Bioéthique (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. le président.  - Amendement n°39 rectifié ter, présenté par M. Chevrollier, Mmes Thomas, Chain-Larché, Gruny et Bruguière, M. Morisset, Mme Troendlé, MM. Danesi, Bonne, Chaize, Bonhomme, Cardoux, Cuypers, Piednoir et Bascher, Mme Lamure et MM. B. Fournier, Mayet, Longuet, Regnard, H. Leroy, Meurant et Segouin.

Alinéa 17

1° Première phrase

Supprimer les mots :

, dans l'intention de réaliser ultérieurement leur projet parental

2° Dernière phrase

Supprimer les mots :

qui ne feraient plus l'objet d'un projet parental ou

M. Guillaume Chevrollier.  - La terminologie de « projet parental » est de plus en plus souvent employée ; on dérive vers un droit à l'enfant justifié par ce projet, même si l'expression « projet parental » évacue le terme « enfant » au profit des parents. On ouvre aussi un champ des possibles quasi infini : conservation des gamètes sans motif médical, PMA post mortem, GPA, etc. C'est pourquoi cet amendement supprime cette notion.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La terminologie a été introduite par la loi de bioéthique de 2004, sans poser de problème depuis. Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°39 rectifié ter n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°143 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mme Noël, MM. Guerriau et Meurant, Mmes Loisier, Bonfanti-Dossat et Thomas et M. Bonhomme.

Après l'alinéa 17

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute personne ayant rémunéré ou octroyé un avantage à une autre personne pour obtenir un don de gamètes est punie de deux ans d'emprisonnement et de 30 000 euros d'amende.

M. Sébastien Meurant.  - Il convient de punir tout abus contrevenant à la gratuité du don. La procréation est un véritable marché lucratif dans de nombreux pays. Avec ce projet de loi, les pressions pour installer un marché de la procréation en France vont être de plus en plus fortes. Il convient donc de s'en prémunir avec des moyens appropriés.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Comme plusieurs collègues l'ont dénoncé hier, votre souci est légitime mais l'article 511-4 du code pénal punit déjà ce comportement de peines bien plus lourdes que cet amendement. Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - En effet : cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

Mme Laurence Rossignol.  - M. Meurant est laxiste !

M. Sébastien Meurant.  - Je retire cet amendement que je présentais au nom d'Henri Leroy.

L'amendement n°143 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°145 rectifié, présenté par M. H. Leroy, Mmes Noël, Thomas et Loisier et M. Meurant.

Alinéa 18

Supprimer cet alinéa.

M. Sébastien Meurant.  - Cet alinéa permet aux couples de consentir à ce que les embryons fassent l'objet de recherches. Un embryon correspond à un projet parental et à rien d'autre : il convient de supprimer cet alinéa.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Cette disposition n'est pas nouvelle et remonte à 2004. La recherche sur les embryons concernés est nécessaire. Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°145 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°123 rectifié, présenté par Mme Costes et MM. Arnell, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin, Corbisez, Dantec, Gabouty, Labbé et Requier.

Alinéas 22 et 45

Supprimer les mots :

et à l'identité du tiers donneur

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Cet amendement de coordination par anticipation avec un amendement que nous avons déposé à l'article 3 préserve l'anonymat du donneur dans le cadre de la procréation médicalement assistée. Le texte actuel n'est pas satisfaisant car il ne contraint pas le donneur à révéler son identité.

La connaissance des origines participe de la construction d'une identité narrative, dans les termes de Bourdieu, même si l'essentiel de la filiation se manifeste après la naissance, dans l'éducation et le soin et l'affection. L'argument de risque d'union entre frère et soeur qui s'ignorent n'est pas convaincant dès lors que le don de gamètes est limité à dix : ce risque est très faible.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La commission n'a pas voulu la levée de l'anonymat, que cet amendement de coordination prévoit par anticipation dans la discussion qui va suivre. Par conséquent, avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Il ne s'agit pas de lever l'anonymat du don. C'est au couple de parents que le donneur donne ses gamètes. Ce couple ne doit en aucun cas avoir accès à des données sur l'identité du donneur. En revanche, l'enfant, à qui l'on n'a rien donné, doit pouvoir connaître ses origines de façon anonyme à l'âge de 18 ans. Nous restons fidèles à nos principes : l'anonymat est préservé vis-à-vis du couple receveur. Avis défavorable.

L'amendement n°123 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°194, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann.

I.  -  Alinéa 24, première phrase

Remplacer le mot :

notaire

par les mots :

un juge

II.  -  Alinéa 49

Remplacer le mot :

notaire

par le mot :

juge

Mme Michelle Gréaume.  - Il semble que le fil rouge des réformes judiciaires des années 2000 soit la déjudiciarisation par souci d'économie. Le projet de loi de programmation pour la justice 2018-2022 en est la dernière manifestation. Ici, le droit de la procréation médicalement assistée, qui était jusque-là entre les mains des juges et de l'officier d'état civil, est désormais exclusivement entre celles des notaires.

L'adoption pourrait être la prochaine étape. Or cette évolution est assez mal perçue par la profession concernée, celle des notaires qui demandent une revalorisation de l'acte, avec un minimum de 88 euros, le reste étant réservé à l'enregistrement et à la conservation de l'acte.

Il est nécessaire que la reconnaissance conjointe anticipée reste du ressort du juge.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'expression du consentement devait se faire devant le juge jusqu'à la réforme de la justice du 23 mars 2019. C'est désormais devant notaire. Cela ne relève pas d'une fonction juridictionnelle.

Laissons à la réforme le temps de se mettre en place. Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Le projet de loi de réforme de la justice du 23 mars a pour objet de recentrer le juge sur sa fonction première : trancher les litiges. Ici, il s'agit de recueillir un consentement. C'est pourquoi le notaire peut recueillir le consentement, comme au demeurant c'est déjà le cas pour les couples hétérosexuels depuis 1994.

Les frais d'acte se montent à 76 euros et ils sont réglementés et ce matin encore j'en parlais avec le président du conseil national du notariat. Avis défavorable.

L'amendement n°194 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°25 rectifié, présenté par M. Bonhomme, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Paccaud et Mme Bonfanti-Dossat.

Alinéa 24, première phrase

Après le mot :

notaire

insérer les mots :

ou avocat

Mme Christine Lanfranchi Dorgal.  - Le nouvel article L. 2141-6 du code de la santé publique prévoit qu'un couple ou qu'une femme non mariée souhaitant accueillir un embryon doit préalablement donner leur consentement devant un notaire.

Cet amendement prévoit que le consentement puisse être également reçu par un avocat.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Les notaires sont des officiers publics et ministériels, pas les avocats. Avis défavorable.

L'amendement n°25 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°303, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission.

Alinéa 26

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces informations médicales peuvent être actualisées auprès des établissements mentionnés au dernier alinéa.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - À l'instar de ce qui est prévu pour le don de gamètes, cet amendement prévoit la possibilité d'actualisation des données médicales non identifiantes concernant le couple ou la femme ayant consenti à l'accueil d'un embryon, auprès des établissements chargés de mettre en oeuvre cette procédure d'accueil.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Les couples donneurs d'embryon sont déjà médicalement sélectionnés ; les risques génétiques sont notamment évalués. Cependant, sagesse car je comprends votre souci d'harmonisation.

L'amendement n°303 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par Mme Doineau.

Alinéa 29

Remplacer les mots :

les établissements publics ou privés

par les mots :

les établissements de santé publics, privés d'intérêt collectif et privés

Mme Élisabeth Doineau.  - L'amendement COM-63 ouvre la conservation des embryons aux centres agréés, publics ou privés.

Sans la mention « à but non lucratif », cette rédaction pourrait exclure les établissements de santé privés d'intérêt collectif (Espic).

Cet amendement reprend la rédaction de l'article L. 6111-1 du code de la santé publique afin de viser l'ensemble des établissements de santé.

M. le président.  - Amendement n°193, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann.

Alinéa 29

1° Supprimer les mots :

ou privés

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Par dérogation, si aucun organisme ou établissement de santé public, et si aucun organisme ou établissement de santé privé à but non lucratif habilité à assurer le service public hospitalier n'assure cette activité dans un département, le directeur général de l'agence régionale de santé peut autoriser un établissement de santé privé à la pratiquer.

Mme Christine Prunaud.  - Ce texte étend la PMA à toutes les femmes et autorise l'autoconservation des gamètes ; il faut prévoir des moyens en conséquence. Or tous les professionnels entendus ont déclaré que les établissements et organismes publics ne pourraient pas répondre à la demande grandissante. Les membres de la commission spéciale ont donc ajouté la possibilité d'étendre le champ de la conservation aux établissements privés à but lucratif. Cela doit cependant rester, autant que faire se peut, dans le giron du public, en limitant les possibilités d'implication des établissements privés dans la réalisation de la PMA et en donnant aux établissements publics les moyens suffisants.

M. le président.  - Amendement n°40 rectifié quinquies, présenté par M. Chevrollier, Mmes Thomas, Gruny et Bruguière, M. Morisset, Mme Troendlé et MM. Danesi, Bonne, Chaize, Cardoux, Cuypers, Bascher, B. Fournier, Pointereau, Mayet, Longuet, Regnard, H. Leroy, Segouin et Sol.

Alinéa 29

Après le mot :

privés

insérer les mots :

à but non lucratif

M. Guillaume Chevrollier.  - L'exploitation des gamètes par des établissements privés lucratifs livre la procréation au marché, en contradiction avec le principe bioéthique français de non-marchandisation du corps.

Étendre à des centres privés l'habilitation à l'autoconservation serait un facteur d'inégalité puisque seules les personnes aisées y auraient accès. Préservons nos principes bioéthiques.

M. le président.  - Amendement identique n°44 rectifié ter, présenté par Mmes Chain-Larché et Ramond, M. Vaspart, Mme Sittler, MM. Paccaud et de Nicolaÿ, Mmes Bories, Lopez, Deroche et Lamure, M. Mandelli et Mmes Bonfanti-Dossat et Noël.

Mme Anne Chain-Larché.  - Défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°52 rectifié, présenté par MM. Mizzon, Canevet, Cazabonne, Delahaye, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog, M. Masson et Mme Perrot.

M. Jean-Marie Mizzon.  - Cet amendement donne la préférence au secteur non lucratif.

M. le président.  - Amendement identique n°165, présenté par M. Meurant.

M. Sébastien Meurant.  - L'Assemblée nationale a précisé que les centres privés lucratifs ne sont pas autorisés à procéder au prélèvement, au recueil et à la conservation des gamètes.

La pénurie à venir des gamètes annonce une importation de sperme acheté à l'étranger ou une rémunération des donneurs.

L'exploitation des gamètes par des établissements privés lucratifs montre les forts intérêts commerciaux en jeu, en contradiction avec le principe bioéthique français de non-marchandisation du corps.

Il convient donc de spécifier que les établissements concernés doivent être à but non lucratif.

M. le président.  - Amendement identique n°280 rectifié, présenté par Mme Costes et MM. Arnell, A. Bertrand, Cabanel, Castelli, Collin, Corbisez,

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Les établissements privés à but lucratif sont soumis aux mêmes conditions d'habilitation que les établissements privés non lucratifs et la commission estime que l'extension de la préservation des gamètes aux centres privés à but lucratif permettrait d'assurer une meilleure égalité territoriale. Pourtant, seuls 19 centres sont autorisés à procéder à des transferts d'embryons en France. La demande ne semble pas si grande qu'il faille ouvrir l'habilitation à l'autoconservation au secteur lucratif.

M. le président.  - Amendement identique n°284, présenté par le Gouvernement.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Cet amendement revient sur la rédaction de la commission spéciale. La gratuité du don et la non-commercialisation des éléments et des produits du corps humain sont une valeur éthique fondamentale. En outre, il n'y a pas de tension sur le don d'embryons qui justifierait une entorse au principe de gratuité : il n'y a que vingt transferts d'embryons par an, en raison de la difficulté de la démarche pour les couples concernés. La crainte d'hériter d'une histoire inconnue pèse sur les motivations.

Il n'y a donc aucune raison d'ouvrir cette activité aux établissements à but lucratif.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Les centres privés à but lucratif sont exclus de l'accueil d'embryons et de dons de gamètes. La commission spéciale a autorisé le don de gamètes à titre dérogatoire par les centres privés à but lucratif quand l'offre est insuffisante ; pour l'accueil d'embryons, l'ouverture est sans restriction.

L'amendement n°193 est incomplet. Avis défavorable.

L'amendement n°40 rectifié quinquies et les amendements identiques suivants sont contraires à la position de la commission : avis défavorable.

Avis favorable à l'amendement n°5, qui apporte une précision rédactionnelle bienvenue.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Aucun produit du corps humain n'est stocké dans des centres privés à but lucratif. Attention à ne pas ouvrir la voie au stockage de tissus ou d'organes par le privé.

Je le répète, il n'y a pas de tension sur l'offre. Avis défavorable aux amendements nos5 et 193 pour des raisons très fondamentales de bioéthique.

M. Jean-Pierre Corbisez.  - L'établissement privé à but lucratif est autorisé par le Gouvernement à stocker les gamètes à titre dérogatoire, c'est bien cela ? Demandez-vous la même chose pour les embryons ?

M. Roger Karoutchi.  - Je voterai les amendements identiques. De l'image que l'on donne au grand public d'un texte de loi dépend en grande partie son impact sur la société. Doit-on laisser un doute ? Non, même si les établissements privés à but lucratif travaillent bien. Allons-y step by step.

M. Jacques Bigot.  - Nos collègues d'outre-mer dénoncent les problèmes dans les territoires sous-dotés en établissements publics. Les centres privés doivent être titulaires d'une autorisation. Tous les territoires sont-ils bien couverts, y compris hors métropole ?

Mme Christine Prunaud.  - La ministre a parlé de dérogations. Pourquoi tant vouloir donner la priorité aux établissements privés à but lucratif ?

Mme Laurence Cohen.  - L'amendement du Gouvernement est clair : pas de dérogation. Cependant, dans certains territoires notamment outre-mer, il semble que le secteur public ait des difficultés à assumer les demandes. S'il y a carence du public, par dérogation on doit pouvoir s'ouvrir au privé. Il faut bien quand même répondre à la demande. Notre amendement en ce sens me semblait bien dosé.

M. Daniel Chasseing.  - Le Gouvernement ne souhaite pas l'ouverture aux centres privés pour ne pas aller vers une marchandisation. N'ayons pas de fantasmes sur les dérives des centres privés. Il n'y a pas de raison qu'ils incitent plus les femmes à conserver leurs gamètes que dans les établissements publics. Par ailleurs, ces derniers sont parfois débordés. Pourquoi ne pas envisager des dérogations ?

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Certains territoires ne disposent pas suffisamment d'établissements publics ou privés à but non lucratif. Les établissements privés lucratifs, dont l'autorisation serait accordée sous le contrôle de l'Agence de la biomédecine et des ARS, offriraient un service à une population qui n'en dispose pas. Nous sommes l'assemblée des territoires : pensons à eux !

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Il faut compartimenter la discussion. La commission et les auteurs des deux premiers amendements prévoient que des centres privés à but lucratif puissent accueillir, stocker et utiliser des embryons. Aujourd'hui, les embryons surnuméraires sont donnés à d'autres couples, détruits ou utilisés par la recherche. Ils ne sont stockés que par des centres publics ou privés non lucratif. Le Gouvernement s'oppose à ce que cette activité soit ouverte au privé lucratif. C'est une sécurité.

Le don de gamète n'obéit pas aux mêmes règles et nous examinerons cette situation plus tard. Aujourd'hui, il y a 10 000 embryons congelés et seulement 20 sont utilisés par an pour des couples receveurs. Il n'y a pas de besoins non pourvus.

M. Bernard Jomier.  - Le débat ne doit pas porter sur la nature juridique des structures. Pourquoi stigmatiser le privé à but lucratif ? J'entends que l'ouverture au privé, à cause des tarifs pratiqués, serait source d'inégalités. Mais les tarifs sont fixés par l'autorité publique. Ce qui est le plus important, c'est le cadre. Il n'y a pas à éliminer d'entrée le privé sous le prétexte d'un risque de dérives. Personne ne souhaite aller vers la marchandisation. Ne jetons pas une suspicion généralisée sur ces structures. Je suivrai la position de la commission.

M. Alain Houpert.  - La France est une mosaïque : les territoires ne sont pas égaux entre eux. Il existe d'excellentes cliniques privées, mieux dotées que les hôpitaux locaux. Pourquoi priver les femmes d'excellents gynécologues ? Le privé n'est pas un gros mot. Ces médecins ont fait le serment d'Hippocrate et ils sont au service de leurs patients.

M. Bruno Retailleau.  - La couverture du territoire a toujours été assurée par le public comme le privé. J'ai souvent regretté l'absence d'ouverture au privé de certaines activités médicales. Cependant, en l'espèce, je suivrai la ministre et m'opposerai aux amendements qui ouvrent la porte au privé.

Mettons un cadre et privilégions le public et le privé à but non lucratif.

M. Philippe Bas.  - Les deux tiers de l'offre hospitalière sont publics et le tiers restant dans le privé. Mais là, il n'est question que de la conservation des embryons dont la majorité est destinée à la destruction et une autre partie à la recherche, une fois le consentement des parents recueilli. Une infime minorité sera utilisée pour la procédure exceptionnelle d'accueil d'embryons introduite en 1994 et appelée « adoption d'embryons », procédure qu'on peut d'ailleurs regarder avec beaucoup de réticence.

Mon premier réflexe est de faire confiance au privé à but lucratif mais là, il s'agit d'une tâche de service public. Je voterai les amendements précisant que le secteur lucratif n'est pas appelé à mettre en oeuvre cette procédure d'intérêt général.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - La commission spéciale a ouvert l'accueil d'embryons aux centres lucratifs, et de gamètes par dérogation quand il n'y a pas d'autre offre assurée par le public ou le privé à but non lucratif.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Ces amendements ne traitent que du stockage d'embryons. Pour des principes de bioéthique et de non-marchandisation, nous souhaitons que les embryons ne puissent pas être stockés par des centres privés à but lucratif. La vingtaine de demandes annuelles sont largement couvertes par les centres publics.

Nous ne stigmatisons pas tel ou tel secteur mais nous ne voulons pas confier des produits du corps humain au privé.

L'amendement n°193 est retiré.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

Les amendements identiques nos40 rectifié quinquies, 44 rectifié ter, 52 rectifié, 165, 280 rectifié et 284 sont adoptés.

M. le président.  - Amendement n°60 rectifié bis, présenté par MM. Mizzon, Canevet, Détraigne et L. Hervé, Mme Herzog, M. Masson et Mme Perrot.

Alinéa 34, première phrase

1° Après le mot :

conçus

insérer les mots :

avec les gamètes de l'un au moins des membres d'un couple et

2° Supprimer les mots :

et des dispositions du présent titre

M. Jean-Marie Mizzon.  - La loi de bioéthique de 1994 exige que l'un au moins des membres du couple fournisse ses gamètes pour concevoir l'embryon qui sera implanté dans l'utérus de la femme, dans l'intérêt de l'enfant. Cette pratique de l'AMP avec don de gamètes, très minoritaire, suscite une quête des origines de la part de certains enfants, ce qui a décidé le législateur à lever l'anonymat. Le double don complexifie cette quête. Son interdiction devrait être maintenue, dès lors que la possibilité d'accueillir un embryon est autorisée.

M. le président.  - Amendement identique n°170, présenté par M. Meurant.

M. Sébastien Meurant.  - Défendu.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Ces amendements rétablissent une disposition qui avait été supprimée par le projet de loi du fait de l'ouverture de la PMA aux femmes seules et de la levée de l'interdiction du double don de gamètes. La commission était défavorable à ces amendements dans la mesure où nous avions maintenu la levée de l'interdiction. Mais tout à l'heure, nous avons rétabli l'interdiction du double don. La commission a donc donné un avis défavorable sur une interdiction qui n'existe plus... ce qui n'a plus guère de sens. (Sourires)

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

Les amendements identiques nos60 rectifié bis et 170 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°237 rectifié bis, présenté par Mme Lassarade, M. Bazin, Mmes Bruguière et Gruny, MM. de Legge, Paccaud et Houpert, Mme Berthet et MM. Panunzi, H. Leroy et Bonhomme.

Alinéa 35, première phrase

Remplacer les mots :

psychologue spécialisé en psychiatrie ou psychologie de l'enfant et de l'adolescent

par les mots :

pédopsychiatre ou psychologue spécialisé en pédopsychiatrie

M. Alain Houpert.  - Cet amendement de clarification permet de faire appel à un psychiatre, un pédopsychiatre ou un psychologue spécialisé en pédopsychiatrie pour l'évaluation médicale et psychologique des demandeurs comme préalable à l'accès à l'AMP.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Dans le texte de la commission, nous faisons référence à un pédopsychiatre ou à un pédopsychologue, ce qui n'exclut pas ce qui est demandé dans l'amendement. Le but recherché étant le même, retrait ou avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable. L'Assemblée nationale a acté que les membres de l'équipe médicale accueillant les couples infertiles sont capables d'évaluer les conditions d'accueil de l'enfant.

Nous n'attendons pas des professionnels qu'ils soient spécialisés dans la psychologie de l'enfant, mais de l'adulte puisque ce sont des adultes qu'ils recevront, et non des enfants ou des adolescents. Avis défavorable.

Mme Laurence Rossignol.  - Les pédopsychiatres sont déjà une denrée trop rare. Ne les mobilisons pas auprès des couples qui n'ont pas encore d'enfant. Nous voterons contre cet amendement qui part d'une bonne intention mais qui est franchement lourd.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Certes les psychologues accueilleront les adultes mais ceux-ci devront exposer à leur enfant la façon dont il a été conçu. Il n'est pas absurde de les conseiller afin qu'ils puissent l'annoncer à leur enfant de la meilleure façon.

M. Alain Houpert.  - J'ai peut-être trop lu Dolto... Je le retire.

L'amendement n°237 rectifié bis est retiré.

M. le président.  - Amendement n°304, présenté par Mme M. Jourda, au nom de la commission.

Alinéa 37

Après le mot :

couple

insérer les mots :

ou de la femme non mariée

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Amendement de coordination.

L'amendement de coordination n°304, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°259 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 37

Supprimer les mots : 

et leur avoir rappelé les possibilités ouvertes par la loi en matière d'adoption

Mme Patricia Schillinger.  - Cet amendement supprime un ajout de la commission spéciale qui consiste à rappeler les possibilités ouvertes en matière d'adoption aux couples ou femmes non mariées souhaitant poursuivre un parcours d'assistance médicale à la procréation.

L'AMP est un parcours lourd, difficile et réfléchi. Cette mention introduit une dimension de jugement de valeur qui n'est pas bienvenue. L'équipe qui va accompagner le couple devrait d'abord lui rappeler que sa démarche n'est pas la bonne !

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Le droit existant prévoit que les couples sont informés des possibilités d'adoption par oral et dans le dossier écrit. Le projet de loi a supprimé l'information orale par l'équipe. Nous avons rétabli cet entretien, il ne nous semble pas stigmatisant. Avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis favorable.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - Nous voterons cet amendement. Les couples s'engagent dans un processus de PMA extrêmement lourd, leur demander s'ils ont bien pensé à l'adoption est très culpabilisateur. Peut-on penser une seconde qu'ils n'y ont pas réfléchi ?

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Depuis que la bioéthique existe, la possibilité de l'adoption est présentée aux couples qui demandent une AMP. Ce ne serait plus la peine ?

La commission a simplement voulu revenir à l'existant.

L'amendement n°259 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°192, présenté par Mmes Assassi, Cohen, Apourceau-Poly et Benbassa, M. Bocquet, Mmes Brulin et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud, M. Savoldelli et Mme Lienemann.

Alinéa 38

1° Supprimer les mots :

, psychologique et, en tant que de besoin, sociale,

2° Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Cette évaluation ne peut conduire à débouter le couple ou la femme non mariée en raison de son orientation sexuelle, de son statut marital ou de son identité de genre ;

Mme Laurence Cohen.  - Une évaluation psychologique et sociale interroge, alors que nous avons voté l'AMP pour toutes. Elle figurait dans le projet de loi initial, mais l'Assemblée nationale l'a supprimée. Un couple de femmes, une femme non mariée n'ont pas à être différenciés d'un couple hétérosexuel ; dans les trois cas, c'est un même projet parental.

Toute évaluation autre que médicale serait stigmatisante et dommageable. On ne peut s'empêcher de penser que cette évaluation sociale a un lien avec le fait que le demandeur est une femme seule ou un couple lesbien. Les études montrent pourtant que les enfants issus d'une PMA et élevés par deux mères ne sont pas moins épanouis que les autres ! Nous regrettons que le projet de loi contienne encore des dispositions discriminatoires jetant la suspicion sur ces femmes.

M. le président.  - Amendement n°260 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Alinéa 38

Supprimer les mots :

, psychologique et, en tant que de besoin, sociale,

Mme Patricia Schillinger.  - Cet amendement supprime la mention d'une « évaluation psychologique et, en tant que de besoin, sociale », qui peut être mal perçue par les demandeurs et donner l'impression que l'AMP est subordonnée à un agrément.

La présence d'un psychiatre ou d'un psychologue spécialisé au sein de l'équipe médicale pluridisciplinaire est suffisante. Je rappelle que le projet parental s'entend, selon le Conseil d'État, comme incluant tant le projet familial des parents que l'ensemble des conditions propres à garantir l'intérêt de l'enfant.

M. le président.  - Amendement n°45 rectifié bis, présenté par Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Cuypers et de Legge, Mme Ramond, M. Vaspart, Mmes Gruny et Sittler, MM. Paccaud, de Nicolaÿ et Chaize, Mme Bories, M. Chevrollier, Mme Lopez, M. Bascher, Mmes Deroche et Lamure, MM. Mandelli et Piednoir, Mmes Bonfanti-Dossat et Noël et M. H. Leroy.

Alinéa 38

Supprimer les mots :

, en tant que de besoin,

Mme Anne Chain-Larché.  - Cet amendement rend l'évaluation médicale, psychologique et sociale systématique.

Dans le cadre d'une procédure d'adoption, une enquête sociale et psychologique est imposée aux postulants pour déterminer les garanties qu'ils peuvent offrir à un enfant : capacités morales, éducatives, affectives, familiales et psychologiques.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Pour évacuer tout soupçon de stigmatisation, je rappelle qu'il s'agit d'une disposition générale, qui s'applique à tous les publics, couples hétérosexuels ou homosexuels ou femmes seules.

Les recommandations de bonnes pratiques de l'Agence de la biomédecine prévoient la présence d'un psychologue dans l'équipe pluridisciplinaire.

L'Assemblée nationale a retiré l'évaluation psychologique mais maintenu le psychologue au sein de l'équipe. Nous en tirons les conséquences.

Le texte antérieur concernant l'AMP mentionnait la présence d'un travailleur social, en tant que de besoin, dans l'équipe. C'est la même logique ici ! Avis défavorable à l'amendement n°192.

Avis défavorable à l'amendement n°260 rectifié : le corps médical est soumis à des règles déontologiques. Il est heurté du reste que l'on envisage de lui rappeler la nécessité de ne pas discriminer...

Quant au 45 rectifié bis, l'évaluation sociale systématique n'est pas nécessaire ; avis défavorable.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis favorable aux amendements nos192 et 260 rectifié. Avis défavorable au 45 rectifié bis.

Rendre obligatoire l'évaluation sociale préalable n'est pas souhaitable, alors que nous ouvrons l'AMP à de nouveaux publics ; cela laisserait entendre aux intéressées qu'elles doivent être davantage protégées. Les équipes médicales font déjà appel, si besoin, à un travailleur social.

L'évaluation médicale globale prend en compte la dimension psychologique. Restons-en au texte initial.

M. Roger Karoutchi.  - Madame la ministre, vos propos tout à l'heure m'ont enthousiasmé ; mais ici, il faut reconnaître que vous n'êtes pas très claire. Il y a déjà une évaluation psychologique, dites-vous : quand je le dis, c'est discriminant, mais quand vous le faites, c'est naturel ! (Rires et applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Doineau.  - Ces suivis psychologiques et enquêtes sociales m'ont toujours dérangée. Ils sont souvent perçus par les familles comme une inquisition. Oui, il faut évaluer la capacité des parents à accueillir un enfant qui n'est pas le leur ; mais on va très loin dans l'intime dont relève le désir d'enfant, et cela peut être mal vécu et décourager.

Mme Cécile Cukierman.  - Je suis pour la suppression de ce qui a été ajouté en commission. Attention à l'écueil consistant à dire qu'il y aurait, socialement, de bons et de mauvais parents. On devient parent, et si les conditions sociales et psychologiques peuvent conduire à des défaillances, ce n'est pas un principe ! Ne conditionnons pas la parentalité à une norme. Si l'on aborde la question sociale, il n'y a plus de limite : à partir de quel revenu, de quel niveau d'études, de quelles connaissances un postulant est-il considéré comme apte à être parent ?

En l'état, le texte comporte trop de sous-entendus.

Mme Patricia Schillinger.  - Très bien !

M. Michel Amiel.  - J'ai été chargé des dossiers d'adoption dans le département des Bouches-du-Rhône. L'instruction, vécue comme inquisitoriale par les parents, s'étalait sur neuf mois, durée hautement symbolique. Les équipes avaient parfois une forme de sentiment de toute-puissance, par leur capacité, en quelque sorte, à donner la vie.

Il arrive de se demander si un couple a bien les capacités, psychologiques ou sociales, d'accueillir l'enfant qu'il a conçu... Je voterais cet amendement si les mêmes décisions étaient appliquées à l'adoption. Ce n'est pas le cas.

M. Philippe Bas.  - L'alinéa 38 est lié à l'alinéa 48, qui donne au médecin la possibilité de ne pas mettre en oeuvre la PMA s'il juge nécessaire un délai supplémentaire de réflexion. Il n'y a donc pas de droit absolu à la PMA.

Le médecin qui doit assumer une pareille responsabilité a besoin d'être éclairé. La commission spéciale a par conséquent prévu, à cet alinéa 38, une enquête sociale, qui n'a rien d'infamant. En cas de refus, le ou les demandeurs ont toutes les voies de recours habituelles ; mais le juge demandera une expertise très approfondie.

Il me paraît sage d'avoir stipulé, en des termes du reste fort pudiques, que le droit à la PMA n'est pas général ni absolu.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - L'évaluation sociale est l'équivalent de l'enquête sociale qui est mise en oeuvre quotidiennement dans les tribunaux. Elle n'a rien de discriminatoire, madame Cukierman, et n'a rien à voir avec la classe sociale à laquelle vous l'associez. L'enquête sociale est déjà prévue pour l'adoption et dans le cas de litige dans le cadre familial.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - L'évaluation médicale comprend en tant que de besoin une évaluation psychologique et sociale plus ou moins poussée. Elle existe, elle figure dans les bonnes pratiques, elle s'appliquera aux nouveaux demandeurs comme aux anciens, il n'y a pas lieu d'inscrire cette précision dans la loi.

L'amendement n°192 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos260 rectifié et 45 rectifié bis.

M. le président.  - Amendement n°261 rectifié, présenté par Mme Schillinger et les membres du groupe La République En Marche.

I.  -  Après l'alinéa 44

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...) Une information relative à la nécessité pour les membres du couple ou la femme non-mariée, dans l'intérêt supérieur de l'enfant, d'anticiper et de créer les conditions qui leur permettront d'informer l'enfant, avant sa majorité de ce qu'il est issu d'un don ;

II.  -  Après l'alinéa 45

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« 6° Informer verbalement les membres du couple ou la femme non-mariée, dans l'intérêt supérieur de l'enfant de la nécessité d'anticiper et de créer les conditions qui leur permettront d'informer l'enfant, avant sa majorité de ce qu'il est issu d'un don.

III.  -  Alinéa 46

Remplacer la référence :

par la référence :

Mme Patricia Schillinger.  - Le Gouvernement a voulu faciliter l'accès aux origines, démarche personnelle et légitime. Informer l'enfant qu'il est issu d'un don est un préalable logique, avant même sa majorité.

Cet amendement inscrit dans le dossier remis aux demandeurs une sensibilisation à cette question, renforcée par une information orale.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Avis défavorable. La commission spéciale avait supprimé cette mention non normative et ambiguë. La rédaction retenue laissait penser que l'information devait être donnée juste avant la majorité de l'enfant.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Le texte de loi initial précisait qu'il convient d'inciter les parents à informer l'enfant qu'il est issu d'un don. Que cela devienne une obligation n'est ni faisable ni souhaitable.

L'amendement n°261 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°26 rectifié, présenté par M. Bonhomme, Mme Lanfranchi Dorgal, M. Paccaud et Mme Bonfanti-Dossat.

Alinéa 49

Compléter cet alinéa par les mots :

ou à un avocat

M. François Bonhomme.  - Le nouvel article L. 2141-10 du code de la santé publique prévoit que le couple ou la femme non mariée qui, pour procréer, recourent à une assistance médicale nécessitant l'intervention d'un tiers donneur doivent préalablement donner leur consentement à un notaire.

Cet amendement ouvre la possibilité pour le couple et la femme non mariée de donner leur consentement à un avocat.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable.

Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux.  - Même avis, je m'en suis déjà expliquée.

L'amendement n°26 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°115 rectifié, présenté par Mme Guillotin, MM. Arnell, A. Bertrand et Cabanel, Mme M. Carrère, MM. Castelli, Collin et Corbisez, Mme Costes, M. Dantec, Mme N. Delattre, MM. Gabouty, Gold et Labbé, Mme Laborde et MM. Requier, Roux et Vall.

I.  -  Alinéas 51 et 52

Supprimer ces alinéas.

II.  -  Alinéa 57

Supprimer les mots :

, en application du I de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique,

Mme Véronique Guillotin.  - Cet amendement maintient les conditions actuelles de prise en charge de l'AMP par l'assurance maladie.

Limiter l'accès des femmes les plus modestes à la PMA est une incitation aux rapports non protégés ou aux pratiques à risques, comme les inséminations non sécurisées, voire artisanales.

M. le président.  - Amendement identique n°228, présenté par Mme Rossignol, MM. Jomier et J. Bigot, Mmes de la Gontrie, Meunier et Blondin, MM. Daudigny, Vaugrenard et Kanner, Mme Conconne, M. Fichet, Mme Harribey, M. Montaugé, Mme Monier, M. Antiste, Mme Artigalas, MM. Assouline, Bérit-Débat et J. Bigot, Mme Bonnefoy, MM. Botrel, M. Bourquin, Boutant et Carcenac, Mme Conway-Mouret, MM. Courteau, Dagbert, Daunis, Devinaz, Durain, Duran et Éblé, Mme Espagnac, M. Féraud, Mmes Féret, M. Filleul et Ghali, M. Gillé, Mmes Grelet-Certenais et Guillemot, M. Jacquin, Mme Jasmin, MM. P. Joly, Kerrouche, Lalande et Leconte, Mme Lepage, M. Lozach, Mme Lubin, MM. Lurel, Magner, Manable, Marie et Mazuir, Mme Perol-Dumont, M. Raynal, Mme S. Robert, MM. Roger, Sueur et Sutour, Mme Taillé-Polian, MM. Temal et Tissot, Mme Tocqueville, MM. Todeschini, Tourenne et Vallini et Mme Van Heghe.

Mme Laurence Rossignol.  - Il est clair que la commission a souhaité réserver le remboursement par la sécurité sociale des AMP avec tiers donneur aux couples hétérosexuels.

La sécurité sociale a pour fonction d'organiser une solidarité collective qui marque l'appartenance à une communauté. En excluant les couples lesbiens et les femmes seules, vous décidez qui est légitime pour recourir à une AMP avec donneur et qui ne l'est pas.

Tout cela rappelle les débats de 1975 sur le droit à l'avortement, légalisé mais pas remboursé. Pour qu'il le soit, il a fallu attendre 1982. On entend les mêmes mots que pour l'avortement : AMP de confort, de convenance. L'extrême droite continue à réclamer le déremboursement. J'entends souvent des propos natalistes dans cet hémicycle.

M. Loïc Hervé.  - On peut l'être !

Mme Laurence Rossignol.  - Pourquoi alors se priver des enfants des femmes seules et des couples lesbiens ?

M. le président.  - Amendement identique n°262 rectifié, présenté par M. Mohamed Soilihi et les membres du groupe La République En Marche.

Mme Patricia Schillinger.  - Seul le remboursement rend effectif l'accès à ce nouveau droit. L'AMP de couples hétérosexuels ne s'inscrit pas toujours dans un contexte pathologique. N'écartons pas les publics les plus précaires de l'AMP. Le coût annuel de l'AMP étendue représentera seulement 5 % du coût total de l'AMP, selon l'étude d'impact.

M. le président.  - Amendement identique n°295, présenté par le Gouvernement.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Nous voulons rétablir le remboursement pour tous. L'AMP actuellement est prise en charge non parce qu'elle serait le traitement ou la prévention d'une pathologie, mais parce que c'est un acte médical. Le cadre médical sera identique pour tous les couples et pour les femmes. Sans ce remboursement, on ouvrirait un nouveau droit aux femmes sans le rendre effectif. Une des priorités des politiques publiques est de limiter les inégalités sociales liées aux revenus. Le Conseil d'État exclut pour des raisons juridiques tout régime différencié selon l'orientation sexuelle. N'accordons pas un droit formel qui ne soit pas un droit réel.

M. le président.  - Amendement n°95 rectifié, présenté par Mme Doineau, MM. Cazabonne, Guerriau, Cadic, Vanlerenberghe, Capo-Canellas et Détraigne, Mmes Saint-Pé et Schillinger et M. Delcros.

I.  -  Alinéa 52

Remplacer les mots :

du I de l'article L. 2141-2

par les mots :

des articles L. 2141-2 et L. 2141-2-1

II.  -  Alinéa 57

Supprimer les mots :

, en application du I de l'article L. 2141-2 du code de la santé publique,

Mme Élisabeth Doineau.  - Compte tenu des explications précédentes, je le retire au profit de celui du Gouvernement.

L'amendement n°95 est retiré.

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Nous faisons du droit. Le code de la sécurité sociale est clair : notre système de solidarité nationale assure la protection contre le risque et les conséquences de la maladie.

Je suis navrée, madame la ministre, mais je ne suis pas d'accord quand vous dites qu'il n'y a pas de caractère pathologique pour les couples hétérosexuels recourant à l'AMP. Celle-ci remédie à l'infertilité d'un couple, médicalement constatée. Les femmes seules et les couples de femmes ne sont pas dans ce cas.

La solidarité nationale n'a pas à être mise en oeuvre. Avis défavorable, donc.

M. Sébastien Meurant.  - Les pères ou mères peuvent avoir droit à un congé paternel ou maternel selon leur sexe, hérité de leurs parents. En tant que maire, j'ai vu en revanche des personnes faire une PMA à l'étranger et demander, à leur retour, un congé maternel et un congé paternel... N'y a-t-il pas là une injustice vis-à-vis des couples hétérosexuels ?

Mme Éliane Assassi.  - Rejoignez le Rassemblement national, ce sera plus clair !

M. Michel Amiel.  - Dès lors qu'on estime judicieux d'ouvrir la PMA aux couples de femmes, il paraît normal de la rembourser. Je n'ai pas voté cette ouverture mais je voterai l'amendement.

La commission spéciale se donne bonne conscience et se rattrape d'avoir voté la PMA pour toutes en refusant le remboursement. Cela frôle l'hypocrisie.

Mme Laurence Cohen.  - Exactement. La commission spéciale a voté un nouveau droit pour toutes et place immédiatement des obstacles qui touchent les femmes seules ou en couple.

Nous avons eu un débat en séance publique, nous avons réfléchi ensemble, nous avons cheminé. Il faut aller au bout, sans nous cacher derrière le critère de la pathologie.

La position de la commission a un caractère punitif. Un congé maternel n'est pas pathologique, or il est pris en charge par la sécurité sociale.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Le Conseil d'État a exclu un régime différent de prise en charge au regard de la seule orientation sexuelle ; mais il a aussi dit que le seul critère pertinent serait la visée thérapeutique, à l'instar de la distinction établie entre chirurgie esthétique et la chirurgie réparatrice.

La suppression ou la réduction des mesures en faveur des familles depuis sept ans - cinq sous le mandat de M. Hollande et deux sous celui de M. Macron - ont contribué à une forte baisse de la natalité. Ce n'est pas le fait de ne pas rembourser ces actes qui va accentuer la baisse !

La ministre a dit qu'il n'y avait pas forcément de pathologie dans les couples hétérosexuels mais l'AMP est prise en charge dès lors qu'il y a infertilité médicalement constatée - autrement dit, un problème médical.

En effet, l'IVG n'a pas été pris en charge dès 1975 par la sécurité sociale, malheureusement ; c'est un acte médical dont les dangers sur l'utérus sont plus importants que ceux de l'AMP.

Enfin, si la sécurité sociale ne rembourse pas l'AMP étendue, les mutuelles, dont les bénéfices sont très importants, pourront s'amuser, elles, à prendre en charge cet acte.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie.  - S'amuser ?

M. Philippe Bas.  - Actuellement, l'AMP est prise en charge par l'assurance maladie non parce qu'elle serait un droit mais parce qu'elle est réservée aux couples infertiles : cet état est médicalement constaté, des soins sont dispensés pour y remédier.

Les nouveaux cas d'assistance médicale à la procréation sont de nature différente. Si les couples se soumettent au traitement de l'infertilité qui est très lourd, c'est bien parce qu'ils sont infertiles. Les femmes seules ou les couples de femmes ne sont pas identiquement infertiles, ils ne suivent pas de traitement. Quelle légitimité au financement de ce qui n'est pas une indication médicale ?

L'assurance maladie n'est pas la vache à lait des politiques gouvernementales de solidarité. Trouvez une autre source de financement ! (Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains)

M. Jean-Pierre Corbisez.  - Les couples qui retrouveraient leur fertilité devraient-ils rembourser les procédures d'AMP antérieures ?

L'acte, en Belgique ou en Espagne, coûte 500 euros. Va-t-on inciter ces femmes à se rendre à l'étranger ?

Mme Véronique Guillotin.  - L'infertilité est le constat que le couple ne peut pas avoir d'enfant. En voici une définition : pas de grossesse après 24 mois de rapports réguliers et complets, deux à trois fois par semaine, sans contraception. C'est la même définition pour un couple hétérosexuel ou homosexuel ou pour une femme seule.

Et comment le médecin pourrait-il juger si la cause est médicale, ou si les rapports sexuels ne sont pas suffisamment nombreux ? Il se borne à constater que le couple ne peut avoir d'enfant.

Mme Laurence Rossignol.  - Il y a une ambiguïté sur le terme « médicalement constaté » par un médecin. Ce dernier s'appuie sur la déclaration du couple.

Je rappelle que l'AMP ne soigne pas l'infertilité ; le couple reste stérile, mais il a un enfant. Il ne se voit pas prescrire un traitement médical contre l'infertilité ! Le président Bas l'a dit, il est opposé à l'extension de l'AMP, donc il ne veut pas que la sécurité sociale la prenne en charge.

Du reste l'AMP n'est pas aussi consensuelle que vous le prétendez. Les associations les plus activistes sont opposées à l'AMP avec tiers donneur pour les couples hétérosexuels, tout comme l'Église catholique. Une concession a été faite dans le passé, malgré les réticences, aux couples hétérosexuels. Mais vous ne voulez pas entendre parler de l'AMP pour les couples lesbiens, tout simplement parce que vous leur déniez le droit d'avoir et d'élever des enfants.

M. Alain Milon, président de la commission spéciale.  - Monsieur Corbisez, après une AMP, des grossesses naturelles peuvent survenir, certes, non par miracle, mais parce que des causes naturelles n'ont pas été détectées.

Madame Rossignol, je le dis par boutade, l'arthrose de hanche non plus n'est pas soignée. On se borne à remplacer la hanche par une prothèse... (Murmures)

M. Bernard Jomier.  - Le champ des prises en charge de la sécurité sociale a considérablement évolué. Au début, l'essentiel du budget allait dans les indemnités journalières, pas dans les soins, qui sont arrivés après, puis sont venus les actes de prévention, occupant progressivement une place de plus en plus grande. C'est le soin plus que l'indication qui est remboursé.

René Frydman raconte dans Le Droit de choisir, publié en 2016, qu'il a reçu des couples sans vie sexuelle demandant une AMP et qu'il ne voyait pas pourquoi les refuser. Ces couples sont venus pour un soin. À titre individuel et empathique, et parce que c'est la mission de la sécurité sociale, ils ont été pris en charge. Je comprends que l'on s'y oppose, mais la conséquence sera directe. On divisera les patients en deux catégories : celle qui a les moyens et celle qui ne les a pas.

M. Pascal Savoldelli.  - Supprimons la question du financement pour pouvoir correctement évaluer. N'ajoutons pas la polémique à la polémique. Mais quand on ouvre un droit, on l'ouvre complètement. Parce qu'il y a expérimentation, il y aura évaluation.

Monsieur Milon, nous allons voter pareillement, mais je réagis à votre réponse à Mme Rossignol, qui n'est vraiment pas glorieuse. (Sourires approbateurs sur les travées des groupes CRCE et SOCR)

Je referme aussitôt la parenthèse pour souligner qu'il reste des divergences politiques entre nous. Ainsi, vous avez proposé de substituer les mutuelles à la sécurité sociale : cela a évidemment une signification politique.

M. Yves Daudigny.  - Je soutiens pleinement mes collègues Rossignol et Jomier. Une FIV coûte environ 3 000 euros. Il faut y ajouter les médicaments de stimulation, la conservation des gamètes et d'autres frais. Au total, le CCNE évalue le coût de trois cycles à 20 000 euros pour la femme.

L'AMP, pour l'assurance maladie, ce sont, selon le conseil d'orientation de l'Agence de la biomédecine, 200 ou 300 millions d'euros, soit 0,1 % des dépenses d'assurance maladie avec un Ondam à 200 milliards d'euros.

Ouvrir un droit et le fermer en ne remboursant pas son exercice n'est pas acceptable.

M. Olivier Cadic.  - Permettez-moi de rappeler un souvenir de l'histoire de France : Catherine de Médicis et Henri II n'arrivaient pas à avoir d'enfant ; le médecin leur a conseillé de s'y prendre d'une certaine manière... et ils ont eu cinq enfants ! (Exclamations et sourires) C'était sans doute l'un des premiers exemples de PMA. (Mme Cécile Cukierman proteste.)

M. le président Bas a présenté une démonstration très brillante, mais, franchement, je n'y ai rien compris ! (Rires) J'ai voté pour la PMA post mortem au nom de la liberté. Je voterai ces amendements au nom de la liberté. (Applaudissements sur quelques travées du groupe LaREM)

Mme Patricia Schillinger.  - Très bien !

M. Fabien Gay.  - Ne mêlons pas le débat précédent sur l'extension de la PMA à celui qui nous occupe à présent, sur la prise en charge. Ce n'est plus la question : nous avons voté l'ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes dans mon groupe à une exception.

Une fois ce droit ouvert, il faut en garantir l'accès avec le remboursement par la sécurité sociale. Même ceux qui ont voté contre l'extension de la PMA, et je le respecte, doivent dissocier ces deux questions. Il s'agit bien ici de l'égal accès aux droits.

À la demande du groupe SOCR, les amendements identiques nos115 rectifié, 228, 262 rectifié et 295 sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°68 :

Nombre de votants 331
Nombre de suffrages exprimés 318
Pour l'adoption 142
Contre 176

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°46 rectifié bis, présenté par Mmes Chain-Larché et Thomas, MM. Cuypers et de Legge, Mme Ramond, M. Vaspart, Mmes Gruny et Sittler, MM. Paccaud, de Nicolaÿ, Chaize et B. Fournier, Mme Bories, M. Bascher, Mme Deroche, MM. Mandelli et Piednoir et Mme Noël.

Alinéa 55

Remplacer les mots :

de l'infertilité

par les mots :

de la stérilité

M. Dominique de Legge.  - L'article L. 160-14 du code de la sécurité sociale évoque la stérilité, alors qu'en matière d'AMP, on se réfère à l'infertilité. Il faut harmoniser en remplaçant dans le projet de loi « infertilité » par « stérilité ».

Mme Muriel Jourda, rapporteur.  - Retrait ou avis défavorable. Il faudrait plutôt faire l'inverse de ce que vous proposez et faire référence à l'infertilité qui est un terme plus large.

Mme Agnès Buzyn, ministre.  - Avis défavorable.

L'amendement n°46 rectifié bis n'est pas adopté.

À la demande du groupe SOCR, l'article premier est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°69 :

Nombre de votants 321
Nombre de suffrages exprimés 276
Pour l'adoption 160
Contre 116

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur plusieurs travées des groupes Les Indépendants, LaREM, SOCR et CRCE)

M. le président.  - Nous avons examiné 58 amendements ; il en reste 207.

Les conclusions de la Conférence des présidents sont adoptées.

Prochaine séance, jeudi 23 janvier 2020, à 10 h 30.

La séance est levée à minuit.

Pour la Directrice des Comptes rendus du Sénat,

Jean-Luc Blouet

Chef de publication