la signalétique des littoraux afin d'éviter les accidents. Dans le Finistère nord, un bateau de 28 mètres remplacera les deux bâtiments actuels de 17 mètres pour l'entretien des phares et balises. Cette mesure inquiète le personnel car la régularité des passages diminuera et la maniabilité du bateau sera plus difficile. Un navire plus grand ne pourra desservir toutes les zones. Le Gouvernement va-t-il revoir sa copie ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Nous allons moderniser la flotte des navires baliseurs, en optimisant les prestations et les coûts d'entretien. Nous allons effectivement réduire le nombre de bateaux, mais pas au détriment de la qualité des interventions. Les nouveaux navires auront un taux d'utilisation plus important et seront plus performants.

La réforme du service des phares et balises s'inscrit dans une démarche de progrès pour les usagers et sera menée en concertation avec les acteurs de terrain.

M. Jean-Luc Fichet.  - Votre réponse ne me satisfait pas. Deux petits bateaux sont plus agiles ; sans compter la question des emplois si vous réduisez le nombre de bâtiments.

Mme Mireille Jouve .  - Le matériel de la SNSM est de plus en plus vétuste ; l'origine majoritairement privée - 80 % - des fonds ne favorise pas l'investissement sur le long terme. Le financement de la SNSM doit gagner en visibilité pour que ses missions soient garanties.

Sur la contribution des usagers de la mer, la solution visant à responsabiliser les plaisanciers qui ne disposent pas d'assurance en cas d'intervention, proposée par M. Yves Lyon-Caen, président de la Fédération des industries nautiques, serait une voie intermédiaire intéressante avant la généralisation d'une assurance obligatoire, proposée par la mission d'information. Le recouvrement des créances de la SNSM, lorsqu'elle intervient en assistance aux biens, doit en outre être amélioré.

Les petits plaisanciers ne doivent pas être pénalisés.

La mission d'assistance étant régalienne, l'État doit au moins prendre en charge l'entretien et le renouvellement de la flotte. Quels seront les engagements pluriannuels de l'État ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - L'État finance 30 % des ressources de l'association. L'assistance aux biens, en revanche, entre dans le champ concurrentiel. L'État ne peut intervenir dans les relations commerciales de la SNSM.

La SNSM doit améliorer la visibilité de ses prestations de remorquage pour alléger la charge des bénévoles.

M. Bernard Cazeau .  - L'an dernier, près de la moitié des plaisanciers en difficulté - soit environ 20 000 hommes, femmes et enfants - ont été secourus par la SNSM. Le 7 juin, trois secouristes ont péri en mer aux Sables-d'Olonne ; ce drame nous a tous bouleversés.

Le chef de l'État a annoncé lors des Assises de l'économie de la mer que leurs enfants seraient reconnus pupilles de la Nation.

L'Assemblée nationale a voté à l'unanimité une proposition de loi en ce sens mais elle n'est pas encore inscrite à l'ordre du jour du Sénat.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous assurer que l'augmentation de la contribution de l'État votée dans le projet de loi de finances conformément à la recommandation de la mission d'information sénatoriale sera mise en oeuvre ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - La proposition de loi à laquelle vous faites référence a été votée le 12 décembre 2019. Le Sénat dispose de quatre semaines à compter de cette date pour l'inscrire à son ordre du jour.

Je vous confirme l'augmentation budgétaire annoncée.

M. Michel Canevet .  - Le groupe UC remercie les trois sénateurs de Vendée d'avoir pris l'initiative de cette mission d'information. La plupart des navires ne sont pas assurés alors que l'assurance des véhicules routiers est obligatoire. Or la SNSM a des difficultés à recouvrer ses créances, qui sont pourtant très modestes. La mission a suggéré des mesures dans ce sens, notamment une étude d'opportunité, sur une obligation d'assurance. Qu'en pense le Gouvernement ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Aux termes des conventions internationales, le sauvetage en mer est gratuit. En revanche, les prestations d'assistance aux biens sont payantes pour un coût de quelques centaines d'euros. Les préjudices aux biens n'ont pas vocation à faire l'objet d'une assurance obligatoire. Cela poserait la question des coûts de gestion et de contrôle. L'État est favorable à une assurance obligatoire, en revanche, pour les navires mouillés à l'année dans les ports et pour prendre en compte les risques liés à l'enlèvement des épaves.

M. Michel Canevet.  - La position du Gouvernement est regrettable. Il est important que la question de l'assurance soit abordée. La taxe sur les assurances devrait aussi contribuer de façon pérenne au financement de la SNSM, via une taxe sur ces assurances.

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - Merci au président Retailleau d'avoir été à l'initiative de cette mission d'information, qui a bien travaillé.

Dans les Alpes-Maritimes, les sauveteurs de la SNSM doivent aller se former à Saint-Nazaire. Cela pose des difficultés de déplacements importants...

M. Jean-François Rapin.  - Certes.

M. Bruno Retailleau.  - Notre-Dame-des-Landes !

M. Christophe Priou.  - Eh oui !

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - Cela implique trois jours de disponibilité pour un jour de formation. La SNSM des Alpes-Maritimes souhaiterait donc pouvoir proposer des formations dans les lycées maritimes locaux.

Enfin prendre en compte des heures de bénévolat dans le calcul de la retraite serait une juste reconnaissance du temps passé par les bénévoles loin de leurs familles.

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le plan d'action du Gouvernement en faveur de la SNSM comporte, je l'ai dit, la reconnaissance de l'engagement des bénévoles et nous souhaitons développer l'offre de formation de proximité. Nous allons créer un label employeur partenaire de la SNSM. Sur les lycées maritimes, nous allons y développer les formations SNSM. Enfin, la prise en compte du temps de bénévolat pour la retraite impliquerait des cotisations pour les bénévoles. Nous n'y sommes pas favorables.

Mme Dominique Estrosi Sassone.  - C'est une réponse décevante. Dommage que le Gouvernement ferme la porte, alors que la mission d'information a proposé des mesures très concrètes.

M. Yannick Vaugrenard .  - Cette mission d'information a été l'occasion de rencontrer des femmes et des hommes d'un grand dévouement et d'une humanité rare. Hommage doit leur être rendu. Au-delà des mots, le service des bénévoles doit être mieux reconnu en facilitant et en indemnisant les heures d'absence des entreprises et en rendant leur formation gratuite et diplômante.

Les plaisanciers ne sont pas obligés d'assurer leurs bateaux, bien qu'ils bénéficient du service gratuit des sauveteurs. C'est anormal. Il faut davantage de solidarité de la part des usagers de la mer. Une fraction du coût de l'assurance devrait financer la SNSM, ce qui résoudrait ses difficultés financières et répondrait à un principe républicain fondamental. Il est urgent d'agir. Que comptez-vous faire ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le plan d'action pour la SNSM prend en compte la nécessaire reconnaissance du bénévolat. S'agissant de l'assurance, il faut distinguer le sauvetage des personnes en mer, qui doit être inconditionnel et gratuit, selon un principe fondamental et international, de l'assistance aux biens, activité payante, car commerciale et concurrentielle. Calquer l'assurance maritime sur l'assurance automobile, selon un contrat aux tiers, mais ne couvrant pas le remorquage, ne serait pas opérant.

M. Yannick Vaugrenard.  - Beaucoup de missions n'ont pas vu leurs préconisations suivies. Je souhaiterais que le Gouvernement s'engage à dresser d'ici un an ou deux ans un bilan de la mise en oeuvre de nos recommandations. Nous ne sommes pas une démocratie de l'émotion - elle passe - il faut agir.

Votre réponse sur les assurances ne me satisfait pas : il faut responsabiliser les plaisanciers.

M. Michel Vaspart .  - La SNSM de La Réunion s'est vu livrer des gilets de sauvetage neufs mais périmés ; le siège de la SNSM leur a recommandé de changer les étiquettes pour modifier leur date de validité, afin « d'éviter de longues discussions inutiles avec le centre de sécurité des navires » ! Le patron de la station s'y est refusé. Un tiers de la station a démissionné début décembre.

À côté de cela, nous avons 12,3 millions d'euros en autofinancement pour le nouveau siège de la SNSM, non loin de l'Opéra. Les bénévoles de la SNSM ne sont pas l'armée des poilus. Un homme, une femme égale une voix. La démocratie de la gouvernance est un impératif fondamental. Quand le siège de la SNSM se réformera-t-il ? Allez-vous l'inciter à suivre les recommandations du rapport du Sénat ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Quant à l'imbroglio que vous évoquez sur la date de validité des gilets, je rappelle que c'est à la SNSM de s'engager sur la pérennité de ses équipements.

M. Bruno Retailleau.  - Il y a un devoir de vigilance !

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - L'État accompagnera la structure de la SNSM dans la réforme de sa gouvernance de manière à la rendre plus performante.

M. Michel Savin.  - Comment donc ?

M. Jérôme Bascher.  - C'est un peu court !

M. Jean-Luc Fichet, en remplacement de M. Roland Courteau  .  - La SNSM remplit une vraie mission de service public avec ses 8 000 bénévoles.

Alors que la survie du modèle nous concerne tous, la SNSM ne dispose pas des moyens suffisants pour entretenir et renouveler sa flotte. Elle en appelle régulièrement à l'État et aux collectivités territoriales.

Il convient d'assurer un financement pérenne à la structure. Elle ne peut dépendre des lois de finances successives. Quelle suite le Gouvernement entend-il donner à nos préconisations concrètes, notamment la proposition numéro 14 qui prévoit la prise en charge par l'État de 25 % du coût de renouvellement des canots et des vedettes ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement a porté son soutien annuel de 4,5 millions d'euros à 11 millions d'euros, avec les taxes affectées en 2020, et ce, je le rappelle, dans le cadre d'une convention pluriannuelle.

La collecte de dons et legs connaît une forte croissance avec l'accompagnement de l'État.

Les collectivités territoriales doivent également maintenir leur soutien.

M. Dominique de Legge .  - Historiquement, le sauvetage en mer a été pensé par et pour des professionnels de la mer. Depuis, le trafic maritime s'est développé, avec les gros-porteurs, ainsi que les loisirs et les sports nautiques, ce qui a changé la physionomie des populations secourues.

Comment responsabiliser ces nouveaux usagers ? Sans être désobligeant, je le dis sans qu'il m'ait autorisé à le faire, mais par solidarité bretonne, votre réponse à la question de M. Vaspart était un peu légère. Doit-on laisser la mission du sauvetage en mer aux mains d'une structure dont la gouvernance demeure fragile ? À défaut de répondre à ma question, pouvez-vous compléter votre réponse à celle de M. Vaspart ? (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - J'ai rappelé que les trois piliers de la SNSM sont le bénévolat, l'autonomie financière et le statut associatif. Votre proposition reviendrait à renoncer au statut associatif de la SNSM, auquel le Gouvernement est attaché et que votre mission ne remet pas en cause.

L'État soutient par sa subvention annuelle (M. Jérôme Bascher proteste.) la mission de sauvetage en mer. La SNSM exerce aussi des missions payantes.

Nous ne sommes pas favorables à l'instauration de taxes sur les plaisanciers, ce qui pourrait dissuader les dons.

M. Jérôme Bascher.  - Faites donc de la politique, pas de la lecture de fiches !

M. Dominique de Legge.  - J'ai l'impression que vous vous satisfaites de la situation et que vous n'avez pas lu le rapport de la mission.

Je vous en prie, monsieur le ministre, réformez, ne lisez pas vos fiches ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jérôme Bascher.  - C'est le niveau zéro de la politique !

Mme Agnès Canayer .  - L'engagement des 8 000 sauveteurs bénévoles est total pour répondre à leurs nombreuses missions. Ils ne comptent pas leur temps, y compris de formations dans l'un des 32 centres agréés. Elles sont censées être gratuites, mais cela n'est pas toujours le cas. Comment assurer la validation des acquis de l'expérience et inciter les jeunes au bénévolat au sein de la SNSM ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement a engagé un plan d'action dans lequel la formation et la reconnaissance du statut de bénévole occupent une place centrale.

Mme Agnès Canayer.  - Après le drame des Sables-d'Olonne, chacun doit prendre ses responsabilités, notamment l'État.

M. Max Brisson .  - Je m'éloignerai un peu du sujet du sauvetage en mer au-delà des 300 mètres pour m'approcher de la plage et faire ce que j'interdirais à mes élèves : du hors sujet.

Avant cette limite, les sauveteurs secouristes côtiers interviennent sous la responsabilité des maires. Leur formation est assurée par la SNSM, les SDIS et les associations locales. Mais les collectivités territoriales peinent à recruter. Le diplôme de sauveteur secouriste aquatique en milieu naturel dont ils doivent être titulaires dépend de la sécurité civile, comme la formation des candidats.

Ne faudrait-il pas accélérer la réforme du brevet national de sauvetage et de sécurité aquatique (BNSSA) pour en faire un diplôme de sauveteur aquatique en milieu naturel, adapté à leurs missions ?

M. Jean-Baptiste Djebbari, secrétaire d'État.  - Les professionnels sont déployés dans plus de 260 postes de secours sur le littoral pendant l'été, afin d'assurer la surveillance de plus d'un tiers des plages métropolitaines. Ils reçoivent à cet effet une formation spécifique de haut niveau dans les 32 centres de formation et d'intervention de la SNSM et qui couvrent l'ensemble du territoire national, grâce à l'implication des instructeurs bénévoles qui consacrent chaque année plusieurs dizaines de journées d'engagement à la qualification des jeunes nageurs sauveteurs.

Les différents référentiels de formation existants sont cohérents les uns avec les autres. Même si des évolutions peuvent avoir lieu à l'avenir, les nageurs sauveteurs de la SNSM forment un vivier de recrutement de choix pour les maires des communes littorales et sont devenus des interlocuteurs incontournables pour les maires des communes littorales.

M. Max Brisson.  - Vous n'avez pas répondu à ma question. Le BNSSA n'est pas bien adapté aux milieux naturels côtiers, notamment atlantiques. Il convient davantage à la surveillance des milieux artificiels. Il faudrait un véritable brevet de sauveteur secouriste aquatique en milieu naturel et l'inscrire dans le code général des collectivités territoriales et le code du sport.

Mme Corinne Féret, présidente de la mission commune d'information sur le sauvetage en mer .  - Je vous remercie pour votre participation à ce débat. Le sujet nous tient tous à coeur. Les sauveteurs méritent notre admiration et notre soutien. Ce fut un honneur et un plaisir de présider cette mission, avec Didier Mandelli comme rapporteur.

Les sauveteurs ont été sensibles à ce que nous nous déplacions sur le terrain, comme ce fut le cas dans mon département du Calvados fin août, et que nous les écoutions, sur les lieux mêmes où ils exercent leurs missions, en libérant leur parole avant de recevoir les institutionnels.

Nous avons mis en lumière des sujets méconnus de financement et de gouvernance, ignorés des rapports administratifs précédents.

Nous aurions aimé échanger avec le Gouvernement avant la remise du rapport, mais notre invitation à entendre la ministre chargée du dossier n'a pas été acceptée...Nous avons travaillé rapidement pour pouvoir présenter nos conclusions avant le CIMer qui s'est réuni le 9 décembre, quelques jours après le discours du président de la République aux Assises de Montpellier.

La trajectoire financière doit être stabilisée à hauteur de 10,5 millions d'euros par an de manière pérenne et la gouvernance réformée.

La proposition de loi tendant à « attribuer la qualité de pupille de la Nation aux enfants de sauveteurs en mer péris en opération de sauvetage avec effet rétroactif », adoptée à l'unanimité par l'Assemblée nationale le 12 décembre et transmise le même jour au Sénat, va dans le bon sens mais elle ne répond pas à toutes les demandes.

La mission a formulé de nombreuses préconisations. Nous regrettons de ne pas avoir pu rencontrer la ministre Élisabeth Borne pour lui en faire part.

S'agissant de la gouvernance de la SNSM, c'est une association indépendante, mais le Gouvernement pourrait l'inciter à se réformer. Le 9 décembre, nous sommes restés sur notre faim et attendons des actes concrets. Nous ne considérons pas que le sujet soit clos pour le Sénat et nous sommes prêts à travailler à vos côtés. Nous reviendrons de toute façon dans quelques mois pour mesurer les progrès réalisés auprès des stations de sauvetage de nos départements. (Applaudissements sur toutes les travées)

Prochaine séance demain, mercredi 8 janvier 2020, à 15 heures.

La séance est levée à 22 h 50.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication

Annexes

Ordre du jour du mercredi 8 janvier 2020

Séance publique

À 15 heures

Présidence : M. Gérard Larcher, président

Secrétaires : M. Yves Daudigny - Mme Patricia Schillinger

1. Questions d'actualité au Gouvernement

À 16 h 30

Présidence : Mme Valérie Létard, vice-présidente

2. Proposition de résolution en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour dénoncer et agir contre les violences faites aux femmes en situation de handicap, présentée par Mme Annick Billon et plusieurs de ses collègues (texte n° 150, 2019-2020) (demande de la délégation aux droits des femmes)

3. Débat sur le thème : « La laïcité, garante de l'unité nationale » (demande du groupe RDSE)

À 21 h 30

Présidence : M. Thani Mohamed Soilihi, vice-président

4. Débat sur le thème : « La pédopsychiatrie en France » (demande du groupe CRCE)